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09/01/2009 – Rapport annuel du CSA sur RFO

Sur les 1.223 heures consacrées à l'information, 36% proviennent de la station, tout le reste provient du réseau des chaines publiques ultramarines (14%), des chaînes nationales (45%) ou de l'international (Euronews ou AITV pour 5%).

Par ailleurs, les documentaires divers ont occupé l'écran durant 709 heures, ce qui place notre chaine très loin devant les autres qui ont une moyenne de 200 heures pour l'année 2007, à part Wallis et Futuna où les téléspectateurs semblent là-bas aussi très amateurs de ce type d'émissions avec 585 heures en 2007.

Dans les programmes culturels, le volume de diffusion de programmes de musique et de variétés a atteint 498 heures pour Télé Mayotte, dans la moyenne du reste de l'Outremer. Conformément à l'article 29 premier alinéa du texte qui régit RFO, "la société veille à illustrer toutes les formes d’expression de la musique en ouvrant largement ses programmes aux retransmissions de spectacles vivants", rapporte le CSA qui précise : "En 2007, le volume de diffusion des programmes de variétés a légèrement diminué par rapport à l’année 2006 (baisse de 5%). La part consacrée aux retransmissions de spectacles vivants a augmenté (hausse de 21 %)". Sur ce plan d'ailleurs, Mayotte s'en sort plutôt bien avec la diffusion de 146 heures de spectacles vivants, en 2ème place, juste derrière la Nouvelle-Calédonie avec 159 heures, mais loin devant le dernier, la Guadeloupe avec 47 heures consacrées aux spectacles vivants en 2007.

Le rapport du CSA fait ensuite état de la publicité. Sur Télé Mayotte, elle a occupé 292 heures sur l'année 2007. Radio Mayotte pour sa part a émis 91 heures et 41 minutes de publicités sur ses ondes, ce qui représente 15 minutes par jour, alors que la moyenne sur l'ensemble des radios ultramarines se situe à 9 minutes par heure.

Au total, RFO Mayotte a assuré 300 heures de productions locales en interne (contre 314 heures en 2006), 42 heures de coproductions ou sous-traitance (22 h en 2006) et 11 heures en achats et échanges (4 h en 2006). C'est la plus faible quantité de production locale avec Saint-Pierre et Miquelon (214 h de production interne) et Wallis et Futuna (259 h). Des stations plus conséquentes, comme RFO Réunion ont ainsi produit en interne 661 heures de programmes locaux, soit une heure trois quarts par jour.


"Kala oi dala" spécial départementalisation

RFO Mayotte prépare, dans la perspective de la consultation sur la départementalisation, une série d'émissions "Kala oi dala" spécial départementalisation. 6 débats retransmis en direct en radio et télé seront organisés avec des représentants de la presse écrite dans l'hémicycle Younoussa Bamana les mercredis 14 et 21 janvier, 11 et 18 février, 4 et 11 mars, de 20h00 à 22h00.

09/01/2009 – Concours de l’hospitalité – Participation de 9 communes

Pour les participants le suspense est difficile à supporter et déjà les coups de fils s'intensifient… "Depuis la fin des délibérations, de nombreuses rumeurs circulent sur le choix final du jury. Nous avons reçu plusieurs appels de personnes inquiètes ou mécontentes, c'est dire à quel point les gens s'intéressent à cet événement", constate Attoumani Harouna, vice-président du comité de tourisme de Mayotte (CDTM).

Neuf communes se sont inscrites pour cette première édition, parmi lesquelles Tsingoni, Chiconi, Chirongui et Bouéni. Un intérêt qui s'explique en grande partie par le prix mis en jeu. Un plan de promotion d'une valeur de 50.000 euros pour la commune lauréate, mais aussi la possibilité de se faire connaître jusqu'en Métropole. Les organisateurs ont ainsi été agréablement surpris par l'implication de la population. Dans chaque commune les habitants ont mis le paquet pour gagner.

A la mairie de Pamandzi on n'a pas eu besoin de pousser les administrés pour les motiver, comme l'explique un responsable : "Nous avons juste contacté le réseau associatif de la ville et tout de suite tout le monde s'est mobilisé. Nous avons organisé un voulé, des m'biwis ainsi qu'une visite de la ville. Même les écoles coraniques sont venues nous soutenir avec l'organisation d'un débah".

Ce concours d'un nouveau genre est une étape importante dans le plan d'action du développement touristique de l'île. Le conseil général espère ainsi sensibiliser la population et les élus à l'accueil des touristes. Aussi bien par rapport à leur attitude, mais plus particulièrement dans la mise en valeur de leur environnement et des sites touristiques.

Propreté de la commune, aménagements paysagers, floraux, mise en valeur, facilité d'accès, sécurité des sites… Voici quelques uns des critères évalués par un jury composé de socioprofessionnels, d'élus, de la direction de la jeunesse et sport et d'associations.

On notera tout de même l'absence remarquée des agences de tourisme. Sur les quatre réceptifs présents sur l'île, un seul a accepté de participer à l'événement, au grand regret d'Attoumani Harouna : "Ces agences, de par le contact direct qu'elles ont avec les touristes, sont les meilleures interlocutrices pour trouver ce qui ne va pas et aider les municipalités à déterminer les modifications nécessaires pour un meilleur accueil".

Mais les jeux sont faits. Les résultats des délibérations sont désormais entre les mains d'un huissier. Dès la fin du mois de janvier, un compte-rendu sera envoyé à chacune des neuf communes. Les résultats ne seront pas connus avant la fin du mois de février; le jour de l'inauguration des nouveaux locaux du comité du tourisme.

Halda Toihiridini

09/01/2009 – Economie : Fiscalité & Pouvoir d’achat

"L'objectif de ces nouvelles dispositions vise à aller vers la départementalisation", résume le directeur des impôts. Petit à petit, le régime fiscal mahorais s'aligne sur celui en vigueur dans les autres Dom, en attendant les quatre impôts locaux qui ne devraient entrer en vigueur qu'en 2014, selon la feuille de route communiquée par le Président de la République. M. Jean-Baptiste a obtenu des conseillers généraux le vote de toute une série de mesures visant globalement à faire baisser l'imposition sur les contribuables mahorais, encore à un niveau très haut, sans qu'il y ait une baisse des recettes pour le Collectivité. Selon lui, l'impact de ces nouvelles modifications du Code général des impôts de Mayotte sur les finances du conseil général sera faible car les recettes venant de l'imposition sont beaucoup moins importantes que celles relatives aux droits de douane.

L'impôt sur le revenu passe de 50 à 39 tranches, et l'impôt de solidarité, qui concernait les petits contribuables dont les revenus annuels étaient compris entre 7.000 et 10.000 euros, est supprimé. Selon M. Jean-Baptiste, l'impact de cette réduction de l'imposition est faible pour les finances de la CDM car la progression des revenus imposables est en constante augmentation ces dernières années, passant par exemple de 16,5 millions d'euros en 2007 à 25 millions en 2008. La tranche de revenus la plus élevée passe donc d'une imposition de 50 à 39%, ce qui va profiter aux quelques 500 "gros" contribuables, mais également aux 90% de la population qui ont des revenus moyens ou faibles. "En période de crise, l'effort de l'Etat porte surtout sur les "petits"", tient à souligner le directeur des services fiscaux.

"Le barème n'avait pas évolué depuis 2003, alors que les revenus ont augmenté", explique M. Jean-Baptiste, "c'est pour ça que l'impôt sur le revenu devenait lourd à Mayotte : il y avait par exemple une différence de 35% dans certains cas par rapport à la Réunion". En outre, dans le calcul de l'impôt sur le revenu, la déclaration de plusieurs épouses est désormais impossible. "En droit français, la seconde épouse n'existe pas. C'est seulement une mesure technique", précise le directeur des services fiscaux, "il n'est pas question pour les impôts d'intervenir dans les us et coutumes des Mahorais, mais si on veut aller vers le droit commun, on ne peut pas l'inclure".

La loi Girardin et la loi Tepa désormais applicables

D'autres dispositions du droit commun sont également applicables dans leur intégralité, comme la loi Girardin qui permet désormais aux résidents de Mayotte de défiscaliser leurs investissements ailleurs que sur le territoire mahorais, "dans un souci de réciprocité et d'harmonisation des règles". Là encore, selon M. Jean-Baptiste, l'impact sur les finances de la CDM sera faible car généralement les investisseurs défiscalisent là où ils habitent, et les prix de la construction à Mayotte demeurent plus attractifs que dans les autres Dom. Une réunion sera prochainement organisée avec les professionnels de la défiscalisation et la préfecture pour leur expliquer les nouvelles procédures, avec des dossiers qui seront désormais envoyés directement aux impôts, sans passer par la préfecture.

La loi Tepa (loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat) du 22 août 2007 est désormais applicable et va permettre d'aligner les droits de succession et les droits de donation sur ceux de la Métropole, avec par exemple l'abattement sur la donation entre grands-parents et petits-enfants, qui était jusque-là fortement imposée. Une autre réforme chère au Président Sarkozy, celle de l'exonération sur les intérêts d'emprunt est désormais également applicable. Les intérêts sur les prêts étudiants et les rachats d'entreprises par les salariés seront aussi exonérés. La prestation compensatoire en cas de divorce est désormais déductible, même dans le cas où le conjoint habite en Métropole. Enfin, la plupart des droits de timbre ont été supprimés, tout comme le droit de bail (une taxe de 2,5% sur les loyers).

La référence à la doctrine et à la jurisprudence métropolitaines aujourd'hui possibles

De nouveaux crédits d'impôts sur le revenu sont également possibles pour tout contribuable qui décide d'acheter un équipement qui utilise des énergies renouvelables ou qui favorise l'isolation thermique des bâtiments : 50% du prix d'achat de ces équipements sont déductibles. Une mesure qui vise notamment à inciter les particuliers à s'équiper en chauffe-eau solaires (voir dossier MH n°399).

Autre innovation : la référence à la doctrine et à la jurisprudence en matière de droit fiscal en Métropole pourra être utilisée à chaque fois qu'une disposition du Code général des impôts de Mayotte fera référence à un texte identique en Métropole. "Les avocats affirmaient qu'à cause de l'autonomie fiscale, on ne pouvait pas utiliser les jugements de Métropole ou les bulletins officiels de l'administration", explique M. Jean-Baptiste.

L'identité législative est donc en train de se faire de manière progressive, et doit s'achever en 2014 au plus tard. "Nous travaillons avec tous les ministères pour que ce qui est possible de passer en identité législative, on le fasse quand techniquement ça ne pose pas de problème législatif, informatique ou d'identification des personnes", souligne M. Jean-Baptiste.

Depuis le 1er janvier 2008, l'impôt sur les sociétés est le même qu'en Métropole, mais les services fiscaux doivent encore évaluer la valeur locative cadastrale de toutes les propriétés, pour que les "4 vieilles" de la fiscalité directe locale (taxe d'habitation, taxe professionnelle et taxes foncières sur le bâti et le non-bâti) puissent être mises en place. Un travail qui devrait prendre encore 2 à 3 années…

Julien Perrot


L'abattement de 20% pour les salariés intégré

Pour les déclarations de revenus de 2008 qui auront lieu au mois d'avril, une mesure de simplification vient d'être adoptée par le conseil général, sur proposition des services fiscaux : désormais, l'abattement de 20% pour les salariés sera directement intégré au barème de l'impôt sur le revenu. "Dans un souci de simplification et de lisibilité, toute l'architecture de l'impôt sur le revenu et tous les seuils comme celui du quotient familial, ont été modifiés pour prendre en compte l'abattement de 20% pour les salariés", explique M. Jean-Baptiste, le directeur des services fiscaux.

Par exemple, pour un salarié qui a 10.000 euros de revenus annuels, une fois l'abattement de 10% pour les frais, puis celui de 20%, le barème s'appliquait pour l'instant sur 7.200 euros de revenus déclarés. Cette année, ce contribuable sera taxé sur 9.000 euros, mais comme le barème a été modifié, il ne paiera pas plus d'impôts. "Ca ne changera rien, et même ça baissera", assure M. Jean-Baptiste. Pour rétablir l'équilibre, les revenus des professions non-salariées seront multipliés par 1,25, mais là aussi cette surtaxe ne changera pas leur imposition. Les déductions supplémentaires pour certaines professions restent en vigueur.


Toutes les plus-values immobilières seront maintenant taxées

Avec la réforme de la publicité foncière, tous les actes portant sur l'immobilier doivent désormais être enregistrés au service de la conservation de la propriété immobilière par l'intermédiaire du notaire (voir dossier MH n°402). L'administration pourra ainsi avoir connaissance de toutes les plus-values réalisées et leur liquidation sera réalisée par les notaires au moment de la rédaction et de la publication des actes. Le directeur des services fiscaux se félicite de cette réforme car avec la disparition et la régularisation progressive des actes sous seings privés et ceux rédigés par les cadis, "maintenant, toutes les plus-values éventuelles seront taxées pour abonder le budget de la Collectivité".

09/01/2009 – La polyandrie mahoraise : Un business inimaginable

Si tout le monde connaît les fâcheuses conséquences de la polygamie (plus de charges, un temps partagé, plus de dépenses d'énergie, plus de chance de rupture, conflit familial…), dieu sait combien sont les Mahorais qui se lancent dans l'aventure, dans ce défi. Et quel défi ! Celui de maintenir l'amour de plusieurs femmes en même temps. Cependant, il existe quelques avantages à mettre en avant. En effet, certains hommes voient en la polygamie l'évanouissement d'une lassitude chez un couple. Aussi, en mettant la main sur deux épouses – ou trois, voire plus pour les plus inébranlables – la plupart d'entre eux se réapproprient un plaisir à la fois sensuel et sexuel, abandonné au cours des années, des mois et parfois même après quelques semaines passées avec une seule et même compagne.

Et les femmes dans toute cette histoire ? Que ressentent-elles ? Quelle est leur position à ce sujet ? Si certains hommes n'osent pas l'imaginer, "la polygamie féminine" demeure une chose qui se pratique bel et bien dans les sociétés humaines, et légalement, notamment dans des tribus africaines et sud-américaines; elle porte pour nom exact : la polyandrie. Toutefois, cette expression s'emploie beaucoup plus souvent chez les espèces animales, où ce phénomène n'est pas exceptionnel. On retrouve la polyandrie au sein de certaines espèces animales telles que les chimpanzés, les crapauds, les phoques ou encore des oiseaux. Là, les femelles s'accouplent avec plusieurs mâles. Seulement, nous vivons dans un univers différent où la polyandrie n'est même pas évocable tant elle est mal perçue. Mais ce plaisir perdu des hommes, évoqué dans les précédentes lignes ne peut-il être vécu, ressenti par les femmes ? Nous le demandons !

"Un polygame est un lâche"

Dans cette enquête sur le terrain réalisée par Mayotte Hebdo, les réactions sont irrévocables. A écouter les jeunes demoiselles, dames mariées et "vieilles filles" des quatre coins de l'île, la réponse apparaît d'une seule et unique voix. "Bien sûr que oui, nous pouvons être lassées de notre mari", s'emballe Fatima*, jeune femme de polygame au milieu de ses copines. "Je peux même vous assurer que les femmes ressentent beaucoup plus ce sentiment que les hommes. Souvent c'est nous qui déclarons notre flamme, mais souvent c'est nous qui voulons raccrocher en premier." Alors pourquoi rester, peut-on s'interroger ! Une question qui n'aura pas à être posée, la jeune mariée de Koungou y répondra en poursuivant dans son élan : "Mais si moi je reste auprès de mon époux, c'est par amour pour lui, mais c'est avant tout pour mon amour propre", jure-t-elle.

Victime de la polygamie mais préférant rester dans l'anonymat, une originaire de Dembéni estime qu'"un polygame est un lâche. Comment peut-on aimer deux femmes ? Comment peut-on jouer avec les sentiments d'une personne comme ils le font ?", accable-t-elle. Regards penchés vers l'interlocutrice, visages remués de haut en bas comme pour dire "éwa", les cinq-six amies autour sont d'accord. Beaucoup de Mahorais s'engagent de manière officielle dans la polygamie. Mais plus nombreux encore sont ceux qui préfèrent accaparer des conquêtes sans aucune démarche administrative ni légale, autrement dit avoir une ou plusieurs amantes. Localement, ceux-là sont désignés dans certains villages comme étant des "polygames au black".

"Polygame au black, ils le sont tous"

Des amantes, il y en a partout dans le monde, c'est presque normal. Seulement à Mayotte, c'est comme qui dirait dans le sang pour un homme d'avoir plusieurs copines : "Une ? Non, c'est impossible ! Je ne me vois pas avec une seule femme.", se persuade Abdou. Contrairement à Fatima, le Tsimkouriote de vingt-deux ans ne voit aucun inconvénient à exprimer sa position. D'ailleurs, père d'un petit garçon, il a été clair avec la mère de son petit, dès le départ. "Bien avant qu'elle tombe enceinte, je lui ai dit que je ne pouvais pas être qu'avec elle. Au départ, elle n'avait pas accepté et on n'était plus ensemble, mais au bout d'un moment ma copine est revenue. On n'en a jamais reparlé, mais elle sait bien ce qu'il se passe. Par contre je fais gaffe, j'aime et je respecte ma copine et jamais je me promènerais publiquement avec une autre fille", affirme le basketteur de quelques soirs en achevant sa cigarette.

Abdou rejette sa dernière bouffée de fumée de ses poumons et enchaîne : "Elles ne doivent pas faire ce qu'on fait ! Elles, elles doivent rester fidèles à leurs copains ou à leurs maris. C'est comme ça, ça a toujours été comme ça. Pour moi, une femme qui trompe son mec est une pétasse et elle ne mérite aucun pardon", ne manque-t-il pas de maudire. Problème pour Abdou, c'est que les mentalités changent ! Et si sa femme est toujours fidèle envers lui, et si la polygamie a toujours été comme ça, et si Mayotte musulmane accepte la polygynie tout en condamnant la polyandrie, il n'empêche : la révolution des Mahoraises, après tant d'années de silence – imposé-, veulent à leur tour goûter au plaisir d'une nouvelle chair.

Les femmes se révoltent

Pourtant en couple, elles sont de plus en plus à éprouver le désir de tester un autre homme, simplement par attirance sexuelle, pour confirmer un sentiment ou pour raisons strictement financières. Certaines – même si elles sont encore très rares – n'hésitent pas à le montrer ouvertement, quitte à se faire traiter de tous les noms d'oiseaux, y compris ceux qui n'existent pas… Comme la plupart des jeunes habitants de Tsingoni, Ayouba Abdou connaît une villageoise trompant son mari, mais qu'il n'a toutefois pas voulu salir pour leur famille : "Je ne dirais pas son nom, mais elle habite là, tout près", affirme-t-il en pointant du doigt la maison de l'heureuse élue.

"Tout le monde sait ce qu'elle fait, mais son mari ne veut pas ouvrir les yeux et nous traite de menteurs. Ça fait longtemps que nous avons arrêté d'essayer de convaincre le gars, et sa femme continue ses conneries", se désole le lycéen de Coconi. Avoir deux copains, devenir "polyandre au black", cette épidémie – qui se propage à vitesse grand V à Mayotte – atteint les plus jeunes. Faïza*, seize ans, vient d'entrer au lycée à Chirongui, son village. Cette élève de seconde est amoureuse d'un Mahorais, étudiant en Métropole qu'elle fréquente depuis deux ans… mais elle vient de le tromper : "Mon petit copain ne vient que pendant les vacances d'été. Déjà que c'est dur de rester dix mois toute seule, quand en plus un garçon pour qui tu éprouves de l'attirance vient t'avouer ses sentiments… Il fallait que j'accepte, car je doutais de ce que je ressentais, mais maintenant je sais que ce n'est pas lui. Avant je disais qu'il n'y en aurait pas d'autres que mon petit copain, mais là je ne dirai plus rien et laisserai les choses aller, car en vérité on ne peut pas savoir ce qui peut se passer dans son cœur", conclut-elle avec moins d'assurance.

Un réseau fermé, un scandaleux business

À côté d'elle, sa copine Faou*, dix-neuf ans et beaucoup moins sentimentale, détient des positions bien différentes : "Moi j'en ai rien à cirer des mecs. Au début je tenais à mon copain, mais il me faisait trop de mal avec ses autres p…., il y en avait qui étaient mes copines en plus. Aujourd'hui, la roue a tourné, je sors avec celui que j'ai envie. J'en ai un ici (ndlr : au lycée modulaire de Chirongui), un autre au lycée de Kahani et un m'zungu que je viens de rencontrer", avoue sans aucun scrupule la lycéenne avant de lâcher : "Eux, ils s'amusent depuis trop longtemps, à notre tour de nous amuser".

Les collégiennes et lycéennes y vont donc doucement de leur premier pas dans la péripétie. Cependant, celles-ci apparaissent comme on pourrait dire des "amatrices", des débutantes, à côté de la réalité cachée de Mayotte. Car c'est un véritable réseau de femmes mahoraises qui passent par cette alcôve, une pratique scientifiquement calculée car quasi systématiquement liée à des fins matériels.

"Elles s'en parlent, se comparent et en rigolent sans y trouver la moindre gêne", balance une nouvelle anonyme, dans la crainte d'être bannie de toute manifestation en dévoilant son identité… on la nommera Mariame. "C'était lors d'un mariage. J'étais parmi un groupe de femmes quand l'une d'elles nous a demandé ce que nous avions reçu pour la St-Valentin, elle m'a visé en premier. Je lui ai répondu un parfum et là elles se sont mises à rire. Elles étaient une dizaine et toutes avaient reçu des cadeaux hallucinants, devinez par qui ? Leurs amants, souvent des élus".

"La polyandrie à Mayotte existe, mais grave !"

"Une d'elle se vantait d'avoir reçu 10.000 euros, juste pour se payer un voyage", poursuit-elle, "une autre a choisi sa voiture neuve au concessionnaire, achetée par son amant. J'ai ensuite compris pourquoi elles riaient, j'étais ridicule avec mon tout petit parfum…". Pour cette fidèle dame mariée et mère d'une fille, ce type de comportement est honteux. "Faire un crédit de plusieurs années pour ce genre d'investissement, puis dire à sa femme ne pas avoir d'argent pour le goûter des enfants pour l'école, c'est irresponsable".

Aucun sentiment donc de la part de ces dames, que du business. Et il semble qu'elles savent parfaitement où elles mettent les pieds. Pas moins calculatrices que rusées, elles n'hésitent pas à faire usage de leur talent de comédienne en présence de "leurs victimes". Sociale, très appréciée et donc toujours témoin de ces propos, Mariame n'arrête pas d'halluciner dans les différents regroupements de femmes : "la polyandrie existe à Mayotte, mais grave !". Celle-ci continue de raconter : "elles sont malines, extrêmement malines et une fois qu'elles ont eu ce qu'elles voulaient, elles disparaissent. Des expertes en la matière je vous dis !".

Bonne parleuse en déclarant ne pas vouloir apporter le trouble dans la famille du "financeur", actrice talentueuse pour faire semblant d'être énervée au retour suspect de son mari ou pour esquiver la compagnie d'un amant mal foutu; ce qui compte, c'est d'atteindre le but fixé. Construire ou finir sa maison, rembourser des dettes, voyager, compléter son commerce… les raisons peuvent être nombreuses, mais il ne s'agit certainement pas – ou alors très rarement – de relation sentimentale.

La polyandrie, un sujet tabou que ni les Mahoraises et encore moins les Mahorais souhaitent publiquement reconnaître, mais qui est pourtant bien réelle à Mayotte.

* : Prénoms d'emprunt

Ichirac Mahafidhou

08/01/09 – Visite et voeux de Jégo

Le secrétaire d'Etat à l'Outremer Yves Jégo est attendu dans l'île ces jeudi 8 et vendredi 9 janvier. Il présentera ensuite ses voeux le mardi 13 janvier à 19h30. Il a choisi pour cela le site du Musée de la marine à Paris. Mercredi 14 janvier, la nouvelle première secrétaire du PS Martine Aubry délivrera son message pour la nouvelle année rue de Solferino et le jeudi 15 janvier le Premier ministre François Fillon se pliera à l'exercice des vœux à l'hôtel Matignon.

08/01/09 – Chiffre : 63.185.925

C'est le chiffre officiel de la population française, Outremer compris, révélé par l'Insee qui vient de publier son premier recensement général de la population française à partir d’une nouvelle méthode d’enquêtes annuelles par échantillons, une donnée primordiale pour chacune des 36.685 communes françaises.

"Quelque 350 dispositions législatives ou réglementaires font référence à la notion de population, régissant et organisant la vie des communes (finances, organisation et taille du conseil municipal, fonction publique territoriale) ou des structures intercommunales", a précisé l'institut de statistiques. Par rapport à 1999, date du dernier recensement général, la France (Outremer compris) a gagné 3 millions d’habitants.

L'avantage de la nouvelle méthode est de permettre un recensement actualisé avec une valeur légale chaque année (on aura début 2010 les chiffres valant pour l'année 2007 à partir des enquêtes menées entre 2005 et 2009). Dans les communes de 10.000 habitants ou plus, une enquête par sondage est effectuée, chaque année, sur 8% des logements. Pour celles de moins de 10.000 habitants, la collecte est exhaustive sur la commune, mais intervient seulement une fois tous les cinq ans.

08/01/09 – Visite et voeux de Jégo

Le secrétaire d'Etat à l'Outremer Yves Jégo est attendu dans l'île ces jeudi 8 et vendredi 9 janvier. Il présentera ensuite ses voeux le mardi 13 janvier à 19h30. Il a choisi pour cela le site du Musée de la marine à Paris. Mercredi 14 janvier, la nouvelle première secrétaire du PS Martine Aubry délivrera son message pour la nouvelle année rue de Solferino et le jeudi 15 janvier le Premier ministre François Fillon se pliera à l'exercice des vœux à l'hôtel Matignon.

08/01/09 – Chiffre : 63.185.925

C'est le chiffre officiel de la population française, Outremer compris, révélé par l'Insee qui vient de publier son premier recensement général de la population française à partir d’une nouvelle méthode d’enquêtes annuelles par échantillons, une donnée primordiale pour chacune des 36.685 communes françaises.

"Quelque 350 dispositions législatives ou réglementaires font référence à la notion de population, régissant et organisant la vie des communes (finances, organisation et taille du conseil municipal, fonction publique territoriale) ou des structures intercommunales", a précisé l'institut de statistiques. Par rapport à 1999, date du dernier recensement général, la France (Outremer compris) a gagné 3 millions d’habitants.

L'avantage de la nouvelle méthode est de permettre un recensement actualisé avec une valeur légale chaque année (on aura début 2010 les chiffres valant pour l'année 2007 à partir des enquêtes menées entre 2005 et 2009). Dans les communes de 10.000 habitants ou plus, une enquête par sondage est effectuée, chaque année, sur 8% des logements. Pour celles de moins de 10.000 habitants, la collecte est exhaustive sur la commune, mais intervient seulement une fois tous les cinq ans.

19/12/08 – La France rejette Bacar et ses proches

Parmi les dix dossiers examinés par la cour nationale du droit d'asile, celui du colonel Bacar et sa garde rapprochée ont essuyé un refus. Seuls trois "simples" soldats ont obtenu l'asile politique de la France, rapporte le Quotidien de la Réunion. Dernier épisode de l'affaire Bacar : la décision rendue par la cour nationale du droit d'asile concernant dix dossiers dont ceux du colonel Bacar et des trois Anjouanais, ses anciens ministres, expulsés vers le Bénin le 19 juillet. Cette haute juridiction a accordé l'asile politique à trois d'entre eux, de "simples soldats Bacar". Une de leurs avocates, Me Marie Briot, s'était rendue en banlieue parisienne le 12 novembre dernier pour défendre leur cas. "Leur retour à Anjouan est impensable, leur demande d'asile politique est pleinement justifiée par la situation aux Comores", avait-elle déclaré.

La décision de la cour nationale du droit d'asile s'est basée sur une jurisprudence s'appuyant sur le degré de responsabilités des hommes au moment de l'affaire Bacar. Cette juridiction a estimé que les postes de ministres tenus par les proches du colonel Bacar impliquaient qu'ils avaient couvert par leur autorité le régime Bacar. C'était pour eux la procédure de "la dernière chance". Mardi dernier, le dossier de cinq autres soldats Bacar a été étudié par la cour nationale du droit d'asile qui a mis en délibéré sa décision. Il reste en tout encore dix Anjouanais dont le sort n'est pas encore fixé.

19/12/08 – Pacte pour la départementalisation

La Pacte pour la départementalisation a été remis aux élus lors de leur rencontre avec le Président de la République ce mardi 16 décembre à l'Elysée. Il s'agit d'un document très précis, détaillé, d'une cinquantaine de pages, dont voici une synthèse.

 

Les principales étapes vers la départementalisation (2009-2012)

  • *29 mars 2009 : consultation de la population de Mayotte sur l’évolution vers la création d’un département relevant de l’article 73 de la Constitution.
  • *Eté 2009 : adoption de la loi organique mettant en œuvre le choix des Mahorais en cas de réponse positive. La loi organique prévoit que le département est créé le jour de l’installation de la nouvelle assemblée élue au plus tard en mars 2011. Une loi ordinaire précisera ensuite les modalités concrètes de mise en œuvre du droit commun qui en découle.
  • Eté 2009 – début 2011 : prise des textes législatifs et réglementaires nécessaires à la traduction de la "feuille de route" dans tous les domaines. Ces textes prévoient les adaptations nécessaires ainsi que la progressivité de certaines mesures.
  • 2009-2012 : fiabilisation de l’état-civil de l’ensemble des Mahorais. Première revalorisation des prestations déjà en vigueur à Mayotte.
  • Avril 2011 : installation de la nouvelle assemblée, création du département de Mayotte.
  • 1er janvier 2012 : mise en place des prestations sociales non encore étendues à Mayotte avec un taux correspondant à 25% du taux moyen national. Début de l’alignement progressif sur 20-25 ans des taux.

 

Les mesures en faveur du futur département

  • *Plus de 19 conseillers siègeront dans l’Assemblée départementale au renouvellement en 2011. Son président exercera les compétences d’un président de région et de département : une Assemblée unique.
  • Plus de moyens pour les communes : mise en place d’une fiscalité locale, des aides sociales, des taxes foncières, encourager l’intercommunalité. Dès l’élection de la nouvelle assemblée (en 2011), l’Etat lancera le schéma départemental de l’intercommunalité qui entrera en vigueur parallèlement à la mise en place de la nouvelle fiscalité locale. Seront ensuite engagés les transferts de compétences, là où la décentralisation n’a pas été complète.
  • Mayotte doit disposer d’un état-civil fiable, garant de l’identité avec un renforcement des moyens humains et matériels de la Créc. Après la consultation, une opération générale de recensement de tous les Mahorais sera effectuée dans chaque commune.
  • Mayotte doit disposer d’une justice républicaine : la justice cadiale est incompatible avec les principes républicains. L’Etat garantit deux statuts mais une seule justice. Les Mahorais qui relèvent du statut local peuvent encore faire appel à la justice cadiale. L’activité des cadis concernant les biens immobiliers a disparu au 1er janvier 2008, celle concernant l’état-civil devra se limiter à un conseil et non à l’établissement d’actes généraux de droit. Le rôle des cadis sera recentré sur des fonctions de médiation sociale. Leur activité judiciaire s’éteindra avec la mise en place des nouvelles institutions.
  • La maîtrise de la langue française : augmentation du nombre d’émissions en langue française sur RFO ; soutien aux familles, aux structures collectives, culturelles, médiatiques ou sportives, etc.
  • Respect de l’égalité hommes-femmes : affirmer l’égalité des époux dans le mariage, l’âge légal du mariage pour les femmes sera relevé de 15 à 18 ans, toute référence au tuteur matrimonial devra disparaître, le mariage religieux n’est pas interdit mais le mariage civil doit avoir était célébré au préalable en mairie par un officier d’état-civil, interdiction formelle de la polygamie.
  • Préserver l’équilibre social et l’ordre public : collaboration sans faille entre la police, la gendarmerie, l’armée, les services de la douance et du travail et l’autorité judiciaire afin de lutter contre la pression migratoire irrégulière, ce qui nécessite des outils juridiques adaptés à la situation mahoraise. La lutte contre l’immigration clandestine concerne toute la chaîne : passeurs, trafiquants, employeurs, poursuite de la politique de reconduite à la frontière, identifier et poursuivre les complices, à Mayotte, de l’immigration clandestine, bannir le travail clandestin, etc.

 

Une évolution progressive et adaptée

  • > Dans le domaine de la santé : une meilleure organisation des soins dans les 5 zones de l’île, des hôpitaux de référence, mise en place d’une politique de la santé pilotée par l’Etat, développer le secteur libéral.
  •  Renforcer la protection sociale : en Métropole ou dans les Dom, les prestations et les minima sociaux ont été crées au fil des décennies, en fonction du développement de l’économie et de la société. Il n’est ni possible ni souhaitable de verser immédiatement les prestations sociales au même taux qu’en Métropole ou dans les Dom. La généralisation des prestations sociales serait de nature à déstabiliser l’économie et la société, compte tenu du faible taux d’activité salariée.
  • L’augmentation des assurances sociales (maladie, retraite, famille, accidents du travail, chômage) sera menée au rythme de l’alignement des cotisations sur le régime de droit commun applicable en Métropole et dans les Dom et au rythme du développement économique de l’île. Un effort particulier sera fait sur la mise en place de l’allocation logement social.
  • La mise en place des 6 minimas sociaux restants à Mayotte ne peut suivre une règle unique d’évolution. Elles seront développées en fonction de l’évolution de l’économie et de la société. Dès l’entrée en vigueur de la départementalisation, un plan de revalorisation des prestations sociales existantes sera mis en œuvre pour les adultes handicapés et les personnes âgées, avec des augmentations significatives. Le niveau des prestations non encore étendues (revenu minimum d’insertion, allocation de parent isolé et allocation de solidarité active) se situera à compter de leur mise en place, en 2012, à environ le quart de ce qu’elles représentent en Métropole et dans les Dom.
  • La montée en charge de ces prestations sera ensuite progressive sur une période de 20 à 25 ans, éventuellement plus rapide en fonction du rythme de développement économique de Mayotte.
  • La mise en place des prestations liées à la perte d’autonomie suppose en conséquence une définition des outils adaptés pour permettre cette évolution individualisée, des recettes fiscales départementales afin de les financer, ainsi que la mise en place d’une journée de solidarité (contribution solidarité pour l’autonomie).
  • La mise en place de la fiscalité locale est prévue au 1er janvier 2014 : c’est l’enjeu pour accompagner la mise en place des nouvelles institutions. Les Mahorais devront acquitter de nouveaux impôts : taxe d’habitation, taxes foncières, etc. La base de l’impôt sera la valeur locative cadastrale. Dans ce cas, des efforts concernant l’état-civil et la domiciliation devront être réalisés, au préalable, afin que la réforme fiscale soit effective.
  • Réformer les règles concernant le droit du travail, les politiques de l’emploi et la formation professionnelle et de l’urbanisme : des équipes de juristes et de spécialistes des questions sociales et d’urbanisme seront affectées à Mayotte pour mettre à jour les textes concernés. L’application de nouveaux textes pourra s’échelonner entre 2009 et 2013.
  • Pour le secteur de l’urbanisme, une nouvelle étape dans la décentralisation des compétences au profit des communes pourra être réalisée. Les communes de plus de 10.000 habitants pourront ainsi instruire elles-mêmes les demandes de permis de construire.
  • Valoriser un développement économique autonome et équilibré : un fonds de développement économique, social et culturel, créé à partir de l’actuel fonds mahorais de développement économique, sera chargé de financer tout ou partie des équipements ou des actions retenues. Le montant et le rythme des dépenses publiques feront l’objet d’une évaluation régulière pour en garantir la meilleure utilisation. Ces nouveaux crédits serviront à amplifier les actions prioritaires qui ont été retenues conjointement par l’Etat et la CDM dans le cadre du 13ème Contrat de projet 2008-2014, telles que l’accélération de la politique de logement social et de résorption de l’habitat insalubre ou l’accompagnement du développement des secteurs économiques créateurs d’emplois et de richesse. Ces crédits serviront aussi à initier de nouvelles politiques de solidarité, afin de construire des structures d’accueil pour les enfants, les personnes âgées et les handicapés, et de mener des cations de prévention sanitaire, de lutte contre l’exclusion sociale et d’intégration des jeunes. Tous les deux ans, un rapport d’évaluation sera présenté par l’Etat aux collectivités de Mayotte, afin de dresser un bilan de l’impact économique des dépenses publiques consenties. Sur ces bases objectives, les conditions et le rythme d’extension des aides et prestations sociales pourront être précisés.

 

La coopération régionale et l’Europe

Dans le cadre du GTHN, l’objectif est de mettre un terme à un différend d’Etat à Etat et d’inventer un nouvel avenir qui inscrira pleinement Mayotte dans sa géographie.

En devenant Rup, Mayotte bénéficiera des dispositions du Traité de l’Union qui reconnaît la spécificité des Rup et la nécessité d’adapter les politiques communautaires à leurs réalités et à leurs contraintes permanentes. Mais la départementalisation ne conduit pas directement au statut de Rup et ne donne pas accès automatiquement aux fonds structurels comme le Feder ou le FSE. La procédure est complexe. Elle suppose, entre autres, que Mayotte puisse faire face à l’ensemble de ses obligations de région européenne. Un certain nombre de dispositions préalables devront être prises pour que l’ensemble des règles communautaires s’y applique.

19/12/08 – Réactions après la rencontre avec le Président Nicolas Sarkozy

Hamissi Assani, représentant de l’UMP

“C’est ce que Mayotte attendait depuis 50 ans”

Cette visite a été très intéressante. On nous a remis le Pacte sur la départementalisation. C’est exactement ce que Mayotte attendait depuis 50 ans. Nous serons consultés le 29 mars 2009. C’est très important et c’est une très bonne chose. Concernant, la progressivité du département, nous n’avons pas le choix. Mayotte a ses spécificités et on ne pourra pas tout faire tout de suite. On devient département progressivement, mais pour tendre vers le droit commun. Ces échéances sont normales, puisqu’il y a beaucoup de choses bloquées à l’instar de l’état civil.

 

Ibrahim Boinahery, président de l’AMM (Association des maires de Mayotte)

“Ce n’est pas un combat gagné, à Paris, auprès des parlementaires”

Le Président de la République et le secrétaire d’Etat à l’Outremer nous ont fixé une date pour le référendum. Les Mahorais attendent cela depuis 50 ans. Mayotte deviendra département après le renouvellement du conseil général en avril 2011. Pour une fois, c’est très clair. Pour la feuille de route, il y a des satisfactions et des choses à améliorer. Le Président Sarkozy nous a laissé le choix et nous a demandé de faire des propositions tous ensemble. Certains textes seront retardés, d’autres adaptés pour tenir compte des conditions de vie des Mahorais. Tout Mayotte doit contribuer à la mise en application de cette feuille de route. Ce n’est pas l’affaire de quelques uns ou d’un seul parti. Les portes ne sont pas fermées, quel que soit le sujet, à part les deux dates précitées. La départementalisation a été acceptée par le Président, par le Gouvernement, mais ce n’est pas un combat gagné, à Paris, auprès des parlementaires. La départementalisation se fera grâce à une loi et ce sont les parlementaires qui font la loi. Tous ne sont pas encore convaincus, il y a un travail de lobbying à faire auprès des parlementaires. D’ailleurs, la une de Libération “La République indigne” (NDLR : concernant le centre de rétention de Pamandzi) d’aujourd’hui (hier) n’arrive pas par hasard. Il y a 4 pages sur Mayotte et quelques lignes seulement sur la départementalisation. Je me demande si ce n’est pas une manœuvre pour empêcher le processus de départementalisation d’aller au bout.

 

Abdoulatifou Aly, député de Mayotte

“Il ya le contenant et le contenu du département”

La feuille de route et la consultation répondent très largement aux attentes des Mahorais car il y a le contenant et le contenu du département. C’est un département comme tous les autres que nous nous apprêtons à construire et c’est ce que les Mahorais ont demandé. Je suis satisfait que le Président de la République ait enfin entendu la voix des Mahorais et que cette question du département ait enfin une issue. Nous sommes en France, dans un pays démocratique et je ne comprenais pas pourquoi l’opinion des Mahorais n’était pas prise en compte. Les Mahorais vont confirmer la création du 101e département français et contribuer à la création d’une nouvelle Région ultra-périphérique européenne dans l’océan Indien.

Un projet de texte est toujours perfectible. Il y a des améliorations à faire. Les Mahorais sont impatients, les retards sont trop nombreux. La population est devant de vrais problèmes : état civil, social, économie, éducation, etc. On souhaite que les choses aillent très vite. Mais ce qui nous a été présenté est la meilleure des solutions que l’on nous ait jamais proposée. Quant à la une de Libération, depuis 2004 je dis qu’il ne faut pas que Mayotte soit la fille indigne de la République. Quelque part ce qui est dit sur le centre de rétention est vrai. Il y a des choses qui donnent une mauvaise image de Mayotte et de la France. La France est quand même le pays des Droits de l’Homme. Nous devons avoir un comportement normal. De nombreux efforts ont été faits, mais il reste beaucoup à faire au centre de rétention, à la prison et au niveau du comportement de certains policiers. Ce qui s’est passé à Bouéni récemment, c’est une dérive. On doit se hisser à la réputation de la France et balayer devant notre porte.

 

Ibrahim Aboubacar, conseiller général, représentant du Parti socialiste

"Beaucoup de choses restent encore à préciser"

Beaucoup de choses restent encore à préciser, sur l'organisation administrative, les moyens du développement économique, la question qui sera posée… Quant aux dispositions sociales, il serait souhaitable que l'on puisse encore y travailler. En revanche, nous avons reçu des solides assurances sur le processus de départementalisation en lui-même et ça c'est l'essentiel. Quant au reste, le combat continuera.

 

Soibahaddine Ibrahim, sénateur de Mayotte

"Le Président a tenu sa parole, le Gouvernement ses engagements et j’en suis satisfait"

Le Président de la République s’était engagé triplement sur la départementalisation. Tout d’abord par sa Lettre aux Mahorais avant son élection. Le 1er juillet 2007, il a réaffirmé que les Mahorais seraient consultés et le 23 janvier 2008 il y a eu le dépôt d’un texte en ce sens au Conseil économique et social. Mardi, il a annoncé solennellement à l’Elysée devant les élus mahorais qu’il y aurait une consultation. Quoi de mieux que de tenir sa parole devant des élus comme Marcel Henry qui se sont lancés dans ce combat depuis 50 ans ?

Le préfet sera chargé de recueillir les observations des élus concernant la feuille de route. Il y a un certains nombre de questions qui ne sont plus négociables. Quand Yves Jégo viendra les 8 et 9 janvier, le préfet lui fera parvenir nos observations. Le Gouvernement s’est engagé à participer à une action de communication sur cette feuille de route. En revanche, il s’abstiendra de faire campagne. Le Président a tenu sa parole, le Gouvernement ses engagements et j’en suis satisfait. Quant à la question, elle sera courte et simple et ne sera pas associée à un texte. Le Président la dévoilera lorsqu’il viendra à Mayotte vers la fin février.

Propos recueillis par Faïd Souhaïli

19/12/2008 – Petit déjeuner de Mayotte Hebdo

Bio Express

Sarah Mouhoussoune

Née à Mayotte il y a 56 ans, Sarah Mouhoussoune fait partie de la famille Boudra, originaire de Hajangua. “J’ai vécu à Mayotte, puis aux Comores quand la capitale a été transférée à Moroni. Je suis revenue à la déclaration de l’indépendance”, résume cette diplômée de l’Institut d’administration des entreprises de la Réunion. Sarah Mouhoussoune est aujourd’hui greffière du tribunal de commerce. Mais auparavant, elle a fait office de greffière au tribunal de première instance (1989-2000) puis greffière en charge de l’état-civil auprès du procureur de la République (2000-2007). Syndicaliste, c’est à ce titre qu’elle a été élue présidente de la Caisse de prévoyance sociale (CPS) en 2003, qui deviendra par la suite Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Son mandat a pris fin il y a un mois. En mars 2008, elle a battu Maoulida Soula aux cantonales de Dembéni sous l’étiquette du Néma et est aujourd’hui la seule femme élue au sein de l’assemblée exécutive de la CDM. Elle fait partie de l’opposition au CG.

Serge Castel

Né à Tunis, Serge Castel est arrivé à Mayotte il y a 18 ans. En 1991, il fonde son entreprise, le Cefort, un organisme de formation. En 1999, il devient le président du Groupement patronal de Mayotte qui deviendra un an après le Medef Mayotte (Mouvement des entreprises de France). Il y restera 7 ans. Pendant cette période, il met en place la médecine du travail (Medetram) avec l’aide des entrepreneurs de la place et l’Agefome, devenue aujourd’hui Opcalia, chargée de la formation continue des salariés. Serge Castel présidera également la Caisse d’allocation chômage de Mayotte (CACM) de 2006 à 2008. Depuis deux ans, il préside la Chambre de commerce et de l’industrie de Mayotte (CCI).


Mayotte Hebdo : M. Castel, alors que les élus mahorais sont reçus à l’Elysée aujourd’hui par le Président de la République Nicolas Sarkozy, vous disiez en aparté qu’il fallait se méfier d’Yves Jégo. Que voulez-vous dire par là ?

Serge Castel : Vous avez été l’interprète dans la presse des difficultés que j’ai rencontrées avec le ministre. J’étais accompagné de Michel Taillefer, président du Medef, Elhad Soumaïla, président de la CACM et Aktar Djoma qui représentait le port. Quand il nous a reçus, il y a une phrase qui a interpellé tout le monde et que j’ai retenue. On parlait de la CACM et on lui a dit qu’on voulait être indépendant. La Caf dépend de la Réunion, l’ANPE aussi dépend de la Réunion, on ne veut pas que la CACM dépende de l’ANPE de la Réunion. A partir du 19 janvier, les Assedic fusionnent avec l’ANPE pour devenir le pôle emploi. On lui a demandé de rester tel qu’on est actuellement, en attendant de devenir département. Il a prononcé la phrase suivante qui m’a choqué : “Moi, je vois une grande région Mayotte-Réunion”. On n’est pas d’accord du tout ! Si demain on est département, on sera un département à part entière. On ne va pas être département au rabais. On n’a pas à dépendre de la Réunion et on doit avoir nos propres structures, comme l’ont chaque département. Si au 1er janvier 2010 on devient département, il faudra une Caf Mayotte, au même titre qu’une Sécu Mayotte et un Pôle emploi Mayotte. C’est pour cela que je disais qu’il fallait se méfier d’Yves Jégo.

 

Mayotte Hebdo : La création de la CSSM et de la CACM ont amené un progrès indéniable pour les Mahorais. Cependant, beaucoup se plaignent de ne pas bénéficier de toutes les prestations sociales qu’offrent dans le reste du territoire ces organismes. Que leur manque-t-il pour devenir de véritables caisses de sécurité sociale ou d’allocations chômage ?

Sarah Mouhoussoune : En ce qui concerne la CSSM, il n’y a pas de caisse générale de sécurité sociale comme c’est le cas à la Martinique, en Guadeloupe ou à la Réunion. Ce qu’il manque à Mayotte, c’est qu’on soit l’égal des autres caisses ultramarines. On s’est battu pour que la CSSM devienne une caisse régionale de sécurité sociale. Je me rappelle avoir participé à une délégation avec les parlementaires mahorais pour rencontrer à l’époque le ministre Xavier Bertrand. On lui a demandé que la caisse de Mayotte soit une caisse de sécurité sociale, et à chaque fois on nous répondait : “Pour l’instant, ça ne va pas être possible, vous rentrez doucement dans le cadre du régime général, mais pour devenir une caisse générale, il faut d’abord que le statut de Mayotte soit clarifié et que vous deveniez un département. Tant que Mayotte ne sera pas un département, il ne pourra pas y avoir une caisse générale de sécurité sociale.”

Mais cela n’a pas empêché d’avoir certains textes appliqués à Mayotte, notamment pour le Code de sécurité sociale. Une partie est applicable à Mayotte. Tous les syndicats, aussi bien patronaux que de salariés, se sont battus pour qu’il y ait les mêmes droits pour tous les Mahorais. Un Mahorais, qui se déplace à la Réunion ou en Métropole, doit avoir les mêmes prestations qu’un Réunionnais à la Réunion ou un Métropolitain en Métropole. Pour l’instant, avec une attestation de sécurité sociale délivrée à Mayotte, on peut se faire soigner en Métropole, mais on ne peut pas se faire rembourser par les caisses là-bas. Ce fameux décret de coordination, on n’a jamais pu le faire sortir. Le délai de carence pour le Mahorais qui se met en arrêt maladie est de 5 jours, alors qu’en Métropole il est de 3 jours. Ce sont des choses qui font quand même la différence.

 

19/12/2008 - Petit déjeuner de Mayotte Hebdo - Sarah Mouhoussoune et Serge Castel

« On n’a pas de fonds structurels européens. On n’est pas Rup, ni département, ni ACP. On n’est même pas dans l’espace Schengen. Le jour où on est département, on commencera à avoir droit à certaines choses. »

Serge Castel

 

Serge Castel : J’ajouterai juste une phrase. Les Mahorais attendent la Carte Vitale. Mais surtout, ce qui est plus important, c’est la retraite ! La retraite actuellement à laquelle cotisent les salariés de Mayotte, c’est une misère ! Il va falloir quand même qu’ils aient la même retraite que les autres. Pour la CACM, elle rémunère les chômeurs licenciés. Cela a commencé simplement par les licenciés économiques. Ensuite on a modifié en demandant à notre tutelle et on a étendu à toutes les personnes licenciées. Là, on vient de prendre une décision pour que cela bénéficie aussi aux fins de contrats en CDD. J’espère qu’on pourra les rémunérer en début d’année. Ce qui manque, ce sont des vraies Assedic. Vu la fusion entre l’ANPE et les Assedic, il faudra que ça se fasse ici le jour où on sera département. Avec l’ANPE de Mayotte et non pas avec celle de la Réunion. C’est ce que nous défendons pour rémunérer le maximum de gens. Lorsqu’on a créé cette caisse, on s’est mis autour d’une table, on a négocié pendant 18 mois pour définir les modalités de remboursement, etc. On s’est basé sur la Métropole, la Réunion et la Nouvelle-Calédonie. On a commencé sans un sou. Au bout de deux ans, j’ai laissé la caisse à mon successeur avec plus d’un million d’euros en banque. Il y a de l’argent, mais le CA préférerait qu’il revienne dans le circuit plutôt que de rester en banque à rapporter des intérêts. Ce n’est pas l’objectif. L’objectif est de rémunérer les gens et de les aider à trouver du travail. Il y a un système d’accompagnement pour aider les chômeurs à retrouver du travail. Le jour où on deviendra pôle emploi, toute notre collecte comme pour la CSSM repartira pour Paris et on nous renverra juste ce dont nous avons besoin. C’est pour ça que pendant ma présidence, la CACM a acheté un local. Le jour où on devient Assedic, on leur remet les clés en disant “vous êtes propriétaires”.

 

Mayotte Hebdo : Le discours consistant à dire “il faut attendre d’être département pour faire…”, vous le justifiez ou vous le ressentez comme une excuse ?

Serge Castel : Tout est lié à ça. Actuellement, à Mayotte, on a absolument rien du tout. Je prends le cas d’une entreprise. On n’a pas de fonds structurels européens, à part le Fed pour l’assainissement, mais ça ne représente pas grand-chose. On n’y a pas droit. On n’est pas Rup, ni département, ni ACP. On n’est même pas dans l’espace Schengen. Le jour où on est département, on commencera à avoir droit à certaines choses. Mais d’après la presse, il faudra attendre 2014, date à laquelle la fiscalité de droit commun s’appliquera pour avoir un maximum de choses. Pour le RSA, ce serait pour 2024 ou 2025. (NDLR : cela est proposé pour 2010 mais à un montant équivalent à 25% de l’Hexagone) Ce n’est pas normal !

Sarah Mouhoussoune : Avant 2003, la CPS était libre de gérer ses réserves. Tout ce qu’il y avait ici est parti à la COS, la grande banque de la Sécu. Les gens n’ont pas compris et m’ont dit “Comment avez-vous accepté de faire monter toutes ces réserves issues des cotisations de tous les Mahorais à Paris ?” Mais on entrait dans le giron de la caisse nationale de sécurité sociale et donc la solidarité nationale jouant pour Mayotte, il était tout à fait normal que les Mahorais participent à la caisse nationale. Cela a été une fierté de dire que les Mahorais participent à cette solidarité nationale. Nous, au niveau de notre CA, on s’est battu avec le Medef, en disant qu’une partie de ces réserves puisse rester à Mayotte pour servir l’économie mahoraise. Mais il a fallu batailler dur pour faire accepter cette idée et en fin de compte, cela a marché. Une bonne partie est restée ici, nous avons pu les placer dans les banques. Cela a permis de mettre en place l’assurance maladie, embaucher de jeunes mahorais, les envoyer en formation, acheter le matériel. Une partie de cette enveloppe reste encore à la caisse. Le nouveau CA se battra pour qu’une partie serve à la construction du siège de la CSSM aux Hauts Vallons avec une participation de la caisse nationale.

Il faut expliquer à nos frères ici que jusqu’à un moment donné, les soins étaient gratuits à l’hôpital. Mais avec l’assurance maladie, il nous faut des médecins privés. Et si on ne se bat pas vraiment pour avoir une vraie sécurité sociale, cela ne sert à rien. Les médecins privés ne viendront pas car cela ne peut pas marcher. Il faut que dans la perspective du département, tout le monde s’approprie cette culture de l’assurance maladie. Il ne faut pas que ce soit seulement les autres qui nous donnent, il faut aussi que l’on participe.

 

 

19/12/2008 - Petit déjeuner de Mayotte Hebdo - Sarah Mouhoussoune et Serge Castel

« On peut être contre sur certains dossiers à Mayotte, mais sur le statut de Mayotte, il ne faudrait pas que l’on soit divisé. »

Sarah Mouhoussoune

 

Mayotte Hebdo : Une délégation d’élus rencontre aujourd’hui le Président de la République Nicolas Sarkozy. Le président du conseil général Ahamed Attoumani Douchina a affirmé que c’était l’occasion pour les élus mahorais de parler d’une seule voix. Qu’attendez-vous de cette rencontre ?

Sarah Mouhoussoune : Cela avait déjà été annoncé lorsqu’une délégation est allée remettre la résolution du 18 avril votée par tous les élus du CG à l’unanimité. Je pense que certaines personnes avaient un doute sur cette unanimité concernant la départementalisation. C’est ce que je dis toujours à mes collègues. On peut être contre sur certains dossiers à Mayotte, mais sur le statut de Mayotte, il ne faudrait pas que l’on soit divisé. Le 18 avril, quand nous avons voté cette résolution, c’était quelque chose de très très fort. Lorsque nous nous sommes déplacés à Paris les jours suivants, on nous a fait comprendre qu’il y avait une feuille de route qui était en cours et que déjà des groupes de travail étaient en place depuis un certains temps, notamment au niveau interne à Paris où il y en avait 15 ! Cette feuille de route serait confrontée aux travaux faits ici par les élus pour une restitution en été. Cela n’a pas été respecté et je dis même que le travail fait en interne à Paris n’a pas été confronté à ce qui a été fait à Mayotte. Je me pose des questions.

Il n’y a pas eu ces échanges et aujourd’hui une délégation se présente à Paris, composée de tous les élus, de certains anciens et de la société civile. On va leur expliquer les tenants et les aboutissants de cette feuille de route. Mais est-ce qu’on ne va pas nous imposer certaines choses de Paris par rapport à ce que la population qui a voté est endroit d’attendre. Des questions se posent sur le logement social, le foncier, la formation, l’éducation. Sur tous ces problèmes-là, est-ce que le travail a été fait ? Si on avait échangé comme c’était prévu dès le départ, il n’y aurait pas eu de souci. J’ai une petite appréhension, qu’on nous dise : “C’est à prendre ou à laisser”. Certes les Mahorais vont choisir pour le référendum. Mais dès le départ, on doit connaître le tracé. La question qu’on nous posera sera-t-elle claire et nette ? Comme par exemple “Voulez-vous un département ou non ?”. Beaucoup de Mahorais ont peur que ce soit un deuxième katiba. J’ai un doute, mais j’espère quand même que nos deux représentants du Néma, Moussa Abdou et Saïd Omar Oili qui par ailleurs n’a pas été invité en tant qu’ancien président du conseil général mais a reçu une invitation de l’Elysée, ce qui est un désaveu pour ce comité de réflexion sur la départementalisation, qu’ils puissent négocier et demander ce que les Mahorais attendent au cas où cela ne figurerait pas dans la feuille de route.

Serge Castel : J’ai un petit bémol à apporter à tout ça. Certes, le 18 avril il y a eu unanimité. Même si certains l’ont fait du bout des doigts. Pourquoi entre 2004 et 2008 – Sarah n’était pas encore là – cela n’a pas été fait ? Toutes les conditions étaient réunies pour que la départementalisation se fasse rapidement. Jacques Chirac était au pouvoir et il a toujours été un grand défenseur de Mayotte. Nous avions Mansour Kamardine qui était député et qui était très bien avec le Président de la République et tous ses ministres et qui pouvait défendre la chose. Pourquoi cette motion n’a pas été votée entre 2004 et 2008 ? Nous serions peut-être déjà département si cela avait été fait à ce moment là ! Pourquoi est-ce qu’il a fallu attendre une nouvelle législature, avec de nouveaux élus pour lancer cette motion ? Ca m’étonne ! C’est pour ça que j’ai dit que certains ont voté du bout des doigts.

Il est bien entendu que celui qui vote contre la départementalisation à Mayotte, il est mort politiquement ! On aurait pu le faire plus tôt car on avait tous les atouts pour le faire. Moi aussi j’ai des doutes, non pas sur ce que va dire le Président, car j’ai toute confiance envers le Président de la République, mais j’ai des doutes sur la question qui va être posée au mois de mars. Pour moi elle est facile, je suis très pragmatique : “Voulez-vous être département ou non ?”. C’est la seule question qui mérite d’être posée. Il semblerait qu’il y ait des comités de réflexion dans les ministères qui réfléchissent à ces questions. Je me demande s’il n’y a pas un piège, s’ils ne vont pas poser une question que la population ne comprendra pas, même si on lui expliquera. Il faut se méfier de ça. Je ne pense pas personnellement que le gouvernement ait une volonté de ne pas faire de Mayotte un département. Les élus et les ministres en sont convaincus. Mais ce sont les fonctionnaires dont je me méfie. Ils peuvent peut-être poser une question qui laisse à désirer.

Sinon, la départementalisation à 100% du jour au lendemain, on ne pourra pas l’avoir parce que nous avons des problèmes juridiques, notamment le droit de la fiscalité. Mais il n’y a pas que ça. Il y a un gros problème de foncier. Pour la fiscalité, il faut savoir qu’on paye beaucoup plus d’impôts qu’ailleurs. L’individu lambda est beaucoup plus imposable qu’à la Réunion. Il faut revenir à des bases plus raisonnables en ce qui concerne l’imposition. Je ne parle pas des entreprises. Elles paient 33% sur le bénéfice, c’est ce qui se passe dans tous les départements français. Je parle de l’impôt sur le revenu. Il y aussi le problème des taxes douanières. Il faudra le régler car l’inflation galope. Je gère le port, les coûts portuaires sont énormes et je ne sais pas comment faire pour les diminuer. Tout ça se retrouve sur le prix à la consommation. Il y a augmentation des prix, augmentation des salaires, donc on arrive à une période inflationniste chez nous qui n’est pas connue ailleurs parce qu’on a des prix qui sont beaucoup trop chers.

Ce qui me gêne beaucoup, c’est ce qui se passe de l’autre côté, aux Comores, et l’implication pour essayer de dissuader les Mahorais de voter oui à cette départementalisation. Ils ont placé leurs pions depuis quelques années dans les administrations et vous avez des gens qui ne le disent pas publiquement, mais en dessous ça se sait. C’est une chose à laquelle les Mahorais doivent faire très attention.

 

« Si vraiment on veut défendre les Mahorais, il faut s’occuper de l’économie ! »

Serge Castel

 

Mayotte Hebdo : M. Castel, vous évoquiez les coûts portuaires et l’inflation galopante. Nous sommes dans une crise économique et financière mondiale. A Mayotte, la commande publique baisse, le BTP souffre. Comment la CCI prépare ses adhérents à cela ?

Serge Castel : Il faut comprendre une chose. La CCI n’est pas un syndicat. Le Medef joue le rôle de défense des entreprises, nous nous jouons le rôle d’assistance aux entreprises. On fait souvent la confusion. Comme j’ai été le président du Medef pendant longtemps, on vient souvent pour les défendre. Si je peux le faire, je le fais, mais ce n’est pas mon rôle. Notre rôle, c’est toutes les entreprises de Mayotte qui relèvent du secteur du commerce, de l’industrie et des services. Elles dépendent de la Chambre et nous leur devons assistance quand elles ont besoin de préparer un dossier, quand elles ont besoin de conseil juridique, etc. Nous avons tous les services dans la Chambre que j’ai mise en place depuis que j’ai été élu. On assiste le Medef quand celui-ci nous le demande. Cela a été le cas quand on est allé voir Yves Jégo et que l’on a demandé l’exonération de charges sociales, les zones franches que nous n’avons pas obtenues d’ailleurs.

Les belles années sont derrière nous. 2009 va être très mauvais et 2010 sera encore plus mauvais. Il va y avoir des licenciements dans le bâtiment, mais pas que dans ce domaine. Comme la commande publique n’est pas à jour, et la commande privée qui a fait vivre les promoteurs et les constructeurs se casse la figure puisqu’ils anticipent sur la fin de la loi pour l’Outremer, il y aura de moins en moins de construction, de moins en moins de grues et forcément moins de salariés, qui vont se retrouver à la CACM. Il faut prévoir cela. Les banques ont ordre du gouvernement de continuer à prêter car elles ont un taux de progression de 4,5% je crois. Elles vont jouer le jeu car elles sont obligées, mais elles veilleront au grain.

Ce qui nous arrive à l’échelon de la planète est dû aux Etats-Unis. Mon fils vit là-bas, il est Américain et travaille chez Microsoft. Là-bas, vous avez des maisons à vendre partout et personne n’achète. A Mayotte, on est moins touché car les banques sont solides, mais il y aura moins d’emprunts, moins de constructions à vendre, moins d’acheteurs et du personnel qui va être licencié. Par voie de conséquence, d’autres secteurs vont être touchés. Quand il y a moins de salaires qui tombent, la distribution vend moins, le service vend moins, etc. Concernant la commande publique, je suis désespéré. Je parle devant une conseillère générale, mais je suis désespéré parce qu’on ne s’occupe actuellement que de la départementalisation. Il n’y a rien d’autre !

On ne s’occupe pas des entreprises, pas des appels d’offres. Il y a des appels d’offres qui ont été rendus caducs sous l’ancienne législature et qui n’ont pas été renouvelés. Les dossiers économiques ne passent pas en commission ou très peu et ça, il faut que ça s’arrête ! Si vraiment on veut défendre les Mahorais, il faut s’occuper de l’économie ! Il n’y a que l’économie qui peut faire fonctionner Mayotte. Ce n’est pas le public ou la CDM qui va embaucher, c’est le privé ! On crée bon an mal an entre 1.500 et 2.000 emplois, même si on a à peu près 4.000 jeunes qui apparaissent sur le marché du travail. S’il n’y a pas ces 1.500 emplois qui sont créés, que vont faire les jeunes ? Et si on ne s’occupe pas de l’économie pour aider les entreprises actuellement qui vont être en difficulté, ça va être la catastrophe ! Je tire la sonnette d’alarme en disant aux conseillers généraux : “occupez-vous de l’économie !” Et pas de subventions aux associations. Occupez-vous plutôt de délivrer des appels d’offres et d’aider les entreprises qui veulent investir ! Actuellement, ce n’est pas ce que nous voyons.

 

« Depuis que je suis dans cet hémicycle, je pensais que j’allais participer à la construction de ce pays, mais nous ne parlons que du statut. (…) Si aujourd’hui on n’aide pas les entreprises à se développer à Mayotte, on va droit au mur. »

Sarah Mouhoussoune

 

Sarah Mouhoussoune : Je suis tout à fait d’accord avec M. Castel. Depuis que je suis dans cet hémicycle, je pensais que j’allais participer à la construction de ce pays, mais nous ne parlons que du statut. C’est vrai que nous voulons ce statut de département. Mais nous avons des personnes qui sont là pour défendre ce statut, notamment nos parlementaires. A nous maintenant entre élus locaux, notamment conseillers généraux, de faire en sorte que l’économie de ce pays puisse se développer, que l’on puisse créer de la richesse, créer de l’emploi. Depuis le mois de mars, je n’ai pas cette impression. A chaque session, à chaque commission permanente, nous n’arrêtons pas de tirer la sonnette d’alarme en disant : “on va droit au mur, on risque d’avoir plein de problèmes économiques qui vont créer de graves problèmes sociaux”. L’économie ne marche pas, les emplois seront perdus et les gens descendront dans la rue.

 

Mayotte Hebdo : Vous parliez de 4.000 jeunes arrivant sur le marché du travail. Il y a également ceux qui partent étudier en Métropole et qui échouent. Qu’est-ce que Mayotte peut offrir à ces jeunes ? Comment envisagez-vous leur avenir sachant que se développe un phénomène nouveau, la violence à l’école ?

Sarah Mouhoussoune : A chaque session, ce sont des questions qui nous intéressent. Je suis mère d’enfants, vous avez des enfants (à l’adresse de Serge Castel), vous serez parents (à l’adresse des journalistes). Il y a beaucoup d’échecs effectivement, mais il y a aussi beaucoup de réussites. Que deviendront ces jeunes ? Au CG, on ne peut plus embaucher. On ne peut pas aussi espérer ne travailler que dans l’administration. Que reste-t-il à faire ? C’est le privé, créer des entreprises. Si aujourd’hui on n’aide pas ces entreprises à se développer à Mayotte, on va droit au mur. Ce sera une grosse délinquance parce que ces jeunes resteront oisifs, n’auront pas de travail, se mettront à boire. Et après qu’est-ce qui se passera ? C’est ce qu’on voit à la Réunion tous les jours dans la rubrique des faits divers dans la presse.

Ce sera difficile et pour leur famille et pour toute la population de Mayotte. Je ne voudrais pas voir ça arriver dans quelques années. Au contraire, j’aimerais que Mayotte se construise avec ces jeunes qui ont vraiment envie de faire quelque chose pour ce pays et que l’on puisse les aider. Je le dis et j’assume, peut-être qu’après le référendum de mars 2009, beaucoup de gens seront déçus. Parce qu’on aura perdu une année, on n’aura pas aidé les entreprises, on aura perdu du temps pour rien. On n’a pas d’excuses aujourd’hui, on n’a pas le droit à l’erreur. Il y a toute cette jeunesse qui a envie de rentrer au pays, pour participer à sa construction, malgré le taux d’échec. Il y a eu un rapport que nous n’avons toujours pas reçu de la Dasu Paris sur le taux d’échec des étudiants mahorais. Personne n’ose publier ce rapport ! J’aimerais bien qu’on le publie pour qu’on puisse faire face à ces difficultés, voir pourquoi il y a eu ces échecs. Personne ne veut assumer ses responsabilités. On va cacher, cacher et encore cacher et il n’y aura pas de langage de vérité. Il faut un langage de vérité vis-à-vis de la population, aujourd’hui c’est ce qu’on demande de la part des élus et c’est ce qu’il manque. On n’est plus en campagne politique, quand on subventionne certaines associations, quelques petites structures, on est plus dans une campagne politique que dans une vision globale de développement de l’île de Mayotte.

 

« Le Mahorais a dans l’esprit qu’il faut rentrer dans l’administration, de la CDM ou de l’Etat. Combien de fois m’a-t-on reproché que Kawéni était une zone de chefs d’entreprises de Mzungus ? Est-ce que c’est de ma faute ? »

Serge Castel

 

Serge Castel : Il y a une chose à comprendre aussi. Le jour où vous avez le département, on a 40.000 Mahorais qui rentrent au pays. Et là, c’est la catastrophe ! Je reçois entre 8 à 10 candidatures tous les jours à la CCI. Les Mahorais ne sont pas entrepreneurs. Il faut changer les mentalités. Le Mahorais a dans l’esprit qu’il faut rentrer dans l’administration, de la CDM ou de l’Etat. Combien de fois m’a-t-on reproché que Kawéni était une zone de chefs d’entreprises de Mzungus ? Est-ce que c’est de ma faute ? Dans les années 80-85, au début des années 90, j’étais là, il y avait des terrains à vendre à Kawéni, pour rien. Qui est-ce qui les a achetés pour monter des entreprises ? Ce sont les Métropolitains. Pourquoi les Mahorais n’ont pas acheté ? Parce qu’ils n’ont pas l’esprit d’entreprise. Ils n’ont pas cet esprit, il faut le leur inculquer. Il faut expliquer qu’être patron c’est commencer à 6 heures du matin et finir à 8 heures le soir. C’est aussi recevoir des appels du banquier qui nous rappelle à l’ordre au moindre découvert. Mais une fois que l’entreprise a connu son seuil normal, c’est quand même beaucoup plus intéressant d’être son propre patron, d’avoir des revenus qui soient suffisants. Le problème est là, il faut que les Mahorais créent des entreprises dans les domaines qui les concernent.

Je veux créer ici à Mayotte – j’en ai pas les moyens pour le moment – une EGC (Ecole de gestion et de commerce) comme il y en a dans toutes les CCI de France. C’est un bac+3 et la plupart de jeunes qui sortent d’une EGC trouvent du boulot tout de suite. C’est une formation bien spécifique, avec de l’alternance en entreprise qui fait que c’est une validation très intéressante pour les entreprises. Je l’ai mis dans mon programme, si ce n’est pas moi qui la met en place, ce sera peut-être mon successeur. Le problème de la création d’entreprise est un problème vital à Mayotte. Il faut que les Mahorais créent des entreprises. Est-ce que c’est de notre faute si Kawéni est comme ça ? Je n’y suis pour rien ! Il faut être conscient de ce problème-là. On n’utilise pas suffisamment l’ANT (Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs). Elle a des budgets pour Mayotte qui ne sont pas utilisés ou très peu. On a cette possibilité d’exporter nos jeunes pour qu’ils aillent se former ailleurs, éventuellement. D’autres restent en Métropole et d’autres reviennent. Quand ils reviennent, ils font le tour. Ils font les administrations, le CG, la CCI. Rares sont ceux qui vont voir la Colas, la SMTPC, SFR, parce que c’est du privé. Dans leur esprit, le privé ce n’est pas bon.

Sarah Mouhoussoune : Moi je l’assume et je le dis. Mes gamins – à part un seul qui est rentré et qui travaille dans le privé – sont en Métropole. J’ai financé leurs études car ils n’avaient pas de bourse, alors je trouve légitime qu’ils travaillent là où ils trouvent du boulot. Pour moi, s’il ne peut pas monter sa propre entreprise et qu’il vient tourner en rond en étant frustré et dire après “c’est le muzungu qui a pris notre place”, je ne suis pas d’accord. Je mettrai un bémol par rapport à ce que dit M. Castel. Je sens que depuis un certain temps les jeunes ont envie de créer. A nous maintenant, les élus, de faire en sorte de pouvoir leur donner les moyens. Qu’ils puissent s’installer. Et voir comment on peut leur faciliter l’exonération au niveau des charges sociales, parce que c’est un poids pour les entreprises. Si dès le départ la CSSM ou l’Etat vous disent : vous devez tant, ce n’est pas évident.

 

Mayotte Hebdo : Que manque-t-il ici en terme de formation qui serait cohérent avec la situation économique de Mayotte ? Faut-il absolument se former en Métropole ?

Serge Castel : Non, non, non, je ne pense pas qu’il faille se former en Métropole. Une EGC serait une excellente chose. Le Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) fonctionne très bien. Les gens peuvent se former à leur rythme tout en étant salarié. Il y a des domaines où l’on trouve très peu de Mahorais. Les commerciaux, les comptables, on trouve très peu de Mahorais et pourtant il y a des demandes. Dans ces domaines, il y a de la place. Mais le tissu économique est restreint à Mayotte. Il y a une autre chose qui gêne les entreprises à Mayotte, c’est le secteur informel. On finit une enquête sur tout le petit commerce à Mayotte. On a inventorié tous les commerces de toutes les communes. On a plus de 25% des commerces qui ne sont pas connus de la CCI, ni des services fiscaux. Ces gens-là ne paient pas de patente, n’ont pas de salariés. Ils achètent, ils importent, ils revendent en toute illégalité et ils peuvent faire des prix beaucoup moins chers. Le gars qui paie sa patente, lui est handicapé. Il y a beaucoup trop d’informel. Si on veut devenir département, il va falloir rentrer dans le rang. Cette enquête n’a jamais été réalisée, maintenant on a la preuve. Cela a pris 18 mois.

 

« Depuis le mois de mars, c’est le statu quo. Il n’y a rien du tout qui se fait, mon inquiétude est là. Tant qu’on continuera à travailler comme cela, je ne pense pas que l’on pourra développer quelque chose. »

Sarah Mouhoussoune

 

Mayotte Hebdo : Quelles sont les relations entre les élus et le tissu économique ? Récemment, il y a eu des dossiers comme la défiscalisation que la CCI et le Medef sont allés défendre à Paris et où vous déploriez un manque d’implication des élus.

Serge Castel : On ne sait pas parler d’une seule voix. Regardez pour la départementalisation. Il y a le président du CG, un sénateur d’un côté, un autre de l’autre et il y a le député ailleurs. Quatre directions, ce n’est pas possible. En ce qui concerne l’économie, ce serait normal que la CCI aille voir un ministre quelconque avec le Medef et un élu du CG chargé de l’économie, en disant on vient ensemble. On aurait beaucoup plus de poids ensemble plutôt que chacun de notre côté. Ca ne se fait pas et je ne sais pas pourquoi. De toute façon, à chaque fois que j’écris, je n’ai pas de réponse. Il y a 12 dossiers qui sont en suspens. La pépinière d’entreprise, justement dans le cadre de la création d’entreprises pour héberger des jeunes créateurs des entreprises, les aider pendant 2 ans. J’ai visité à Tahiti, à la Réunion, en Métropole des pépinières d’entreprises. C’est bon pour la création d’entreprises, on héberge des jeunes qui veulent créer des entreprises de toutes sortes et après on les lance tout seul. C’est un projet important, mais aucune réponse. Il y a les pontons, que je vais fermer bientôt, le contrat de projet qui tarde à venir, le port…

Sarah Mouhoussoune : Cela fait sourire quand j’entends le président dire l’unité, l’unité. Mais en fin de compte, je ne pense pas qu’il y ait une unité. Quand je suis arrivé au CG, j’étais peut-être novice, je me faisais des idées, mais que quand les dossiers importants concernant l’avenir de Mayotte seraient traités, on s’assoirait autour d’une table, qu’on reprendrait le système de je ne sais plus quel préfet…

Serge Castel : (coupe) Bayle

Sarah Mouhoussoune : Le système des assises du préfet Bayle. C’était un système qui marchait

Serge Castel : Oui je m’en souviens

Sarah Mouhoussoune : On avait des thèmes particuliers. Par exemple sur l’immigration et tout le monde pouvait y participer. Je pensais que sur les gros dossiers, on ferait participer des chefs d’entreprises ou sur des grosses constructions que le directeur de la DE vienne. Ca ne s’est pas fait et depuis le mois de mars, c’est le statu quo. Il n’y a rien du tout qui se fait, mon inquiétude est là. Tant qu’on continuera à travailler comme cela, je ne pense pas que l’on pourra développer quelque chose. On ira plus vers de graves problèmes. Il y a déjà eu les instituteurs, là de nombreux salariés du privé vont cogner aux portes du CG et demander aux élus : “nous allons être licenciés, qu’avez-vous à nous proposer ?”

Aujourd’hui, mon grand souci, c’est le logement social. On en parle mais il n’y a jamais rien de concret. On en a déjà discuté M. Castel, effectivement, il y a d’autres possibilités pour pouvoir rattraper ce travail. Pourquoi les communes ne se retrouvent pas avec la CDM et l’Etat pour se dire comment faire pour que la CDM puisse céder les terrains qu’elle a pour pouvoir donner aux communes et faire le maximum de logements sociaux. La Sim n’ayant pas la capacité suffisante de faire tout ce qu’il y a à faire, pourquoi ne pas faire venir des investisseurs privés, comme ça se passe à la Réunion, et mettre le paquet pour rattraper ce retard ? Franchement, si on se mettait à travailler sur ce projet là, les personnes qui nous ont élus seraient satisfaites. Dans 6 ans, vu comment se déroulent les choses, on n’est pas sûr que nos concitoyens nous rééliront. Je pensais que nous pourrions travailler, même dans l’opposition. Nous ne sommes pas là pour dire non systématiquement, mais pour alerter quand ça ne va pas.

Serge Castel : Pour le logement social il y a des possibilités de défiscalisation. Mais il faudrait qu’il y ait une entreprise telle que la SIDR à la Réunionla Sim ne peut pas le faire. On n’a pas de logement social depuis des années, en tout cas très peu, la Sim ne construit pas assez. Il en faut sinon c’est la catastrophe. On a quand même de plus en plus de population et actuellement personne ne s’en occupe. Donc je pose la question car c’est vital, cela concerne les entreprises pour la défiscalisation : dans les autres départements elle pourra être transférée et pas chez nous. À la Réunion ils ont déjà commencé. qui vienne s’installer ici. J’en ai parlé au préfet, il faudrait cela car au bout de 5 ans, cette entreprise rachète les logements sociaux, et c’est dans ce cas là qu’ils peuvent être défiscalisables,

 

« Il faut dynamiser ce marché. Actuellement vous allez faire un tour au marché, vous voyez les mêmes produits qui sont achetés au même endroit et qui sont vendus au même prix. »

Serge Castel

 

Mayotte Hebdo : Parlons maintenant du marché de Mamoudzou. Mayotte Hebdo en a parlé plusieurs fois et fait apparaître que la CCI était intéressée par sa gestion. Où en est le dossier ?

Serge Castel : Il y a toujours un problème entre l’architecte et le conseil général sur la livraison, mais cela ne nous concerne pas. J’ai posé la candidature de la CCI pour la gestion. Nous sommes les seuls à même d’assurer la gestion. Actuellement on gère un bidonville, demain on pourrait gérer un vrai marché. J’ai appris que la semaine dernière les commerçants sont allés taper à la porte du CG et que leur représentant s’était exprimé à la télé contre la prise de la gestion par la CCI parce qu’on voulait mettre d’autres personnes dans le marché.

Il y a 380 commerçants pour 245 places. Je parle des boxes. Que puis-je faire ? En plus, ce sont des boxes tout petits de 9m². Supposons qu’on place 245 personnes, que faire des autres ? C’est un sujet qui a été évoqué à la préfecture, ensemble. Ce serait peut-être bien que le maire, à qui j’en ai parlé également, puisse installer ces commerçants provisoirement sur le terre-plein de M’tsapéré. Je pense que l’Etat serait d’accord pour leur céder ou faire une AOT sur ce terrain compte tenu de l’urgence de la situation. Cela dit, il y a des critères de sélection. Il faut d’abord être inscrit au registre du commerce, avoir payé sa patente, être en règle de ses loyers à la CCI et être de nationalité française ou avoir une carte de séjour de dix ans. Ce sont les quatre principaux critères. J’ai la liste de ceux qui les remplissent. J’ai fait travailler mes services là-dessus. J’ai récupéré un marché avec 510.000€ de dettes que j’ai actuellement dans ma comptabilité. Si demain je n’ai pas la gestion du marché, j’en fais quoi ? Quelqu’un doit me les rembourser.

Si nous l’avons, même si on épuise ces 510.000€ sur 10, 15 ans, 20 ans, ça m’est égal, mais qu’on puisse les épuiser. Autre problème, actuellement ils payent 38€ de loyer, demain ce sera entre 150 et 200€ par mois. Comment faire ? Vous avez des bouénis qui font 50€, voire seulement 30€ de recette par jour. Comment vont-elles faire pour payer un loyer si élevé ? Et le pire, c’est que ce sont des dames qui doivent faire vivre leur famille et qui n’ont que ça pour vivre. Enfin, le dernier point, c’est qu’il faut dynamiser ce marché. Actuellement vous allez faire un tour au marché, vous voyez les mêmes produits qui sont achetés au même endroit et qui sont vendus au même prix. Quel intérêt demain de se balader dans le marché et de voir les mêmes produits qui viennent de Dubaï et qui n’intéressent personne ? Il faut changer les mentalités. Moi ce que je voudrai c’est dynamiser ce marché. C’est-à-dire mettre des activités qui n’y sont pas, par exemple mettre des fleurs, un boulanger qui fait son pain sur place, un cordonnier, un serrurier, un bijoutier, un magasin de mode, je ne sais quoi d’autre, mais qui fasse que des gens auront envie d’aller faire un tour au marché.

Mon plus grand souci ça a été de trouver des vendeurs de légumes qui ne soient pas clandestins. J’ai eu des demandes de Mahorais, de Métropolitains, qui ont des exploitations et qui veulent vendre leurs légumes au marché. Le problème des légumes devrait être résolu, celui du poisson aussi, on a la Copemay et d’autres. Mon problème c’est le boucher, personne ne veut s’installer, ça n’existe pas. Il faut un marché vivant, qui bouge, sinon ils vont avoir des loyers 5 fois plus chers et ils vont faire un chiffre d’affaires moindre, donc ils vont tous se casser la figure.

 

« Le problème c’est qu’on a aucune réponse aux questions que l’on pose. J’ai l’impression qu’on n’a pas envie qu’il y ait des touristes à Mayotte. »

Serge Castel

 

Sarah Mouhoussoune : Est ce qu’il ne serait donc pas nécessaire de communiquer là-dessus, d’informer ? Beaucoup sont là en attente et on ne leur explique pas les problèmes.

Serge Castel : Je les ai reçues. Une fois elles sont venues à 300 bouénis bloquer la chambre. Mais récemment j’ai reçu une délégation. Ils m’ont dit que les 245 places doivent être attribuées à des commerçants actuels. Ils m’ont dit que de toute façon, au bout de 2 ou 3 mois, il y en aura qui ne pourront pas payer leurs loyers, vous les virerez et en mettrez d’autres à la place. Moi je veux bien, mais ça c’est de la politique pas de l’économie. De toute façon, beaucoup d’entre eux ne pourront pas y entrer car ils ne sont pas à jour de leur loyer ou de leur patente. A la prochaine réunion, je crois que c’est le 8 janvier, moi je vais mettre les choses au clair avec le conseil général : vous me dites qui est le gestionnaire tout de suite, ou je retire ma candidature. Parce que le marché ce ne sont que des soucis. De toute façon, je doute que le maire de Mamoudzou accepte et le conseil général pareil.

 

Mayotte Hebdo : Le ponton, le marché,… tout cela nous amène à parler de tourisme et du fait que Mayotte a perdu le marché Costa croisières.

Sarah Mouhoussoune : C’est très grave.

Serge Castel : Oui c’est grave parce qu’à mon avis ils ne reviendront pas et personne ne s’en est soucié vraiment, à part le préfet. Il m’a demandé récemment si on ne pouvait pas accueillir les croisiéristes au port. On aurait pu trouver une solution, mais là, maintenant, Costa ne reviendra pas. Et le problème c’est qu’on y perd beaucoup et que personne ne s’en occupe. Moi j’ai la solution, on pourrait, à partir de l’année prochaine, faire de petites installations au port pour les accueillir là-bas. D’autant plus qu’on va créer en septembre une zone de vie avec des restos, des brochettis, etc… Une zone d’accueil, sympa, où les gens pourront se promener le soir, donc ça conviendrait à l’arrivée des croisiéristes. Mais le problème c’est qu’on a aucune réponse aux questions que l’on pose. Le ponton croisiériste est brinqueballant – ce n’est pas la CCI qui s’en occupe. J’ai l’impression qu’on n’a pas envie qu’il y ait des touristes à Mayotte.

Sarah Mouhoussoune : Oui, encore une fois on voit que cette nouvelle assemblée au CG est plus branchée sur une politique politicienne, mais jamais sur l’économie du pays. Moi je le dis encore : je suis très inquiète. Le tourisme c’est quand même important, ça amène des personnes qui dépensent leur argent ici et qui parlent de Mayotte à l’extérieur. Je ne sais pas si ces personnes à la tête du comité du tourisme ont réfléchi à cette grande perte.

Serge Castel : On est en train de brandir la bannière du département en ignorant tout le reste. Etre département, c’est accroitre les responsabilités des élus. C’est prendre conscience de ces responsabilités, surtout au niveau économique, mais là je n’ai pas l’impression qu’on prenne conscience. On veut un département pour quoi ?

 

« Dans un département il faut que l’économie marche, que le tourisme marche, que ce soit une vitrine aussi de l’océan indien. (…) Je dis qu’au lieu de développer l’île on va régresser. On va droit dans des moments difficiles pour tout le monde. »

Sarah Mouhoussoune

 

Sarah Mouhoussoune : S’il fallait faire un choix aujourd’hui, si on nous disait on oublie pour quelques années l’histoire du département et on vous demande : est-ce que vous voulez choisir de d’abord développer votre île ? Franchement je serai pour ce choix parce que si on ne développe pas l’île, on va droit à la catastrophe. Parce que développer, c’est encore créer de l’emploi et quand vous voyez aujourd’hui toute cette jeunesse qui attend, si aujourd’hui on ne peut pas les former, on ne peut rien leur offrir, franchement un département sans rien dedans, ça ne sert à rien. Dans un département il faut que l’économie marche, que le tourisme marche, que ce soit une vitrine aussi de l’océan indien, que ce ne soit pas seulement l’île Maurice. J’ai entendu parler dernièrement de la recherche d’un nouveau directeur du comité du tourisme, on est juste à côté de l’île Maurice, qui a très bien réussi son développement touristique, pourquoi ne pas aller chercher des gens la bas, qui pourraient nous apporter leur expérience ? Mais non, pour des raisons amicales, politiques, on placera un ami. Donc je dis qu’au lieu de développer l’île on va régresser. On va droit dans des moments difficiles pour tout le monde.

Serge Castel : On manque d’hôtels, quand il y a un projet on ne l’aide pas. Pour les compagnies aériennes, on a un monopole, avec certes quelques nouvelles compagnies mais quand même toujours un monopole d’une entreprise qui ne veut pas baisser ses prix, même sous l’impulsion du Président de la République. Cela dit, l’avion est toujours plein. Il y a quand même un problème. Air austral a acheté ses Boeings 777 sur l’argent gagné à Mayotte, et sur 615 salariés il y a deux Mahorais, cela je ne le supporte pas.

 

Mayotte Hebdo : Vous avez participé récemment au Forum économique des Chambres de commerce de l’océan Indien aux Comores. Pensez-vous que ces relations économiques peuvent participer à la coopération régionale ?

Serge Castel : Tout à fait. En tant que président de la CCIM, quand je sortais du forum pour faire un tour, je ne faisais pas 10 mètres sans être abordé par un Comorien, Anjouanais ou Mohélien. Ils veulent tous faire du commerce avec Mayotte, travailler avec Mayotte. J’étais sans cesse sollicité par des entrepreneurs. Et il y a une réflexion qui m’a été faite par un jeune comorien qui a des responsabilités économiques, qui m’a dit : « moi je suis né en 1975, je me fiche de ce qui s’est passé avant. Je suis chef d’entreprise, je suis la pour gagner de l’argent. Donc le statut de Mayotte je m’en fiche, je veux faire des affaires et développer mon entreprise ». Voilà pourquoi ça peut changer. Ces jeunes là ont cet esprit. C’est un écran de fumée, on parle de Mayotte sans arrêt pour cacher la misère, parce que Moroni maintenant c’est la misère, il n’y a rien. Donc réclamer Mayotte qui est considérablement développée par rapport à eux, franchement que vont-ils en faire ? Ils sont en train de faire du bourrage de crane auprès des Comoriens pour ne pas parler du reste. Mais nous faisons des efforts. En début d’année je vais organiser un forum ici entre chefs d’entreprises mahorais et comoriens. C’est un peu à la demande de la préfecture d’ailleurs, pour mettre à plat les problèmes économiques – mais pas les problèmes politiques. Mais parmi ces problèmes, il y a une chose importante qui est la circulation des personnes et des biens, et notamment le problème des visas. Il faut arriver à autoriser les chefs d’entreprise à circuler, sinon on ne pourra pas parler de coopération si on empêche les gens de venir chez nous. On fait des efforts vers les Comores.

 

« On a choisi d’être Français. Les Comoriens doivent le respecter. Mais que les élus mahorais prennent leurs responsabilités. »

Sarah Mouhoussoune

 

Mayotte Hebdo : Justement, la circulation des biens et des personnes était le thème du dernier round du GTHN et on a l’impression qu’il ne s’y est pas dit grand-chose de concret.

Sarah Mouhoussoune : Je n’en ai pratiquement pas entendu parler, aucun élu n’y a été. Je trouve cela regrettable, car quand nous sommes allés à Paris déposer la résolution pour le département, je me rappelle des propos de M. Douchina qui a dit qu’il se déplacerait aux Comores pour anticiper la coopération régionale. Et quand j’apprends aujourd’hui qu’aucun élu n’était présent cette fois, je me demande si on veut vraiment que les choses avancent. On a choisi d’être Français. Les Comoriens doivent le respecter. Mais que les élus mahorais prennent leurs responsabilités, on a accepté de travailler ensemble. Si ce groupe de travail avait vraiment fonctionné, on aurait pu ensemble trouver des solutions, car ce n’est pas en restant enfermés chez nous qu’on va changer les choses.

D’autant qu’il y a de l’hypocrisie car on ne veut pas parler avec eux, mais en même temps on reçoit ses amis ici, on part en vacances là bas, donc pourquoi ne pas clarifier les choses et faire tout cela dans la transparence ? Je reviens encore sur ces assises qui avaient été organisées par M. Bayle. J’avais eu à traiter le thème de l’immigration clandestine, je représentais FO à l’époque. J’ai eu droit à des propos durs du préfet qui disait que ce que je proposais était utopique, car je disais justement que pour endiguer ce fléau il n’y avait que la coopération régionale. Aider les Comoriens à rester chez eux, à travailler chez eux et vendre leurs produits à Mayotte. Je me suis fait traiter de tous les noms, pourtant je me souviens que par la suite, M. Bamana – paix à son âme – est venu me dire « Sarah tu avais raison et cette proposition que tu as faite, je la ferai mienne. » Et si depuis cette époque on avait concrétisé les faits, pas seulement sur du papier, je crois que beaucoup de choses auraient été réglées. Dès qu’on avance, on recule à petits pas, comme cette fois où les élus ne sont pas venus. On est adultes, il faut savoir se parler.

Serge Castel : A la décharge du président du CG, j’avoue qu’à sa place j’aurai hésité. Parce que compte tenu de ce qui s’est passé ces derniers temps, les propos de Sambi contre la consultation, qui insulte Mayotte et les Mahorais… ça suffit ! Il faut faire une différence entre la politique et l’économie, l’économie c’est gagnant–gagnant, les chefs d’entreprises comoriens y gagneront autant que les Mahorais. La politique c’est autre chose. La France a récemment donné de l’argent pour payer leurs fonctionnaires, on n’arrête pas de faire des efforts alors qu’eux n’en font jamais. Alors je me mets à la place des élus qui n’y sont pas allés à juste raison, car il faut arrêter : les Comoriens n’ont qu’un seul sujet de conversation au GTHN, c’est les visas, le reste ils s’en fichent complètement. Il n’y a que les chefs d’entreprise qui s’intéressent à l’économie. C’est pour cela d’ailleurs que moi j’ai envoyé un élu de la chambre de commerce avec le préfet, en l’occurrence Michel Taillefer.

Et des choses ont avancé. Vous avez vu récemment les légumes qui sont arrivés d’Anjouan, ça ne se faisait jamais avant. On a d’autres choses à leur acheter, à Anjouan notamment. Pourquoi importer des pommes de terre d’Europe qui coutent trois fois plus cher que celles des Comores ?

 

« Le problème de l’immigration clandestine pourra se régler vraiment le jour où les Mahorais prendront conscience des choses. Actuellement qui héberge les clandestins, qui les fait vivre, les emploie, qui leur loue des terrains ? »

Serge Castel

 

Sarah Mouhoussoune : Moi je comprends aussi les Comoriens quand on parle de visas. Quand on voit tout ce qui se passe, cette dernière catastrophe en mer, tous ces morts. Est-ce qu’on va pouvoir accepter cela encore longtemps ? Le visa ne va pas régler tous les maux mais va clarifier les choses. Avant le visa Balladur, il y avait quand même un visa, on savait qui rentrait à Mayotte, qui hébergeait qui. Si on ne parle pas des visas aujourd’hui, on aura toujours ce problème. Si on clarifie ce problème, les discussions seront je pense plus ouvertes. Et cette réclamation que font les Comores vis-à-vis de Mayotte, au bout d’un moment je pense qu’ils vont s’en lasser.

Serge Castel : Ça fait 30 ans que ça dure tout de même… (Ils rient tous les deux)

Sarah Mouhoussoune : Oui… Mais il y aura toujours des gens qui seront contre, même ici à Mayotte, ce sont des choses qui existeront toujours. Mais qui aujourd’hui – quand on connait tous les problèmes des Comoriens, pas d’électricité, d’eau, la misère, la saleté… – qui aujourd’hui accepterait que Mayotte puisse vivre ces mêmes difficultés. Je dis franchement que je m’y vois mal. Mais des relations de bon voisinage peuvent exister et elles ne le pourront que lorsque ces histoires de visas seront clarifiées, qu’on contrôlera les entrées et sorties. Car pour l’instant ce ne sont pas les meilleurs qui arrivent en kwassas, ce sont les grands délinquants, on le voit bien au tribunal. Les Comoriens sont heureux aujourd’hui, ils dorment portes ouvertes chez eux, leurs délinquants sont ici ! Est-ce qu’on va continuer à vivre comme ça ? Je ne pense pas, il faudrait réfléchir. La politique et l’économie sont des choses différentes, certes, mais elles vont de pair aussi.

Serge Castel : Le problème de l’immigration clandestine pourra se régler vraiment le jour où les Mahorais prendront conscience des choses. Actuellement qui héberge les clandestins, qui les fait vivre, les emploie, qui leur loue des terrains ? Ce sont les Mahorais. Le jour où ils comprendront qu’il faut arrêter ce qui est pour moi un esclavage des temps modernes, qu’il faut arrêter de les aider, ils viendront moins souvent ou moins nombreux. Vous vous souvenez il y a quelques années ce qui s’est passé à Sada ? Quand le maire a renvoyé 500 ou 600 personnes ? Ce n’est pas ça qu’il faut faire.

Sarah Mouhoussoune : Mais il les a rappelés quelque temps après… (Rires des deux)

Serge Castel : Oui c’est vrai. Mais ce que je veux dire c’est que je suis d’accord avec le président de la Capam quand il dit qu’il ne trouve pas d’agriculteur et qu’il ne peut embaucher que des Anjouanais. On peut le faire, du moment que ces gens là sont déclarés à la sécu, qu’ils touchent le Smig et pas 150€ par mois, après tout on a besoin que l’agriculture tourne ici, s’ils trouvent des salariés là bas, qu’on les autorise à le faire, mais de façon régulière, faire des visas saisonniers.

Sarah Mouhoussoune : Oui c’est ce qu’il faut faire.

 

« Si demain l’Anjouanais peut rester chez lui, cultiver chez lui et vendre ici, il préférera le faire et rester dans sa famille plutôt que d’être exploité ici. »

Sarah Mouhoussoune

 

Serge Castel : Mais il n’y a pas que les Mahorais. Il y a plein de Métropolitains, d’une catégorie sociale que je ne citerai pas, qui embauchent des bouénis à la maison à 150€ par mois pour 40h par semaine, pour eux c’est du social. En fait ils exploitent les gens. Je trouve cela scandaleux. Le jour où on comprendra qu’il faut arrêter de les aider, ils viendront moins. On ne règlera pas le problème sans ça, c’est impossible. En plus, les Mahorais ne se rendent pas compte qu’un jour ils seront moins nombreux ici que les Comoriens. Et ça va changer les choses. Regardez ce qui s’est passé le 27 mars, je n’admets pas cela et je pense qu’aucun Métropolitain de l’île ne l’admet. C’est scandaleux car c’est du racisme. J’espère que ça ne se reproduira plus car il y a eu des séquelles. Et je ne crois pas avoir entendu des Mahorais, à part une personne, s’offusquer de ce qui s’est passé ce jour là.

Sarah Mouhoussoune : C’est pour ça que moi je me pose des questions, que je n’ai pas voulu prendre parti par rapport à ce qui s’est passé le 27 mars. Je me demande si ce n’était pas quelque chose de voulu. Car les Comoriens vivent depuis des années ici et il n’y a jamais eu ce genre de débordements. Donc que d’un jour à l’autre, en une matinée, tout explose, je me demande si ce n’était pas organisé ou voulu par certaines personnes ici.

Serge Castel : Voilà, c’était le volet immigration clandestine (sourires), un peu difficile à éviter. Mais vous savez il y a quelques années, une mission sénatoriale était venue ici. J’avais évoqué certaines choses et on m’avait demandé d’écrire un courrier qui avait été lu au Sénat, et dans lequel je disais justement que la France devait aider les Anjouanais, construire un hôpital, des écoles, mettre des coopérants français. Qu’est-ce qui attire les Anjouanais ici ? La santé, l’éducation et bien sur l’économie car ils peuvent avoir quelques revenus, si faibles soient ils. Si on arrive à régler le problème de la santé et de l’éducation, ils seront moins nombreux à venir, et la France, plutôt que de distribuer de l’argent aux fonctionnaires, ils auraient mieux fait de construire là bas ce qui manque. A l’époque, Mme Girardin m’avait dit « tant qu’Azali sera président, on ne donnera jamais un rond ». Mais là c’est pire qu’Azali ! Si on avait aidé Anjouan, on n’en serait pas là.

Sarah Mouhoussoune : Et je pense à cet exemple qu’on a vu récemment de l’arrivée de tomates d’Anjouan ici. Si demain l’Anjouanais peut rester chez lui, cultiver chez lui et vendre ici, il préférera le faire et rester dans sa famille plutôt que d’être exploité ici. J’espère que tous les élus réfléchiront à cette coopération.

 

« Les Mahorais veulent devenir département pour s’ancrer un peu plus fort dans la République, pas pour les lois sociales. (…) Ces avantages sociaux comme le RMI sont arrivés après 1975. »

Serge Castel

 

Mayotte Hebdo : Mais comment expliquez-vous, alors que cela fait visiblement des années qu’on estime qu’il faut développer la coopération régionale pour trouver des solutions, qu’on en soit encore aujourd’hui à choisir comme solution d’expulser en masse alors que ça ne fonctionne pas ?

Serge Castel : C’est très simple. Vous savez j’ai fait des missions, avec le Medef et avec la CCI, à Madagascar et aux Comores pour voir quelle coopération économique on pouvait mettre en place. Car la coopération ce n’est pas juste s’acheter des produits. Les missions que nous faisons visent aussi à voir dans quelle mesure on peut installer des entreprises là-bas, aider ainsi au développement et créer des emplois. Mais quand vous avez un code des investissements qui à l’article 4 vous dit qu’il y a une possibilité de nationalisation, vous pensez bien qu’il n’y a aucun chef d’entreprise assez fou pour s’installer dans un pays comme ça. Ça a été évoqué au forum il y a quelques semaines. On leur a dit « nous voulons des garanties mais vous n’êtes pas capables de nous les fournir ». Si un chef d’entreprise mahorais installe une entreprise là-bas, il ne veut pas qu’au bout de 2 ans, quand ça tourne bien, on la lui pique. Et c’est ce qui se passe. Regardez ce qui s’est passé avec Total, avec la Sogea… Il n’y a qu’une entreprise d’ici qui soit installée là-bas, c’est Coca qui a une usine à Anjouan.

 

Mayotte Hebdo : Un mot de la fin peut-être ?

Serge Castel : Mon mot de la fin c’est souhaiter que cette départementalisation soit réussie, soit progressive. Qu’appliquer le droit commun ne soit pas un préalable et que l’on s’occupe évidemment de l’économie dans ce pays, vraiment qu’on donne une chance à l’économie pour le bien des Mahorais.

Sarah Mouhoussoune : Concernant ce statut de département, je ne suis pas tout à fait d’accord avec M. Castel. On s’est battu pour avoir un statut de département, on ne connait qu’un seul département, nous voulons le même que celui de Martinique ou de la Réunion. On a des spécificités qu’il faut respecter, mais adapté à quoi, progressif par rapport à quoi…? C’est vrai que ça va être difficile pour certaines personnes, notamment pour la base, mais on n’a rien sans rien.

Serge Castel : Il faut lutter conter les idées reçues. Moi j’entends souvent à l’extérieur de Mayotte que « Mayotte veut être département pour bénéficier des avantages sociaux ». C’est faux. Il faut savoir que depuis 1975, les Mahorais se battent, nos ainés se sont battus, pour qu’on soit département et c’est cet esprit là qui est resté, ce n’est pas pour les lois sociales. C’est simplement que les Mahorais veulent s’ancrer un peu plus fort dans la République pour ne pas devenir comme les Comores. Ces avantages sociaux comme le RMI sont arrivés après 1975, ils sont là on ne va pas les refuser, mais la vraie volonté c’est l’ancrage dans la République. Il faut le souligner.

 

 

19/12/2008 - Petit déjeuner de Mayotte Hebdo - Sarah Mouhoussoune et Serge Castel

 


J’aime… J’aime pas…

Noël

Sarah Mouhoussoune : C’est une fête que j’aime comme tout le monde, c’est un moment où on se retrouve en famille, entre amis. Oui j’aime.

Serge Castel : Moi de même pour les mêmes raisons.

 

Barack Obama

Sarah Mouhoussoune : Ah… c’est la mode aujourd’hui ! Et j’espère que ce sera un exemple pour tous les autres pays.

Serge Castel : Moi j’adore. Je défends complètement cette idée, je trouve que les Etats-Unis ont leurs défauts et leurs qualités, mais là c’est une qualité. Il y a un peu plus d’un siècle environ on abolissait l’esclavage et aujourd’hui vous avez un métis à la tête du plus grand pays du monde, moi personnellement je trouve ça fantastique. En plus je suis très pro américain parce que mon fils y vit et j’y vais souvent. Je pense que cela va un peu gêner les islamistes qu’il y ait un président métis, mais moi je suis pour le métissage. Il faudrait que toute la planète soit métissée.

Sarah Mouhoussoune : Effectivement c’est extraordinaire, c’est un exemple que j’aimerai voir ici à Mayotte, qu’on ne fasse pas la différence entre un français d’origine malgache, comorienne, hindou ou quoi que ce soit.

 

La saison des pluies

Serge Castel : Oui c’est une bonne chose car ça renouvelle la nappe phréatique et on en a besoin !

Sarah Mouhoussoune : C’est une bonne chose surtout pour nos agriculteurs, mais ce que nous avons vécu hier (lundi)…, J’ai des soucis quand on voit que tout ce qui est assainissement, routes, n’est pas achevé, ça m’inquiète.

 

Hishima

Sarah Mouhoussoune : Je n’ai pas pu y aller, j’ai regretté, mais j’espère que ça se reproduira. Il faut que ça rentre dans la culture aujourd’hui, c’est quelque chose de bien.

Serge Castel : Oui moi aussi j’aime bien. La culture ça fait partie de l’ouverture d’esprit et récompenser les artistes pour moi c’est une bonne chose car ils apportent beaucoup à la société mahoraise.

 

Le romazave

Sarah Mouhoussoune : Ah, j’adore ! Une de mes spécialités.

Serge Castel : Moi j’adore et je le fais aussi. Ma femme est Malgache et Mahoraise, mais c’est moi qui fais le romazave à la maison.

 


Votre plus grand…

…Voyage

Sarah Mouhoussoune : Est-ce que j’en ai eu ?… Ah si, quand même, quand un de mes premiers fils a eu son baccalauréat et que je suis partie l’installer en Métropole, c’était un grand voyage.

Serge Castel : Moi j’ai voyagé dans le monde entier. Le plus grand en termes de distance, c’est Tahiti, la Nouvelle-Calédonie, c’est très long ! Le plus important, c’est les Etats-Unis et le Québec. Le Québec j’y suis allé cette année, c’est un pays formidable, dommage qu’il y fasse froid, mais le racisme n’y existe pas, vraiment, c’est incroyable.

 

…Fierté

Sarah Mouhoussoune : La réussite de mes enfants. D’ailleurs j’y contribue toujours. Et aussi de représenter les femmes aujourd’hui en tant qu’élue.

Serge Castel : D’abord d’avoir épousé ma femme. Mais à Mayotte, c’est d’avoir monté toutes ces structures qui servent aux Mahorais. Et d’avoir été le premier président de la Chambre de commerce, pour moi c’est une réussite, personnelle bien sur.

 

…Regret

Sarah Mouhoussoune : Je n’en ai pas. Non, j’assume tout ce que j’ai fait.

Serge Castel : Moi ce serait de ne pas réussir à faire tout ce que j’ai promis de réaliser dans ma mission de président de la Chambre de commerce, des choses qui sont importantes pour Mayotte.

 

Héros :

Serge Castel : J’ai des héros dans l’Histoire bien sûr, des grands hommes comme Napoléon ou César, mais au risque de me répéter, actuellement mon plus grand héros c’est Barack Obama car il a réussi quelque chose de fantastique. Car en plus il a réussi à ramener vers lui des gens qui étaient contre lui, comme Hillary Clinton.

 


A propos des quatre îles…

Serge Castel : Quand on entend les Comores dire sans arrêt « Mayotte est à nous », il faut se souvenir qu’à l’époque chacune des quatre îles était indépendante et avait à sa tête un sultan, qui essayait constamment d’envahir l’île voisine. C’étaient les fameux « sultans batailleurs ». Et à l’époque de l’arrivée des Français, le sultan de Mayotte, Andriantsouli, a demandé aux Français de le protéger contre le sultan d’Anjouan. La France assurait l’éducation de ses enfants et en contrepartie il lui vendait l’île.

Sarah Mouhoussoune (en riant) : 1€ symbolique, c’est grave ! Il aurait pu vendre plus cher !

Serge Castel : Donc il a vendu l’île et environ 20 ans après, la France a colonisé les trois autres îles, jusqu’en 1975. Cela veut dire que c’est la seule époque où les Comores ont été unifiées. Et maintenant on vient nous dire que Mayotte est comorienne, mais s’il n’y avait pas eu la colonisation, Mayotte n’aurait jamais été comorienne, elle aurait juste été mahoraise. Il faut garder cela à l’esprit.

19/12/2008 – CCI : Bilan 2008 et perspectives 2009

Vous revenez d’un séjour d’une semaine au programme chargé, où vous avez participé, entre autres, aux états généraux des présidents de Chambre de commerce. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Le premier temps fort de mon déplacement, le comité exécutif de l’Union des chambres de commerce de l’océan Indien, où nous avons fait le bilan du forum économique de Moroni, s’est bien passé. Nous avons évoqué le prochain, qui se tiendra à Mayotte au mois d’octobre. Nous avons également engagé un dialogue avec la COI (Commission de l’océan Indien) afin qu’elle reconnaisse Mayotte pour pouvoir organiser le forum dans les meilleures conditions. Ce n’est pas encore le cas, pourtant je suis vice-président de l’UCCIOI (Union des chambres de commerce de l’océan Indien), qui est le bras armé de la COI en matière économique. On essaye donc, petit à petit, et j’ai rencontré à ce sujet l’ambassadeur de la coopération régionale à Paris, afin d’obtenir la reconnaissance de Mayotte par la COI, ce qui nous permettrait également d’avoir accès à des budgets importants.

Au cours du comité permanent des présidents des Chambres d’Outremer, qui se réunit trois fois par an, deux fois à Paris et la dernière dans le territoire qui a la présidence, actuellement la Martinique – et normalement Mayotte l’an prochain si elle devient département – les sujets évoqués concernaient plus les Dom que les Tom et Com. Toutefois, les débats, notamment sur les modalités d’application des dispositifs de la Lopom, étaient très intéressants.

Et pour finir, la grand-messe des états généraux des CCI ! Nous étions plus de 4000. Tous les élus de toutes les Chambres de commerce étaient présents, comme beaucoup de chefs d’entreprises, mais aussi Christine Lagarde, François Fillon et Mme Parisot, avec beaucoup de débats sur l’économie en général.

De toutes ces rencontres, une chose me paraît très importante : le projet de réforme sur les Chambres de commerce. Actuellement, il existe environ 160 Chambres. Le gouvernement, dans le cadre de la RGPP (Réduction générale des politiques publiques), veut réduire leur nombre à 23, soit une par région, plus celle de Paris, avec, dans chaque région, des cellules territoriales qui dépendent de leur chambre régionale. La réforme a été adoptée à 63% par le vote nominatif des présidents de Chambre, et devrait être soumis au Parlement d’ici la fin de l’année.

Même si cette réforme ne concerne pas l’Outremer, elle va provoquer quelques bouleversements puisque nous allons demander à ce que chaque Chambre ultramarine soit désormais une chambre régionale à part entière. Dès lors il nous appartient d’être vigilants, car le plus important pour nous c’est surtout de garder notre indépendance par rapport à la Réunion, même si le risque d’être affilié est faible.

 

« Je reste persuadé que l’économie peut contribuer à l’apaisement du dialogue politique entre les îles »

 

Quelles sont les actions que vous avez menées à bien en 2008 ?

En ce qui concerne l’administration centrale, nous avons réalisé trois enquêtes qui nous ont pris beaucoup du temps. La première sur les doukas, les petits commerces, que nous avons scrupuleusement recensés sur toute l’île. L’enquête livre ses premiers résultats en ce moment et on se rend compte qu’il y a plus de 25% de ces commerçants qui opèrent en toute illégalité. Pas de patente, pas d’inscription au fichier consulaire. Plus du quart des activités recensées ne sont inscrites nulle part, et dans certaines communes la proportion est plus importante, comme à Mamoudzou. Cette étude va nous permettre d’une part de remettre à jour nos fichiers consulaires, et de l’autre d’inciter les gens qui ne sont pas inscrits à régulariser leur situation.

La deuxième, réalisée en collaboration avec le CDTM, concerne l’offre actuelle d’hébergement touristique à Mayotte. Les résultats et analyses seront communiqués lors d’une conférence de presse, probablement organisée d’ici la fin de l’année ou à la rentrée.

Et enfin, la dernière, aussi importante, mais dont tout le monde semble se désintéresser, sur les besoins et les attentes des entrepreneurs en matière de TIC (Technologies de l’information et de la communication). Début 2009, nous lancerons la dernière investigation concernant l’industrie et les services, de façon à avoir un fichier consulaire complet et structuré.

Il y a eu aussi, cette année, le forum économique de Moroni. Ça s’est relativement bien passé. J’ai été très sollicité par les chefs d’entreprises comoriens, tous prêts à travailler avec Mayotte, sans doute plus qu’avec les autres îles.

La présence à nos côtés de M. du Payrat, le secrétaire général de la préfecture chargé des affaires économiques et régionales a été une bonne chose, car ce forum prend de plus en plus d’importance au sein de l’océan Indien. Le prochain se déroulera à Mayotte. C’est un vrai challenge pour la CCI. A nous d’optimiser les huit mois de travail qui nous séparent d’octobre, afin d’offrir une prestation de rang pour les 300 personnes conviées.

 

Dans quelles mesures la CCI peut contribuer au développement des échanges économiques, initiés par le GTHN, entre les îles de l’archipel ?

On peut aller plus loin. Même si nous faisons déjà de gros efforts envers les Comores en matière d’économie, les entrepreneurs sont très demandeurs, mais il faut que la confiance s’installe, pour créer un climat propice à l’échange. Nous avons tout intérêt à cela, notamment en matière agricole. On vient d’en avoir un exemple récemment, avec la livraison de tomates, d’oignons et de pommes de terre en provenance d’Anjouan. Je reste persuadé que l’économie peut contribuer à l’apaisement du dialogue politique entre les îles, car les chefs d’entreprises comoriens se fichent que Mayotte soit française ou comorienne. Leur souci, c’est de voir les échanges se multiplier avec Mayotte et les pays de la zone.

 

« Il ne faut surtout pas que la Smart coule »

 

Peut-on connaître les orientations de la Chambre pour 2009 ?

Nous avons déjà entamé la première tranche des gros travaux de rénovation des bâtiments à Longoni cette année. 2009 verra la création d’une zone de vie, avec des restaurants, des parkings. Un aménagement nécessaire puisqu’aujourd’hui plus de 500 personnes travaillent au port. L’appel d’offres sera lancé la semaine prochaine. La pose d’une bascule, pour peser les conteneurs, évitera aussi la fraude. Récemment, un conteneur enregistré sous 15 tonnes a fait écrouler un stacker qui ne pouvait en soulever plus de 18 !

Et puis bien sûr, le nouveau quai. Pour le moment, c’est l’attente. Une étude vient d’être lancée par le conseil général pour savoir quelle serait la meilleure solution pour eux. Mais il ne faut pas perdre de vu que Longoni est un petit port, qui traite 500.000 tonnes par an. Il y a déjà un concessionnaire qui est la CCI. Je vois mal demain un petit port comme celui-ci où cohabiteraient deux concessionnaires, deux manutentionnaires, sans qu’un des deux ne coule ! Et il ne faut surtout pas que la Smart coule, car c’est un pilier de l’économie mahoraise. Ce serait vraiment une erreur de mettre un autre concessionnaire, d’autant que la concession de la CCI pour le premier quai cours jusqu’après 2020. De plus, pour exploiter le deuxième quai, il faut au minimum 10 millions d’euros d’investissements pour acquérir des grues mobiles, des terre plein, du matériel… Comme rien n’a été décidé, rien n’a été commandé, et cela restera comme ça au moins pendant un an et demi, le temps que la consultation se fasse et que le choix soit entériné. Nous allons donc perdre au moins un an d’exploitation du quai.

 

Le deuxième quai du port de Longoni est-il un argument suffisant pour attirer de nouveau les grandes compagnies ?

Les armateurs, depuis le 11 avril 2007, se sont entendus entre eux pour ne plus venir directement à Mayotte. Avant nous étions livrés sous 17 jours de mer, désormais c’est 30, 31 ou 35 jours de mer car les navires passent par Maurice. Cependant, très vite Port-Louis a été « surbooké », entraînant la multiplication des cargos qui patientent en rade avant de décharger. Certaines compagnies comme Delmas, une filiale de CMA-CGM, ont pris les devants en créant une nouvelle ligne, Mascareignes Express, avec un hub à Djibouti. Le premier navire arrivera le 19 décembre.

Cependant, pour Mayotte, cette nouvelle organisation ne change rien au niveau des délais. Les navires passent d’abord par Djibouti, puis de Djibouti ils vont aux Seychelles, ensuite à Maurice, la Réunion, Madagascar, Mayotte et enfin les Comores, mais les délais sont les même que depuis avril 2007.

Le problème qui se pose, c’est la difficulté pour les importateurs à gérer leurs stocks, compte tenu de la durée de mer. Désormais ils commandent plus, alors que très peu ont des capacités de stockage. Ils laissent leurs conteneurs au port et cela a un coût, qui se répercute à la consommation.

Alors oui, un deuxième quai est un argument important, dans le sens où deux navires peuvent être traités en même temps. Sans attente en rade, cela devient plus rentable pour les porte-conteneurs de passer directement par Longoni, même pour décharger 200 boites.

 

« L’Ecole de gestion et de commerce, ce serait un vecteur idéal pour donner envie aux Mahorais de créer leurs entreprises, ou au moins de rentrer dans le privé »

 

Pour rester dans le domaine maritime, où en est le projet de création d’une compagnie régionale ?

Je tiens à redire que c’est l’UCCIOI qui est à l’origine de ce projet, lors des débats du forum économique, il y a deux ans, à Maurice, lorsque les trois armateurs historiques qui desservent la région nous ont dit : « les îles ne nous intéressent plus, ce n’est par rentable. Il n’y a que deux ports intéressants pour nous dans l’océan Indien, c’est Durban et Singapour ».

Dès lors, nous avons décidé de lancer l’idée d’une compagnie maritime régionale, sur la base d’une étude financée par la COI et l’AFD. Cette décision a provoqué des réactions de la part de nombreuses compagnies qui manifestent leurs intérêts, malheureusement uniquement dans le discours, de se positionner. Par exemple la compagnie UAFL, qui dessert déjà Mayotte en amenant des voitures de la Réunion, m’a encore récemment sollicité. Il faut se souvenir que c’est une idée qui est née il y a déjà plus de 20 ans, mais au regard des divergences politiques des pays de la zone, un projet international ne me paraît pas réalisable. Et même si des compagnies semblent aujourd’hui être intéressées pour créer un réseau privé, cela prendra du temps.

 

Avez-vous des projets qui vous tiennent à cœur ?

L’Ecole de gestion et de commerce. Cela existe dans toutes les Chambres de commerce et d’industrie. C’est une formation pragmatique, niveau bac +3, où les étudiants acquièrent une expérience du monde professionnel grâce à l’alternance, à l’international comme à l’intérieur du pays. Ce serait un vecteur idéal pour donner envie aux Mahorais de créer leurs entreprises, ou au moins de rentrer dans le privé. Malheureusement, financièrement je ne peux pas. Tant que le code de la fiscalité ne s’appliquera pas à Mayotte, la CCI n’aura pas accès à une ressource essentielle pour toutes les Chambres : la TAPP, soit une partie de la taxe professionnelle.

A Mayotte nous avons une dotation du CG d’environ 1,2 million d’euros, uniquement pour l’administration centrale. C’est insuffisant, trop insuffisant, surtout après avoir étoffé les qualifications, recruté des compétences, vitales pour que la Chambre fonctionne.

J’ai aussi une chose qui me tient à cœur, mais il n’est pas dit que l’on ne le fasse pas, c’est la pépinière d’entreprises. J’en ai visité à la Réunion, en Métropole, à Tahiti, et là aussi il me semble que c’est une structure idéale pour lancer des entrepreneurs, car je le répète : il faut que les Mahorais créent des entreprises. Le fonctionnement est simple. Pendant deux ans les créateurs, de tous secteurs confondus, sont hébergés. On met à leur disposition tous les services nécessaires pour leur mettre le pied à l’étrier, et puis au bout de deux ans, quand l’entreprise a fait ses preuves, elle laisse la place à une autre. J’ai déposé un dossier. J’attends…

 

« Actuellement, les entreprises bénéficient, à part la loi de défiscalisation, d’aucun dispositif, seulement de quelques petites mesurettes »

 

Quel est votre sentiment quant à la mise à l’écart de Mayotte des nombreux dispositifs nationaux ou ultramarins, comme la loi pour le développement économique et l’excellence de l’Outremer ?

Mon plus grand regret, c’est que Mayotte ne soit pas une Rup (Région ultrapériphérique). Actuellement les entreprises bénéficient, à part la loi de défiscalisation, d’aucun dispositif, seulement de quelques petites mesurettes. Nous sommes le territoire ultramarin français le plus lésé. C’est pour ça que l’économie ne se développe pas à Mayotte. La législation est loin d’être attractive pour les investisseurs.

 

La CCIM est-elle toujours candidate à la gestion du nouveau marché de Mamoudzou ?

Nous avons effectivement déposé notre candidature, mais c’est au conseil général de trancher, la décision lui appartient. S’il veut le garder, la seule chose que je demande, c’est de me rendre les 510.000 euros de pertes creusées depuis 15 ans par le marché actuel dans mes comptes. Donc j’attends. L’Etat est attentif aussi, car il a assumé 8 millions d’euros de l’édifice. Apparemment il y aurait un problème avec l’architecte, mais c’est leur problème. Pas le mien. Une réunion est programmée début janvier. En tout cas, si cela doit traîner encore longtemps, je retirerais la candidature de la CCI.

Ce que nous voulons, c’est dynamiser ce marché. Alors évidemment, les loyers ne seront pas les mêmes. Actuellement, il est de 38€ par mois, il va passer à 150€, voire à 200 € par mois. De plus, il y a 380 commerçants pour 245 places. Donc il faudra replacer des commerçants ailleurs. Évidemment, des gens vont perdre leurs places, car pour le dynamiser, cela veut dire mettre en place des activités qui n’y sont pas. Pour le moment, vous avez 245 personnes – entre le bazar et le textile – qui achètent les mêmes produits, aux mêmes prix, aux mêmes endroits. Le plus souvent à Dubaï. Donc, aucun intérêt pour le client. Pour diversifier l’offre, il faudra installer un ou des boulangers, un fleuriste, un bijoutier, un traiteur, un cordonnier… la liste serait trop longue, mais nous recevons énormément de demandes.

Le directeur de la CCI, Ibrahim Aboubacar, était la semaine dernière à Venise sur un salon touristique réservé au marché des croisières. Est-il parti comme « messager de la dernière chance » en Italie, patrie du croisiériste Costa, que certaines personnes ont réussi à faire fuir cette année ?

En aucun cas Ibrahim Aboubacar s’est substitué au CDTM. Concernant Venise, il y avait deux places pour le CDTM et une réservée pour la CCI. j’étais à Paris, j’ai demandé à plusieurs élus, dont le président de la commission du port, de nous représenter, mais ils étaient tous retenus par leurs obligations professionnelles. Comme

 

« C’est lamentable. Lorsque vous avez 1500 personnes par semaine qui dépensent, ne serait-ce que 20 euros chacun, regardez de quoi on se prive par la faute de gens irresponsables »

 

M. Aboubacar est donc parti là bas, mais il m’a confié n’avoir eu aucun contact avec le groupe Costa, dont les représentants étaient très en colère. Et je les comprends complètement.

Avoir laissé passer ça, c’est scandaleux. Personne ne s’est occupé de ce dossier, à part le préfet qui s’en est ému et qui m’en a parlé, ainsi qu’au président du conseil général, en nous demandant si l’on pouvait faire quelque chose pour accueillir les touristes au port. Pour le moment, nous n’avons pas les structures nécessaires au port. Avec le second quai, nous les aurons. Et puis le croisiériste et le réceptif n’étaient pas emballés par cette solution. Mais on aurait pu trouver une solution. Moi je dis que c’est lamentable. Lorsque vous avez 1500 personnes par semaine qui dépensent, ne serait-ce que 20 euros chacun, regardez de quoi on se prive par la faute de gens irresponsables.

 

Vous avez récemment posé un ultimatum à l’Etat concernant le ponton de plaisance de Mamoudzou. Pouvez nous éclairer sur ce point ?

J’ai déposé il y a déjà 6 mois de cela, dans le cadre du Contrat de projets, un dossier à la préfecture, demandant une avance de 1,5 million d’euros sur les 3 millions destinés au renouvellement des deux pontons. Le dossier traîne depuis.

Il y a un mois, sous les coups de vents et la mer agitée, un catway et un bateau amarrés au ponton ont coulé. C’est moi le responsable de cette structure et j’ai peur que demain un accident plus grave se produise. Donc j’ai posé effectivement un ultimatum, en disant : « ou vous me donnez l’argent, et vite, ou je ferme le ponton ». Mais comme c’est un financement Etat-conseil général, il faut encore que l’Etat arrive à convaincre la Collectivité de trouver les fonds.

Entre temps, j’ai commandé un audit à un cabinet d’études et d’expertise, que j’aurai ce vendredi entre les mains. A la lumière des recommandations, si vraiment il y a un danger avéré, je prendrai instantanément la décision de fermer le ponton. Ce qui me gêne beaucoup dans cette histoire, c’est d’en arriver au point de bloquer l’activité de professionnels, comme les clubs de plongée et les opérateurs de ballades en mer. Je ne les ai pas encore prévenus, mais je le ferai à temps si je suis amené à prendre une telle décision. De toute façon, ces pontons seront obligés d’être fermés un jour ou l’autre pour effectuer les travaux.

Et puis il y aussi le problème du plan d’eau. C’est l’anarchie la plus complète. N’importe qui vient, pose son corps-mort et ne paye rien à personne en occupant le territoire public. Sur ce point, j’ai demandé une AOT (Autorisation d’occupation temporaire du domaine public) du plan d’eau. Ca fait deux ans que j’attends, sans réponse. Pourtant les plans ont été réalisés par la direction de l’Equipement pour réorganiser, optimiser ce plan d’eau. Encore une fois, l’avancement de nos projets est soumis à un aval administratif qui traîne. C’est usant.

 

Propos recueillis par François Macone


Budget 2008 de la CCI

  • CAF consolidé : 1.318.034 €
  • Résultat : 603.429 €
  • Charges : 5.941.297 €
  • Produits : 6.544.726 €

19/12/2008 – Fortes pluies : Un record sans précédent depuis 1949

Beaucoup de Mahorais se sont réveillés lundi matin les pieds dans l’eau, les uns se sont retrouvés bloqués dans des embouteillages, sur des routes coupées par des glissements de terrain, et d’autres ont dû trouver refuge chez des voisins au sec. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur Mayotte ont été exceptionnelles par leur intensité : elles ont causé d’innombrables inondations et glissements de terrain un peu partout sur l’île, mais aucune victime n’est à déplorer.

Deux jours après cet épisode orageux, une centaine d’agents de la DE était toujours à pied d’œuvre pour déblayer les voies de circulation, obstruées par des glissements de terrains, des coulées de boue et des arbres en travers de la route. « Cette montée des eaux est exceptionnelle », souligne Didier Jan, responsable des infrastructures à la DE, « il est tombé en un jour autant qu’en un mois de pluies de décembre ».

Météo France a enregistré des cumuls records de précipitations : »Ce cumul est le plus élevé depuis 1949, c’est-à-dire depuis les premiers relevés effectués à la création de la station de Pamandzi », a constaté Noël Carton, délégué de Météo France à Mayotte. « La dépression ne faisait que 1009 hectopascals, il n’y avait pas vent mais des masses convectives, très actives dans la nuit de dimanche à lundi, se sont développées juste au-dessus de Mayotte. Si elles s’étaient formées à 50 km des côtes, on aurait presque rien eu. Les convections sont comme des bulles qui explosent par endroit. Elles se sont évacuées vers l’Ouest, mais il y a toujours une instabilité météorologique dans la région ».

Aéroport fermé et barges suspendues

19/12/2008 - Fortes pluies - Un record sans précédent depuis 1949

Au SIDPC (Service interministériel de défense et de protection civile), un service de la préfecture qui met en relation tous les services de l’Etat, comme la Daf, la DE, la Dass, les militaires, la gendarmerie et la police, une mini-cellule de crise s’est tenue pour lancer une alerte dès samedi soir. « Dans la nuit de lundi à mardi, un pré-dispositif d’hébergement dans les écoles a été mis en place avec les maires pour parer à toute éventualité », explique Emmanuel Bafour, le chef du SIDPC. Finalement, l’alerte a été levée mardi en fin d’après-midi.

Les transports aériens et maritimes ont également été touchés : la barge a arrêté ses rotations pendant une heure lundi matin et l’aéroport est resté fermé toute la journée. Tous les vols ont été annulés et des avions supplémentaires ont été affrétés le lendemain et le surlendemain pour un retour rapide à la normale. La Dass a envoyé un communiqué pour rappeler que l’eau du robinet doit être bouillie pendant au moins 48 heures après de fortes pluies car l’alimentation en eau est perturbée et expose la population à.des risques sanitaires tels que gastro-entérites, typhoïde ou hépatite A.

En 48 heures, les sapeurs-pompiers ont reçu plus de 300 appels pour effectuer des évacuations et mettre en sécurité les populations les plus fragiles. Ils sont également intervenus aux urgences du CHM pour pomper l’eau qui s’y était engouffrée et qui menaçait d’arriver au niveau des transformateurs électriques. « On devait déménager vers les nouvelles urgences, mais les entreprises n’ont pas pu venir. Il y a eu un peu d’eau, ce qui nous a obligé à reporter le déménagement et nous installer jeudi au lieu de mercredi », indique Véronique Mousillat, directrice par intérim du CHM. Les pompiers ont également aidé la DE à déblayer la chaussée en évacuant la boue grâce à leurs lances à incendie.

Des tonnes de boues et de déchets dans le lagon

Les dégâts les plus importants se sont situés sur la RN2 à Ironi-Bé, dans le virage de la Guinguette, où un gros glissement de terrain sur 100 mètres de long a empêché la circulation vers le Sud jusqu’en milieu d’après-midi. Le pont dans le virage d’Hajangua a également été très gravement touché : la montée des eaux a provoqué le déplacement d’un mur extérieur de 5 mètres de haut qui a chuté de 2 mètres et s’est déplacé de 10 mètres vers l’aval, emportant avec lui le radier. Le pont est toujours praticable mais la DE doit encore effectuer des réparations d’urgence : « Nous sommes en train d’étudier la technique à employer car il y a un risque d’affouillement de l’ouvrage, qui peut s’effondrer à cause d’un trou en-dessous », explique M. Jan.

Le Nord a également beaucoup souffert, entre Majicavo et Longoni, où 20 agents de la DE ont passé plusieurs jours à déblayer branches, pierres et boue. En Petite Terre, les agents de la DE ont travaillé jusqu’à 20h lundi soir pour rétablir les voies de circulation. Mercredi, la route menant vers la plage de Moya était la seule à être encore coupée.

19/12/2008 - Fortes pluies - Un record sans précédent depuis 1949

Ces fortes pluies se sont abattues dans un contexte où des records de pluviométrie avaient déjà été atteints, avant même lundi. Du 1er octobre au 13 décembre, le cumul des précipitations était déjà un record pour de nombreuses stations : 501 mm à Bandrélé contre 345 mm en 1986 (au moment de la création de la station), 749 mm à Dembéni contre 346 mm en 2004, et 511 mm à Pamandzi, contre 459 mm en 1978. Le kashkazi cette année s’annonce particulièrement pluvieux, ce qui ne va pas arranger la qualité de la chaussée, encore plus dans les rues des agglomérations où ce sont les communes qui ont la charge d’effectuer le déblaiement.

Ces tonnes de boues et de déchets divers qui se sont rués dans les rues, ont terminé leur course dans le lagon.

Julien Perrot

 


L’équipe municipale de Mamoudzou s’avoue quasiment impuissante

Mardi matin, une délégation composée d’adjoints au maire de Mamoudzou, de conseillers municipaux et d’une partie de l’équipe administrative de la commune s’est déplacée dans les rues de la commune pour évaluer les dégâts causés par les fortes pluies de lundi et recueillir les plaintes des administrés sinistrés. La commune de Mamoudzou est celle qui a été le plus touchée par ces pluies diluviennes, qui ce soit à Kawéni, M’gombani, Cavani, M’sapéré, Passamaïnty, Tsoundzou ou Vahibé.

La délégation a d’abord fait une halte aux chambres d’hôtes de Dougal Bond dans le quartier Bandrani de Kawéni, qui a accueilli lundi matin plus de 70 personnes, enfants et mères allaitantes, qui résidaient dans le quartier. En réponse aux remerciements du conseil municipal, Sophie, la compagne de M. Bond, a déclaré : « on ne l’a pas fait pour la reconnaissance, on l’a fait pour les gens ». Les terrains autour de la maison étaient tous inondés et le couple a offert gîte et couvert aux sinistrés. « Sur la colline de Kawéni, la déforestation a créé des nouvelles ravines et des nouvelles rivières ont déferlé sur la route et dans les cases », a constaté Sophie.

La délégation s’est ensuite rendue dans le quartier de Lazérévouni où les dégâts sur la voirie, pourtant récente, sont très importants. « C’est comme après une nuit de bombardements ! », s’est exclamé Moutuidine Yahaya, l’adjoint au maire chargé de l’aménagement, « nous avons voulu montrer à la population qu’on va les accompagner, même si la commune a très peu de moyens. » Le déblaiement des rues et des édifices publics, comme l’école de Kawéni recouverte de boue, ainsi que les trottoirs et les caniveaux le long des routes, doit normalement être assuré par les communes, mais M. Yahaya a reconnu que « pour cette année, le budget est épuisé ».

19/12/2008 – Production locale : Brique de terre compressée

La BTC va peut-être enfin sortir de l’ombre… Pour l’instant, la norme provisoire XP-P901, sortie des cartons en 2000, ne permet pas d’utiliser la BTCla BTC devrait reprendre l’année prochaine, grâce au soutien de la DE par le biais du ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire qui va débloquer les 20.000 euros nécessaires à l’étude préliminaire. comme n’importe quel matériau de construction car il manque les DTU (Documents techniques unitaires) qui permettent aux bureaux de contrôle de garantir que la construction est suffisamment solide pour pouvoir être assurée. Sous l’impulsion de l’association « Arterre Mayotte » qui regroupe une vingtaine d’acteurs de la construction, le programme de normalisation de

Vincent Liétar, directeur de projet à la Sim (Société immobilière de Mayotte), se réjouit de la relance de ce programme, qui entre dans l’air du temps : « Nous allons pouvoir bénéficier de l’effet « Grenelle de l’environnement », qui offre des facilités pour certaines dispositions réglementaires qui encadrent les « matériaux innovants ». Grâce à ces dispositions, un avis technique a la même valeur qu’une norme pour les ingénieurs, les architectes et les professionnels du BTP, avec une procédure plus facile et moins chère ». L’avantage de l’avis technique est qu’il devrait coûter environ 100.000 euros et aboutir fin 2009, contre 150.000 euros pour la norme définitive qui pourrait aboutir courant 2010.

Pour payer les études des experts du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment), l’association envisage un co-financement Etat/Collectivité, car la brique est un atout pour Mayotte, grâce aux nombreux emplois liés à cette production locale. Mustoihi Mari, président de l’association et conseiller général de Bandrélé, est confiant pour obtenir une subvention de la DEDD (Direction de l’environnement et du développement durable) : « Nous allons établir un dossier pour demander au moins 60.000 euros lors d’une délibération au conseil général vers le mois de février ou mars. Avant cela, il faut qu’il y ait un travail de communication et de sensibilisation au niveau du territoire, pour qu’il y ait une prise de conscience des pouvoirs publics ».

Un potentiel d’un million de briques par an

Au mois d’octobre dernier, Vincent Liétar a rencontré à l’école d’architecture de Grenoble Patrice Doat et Hugo Huben, les deux fondateurs de CRATerre (Centre international de recherches et d’applications pour la construction en terre), une ONG qui a conduit le premier travail de normalisation de la BTC de Mayotte en 1998. Ils se sont dits prêts à conduire cette démarche jusqu’à son terme. Et il est temps qu’elle le soit, car les carrières de granulats de Mayotte seront épuisées dans moins d’une vingtaine d’années : « A la Réunion, les graviers naturels sont épuisés », a constaté M. Liétar, « cela montre que ce n’est pas si loin que ça ».

Actuellement, quelques programmes de construction en BTC sont en cours, notamment portés par le cabinet d’architectes de Dominique Tessier, avec l’extension du lycée agricole de Coconi et l’érection d’un T11 à Tsoundzou 2. La Sim est également en train de construire une quinzaine de logements sociaux, notamment à Majiméouini, au sud de l’île. Un autre programme en locatif social va également démarrer avec 16 appartements à Cavani et des études sont en cours pour 58 autres logements locatifs intermédiaires en Petite Terre, à Mamoudzou et à Combani. Pour l’instant, les briqueteries de Vahibé et Dzoumogné sont les seules à fonctionner, mais la commande reste très faible. En tout, 5 briqueteries ont été identifiées – en 1981, au moment de l’âge d’or de la brique, il y en avait 17 – et elles représentent un potentiel d’un million de briques par an avec 11 presses, soit environ 250 logements de taille moyenne.

Mais tant que la norme définitive ou l’avis technique du CSTB ne sont pas sortis, la BTC ne pourra pas sortir de sa marginalité. Quand ce sera le cas, Mustoihi Mari souhaite que les pouvoirs publics donnent l’exemple : « On demandera d’intégrer un minimum de 20% de BTC dans tous les édifices publics nouvellement construits. L’Etat et le Smiam, pour la construction des écoles, devront le mettre dans le cahier des charges des concours ». Car non seulement la brique est solide, respectueuse de l’environnement et génératrice d’emplois qualifiants, mais elle est aussi et surtout une partie de l’identité architecturale de Mayotte.

Julien Perrot

 


Une association qui exporte le savoir-faire mahorais

L’association « Arterre Mayotte » a été créée en décembre 2007 et a permis de mettre en place quelques projets. Vincent Liétar s’est rendu récemment à Madagascar pour participer quelques jours à un chantier de BTC réalisé Jean-Pierre Excoffier, un briquetier-maçon qui s’est installé à Mayotte en 1984 et qui est parti cette année avec deux presses cédées par la Sim. Pour ce projet immobilier d’un hôtel à Majunga respectueux de l’environnement, Vincent Liétar a effectué quelques dessins et établi un diagnostic de cette nouvelle filière. En 2009, une vingtaine de villas seront construites grâce au savoir-faire de Mayotte.

Dans le courant de l’année 2009, une exposition sur la BTC mahoraise se tiendra dans la Maison de l’Architecture à Paris, grâce au soutien de Dominique Tessier, président du conseil régional des architectes d’Ile-de-France, qui a ouvert à Mayotte un bureau secondaire de son cabinet d’architectes en 2001. Une initiative qui va permettre à Mayotte de se faire connaître en Métropole et dans le monde pour autre chose que ses naufrages de kwassas, sa production de vanille ou d’ylang-ylang…

19/12/08 – La France rejette Bacar et ses proches

Parmi les dix dossiers examinés par la cour nationale du droit d'asile, celui du colonel Bacar et sa garde rapprochée ont essuyé un refus. Seuls trois "simples" soldats ont obtenu l'asile politique de la France, rapporte le Quotidien de la Réunion. Dernier épisode de l'affaire Bacar : la décision rendue par la cour nationale du droit d'asile concernant dix dossiers dont ceux du colonel Bacar et des trois Anjouanais, ses anciens ministres, expulsés vers le Bénin le 19 juillet. Cette haute juridiction a accordé l'asile politique à trois d'entre eux, de "simples soldats Bacar". Une de leurs avocates, Me Marie Briot, s'était rendue en banlieue parisienne le 12 novembre dernier pour défendre leur cas. "Leur retour à Anjouan est impensable, leur demande d'asile politique est pleinement justifiée par la situation aux Comores", avait-elle déclaré.

La décision de la cour nationale du droit d'asile s'est basée sur une jurisprudence s'appuyant sur le degré de responsabilités des hommes au moment de l'affaire Bacar. Cette juridiction a estimé que les postes de ministres tenus par les proches du colonel Bacar impliquaient qu'ils avaient couvert par leur autorité le régime Bacar. C'était pour eux la procédure de "la dernière chance". Mardi dernier, le dossier de cinq autres soldats Bacar a été étudié par la cour nationale du droit d'asile qui a mis en délibéré sa décision. Il reste en tout encore dix Anjouanais dont le sort n'est pas encore fixé.

19/12/08 – Pacte pour la départementalisation

La Pacte pour la départementalisation a été remis aux élus lors de leur rencontre avec le Président de la République ce mardi 16 décembre à l'Elysée. Il s'agit d'un document très précis, détaillé, d'une cinquantaine de pages, dont voici une synthèse.

 

Les principales étapes vers la départementalisation (2009-2012)

  • *29 mars 2009 : consultation de la population de Mayotte sur l’évolution vers la création d’un département relevant de l’article 73 de la Constitution.
  • *Eté 2009 : adoption de la loi organique mettant en œuvre le choix des Mahorais en cas de réponse positive. La loi organique prévoit que le département est créé le jour de l’installation de la nouvelle assemblée élue au plus tard en mars 2011. Une loi ordinaire précisera ensuite les modalités concrètes de mise en œuvre du droit commun qui en découle.
  • Eté 2009 – début 2011 : prise des textes législatifs et réglementaires nécessaires à la traduction de la "feuille de route" dans tous les domaines. Ces textes prévoient les adaptations nécessaires ainsi que la progressivité de certaines mesures.
  • 2009-2012 : fiabilisation de l’état-civil de l’ensemble des Mahorais. Première revalorisation des prestations déjà en vigueur à Mayotte.
  • Avril 2011 : installation de la nouvelle assemblée, création du département de Mayotte.
  • 1er janvier 2012 : mise en place des prestations sociales non encore étendues à Mayotte avec un taux correspondant à 25% du taux moyen national. Début de l’alignement progressif sur 20-25 ans des taux.

 

Les mesures en faveur du futur département

  • *Plus de 19 conseillers siègeront dans l’Assemblée départementale au renouvellement en 2011. Son président exercera les compétences d’un président de région et de département : une Assemblée unique.
  • Plus de moyens pour les communes : mise en place d’une fiscalité locale, des aides sociales, des taxes foncières, encourager l’intercommunalité. Dès l’élection de la nouvelle assemblée (en 2011), l’Etat lancera le schéma départemental de l’intercommunalité qui entrera en vigueur parallèlement à la mise en place de la nouvelle fiscalité locale. Seront ensuite engagés les transferts de compétences, là où la décentralisation n’a pas été complète.
  • Mayotte doit disposer d’un état-civil fiable, garant de l’identité avec un renforcement des moyens humains et matériels de la Créc. Après la consultation, une opération générale de recensement de tous les Mahorais sera effectuée dans chaque commune.
  • Mayotte doit disposer d’une justice républicaine : la justice cadiale est incompatible avec les principes républicains. L’Etat garantit deux statuts mais une seule justice. Les Mahorais qui relèvent du statut local peuvent encore faire appel à la justice cadiale. L’activité des cadis concernant les biens immobiliers a disparu au 1er janvier 2008, celle concernant l’état-civil devra se limiter à un conseil et non à l’établissement d’actes généraux de droit. Le rôle des cadis sera recentré sur des fonctions de médiation sociale. Leur activité judiciaire s’éteindra avec la mise en place des nouvelles institutions.
  • La maîtrise de la langue française : augmentation du nombre d’émissions en langue française sur RFO ; soutien aux familles, aux structures collectives, culturelles, médiatiques ou sportives, etc.
  • Respect de l’égalité hommes-femmes : affirmer l’égalité des époux dans le mariage, l’âge légal du mariage pour les femmes sera relevé de 15 à 18 ans, toute référence au tuteur matrimonial devra disparaître, le mariage religieux n’est pas interdit mais le mariage civil doit avoir était célébré au préalable en mairie par un officier d’état-civil, interdiction formelle de la polygamie.
  • Préserver l’équilibre social et l’ordre public : collaboration sans faille entre la police, la gendarmerie, l’armée, les services de la douance et du travail et l’autorité judiciaire afin de lutter contre la pression migratoire irrégulière, ce qui nécessite des outils juridiques adaptés à la situation mahoraise. La lutte contre l’immigration clandestine concerne toute la chaîne : passeurs, trafiquants, employeurs, poursuite de la politique de reconduite à la frontière, identifier et poursuivre les complices, à Mayotte, de l’immigration clandestine, bannir le travail clandestin, etc.

 

Une évolution progressive et adaptée

  • > Dans le domaine de la santé : une meilleure organisation des soins dans les 5 zones de l’île, des hôpitaux de référence, mise en place d’une politique de la santé pilotée par l’Etat, développer le secteur libéral.
  •  Renforcer la protection sociale : en Métropole ou dans les Dom, les prestations et les minima sociaux ont été crées au fil des décennies, en fonction du développement de l’économie et de la société. Il n’est ni possible ni souhaitable de verser immédiatement les prestations sociales au même taux qu’en Métropole ou dans les Dom. La généralisation des prestations sociales serait de nature à déstabiliser l’économie et la société, compte tenu du faible taux d’activité salariée.
  • L’augmentation des assurances sociales (maladie, retraite, famille, accidents du travail, chômage) sera menée au rythme de l’alignement des cotisations sur le régime de droit commun applicable en Métropole et dans les Dom et au rythme du développement économique de l’île. Un effort particulier sera fait sur la mise en place de l’allocation logement social.
  • La mise en place des 6 minimas sociaux restants à Mayotte ne peut suivre une règle unique d’évolution. Elles seront développées en fonction de l’évolution de l’économie et de la société. Dès l’entrée en vigueur de la départementalisation, un plan de revalorisation des prestations sociales existantes sera mis en œuvre pour les adultes handicapés et les personnes âgées, avec des augmentations significatives. Le niveau des prestations non encore étendues (revenu minimum d’insertion, allocation de parent isolé et allocation de solidarité active) se situera à compter de leur mise en place, en 2012, à environ le quart de ce qu’elles représentent en Métropole et dans les Dom.
  • La montée en charge de ces prestations sera ensuite progressive sur une période de 20 à 25 ans, éventuellement plus rapide en fonction du rythme de développement économique de Mayotte.
  • La mise en place des prestations liées à la perte d’autonomie suppose en conséquence une définition des outils adaptés pour permettre cette évolution individualisée, des recettes fiscales départementales afin de les financer, ainsi que la mise en place d’une journée de solidarité (contribution solidarité pour l’autonomie).
  • La mise en place de la fiscalité locale est prévue au 1er janvier 2014 : c’est l’enjeu pour accompagner la mise en place des nouvelles institutions. Les Mahorais devront acquitter de nouveaux impôts : taxe d’habitation, taxes foncières, etc. La base de l’impôt sera la valeur locative cadastrale. Dans ce cas, des efforts concernant l’état-civil et la domiciliation devront être réalisés, au préalable, afin que la réforme fiscale soit effective.
  • Réformer les règles concernant le droit du travail, les politiques de l’emploi et la formation professionnelle et de l’urbanisme : des équipes de juristes et de spécialistes des questions sociales et d’urbanisme seront affectées à Mayotte pour mettre à jour les textes concernés. L’application de nouveaux textes pourra s’échelonner entre 2009 et 2013.
  • Pour le secteur de l’urbanisme, une nouvelle étape dans la décentralisation des compétences au profit des communes pourra être réalisée. Les communes de plus de 10.000 habitants pourront ainsi instruire elles-mêmes les demandes de permis de construire.
  • Valoriser un développement économique autonome et équilibré : un fonds de développement économique, social et culturel, créé à partir de l’actuel fonds mahorais de développement économique, sera chargé de financer tout ou partie des équipements ou des actions retenues. Le montant et le rythme des dépenses publiques feront l’objet d’une évaluation régulière pour en garantir la meilleure utilisation. Ces nouveaux crédits serviront à amplifier les actions prioritaires qui ont été retenues conjointement par l’Etat et la CDM dans le cadre du 13ème Contrat de projet 2008-2014, telles que l’accélération de la politique de logement social et de résorption de l’habitat insalubre ou l’accompagnement du développement des secteurs économiques créateurs d’emplois et de richesse. Ces crédits serviront aussi à initier de nouvelles politiques de solidarité, afin de construire des structures d’accueil pour les enfants, les personnes âgées et les handicapés, et de mener des cations de prévention sanitaire, de lutte contre l’exclusion sociale et d’intégration des jeunes. Tous les deux ans, un rapport d’évaluation sera présenté par l’Etat aux collectivités de Mayotte, afin de dresser un bilan de l’impact économique des dépenses publiques consenties. Sur ces bases objectives, les conditions et le rythme d’extension des aides et prestations sociales pourront être précisés.

 

La coopération régionale et l’Europe

Dans le cadre du GTHN, l’objectif est de mettre un terme à un différend d’Etat à Etat et d’inventer un nouvel avenir qui inscrira pleinement Mayotte dans sa géographie.

En devenant Rup, Mayotte bénéficiera des dispositions du Traité de l’Union qui reconnaît la spécificité des Rup et la nécessité d’adapter les politiques communautaires à leurs réalités et à leurs contraintes permanentes. Mais la départementalisation ne conduit pas directement au statut de Rup et ne donne pas accès automatiquement aux fonds structurels comme le Feder ou le FSE. La procédure est complexe. Elle suppose, entre autres, que Mayotte puisse faire face à l’ensemble de ses obligations de région européenne. Un certain nombre de dispositions préalables devront être prises pour que l’ensemble des règles communautaires s’y applique.

19/12/08 – Réactions après la rencontre avec le Président Nicolas Sarkozy

Hamissi Assani, représentant de l’UMP

“C’est ce que Mayotte attendait depuis 50 ans”

Cette visite a été très intéressante. On nous a remis le Pacte sur la départementalisation. C’est exactement ce que Mayotte attendait depuis 50 ans. Nous serons consultés le 29 mars 2009. C’est très important et c’est une très bonne chose. Concernant, la progressivité du département, nous n’avons pas le choix. Mayotte a ses spécificités et on ne pourra pas tout faire tout de suite. On devient département progressivement, mais pour tendre vers le droit commun. Ces échéances sont normales, puisqu’il y a beaucoup de choses bloquées à l’instar de l’état civil.

 

Ibrahim Boinahery, président de l’AMM (Association des maires de Mayotte)

“Ce n’est pas un combat gagné, à Paris, auprès des parlementaires”

Le Président de la République et le secrétaire d’Etat à l’Outremer nous ont fixé une date pour le référendum. Les Mahorais attendent cela depuis 50 ans. Mayotte deviendra département après le renouvellement du conseil général en avril 2011. Pour une fois, c’est très clair. Pour la feuille de route, il y a des satisfactions et des choses à améliorer. Le Président Sarkozy nous a laissé le choix et nous a demandé de faire des propositions tous ensemble. Certains textes seront retardés, d’autres adaptés pour tenir compte des conditions de vie des Mahorais. Tout Mayotte doit contribuer à la mise en application de cette feuille de route. Ce n’est pas l’affaire de quelques uns ou d’un seul parti. Les portes ne sont pas fermées, quel que soit le sujet, à part les deux dates précitées. La départementalisation a été acceptée par le Président, par le Gouvernement, mais ce n’est pas un combat gagné, à Paris, auprès des parlementaires. La départementalisation se fera grâce à une loi et ce sont les parlementaires qui font la loi. Tous ne sont pas encore convaincus, il y a un travail de lobbying à faire auprès des parlementaires. D’ailleurs, la une de Libération “La République indigne” (NDLR : concernant le centre de rétention de Pamandzi) d’aujourd’hui (hier) n’arrive pas par hasard. Il y a 4 pages sur Mayotte et quelques lignes seulement sur la départementalisation. Je me demande si ce n’est pas une manœuvre pour empêcher le processus de départementalisation d’aller au bout.

 

Abdoulatifou Aly, député de Mayotte

“Il ya le contenant et le contenu du département”

La feuille de route et la consultation répondent très largement aux attentes des Mahorais car il y a le contenant et le contenu du département. C’est un département comme tous les autres que nous nous apprêtons à construire et c’est ce que les Mahorais ont demandé. Je suis satisfait que le Président de la République ait enfin entendu la voix des Mahorais et que cette question du département ait enfin une issue. Nous sommes en France, dans un pays démocratique et je ne comprenais pas pourquoi l’opinion des Mahorais n’était pas prise en compte. Les Mahorais vont confirmer la création du 101e département français et contribuer à la création d’une nouvelle Région ultra-périphérique européenne dans l’océan Indien.

Un projet de texte est toujours perfectible. Il y a des améliorations à faire. Les Mahorais sont impatients, les retards sont trop nombreux. La population est devant de vrais problèmes : état civil, social, économie, éducation, etc. On souhaite que les choses aillent très vite. Mais ce qui nous a été présenté est la meilleure des solutions que l’on nous ait jamais proposée. Quant à la une de Libération, depuis 2004 je dis qu’il ne faut pas que Mayotte soit la fille indigne de la République. Quelque part ce qui est dit sur le centre de rétention est vrai. Il y a des choses qui donnent une mauvaise image de Mayotte et de la France. La France est quand même le pays des Droits de l’Homme. Nous devons avoir un comportement normal. De nombreux efforts ont été faits, mais il reste beaucoup à faire au centre de rétention, à la prison et au niveau du comportement de certains policiers. Ce qui s’est passé à Bouéni récemment, c’est une dérive. On doit se hisser à la réputation de la France et balayer devant notre porte.

 

Ibrahim Aboubacar, conseiller général, représentant du Parti socialiste

"Beaucoup de choses restent encore à préciser"

Beaucoup de choses restent encore à préciser, sur l'organisation administrative, les moyens du développement économique, la question qui sera posée… Quant aux dispositions sociales, il serait souhaitable que l'on puisse encore y travailler. En revanche, nous avons reçu des solides assurances sur le processus de départementalisation en lui-même et ça c'est l'essentiel. Quant au reste, le combat continuera.

 

Soibahaddine Ibrahim, sénateur de Mayotte

"Le Président a tenu sa parole, le Gouvernement ses engagements et j’en suis satisfait"

Le Président de la République s’était engagé triplement sur la départementalisation. Tout d’abord par sa Lettre aux Mahorais avant son élection. Le 1er juillet 2007, il a réaffirmé que les Mahorais seraient consultés et le 23 janvier 2008 il y a eu le dépôt d’un texte en ce sens au Conseil économique et social. Mardi, il a annoncé solennellement à l’Elysée devant les élus mahorais qu’il y aurait une consultation. Quoi de mieux que de tenir sa parole devant des élus comme Marcel Henry qui se sont lancés dans ce combat depuis 50 ans ?

Le préfet sera chargé de recueillir les observations des élus concernant la feuille de route. Il y a un certains nombre de questions qui ne sont plus négociables. Quand Yves Jégo viendra les 8 et 9 janvier, le préfet lui fera parvenir nos observations. Le Gouvernement s’est engagé à participer à une action de communication sur cette feuille de route. En revanche, il s’abstiendra de faire campagne. Le Président a tenu sa parole, le Gouvernement ses engagements et j’en suis satisfait. Quant à la question, elle sera courte et simple et ne sera pas associée à un texte. Le Président la dévoilera lorsqu’il viendra à Mayotte vers la fin février.

Propos recueillis par Faïd Souhaïli

19/12/2008 – Petit déjeuner de Mayotte Hebdo

Bio Express

Sarah Mouhoussoune

Née à Mayotte il y a 56 ans, Sarah Mouhoussoune fait partie de la famille Boudra, originaire de Hajangua. “J’ai vécu à Mayotte, puis aux Comores quand la capitale a été transférée à Moroni. Je suis revenue à la déclaration de l’indépendance”, résume cette diplômée de l’Institut d’administration des entreprises de la Réunion. Sarah Mouhoussoune est aujourd’hui greffière du tribunal de commerce. Mais auparavant, elle a fait office de greffière au tribunal de première instance (1989-2000) puis greffière en charge de l’état-civil auprès du procureur de la République (2000-2007). Syndicaliste, c’est à ce titre qu’elle a été élue présidente de la Caisse de prévoyance sociale (CPS) en 2003, qui deviendra par la suite Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Son mandat a pris fin il y a un mois. En mars 2008, elle a battu Maoulida Soula aux cantonales de Dembéni sous l’étiquette du Néma et est aujourd’hui la seule femme élue au sein de l’assemblée exécutive de la CDM. Elle fait partie de l’opposition au CG.

Serge Castel

Né à Tunis, Serge Castel est arrivé à Mayotte il y a 18 ans. En 1991, il fonde son entreprise, le Cefort, un organisme de formation. En 1999, il devient le président du Groupement patronal de Mayotte qui deviendra un an après le Medef Mayotte (Mouvement des entreprises de France). Il y restera 7 ans. Pendant cette période, il met en place la médecine du travail (Medetram) avec l’aide des entrepreneurs de la place et l’Agefome, devenue aujourd’hui Opcalia, chargée de la formation continue des salariés. Serge Castel présidera également la Caisse d’allocation chômage de Mayotte (CACM) de 2006 à 2008. Depuis deux ans, il préside la Chambre de commerce et de l’industrie de Mayotte (CCI).


Mayotte Hebdo : M. Castel, alors que les élus mahorais sont reçus à l’Elysée aujourd’hui par le Président de la République Nicolas Sarkozy, vous disiez en aparté qu’il fallait se méfier d’Yves Jégo. Que voulez-vous dire par là ?

Serge Castel : Vous avez été l’interprète dans la presse des difficultés que j’ai rencontrées avec le ministre. J’étais accompagné de Michel Taillefer, président du Medef, Elhad Soumaïla, président de la CACM et Aktar Djoma qui représentait le port. Quand il nous a reçus, il y a une phrase qui a interpellé tout le monde et que j’ai retenue. On parlait de la CACM et on lui a dit qu’on voulait être indépendant. La Caf dépend de la Réunion, l’ANPE aussi dépend de la Réunion, on ne veut pas que la CACM dépende de l’ANPE de la Réunion. A partir du 19 janvier, les Assedic fusionnent avec l’ANPE pour devenir le pôle emploi. On lui a demandé de rester tel qu’on est actuellement, en attendant de devenir département. Il a prononcé la phrase suivante qui m’a choqué : “Moi, je vois une grande région Mayotte-Réunion”. On n’est pas d’accord du tout ! Si demain on est département, on sera un département à part entière. On ne va pas être département au rabais. On n’a pas à dépendre de la Réunion et on doit avoir nos propres structures, comme l’ont chaque département. Si au 1er janvier 2010 on devient département, il faudra une Caf Mayotte, au même titre qu’une Sécu Mayotte et un Pôle emploi Mayotte. C’est pour cela que je disais qu’il fallait se méfier d’Yves Jégo.

 

Mayotte Hebdo : La création de la CSSM et de la CACM ont amené un progrès indéniable pour les Mahorais. Cependant, beaucoup se plaignent de ne pas bénéficier de toutes les prestations sociales qu’offrent dans le reste du territoire ces organismes. Que leur manque-t-il pour devenir de véritables caisses de sécurité sociale ou d’allocations chômage ?

Sarah Mouhoussoune : En ce qui concerne la CSSM, il n’y a pas de caisse générale de sécurité sociale comme c’est le cas à la Martinique, en Guadeloupe ou à la Réunion. Ce qu’il manque à Mayotte, c’est qu’on soit l’égal des autres caisses ultramarines. On s’est battu pour que la CSSM devienne une caisse régionale de sécurité sociale. Je me rappelle avoir participé à une délégation avec les parlementaires mahorais pour rencontrer à l’époque le ministre Xavier Bertrand. On lui a demandé que la caisse de Mayotte soit une caisse de sécurité sociale, et à chaque fois on nous répondait : “Pour l’instant, ça ne va pas être possible, vous rentrez doucement dans le cadre du régime général, mais pour devenir une caisse générale, il faut d’abord que le statut de Mayotte soit clarifié et que vous deveniez un département. Tant que Mayotte ne sera pas un département, il ne pourra pas y avoir une caisse générale de sécurité sociale.”

Mais cela n’a pas empêché d’avoir certains textes appliqués à Mayotte, notamment pour le Code de sécurité sociale. Une partie est applicable à Mayotte. Tous les syndicats, aussi bien patronaux que de salariés, se sont battus pour qu’il y ait les mêmes droits pour tous les Mahorais. Un Mahorais, qui se déplace à la Réunion ou en Métropole, doit avoir les mêmes prestations qu’un Réunionnais à la Réunion ou un Métropolitain en Métropole. Pour l’instant, avec une attestation de sécurité sociale délivrée à Mayotte, on peut se faire soigner en Métropole, mais on ne peut pas se faire rembourser par les caisses là-bas. Ce fameux décret de coordination, on n’a jamais pu le faire sortir. Le délai de carence pour le Mahorais qui se met en arrêt maladie est de 5 jours, alors qu’en Métropole il est de 3 jours. Ce sont des choses qui font quand même la différence.

 

19/12/2008 - Petit déjeuner de Mayotte Hebdo - Sarah Mouhoussoune et Serge Castel

« On n’a pas de fonds structurels européens. On n’est pas Rup, ni département, ni ACP. On n’est même pas dans l’espace Schengen. Le jour où on est département, on commencera à avoir droit à certaines choses. »

Serge Castel

 

Serge Castel : J’ajouterai juste une phrase. Les Mahorais attendent la Carte Vitale. Mais surtout, ce qui est plus important, c’est la retraite ! La retraite actuellement à laquelle cotisent les salariés de Mayotte, c’est une misère ! Il va falloir quand même qu’ils aient la même retraite que les autres. Pour la CACM, elle rémunère les chômeurs licenciés. Cela a commencé simplement par les licenciés économiques. Ensuite on a modifié en demandant à notre tutelle et on a étendu à toutes les personnes licenciées. Là, on vient de prendre une décision pour que cela bénéficie aussi aux fins de contrats en CDD. J’espère qu’on pourra les rémunérer en début d’année. Ce qui manque, ce sont des vraies Assedic. Vu la fusion entre l’ANPE et les Assedic, il faudra que ça se fasse ici le jour où on sera département. Avec l’ANPE de Mayotte et non pas avec celle de la Réunion. C’est ce que nous défendons pour rémunérer le maximum de gens. Lorsqu’on a créé cette caisse, on s’est mis autour d’une table, on a négocié pendant 18 mois pour définir les modalités de remboursement, etc. On s’est basé sur la Métropole, la Réunion et la Nouvelle-Calédonie. On a commencé sans un sou. Au bout de deux ans, j’ai laissé la caisse à mon successeur avec plus d’un million d’euros en banque. Il y a de l’argent, mais le CA préférerait qu’il revienne dans le circuit plutôt que de rester en banque à rapporter des intérêts. Ce n’est pas l’objectif. L’objectif est de rémunérer les gens et de les aider à trouver du travail. Il y a un système d’accompagnement pour aider les chômeurs à retrouver du travail. Le jour où on deviendra pôle emploi, toute notre collecte comme pour la CSSM repartira pour Paris et on nous renverra juste ce dont nous avons besoin. C’est pour ça que pendant ma présidence, la CACM a acheté un local. Le jour où on devient Assedic, on leur remet les clés en disant “vous êtes propriétaires”.

 

Mayotte Hebdo : Le discours consistant à dire “il faut attendre d’être département pour faire…”, vous le justifiez ou vous le ressentez comme une excuse ?

Serge Castel : Tout est lié à ça. Actuellement, à Mayotte, on a absolument rien du tout. Je prends le cas d’une entreprise. On n’a pas de fonds structurels européens, à part le Fed pour l’assainissement, mais ça ne représente pas grand-chose. On n’y a pas droit. On n’est pas Rup, ni département, ni ACP. On n’est même pas dans l’espace Schengen. Le jour où on est département, on commencera à avoir droit à certaines choses. Mais d’après la presse, il faudra attendre 2014, date à laquelle la fiscalité de droit commun s’appliquera pour avoir un maximum de choses. Pour le RSA, ce serait pour 2024 ou 2025. (NDLR : cela est proposé pour 2010 mais à un montant équivalent à 25% de l’Hexagone) Ce n’est pas normal !

Sarah Mouhoussoune : Avant 2003, la CPS était libre de gérer ses réserves. Tout ce qu’il y avait ici est parti à la COS, la grande banque de la Sécu. Les gens n’ont pas compris et m’ont dit “Comment avez-vous accepté de faire monter toutes ces réserves issues des cotisations de tous les Mahorais à Paris ?” Mais on entrait dans le giron de la caisse nationale de sécurité sociale et donc la solidarité nationale jouant pour Mayotte, il était tout à fait normal que les Mahorais participent à la caisse nationale. Cela a été une fierté de dire que les Mahorais participent à cette solidarité nationale. Nous, au niveau de notre CA, on s’est battu avec le Medef, en disant qu’une partie de ces réserves puisse rester à Mayotte pour servir l’économie mahoraise. Mais il a fallu batailler dur pour faire accepter cette idée et en fin de compte, cela a marché. Une bonne partie est restée ici, nous avons pu les placer dans les banques. Cela a permis de mettre en place l’assurance maladie, embaucher de jeunes mahorais, les envoyer en formation, acheter le matériel. Une partie de cette enveloppe reste encore à la caisse. Le nouveau CA se battra pour qu’une partie serve à la construction du siège de la CSSM aux Hauts Vallons avec une participation de la caisse nationale.

Il faut expliquer à nos frères ici que jusqu’à un moment donné, les soins étaient gratuits à l’hôpital. Mais avec l’assurance maladie, il nous faut des médecins privés. Et si on ne se bat pas vraiment pour avoir une vraie sécurité sociale, cela ne sert à rien. Les médecins privés ne viendront pas car cela ne peut pas marcher. Il faut que dans la perspective du département, tout le monde s’approprie cette culture de l’assurance maladie. Il ne faut pas que ce soit seulement les autres qui nous donnent, il faut aussi que l’on participe.

 

 

19/12/2008 - Petit déjeuner de Mayotte Hebdo - Sarah Mouhoussoune et Serge Castel

« On peut être contre sur certains dossiers à Mayotte, mais sur le statut de Mayotte, il ne faudrait pas que l’on soit divisé. »

Sarah Mouhoussoune

 

Mayotte Hebdo : Une délégation d’élus rencontre aujourd’hui le Président de la République Nicolas Sarkozy. Le président du conseil général Ahamed Attoumani Douchina a affirmé que c’était l’occasion pour les élus mahorais de parler d’une seule voix. Qu’attendez-vous de cette rencontre ?

Sarah Mouhoussoune : Cela avait déjà été annoncé lorsqu’une délégation est allée remettre la résolution du 18 avril votée par tous les élus du CG à l’unanimité. Je pense que certaines personnes avaient un doute sur cette unanimité concernant la départementalisation. C’est ce que je dis toujours à mes collègues. On peut être contre sur certains dossiers à Mayotte, mais sur le statut de Mayotte, il ne faudrait pas que l’on soit divisé. Le 18 avril, quand nous avons voté cette résolution, c’était quelque chose de très très fort. Lorsque nous nous sommes déplacés à Paris les jours suivants, on nous a fait comprendre qu’il y avait une feuille de route qui était en cours et que déjà des groupes de travail étaient en place depuis un certains temps, notamment au niveau interne à Paris où il y en avait 15 ! Cette feuille de route serait confrontée aux travaux faits ici par les élus pour une restitution en été. Cela n’a pas été respecté et je dis même que le travail fait en interne à Paris n’a pas été confronté à ce qui a été fait à Mayotte. Je me pose des questions.

Il n’y a pas eu ces échanges et aujourd’hui une délégation se présente à Paris, composée de tous les élus, de certains anciens et de la société civile. On va leur expliquer les tenants et les aboutissants de cette feuille de route. Mais est-ce qu’on ne va pas nous imposer certaines choses de Paris par rapport à ce que la population qui a voté est endroit d’attendre. Des questions se posent sur le logement social, le foncier, la formation, l’éducation. Sur tous ces problèmes-là, est-ce que le travail a été fait ? Si on avait échangé comme c’était prévu dès le départ, il n’y aurait pas eu de souci. J’ai une petite appréhension, qu’on nous dise : “C’est à prendre ou à laisser”. Certes les Mahorais vont choisir pour le référendum. Mais dès le départ, on doit connaître le tracé. La question qu’on nous posera sera-t-elle claire et nette ? Comme par exemple “Voulez-vous un département ou non ?”. Beaucoup de Mahorais ont peur que ce soit un deuxième katiba. J’ai un doute, mais j’espère quand même que nos deux représentants du Néma, Moussa Abdou et Saïd Omar Oili qui par ailleurs n’a pas été invité en tant qu’ancien président du conseil général mais a reçu une invitation de l’Elysée, ce qui est un désaveu pour ce comité de réflexion sur la départementalisation, qu’ils puissent négocier et demander ce que les Mahorais attendent au cas où cela ne figurerait pas dans la feuille de route.

Serge Castel : J’ai un petit bémol à apporter à tout ça. Certes, le 18 avril il y a eu unanimité. Même si certains l’ont fait du bout des doigts. Pourquoi entre 2004 et 2008 – Sarah n’était pas encore là – cela n’a pas été fait ? Toutes les conditions étaient réunies pour que la départementalisation se fasse rapidement. Jacques Chirac était au pouvoir et il a toujours été un grand défenseur de Mayotte. Nous avions Mansour Kamardine qui était député et qui était très bien avec le Président de la République et tous ses ministres et qui pouvait défendre la chose. Pourquoi cette motion n’a pas été votée entre 2004 et 2008 ? Nous serions peut-être déjà département si cela avait été fait à ce moment là ! Pourquoi est-ce qu’il a fallu attendre une nouvelle législature, avec de nouveaux élus pour lancer cette motion ? Ca m’étonne ! C’est pour ça que j’ai dit que certains ont voté du bout des doigts.

Il est bien entendu que celui qui vote contre la départementalisation à Mayotte, il est mort politiquement ! On aurait pu le faire plus tôt car on avait tous les atouts pour le faire. Moi aussi j’ai des doutes, non pas sur ce que va dire le Président, car j’ai toute confiance envers le Président de la République, mais j’ai des doutes sur la question qui va être posée au mois de mars. Pour moi elle est facile, je suis très pragmatique : “Voulez-vous être département ou non ?”. C’est la seule question qui mérite d’être posée. Il semblerait qu’il y ait des comités de réflexion dans les ministères qui réfléchissent à ces questions. Je me demande s’il n’y a pas un piège, s’ils ne vont pas poser une question que la population ne comprendra pas, même si on lui expliquera. Il faut se méfier de ça. Je ne pense pas personnellement que le gouvernement ait une volonté de ne pas faire de Mayotte un département. Les élus et les ministres en sont convaincus. Mais ce sont les fonctionnaires dont je me méfie. Ils peuvent peut-être poser une question qui laisse à désirer.

Sinon, la départementalisation à 100% du jour au lendemain, on ne pourra pas l’avoir parce que nous avons des problèmes juridiques, notamment le droit de la fiscalité. Mais il n’y a pas que ça. Il y a un gros problème de foncier. Pour la fiscalité, il faut savoir qu’on paye beaucoup plus d’impôts qu’ailleurs. L’individu lambda est beaucoup plus imposable qu’à la Réunion. Il faut revenir à des bases plus raisonnables en ce qui concerne l’imposition. Je ne parle pas des entreprises. Elles paient 33% sur le bénéfice, c’est ce qui se passe dans tous les départements français. Je parle de l’impôt sur le revenu. Il y aussi le problème des taxes douanières. Il faudra le régler car l’inflation galope. Je gère le port, les coûts portuaires sont énormes et je ne sais pas comment faire pour les diminuer. Tout ça se retrouve sur le prix à la consommation. Il y a augmentation des prix, augmentation des salaires, donc on arrive à une période inflationniste chez nous qui n’est pas connue ailleurs parce qu’on a des prix qui sont beaucoup trop chers.

Ce qui me gêne beaucoup, c’est ce qui se passe de l’autre côté, aux Comores, et l’implication pour essayer de dissuader les Mahorais de voter oui à cette départementalisation. Ils ont placé leurs pions depuis quelques années dans les administrations et vous avez des gens qui ne le disent pas publiquement, mais en dessous ça se sait. C’est une chose à laquelle les Mahorais doivent faire très attention.

 

« Si vraiment on veut défendre les Mahorais, il faut s’occuper de l’économie ! »

Serge Castel

 

Mayotte Hebdo : M. Castel, vous évoquiez les coûts portuaires et l’inflation galopante. Nous sommes dans une crise économique et financière mondiale. A Mayotte, la commande publique baisse, le BTP souffre. Comment la CCI prépare ses adhérents à cela ?

Serge Castel : Il faut comprendre une chose. La CCI n’est pas un syndicat. Le Medef joue le rôle de défense des entreprises, nous nous jouons le rôle d’assistance aux entreprises. On fait souvent la confusion. Comme j’ai été le président du Medef pendant longtemps, on vient souvent pour les défendre. Si je peux le faire, je le fais, mais ce n’est pas mon rôle. Notre rôle, c’est toutes les entreprises de Mayotte qui relèvent du secteur du commerce, de l’industrie et des services. Elles dépendent de la Chambre et nous leur devons assistance quand elles ont besoin de préparer un dossier, quand elles ont besoin de conseil juridique, etc. Nous avons tous les services dans la Chambre que j’ai mise en place depuis que j’ai été élu. On assiste le Medef quand celui-ci nous le demande. Cela a été le cas quand on est allé voir Yves Jégo et que l’on a demandé l’exonération de charges sociales, les zones franches que nous n’avons pas obtenues d’ailleurs.

Les belles années sont derrière nous. 2009 va être très mauvais et 2010 sera encore plus mauvais. Il va y avoir des licenciements dans le bâtiment, mais pas que dans ce domaine. Comme la commande publique n’est pas à jour, et la commande privée qui a fait vivre les promoteurs et les constructeurs se casse la figure puisqu’ils anticipent sur la fin de la loi pour l’Outremer, il y aura de moins en moins de construction, de moins en moins de grues et forcément moins de salariés, qui vont se retrouver à la CACM. Il faut prévoir cela. Les banques ont ordre du gouvernement de continuer à prêter car elles ont un taux de progression de 4,5% je crois. Elles vont jouer le jeu car elles sont obligées, mais elles veilleront au grain.

Ce qui nous arrive à l’échelon de la planète est dû aux Etats-Unis. Mon fils vit là-bas, il est Américain et travaille chez Microsoft. Là-bas, vous avez des maisons à vendre partout et personne n’achète. A Mayotte, on est moins touché car les banques sont solides, mais il y aura moins d’emprunts, moins de constructions à vendre, moins d’acheteurs et du personnel qui va être licencié. Par voie de conséquence, d’autres secteurs vont être touchés. Quand il y a moins de salaires qui tombent, la distribution vend moins, le service vend moins, etc. Concernant la commande publique, je suis désespéré. Je parle devant une conseillère générale, mais je suis désespéré parce qu’on ne s’occupe actuellement que de la départementalisation. Il n’y a rien d’autre !

On ne s’occupe pas des entreprises, pas des appels d’offres. Il y a des appels d’offres qui ont été rendus caducs sous l’ancienne législature et qui n’ont pas été renouvelés. Les dossiers économiques ne passent pas en commission ou très peu et ça, il faut que ça s’arrête ! Si vraiment on veut défendre les Mahorais, il faut s’occuper de l’économie ! Il n’y a que l’économie qui peut faire fonctionner Mayotte. Ce n’est pas le public ou la CDM qui va embaucher, c’est le privé ! On crée bon an mal an entre 1.500 et 2.000 emplois, même si on a à peu près 4.000 jeunes qui apparaissent sur le marché du travail. S’il n’y a pas ces 1.500 emplois qui sont créés, que vont faire les jeunes ? Et si on ne s’occupe pas de l’économie pour aider les entreprises actuellement qui vont être en difficulté, ça va être la catastrophe ! Je tire la sonnette d’alarme en disant aux conseillers généraux : “occupez-vous de l’économie !” Et pas de subventions aux associations. Occupez-vous plutôt de délivrer des appels d’offres et d’aider les entreprises qui veulent investir ! Actuellement, ce n’est pas ce que nous voyons.

 

« Depuis que je suis dans cet hémicycle, je pensais que j’allais participer à la construction de ce pays, mais nous ne parlons que du statut. (…) Si aujourd’hui on n’aide pas les entreprises à se développer à Mayotte, on va droit au mur. »

Sarah Mouhoussoune

 

Sarah Mouhoussoune : Je suis tout à fait d’accord avec M. Castel. Depuis que je suis dans cet hémicycle, je pensais que j’allais participer à la construction de ce pays, mais nous ne parlons que du statut. C’est vrai que nous voulons ce statut de département. Mais nous avons des personnes qui sont là pour défendre ce statut, notamment nos parlementaires. A nous maintenant entre élus locaux, notamment conseillers généraux, de faire en sorte que l’économie de ce pays puisse se développer, que l’on puisse créer de la richesse, créer de l’emploi. Depuis le mois de mars, je n’ai pas cette impression. A chaque session, à chaque commission permanente, nous n’arrêtons pas de tirer la sonnette d’alarme en disant : “on va droit au mur, on risque d’avoir plein de problèmes économiques qui vont créer de graves problèmes sociaux”. L’économie ne marche pas, les emplois seront perdus et les gens descendront dans la rue.

 

Mayotte Hebdo : Vous parliez de 4.000 jeunes arrivant sur le marché du travail. Il y a également ceux qui partent étudier en Métropole et qui échouent. Qu’est-ce que Mayotte peut offrir à ces jeunes ? Comment envisagez-vous leur avenir sachant que se développe un phénomène nouveau, la violence à l’école ?

Sarah Mouhoussoune : A chaque session, ce sont des questions qui nous intéressent. Je suis mère d’enfants, vous avez des enfants (à l’adresse de Serge Castel), vous serez parents (à l’adresse des journalistes). Il y a beaucoup d’échecs effectivement, mais il y a aussi beaucoup de réussites. Que deviendront ces jeunes ? Au CG, on ne peut plus embaucher. On ne peut pas aussi espérer ne travailler que dans l’administration. Que reste-t-il à faire ? C’est le privé, créer des entreprises. Si aujourd’hui on n’aide pas ces entreprises à se développer à Mayotte, on va droit au mur. Ce sera une grosse délinquance parce que ces jeunes resteront oisifs, n’auront pas de travail, se mettront à boire. Et après qu’est-ce qui se passera ? C’est ce qu’on voit à la Réunion tous les jours dans la rubrique des faits divers dans la presse.

Ce sera difficile et pour leur famille et pour toute la population de Mayotte. Je ne voudrais pas voir ça arriver dans quelques années. Au contraire, j’aimerais que Mayotte se construise avec ces jeunes qui ont vraiment envie de faire quelque chose pour ce pays et que l’on puisse les aider. Je le dis et j’assume, peut-être qu’après le référendum de mars 2009, beaucoup de gens seront déçus. Parce qu’on aura perdu une année, on n’aura pas aidé les entreprises, on aura perdu du temps pour rien. On n’a pas d’excuses aujourd’hui, on n’a pas le droit à l’erreur. Il y a toute cette jeunesse qui a envie de rentrer au pays, pour participer à sa construction, malgré le taux d’échec. Il y a eu un rapport que nous n’avons toujours pas reçu de la Dasu Paris sur le taux d’échec des étudiants mahorais. Personne n’ose publier ce rapport ! J’aimerais bien qu’on le publie pour qu’on puisse faire face à ces difficultés, voir pourquoi il y a eu ces échecs. Personne ne veut assumer ses responsabilités. On va cacher, cacher et encore cacher et il n’y aura pas de langage de vérité. Il faut un langage de vérité vis-à-vis de la population, aujourd’hui c’est ce qu’on demande de la part des élus et c’est ce qu’il manque. On n’est plus en campagne politique, quand on subventionne certaines associations, quelques petites structures, on est plus dans une campagne politique que dans une vision globale de développement de l’île de Mayotte.

 

« Le Mahorais a dans l’esprit qu’il faut rentrer dans l’administration, de la CDM ou de l’Etat. Combien de fois m’a-t-on reproché que Kawéni était une zone de chefs d’entreprises de Mzungus ? Est-ce que c’est de ma faute ? »

Serge Castel

 

Serge Castel : Il y a une chose à comprendre aussi. Le jour où vous avez le département, on a 40.000 Mahorais qui rentrent au pays. Et là, c’est la catastrophe ! Je reçois entre 8 à 10 candidatures tous les jours à la CCI. Les Mahorais ne sont pas entrepreneurs. Il faut changer les mentalités. Le Mahorais a dans l’esprit qu’il faut rentrer dans l’administration, de la CDM ou de l’Etat. Combien de fois m’a-t-on reproché que Kawéni était une zone de chefs d’entreprises de Mzungus ? Est-ce que c’est de ma faute ? Dans les années 80-85, au début des années 90, j’étais là, il y avait des terrains à vendre à Kawéni, pour rien. Qui est-ce qui les a achetés pour monter des entreprises ? Ce sont les Métropolitains. Pourquoi les Mahorais n’ont pas acheté ? Parce qu’ils n’ont pas l’esprit d’entreprise. Ils n’ont pas cet esprit, il faut le leur inculquer. Il faut expliquer qu’être patron c’est commencer à 6 heures du matin et finir à 8 heures le soir. C’est aussi recevoir des appels du banquier qui nous rappelle à l’ordre au moindre découvert. Mais une fois que l’entreprise a connu son seuil normal, c’est quand même beaucoup plus intéressant d’être son propre patron, d’avoir des revenus qui soient suffisants. Le problème est là, il faut que les Mahorais créent des entreprises dans les domaines qui les concernent.

Je veux créer ici à Mayotte – j’en ai pas les moyens pour le moment – une EGC (Ecole de gestion et de commerce) comme il y en a dans toutes les CCI de France. C’est un bac+3 et la plupart de jeunes qui sortent d’une EGC trouvent du boulot tout de suite. C’est une formation bien spécifique, avec de l’alternance en entreprise qui fait que c’est une validation très intéressante pour les entreprises. Je l’ai mis dans mon programme, si ce n’est pas moi qui la met en place, ce sera peut-être mon successeur. Le problème de la création d’entreprise est un problème vital à Mayotte. Il faut que les Mahorais créent des entreprises. Est-ce que c’est de notre faute si Kawéni est comme ça ? Je n’y suis pour rien ! Il faut être conscient de ce problème-là. On n’utilise pas suffisamment l’ANT (Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs). Elle a des budgets pour Mayotte qui ne sont pas utilisés ou très peu. On a cette possibilité d’exporter nos jeunes pour qu’ils aillent se former ailleurs, éventuellement. D’autres restent en Métropole et d’autres reviennent. Quand ils reviennent, ils font le tour. Ils font les administrations, le CG, la CCI. Rares sont ceux qui vont voir la Colas, la SMTPC, SFR, parce que c’est du privé. Dans leur esprit, le privé ce n’est pas bon.

Sarah Mouhoussoune : Moi je l’assume et je le dis. Mes gamins – à part un seul qui est rentré et qui travaille dans le privé – sont en Métropole. J’ai financé leurs études car ils n’avaient pas de bourse, alors je trouve légitime qu’ils travaillent là où ils trouvent du boulot. Pour moi, s’il ne peut pas monter sa propre entreprise et qu’il vient tourner en rond en étant frustré et dire après “c’est le muzungu qui a pris notre place”, je ne suis pas d’accord. Je mettrai un bémol par rapport à ce que dit M. Castel. Je sens que depuis un certain temps les jeunes ont envie de créer. A nous maintenant, les élus, de faire en sorte de pouvoir leur donner les moyens. Qu’ils puissent s’installer. Et voir comment on peut leur faciliter l’exonération au niveau des charges sociales, parce que c’est un poids pour les entreprises. Si dès le départ la CSSM ou l’Etat vous disent : vous devez tant, ce n’est pas évident.

 

Mayotte Hebdo : Que manque-t-il ici en terme de formation qui serait cohérent avec la situation économique de Mayotte ? Faut-il absolument se former en Métropole ?

Serge Castel : Non, non, non, je ne pense pas qu’il faille se former en Métropole. Une EGC serait une excellente chose. Le Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) fonctionne très bien. Les gens peuvent se former à leur rythme tout en étant salarié. Il y a des domaines où l’on trouve très peu de Mahorais. Les commerciaux, les comptables, on trouve très peu de Mahorais et pourtant il y a des demandes. Dans ces domaines, il y a de la place. Mais le tissu économique est restreint à Mayotte. Il y a une autre chose qui gêne les entreprises à Mayotte, c’est le secteur informel. On finit une enquête sur tout le petit commerce à Mayotte. On a inventorié tous les commerces de toutes les communes. On a plus de 25% des commerces qui ne sont pas connus de la CCI, ni des services fiscaux. Ces gens-là ne paient pas de patente, n’ont pas de salariés. Ils achètent, ils importent, ils revendent en toute illégalité et ils peuvent faire des prix beaucoup moins chers. Le gars qui paie sa patente, lui est handicapé. Il y a beaucoup trop d’informel. Si on veut devenir département, il va falloir rentrer dans le rang. Cette enquête n’a jamais été réalisée, maintenant on a la preuve. Cela a pris 18 mois.

 

« Depuis le mois de mars, c’est le statu quo. Il n’y a rien du tout qui se fait, mon inquiétude est là. Tant qu’on continuera à travailler comme cela, je ne pense pas que l’on pourra développer quelque chose. »

Sarah Mouhoussoune

 

Mayotte Hebdo : Quelles sont les relations entre les élus et le tissu économique ? Récemment, il y a eu des dossiers comme la défiscalisation que la CCI et le Medef sont allés défendre à Paris et où vous déploriez un manque d’implication des élus.

Serge Castel : On ne sait pas parler d’une seule voix. Regardez pour la départementalisation. Il y a le président du CG, un sénateur d’un côté, un autre de l’autre et il y a le député ailleurs. Quatre directions, ce n’est pas possible. En ce qui concerne l’économie, ce serait normal que la CCI aille voir un ministre quelconque avec le Medef et un élu du CG chargé de l’économie, en disant on vient ensemble. On aurait beaucoup plus de poids ensemble plutôt que chacun de notre côté. Ca ne se fait pas et je ne sais pas pourquoi. De toute façon, à chaque fois que j’écris, je n’ai pas de réponse. Il y a 12 dossiers qui sont en suspens. La pépinière d’entreprise, justement dans le cadre de la création d’entreprises pour héberger des jeunes créateurs des entreprises, les aider pendant 2 ans. J’ai visité à Tahiti, à la Réunion, en Métropole des pépinières d’entreprises. C’est bon pour la création d’entreprises, on héberge des jeunes qui veulent créer des entreprises de toutes sortes et après on les lance tout seul. C’est un projet important, mais aucune réponse. Il y a les pontons, que je vais fermer bientôt, le contrat de projet qui tarde à venir, le port…

Sarah Mouhoussoune : Cela fait sourire quand j’entends le président dire l’unité, l’unité. Mais en fin de compte, je ne pense pas qu’il y ait une unité. Quand je suis arrivé au CG, j’étais peut-être novice, je me faisais des idées, mais que quand les dossiers importants concernant l’avenir de Mayotte seraient traités, on s’assoirait autour d’une table, qu’on reprendrait le système de je ne sais plus quel préfet…

Serge Castel : (coupe) Bayle

Sarah Mouhoussoune : Le système des assises du préfet Bayle. C’était un système qui marchait

Serge Castel : Oui je m’en souviens

Sarah Mouhoussoune : On avait des thèmes particuliers. Par exemple sur l’immigration et tout le monde pouvait y participer. Je pensais que sur les gros dossiers, on ferait participer des chefs d’entreprises ou sur des grosses constructions que le directeur de la DE vienne. Ca ne s’est pas fait et depuis le mois de mars, c’est le statu quo. Il n’y a rien du tout qui se fait, mon inquiétude est là. Tant qu’on continuera à travailler comme cela, je ne pense pas que l’on pourra développer quelque chose. On ira plus vers de graves problèmes. Il y a déjà eu les instituteurs, là de nombreux salariés du privé vont cogner aux portes du CG et demander aux élus : “nous allons être licenciés, qu’avez-vous à nous proposer ?”

Aujourd’hui, mon grand souci, c’est le logement social. On en parle mais il n’y a jamais rien de concret. On en a déjà discuté M. Castel, effectivement, il y a d’autres possibilités pour pouvoir rattraper ce travail. Pourquoi les communes ne se retrouvent pas avec la CDM et l’Etat pour se dire comment faire pour que la CDM puisse céder les terrains qu’elle a pour pouvoir donner aux communes et faire le maximum de logements sociaux. La Sim n’ayant pas la capacité suffisante de faire tout ce qu’il y a à faire, pourquoi ne pas faire venir des investisseurs privés, comme ça se passe à la Réunion, et mettre le paquet pour rattraper ce retard ? Franchement, si on se mettait à travailler sur ce projet là, les personnes qui nous ont élus seraient satisfaites. Dans 6 ans, vu comment se déroulent les choses, on n’est pas sûr que nos concitoyens nous rééliront. Je pensais que nous pourrions travailler, même dans l’opposition. Nous ne sommes pas là pour dire non systématiquement, mais pour alerter quand ça ne va pas.

Serge Castel : Pour le logement social il y a des possibilités de défiscalisation. Mais il faudrait qu’il y ait une entreprise telle que la SIDR à la Réunionla Sim ne peut pas le faire. On n’a pas de logement social depuis des années, en tout cas très peu, la Sim ne construit pas assez. Il en faut sinon c’est la catastrophe. On a quand même de plus en plus de population et actuellement personne ne s’en occupe. Donc je pose la question car c’est vital, cela concerne les entreprises pour la défiscalisation : dans les autres départements elle pourra être transférée et pas chez nous. À la Réunion ils ont déjà commencé. qui vienne s’installer ici. J’en ai parlé au préfet, il faudrait cela car au bout de 5 ans, cette entreprise rachète les logements sociaux, et c’est dans ce cas là qu’ils peuvent être défiscalisables,

 

« Il faut dynamiser ce marché. Actuellement vous allez faire un tour au marché, vous voyez les mêmes produits qui sont achetés au même endroit et qui sont vendus au même prix. »

Serge Castel

 

Mayotte Hebdo : Parlons maintenant du marché de Mamoudzou. Mayotte Hebdo en a parlé plusieurs fois et fait apparaître que la CCI était intéressée par sa gestion. Où en est le dossier ?

Serge Castel : Il y a toujours un problème entre l’architecte et le conseil général sur la livraison, mais cela ne nous concerne pas. J’ai posé la candidature de la CCI pour la gestion. Nous sommes les seuls à même d’assurer la gestion. Actuellement on gère un bidonville, demain on pourrait gérer un vrai marché. J’ai appris que la semaine dernière les commerçants sont allés taper à la porte du CG et que leur représentant s’était exprimé à la télé contre la prise de la gestion par la CCI parce qu’on voulait mettre d’autres personnes dans le marché.

Il y a 380 commerçants pour 245 places. Je parle des boxes. Que puis-je faire ? En plus, ce sont des boxes tout petits de 9m². Supposons qu’on place 245 personnes, que faire des autres ? C’est un sujet qui a été évoqué à la préfecture, ensemble. Ce serait peut-être bien que le maire, à qui j’en ai parlé également, puisse installer ces commerçants provisoirement sur le terre-plein de M’tsapéré. Je pense que l’Etat serait d’accord pour leur céder ou faire une AOT sur ce terrain compte tenu de l’urgence de la situation. Cela dit, il y a des critères de sélection. Il faut d’abord être inscrit au registre du commerce, avoir payé sa patente, être en règle de ses loyers à la CCI et être de nationalité française ou avoir une carte de séjour de dix ans. Ce sont les quatre principaux critères. J’ai la liste de ceux qui les remplissent. J’ai fait travailler mes services là-dessus. J’ai récupéré un marché avec 510.000€ de dettes que j’ai actuellement dans ma comptabilité. Si demain je n’ai pas la gestion du marché, j’en fais quoi ? Quelqu’un doit me les rembourser.

Si nous l’avons, même si on épuise ces 510.000€ sur 10, 15 ans, 20 ans, ça m’est égal, mais qu’on puisse les épuiser. Autre problème, actuellement ils payent 38€ de loyer, demain ce sera entre 150 et 200€ par mois. Comment faire ? Vous avez des bouénis qui font 50€, voire seulement 30€ de recette par jour. Comment vont-elles faire pour payer un loyer si élevé ? Et le pire, c’est que ce sont des dames qui doivent faire vivre leur famille et qui n’ont que ça pour vivre. Enfin, le dernier point, c’est qu’il faut dynamiser ce marché. Actuellement vous allez faire un tour au marché, vous voyez les mêmes produits qui sont achetés au même endroit et qui sont vendus au même prix. Quel intérêt demain de se balader dans le marché et de voir les mêmes produits qui viennent de Dubaï et qui n’intéressent personne ? Il faut changer les mentalités. Moi ce que je voudrai c’est dynamiser ce marché. C’est-à-dire mettre des activités qui n’y sont pas, par exemple mettre des fleurs, un boulanger qui fait son pain sur place, un cordonnier, un serrurier, un bijoutier, un magasin de mode, je ne sais quoi d’autre, mais qui fasse que des gens auront envie d’aller faire un tour au marché.

Mon plus grand souci ça a été de trouver des vendeurs de légumes qui ne soient pas clandestins. J’ai eu des demandes de Mahorais, de Métropolitains, qui ont des exploitations et qui veulent vendre leurs légumes au marché. Le problème des légumes devrait être résolu, celui du poisson aussi, on a la Copemay et d’autres. Mon problème c’est le boucher, personne ne veut s’installer, ça n’existe pas. Il faut un marché vivant, qui bouge, sinon ils vont avoir des loyers 5 fois plus chers et ils vont faire un chiffre d’affaires moindre, donc ils vont tous se casser la figure.

 

« Le problème c’est qu’on a aucune réponse aux questions que l’on pose. J’ai l’impression qu’on n’a pas envie qu’il y ait des touristes à Mayotte. »

Serge Castel

 

Sarah Mouhoussoune : Est ce qu’il ne serait donc pas nécessaire de communiquer là-dessus, d’informer ? Beaucoup sont là en attente et on ne leur explique pas les problèmes.

Serge Castel : Je les ai reçues. Une fois elles sont venues à 300 bouénis bloquer la chambre. Mais récemment j’ai reçu une délégation. Ils m’ont dit que les 245 places doivent être attribuées à des commerçants actuels. Ils m’ont dit que de toute façon, au bout de 2 ou 3 mois, il y en aura qui ne pourront pas payer leurs loyers, vous les virerez et en mettrez d’autres à la place. Moi je veux bien, mais ça c’est de la politique pas de l’économie. De toute façon, beaucoup d’entre eux ne pourront pas y entrer car ils ne sont pas à jour de leur loyer ou de leur patente. A la prochaine réunion, je crois que c’est le 8 janvier, moi je vais mettre les choses au clair avec le conseil général : vous me dites qui est le gestionnaire tout de suite, ou je retire ma candidature. Parce que le marché ce ne sont que des soucis. De toute façon, je doute que le maire de Mamoudzou accepte et le conseil général pareil.

 

Mayotte Hebdo : Le ponton, le marché,… tout cela nous amène à parler de tourisme et du fait que Mayotte a perdu le marché Costa croisières.

Sarah Mouhoussoune : C’est très grave.

Serge Castel : Oui c’est grave parce qu’à mon avis ils ne reviendront pas et personne ne s’en est soucié vraiment, à part le préfet. Il m’a demandé récemment si on ne pouvait pas accueillir les croisiéristes au port. On aurait pu trouver une solution, mais là, maintenant, Costa ne reviendra pas. Et le problème c’est qu’on y perd beaucoup et que personne ne s’en occupe. Moi j’ai la solution, on pourrait, à partir de l’année prochaine, faire de petites installations au port pour les accueillir là-bas. D’autant plus qu’on va créer en septembre une zone de vie avec des restos, des brochettis, etc… Une zone d’accueil, sympa, où les gens pourront se promener le soir, donc ça conviendrait à l’arrivée des croisiéristes. Mais le problème c’est qu’on a aucune réponse aux questions que l’on pose. Le ponton croisiériste est brinqueballant – ce n’est pas la CCI qui s’en occupe. J’ai l’impression qu’on n’a pas envie qu’il y ait des touristes à Mayotte.

Sarah Mouhoussoune : Oui, encore une fois on voit que cette nouvelle assemblée au CG est plus branchée sur une politique politicienne, mais jamais sur l’économie du pays. Moi je le dis encore : je suis très inquiète. Le tourisme c’est quand même important, ça amène des personnes qui dépensent leur argent ici et qui parlent de Mayotte à l’extérieur. Je ne sais pas si ces personnes à la tête du comité du tourisme ont réfléchi à cette grande perte.

Serge Castel : On est en train de brandir la bannière du département en ignorant tout le reste. Etre département, c’est accroitre les responsabilités des élus. C’est prendre conscience de ces responsabilités, surtout au niveau économique, mais là je n’ai pas l’impression qu’on prenne conscience. On veut un département pour quoi ?

 

« Dans un département il faut que l’économie marche, que le tourisme marche, que ce soit une vitrine aussi de l’océan indien. (…) Je dis qu’au lieu de développer l’île on va régresser. On va droit dans des moments difficiles pour tout le monde. »

Sarah Mouhoussoune

 

Sarah Mouhoussoune : S’il fallait faire un choix aujourd’hui, si on nous disait on oublie pour quelques années l’histoire du département et on vous demande : est-ce que vous voulez choisir de d’abord développer votre île ? Franchement je serai pour ce choix parce que si on ne développe pas l’île, on va droit à la catastrophe. Parce que développer, c’est encore créer de l’emploi et quand vous voyez aujourd’hui toute cette jeunesse qui attend, si aujourd’hui on ne peut pas les former, on ne peut rien leur offrir, franchement un département sans rien dedans, ça ne sert à rien. Dans un département il faut que l’économie marche, que le tourisme marche, que ce soit une vitrine aussi de l’océan indien, que ce ne soit pas seulement l’île Maurice. J’ai entendu parler dernièrement de la recherche d’un nouveau directeur du comité du tourisme, on est juste à côté de l’île Maurice, qui a très bien réussi son développement touristique, pourquoi ne pas aller chercher des gens la bas, qui pourraient nous apporter leur expérience ? Mais non, pour des raisons amicales, politiques, on placera un ami. Donc je dis qu’au lieu de développer l’île on va régresser. On va droit dans des moments difficiles pour tout le monde.

Serge Castel : On manque d’hôtels, quand il y a un projet on ne l’aide pas. Pour les compagnies aériennes, on a un monopole, avec certes quelques nouvelles compagnies mais quand même toujours un monopole d’une entreprise qui ne veut pas baisser ses prix, même sous l’impulsion du Président de la République. Cela dit, l’avion est toujours plein. Il y a quand même un problème. Air austral a acheté ses Boeings 777 sur l’argent gagné à Mayotte, et sur 615 salariés il y a deux Mahorais, cela je ne le supporte pas.

 

Mayotte Hebdo : Vous avez participé récemment au Forum économique des Chambres de commerce de l’océan Indien aux Comores. Pensez-vous que ces relations économiques peuvent participer à la coopération régionale ?

Serge Castel : Tout à fait. En tant que président de la CCIM, quand je sortais du forum pour faire un tour, je ne faisais pas 10 mètres sans être abordé par un Comorien, Anjouanais ou Mohélien. Ils veulent tous faire du commerce avec Mayotte, travailler avec Mayotte. J’étais sans cesse sollicité par des entrepreneurs. Et il y a une réflexion qui m’a été faite par un jeune comorien qui a des responsabilités économiques, qui m’a dit : « moi je suis né en 1975, je me fiche de ce qui s’est passé avant. Je suis chef d’entreprise, je suis la pour gagner de l’argent. Donc le statut de Mayotte je m’en fiche, je veux faire des affaires et développer mon entreprise ». Voilà pourquoi ça peut changer. Ces jeunes là ont cet esprit. C’est un écran de fumée, on parle de Mayotte sans arrêt pour cacher la misère, parce que Moroni maintenant c’est la misère, il n’y a rien. Donc réclamer Mayotte qui est considérablement développée par rapport à eux, franchement que vont-ils en faire ? Ils sont en train de faire du bourrage de crane auprès des Comoriens pour ne pas parler du reste. Mais nous faisons des efforts. En début d’année je vais organiser un forum ici entre chefs d’entreprises mahorais et comoriens. C’est un peu à la demande de la préfecture d’ailleurs, pour mettre à plat les problèmes économiques – mais pas les problèmes politiques. Mais parmi ces problèmes, il y a une chose importante qui est la circulation des personnes et des biens, et notamment le problème des visas. Il faut arriver à autoriser les chefs d’entreprise à circuler, sinon on ne pourra pas parler de coopération si on empêche les gens de venir chez nous. On fait des efforts vers les Comores.

 

« On a choisi d’être Français. Les Comoriens doivent le respecter. Mais que les élus mahorais prennent leurs responsabilités. »

Sarah Mouhoussoune

 

Mayotte Hebdo : Justement, la circulation des biens et des personnes était le thème du dernier round du GTHN et on a l’impression qu’il ne s’y est pas dit grand-chose de concret.

Sarah Mouhoussoune : Je n’en ai pratiquement pas entendu parler, aucun élu n’y a été. Je trouve cela regrettable, car quand nous sommes allés à Paris déposer la résolution pour le département, je me rappelle des propos de M. Douchina qui a dit qu’il se déplacerait aux Comores pour anticiper la coopération régionale. Et quand j’apprends aujourd’hui qu’aucun élu n’était présent cette fois, je me demande si on veut vraiment que les choses avancent. On a choisi d’être Français. Les Comoriens doivent le respecter. Mais que les élus mahorais prennent leurs responsabilités, on a accepté de travailler ensemble. Si ce groupe de travail avait vraiment fonctionné, on aurait pu ensemble trouver des solutions, car ce n’est pas en restant enfermés chez nous qu’on va changer les choses.

D’autant qu’il y a de l’hypocrisie car on ne veut pas parler avec eux, mais en même temps on reçoit ses amis ici, on part en vacances là bas, donc pourquoi ne pas clarifier les choses et faire tout cela dans la transparence ? Je reviens encore sur ces assises qui avaient été organisées par M. Bayle. J’avais eu à traiter le thème de l’immigration clandestine, je représentais FO à l’époque. J’ai eu droit à des propos durs du préfet qui disait que ce que je proposais était utopique, car je disais justement que pour endiguer ce fléau il n’y avait que la coopération régionale. Aider les Comoriens à rester chez eux, à travailler chez eux et vendre leurs produits à Mayotte. Je me suis fait traiter de tous les noms, pourtant je me souviens que par la suite, M. Bamana – paix à son âme – est venu me dire « Sarah tu avais raison et cette proposition que tu as faite, je la ferai mienne. » Et si depuis cette époque on avait concrétisé les faits, pas seulement sur du papier, je crois que beaucoup de choses auraient été réglées. Dès qu’on avance, on recule à petits pas, comme cette fois où les élus ne sont pas venus. On est adultes, il faut savoir se parler.

Serge Castel : A la décharge du président du CG, j’avoue qu’à sa place j’aurai hésité. Parce que compte tenu de ce qui s’est passé ces derniers temps, les propos de Sambi contre la consultation, qui insulte Mayotte et les Mahorais… ça suffit ! Il faut faire une différence entre la politique et l’économie, l’économie c’est gagnant–gagnant, les chefs d’entreprises comoriens y gagneront autant que les Mahorais. La politique c’est autre chose. La France a récemment donné de l’argent pour payer leurs fonctionnaires, on n’arrête pas de faire des efforts alors qu’eux n’en font jamais. Alors je me mets à la place des élus qui n’y sont pas allés à juste raison, car il faut arrêter : les Comoriens n’ont qu’un seul sujet de conversation au GTHN, c’est les visas, le reste ils s’en fichent complètement. Il n’y a que les chefs d’entreprise qui s’intéressent à l’économie. C’est pour cela d’ailleurs que moi j’ai envoyé un élu de la chambre de commerce avec le préfet, en l’occurrence Michel Taillefer.

Et des choses ont avancé. Vous avez vu récemment les légumes qui sont arrivés d’Anjouan, ça ne se faisait jamais avant. On a d’autres choses à leur acheter, à Anjouan notamment. Pourquoi importer des pommes de terre d’Europe qui coutent trois fois plus cher que celles des Comores ?

 

« Le problème de l’immigration clandestine pourra se régler vraiment le jour où les Mahorais prendront conscience des choses. Actuellement qui héberge les clandestins, qui les fait vivre, les emploie, qui leur loue des terrains ? »

Serge Castel

 

Sarah Mouhoussoune : Moi je comprends aussi les Comoriens quand on parle de visas. Quand on voit tout ce qui se passe, cette dernière catastrophe en mer, tous ces morts. Est-ce qu’on va pouvoir accepter cela encore longtemps ? Le visa ne va pas régler tous les maux mais va clarifier les choses. Avant le visa Balladur, il y avait quand même un visa, on savait qui rentrait à Mayotte, qui hébergeait qui. Si on ne parle pas des visas aujourd’hui, on aura toujours ce problème. Si on clarifie ce problème, les discussions seront je pense plus ouvertes. Et cette réclamation que font les Comores vis-à-vis de Mayotte, au bout d’un moment je pense qu’ils vont s’en lasser.

Serge Castel : Ça fait 30 ans que ça dure tout de même… (Ils rient tous les deux)

Sarah Mouhoussoune : Oui… Mais il y aura toujours des gens qui seront contre, même ici à Mayotte, ce sont des choses qui existeront toujours. Mais qui aujourd’hui – quand on connait tous les problèmes des Comoriens, pas d’électricité, d’eau, la misère, la saleté… – qui aujourd’hui accepterait que Mayotte puisse vivre ces mêmes difficultés. Je dis franchement que je m’y vois mal. Mais des relations de bon voisinage peuvent exister et elles ne le pourront que lorsque ces histoires de visas seront clarifiées, qu’on contrôlera les entrées et sorties. Car pour l’instant ce ne sont pas les meilleurs qui arrivent en kwassas, ce sont les grands délinquants, on le voit bien au tribunal. Les Comoriens sont heureux aujourd’hui, ils dorment portes ouvertes chez eux, leurs délinquants sont ici ! Est-ce qu’on va continuer à vivre comme ça ? Je ne pense pas, il faudrait réfléchir. La politique et l’économie sont des choses différentes, certes, mais elles vont de pair aussi.

Serge Castel : Le problème de l’immigration clandestine pourra se régler vraiment le jour où les Mahorais prendront conscience des choses. Actuellement qui héberge les clandestins, qui les fait vivre, les emploie, qui leur loue des terrains ? Ce sont les Mahorais. Le jour où ils comprendront qu’il faut arrêter ce qui est pour moi un esclavage des temps modernes, qu’il faut arrêter de les aider, ils viendront moins souvent ou moins nombreux. Vous vous souvenez il y a quelques années ce qui s’est passé à Sada ? Quand le maire a renvoyé 500 ou 600 personnes ? Ce n’est pas ça qu’il faut faire.

Sarah Mouhoussoune : Mais il les a rappelés quelque temps après… (Rires des deux)

Serge Castel : Oui c’est vrai. Mais ce que je veux dire c’est que je suis d’accord avec le président de la Capam quand il dit qu’il ne trouve pas d’agriculteur et qu’il ne peut embaucher que des Anjouanais. On peut le faire, du moment que ces gens là sont déclarés à la sécu, qu’ils touchent le Smig et pas 150€ par mois, après tout on a besoin que l’agriculture tourne ici, s’ils trouvent des salariés là bas, qu’on les autorise à le faire, mais de façon régulière, faire des visas saisonniers.

Sarah Mouhoussoune : Oui c’est ce qu’il faut faire.

 

« Si demain l’Anjouanais peut rester chez lui, cultiver chez lui et vendre ici, il préférera le faire et rester dans sa famille plutôt que d’être exploité ici. »

Sarah Mouhoussoune

 

Serge Castel : Mais il n’y a pas que les Mahorais. Il y a plein de Métropolitains, d’une catégorie sociale que je ne citerai pas, qui embauchent des bouénis à la maison à 150€ par mois pour 40h par semaine, pour eux c’est du social. En fait ils exploitent les gens. Je trouve cela scandaleux. Le jour où on comprendra qu’il faut arrêter de les aider, ils viendront moins. On ne règlera pas le problème sans ça, c’est impossible. En plus, les Mahorais ne se rendent pas compte qu’un jour ils seront moins nombreux ici que les Comoriens. Et ça va changer les choses. Regardez ce qui s’est passé le 27 mars, je n’admets pas cela et je pense qu’aucun Métropolitain de l’île ne l’admet. C’est scandaleux car c’est du racisme. J’espère que ça ne se reproduira plus car il y a eu des séquelles. Et je ne crois pas avoir entendu des Mahorais, à part une personne, s’offusquer de ce qui s’est passé ce jour là.

Sarah Mouhoussoune : C’est pour ça que moi je me pose des questions, que je n’ai pas voulu prendre parti par rapport à ce qui s’est passé le 27 mars. Je me demande si ce n’était pas quelque chose de voulu. Car les Comoriens vivent depuis des années ici et il n’y a jamais eu ce genre de débordements. Donc que d’un jour à l’autre, en une matinée, tout explose, je me demande si ce n’était pas organisé ou voulu par certaines personnes ici.

Serge Castel : Voilà, c’était le volet immigration clandestine (sourires), un peu difficile à éviter. Mais vous savez il y a quelques années, une mission sénatoriale était venue ici. J’avais évoqué certaines choses et on m’avait demandé d’écrire un courrier qui avait été lu au Sénat, et dans lequel je disais justement que la France devait aider les Anjouanais, construire un hôpital, des écoles, mettre des coopérants français. Qu’est-ce qui attire les Anjouanais ici ? La santé, l’éducation et bien sur l’économie car ils peuvent avoir quelques revenus, si faibles soient ils. Si on arrive à régler le problème de la santé et de l’éducation, ils seront moins nombreux à venir, et la France, plutôt que de distribuer de l’argent aux fonctionnaires, ils auraient mieux fait de construire là bas ce qui manque. A l’époque, Mme Girardin m’avait dit « tant qu’Azali sera président, on ne donnera jamais un rond ». Mais là c’est pire qu’Azali ! Si on avait aidé Anjouan, on n’en serait pas là.

Sarah Mouhoussoune : Et je pense à cet exemple qu’on a vu récemment de l’arrivée de tomates d’Anjouan ici. Si demain l’Anjouanais peut rester chez lui, cultiver chez lui et vendre ici, il préférera le faire et rester dans sa famille plutôt que d’être exploité ici. J’espère que tous les élus réfléchiront à cette coopération.

 

« Les Mahorais veulent devenir département pour s’ancrer un peu plus fort dans la République, pas pour les lois sociales. (…) Ces avantages sociaux comme le RMI sont arrivés après 1975. »

Serge Castel

 

Mayotte Hebdo : Mais comment expliquez-vous, alors que cela fait visiblement des années qu’on estime qu’il faut développer la coopération régionale pour trouver des solutions, qu’on en soit encore aujourd’hui à choisir comme solution d’expulser en masse alors que ça ne fonctionne pas ?

Serge Castel : C’est très simple. Vous savez j’ai fait des missions, avec le Medef et avec la CCI, à Madagascar et aux Comores pour voir quelle coopération économique on pouvait mettre en place. Car la coopération ce n’est pas juste s’acheter des produits. Les missions que nous faisons visent aussi à voir dans quelle mesure on peut installer des entreprises là-bas, aider ainsi au développement et créer des emplois. Mais quand vous avez un code des investissements qui à l’article 4 vous dit qu’il y a une possibilité de nationalisation, vous pensez bien qu’il n’y a aucun chef d’entreprise assez fou pour s’installer dans un pays comme ça. Ça a été évoqué au forum il y a quelques semaines. On leur a dit « nous voulons des garanties mais vous n’êtes pas capables de nous les fournir ». Si un chef d’entreprise mahorais installe une entreprise là-bas, il ne veut pas qu’au bout de 2 ans, quand ça tourne bien, on la lui pique. Et c’est ce qui se passe. Regardez ce qui s’est passé avec Total, avec la Sogea… Il n’y a qu’une entreprise d’ici qui soit installée là-bas, c’est Coca qui a une usine à Anjouan.

 

Mayotte Hebdo : Un mot de la fin peut-être ?

Serge Castel : Mon mot de la fin c’est souhaiter que cette départementalisation soit réussie, soit progressive. Qu’appliquer le droit commun ne soit pas un préalable et que l’on s’occupe évidemment de l’économie dans ce pays, vraiment qu’on donne une chance à l’économie pour le bien des Mahorais.

Sarah Mouhoussoune : Concernant ce statut de département, je ne suis pas tout à fait d’accord avec M. Castel. On s’est battu pour avoir un statut de département, on ne connait qu’un seul département, nous voulons le même que celui de Martinique ou de la Réunion. On a des spécificités qu’il faut respecter, mais adapté à quoi, progressif par rapport à quoi…? C’est vrai que ça va être difficile pour certaines personnes, notamment pour la base, mais on n’a rien sans rien.

Serge Castel : Il faut lutter conter les idées reçues. Moi j’entends souvent à l’extérieur de Mayotte que « Mayotte veut être département pour bénéficier des avantages sociaux ». C’est faux. Il faut savoir que depuis 1975, les Mahorais se battent, nos ainés se sont battus, pour qu’on soit département et c’est cet esprit là qui est resté, ce n’est pas pour les lois sociales. C’est simplement que les Mahorais veulent s’ancrer un peu plus fort dans la République pour ne pas devenir comme les Comores. Ces avantages sociaux comme le RMI sont arrivés après 1975, ils sont là on ne va pas les refuser, mais la vraie volonté c’est l’ancrage dans la République. Il faut le souligner.

 

 

19/12/2008 - Petit déjeuner de Mayotte Hebdo - Sarah Mouhoussoune et Serge Castel

 


J’aime… J’aime pas…

Noël

Sarah Mouhoussoune : C’est une fête que j’aime comme tout le monde, c’est un moment où on se retrouve en famille, entre amis. Oui j’aime.

Serge Castel : Moi de même pour les mêmes raisons.

 

Barack Obama

Sarah Mouhoussoune : Ah… c’est la mode aujourd’hui ! Et j’espère que ce sera un exemple pour tous les autres pays.

Serge Castel : Moi j’adore. Je défends complètement cette idée, je trouve que les Etats-Unis ont leurs défauts et leurs qualités, mais là c’est une qualité. Il y a un peu plus d’un siècle environ on abolissait l’esclavage et aujourd’hui vous avez un métis à la tête du plus grand pays du monde, moi personnellement je trouve ça fantastique. En plus je suis très pro américain parce que mon fils y vit et j’y vais souvent. Je pense que cela va un peu gêner les islamistes qu’il y ait un président métis, mais moi je suis pour le métissage. Il faudrait que toute la planète soit métissée.

Sarah Mouhoussoune : Effectivement c’est extraordinaire, c’est un exemple que j’aimerai voir ici à Mayotte, qu’on ne fasse pas la différence entre un français d’origine malgache, comorienne, hindou ou quoi que ce soit.

 

La saison des pluies

Serge Castel : Oui c’est une bonne chose car ça renouvelle la nappe phréatique et on en a besoin !

Sarah Mouhoussoune : C’est une bonne chose surtout pour nos agriculteurs, mais ce que nous avons vécu hier (lundi)…, J’ai des soucis quand on voit que tout ce qui est assainissement, routes, n’est pas achevé, ça m’inquiète.

 

Hishima

Sarah Mouhoussoune : Je n’ai pas pu y aller, j’ai regretté, mais j’espère que ça se reproduira. Il faut que ça rentre dans la culture aujourd’hui, c’est quelque chose de bien.

Serge Castel : Oui moi aussi j’aime bien. La culture ça fait partie de l’ouverture d’esprit et récompenser les artistes pour moi c’est une bonne chose car ils apportent beaucoup à la société mahoraise.

 

Le romazave

Sarah Mouhoussoune : Ah, j’adore ! Une de mes spécialités.

Serge Castel : Moi j’adore et je le fais aussi. Ma femme est Malgache et Mahoraise, mais c’est moi qui fais le romazave à la maison.

 


Votre plus grand…

…Voyage

Sarah Mouhoussoune : Est-ce que j’en ai eu ?… Ah si, quand même, quand un de mes premiers fils a eu son baccalauréat et que je suis partie l’installer en Métropole, c’était un grand voyage.

Serge Castel : Moi j’ai voyagé dans le monde entier. Le plus grand en termes de distance, c’est Tahiti, la Nouvelle-Calédonie, c’est très long ! Le plus important, c’est les Etats-Unis et le Québec. Le Québec j’y suis allé cette année, c’est un pays formidable, dommage qu’il y fasse froid, mais le racisme n’y existe pas, vraiment, c’est incroyable.

 

…Fierté

Sarah Mouhoussoune : La réussite de mes enfants. D’ailleurs j’y contribue toujours. Et aussi de représenter les femmes aujourd’hui en tant qu’élue.

Serge Castel : D’abord d’avoir épousé ma femme. Mais à Mayotte, c’est d’avoir monté toutes ces structures qui servent aux Mahorais. Et d’avoir été le premier président de la Chambre de commerce, pour moi c’est une réussite, personnelle bien sur.

 

…Regret

Sarah Mouhoussoune : Je n’en ai pas. Non, j’assume tout ce que j’ai fait.

Serge Castel : Moi ce serait de ne pas réussir à faire tout ce que j’ai promis de réaliser dans ma mission de président de la Chambre de commerce, des choses qui sont importantes pour Mayotte.

 

Héros :

Serge Castel : J’ai des héros dans l’Histoire bien sûr, des grands hommes comme Napoléon ou César, mais au risque de me répéter, actuellement mon plus grand héros c’est Barack Obama car il a réussi quelque chose de fantastique. Car en plus il a réussi à ramener vers lui des gens qui étaient contre lui, comme Hillary Clinton.

 


A propos des quatre îles…

Serge Castel : Quand on entend les Comores dire sans arrêt « Mayotte est à nous », il faut se souvenir qu’à l’époque chacune des quatre îles était indépendante et avait à sa tête un sultan, qui essayait constamment d’envahir l’île voisine. C’étaient les fameux « sultans batailleurs ». Et à l’époque de l’arrivée des Français, le sultan de Mayotte, Andriantsouli, a demandé aux Français de le protéger contre le sultan d’Anjouan. La France assurait l’éducation de ses enfants et en contrepartie il lui vendait l’île.

Sarah Mouhoussoune (en riant) : 1€ symbolique, c’est grave ! Il aurait pu vendre plus cher !

Serge Castel : Donc il a vendu l’île et environ 20 ans après, la France a colonisé les trois autres îles, jusqu’en 1975. Cela veut dire que c’est la seule époque où les Comores ont été unifiées. Et maintenant on vient nous dire que Mayotte est comorienne, mais s’il n’y avait pas eu la colonisation, Mayotte n’aurait jamais été comorienne, elle aurait juste été mahoraise. Il faut garder cela à l’esprit.

19/12/2008 – CCI : Bilan 2008 et perspectives 2009

Vous revenez d’un séjour d’une semaine au programme chargé, où vous avez participé, entre autres, aux états généraux des présidents de Chambre de commerce. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Le premier temps fort de mon déplacement, le comité exécutif de l’Union des chambres de commerce de l’océan Indien, où nous avons fait le bilan du forum économique de Moroni, s’est bien passé. Nous avons évoqué le prochain, qui se tiendra à Mayotte au mois d’octobre. Nous avons également engagé un dialogue avec la COI (Commission de l’océan Indien) afin qu’elle reconnaisse Mayotte pour pouvoir organiser le forum dans les meilleures conditions. Ce n’est pas encore le cas, pourtant je suis vice-président de l’UCCIOI (Union des chambres de commerce de l’océan Indien), qui est le bras armé de la COI en matière économique. On essaye donc, petit à petit, et j’ai rencontré à ce sujet l’ambassadeur de la coopération régionale à Paris, afin d’obtenir la reconnaissance de Mayotte par la COI, ce qui nous permettrait également d’avoir accès à des budgets importants.

Au cours du comité permanent des présidents des Chambres d’Outremer, qui se réunit trois fois par an, deux fois à Paris et la dernière dans le territoire qui a la présidence, actuellement la Martinique – et normalement Mayotte l’an prochain si elle devient département – les sujets évoqués concernaient plus les Dom que les Tom et Com. Toutefois, les débats, notamment sur les modalités d’application des dispositifs de la Lopom, étaient très intéressants.

Et pour finir, la grand-messe des états généraux des CCI ! Nous étions plus de 4000. Tous les élus de toutes les Chambres de commerce étaient présents, comme beaucoup de chefs d’entreprises, mais aussi Christine Lagarde, François Fillon et Mme Parisot, avec beaucoup de débats sur l’économie en général.

De toutes ces rencontres, une chose me paraît très importante : le projet de réforme sur les Chambres de commerce. Actuellement, il existe environ 160 Chambres. Le gouvernement, dans le cadre de la RGPP (Réduction générale des politiques publiques), veut réduire leur nombre à 23, soit une par région, plus celle de Paris, avec, dans chaque région, des cellules territoriales qui dépendent de leur chambre régionale. La réforme a été adoptée à 63% par le vote nominatif des présidents de Chambre, et devrait être soumis au Parlement d’ici la fin de l’année.

Même si cette réforme ne concerne pas l’Outremer, elle va provoquer quelques bouleversements puisque nous allons demander à ce que chaque Chambre ultramarine soit désormais une chambre régionale à part entière. Dès lors il nous appartient d’être vigilants, car le plus important pour nous c’est surtout de garder notre indépendance par rapport à la Réunion, même si le risque d’être affilié est faible.

 

« Je reste persuadé que l’économie peut contribuer à l’apaisement du dialogue politique entre les îles »

 

Quelles sont les actions que vous avez menées à bien en 2008 ?

En ce qui concerne l’administration centrale, nous avons réalisé trois enquêtes qui nous ont pris beaucoup du temps. La première sur les doukas, les petits commerces, que nous avons scrupuleusement recensés sur toute l’île. L’enquête livre ses premiers résultats en ce moment et on se rend compte qu’il y a plus de 25% de ces commerçants qui opèrent en toute illégalité. Pas de patente, pas d’inscription au fichier consulaire. Plus du quart des activités recensées ne sont inscrites nulle part, et dans certaines communes la proportion est plus importante, comme à Mamoudzou. Cette étude va nous permettre d’une part de remettre à jour nos fichiers consulaires, et de l’autre d’inciter les gens qui ne sont pas inscrits à régulariser leur situation.

La deuxième, réalisée en collaboration avec le CDTM, concerne l’offre actuelle d’hébergement touristique à Mayotte. Les résultats et analyses seront communiqués lors d’une conférence de presse, probablement organisée d’ici la fin de l’année ou à la rentrée.

Et enfin, la dernière, aussi importante, mais dont tout le monde semble se désintéresser, sur les besoins et les attentes des entrepreneurs en matière de TIC (Technologies de l’information et de la communication). Début 2009, nous lancerons la dernière investigation concernant l’industrie et les services, de façon à avoir un fichier consulaire complet et structuré.

Il y a eu aussi, cette année, le forum économique de Moroni. Ça s’est relativement bien passé. J’ai été très sollicité par les chefs d’entreprises comoriens, tous prêts à travailler avec Mayotte, sans doute plus qu’avec les autres îles.

La présence à nos côtés de M. du Payrat, le secrétaire général de la préfecture chargé des affaires économiques et régionales a été une bonne chose, car ce forum prend de plus en plus d’importance au sein de l’océan Indien. Le prochain se déroulera à Mayotte. C’est un vrai challenge pour la CCI. A nous d’optimiser les huit mois de travail qui nous séparent d’octobre, afin d’offrir une prestation de rang pour les 300 personnes conviées.

 

Dans quelles mesures la CCI peut contribuer au développement des échanges économiques, initiés par le GTHN, entre les îles de l’archipel ?

On peut aller plus loin. Même si nous faisons déjà de gros efforts envers les Comores en matière d’économie, les entrepreneurs sont très demandeurs, mais il faut que la confiance s’installe, pour créer un climat propice à l’échange. Nous avons tout intérêt à cela, notamment en matière agricole. On vient d’en avoir un exemple récemment, avec la livraison de tomates, d’oignons et de pommes de terre en provenance d’Anjouan. Je reste persuadé que l’économie peut contribuer à l’apaisement du dialogue politique entre les îles, car les chefs d’entreprises comoriens se fichent que Mayotte soit française ou comorienne. Leur souci, c’est de voir les échanges se multiplier avec Mayotte et les pays de la zone.

 

« Il ne faut surtout pas que la Smart coule »

 

Peut-on connaître les orientations de la Chambre pour 2009 ?

Nous avons déjà entamé la première tranche des gros travaux de rénovation des bâtiments à Longoni cette année. 2009 verra la création d’une zone de vie, avec des restaurants, des parkings. Un aménagement nécessaire puisqu’aujourd’hui plus de 500 personnes travaillent au port. L’appel d’offres sera lancé la semaine prochaine. La pose d’une bascule, pour peser les conteneurs, évitera aussi la fraude. Récemment, un conteneur enregistré sous 15 tonnes a fait écrouler un stacker qui ne pouvait en soulever plus de 18 !

Et puis bien sûr, le nouveau quai. Pour le moment, c’est l’attente. Une étude vient d’être lancée par le conseil général pour savoir quelle serait la meilleure solution pour eux. Mais il ne faut pas perdre de vu que Longoni est un petit port, qui traite 500.000 tonnes par an. Il y a déjà un concessionnaire qui est la CCI. Je vois mal demain un petit port comme celui-ci où cohabiteraient deux concessionnaires, deux manutentionnaires, sans qu’un des deux ne coule ! Et il ne faut surtout pas que la Smart coule, car c’est un pilier de l’économie mahoraise. Ce serait vraiment une erreur de mettre un autre concessionnaire, d’autant que la concession de la CCI pour le premier quai cours jusqu’après 2020. De plus, pour exploiter le deuxième quai, il faut au minimum 10 millions d’euros d’investissements pour acquérir des grues mobiles, des terre plein, du matériel… Comme rien n’a été décidé, rien n’a été commandé, et cela restera comme ça au moins pendant un an et demi, le temps que la consultation se fasse et que le choix soit entériné. Nous allons donc perdre au moins un an d’exploitation du quai.

 

Le deuxième quai du port de Longoni est-il un argument suffisant pour attirer de nouveau les grandes compagnies ?

Les armateurs, depuis le 11 avril 2007, se sont entendus entre eux pour ne plus venir directement à Mayotte. Avant nous étions livrés sous 17 jours de mer, désormais c’est 30, 31 ou 35 jours de mer car les navires passent par Maurice. Cependant, très vite Port-Louis a été « surbooké », entraînant la multiplication des cargos qui patientent en rade avant de décharger. Certaines compagnies comme Delmas, une filiale de CMA-CGM, ont pris les devants en créant une nouvelle ligne, Mascareignes Express, avec un hub à Djibouti. Le premier navire arrivera le 19 décembre.

Cependant, pour Mayotte, cette nouvelle organisation ne change rien au niveau des délais. Les navires passent d’abord par Djibouti, puis de Djibouti ils vont aux Seychelles, ensuite à Maurice, la Réunion, Madagascar, Mayotte et enfin les Comores, mais les délais sont les même que depuis avril 2007.

Le problème qui se pose, c’est la difficulté pour les importateurs à gérer leurs stocks, compte tenu de la durée de mer. Désormais ils commandent plus, alors que très peu ont des capacités de stockage. Ils laissent leurs conteneurs au port et cela a un coût, qui se répercute à la consommation.

Alors oui, un deuxième quai est un argument important, dans le sens où deux navires peuvent être traités en même temps. Sans attente en rade, cela devient plus rentable pour les porte-conteneurs de passer directement par Longoni, même pour décharger 200 boites.

 

« L’Ecole de gestion et de commerce, ce serait un vecteur idéal pour donner envie aux Mahorais de créer leurs entreprises, ou au moins de rentrer dans le privé »

 

Pour rester dans le domaine maritime, où en est le projet de création d’une compagnie régionale ?

Je tiens à redire que c’est l’UCCIOI qui est à l’origine de ce projet, lors des débats du forum économique, il y a deux ans, à Maurice, lorsque les trois armateurs historiques qui desservent la région nous ont dit : « les îles ne nous intéressent plus, ce n’est par rentable. Il n’y a que deux ports intéressants pour nous dans l’océan Indien, c’est Durban et Singapour ».

Dès lors, nous avons décidé de lancer l’idée d’une compagnie maritime régionale, sur la base d’une étude financée par la COI et l’AFD. Cette décision a provoqué des réactions de la part de nombreuses compagnies qui manifestent leurs intérêts, malheureusement uniquement dans le discours, de se positionner. Par exemple la compagnie UAFL, qui dessert déjà Mayotte en amenant des voitures de la Réunion, m’a encore récemment sollicité. Il faut se souvenir que c’est une idée qui est née il y a déjà plus de 20 ans, mais au regard des divergences politiques des pays de la zone, un projet international ne me paraît pas réalisable. Et même si des compagnies semblent aujourd’hui être intéressées pour créer un réseau privé, cela prendra du temps.

 

Avez-vous des projets qui vous tiennent à cœur ?

L’Ecole de gestion et de commerce. Cela existe dans toutes les Chambres de commerce et d’industrie. C’est une formation pragmatique, niveau bac +3, où les étudiants acquièrent une expérience du monde professionnel grâce à l’alternance, à l’international comme à l’intérieur du pays. Ce serait un vecteur idéal pour donner envie aux Mahorais de créer leurs entreprises, ou au moins de rentrer dans le privé. Malheureusement, financièrement je ne peux pas. Tant que le code de la fiscalité ne s’appliquera pas à Mayotte, la CCI n’aura pas accès à une ressource essentielle pour toutes les Chambres : la TAPP, soit une partie de la taxe professionnelle.

A Mayotte nous avons une dotation du CG d’environ 1,2 million d’euros, uniquement pour l’administration centrale. C’est insuffisant, trop insuffisant, surtout après avoir étoffé les qualifications, recruté des compétences, vitales pour que la Chambre fonctionne.

J’ai aussi une chose qui me tient à cœur, mais il n’est pas dit que l’on ne le fasse pas, c’est la pépinière d’entreprises. J’en ai visité à la Réunion, en Métropole, à Tahiti, et là aussi il me semble que c’est une structure idéale pour lancer des entrepreneurs, car je le répète : il faut que les Mahorais créent des entreprises. Le fonctionnement est simple. Pendant deux ans les créateurs, de tous secteurs confondus, sont hébergés. On met à leur disposition tous les services nécessaires pour leur mettre le pied à l’étrier, et puis au bout de deux ans, quand l’entreprise a fait ses preuves, elle laisse la place à une autre. J’ai déposé un dossier. J’attends…

 

« Actuellement, les entreprises bénéficient, à part la loi de défiscalisation, d’aucun dispositif, seulement de quelques petites mesurettes »

 

Quel est votre sentiment quant à la mise à l’écart de Mayotte des nombreux dispositifs nationaux ou ultramarins, comme la loi pour le développement économique et l’excellence de l’Outremer ?

Mon plus grand regret, c’est que Mayotte ne soit pas une Rup (Région ultrapériphérique). Actuellement les entreprises bénéficient, à part la loi de défiscalisation, d’aucun dispositif, seulement de quelques petites mesurettes. Nous sommes le territoire ultramarin français le plus lésé. C’est pour ça que l’économie ne se développe pas à Mayotte. La législation est loin d’être attractive pour les investisseurs.

 

La CCIM est-elle toujours candidate à la gestion du nouveau marché de Mamoudzou ?

Nous avons effectivement déposé notre candidature, mais c’est au conseil général de trancher, la décision lui appartient. S’il veut le garder, la seule chose que je demande, c’est de me rendre les 510.000 euros de pertes creusées depuis 15 ans par le marché actuel dans mes comptes. Donc j’attends. L’Etat est attentif aussi, car il a assumé 8 millions d’euros de l’édifice. Apparemment il y aurait un problème avec l’architecte, mais c’est leur problème. Pas le mien. Une réunion est programmée début janvier. En tout cas, si cela doit traîner encore longtemps, je retirerais la candidature de la CCI.

Ce que nous voulons, c’est dynamiser ce marché. Alors évidemment, les loyers ne seront pas les mêmes. Actuellement, il est de 38€ par mois, il va passer à 150€, voire à 200 € par mois. De plus, il y a 380 commerçants pour 245 places. Donc il faudra replacer des commerçants ailleurs. Évidemment, des gens vont perdre leurs places, car pour le dynamiser, cela veut dire mettre en place des activités qui n’y sont pas. Pour le moment, vous avez 245 personnes – entre le bazar et le textile – qui achètent les mêmes produits, aux mêmes prix, aux mêmes endroits. Le plus souvent à Dubaï. Donc, aucun intérêt pour le client. Pour diversifier l’offre, il faudra installer un ou des boulangers, un fleuriste, un bijoutier, un traiteur, un cordonnier… la liste serait trop longue, mais nous recevons énormément de demandes.

Le directeur de la CCI, Ibrahim Aboubacar, était la semaine dernière à Venise sur un salon touristique réservé au marché des croisières. Est-il parti comme « messager de la dernière chance » en Italie, patrie du croisiériste Costa, que certaines personnes ont réussi à faire fuir cette année ?

En aucun cas Ibrahim Aboubacar s’est substitué au CDTM. Concernant Venise, il y avait deux places pour le CDTM et une réservée pour la CCI. j’étais à Paris, j’ai demandé à plusieurs élus, dont le président de la commission du port, de nous représenter, mais ils étaient tous retenus par leurs obligations professionnelles. Comme

 

« C’est lamentable. Lorsque vous avez 1500 personnes par semaine qui dépensent, ne serait-ce que 20 euros chacun, regardez de quoi on se prive par la faute de gens irresponsables »

 

M. Aboubacar est donc parti là bas, mais il m’a confié n’avoir eu aucun contact avec le groupe Costa, dont les représentants étaient très en colère. Et je les comprends complètement.

Avoir laissé passer ça, c’est scandaleux. Personne ne s’est occupé de ce dossier, à part le préfet qui s’en est ému et qui m’en a parlé, ainsi qu’au président du conseil général, en nous demandant si l’on pouvait faire quelque chose pour accueillir les touristes au port. Pour le moment, nous n’avons pas les structures nécessaires au port. Avec le second quai, nous les aurons. Et puis le croisiériste et le réceptif n’étaient pas emballés par cette solution. Mais on aurait pu trouver une solution. Moi je dis que c’est lamentable. Lorsque vous avez 1500 personnes par semaine qui dépensent, ne serait-ce que 20 euros chacun, regardez de quoi on se prive par la faute de gens irresponsables.

 

Vous avez récemment posé un ultimatum à l’Etat concernant le ponton de plaisance de Mamoudzou. Pouvez nous éclairer sur ce point ?

J’ai déposé il y a déjà 6 mois de cela, dans le cadre du Contrat de projets, un dossier à la préfecture, demandant une avance de 1,5 million d’euros sur les 3 millions destinés au renouvellement des deux pontons. Le dossier traîne depuis.

Il y a un mois, sous les coups de vents et la mer agitée, un catway et un bateau amarrés au ponton ont coulé. C’est moi le responsable de cette structure et j’ai peur que demain un accident plus grave se produise. Donc j’ai posé effectivement un ultimatum, en disant : « ou vous me donnez l’argent, et vite, ou je ferme le ponton ». Mais comme c’est un financement Etat-conseil général, il faut encore que l’Etat arrive à convaincre la Collectivité de trouver les fonds.

Entre temps, j’ai commandé un audit à un cabinet d’études et d’expertise, que j’aurai ce vendredi entre les mains. A la lumière des recommandations, si vraiment il y a un danger avéré, je prendrai instantanément la décision de fermer le ponton. Ce qui me gêne beaucoup dans cette histoire, c’est d’en arriver au point de bloquer l’activité de professionnels, comme les clubs de plongée et les opérateurs de ballades en mer. Je ne les ai pas encore prévenus, mais je le ferai à temps si je suis amené à prendre une telle décision. De toute façon, ces pontons seront obligés d’être fermés un jour ou l’autre pour effectuer les travaux.

Et puis il y aussi le problème du plan d’eau. C’est l’anarchie la plus complète. N’importe qui vient, pose son corps-mort et ne paye rien à personne en occupant le territoire public. Sur ce point, j’ai demandé une AOT (Autorisation d’occupation temporaire du domaine public) du plan d’eau. Ca fait deux ans que j’attends, sans réponse. Pourtant les plans ont été réalisés par la direction de l’Equipement pour réorganiser, optimiser ce plan d’eau. Encore une fois, l’avancement de nos projets est soumis à un aval administratif qui traîne. C’est usant.

 

Propos recueillis par François Macone


Budget 2008 de la CCI

  • CAF consolidé : 1.318.034 €
  • Résultat : 603.429 €
  • Charges : 5.941.297 €
  • Produits : 6.544.726 €

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes