« Malgré une règlementation stricte, le corail de type poritès est toujours récolté pour fabriquer les tabourets de msindzano (le masque de beauté, NDLR) », selon le Parc marin. Dans le souci de « préserver à la fois les récifs et le patrimoine culturel mahorais », le Parc a lancé une étude de faisabilité pour trouver une alternative durable au corail. Au cours d’un point presse qui se tiendra ce jeudi à la Dieccte, le premier prototype de tabouret de msindzano en céramique sera donc testé par Zaliata Saindou, membre du conseil de gestion en sa qualité de présidente de l’association des pêcheuses au djarifa. La question reste de savoir comment cette initiative va être perçue par la population sachant que la principale cause de la dégradation du corail vient du réchauffement climatique, le phénomène météorologique El Nino, l’envasement du lagon ou encore la pollution terrestre (déchets ou déversement d’eaux usées).
La grève continue au Département
La grève au Conseil départemental entamée hier se poursuit aujourd’hui. Ils réclament notamment la reprise des anciennetés générale de service des agents intégrés directement dans les catégories C, B et A. Pendant ce temps-là, la grève générale initiée au niveau national par la CGT et le parti des Insoumis démarre aujourd’hui.
Une manifestation réunissant fonctionnaires et salariés du privé doit partir de la place de la République à Mamoudzou à 8h30. Les grévistes du Conseil départemental se sont réunis hier matin à l’hémicycle Bamana pour faire le point sur leurs revendications et marqué leur premier jour de grève. Ils réclament depuis le lancement de leur préavis le maintien des acquis du régime indemnitaire de chaque agent, la prise en compte de l’ancienneté générale des services, la mise en place d’une mutuelle, la mise en place d’une mise d’une procédure de recrutement dite « transparente », une nouvelle réorganisation des services, une réforme des instances représentatives du personnel notamment le comité technique, l’amélioration des conditions de travail ainsi que la publication du bilan social de la collectivité. Si ses demandes ne sont pas satisfaites, l’intersyndicale (CFDT , Solidaires, Sud, CFE CGC, FO, CGT Ma, FSU et SNU TER) prévient qu’elle bloquera les services de l’institution dès aujourd’hui. Le président Soibahadine s’est adressé aux grévistes à travers un courrier assurant que des avancées en faveur de leurs revendications avaient été réalisées et qu’il est dans l’obligation de concilier une rigueur budgétaire (charges du personnel: 113 millions d’euros en 2016) et le maintien des conditions de travail des agents.
Pendant que le Département est pris en étau par ses déficits et la pression de certains de ses agents inquiets quant à l’avenir de leur emploi, la fonction publique toute entière à Mayotte, va battre le pavé aujourd’hui pour le premier jour d’une grève reconductible. Enseignants, douaniers ou encore agents de la préfecture se mettent en grève (hausse du taux d’indexation, indemnité de sujétion géographique, etc.). Des salariés du privé se joignent également au mouvement. La CGT demande l’application immédiate de plusieurs points concernant le Code du travail national qui doit entrer en vigueur à Mayotte en janvier prochain (application des conventions collectives, application des 35 heures ou encore l’application immédiate du compte pénibilité).
Le nouveau maire de Chiconi s’engage à poursuivre la réduction du déficit
Madi Ousséni Mohamadi est le nouveau maire de Chiconi depuis la démission de Zaïnoudine Antoyissa fin août. Alors que le deuxième est parvenu en trois ans à réduire de moitié le déficit de la commune, le premier affiche sa détermination à poursuivre l’assainissement des finances de la commune.
C’est la seule voie possible pour redresser la commune », estime Madi Ousséni Mohamadi. Le nouveau maire de Chiconi, qui était auparavant adjoint au maire chargé des finances, indique qu’il va poursuivre la mission entamée par son prédécesseur: réduire le déficit de la commune. Lorsque Zaïnoudine Antoyissa a été élu à la tête de la mairie en 2014, ce déficit se chiffrait à 2,8 millions d’euros. Lorsqu’il a annoncé sa démission en août dernier, celui qui est désormais inspecteur de l’Education nationale à la circonscription de Bouéni, a annoncé l’avoir réduit de moitié, à 1,4 million d’euros. Cet objectif de réduire le déficit n’a pas empêché la mairie d’investir. L’opération RHI du quartier Antapagna est en cours. « Nous avons repris les travaux d’assainissement », précise Madi Ousséni Mohamadi. Par ailleurs l’école de Sohoa a été rénovée et une cantine y a été construite. » Le maire ajoute que d’autres chantiers vont bientôt être lancés, comme la construction du lotissement Ourini (« Nous mettons actuellement en place les voies de financement ») ou la rénovation de la route qui traverse le quartier Gnambou (« L’étude est terminée, les travaux vont débuter »). En attendant, Madi Ousséni Mohamadi a dû faire face la semaine dernière à la contestation d’une partie de ses administrés, en l’occurrence les parents d’élèves. Ces derniers demandaient la fin de l’application des nouveaux rythmes scolaires (réforme qui date de 2013) dans les écoles de la commune tant qu’il n’y aura pas de cantine remplissant tous les critères d’hygiène et de sécurité, et d’activités périscolaires encadrées par des animateurs officiellement reconnus. Suite à une rencontre entre les deux parties, il a été acté une suspension jusqu’à nouvel ordre des nouveaux rythmes scolaires. « Suite à cette suspension, nous allons formuler des propositions », indiquait le maire la semaine dernière à nos confrères de Mayotte 1ère. « Nous discutons et dialoguons avec nos partenaires institutionnels. Dans les prochains jours nous sommes amenés à prendre contact avec ces partenaires et l’ensemble des parents d’élèves, dans le but de proposer une solution adéquate aux enfants scolarisés dans les écoles de la commune »
Santé | Un bilan effarant
Publié annuellement, le dernier rapport Statiss (pour Statistiques et indicateurs de la santé et du social) Mayotte – Réunion et France métropolitaine dresse un état des lieux ahurissant des infrastructures et personnels dédiés à la santé sur le 101ème département français. Dépouillement.
Le bilan des infrastructures et personnels dédiés à la santé à Mayotte dressé par l’Agence régionale de santé (ARS) pour l’année 2016 fait froid dans le dos. Il est d’une part incomplet en raison de données officielles encore en cours de collecte telles que les taux de natalité, de mortalité infantile et de mortalité prématurée (décès avant 65 ans) ou encore le nombre de bénéficiaires de certains minima sociaux (allocations aux personnes âgées ou handicapées, par exemple). Et lorsque les données sont délivrées, elles disent sans ambages, de manière froide et clinique, le désert médical qu’est Mayotte, à la fois en termes de structures dédiées aux soins et de professionnels de santé qualifiés.
216 médecins pour toute l’île
En termes d’équipements sanitaires d’abord, Mayotte est loin derrière sa cousine de l’océan Indien. Avec son unique hôpital et ses 13 dispensaires, le 101ème département français fait pâle figure par rapport aux 15 établissements sanitaires publics de La Réunion (dont 9 centres hospitaliers) – pour une population réunionnaise seulement 4 fois plus importante qu’à Mayotte. Certaines structures d’accueil sont absolument absentes de notre territoire, telles que des maisons de retraite, des foyers pour personnes âgées, des EHPAD, des lits et places en psychiatrie infanto-juvénile ou encore des soins de suite et de réadaptation (autrefois appelés convalescence) – même si ces derniers devraient être mis en place au sein du nouvel hôpital de Petite-Terre, prévu pour 2019.
L’offre en termes de professionnels de santé est également très carencée avec seulement 216 médecins (dont 130 médecins généralistes) hors remplaçants pour l’ensemble de la population (212 600 habitants au dernier recensement). Certaines spécialités médicales sont très peu représentées (14 chirurgiens dentistes, 1 gastroentérologue, 2 gynécologues, 1 orthoptiste, 2 pédicures podologues, 3 ergothérapeutes, 9 psychiatres, etc.) et d’autres tout bonnement absentes : aucun rhumatologue, aucun audioprothésiste, aucun dermatologue, aucun chirurgien spécialisé en stomatologie, etc.
Si le manque d’attractivité du territoire est l’une des causes principales de l’insuffisance de professionnels des secteurs sanitaire et social, la formation locale est malheureusement loin de pouvoir pallier ces lacunes. D’après le rapport Statiss Mayotte – Réunion et France métropolitaine, seulement 14 auxiliaires de puériculture et 27 infirmiers ont obtenu leur diplôme (hors validation des acquis d’expérience) en 2015 à Mayotte.
Qu’est-ce que le document Statiss ?
Le rapport Statiss (pour Statistiques et indicateurs de la santé et du social) Mayotte – Réunion et France métropolitaine est un document d’une trentaine de pages établissant sous forme de tableaux des comparatifs entre Mayotte, La Réunion et la France métropolitaine. Il est disponible en ligne sur le site de l’Agence régionale de Santé Océan Indien.
Ewa : 60 000 € de pertes à cause d’une partie de jambes en l’air
L’ex-comptable de la compagnie aérienne Ewa Air comparaissait hier devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou pour des faits présumés d’escroquerie, abus de confiance, vols et usage de faux en écriture commis en 2016.
Entretenant une relation extraconjugale avec le gérant de la société, l’employée aurait profité de cette situation pour commettre les délits en question. Le préjudice pour l’entreprise porte sur plusieurs dizaines de milliers d’euros. « Très belle femme », « irrésistible », les qualificatifs ne manquaient pas hier lors de l’audience au tribunal pour décrire la prévenue. Une comptable poursuivie par son employeur qui l’accuse d’avoir utilisé la carte bancaire de l’entreprise, d’avoir détourné des enveloppes au nom de la société contenant de l’argent liquide et d’avoir récupéré les sous de plusieurs indemnisations réalisées suite à l’annulation de billets d’avion. Les faits remontent à la période de mars à juin 2016. La jeune femme est soupçonnée d’avoir volé plus de 50 000 € à la compagnie. Maîtresse du directeur, elle aurait profité de la naïveté de l’intéressé « tombé sous le charme » de la belle pour détourner les fonds en question. Or la prévenue dit qu’au contraire la direction lui donnait de l’argent de l’entreprise comme cette affaire d’une somme de 500 euros qui aurait été versée à l’intéressée. Mais l’avocat de la victime explique qu’il s’agissait d’un prêt ce que la défense conteste. De plus, la comptable accuse sa hiérarchie d’avoir voulu lui faire …/… porter le chapeau. « Ma cliente a reçu des colis commandés sur internet avec la carte bleue de l’entreprise, mais rien ne prouve que ce soit elle qui en soit l’auteure », explique son avocat. La jeune femme jure avoir voulu mettre un terme à sa relation avec son directeur rongé par la culpabilité de tromper son mari. Mais d’après elle, le directeur n’aurait pas accepté ce choix. Elle admet néanmoins sa responsabilité dans la partie concernant l’indemnisation de clients fictifs. Elle dit avoir été couverte par la direction ce que cette dernière nie. De plus, l’employée n’a peut-être pas agi seule puisque son mari est soupçonné de complicité dans cette affaire. Il figure dans la liste des prévenus dans ce dossier. Il risque 6 mois de prison avec sursis et 3 000 € d’amende. Quant à sa femme, le procureur a été encore plus sévère dans ses réquisitions puisqu’il demande 18 mois de prison, dont 6 mois assortis d’un sursis. Le tribunal rendra son délibéré le 20 septembre prochain.
A lire cette semaine dans Mayotte hebdo : Mayotte, un marché en or pour Total
Les stations essence sont débloquées et les réservoirs sont de nouveau pleins. Mamoudzou a retrouvé ses embouteillages. Un peu plus d’une semaine après la signature d’un accord entre les syndicats et la direction de Total, la situation est revenue à la normale à Mayotte.
Pourtant, les conséquences de ce mouvement particulièrement dur sont bien réelles. Ce n’est pas une nouveauté : à Mayotte, on a l’habitude des grèves et des pertes engendrées. Qu’ils soient menés à tort ou à raison, les mouvements sociaux ont des répercussions et des coûts que la raison ignore.
La première d’entre elle est économique. Durant près de 15 jours, l’économie a tourné au ralenti et les entreprises de l’île ont vu leur activité chuter. Petits ou grands, les entrepreneurs ont vu leur chiffre baisser. Nous avons interviewé à ce titre des chefs d’entreprises, grandes ou petites, dans tous les secteurs, pour connaître les répercussions qu’ils doivent désormais supporter.
La seconde porte sur le fond. Alors que les revendications portaient sur des avantages réclamés par les salariés grévistes, le combat s’est rapidement déplacé – dans l’opinion et la classe politique – sur le terrain du monopole exercé par Total à Mayotte. Qu’en est-il ? Pourquoi la multinationale est-elle la seule société distribuant des hydrocarbures à Mayotte?
L’écrivain et journaliste Zaïdou Bamana s’est plongé dans l’histoire de Total à Mayotte pour mieux comprendre ce choix. A lire dans votre magazine Mayotte Hebdo n°806 actuellement en kiosque.
Port de Dzaoudzi : une porte d’entrée à la criminalité ?
Dans son cahier revendicatif remis à la ministre des Outremers la semaine dernière, le syndicat Alliance Police nationale a dénoncé les conditions dans lesquelles travaille la Police aux frontières (Paf) au port de Dzaoudzi où opère le bateau Maria Galanta. La sécurité du site est gravement remise en question alors que chaque semaine, des centaines de passagers (en moyenne 2 000 par mois) vont ou viennent des Comores.
La Paf est inquiète et il y a de quoi l’être selon le syndicat Alliance. Le quai d’embarquement de Dzaoudzi pour les bateaux de la SGTM (Société générale de transports maritimes) n’est pas aux normes dans plusieurs domaines que ce soit sécuritaire ou sanitaire. Le syndicat pointe d’abord du doigt le manque d’effectifs sur place pour contrôler les passagers sortants ou entrants. Deux agents seulement sont affectés à la vérification à la fois des papiers et des bagages. Qui plus est, ces deux fonctionnaires sont pris dans les équipes affectées à l’aéroport. Autrement dit, l’aérogare se voit amputée 4 jours par semaine de deux agents de la Paf. Mais l’affectation au port de Dzaoudzi de deux policiers aux frontières pour assurer un service de qualité et sécurisé n’est pas suffisant selon Alliance. Pourtant la Paf compte bien environ 200 policiers dans ses rangs. « Oui mais ils sont affectés dans divers services (Cra, BRM, aéroport, etc.) », explique Jean-Louis Godard secrétaire départemental adjoint au sein du syndicat. À cela s’ajoutent les départs de 30 agents qui n’ont toujours pas été remplacés. La faute à un problème d’activité du territoire. « On a eu beaucoup de désistement de la part de collègues qui initialement devaient nous rejoindre faute de logement de fonction notamment », rapporte le syndicaliste. Seulement deux agents et pas de scanner pour contrôler les passeports. L’autre problème rencontré et non des moindres, c’est l’absence de scanner pour contrôler la véracité des papiers d’identité. « Les agents doivent se fier à leur bon sens pour détecter la fraude documentaire », regrette Jean- Louis Godard. Cette carence pose problème quant à l’entrée illégale sur le territoire de Mayotte. À cela s’ajoute l’absence également d’un chien renifleur pour inspecter le contenu des bagages. Drogues et autres produits ou matériels illicites peuvent ainsi facilement transiter par le port de Dzaoudzi. De même que des voleurs et le fruit de leur délit commis ici peuvent facilement quitter le 101ème département en prenant le Maria Galanta et ce alors que le territoire est en situation Vigipirate. « Vous pourrez constater : la vétusté du local (Algéco), l’absence de matériel informatique et de contrôle, l’absence d’une aubette de contrôle, l’absence de ligne téléphonique ou encore un mobilier à rénover », se plaignait le syndicat dans son cahier revendicatif. « Et en cas d’interpellation d’un individu, la situation peut très vite dégénérer par la proximité de la foule des passagers », ajoute le document. Les conditions sanitaires dans la gare maritime sont également remises en question par la Paf. Les passagers en attente d’embarquer ne disposent pas de toilettes. Ces dernières sont fermées depuis plusieurs mois selon Alliance faute de travaux réalisés à ce jour. La vétusté est également ciblée. « Lorsque le toit s’effondrera, il sera trop tard », préviennent les agents. « Si l’ARS était amenée à venir faire une inspection, cela ferait longtemps que le port serait fermé, car il ne répond pas aux normes », fait constater Jean-Louis Godard. Mais si les agents de la Paf ont fait remonter leurs doléances auprès de la ministre, ils ne se font pas d’illusion quant à l’issue de leur requête. « Après la visite ministérielle, on ne s’attend pas à des changements, au contraire on sait qu’il va y avoir des coupes budgétaires », résumait ainsi le secrétaire départemental adjoint.
Port de Longoni : Une mission interministérielle pour pousser le délégataire vers la sortie ?
Dans le cadre de la visite de la ministre des Outre-mer à Mayotte, les enjeux relatifs à la résiliation de la délégation de service public (DSP) du Port de Longoni ont été évoqués avec le président du Conseil départemental. En effet pour Annick Girardin : « Le port est un équipement stratégique pour la vie et le développement du territoire ». C’est pourquoi à la demande du conseil départemental, la ministre a décidé l’envoi d’une mission interministérielle chargée d’appuyer le département dans son analyse des modalités et conséquences de la rupture anticipée de la DSP. L’étude conduite par la mission de l’Inspection générale de l’administration (IGA), de l’inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) devra proposer la solution juridique la plus adaptée pour parvenir à un fonctionnement efficace et pérenne du port.
Visite ministérielle : Immigration clandestine Annick Girardin : « Compliqué encore de relever tous les défis »
Alors qu’elle a rencontré samedi matin les différents acteurs de la lutte contre l’immigration clandestine en mer (brigades nautiques de la Paf, de la gendarmerie, des douanes et de l’armée), Annick Girardin a estimé que les moyens matériels et techniques avaient été améliorés. Mais elle a dans le même temps reconnu que ces efforts étaient vains sans la coopération avec l’Union des Comores.
A ce titre, la prochaine réunion du Haut Conseil Paritaire (HCP) franco-comorien se tiendra la semaine prochaine. « Les engagements sont au rendez-vous. Mais il y a aussi le travail à mener avec les Comores ». Alors qu’elle a rencontré samedi matin les différents acteurs de la lutte contre l’immigration clandestine en mer (brigades nautiques de la Paf, de la gendarmerie, des douanes et de l’armée), Annick Girardin a souligné qu’il était « encore compliqué » de relever tous les défis propres à cette problématique.
La ministre de l’Outre-Mer s’est félicitée dans un premier temps des mesures prises (arrivée le 31 juillet dernier d’une deuxième vedette côtière de surveillance maritime de la gendarmerie maritime) ou à venir (expérimentation d’un drone sur le territoire pour mieux repérer les kwassas en approche) pour les interceptions en mer, dans le cadre du plan « Mayotte, sécurité pour tous » présenté par le précédent gouvernement en juin 2016. Mais dans un deuxième temps, elle a rappelé qu’il n’y avait pas que les forces de l’ordre, mais aussi le travail à réaliser avec l’Union des Comores en matière de coopération. « Les résultats sont pour le moment limités», a reconnu samedi Luc Hallade. L’ambassadeur délégué à la coopération dans l’océan Indien sera présent à Paris le 12 septembre prochain pour la prochaine réunion du Haut Conseil Paritaire (HCP) franco-comorien sous l’égide de leurs ministres des affaires étrangères. « Le ministre français des affaires étrangères fera des propositions pour favoriser la circulation légale de la population comorienne », a précisé Luc Hallade. On pense au visa outre-mer qu’a proposé Annick Girardin mardi dernier, et qui consisterait à « faciliter les modalités d’obtention d’un visa pour des raisons légitimes : le regroupement familial, la formation professionnelle, les déplacements pour des enjeux économiques, sanitaires et scientifiques ». Questionnée sur les échecs passés de ces HCP, Annick Girardin a estimé que « ce n’est pas parce que l’on a échoué que l’on doit arrêter d’essayer. » S’agissant du développement de l’Union des Comores, la ministre a affirmé que ce n’était pas une question de finances. « Certains pays en Asie et au Moyen-Orient réalisent déjà des investissements dans le pays. Mais je pense que les autorités comoriennes sont conscientes de ce que peut leur apporter la France par rapport à ces pays : la qualité de son système de santé, de l’ingénierie, du suivi, et le souci réel d’augmenter les conditions de vie de la population. »
Les revendications du syndicat Alliance pour la brigade nautique de la PAF
Pendant qu’Annick Girardin rencontrait samedi matin les différents acteurs de la lutte contre l’immigration clandestine (Paf, gendarmerie,armée, douanes), le syndicat Alliance Police a remis un cahier de revendications au président de l’association des maires et aux parlementaires de Mayotte. Ce même cahier aussi été remis dans la journée au conseiller sécurité de la ministre des Outre-Mer. Il y explique notamment que la brigade nautique de la police aux frontières (PAF ) ne dispose plus que d’un seul bateau (« embarcation vétuste ») pour assurer ses missions. « Il est nécessaire d’élaborer un plan de prévoyance et de renouvellement des navires et des besoins », juge Alliance. Le syndicat rappelle par ailleurs qu’il avait été acté dans le plan « Mayotte, sécurité pour tous » la construction d’une base avancée de la marine nationale sur l’îlot de M’tsamboro. « Actuellement rien n’a été mis en place malgré la budgétisation de deux vedettes police nationale et de l’installation d’un Algéco (construction modulaire, ndlr) et d’un ponton flottant », peste-t-il.
9 500 naissances en 2016, record battu
L’Insee vient de publier ses chiffres des naissances à Mayotte. En 2016, 9 500 enfants sont nés à Mayotte de mères domiciliées sur le territoire, soit le plus haut niveau jamais enregistré.
Le nombre de naissances a ainsi augmenté de 45 % entre 2013 et 2016. Les mères natives de l’étranger sont les principales contributrices de cette forte progression. Les trois quarts des enfants nés en 2016 ont une mère de nationalité étrangère, comorienne pour la plupart. La moitié ont un père de nationalité étrangère. Mais près de six bébés sur dix ont au moins un de leurs parents français. À la naissance de leurs enfants, les mères sont plus jeunes que dans le reste de la France. Les deux tiers des accouchements se font à Mamoudzou. Neuf naissances sur dix ont lieu hors mariage civil, le mariage étant principalement coutumier.
À Mayotte, département le plus jeune de France, le nombre de naissances a fait un bond de 45 % entre 2013 et 2016 (figure 1). En 2016, 9 500 bébés naissent de mères domiciliées à Mayotte, alors qu’en 2013 6 560 bébés ont vu le jour. Le nombre de naissances dépasse les niveaux atteints jusqu’à présent dans le département.
En comparaison, 2 230 naissances de moins ont été enregistrées en 2016 en Guyane, dont le nombre d’habitants est pourtant proche de celui de Mayotte.
Forte progression des naissances de mères nées aux Comores
En 2016, trois quarts des enfants sont nés d’une mère native de l’étranger. Celles-ci sont les principales contributrices de la forte progression du nombre de naissances à Mayotte. En particulier, les mères nées aux Comores mettent au monde 69 % des bébés nés sur le sol mahorais en 2016, soit une progression de 7 points par rapport à 2014 (figure 2). Entre 2014 et 2016, elles ont donné naissance à 2 000 enfants supplémentaires (+ 44 %). Quant aux mères natives de Madagascar, elles contribuent en 2016 à 5 % des bébés de Mayotte, soit 470 nourrissons contre 290 naissances l’année précédente. En comparaison, la hausse des naissances issues de mères natives de Mayotte est très modeste : 100 naissances de plus en 2016 par rapport à 2014, soit une augmentation de 5 %.
Moins de 2 % de ces mères natives d’un pays étranger ayant accouché à Mayotte en 2016 ont la nationalité française. Au niveau national, les Comores apparaissent désormais parmi les nationalités les plus fréquentes des mères étrangères.
4 enfants sur 10 nés de parents étrangers
Parmi les départements français, c’est à Mayotte que la proportion de naissances de mères de nationalité étrangère est la plus élevée (74 %), loin devant la Guyane (51 %) et la Seine-Saint-Denis (41 %, figure 3). Parallèlement, un enfant sur deux est né en 2016 d’un père de nationalité étrangère, principalement comorienne ; cette proportion est identique à celle de 2015. Au final, le nombre d’enfants nés de parents tous deux de nationalité étrangère augmente fortement. Ils représentent 42 % des naissances en 2016, contre 28 % des naissances en 2014 (figure 4).
La proportion de nouveau-nés dont au moins un des parents est français diminue donc nettement. Mais leur nombre augmente, passant de 5 200 en 2014 à 5 500 en 2016. Ceux-ci acquièrent directement la nationalité française par filiation.
Deux tiers des mères accouchent à Mamoudzou
La maternité de Mamoudzou concentre les deux tiers des accouchements. La grande majorité des autres naissances sont prises en charge dans les maternités de Dzaoudzi, Dzoumogné, Kahani et Mramadoudou.
À la naissance de leurs enfants, les mères sont âgées en moyenne de 28 ans : elles ont deux ans de moins que sur le reste du territoire français.
Neuf naissances sur dix hors mariage civil
À Mayotte, plus de neuf personnes sur dix, hommes comme femmes, âgées de plus de 35 ans, se déclarent être mariées traditionnellement ou l’avoir déjà été. Le mariage traditionnel est quasiment universel (98 % des mariages), tandis que le mariage civil reste encore marginal. Ainsi, plus de 90 % des bébés naissent hors du cadre du mariage civil : c’est quasiment toujours le cas lorsque la mère est de nationalité étrangère (95 %), mais un peu moins souvent lorsqu’elle est française (74 %).
L’indicateur conjoncturel de fécondité, une statistique encore fragile à Mayotte
L’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) mesure le nombre d’enfants qu’aurait une femme tout au long de sa vie, si les taux de fécondité observés l’année considérée à chaque âge demeuraient inchangés. L’ICF était de 4,1 enfants par femme à Mayotte en 2012, année du dernier recensement de la population, soit le niveau le plus élevé de l’ensemble des départements français. Interrogées sur leur désir d’enfants dans l’enquête Migrations Famille Vieillissement (MFV, 2015- 2016), les femmes de moins de 25 ans déclarent en moyenne vouloir 4,3 enfants. Si le nombre d’enfants par femmes diminue tendanciellement pour les femmes natives de Mayotte, l’immigration de femmes depuis les Comores ou Madagascar peut changer la donne.
Les données de l’état civil permettent d’obtenir le nombre de naissances chaque année de manière fiable. Mais le calcul de l’ICF nécessite aussi de disposer d’un nombre de femmes en âge de procréer. Or celui-ci n’est mesuré de façon fiable qu’à l’occasion des recensements quinquennaux de la population. L’ICF pourra donc être actualisé dans quelques mois, lorsque seront produits les résultats du recensement de septembre 2017.
Visite ministérielle | Du dialogue, des subventions et des annonces
L’ancienne députée de Saint-Pierre-et-Miquelon en a profité pour rappeler « l’engagement de l’État » ainsi que sa volonté de rassurer les Mahorais face aux problèmes durables que rencontre l’île. Une ministre accessible et à l’écoute de l’avis généraux, mais nombreux sont les acteurs locaux à attendre encore plus de la part de l’État.
Annick Girardin a enchaîné les échanges francs et sans détour pour son premier séjour dans le 101ème département. À peine arrivée sur le tarmac de l’aéroport de Pamandzi, la ministre est allée à la rencontre de la petite vingtaine d’enseignants grévistes qui l’attendait devant l’aérogare puis à Dzaoudzi. Ces derniers l’ont interpellé sur l’indexation des professeurs qui souffre d’inégalité par rapport à la Réunion (40% contre 53% dans l’île Bourbon). « Ca joue contre l’attractivité du territoire, car cela incite des enseignants à s’installer plutôt chez nos voisins », explique Rivo, le secrétaire départemental du SNUipp-FSU. À cela, la ministre a rappelé que l’indexation est montée à 40% en janvier dernier sous-entendant un effort de l’État déjà auparavant pour améliorer ce taux. Mais force est de constater qu’il ne satisfait pas complètement certains enseignants.
Les syndicalistes ont également évoqué la nécessité de recourir plus aux titulaires et moins aux contractuels. « Nous avons besoin d’un enseignement de qualité », a déclaré Rivo. Mais le département pâtit de ce déficit d’attractivité pour attirer des titulaires et d’une carence de formation localement dont la machine a été relancée récemment avec l’ouverture cette année du master de professeur des écoles au centre universitaire.
Les grévistes ont également attiré l’attention de la ministre sur l’état d’insalubrité de certaines écoles primaires. « 70% des établissements du premier degré dans l’île n’ont pas obtenu l’aval de la commission de sécurité », lance l’un d’entre eux. Mais c’est oublier que ce secteur est du domaine des communes et non pas de l’État.
La reprise de l’ancienneté générale de service des ex-enseignants salariés de la collectivité avant qu’elle devienne Département a aussi été évoquée. Un dossier toujours pas réglé et auquel les syndicats sont très attachés. Le cas de collègues contractuels syndiqués et dont le contrat n’a pas été renouvelé a aussi amené sur la table.
Enfin, la ministre a été apostrophée sur la sortie bateau qu’a prévu la ministre ce dimanche pour aller apprécier la richesse de la biodiversité marine de l’île. « Je suis contente que vous m’en parliez, car j’ai lu la polémique qui a démarré dans la presse. Vous avez un lagon magnifique qu’il faut mettre en valeur et dont vous devez être fier », a-t-elle répondu. Son conseiller en communication a rappelé que cette sortie bateau est incluse dans le programme de la journée de dimanche qui sera entièrement consacrée à la découverte du patrimoine mahorais. Une visite du musée et de la mosquée de Tsingoni est également prévue ce jour-là. Quid d’une escapade dans les bidonvilles? Son équipe ministérielle dit y réfléchir, mais des contraintes de sécurité entrent en jeu. En mars dernier la secrétaire d’État à la politique de la ville sous le quinquennat François Hollande, Hélène Geoffroy, avait effectué une visite dans le quartier sensible de la Vigie pour se rendre compte des conditions indignes dans lesquelles vivent des milliers de familles.
La ministre officialise les 120 millions d’euros pour les PMI
Une démarche de compensation a été engagée par l’Etat en faveur de l’aide sociale à l’enfance à Mayotte, à hauteur de 120 millions d’euros, soit près de 15 millions d’euros par an. Ce fond vient compléter la compensation issue de la loi de finances 2016 qui sert à compenser la mission protection de l’enfance, compétence régalienne transférée au Conseil départemental en 2009, sans transfert des moyens financiers pour l’assurer.
Annick Girardin, est venue concrétiser cet engagement de l’État en participant à la pose de la première pierre de la PMI de Vahibé, hier. Elle a ensuite signé le protocole spécifique en faveur de la PMI entre aux côtés de Soibahadine Ibrahim Ramadani, le président du Conseil départemental.
« C’est une avancée capitale pour le Conseil départemental dans sa mise en œuvre des mesures indispensables aux constructions et rénovations des PMI, à la résolution des difficultés de fonctionnement et à la mise en place de son Plan pluriannuel d’investissement. Et une grande victoire pour l’action sociale et la santé à Mayotte », a déclaré le Département dans un communiqué.
Pour le député LR Mansour Kamardine, cette signature est louable « mais le compte n’y est pas ». « Il manque encore environ 130 millions d’euros de compensation budgétaire au titre des dotations de l’État pour l’aide sociale à l’enfance », souligne le parlementaire. Ce domaine concerne notamment la prise en charge des mineurs isolés, une problématique tant décrée dans l’île au vu des 3 000 à 6 000 enfants et adolescents qui sont dans cette situation à Mayotte.
Une volonté affichée d’aider Mayotte, mais des solutions concrètes encore en suspens
Après avoir inauguré la PMI de Vahibé, la ministre a rencontré les élus mahorais à l’hémicycle Bamana au Département. Cette dernière a prononcé un discours dans lequel elle prend conscience des problématiques importantes auxquelles est confrontée en termes d’insécurité, de santé, d’environnement ou encore d’éducation. Annick Girardin a bien évidemment annoncé que des moyens supplémentaires seraient ajoutés comme des renforts maritimes pour la lutte contre l’immigration clandestine sans préciser quels seront-ils concrètement. « Je tiens personnellement à ce que d’ici juin 2018, des solutions soient trouvées pour régler les principaux problèmes de l’île que nous devons encore étudier », avait-elle déclaré devant les enseignants grévistes hier matin. « On a été entendu, mais pour le moment il y a beaucoup de mots et nous attendons à présent des actes », avait conclu le leader syndical Rivo.
Après la grève de Total : Bilan d’une catastrophe socio-économique
La société Total Mayotte est née de la privatisation du secteur des hydrocarbures en 2003.
L’investissement humain des salariés et des partenaires ainsi que le soutien financier du Groupe ont permis à l’entreprise d’être aujourd’hui leader de la distribution de produits pétroliers sur le territoire mahorais. Total compte à ce jour 7 stations-service déployées sur toute l’île, contribuant au développement socio-économique et aussi au désenclavement des villages de l’intérieur.
L’énergie est au cœur des défis à relever pour contenir le réchauffement climatique. Cela nécessite d’entamer de profondes mutations. Total est un acteur engagé de cette transformation. Les hommes et les femmes que le groupe emploie travaillent quotidiennement pour offrir aux usagers un service public de qualité et sécurisé. Les clients attendent d’eux qu’ils agissent de manière responsable. La direction a pris vis-à-vis d’eux l’engagement de développer, à tous les niveaux de l’organisation, des relations « constructives et transparentes » avec l’ensemble des parties prenantes. « Chez Total, la responsabilité environnementale et sociétale est placée au cœur des activités du Groupe, afin de travailler, tous ensemble, à une croissance durable », note la brochure de l’entreprise. « Afin d’être un employeur de référence pour chacun d’eux, notre Groupe accompagne ses collaborateurs pour leur permettre d’exprimer pleinement leur potentiel parmi les 500 métiers que nous proposons. Partout dans le monde, nous pratiquons une politique axée sur l’égalité des chances et la diversité », ajoute la plaquette d’information.
La grève qui a paralysé l’île la semaine dernière, pendant une dizaine de jours, vient démentir cette publicité. Avant elle, d’autres conflits internes à la société avaient déjà démenti ce propos. Si « mobiliser toutes les énergies » demeure une constante de la communication de la firme, cette accroche est loin de correspondre à la réalité à Mayotte. D’ailleurs, l’image de la marque est de moins en moins rassurante, de l’avis même des employés dont une minorité significative a affiché pas moins de 10 revendications pendant la grève, avec des doléances touchant tous les domaines d’administration d’une entreprise, notamment la gestion des ressources humaines et la politique salariale. Bref, c’est une portion très représentative du personnel qui s’estime méprisée par sa direction et exprime son mécontentement régulièrement.
Bref, au chapitre social, Total doit encore faire de gros progrès et l’augmentation de salaire de 15% pour l’ensemble de l’effectif est là pour le prouver. Cette demande ne figure pas d’ailleurs dans le protocole de fin de conflit mettant fin à la grève, ce qui indique au bilan celle-ci que les grévistes ont été sevrés de leur principale requête. « Tout ça pour ça », peut-on lire sur les réseaux sociaux, commentaires navrants que reprennent également ceux qui se préoccupent du coût économique et financier de la grève pour les entreprises, les associations, les administrations et les ménages.
Outre d’avoir déstabilisé la vie quotidienne des habitants, le fonctionnement des services publics et la vie économique et sociale de l’île, cette grève entache considérablement la réputation d’une enseigne par ailleurs respectable au regard de son importance pour le développement du territoire. L’onde choc du mouvement social risque bien de faire perdre à la société sa position de monopole, les élus ayant juré de mettre fin à sa suprématie sur le marché et d’ouvrir le secteur à la concurrence, et cela dès l’année prochaine.
La désillusion des employés insatisfaits et la menace que fait peser des élus protestataires sur l’entreprise posent alors question. Ces salariés aigris connaissent-ils vraiment l’entreprise pour laquelle ils travaillent ? Ces décideurs politiques frondeurs savent-ils seulement avec quelle entité ils sont en affaires ?
A ces questions, un ouvrage critique permet d’apporter quelques réponses.
UNE MULTINATIONALE PERVERSE
Docteur en philosophie de l’université Paris-VIII et directeur de programme au Collège international de philosophie de Paris, le Canadien Alain Deneault, a publié, « De quoi Total est-elle la somme ? Multinationales et perversion du droit ». Fruit d’un travail minutieux de deux ans et demi, ce livre détaille comment la firme, par un entrelacs de sociétés, représente partout elle se pose le vieux système tant redouté d’un « Etat dans l’Etat ».
Beaucoup de livres ont été écrits sur Total. Pourquoi ce nouvel ouvrage ?
Deneault répond que nous sommes aujourd’hui confrontés à une firme qui communique énormément, qui commente tout, qui est présente partout et qui dépasse largement ce qu’on peut attendre d’une compagnie pétrolière. Elle est en réalité une autorité souveraine qui s’interpose sur un plan diplomatique, culturel, social, associatif, sportif, politique… Cette parole, devenue omniprésente, méritait un traitement critique pour éviter que son processus idéologique ne fonctionne trop rondement.
A l’abondante documentation de la firme elle-même, ce qui comprend les bilans annuels et les déclarations publiques, mais aussi les sources d’information financées par la firme, comme le site Planète Energies, et ses propres travaux d’histoire, s’ajoute le travail des journalistes, des ONG, des documentaristes.
A l’issue de son enquête et de ses découvertes, l’auteur aboutit à la conclusion que Total est une autorité souveraine d’un genre nouveau, capable de rivaliser avec des Etats et de générer un nouveau rapport à la loi. Elle est composée d’un réseau d’entités indépendantes partout dans le monde, via 882 sociétés présentes dans 130 pays. Aucun Etat n’est à même d’encadrer Total, puisque la firme évolue sur une échelle qui échappe à leur portée législative. C’est une firme qui, en étant éclatée et active dans un très grand nombre de secteurs, ne peut être réduite à la seule filière pétrolière.
Ce nouveau rapport à la loi aurait été incarné jusqu’à la caricature par l’ancien PDG du groupe, Christophe de Margerie (mort en 2014) qui disait : « Tant que ce n’est pas interdit, c’est permis. » Mais cette « légalité » repose parfois sur la complicité d’un Etat, d’autres fois sur la passivité d’un parquet, sur un vide juridique ou sur l’exploitation de la lettre de la loi au détriment de son esprit grâce à une armée d’avocats.
Alain Deneault explique que Total profite du fait que les filiales ne sont pas solidaires de la maison-mère et qu’elles sont donc des entités autonomes qui dépendent de la législation du lieu où elles sont actives. Quand la firme dit qu’elle a agi légalement, ça veut dire que sa filiale respectait le droit… Sauf qu’il s’opère parfois un divorce entre la morale élémentaire et la technicité du droit.
UNE FIRME APATRIDE
L’auteur écrit que « Total a colonisé l’Afrique à des fins d’exploitation ». Quels leviers ont été utilisés ? Selon lui, dans son empire africain, De Gaulle a reproduit le modèle de la Grande-Bretagne. Ce schéma consiste à créer des enveloppes juridiques où ce ne sont plus les Etats qui encadrent les sociétés industrielles, mais où ce sont elles qui se créent des Etats sur mesure, une société pétrolière va alors directement relever du pouvoir politique de Paris. Ainsi, héritier d’un patrimoine historique, Total va développer un savoir-faire dans l’exploitation des hydrocarbures, mais aussi dans le renseignement et la stratégie politique afin de se donner des interlocuteurs publics choisis. « On va transformer un Etat d’Afrique en une sorte de comptoir, d’émirat», soutient Deneault, précisant : « La firme dit que le passé est le passé. Mais les infrastructures, les brevets, le savoir-faire et les réseaux d’influence sont le fruit d’un passé où les choses ont parfois eu lieu de manière controversée, à la faveur de guerres, de conquêtes, de bombardements et de tractations diverses… »
Cette affirmation tend à démontrer que Total est toujours lié aux réseaux de la Françafrique ? A ce sujet, l’auteur fait l’analyse suivante. En 1998, date à laquelle la République française n’a plus d’action ni dans Total ni dans Elf, les politiques ont dit que la Françafrique était terminée. En réalité, on a assisté à sa privatisation. Et Total est devenue « une firme apatride » comme une autre, qui a hérité de réseaux d’influence, de savoir-faire et de modalités qui lui permettent d’exercer des pressions pour arriver à ses fins sur le continent africain. On notera qu’elle n’est plus véritablement française puisque 72 % de ses actions ne sont pas détenues par des actionnaires français.
« Plusieurs pays ont vu une telle firme s’ériger comme un pouvoir et en ont payé le prix fort. Les multinationales pétrolières ont été créées il y a une centaine d’années pour que ne puissent pas exister de petites structures, des PME ou des coopératives, capables de se livrer à une concurrence libérale. Elles auraient été suffisamment petites pour que les Etats puissent vraiment les encadrer. Les Etats auraient ainsi pu planifier l’exploitation de leur pétrole sur le long terme afin que leurs gisements ne soient pas siphonnés en un siècle et demi », avance Deneault.
Cet éclairage saisissant nous renvoie à la grève et à la menace des élus d’ouvrir le marché pétrolier à la concurrence. Il suscite surtout une interrogation : le département de Mayotte serait-il considéré par Total comme un vulgaire comptoir de la Françafrique ? Si tel était le cas, l’ouverture à la concurrence du marché des hydrocarbures serait une nécessité impérieuse pour les PME mahoraises et une obligation de principe pour les élus de la République.
Source : De quoi Total est-elle la somme ? Multinationales et perversion du droit, coédition Rue de l’échiquier et Ecosociété, 512 pages, 23,90 euros
Décès d’un ouvrier non-déclaré: la propriétaire condamnée
Le tribunal correctionnel a condamné à 12 mois de prison avec sursis et 4 000 € d’amende pour homicide involontaire la propriétaire d’une maison en construction à M’tsapéré. Elle est accusée d’avoir eu au recours au service d’un maçon non-déclaré qui a fait une chute mortelle sur son chantier.
Les faits s’étaient produits en juin 2015. Un ouvrier d’origine comorienne en situation irrégulière était tombé du premier étage d’une maison à la suite probablement d’un malaise. Il ne portait pas de matériel de sécurité et il n’y avait pas de garde-corps sur le chantier. La responsabilité de la propriétaire a été rapidement mise en avant. Cette affaire a mis un coup de projecteur une fois de plus sur la problématique de l’emploi dissimulé dans l’île. Le recours au travail au noir étant moins cher notamment pour les chantiers.
Un renvoi sur intérêt civil a été également prononcé en attendant de retrouver la trace des enfants de la victime.
Météo France a transmis hier ses prévisions saisonnières pour les trois prochains mois.
« En l’absence d’anomalie importante sur les champs de circulation atmosphérique (pression, vent) sur notre région, mais grâce à des températures océaniques importantes couplées à plus d’humidité, une pluviométrie normale à supérieure à la normale est attendue sur l’île, avec de légères disparités selon les régions (les pluies sur le Nord-Est et Petite-Terre ont une chance sur deux d’être plus importantes que la normale, seulement 32% dans le grand sud de l’ile). Les cumuls habituels en cette saison sont de l’ordre de 170 à 260 mm (1 mm correspondant à un litre d’eau par m²) en 3 mois selon les communes, d’où des excédents éventuels limités à quelques dizaines de millimètres seulement. Toutefois, en cette saison, chaque mois double quasiment sa normale par rapport au mois précédent. Une pluviométrie légèrement supérieure à la normale laisse donc augurer d’un départ classique de la saison des pluies, le « poids » de Novembre étant plus important dans le cumul de pluie. En lien avec des températures de surface océanique prévues au-dessus des normales sur le Nord du Canal de Mozambique, les températures à Mayotte devraient être sensiblement au-dessus des normales (de l’ordre de +0,6°C à 1°C), ce qui les placerait parmi les plus élevées de l’historique des relevés. Pour rappel, les mois de Juin, et Juillet ont déjà été les mois les plus chauds. »
Assemblée générale de la Médetram
Le Cabinet ACE nommé commissaire aux comptes
L’assemblée générale extraordinaire de l’association de la médecine du travail à Mayotte (Médetram) s’est déroulée hier après-midi à l’hôtel Maharajah en présence de Mr. Bernard Fontaine, représentant du cabinet d’audit ACE domiciliée à la Réunion, de la vice-présidente Carla Baltus, du président Thierry Galarme ainsi que les adhérents de la structure. Après plusieurs échanges, il en est ressorti que l’association n’a pas fourni de bilan depuis 2014. Bien que le précédent Commissaire aux comptes mandaté avec des honoraires à hauteur de 7 500,00 euros annuels, selon le président, les comptes des exercices 2014, 2015 et 2016 n’ont jamais été certifiés. Didier Greco, chargé d’assurer cette mission, a depuis disparu de la circulation. Une procédure pourrait être engagée à son encontre afin qu’il rembourse l’intégralité des honoraires indûment perçus. Ainsi, le cabinet ACE s’est vu confier la mission de commissaire aux comptes pour décortiquer la gestion de l’organisme afin de certifier les comptes des exercices 2014, 2015 et 2016.
Rentrée à plein au lycée de Mamoudzou nord
C’était le grand jour de test au nouveau lycée de Mamoudzou Nord. Hier en effet, la totalité des élèves de l’établissement était réunie. Au total, 1500 élèves, pour un lycée prévu pour… 1500 élèves. On est dans les clous, mais dès l’année prochaine, les locaux seront trop petits.
« Il est prévu 2200 élèves pour la rentrée prochaine, soit 60 classes pour 47 actuellement », commente le proviseur de l’établissement, François Cuilhé. De quoi inquiéter un peu les parents d’élèves, toutefois satisfaits de la livraison dans les délais de ce lycée. Leur représentante, Madi Anlianti, confie ainsi quelques craintes pour la rentrée prochaine, mais aussi son contentement à la vue de l’établissement flambant neuf : « Nous espérons que la prochaine rentrée se passera au mieux avec tous les élèves qui seront là en plus. Mais pour l’heure, nous sommes très satisfaits de ces locaux. Il est très important que les élèves puissent bénéficier d’une bonne qualité d’éducation. »
Un lycée à vocation international
Il faut bien dire, en effet, que le nouvel établissement se veut être à la pointe, et ouvert sur le reste du monde. « Il est destiné à être un lycée international », rappelle le proviseur. Une vocation qui se déroule en trois points :
– l’apprentissage de langues nouvelles, avec dès cette année et pour la première fois, l’apprentissage du portugais comme langue vivante, mais aussi une expérience menée ou à mener sur le soihili, l’italien ou encore le chinois.
– la mise en place d’un programme international pour donner la possibilité aux élèves de réaliser des stages dans la zone océan Indien. D’ailleurs, 30 élèves en bénéficieront dès cette année en partant vers Madagascar, les Seychelles, etc.
– l’accent mis sur la culture, avec des partenariats avec d’autres territoires. Au mois d’avril sera ainsi organisé un festival de théâtre lycéen sur cinq jours, rassemblant quelques 200 élèves de la métropole et de La Réunion, et, à terme, l’arrivée de la section cinéma. « Il s’agit là d’un lycée contemporain, pour un enseignement contemporain », s’est réjouie la vice-rectrice.
Reste encore désormais à achever la deuxième tranche des travaux, avec notamment le réfectoire, qui sera commun avec le collège. Un équipement dont l’exploitation se fera via une délégation de service public, et qui est devenu indispensable: « La restauration fait désormais partie de réalités de l’éducation mahoraise, a commenté Nathalie Costantini. C’est du carburant pour apprendre. »
Enfin, ce lycée de Mamoudzou nord se dotera après les vacances de la Toussaint d’un vrai nom. Celui-ci se fera de manière collégiale avec notamment, la participation des élèves et des parents d’élèves.
Une rentrée qui s’est bien déroulée
Cette année, ce ne sont pas moins de 97000 élèves qui ont fait leur rentrée à Mayotte. Soit 10000 de plus que lors de la première rentrée mahoraise de l’actuelle vice-rectrice Nathalie Costantini, il y a quatre ans. Pour autant, malgré le chiffre impressionnant, celle-ci s’est « Très bien passée », s’est réjoui la responsable : « Malgré le problème de l’essence, tout le monde s’est mobilisé pou rassurer la prérentrée, puis la rentrée. »
Une rentrée placée toutefois sous le signe de grève à venir. « Nous avons déjà reçu les organisations syndicales, a déclaré Nathalie Costantini. Les revendications qu’elles portent ont été portées à l’ancien gouvernement et le seront au nouveau. » Et de souligner que sur les conditions de sécurité au sein et aux abords des établissements, le vice-rectorat avait engagé une réflexion et un travail sur cette question « Très importante. »
Économie À Mayotte, le prêt à taux zéro à la traîne
Applicable depuis 2014 dans le 101ème département, le prêt à taux zéro peine à faire sa place. En cause : peu de demandes.
Il est le premier bénéficiaire d’un prêt à taux zéro à Mayotte. Une démarche menée avec quelques difficultés. Pour acheter un terrain et faire construire sa maison dessus, David a en effet souhaité accéder à ce dispositif applicable depuis 2014 dans le 101ème département. « Je savais qu’il était accessible à Mayotte », explique-t-il. Il se rend donc dans plusieurs banques à cet effet, mais, surprise, on lui répond que l’établissement ne propose pas cette offre. Motif invoqué ? « Il n’est pas applicable ici techniquement. »
Courtier en crédit immobilier, Alexandre B. a fait le même constat : le prêt à taux zéro, à Mayotte, n’est pas une évidence. « Depuis trois ans, je questionne les banques de Mayotte pour faire appliquer ce dispositif. » En effet, le prêt à taux zéro étant un dispositif d’État, il s’agit d’un droit – tout au moins pour les personnes remplissant les critères -, et il y a donc obligation de le proposer. Ce qui, vraisemblablement, n’est pas systématique. Le professionnel le regrette : « J’ai financé des gens sans prêt à taux zéro, alors qu’ils auraient pu en bénéficier pour leur investissement. Et ce dispositif pourrait bien marcher à Mayotte, beaucoup de gens y auraient droit. »
« Peu de demandes » Nous avons contacté la direction d’une banque, la BFC, afin de comprendre les causes pouvant expliquer ces difficultés d’application. « Nous avons, à la base, très peu de demandes », explique Hervé Bourdonnec, directeur de la BFC Mayotte, qui confie avoir eu, jusqu’à présent une seule demande, au début du mois de mai. « Nous avons donc contacté la Société de gestion du fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS), gestionnaire de ces prêts, pour faire une demande, reprend le responsable. À l’heure actuelle nous attendons la confirmation, car ces services ne semblaient pas être au courant des modalités à Mayotte. »
Également, le montage des dossiers de demandes de prêt à taux zéro et « Très compliqué », de l’aveu du directeur, et demande de fait un savoir-faire encore peu répandu à Mayotte, faute de demandes en quantité suffisante. Un obstacle qui pourrait toutefois être réglé : « Évidemment, si nous étions emmenés à en faire, il faudrait mettre en place une formation. Mais cela ne nous poserait aucun problème de former nos agents », conclu le responsable.
Le prêt à taux zéro, c’est quoi ?
Aidé par l’État, le prêt à taux zéro permet à l’emprunteur d’acheter un logement. Plusieurs conditions sont à respecter : ne pas avoir été propriétaire de sa résidence principale au cours des deux dernières années, le logement doit être soit neuf, soit ancien avec des travaux, et des conditions de ressources sont à remplir. Le montant du prêt à taux zéro dépend également de la zone où le logement est acheté. Dans tous les cas, il ne peut financer qu’une partie de l’achat et doit donc être complété par un ou plusieurs prêts ou apports personnels.
Miss Mayotte 2017, Vanylle succède à Naïma
Comme à chaque concours c’est avec émotion que la nouvelle Miss Mayotte a été élue. Vanylle Emasse comme ses prédécesseurs les années passées, a eu du mal à contenir ses larmes.
La jeune métisse originaire de Majicavo-Lamir a été élue par le public, les téléspectateurs et le jury composé de Miss France 2017 Alicia Aylies, les partenaires de l’événement, d’anciennes miss, des élus et des membres du comité Miss Mayotte et Miss France. Eelle succède ainsi à Naïma Madi Mahadali, Miss Mayotte 2016. Devant des spectateurs globalement calmes, les 7 candidates ont défilé à tour de rôles à travers divers tableaux tournant autour du thème de l’Afrique. Elles ont cédé leur place par intermittence aux diverses interludes de la soirée. 3 ex-miss France Malika Ménard (2010), Camille Cerf (2015) et Flora Coquerel (2013) ont également assuré un défilé de mode. Cette année le choix du comité a été de mettre en avant uniquement des artistes locaux (Insultant crew, Weisley etc.). Les années précédentes l’organisation avait tendance à faire venir des chanteurs extérieurs au territoire et dont leur popularité est dans le creux de la vague. Le budget n’y est pas pour rien. Avec la subvention en moins du Conseil départemental, le comité a dû se serrer la ceinture. Quoi qu’il en soit le show proposé fut abouti, à la hauteur des moyens dont disposaient l’organisation. A présent Vanylle Emasse va passer quelques temps dans l’île pour honorer diverses invitations à quelques grands événements à venir dans le 101ème département. Puis en novembre elle s’envolera pour la Californie où elle rejoindra les autres miss régionales avant le concours national qui se tiendra le 16 décembre prochain à Châteauroux.
Ramlati Ali reste confiante envers la justice
Contactée par téléphone, la députée En Marche Ramlati Ali a réagi ce matin à la mise en examen d’un gendarme hier soir soupçonné d’avoir produit et utilisé des fausses procurations lors de dernières élections législatives dans la 1ère circonscription. « Il n’y a pas de quoi s’inquiéter » selon la parlementaire concernant l’avenir de son mandat. » Qu’Elad Chakrina (l’adversaire de la candidate socialiste) pose un recours pour contester les résultats de l’élection, c’est une chose. Que le gendarme soit poursuivi c’est une autre chose », nous expliquait l’élue de la circonscription nord. « J’ai confiance envers la justice », a-t-elle déclaré. En attendant, l’ancienne présidente de la Sim a jusqu’au 15 septembre pour déposer son mémoire de défense contre la requête de son adversaire.
Le regard de Neptune : les strombes
Les strombes, aussi appelés « lambis » ou « 7-doigts », sont parmi les plus gros et les plus célèbres coquillages des récifs coralliens. Mais avez-vous déjà croisé leur beau regard ?
Les très gros coquillages contribuent de manière certaine à la beauté des plages tropicales et de leurs fonds sous-marins, ainsi qu’au bon fonctionnement de l’écosystème récifal. L’océan Indien abrite un bon nombre d’espèces de très grandes dimensions : le « fer à repasser » (Cassis cornuta), le « casque rouge » (Cypraecassis rufa) ou encore le « triton géant » (Charonia tritonis) peuvent ainsi tous dépasser 20 voire 40 cm de long, et peser plusieurs kilos quand ils sont vivants. Hélas, ces animaux à la croissance lente se reproduisent peu, et quand ils sont surpêchés pour la vente de leur coquille aux touristes (ou, historiquement, la sculpture des camées) leur disparition peut être rapide et irréversible.
L’un des principaux groupes de gros coquillages encore relativement bien représenté à Mayotte est la famille des strombes, ou conques. C’est une assez grande famille, comptant 89 espèces réparties dans 23 genres, avec à Mayotte au moins 27 espèces, dominées par les genres Canarium et Lambis. C’est dans le second qu’on trouve les très grosses coquilles familièrement appelées « 7-doigts », du fait des sept digitations qui s’élancent de la « lèvre » de la coquille – certaines espèces en ont plus ou moins, et la plupart des autres genres n’en possèdent pas, et sont de dimensions plus modestes. On trouve facilement sur toutes les plages de Mayotte des fragments de ces coquilles, en forme de crochets courbes ou de morceaux de faïence de dimensions parfois impressionnantes. Plus rarement, on trouve un spécimen entier, plus ou moins abrasé par son séjour dans le sable… Il n’est pas vraiment interdit de ramasser les coquilles quand elles sont vides, mais cela reste déconseillé car elles constituent un habitat capital pour les gros bernard-l’hermite, qui peinent souvent à trouver des logements à leurs proportions !
Notre expérience de ces animaux se résume donc souvent à ces coquilles vides, en plus ou moins bon état. Pourtant, elles ont bien été habitées et même fabriquées par un mollusque, et celui-ci mérite notre attention. Les strombes sont tous des herbivores nocturnes, qui se déplacent sur le fond par petits bonds, au moyen de leur opercule corné en forme de faux. Les plus grosses espèces n’ont guère de prédateurs à l’âge adulte, et même les vieux poulpes, raies et balistes risquent de se casser les dents sur ces coquilles lourdes et épaisses.
- Les yeux et la bouche d’un « 7-doigts » curieux… . Gabriel Barathieu.
Mais le trait le plus fascinant de ces animaux est surtout… leurs yeux. Si les dizaines d’espèces de strombes arborent des tailles et des formes de coquilles très variables, toutes ont en commun un léger plissement de la lèvre non loin de la base de la coquille : c’est par cette petite encoche que vous pourrez apercevoir, chez un strombe vivant et en confiance, émerger un œil – le second, très indépendant, sortira par le canal siphonal, à l’extrémité de la coquille. Et quels yeux ! De tous les animaux marins, les strombes ont sans doute le regard le plus humain qui soit : exactement comme les nôtres, leurs yeux possèdent une sclère blanche, un iris coloré et une pupille noire. Mais au lieu d’être enchâssés dans des orbites, ils sont disposés au bout de longues tiges, un peu comme les escargots, et ils sont donc indépendants l’un de l’autre, ce qui les rend très mobiles et permet à l’animal de surveiller deux choses en même temps. Chaque espèce a des yeux différents, et les plus beaux regards sont sans doute à chercher chez les petits Conomurex, assez communs sur les platiers comme celui de Sakouli, surtout de nuit.
Pour autant, il n’est pas sûr que les strombes aient une vue excellente : leurs beaux yeux demeurent loin des extraordinaire prouesses de ceux des crevettes-mantes. De même, un beau regard n’est pas synonyme d’intelligence, et les poulpes conservent une belle longueur d’avance en matière de ruse marine. Mais ce regard curieux reste émouvant, et peut-être faudrait-il le montrer aux pêcheurs qui fracassent ces animaux par dizaines pour en faire des appâts ! C’est d’autant plus triste que ces strombes sont souvent bien plus vieux que les poissons qu’ils servent à pêcher, ce qui rend cette pratique bien peu durable – les bénitiers, à la croissance encore plus lente, partagent souvent ce triste sort.
Profitez donc de l’hiver austral pour rejouer avec un strombe le film Quai des brumes: « T’as d’beaux yeux, tu sais »