Accueil Blog Page 524

Mayotte en passe de devenir un département-région

-

Le sénateur et vice-président du Sénat, Thani Mohamed Soilihi, présentait mardi ses travaux sur l’évolution institutionnelle du département de Mayotte dans l’hémicycle Younoussa Bamana au conseil départemental. Il souhaite ériger Mayotte en département-région ce qui instaurerait notamment un scrutin de liste à deux tours et un haut conseil cadial.

 « 1 département + 1 région = 1 collectivité unique qui s’engage à vos côtés« . Une volonté souhaitée par le sénateur Thani Mohamed Soilihi et sa proposition de loi ordinaire relative au département-région de Mayotte déposée le 21 janvier dernier au Sénat. « Je suis fier de ce moment qui marque un travail commun réussi. Notre collectivité a besoin d’une évolution institutionnelle et il me semble que cela doit passer par la transformation de Mayotte en département-région« , a-t-il expliqué. Selon lui, cette loi pourrait aider les collectivités à relever les difficultés particulières que rencontre le département du fait de sa situation géographique, de ses problèmes économiques et sociaux et de la saturation de ses services publics grâce notamment à des dotations bien plus élevées qu’actuellement. « Pour le moment, Mayotte montre ses limites. Nous sommes une des régions les plus arriérées d’Europe. Si nous passons en département-région, il sera possible pour le territoire de se développer de manière conséquente« , a souligné Soibahadine Ibrahim Ramadani, président du conseil départemental.

Pour le sénateur, il s’agit donc d’ériger Mayotte en département-région afin de répondre à la « situation paradoxale » pointée du doigt par les acteurs locaux. En effet, Mayotte est une collectivité unique exerçant des compétences à la fois départementales et régionales. Or, le territoire ne reçoit pas toutes les dotations qu’il devrait en tant que région. « Clarifier la situation de chaque institution est primordial« , a affirmé le président du Département. Pour ce faire, le département-région succéderait au département pour pouvoir exercer les compétences attribuées à un département d’outre-mer et à une région d’outre-mer, tout en demeurant une collectivité territoriale.

Une « assemblée de Mayotte« 

Un changement de statut du territoire qui pourrait également se concrétiser par le changement du mode de scrutin. Mayotte se rapprocherait alors de la situation institutionnelle de la Guyane et de la Martinique, mais aussi de celle de la Corse.  En effet, cette évolution induirait la fin du mode de scrutin caractéristique des départements – le scrutin binominal paritaire à deux tours dans 13 cantons – et instaurerait un scrutin de liste à deux tours, avec une représentation proportionnelle, et une prime pour la liste arrivée en tête dans une circonscription unique divisée en 13 sections. Le département-région s’administrerait par un conseil élu de 51 membres, soit quatre élus par canton*, réunis en « assemblée de Mayotte » afin d’élire l’exécutif de la collectivité. L’assemblée serait assistée d’un « conseil économique, social, environnemental de la culture et de l’éducation« .

« Pour tenir compte des spécificités de Mayotte, la collectivité serait dotée d’autres organes« , a annoncé Thani Mohamed Soilihi dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi. Il espère principalement la constitution d’un « Haut conseil cadial » qui aurait une mission générale de médiation dans les affaires sociales de la vie mahoraise. « L’islam est consubstantiel à la culture de Mayotte. Nous souhaitons le mettre dans le marbre. C’est une instance représentative au-delà du territoire« , a confirmé Soibahadine Ibrahim Ramadani.

« Clarifier la situation du port« 

 En outre, compte tenu de l’importance « particulière » du port de Longoni et des enjeux du développement économique et de l’aménagement du territoire de l’île, il serait institué un établissement public de l’État, appelé « grand port maritime de Mayotte« . Le sénateur veut également constituer un établissement public d’organisation et de gestion du transport des personnes et des marchandises entre la Grande-Terre et la Petite-Terre. « Il n’y a pas encore d’échéance prévue pour le port. Les choses sont problématiques au port. Tout d’abord, nous aimerions engager des discussions avec chacun des acteurs présents au port« , a déclaré le parlementaire.

Quant aux finances, leur régime serait aussi largement calqué sur celui des collectivités comparables. Toutefois, Thani Mohamed Soilihi sollicite l’État afin qu’il verse une dotation globale exceptionnelle dite « de rattrapage » de 90 millions d’euros par an. En 2017, le département avait reçu 800.000 euros de dotation. « C’était un début mais l’État doit prendre conscience que nous devons évoluer« , a soutenu le sénateur de Mayotte.

Enfin, le président du conseil départemental a rappelé que l’État exercerait les compétences en matière de routes nationales et de construction des collèges et lycées. L’entrée en vigueur de cette loi est prévue à compter de la première réunion de l’assemblée de Mayotte suivant sa première élection en mars 2021.

*Sauf Passamaïnty qui n’aurait que 3 élus.

Le numérique au service de la pédagogie

-

Le vice-rectorat de Mayotte a fait le choix de mettre l’accent sur le développement du numérique éducatif dans le premier et le second degré. Lundi, le service de l’État et le GEMTIC ont donc signé une convention de partenariat à la CCI de Mamoudzou. Une première action sera menée du 15 au 19 avril prochains avec « la semaine du numérique« .

« C’est un cheval de bataille pour le gouvernement« , a assuré Stephan Martens, vice-recteur de Mayotte lors de la signature d’un partenariat, lundi, avec le président du Groupement des entreprises Mahoraises des technologies de l’information et de la communication (GEMTIC), Feyçoil Mouhoussoune, à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Mayotte. Depuis quelques années, différents plans numériques ont été élaborés pour permettre de développer l’informatique dans les établissements scolaires. Ce partenariat est la « continuité » du travail déjà réalisé. « Il est important que les jeunes Mahorais s’approprient le numérique pour qu’ils puissent plus facilement s’ouvrir à l’environnement régional mais aussi mondial« , a expliqué le vice-recteur.

Selon lui, le numérique est un levier permettant de réduire les inégalités entre les élèves, faciliter leur insertion ou encore modifier les pratiques pédagogiques et répondre aux différents défis du territoire. En effet, à Mayotte, le débit internet reste trop faible pour subvenir aux besoins administratifs et pédagogiques liés à l’utilisation du numérique. De plus, les équipements numériques, en dehors des ordinateurs, sont encore trop peu répandus dans les établissements. Enfin, les ressources humaines sont insuffisantes puisque, encore aujourd’hui, les enseignants titulaires et les formateurs ne sont pas encore habitués aux divers usages du numérique éducatif. Mais le vice-recteur a annoncé que « d’ici 2020« , les enseignants pourront passer un CAPES informatique*.

Outre cette nouvelle formation à destination des enseignants, une action autour du numérique aura lieu du 15 au 19 avril prochains dans les locaux de la MJC de Kawéni – dotée du haut débit – pour promouvoir les nouvelles pratiques pédagogiques mais également de nouveaux métiers porteurs d’emploi. « Rassembler les jeunes sur des réflexions liées à des problématiques concrètes, c’est le but de cette semaine. Les jeunes doivent avancer avec l’informatique, c’est notre époque« , a affirmé Stephan Martens. Plusieurs partenaires sont déjà connus comme STOI, la ville de Mamoudzou ou encore Orange.

Lors de cette semaine, des formations pédagogiques et des présentations des entreprises du numérique seront au programme pour démontrer aux jeunes que les métiers du numérique ne sont pas « uniquement » réservés à une élite ou à certains domaines de compétences. « Nous avons beaucoup de mal à recruter sur le territoire. Il faut leur faire prendre conscience de leurs compétences en la matière et qu’il y a du travail pour eux« , a confirmé Feyçoil Mouhoussoune.

Deux concours pour les élèves seront également organisés avec la « Webcup junior » pour « susciter des vocations » et « détecter de futurs talents » grâce à la promotion et à l’initiation aux langages de programmation. En équipe, les lycéens devront réaliser une page Internet sur un thème donné, en moins de 5h. Le second s’inscrit dans le projet « Robocup junior national et international ». L’ambition est de réaliser et programmer –  collectivement ou individuellement – des robots. « Les jeunes ont plus de bagages numériques que nous les adultes, il faut donc s’en servir. Nous avons espoir d’aller à la finale à Bordeaux début juin. Si nous n’y arrivons pas, notre grand objectif est la compétition internationale en 2020. Actuellement, il nous manque encore les financements« , a souligné une des organisatrices de la semaine du numérique. Un appel du pied qui n’a pas échappé au vice-recteur. « Nous ferons notre possible pour y contribuer ».

Stephan Martens, vice-recteur de Mayotte, et Feyçoil Mouhoussoune président du GEMTIC ont signé lundi une convention de partenariat afin de développer le numérique notamment auprès des jeunes.

* Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré.

 

Le « Défi Jeunes » contre l’isolement social et professionnel

-

 

Le dispositif inédit lancé par le centre communal d’action sociale (CCAS) de Mamoudzou et l’association Messo débute ce lundi. Quinze jeunes de 16 à 25, en décrochage scolaire et professionnel vont ainsi suivre plusieurs mois de formation et d’accompagnement en faveur de leur réinsertion.

En 2017, quelque 65 % des jeunes mahorais n’avait obtenu aucun diplôme qualifiant, selon des chiffres de l’Insee. Un problème d’autant plus important que sur l’île aux parfums, la moitié de la population est âgée de moins de 17 ans et demi. Pour endiguer le phénomène, le centre communal d’action social (CCAS) de Mamoudzou lance ce lundi son dispositif inédit “Défi Jeunes”, cofinancé par la politique de la Ville.

 Cette formation de quatre mois vise à accompagner 15 jeunes de 16 à 25 ans, en marge du système éducatif, du marché du travail et plus largement, de la vie sociale. En somme, « rendre ces jeunes employables et leur redonner confiance par l’intégration« , résume Mohamed Moindjie, deuxième adjoint au maire chargé de l’aménagement du territoire, logement et déplacement et vice-président du CCAS. Au programme : des ateliers de travail sur la réalisation d’un CV, sur les addictions, des exercices de communication et la découverte des secteurs qui recrutent localement, comme la sécurité et le social. Autant d’étapes qui doivent leur permettre, à terme, de trouver un stage, une formation ou peut-être même un emploi.

 « Le mot défi prend tout son sens, et à Mayotte, où beaucoup de jeunes ne sont inscrits ni à Pôle Emploi, ni à la Mission locale, cela répond à des besoins énormes« , défend Nawal Issoufa Jimitri, directrice de l’association Messo, engagée dans l’insertion des jeunes par le travail, et partenaire du projet. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire d’être déjà enregistré comme demandeur d’emploi pour rejoindre le Défi Jeunes. Seules conditions, au-delà de l’âge : habiter sur l’une des communes de Mamoudzou et être dans une situation administrative « bien claire« , insiste Anziza Daoud, directrice du CCAS de Mamoudzou. Autrement dit, pouvoir présenter des papiers d’identité en règle.

Des places encore disponibles

Mais, sans grands contacts avec l’extérieur, les jeunes en décrochage et très marginalisés, demeurent méfiants quant aux administrations. Résultat : le CCAS et Messo n’ont pas encore identifié les quinze candidats. Alors, pendant les trois prochaines semaines, toutes personnes correspondant au profil recherché peut se présenter à l’hôtel de ville de Mamoudzou ou dans les locaux de l’association à M’tsapéré pour intégrer le Défi Jeunes. Il est également possible de s’inscrire par téléphone auprès de la mairie au 02.69.63.91.00, en demandant le service du CCAS, ou auprès de Messo au 02.69.62.18.23.

« C’est une chance qu’on vous donne, une main qu’on vous tend« , répètent de concert les directrices dont les structures ont envoyé des agents directement sur le terrain à la recherche de jeunes vulnérables. Parmi ceux qu’ils ont rencontrés, Mahmoud, habitant à Cavani. « Rester dehors sans rien faire, c’est trop difficile« , articule-t-il timidement en alternant shimaoré et français. « Beaucoup de jeunes devraient s’inscrire [au dispositif], c’est bénéfique pour eux« . Si cette première édition se révèle efficace, le Défi Jeunes pourrait bien être reconduit les années suivantes, doté d’une plus grande capacité d’accueil.

 

 

Eau et assainissement

-

Vendredi, le président du syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte, Moussa Mouhamadi, a adressé ses vœux à la population pour l’année 2019. Il en a profité pour rappeler son implication pour améliorer le cadre de vie des Mahorais et préserver l’environnement. De nombreux projets vont notamment voir le jour dans le cadre du contrat de progrès, estimée à 141 millions d’euros.

Après le plan « Urgence eau » de 2017 et la crise sociale de 2018, le président du SIEAM, Moussa Mouhamadi, n’espère plus suer autant à grosses gouttes. Et c’est avec une bonne nouvelle qu’il s’est présenté sur l’estrade à l’occasion des vœux. En effet, la réflexion menée sur la nouvelle programmation « eau et assainissement » a abouti à la signature du contrat de progrès en juillet dernier. Celui-ci « ne porte pas que sur l’eau, mais fixe également la ligne à tenir pour le développement de l’assainissement de Mayotte ». Si l’énumération des projets est toujours appréciable, l’annonce des chiffres est plus croustillante. « Nous avons entre les mains un outil-clé qui garantit le financement des opérations prioritaires, estimé à environ 141 millions d’euros d’ici 2020. 73,5 millions pour le volet assainissement et 67,5 millions d’euros pour l’eau potable, avec une part SIEAM de 35 millions d’euros au total. »

 Des projets à la pelle pour l’eau potable

 Cette année semble donc être celle de la réalisation des projets ambitieux. Entre autres, l’optimisation des moyens techniques, l’amélioration du rendement du réseau de distribution ou encore son extension. Sans oublier la création de nouveaux forages pour mener à bien le dossier du barrage de l’Ourovéni. Concernant les ressources existantes, plusieurs missions attendent toute l’équipe du SIEAM, comme par exemple la protection des points de captage, la poursuite de la réhabilitation d’anciens forages et la mise en service complète de la nouvelle usine de dessalement de Petite -Terre, mais aussi la mise à niveau des ouvrages de stockage de l’eau (remplies par les eaux de surface et les eaux de ruissellement), des unités de potabilisation et des réservoirs.

Une DSP pour l’assainissement

Le SIEAM n’en oublie pas pour autant l’assainissement et compte bien procéder à l’augmentation des branchements et l’amélioration du fonctionnement des mini-stations d’épuration situées en zones rurales et de la gestion des boues. Toutefois, le lancement d’un grand nombre d’ouvrages supplémentaires, à Mamoudzou Sud, Koungou, Petite – Terre, Tsingoni ou encore Bouéni, pousse le syndicat à confier à un tiers le service public de l’assainissement. « Les démarches tendant à externaliser la gestion des eaux usées de Mayotte vont aboutir très prochainement à une délégation de service public qui devra permettre d’atteindre un meilleur rendement avec des coûts maîtrisés », dévoile Moussa Mouhamadi. 

Grève des profs: « le rectorat est en train de couler »

-

Entre la suppression de plusieurs indemnités, la hausse des contractuels, les enseignants du secondaire sont montés au créneau hier dans les rues de Mamoudzou. Ils dénoncent un manque d’implication de la part du vice-rectorat et une précarisation croissante de leur profession.

 Ils étaient entre 150 et 200 enseignants du secondaire, titulaires ou non, à défiler dans les rues du centre de Mamoudzou jeudi matin. En cause : l’appel lancé par la quasi-totalité des syndicats de l’Éducation nationale à Mayotte, contre la perte d’attractivité de l’Académie et la précarisation de ses professeurs. Des revendications propres à l’île, alors qu’un mouvement similaire se jouait à l’échelle nationale. « Depuis 2013, les conditions de séjour ne sont plus assez intéressantes« , martèle fermement Patrick Fornecker, secrétaire général adjoint du Syndicat national des enseignants du second degré (Snes).

Depuis plusieurs mois, de nouveaux problèmes s’ajoutent à une situation déjà jugée critique par le corps enseignant. « Contrairement à ce qui a été prévu, les gens arrivés en 2011 ou 2013 ne touchent pas d’indemnité d’éloignement et les néo-titulaires n’ont pas droit à l’indemnité de sujétion géographique alors qu’ils y avaient droit l’année dernière« , développe le représentant syndical. « À cela s’ajoute le fait qu’on refuse le recalcul de l’indemnité de logement, et c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ! »

 Vers un mépris de la profession ?

Si les représentants syndicaux ont pu s’entretenir pendant une heure avec le secrétaire général et le chef de cabinet du vice-rectorat – le vice-recteur étant en déplacement en dehors de Mayotte –, l’échange n’a pas été à la hauteur de leurs attentes. « Ils nous ont dit qu’au ministère, on considère que tant que le système fonctionne (même mal) il n’y a pas de problème« , décrit Patrick Fornecker, enseignant à Mayotte depuis 15 ans. « Le rectorat nous répète qu’il n’a pas la main sur ces décisions. Nous devons donc faire une croix sur un système éducatif de qualité… » Résultat, selon le Snes, l’Académie se rapproche dangereusement des 60 à 70 % d’emplois contractuels, les plus précaires. Selon le syndicaliste, cette évolution démontre ni plus ni moins que « le rectorat est en train de couler ».

Si une grève nationale est déjà annoncée pour le 5 février, l’intersyndicale de Mayotte s’interroge encore sur la forme que devra prendre le mouvement à l’échelle locale. « Au-delà des grèves, il y aura sûrement d’autres moyens d’action« , avance le secrétaire adjoint du Snes. Parmi les moyens de pression envisagés, le recours en justice devant le tribunal administratif sur des dossiers comme les néo-titulaires ou le logement, comme cela s’est déjà pratiqué en Guyane. Quoi qu’il en soit, « Il n’y a, je crois, pratiquement pas un seul collègue qui n’est pas en train de défendre l’institution« , conclue Patrick Fornecker.

 

Le désarroi de nos anciens

-

À toute société ses anciens, mais à Mayotte les cocos et bacocos ont une importance toute particulière. Traditionnellement, ils sont ceux qui doivent être écoutés, respectés, mais aussi protégés, préservés. Le lien intergénérationnel est un des piliers de la société. Et c’est là que le bât commence à blesser. Car tout développement d’une société induit un changement, et dans le département le plus jeune de France, les choyés d’hier risquent de devenir les oubliés de demain.

Elle a 80 ans, bien que son visage ne le laisse aucunement présager. Dans le hall de sa maison de Pamandzi, à laquelle on accède par un étroit corridor menant au fond d’une cour, Mkaya – Fatima Silahi de son vrai nom – tricote. Une activité bien peu commune à Mayotte, mais pour laquelle elle a une appétence toute particulière. Sous ses doigts encore agiles malgré l’âge, les fils rouges, bleus, ou blancs deviennent des sacs et des chapeaux qu’elle vend. Une occupation bienvenue dans des journées souvent trop longues. Des enfants qui travaillent et des difficultés pour se déplacer : l’univers de Mkaya se résume à son domicile. Un quotidien moralement difficile, comme elle l’explique : « C’est dur de ne pas être accompagnée. À plusieurs, on trouve des solutions aux problèmes qui se posent. Mais seule, comment faire ? » À côté d’elle, Faharidhine Zadi et Anima Abdou Razakou. Les deux animatrices de la mairie de Pamandzi sont mises à disposition de l’association Maison familles et services. L’objectif de l’organisme ? Rendre visite aux séniors, les suivre, faire travailler leur motricité, mais aussi déceler d’éventuelles situations à risque. La problématique de l’isolement des anciens à Mayotte, elles la connaissent donc bien pour y être chaque jour confrontées. « La solitude leur pèse, confirmentelles. Ils aimeraient être accompagnés en permanence. Le fait d’être en groupe leur manque, les échanges avec d’autres leur manquent aussi. » Une visite presque quotidienne de l’association, qui revêt des allures de nécessité. « Nous avons un rôle de confidente », reprennent les deux jeunes femmes avant de poursuivre : « Faute de pouvoir parler à quelqu’un, ces personnes se confient à nous, et nous disent des choses qui nous travaillent parfois. En tout cas, il est certain qu’elles nous laissent difficilement partir quand nous devons y aller », lâchent-elles dans un sourire. La situation de Mkaya est représentative de nombre d’autres sur le territoire. Dans le département le plus jeune de France, où les personnes de plus de 60 ans ne représentent – pour le moment – que 4 % de la population, selon les chiffres du recensement de 2012, les anciens semblent oubliés. Traditionnellement, ces derniers sont pourtant au centre des attentions d’une société qui se prévaut de s’occuper de ses aïeuls. Oui, mais voilà :  le développement « aidant », les traditions changent et le soutien familial d’hier doit s’adapter aux contraintes de l’époque.

Ce changement de société, Inoussa El Fat y assiste depuis 10 ans. Travailleur social et directeur d’une toute nouvelle structure à Bandrélé – 976 Allo Saad, qui œuvre dans les prestations à domicile à destination notamment des personnes âgées –, il a vu la société mahoraise changer. « Les gens ont désormais moins le temps de s’occuper de leurs parents et grands-parents. Il y a le travail tout d’abord, mais parfois aussi des départs de l’île. Des familles s’en vont pour chercher un meilleur confort de vie ailleurs, et leurs anciens, eux, restent ici. Parfois, ils n’ont plus personne, à part des voisins », souligne-t-il. Un phénomène « longtemps resté moins visible » et qui s’est accéléré en suivant les évolutions d’une société en plein bouleversement. Au final : une problématique apparue soudainement et qu’il faut désormais prendre à bras le corps. Problème : nul ne sait précisément quels sont les besoins, aucun recensement des séniors en situation d’isolement, et plus largement de leurs besoins, n’ayant encore été fait : « On ne sait pas combien ils sont », s’accordent les différentes associations. « Les séniors ne se sentent pas respectés » C’est un « paradoxe » remarque Soyfoudine Abdou Razak, directeur de l’association Maison Familles services. « Le changement de société, nos anciens s’y attendaient », explique-t-il en regrettant que rien n’ait permis d’assurer une transition souple.

Son constat ? « Ils sont tristes que le droit commun ne s’applique pas encore comme ailleurs, et ne leur permette pas de rompre l’isolement. Ils voient les jeunes flamber, les gens rouler en 4×4, et eux être exclus. Les personnes âgées ne se sentent pas respectées, alors qu’elles ont fait beaucoup pour cette île, pour son combat. Elles ont fait le travail, mais n’en bénéficient pas. » En cause : « le manque de prise en charge et d’accès à leurs droits », devenus aujourd’hui indispensables, car « les familles pensent parfois s’occuper de leurs personnes âgées, mais ce n’est pas le cas. Il ne suffit pas de les garder à domicile, il faut aussi les occuper, s’assurer que tout aille bien, les soigner dans certains cas, surveiller leur alimentation.

  » Un manque de prise en charge ? « Oui », affirme le directeur de l’organisme qui accuse : « En France, il y a des statuts, des droits, et des techniques de prise en charge pour les personnes âgées. Tout cela n’est soit pas mis en place à Mayotte, soit trop mal connu pour qu’ils en bénéficient. Nos vieux souffrent de maltraitance institutionnelle. » Des dispositifs existent pourtant. Du côté de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM), outre les pensions de retraite et de veuvage, une allocation de solidarité aux personnes âgées de 65 ans et plus disposant de faibles revenus, existe. Idem pour le Conseil départemental, qui dispose d’une direction dédiée : la Direction des personnes âgées et des personnes handicapées (DPAPH), via laquelle l’institution accorde, selon la situation, une allocation personnalisée d’autonomie (APA), mais aussi des aides ponctuelles pour l’achat de matériel destiné à améliorer un peu le confort de vie des personnes âgées en situation précaire. Une centaine d’APA accordé l’an dernier, pour près de 500 demandes. « Cette allocation existe depuis 2001 en métropole, mais n’a été appliquée qu’en 2015 ici », explique Abdourazakou Allaouiya, directrice du service Évaluation de l’autonomie à la DPAPH, qui reconnait qu’une étude des besoins doit être « indéniablement » menée pour mener à bien ce vaste chantier : « Pour l’instant, nous disposons tout de même des informations que nous font remonter nos assistants sociaux, infirmiers et associations, avec lesquelles nous travaillons. »

Parmi ces partenaires, la Fédération Mahoraise des Associations des personnes âgées et des Retraités (FMAPAR), qui estime « à 9/10ème le travail restant à mener », selon les mots de son président, Bacar Hadhirami : « On parle beaucoup de personnes âgées, mais on ne les regarde pas. On ne sait pas qui elles sont ni combien elles sont. » Seule piste pour la structure : les enquêtes qu’elle mène chaque année depuis 2007 pour orienter ses actions. Et les résultats « sont les mêmes depuis 10 ans », affirme Laoura Ahmed, directrice de l’organisme : « Le mal-logement et les difficultés d’accès à leurs droits. » En cause notamment, des demandes d’aides trop complexes et contraignantes pour des séniors : « Ils sont fatigués, ne peuvent pas toujours se déplacer, faire la queue longuement car il n’y a pas de guichet dédié, les délais de traitement peuvent être extrêmement longs, il faut également revenir parfois une dizaine de fois, etc. Tout cela est décourageant pour eux et ils ne veulent pas se lancer dedans, perdant du même coup les aides auxquelles ils ont droit. Et parfois, ils n’ont tout simplement plus confiance dans les institutions. » Dès lors, une des missions de la Fmapar est d’orienter et de suivre ces séniors, afin de faciliter leurs démarches. Mais pour fonctionner, une association a besoin de subventions. Et dans un contexte budgétaire tendu, celles-ci ne seraient pas à la hauteur des attentes : « On nous a par exemple accordé 39 000 euros pour mener quatre actions. Mais cela ne permet d’en financer qu’une seule », illustre la responsable. Malgré tout, la fédération a réussi à organiser des évènements comme la Semaine bleue, Miss Coco, ou la Journée de sensibilisation des personnes âgées et des retraités

Des subventions trop faibles ?

Retour à Pamandzi, dans la maison de Mkaya. Le directeur de Maison famille et services, Soyfoudine Abdou Razak déplore également ce manque de soutien financier de la part des institutions. L’ancienne association, Coco Sénior Club, dont il a repris la présidence en 2015 pour en épurer les comptes grâce à un don privé, disposait d’un accueil de jour pour occuper les personnes âgées la journée après les avoir récupérés le matin à domicile, a dû suspendre ses activités, faute de subventions suffisantes à son fonctionnement :

« En 2017, nous n’avons obtenu que 15 000 euros de subvention de la part du Département.

Entre le coût du loyer, celui des activités que nous menions, celui du prestataire de bus, etc., cela ne suffit pas. C’est bien trop peu pour permettre à une structure comme la nôtre de fonctionner.

Nous avons fait le maximum, mais il nous a fallu arrêter. » Mkaya, comme tous les autres adhérents, a ainsi vu ses journées se résumer soudainement à son domicile. Retour à l’isolement : « Elle ne voit plus ses amies, mais chacune nous demande des nouvelles des autres à chaque fois que nous les visitons », reprennent deux animatrices, Faharidhine et Anima, appuyées par Mkaya : « Quand on voit d’autres personnes, on grandit, on est plus actifs, alors que là je ne fais plus que tricoter et regarder Mayotte 1ère », regrette-t-elle.

Soyfoudine Abdou Razak donne d’autres exemples : « Nous avions également un projet de caravane des droits pour sensibiliser la population au sort des personnes âgées à travers le territoire, pour leur faire connaître leurs droits. Nous avions chiffré le budget à 150 000 euros, et la subvention que l’on nous a proposée s’élevait à 4 000 euros. Qu’est-ce que vous voulez faire avec ça ? » Et de rappeler sa proposition d’une grande enquête, en collaboration avec un sociologue, pour déterminer les besoins réels en la matière. Cette même enquête qui apparaît indispensable à tous les acteurs du secteur pour améliorer le sort de nos anciens : « Nous n’avons pas obtenu les fonds. » Au final, le responsable estime que « rien n’est fait à part de la politique politicienne. En attendant, le problème s’alourdit.

Il y a des fonds nationaux et européens disponibles, mais nos élus ne vont pas les chercher. Cela ne mène à rien. En 2017, nous avions par exemple tenté d’organiser un salon des séniors à Mayotte. Les tergiversations politiques l’ont fait échouer. »

Et demain ?

Alors, qu’attendre pour nos séniors ? Malgré un manque de moyens évident, l’espoir de voir s’améliorer le sort de nos séniors existe. « Malgré tout, les choses semblent aller de mieux en mieux », constate ainsi le directeur de 976 Allo Saad, Inoussa El-Fat, en se réjouissant que « le pôle dédié à cette question au Département soit un des plus actifs. » Formation de travailleurs sociaux, pour l’heure encore en nombre insuffisant, mais également mise en place prochaine des accueillants familiaux – les personnes âgées sont reçues au sein de familles pour en partager la vie en échange d’une rémunération –, des projets existent. De nouveaux dispositifs ont par ailleurs été mis en place récemment : c’est le cas de Gari La Coco, à Chirongui, un système de transport à la demande pour les démarches administratives et de la vie quotidienne ; ou encore de Allô Maltraitance (Alma), permettant le signalement de personnes âgées maltraitées. La question des maisons de retraite est également abordée régulièrement. Mais la société mahoraise est-elle prête à cette option malgré de nouvelles et croissantes contraintes sociétales ? « Nous avons ce projet, explique Soyfoudine Abdou Razak, de Maison familles et services, mais il n’est pas encore accepté par les familles. Les gens travaillent et ne peuvent plus s’occuper de leurs proches, mais ils préfèrent les garder à domicile, sans pour autant pouvoir faire ce qu’il faut. » Quoi qu’il en soit, et quelles que soient les solutions qui seront choisies, les éternels débats ne peuvent avoir lieu, car, comme souvent dans le 101ème département, la situation urge. Le temps passe vite, et nos anciens sont de plus en plus en nombreux.

C’est ce qui est détaillé dans le Plan régional de santé Réunion-Mayotte couvrant la période 2018-2028 : « Ce territoire [Mayotte] doit également anticiper un vieillissement progressif de sa population, et répondre dès maintenant aux besoins de prévention, de soins et d’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie, encore peu nombreuses. » Et de préciser : « Le vieillissement (…) débutant à Mayotte, implique d’anticiper l’évolution nécessaire de l’offre sanitaire et médico-sociale pour faire face à un allongement de l’espérance de vie, des situations de dépendance lourde, un cumul de fragilités sociales et médicales, une augmentation des maladies chroniques et des troubles psychiques. Le repérage et la prévention de la perte d’autonomie sont à mobiliser fortement, pour limiter ou retarder les effets du vieillissement,

et soutenir les aidants. Cette exigence répond à la demande sociale d’accompagnement des personnes dépendantes au plus près de leur lieu de vie, d’adaptation de leur environnement, et de conservation d’une vie sociale de qualité. La réponse institutionnelle, légitime dans certaines situations de grande dépendance et d’épuisement de l’entourage ne pourra se développer à hauteur de ce défi démographique et économique ; une évolution de l’offre de soins et d’accompagnement est donc nécessaire. »

Menace de grève : accord trouvé

-

Le préavis de grève déposé par les trois sociétés aéroportuaires (Mayotte Air Service, Mayotte Aviation et Air Sûreté Mayotte) au début du mois n’est plus d’actualité. Les négociations entre la CGT-Ma et le directeur général ont porté leurs fruits. Un accord a été trouvé sur le départ de l’actuel responsable d’exploitation mais aussi sur l’application de la convention collective nationale.

 

Suite au préavis de grève déposé par la CGT-Ma en date du 3 janvier, la direction de Mayotte Air Service, représentée par Moïse Issoufali, et les représentants de l’organisation syndicale se sont réunis mardi 15 janvier pour tenter de trouver un terrain d’entente.

« Parmi les 120 salariés, une grande majorité des employés partage l’idée de voir partir le responsable d’exploitation », expliquait Zayad Saïd Hachim, délégué syndical de la CGT, dans les colonnes de Flash Infos du vendredi 11 janvier 2019. Il accusait alors ledit responsable de propos injurieux et racistes envers certains collaborateurs et exigeait son départ immédiat.

Au cours de la réunion de mardi 15 janvier, il a été convenu que « le responsable d’exploitation ne sera pas en relation directe avec les employés, à l’exception des responsables des services qui lui sont directement rattachés ». L’évolution de la situation sera suivie durant le premier trimestre avant d’envisager une solution définitive. Mais selon nos informations, le cadre en question devrait bel et bien faire ses valises dans deux mois et quitter définitivement son poste. Ce léger contretemps par rapport à la revendication initiale se justifierait par une raison simple : l’agrément empêcherait de changer l’organigramme de la société dans un délai aussi court.

Par ailleurs, comme prévu, l’application de la convention collective nationale n’a pas posé de problème. La direction s’est en effet engagée sur quatre points. Elle va verser une prime mensuelle de servitude de cinquante euros à tous les salariés ayant trois mois d’ancienneté et n’ayant pas à leur disposition un moyen de transport de l’entreprise (contre 15 euros pour la prime de transport actuelle). De plus, vingt chèques déjeuners d’une valeur unitaire de 8 euros vont remplacer dans le courant du premier trimestre la prime de repas de 90 euros, tandis que l’adhésion à la mutuelle pour tous les salariés va être relancée. La cotisation mensuelle sera prise en charge à hauteur de 60 % par la direction et de 40 % par le salarié. Enfin, une révision salariale de l’année 2018, c’est-à-dire une régularisation du Smic, va être réalisée et apporter les modifications nécessaires sur la période concernée. Le versement de cette différence sera effectué sur la paie de janvier 2019. « Dans l’ensemble, c’est un très bon accord », conclut, satisfait, Zayad Saïd Hachim.

Plus qu’un jour pour la consultation liée au mouvement des gilets jaunes

Lancée le 15 décembre dernier par le Conseil économique, social et environnemental, la consultation en ligne « Avec ou sans gilet jaune, citoyennes et citoyens, exprimez-vous » a déjà mobilisé plus de 12.000 participants pour 6.000 contributions et 120.000 votes. En tête des propositions figurent la question des avantages fiscaux pour les énergies renouvelables, le renforcement des politiques et des allocations familiales, la revalorisation de la rémunération des fonctionnaires, la réforme du système éducatif, ou encore la prise en compte du vote blanc. Au total, la participation des citoyens, la transition écologique et les inégalités sociales sont les thématiques les plus récurrentes.

Vous avez jusqu’au 4 janvier minuit pour vous rendre sur la plateforme https:/participez.lecese.fr afin de donner votre avis. Sur la base des résultats de cette consultation, mais aussi d’auditions et de la consultation de citoyens tirés au sort, un avis sera élaboré et présenté au vote en mars 2019 dans le but d’apporter une réponse globale aux enjeux révélés par le mouvement des gilets jaunes.

 

Événement | Le Sportif de l’année souffle sa dixième bougie

-

La Société mahoraise de presse (Somapresse) et ses partenaires lancent ce vendredi la dixième édition des Trophées Mayotte Hebdo du Sportif de l’année. Retour sur un événement qui a et continue(ra) de placer le sport et les sportifs mahorais au centre des intérêts.

Au soir de la première cérémonie de remise des trophées du Sportif de l’année, en janvier 2010, les nommés et les invités tenaient dans une petite salle d’un restaurant kawénien. Ils n’étaient pas nombreux, à peine une soixantaine à communier et célébrer les sportifs bénévoles mahorais lauréats.

Six lauréats, pour cinq catégories : le meilleur sportif, le meilleur entraîneur, le meilleur dirigeant, la meilleure équipe et le meilleur sportif mahorais évoluant hors de Mayotte (Mahopolitain). À l’issue de la cérémonie, lauréats, nommés, dirigeants de clubs, présidents de comités et ligues et sportives, partenaires unanimes : l’élection du Sportif de l’année devait prospérer.

« L’organisation de ce trophée encouragera certainement de nombreux sportifs et dirigeants à se battre afin d’être reconnus pour leur travail à la fin de l’année », assurait Saïd Mahatsara dit Zico, président du Football Club de Labattoir, élu Dirigeant de l’année 2009. Les années sont passées.

Au fil des élections, l’organisation a souhaité valoriser plus de sportifs bénévoles. Ainsi sont apparues de nouvelles catégories : la Sportive de l’année, l’Équipe féminine de l’année, la Mahopolitaine de l’année, le Prix spécial du jury… Au fil des élections, l’organisation a souhaité populariser l’événement.

Objet d’un bref sujet au journal télévisé le lendemain de la première cérémonie, celle-ci est aujourd’hui diffusée en direct sur Mayotte La 1ère télé, première chaîne locale, ainsi que sur les réseaux sociaux et l’antenne radio du média du groupe France Télévisions.

10 ans aux côtés des sportifs mahorais bénévoles

L’organisation, au fil des saisons a souhaité améliorer le contenu de la cérémonie. D’une simple remise de médailles et de trophées, d’un simple rendez-vous bouclé en moins d’une heure, la soirée des Trophées Mayotte Hebdo du Sportif de l’année s’est progressivement transformée, pour devenir une soirée de spectacle, où danses et chants modernes et traditionnels, scènes de théâtre, démonstrations d’arts martiaux et de sports de combats se mêlent.

Après avoir nommé plus de 300 sportifs, athlètes, entraîneurs, dirigeants, équipes, après avoir décerné plus de 70 trophées de lauréats, la Somapresse aborde la dixième édition de son événement. Les catégories Sportif, Sportive, Entraîneur, Dirigeant, Équipe masculine, Équipe féminine, Mahopolitain, Mahopolitaine et Arbitre subsistent. Et deux nouvelles font leur apparition !

La première d’entre elles est un nouvel hommage au sport féminin : après avoir séparé les sportifs des sportives, les équipes masculines des équipes féminines, les mahopolitains des mahopolitaines, la Somapresse emploie la même démarche en direction des arbitres, en créant une catégorie spécifique à l’arbitrage.

« Les arbitres, qui sont nommés par leur ligue ou leur comité ont fait leur entrée à l’élection du Sportif de l’année en 2017 : jusqu’à présent, aucune femme n’avait été choisie pour représenter l’arbitrage mahorais ! Ce que nous trouvions dommage, car des femmes sont aussi investies et passionnées par l’arbitrage que certains hommes. Cette catégorie a été créée pour mettre la lumière sur l’arbitrage féminin mahorais, bien présent mais trop peu valorisé », souligne Laurent Canavate, fondateur de l’élection.

L’arbitrage féminin et le handisport : nouvelles catégories du Sportif de l’année

Une autre catégorie de sportifs sera dorénavant mise en valeur : les handisportifs. A première vue, le handisport à Mayotte est inexistant. Mais en creusant, la Somapresse a réalisé que des actions ponctuelles ou régulières en faveur du handisport sont menées ici et là par certaines associations.

D’une certaine façon, le handisport avait fait une première apparition à l’élection du Sportif de l’année 2017, en février dernier, lorsque l’artiste paraplégique Docteur Léo recevait un « Prix surprise » pour avoir escaladé le Mont Choungui et réalisé le tour de l’île avec son fauteuil roulant.

« Durant ces deux événements, nous nous sommes effectivement sentis comme des handisportifs, car c’était un gros travail psychologique et physique, avant, pendant et après les actions, pour atteindre les objectifs que nous nous étions fixés », affirmait-il, le regard plongé sur son trophée.

C’est pour faire naître des idées auprès d’autres associations et redonner vie à une discipline perdue qu’est créée cette onzième et dernière catégorie… À partir de ce vendredi, le public peut se rendre sur le site www.mayottehebdo.com pour découvrir et surtout voter pour leurs sportifs favoris. La dixième cérémonie des Trophées Mayotte Hebdo du Sportif de l’année est programmée le samedi 16 février 2019.

Octroi de mer | La malédiction du « Hors Mayotte » se poursuit

Réactions de stupeur outrée à Mayotte à la lecture du communiqué du ministère des Outre-mer annonçant que 84 produits allaient bénéficier d’une réduction, voire d’une suppression de l’octroi de mer. Quatre des cinq départements ultramarins sont concernés. Hors Mayotte. 

« Sous l’impulsion d’Annick Girardin, ministre des Outre-mer, une liste de 84 produits locaux supplémentaires pouvant bénéficier d’une réduction ou d’une suppression de la taxe d’octroi de mer a été annoncée aujourd’hui par Pierre Moscovici, commissaire européen chargé des affaires économiques et financières. Ce travail a été mené en lien avec les conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique ainsi que les acteurs socioprofessionnels de ces territoires », se félicite le ministère le 14 décembre par voie de communiqué. Seuls quatre des cinq départements d’outre-mer sont ainsi concernés par cette aide exceptionnelle, hors Mayotte, décrit sans délicatesse le ministère, commettant sans doute là une erreur de communication puisque rien dans le communiqué de presse ne vient expliquer cette omission. 

Ainsi, les réactions outrées ne se sont pas fait attendre et ont débuté avec celles du conseiller départemental Daniel Zaïdani (MDM) qui n’a pas manqué d’interpeller le président du Département. Fustigeant « le traitement inégalitaire scandaleux entre Mayotte et les autres départements d’outre-mer », l’élu estime que cet état de fait participe de « la stratégie du gouvernement de M. Macron de maintenir Mayotte dans ses difficultés et son sous-développement ». Daniel Zaïdani rappelle donc à Soibahadine Ibrahim Ramadani, le président du conseil départemental, « que la charge de l’application de l’octroi de mer à Mayotte » relève de sa compétence et enjoint à l’exécutif de « [se saisir] du dossier et d’user de tous les moyens en sa possession pour faire infléchir la décision de la ministre des Outre-mer ». 

Contacté à maintes reprises mardi à ce sujet, le ministère des Outre-mer n’a pas répondu à nos sollicitations. 

 

Biodiversité | Près de 500 espèces mahoraises protégées

-

À Mayotte, 470 espèces sont protégées : 220 animaux et insectes, ainsi que 250 végétaux. La préfecture vient d’établir la liste quasi exhaustive de ces espèces, un texte inédit pour la biodiversité mahoraise. À condition que les efforts politiques suivent. 

La liste est longue. Et à Mayotte, elle est la première à recenser tous les types d’espèces végétales et animales protégées, souvent endémiques. Au total, elles sont près de 470 à faire l’objet d’une mesure de protection, officialisée par l’arrêté préfectoral du 14 décembre qui abroge tous les textes antérieurs pour les spécimens cités. De quoi accélérer la stratégie « biodiversité pour le développement durable de Mayotte 2013-2020 », élaborée entre autres par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). 

À noter toutefois : les populations marines interdites à la pêche ne sont pas mentionnées, puisque déjà référencées dans un arrêté de juin dernier, à l’initiative de la Direction de la Mer Sud Océan Indien (DMSOI). Exception faite pour les tortues vertes et imbriquées, qui sont parmi les dix reptiles à bénéficier d’une attention toute particulière. Ainsi, la destruction ou l’enlèvement des œufs et des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement de l’animal ainsi que la perturbation intentionnelle, la naturalisation, le transport, le colportage, l’utilisation, la détention, la mise en vente ou l’achat sont strictement interdits, mentionne l’arrêté préfectoral. Pour rappel, les peines pour braconnage peuvent s’élever à 750.000 euros d’amende et sept ans d’emprisonnement. La destruction, l’altération ou la dégradation des aires de reproduction et de repos des tortues et de neuf autres reptiles, dont les couleuvres et les geckos, sont également interdites, contrairement à toutes les autres espèces protégées. Six autres rampants, dont les serpents des cocotiers et les caméléons, sont également protégés, à un moindre niveau. 

En mer et sur terre

Le panorama des espèces protégées est vaste : cinq catégories de mammifères terrestres, parmi lesquels makis et roussettes ; huit crustacés terrestres et d’eau douce dont différentes espèces de crevettes et le bernard l’hermite ; cinq mollusques terrestres ; 33 insectes, dont le phasme ; 10 arachnomorphes (ressemblant à des araignées) et 138 oiseaux. 

S’y ajoutent près de 250 espèces végétales – près de la moitié des plantes locales – contre 106 recensées en 2006, date du dernier arrêté préfectoral sauvegardant la flore mahoraise. Leur protection se divise en deux niveaux : 91 familles ne peuvent être ni détruites, coupées, arrachées ou cueillies, ni transportées, colportées ou commercialisées. Quatre autres sont uniquement interdites à l’achat et à la vente. Problème : l’arrêté, disponible en accès libre sur le site de la préfecture, ne mentionne les plantes protégées que sous leur nom scientifique, qui deviennent donc difficilement identifiables par le grand public.  

De l’acté à l’action

« Ma principale préoccupation, c’est comment faire passer le message auprès de la population », insiste Michel Charpentier, président de l’association des Naturalistes de Mayotte. Pour celui qui est également  vice-président du conseil de gestion du parc naturel marin de l’île, l’arrêté, plus exhaustif que les précédents, est un point de départ « très positif » pour la biodiversité locale. Toutefois, pour obtenir les résultats escomptés, il doit s’inscrire dans une démarche pédagogique et de communication. 

Comment informer le public des aires de repos et de reproduction dédiées ? Comment lui permettre d’identifier les espèces concernées ? Et, surtout, comment sensibiliser les agriculteurs et les éleveurs, qui travaillent au plus près des espèces protégées ? Contactées à maintes reprises par notre rédaction, ni la préfecture, ni la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal) n’ont donné suite à nos sollicitations. En janvier dernier, les Naturalistes saluaient la signature d’un arrêté anti-brûlis. Mais près d’un an plus tard, la pratique persiste encore largement sur le territoire. En sera-t-il de même avec la destruction de la biodiversité mahoraise ? 

Habitat illégal | Quel avenir pour les délogés de Kawéni ?

-

La semaine dernière, les habitations illégales érigées sur les terrains Batrolo, à Kawéni, ont enfin fait l’objet d’une déconstruction complète après des années d’attente. Si quelques habitants ont essayé de se réinstaller ailleurs, d’autres, en situation irrégulière, ont été renvoyés dans leur pays d’origine. Certains ont accepté d’être relogés temporairement. Le point avec le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, Julien Kerdoncuf. 

Suite à l’opération impressionnante menée mercredi dernier, conjointement par les forces de l’ordre et un huissier sur des terrains de Kawéni, la question du relogement des habitants se pose. Au lendemain de l’intervention, il ne reste que les stigmates du passage des tractopelles. Les cases en tôle laissent place à un véritable champ de ruine. Quelques courageux récupèrent leurs dernières affaires avant de quitter les lieux, pendant que d’autres, désespérés, sont encore dans l’inconnu. Joint par téléphone, le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, Julien Kerdoncuf, revient sur le devenir de ces hommes, femmes et enfants. En préambule de la déconstruction, des enquêtes sociales préventives ont été réalisées sur le site pour prévenir les occupants des choix qui s’offraient à eux. 

« Dimanche et lundi, nous avons placé au centre de rétention administratif 36 étrangers en situation irrégulière qui sont, depuis, déjà repartis vers les Comores », dévoile-t-il. Pour ceux qui possèdent des papiers en règle, un hébergement temporaire leur a été proposé sous la houlette de l’association départementale pour la condition féminine et aide aux victimes (ACFAV). Selon nos informations, ils ont la possibilité d’occuper les logements mis à leur disposition pendant une durée pouvant aller jusqu’à trois mois, le temps de se retourner. « Sauf que ces places ne sont pas forcément situées dans la même zone géographique de l’endroit où ils vivent. Donc les parents préfèrent bien souvent trouver une solution par eux-mêmes pour ne pas perdre leurs habitudes », explique Michel Henry, le directeur de la Croix Rouge, qui tient à jour toutes les demandes via le service d’accueil et d’orientation. Ainsi, si certains ont fait appel à des proches pour prendre un nouveau départ, d’autres n’ont pas hésité à reconstruire leurs cases en tôle dans les hauteurs de Kawéni. « Ils ont été délogés le jour-même », confie le sous-préfet. « Une trentaine de personnes qui avaient refusé notre aide quelques jours auparavant ont ensuite accepté notre proposition de relogement. »

Malgré tout, ce chiffre paraît bien maigre lorsque l’on sait qu’environ 80 familles vivaient sur les terrains Batrolo. Alors, où se trouvent-elles à l’heure actuelle ? Sans grande surprise, l’hypothèse la plus probable est de les voir s’implanter ailleurs. « Il est nécessaire que les propriétaires, les municipalités et les services de l’État travaillent main dans la main pour agir dans le cadre de la flagrance », insiste Julien Kerdoncuf. Dans le cas contraire, l’histoire risque de se répéter… 

 

 

 

Alain-Kamal Martial : « La pauvreté de Mayotte est une pauvreté de tiers-monde »

-

À l’occasion du dernier Grand Séminaire de Mayotte (GSM), qui s’est tenu entre le 22 et le 30 novembre derniers, un groupe de spécialistes s’est penché sur les axes de développement du territoire. Le thème retenu pour cette troisième édition, « Sortir Mayotte de la pauvreté », fera bientôt l’objet de propositions concrètes, rassemblées dans un manifeste qui sera mis à disposition des pouvoirs publics dès le mois de février. L’auteur Alain-Kamal Martial, à l’initiative du GSM, a livré à Mayotte Hebdo quelques-unes des pistes retenues. 

Mayotte Hebdo : Comment décririez-vous la situation économique et sociale du 101ème département à l’issue de ce troisième grand séminaire ? 

Alain-Kamal Martial : Tout d’abord, vous avez sûrement entendu et lu que 84% de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté. Comme nous sommes un département français, et donc un territoire rattaché à l’Union européenne, ce n’est pas en nous comparant avec les pays voisins, Les Comores ou Madagascar, que nous trouverons la juste mesure de la réalité sociale de Mayotte. La comparaison doit être faite avec les autres départements français […] Un autre point important, c’est la fiscalité. Dotations d’État, impôts sur le foncier, octroi de mer… Nous avons décelé une grande injustice qui ne pénalise pas tant les entreprises mais surtout les individus : il y a une majorité de gens qui ne cotisent pas à Mayotte parce qu’ils sont trop pauvres. Ça pénalise tous ceux qui travaillent. La pauvreté de Mayotte est une pauvreté de tiers-monde. Quand l’accès à l’eau devient un problème, quand les gens ne peuvent pas se faire soigner, ça, ce sont des problèmes de tiers-monde. Cela génère une économie informelle, issue de la criminalité, de la prostitution, du trafic de drogue, une « économie du pauvre » en quelque sorte. Si on réduit la pauvreté, on réduit du même coup ces problématiques-là également. 

MH : Quels sont les leviers d’action pour faire reculer la pauvreté à Mayotte?

AKM : Nous avons constaté qu’il y a de plus en plus de Mahorais diplômés qui viennent à Mayotte et qui en repartent. On parle ici bien sûr des Mahorais, mais aussi des Mahorais d’origine indienne, d’origine malgache, ou métropolitaine, et qui ont envie de revenir ici. Ça fait partie des potentiels qui peuvent permettre à Mayotte d’émerger. C’est une ressource formidable. Or, ils buttent sur nos lacunes, car nous n’avons pas d’infrastructures et le territoire ne s’est pas encore préparé à les accompagner dans leur projet. Nous attendons que les projets viennent du public, mais les administrations et les bailleurs de fonds n’ont pas encore intégré le secteur privé. Nous pensons aussi qu’il faut dépasser le strict emploi dans l’administration à Mayotte. Le secteur privé constitue le domaine le plus prometteur ici. Lorsque j’étais au collège, on nous disait qu’il fallait bien travailler à l’école pour travailler dans une administration. Aujourd’hui, il faut dire aux jeunes qu’ils doivent bien travailler à l’école pour créer leur activité. Il faut aussi que les pouvoirs publics changent sur ce point. Au lieu de gonfler les recrutements divers, il faudrait qu’ils aident le privé à se développer, et ce dans une multitude de domaines : bâtiment, santé, mais aussi social, en développant les délégations de service public par exemple. C’est comme ça que nous serons efficaces, car nous aurons des gens compétents sur leur secteur et nous pourrons être compétitifs. Il y a aussi une activité de pointe qui peut créer de l’emploi à Mayotte, c’est ce que nous montrent les parcours de plusieurs jeunes Mahorais, comme celui de cette jeune chimiste [Fahoullia Mohamadi, docteur en chimie spécialisée dans les molécules bioactives et l’ingénierie des biomolécules, également professeur à l’Institut de formation en soins infirmiers de Mamoudzou ndlr] ou du docteur [en Sciences de la vie et de la santé] Issouf Mohamed, qui est venu pour lancer son projet de plantes médicinales sur le territoire. Mayotte compte aujourd’hui beaucoup de compétences qui peuvent aider cette île. Tant qu’on ne mettra pas en place des structures pour accueillir ces « génies », nous seront perdants. (…) La question de l’université est très importante également. Il y a un CUFR [Centre universitaire, à Dembéni, ndlr], mais il n’y a pas de campus, pas de laboratoire… Il faudrait développer une vraie université à Mayotte. Chaque année, des centaines de jeunes quittent l’île pour leurs études. Ils représentent une part importante de la consommation. Imaginez qu’ils restent ! Et imaginez que l’on vienne de Tanzanie ou même du Yémen pour apprendre le français ici !

MH : Pensez-vous que la question de la pauvreté est suffisamment prise en compte dans le débat public ? 

AKM : Il faudrait d’abord qu’on dépasse ce discours sur l’immigration clandestine Mayotte-Comores. Nous avons constaté que les débats tournent toujours autour de ces sujets. C’est l’emploi et le chômage qui devraient toujours être dans l’actualité, car c’est là que le bât blesse ! Par exemple, nous nous sommes demandés pourquoi les Mahorais n’avaient pas suivi le mouvement des gilets jaunes [comme en métropole ou à La Réunion ndlr]. Parce que quand on parle d’opinion, depuis toujours – mais encore plus depuis deux ans – on parle de feuille de route et d’immigration clandestine à outrance. Aujourd’hui, c’est le seul sujet qui mobilise les Mahorais. Les politiques et les médias doivent orienter les débats sur les questions de pauvreté. L’opinion se rendra compte. Notre axe est clair : sortir Mayotte de la pauvreté. Nous ne pensons pas que ce soit l’immigration clandestine qui créé la pauvreté. Peut-être qu’elle l’aggrave, mais Mayotte est déjà pauvre. Si nous travaillons à réduire la pauvreté, nous aiderons aussi à régler la question de l’immigration clandestine. Il y aura de moins en moins de gens, qui, face à l’extrême pauvreté, participent à l’économie informelle qu’elle génère. 

 

 

 

Habitat illégal | Délogement sous tension à Kawéni

-

Une impressionnante opération de délogement de familles occupant illégalement un terrain privé au creux de la côte Sogea a généré un « léger caillassage » mercredi matin, auquel ont répliqué jets de grenade et de gaz lacrymogène. La circulation routière a été interrompue par les forces de l’ordre jusqu’en début d’après-midi et l’opération de destruction s’est ensuite déroulée dans un calme relatif.

Un nuage de poussière s’évapore de la côte Sogea. Sur le bord de la route, dans les lacets en direction de Kawéni, quelques personnes regardent d’un air médusé les coups de tractopelle. Les bangas, eux, s’effondrent comme des châteaux de cartes. Hommes et femmes tentent de sauver leurs quelques biens. Certains transportent sur leur tête des morceaux de tôle, d’autres remontent de cette fosse gigantesque des armoires et des bidons. Pieds nus, les enfants accourent pour aider leurs parents, inconscients du danger qui les entoure. Positionnées en hauteur et en contrebas, deux sections de la compagnie départementale d’intervention (CDI), réunissant une cinquantaine de policiers, tentent de maintenir l’ordre. Mais des jets de pierre les poussent à faire usage de gaz lacrymogène et de grenades pour disperser la foule en colère. La tension est palpable et les insultes fusent. Un enfant de 3 ans est légèrement blessé par des gaz lacrymogènes et pris en charge par les secours, confirme le commandant Cosseron. Un peu plus tard dans la matinée, une dizaine de gendarmes mobiles rejoignent les policiers afin de renforcer les effectifs. Par peur de nouveaux caillassages sur des véhicules de civils, les forces de l’ordre interrompent la circulation routière sur la côte Sogea.

« Mardi matin, nous avons procédé à l’expulsion de 80 familles qui occupaient illégalement le terrain. Aujourd’hui (ce mercredi matin, ndlr), nous encadrons la destruction de ces habitats illégaux », raconte le commandant Demeusy. De fait, une pelleteuse – dont la panne en milieu de matinée suscitera les vivats moqueurs des habitants expulsés – broie ce mercredi la tôle et les structures en bois constituant les abris précaires de ces familles. Parmi elles, des étrangers en situation régulière et des Français. Une quarantaine de clandestins présents sur ce terrain ont d’ores et déjà été interpellés dimanche et lundi derniers, confirme le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, Julien Kerdoncuf. Ce n’est pas la première opération de destruction de l’habitat illégal qui a lieu sur cette parcelle, mais la « cinquième ou la sixième (…) C’est cependant la plus importante », détaille encore le sous-préfet.

Délogement, relogement

« Moi et mon enfant de deux ans, on ne sait pas où on va dormir ce soir », se désole une Grande-comorienne, portant son fils dans les bras et contemplant les décombres. Si la préfecture assure que « des propositions d’hébergement temporaires » ont été faites aux familles, quelques habitants affirment ce mercredi matin qu’aucune solution de relogement n’a été évoquée. Or, entre le moment où les enquêtes sociales préliminaires au délogement ont été réalisées avec un nombre déterminé de bangas recensés (53 à l’origine selon Julien Kerdoncuf) et le début de l’opération de destruction, près d’une trentaine d’habitats sont apparus soit, potentiellement, plus d’une centaine de personnes supplémentaires que les assistants sociaux n’ont vraisemblablement pas eu le temps de voir. « La plupart des familles ont refusé » les propositions de relogement au profit d’un emménagement chez des proches, précise en outre la préfecture, davantage préoccupée par les familles cherchant à emporter avec elles des reliquats de leur maison détruite afin d’aller reconstruire sur d’autres terrains. C’est d’ailleurs la volonté farouche des habitants d’emporter avec eux les restes de leur banga qui a provoqué l’intervention des forces de l’ordre puis la riposte d’une partie des habitants, en début de matinée. « Nous sommes extrêmement vigilants » par rapport à ce phénomène, souligne le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine. Ainsi, la « destruction totale » de l’ensemble des constructions est-elle de rigueur. L’opération devrait s’achever ce jeudi.

Une propriété privée en plein cœur des bangas

Les larmes aux yeux, Saenu Said constate impuissant la destruction des bangas. Pourtant, le père de cinq enfants tient fermement entre ses mains un titre de propriété privée. « C’est ma mère qui a acheté le terrain, avec une personne dénommée Said Soihili. Depuis 2002, j’y suis installé après y avoir construit ma maison. J’ai en ma possession tous les papiers pour prouver que je ne suis pas dans l’illégalité », dévoile-t-il. Au loin, impossible de la manquer. En tôle, elle reste malgré tout sophistiquée par rapport aux habitations voisines. De plus, son investissement dans des panneaux photovoltaïques, pour produire de l’électricité en l’absence de raccordement, ne passe pas non plus inaperçu… « Pour cela, j’ai même fait un prêt de 7.000 euros à la banque que je rembourse encore aujourd’hui », dit-il. Sur place ce mercredi matin lors de l’opération de délogement, Saenu Said ne sait pas vers qui se tourner. Ni les forces de l’ordre, ni l’huissier, ni la préfecture ne sont en capacité de lui assurer que son logement ne sera pas détruit. Alors que tous ses voisins s’empressent de sauver leurs biens, il n’a pas bougé le petit doigt. « Je suis complètement perdu, je ne sais pas ce que je dois faire pour arrêter cette intervention ! » S’il compte faire valoir ses droits pour défendre sa propriété, il ne s’interdit pas de porter plainte : « C’est sûrement la seule solution pour obtenir justice. »

 

Comment le fugitif « M’déré » a été interpellé

-

Le fugitif Abderemane Nassur, dit M’déré, qui s’était évadé à l’été 2016 de la prison de Majicavo avec deux codétenus, a été appréhendé après deux ans de cavale. Dans la nuit de dimanche à lundi, la gendarmerie lui a tendu un coup de filet dans la zone de Soulou, dans le nord-ouest de l’île, alors qu’il s’apprêtait à récupérer de la marchandise de contrebande acheminée en kwassa depuis Anjouan. 

Deux ans de cavale et une foule de questions. D’abord, comment Abderemane Nassur, dit « M’déré », 22 ans, évadé du centre pénitentiaire de Majicavo à l’été 2016, a-t-il pu se cacher aussi longtemps dans un territoire aussi petit que le 101ème département ? Ce jeune homme jugé « particulièrement dangereux », comme l’a rappelé à l’occasion d’une conférence de presse organisée au tribunal de grande instance ce mardi matin le procureur de la République Camille Miansoni, est « resté dans la mémoire de beaucoup d’habitants » pour les crimes et délits qui lui sont reprochés d’abord, puis pour son évasion jugée « spectaculaire », le 5 juillet 2016. À cette époque, M’déré était placé en détention provisoire au centre pénitentiaire de Majicavo pour vol aggravé, viol et d’autres délits connexes. C’est donc le « soulagement » qui prédomine, ce mardi, au lendemain de son interpellation. Surnommé « l’homme le plus recherché de Mayotte » et accusé d’être un coupeur de routes, Abderemane Nassur a été interpellé par les gendarmes sur un chemin de terre situé entre la plage de Soulou et la route, à 23h15 dimanche soir. Un important dispositif de gendarmerie – qui n’a pas été détaillé – l’attendait dans les bois. « Il a été interpellé alors qu’il revenait de la plage, et qu’un kwassa venait d’accoster (…) On a retrouvé du matériel [principalement multimédia, ndlr] qui était prêt à être embarqué. C’est-à-dire que cet individu (…) était aussi un opérateur dans la contrebande entre Mayotte, Les Comores et Anjouan, il s’apprêtait à charger du matériel vraisemblablement volé – qui a été saisi – à destination des Comores, alors qu’il venait de réceptionner un kwassa avec au moins trois individus à bord, qui ont réussi à prendre la fuite », a précisé le procureur. Au moment du coup de filet, auquel il n’a pas eu l’opportunité de résister tant « l’effet de surprise » a fonctionné, selon le lieutenant colonel Fhima, M’déré était muni d’un couteau de pêche. Autant d’éléments qui démontrent bien tout son « potentiel criminogène », des éléments renforcés par le fait qu’il « n’a jamais cessé de commettre des actes criminels durant sa cavale », insiste le procureur. 

Un travail de longue haleine 

Pour le magistrat, l’interpellation de dimanche soir est la conclusion de plusieurs mois d’un important travail de filature et de renseignement de la part de la gendarmerie de Mayotte, « en particulier de l’antenne du GIGN et de la section de recherches », pour localiser « autant que possible » les mouvements du fugitif. « Ça a été compliqué, il a réussi à plusieurs occasions à échapper à la surveillance des enquêteurs », a admis le magistrat. Pas plus tard qu’il y a quelques semaines, une occasion de l’interpeller s’est présentée, mais toutes les conditions de sécurité, notamment pour les gendarmes mobilisés, n’étaient pas réunies, a précisé le lieutenant-colonel Fhima. « Il faut une rapidité d’intervention mais également une rapidité d’extraction », indique-t-il à ce propos. Autrement dit : il ne faut pas s’éterniser sur place après l’interpellation, pour éviter toute riposte imprévue, comme celle qui avait grièvement blessé deux gendarmes en intervention à Mgnambani, en juin dernier.  

Si les enquêteurs sont incapables d’en donner le chiffre exact, il a été révélé au cours de leurs investigations que M’déré avait effectué « un certain nombre » d’allers-retours à Anjouan au cours de sa cavale. Le reste de sa vie, pour l’essentiel, s’est déroulé dans les bois, à l’ombre des regards. « C’est quelqu’un qui vit de manière très rustique, qui est arrivé jeune à Mayotte et qui est originaire de Tsoundzou II », détaille le lieutenant-colonel Quinet, de la section de recherches de la gendarmerie.  Comment a-t-il pu tenir si longtemps caché ? « Je pense que pour pouvoir échapper au dispositif de contrôle, il faut pouvoir bénéficier d’une manière ou d’une autre de complicités, ne serait-ce que des gens qui vous rapportent des informations. Il faut se nourrir, il faut se déplacer… En outre, c’est un individu qui a souvent agi en bande, en groupe », a relevé le procureur, évoquant de possibles co-auteurs dans des équipes « à tiroir ». C’est d’ailleurs ce pourquoi l’enquête se poursuit, afin de retrouver de possibles complices et effectuer des recoupements avec d’autres affaires plus ou moins récentes.  

 

Retour à la case prison 

M’déré se trouvait toujours ce mardi en garde à vue pour des faits commis en mai dernier – notamment de cambriolage et séquestration – durant sa période de cavale donc. Il sera très bientôt déféré devant un juge et il se trouve toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt. En tout état de cause, il ira en prison à l’issue de la procédure judiciaire, rassure Camille Miansoni, soit en exécution de son mandat d’arrêt, soit en vertu d’autres mandats de dépôt, dans le cadre des nouvelles procédures pour lesquelles il est entendu en ce moment. Il sera demandé à l’administration pénitentiaire de prendre « toutes les mesures nécessaires pour qu’il soit toujours à la disposition de la justice ». Une mesure d’isolement ne pourra être exigée que par un juge d’instruction. 

 

 

Un radicalisé arrêté par la DGSI

Un individu, dont l’identité et l’âge n’ont pas filtré jusqu’à maintenant, a été interpellé mardi peu après 8h dans le quartier de Mandzarsoa à M’tsapéré. La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) s’est rendue sur les lieux aux alentours de 6h pour procéder à son arrestation. Une dizaine de véhicules et une vingtaine de policiers ont été réquisitionnés sur cette affaire, ralentissant considérablement la circulation à cet endroit pendant de longues minutes.

S’il s’agit bien d’un homme radicalisé de nationalité française, plusieurs informations circulant à son sujet sur les réseaux sociaux s’avèrent infondées. Connu des services de police et déjà interpellé par le passé, il n’aurait aucun lien avec les attentats de Paris du 13 novembre 2015, comme annoncé par certains de nos confrères en début de journée. Si d’autres rumeurs ont fait état de la présence d’AK47, les forces de l’ordre n’ont découvert aucune arme sur place. Mais d’autres sources proches de l’enquête affirment que 300 cartouches auraient été retrouvées.

L’individu, à Mayotte depuis plusieurs mois, a immédiatement été placé en garde à vue pour être interrogé par les autorités compétentes. Son interrogatoire peut durer jusqu’à 96 heures avant qu’il ne soit éventuellement renvoyé vers la métropole. Ce coup de filet viendrait du parquet antiterroriste de Paris.

Qualité de l’eau | Où se baigner à Mayotte ?

-

Quelque 43 sites de baignade ont fait l’objet de contrôles mensuels de qualités des eaux par l’ARS Océan Indien tout au long de l’année. Résultat : onze plages ont été définitivement fermées en raison d’un risque bactériologique. 

La qualité des eaux de baignade à Mayotte reste majoritairement bonne pour la saison 2017-2018. Tous les mois, l’ARS océan Indien procède à des relevés bactériologiques sur les 43 sites déclarés. Ces prélèvements sont analysés par le laboratoire départemental afin de rechercher notamment des indicateurs de contamination fécale. Ce processus permet de classer la propreté des eaux selon quatre niveaux différents (voir la carte ci-jointe). 

Neuf plages affichent une qualité jugée excellente, dont la plupart sont classées par l’Union Européenne : la Baie des tortues, N’gouja, Bandrakouni, le Poulpe, Tsoha, Tahiti plage, Musical plage, Dzona et Dindrionio. 21 autres sites, majoritairement au Nord et à l’Ouest sont considérés comme bons par l’ARS. Deux de ces plages se trouvent en Petite-Terre : Moya et le Faré. 

Six autres points de contrôle affichent une qualité dite suffisante, comme Badamiers et Sohoa Be.  Enfin, la qualité des eaux de sept plages, dont deux en Petite-Terre, est jugée insuffisante. La baignade y demeure toutefois autorisée.

Les plages fermées

Pour cause de non-conformité récurrente aux normes sanitaires, 11 plages mahoraises sont définitivement fermées à la baignade, majoritairement au Nord-Ouest. Ainsi à Mtzamboro, Hamjago village et Arantsabé notamment, la pollution de l’eau peut provoquer gastro-entérites, maladies de peau et affections ORL.

Treize autres sites avaient été provisoirement fermés, particulièrement entre octobre et février derniers, sous l’effet d’écoulement des eaux de pluies. Parmi elles : Sakouli, Trévani Hôtel ou encore la plage du Pendu. Ces plages sont toutefois de nouveau ouvertes à la baignade, comme indiqué sur la carte. Si une nouvelle pollution est détectée, les communes ont obligation formelle d’afficher l’avis d’interdiction sur le site concerné. 

 

Les gestes à adopter

L’ARS dresse une liste de précautions pour profiter de la mer sans danger. Contre les risques sanitaires, il est préférable d’attendre 72 heures après un épisode pluvieux avant de se baigner, les eaux ruisselantes pouvant entraîner sur leur passage hydrocarbures, déchets et résidus agricoles. Ensuite, ne brûlez pas les ordures, quelles qu’elles soient : d’une part, certains présentent un grand danger en cas d’immolation, et de l’autre, les résidus risqueraient, là encore, de rejoindre les eaux de baignade. Alors, signalez leur présence à la municipalité concernée. Pour les mêmes raisons, n’abandonnez jamais vos ordures. Pour s’allonger sur la plage, il est impératif d’utiliser une natte ou une serviette afin d’éviter tout contact avec le sable souillé par des ordures ou des excréments et vecteur notamment d’affections dermatologiques. 

Les autres précautions habituelles restent de mise : il ne faut pas surestimer ses capacités physiques, particulièrement sous l’effet du courant et de la marée qui accroissent le risque de noyade. Les enfants, évidemment, doivent faire l’objet d’une vigilance toute particulière. Puis, même si l’eau ne paraît pas froide, il vaut toujours mieux y entrer progressivement. 

Enfin, contre les effets du soleil, buvez de l’eau régulièrement, évitez de vous exposer aux heures les plus chaudes (entre 11h et 16h). Pour vous protéger, utiliser chapeaux et lunettes de soleil. Renouvelez l’application de crème solaire toutes les deux heures, et après chaque baignade. 

Écrire le shimaoré pour le préserver

-

Des tables rondes thématiques sur le shimaoré se déroulent depuis vendredi et jusqu’à ce lundi au conseil départemental. Leur ambition ? Préserver et transcrire la première langue – orale – maternelle du 101ème département français. Une gageure dans le contexte sociolinguistique de l’île. 

« Le shimaoré est l’identité même de Mayotte », a assuré vendredi Lavie Maturafi, doctorante en sciences du langage à l’Université Paul Valéry – Montpellier 3. Lors de la première journée des tables rondes organisées sur la thématique du shimaoré et sa transcription en fin de semaine dernière, la doctorante présentait une « tentative de mise à l’écrit d’une langue orale ». Le shimaoré est une langue bantoue – ensemble de langues africaines regroupant environ 400 langues parlées dans une vingtaine de pays – provenant de l’héritage des populations africaines. « L’idée, aujourd’hui, est de transcrire cette langue puisque nous nous sommes rendus compte que Mayotte était le seul département dont la langue maternelle n’était pas enseignée à l’école. En 2013, j’ai donc fait le choix d’écrire une thèse sur le shimaoré et sa transcription. Je souhaiterais être porteuse d’un message, de valeurs et de culture », a expliqué Lavie Maturafi. Stephan Martens, le vice-recteur de Mayotte, estimait vendredi que l’usage de la langue maternelle permettait de « favoriser le vivre-ensemble ». Pourtant, il y a encore quelques années, parler le shimaoré à l’école était réprimé. 

Au-delà du besoin naturel de pouvoir écrire sa langue maternelle, se projette une possible extinction progressive du shimaoré, « ce qui traduirait une perte identitaire du territoire ». Pourtant, « de manière paradoxale », la langue n’a jamais été aussi présente dans l’espace public du territoire : à travers les publicités, la signalétique, les médias radiophoniques et télévisuels… « C’est une langue importante, c’est mon identité et celle des Mahorais. Je travaille donc sur les influences entre le français et le shimaoré. Mon but n’est pas d’imposer une graphie, mais de proposer des alternatives », a affirmé la doctorante.

Vingt ans de désaccords

Pour Rastami Spelo, président de l’association Shimé – promotion, enseignement et sauvegarde des langues de Mayotte – l’officialisation d’un alphabet pour le shimaoré constituerait « une étape fondamentale pour sa sauvegarde ». Toutefois, il existe de nombreuses difficultés dans la transcription de la langue. En effet, à Mayotte, plusieurs styles de graphies se chevauchent. « Or, il faut dès à présent se rassembler pour déterminer un seul et même alphabet : une standardisation du shimaoré », a confirmé la chercheuse en sciences du langage. Depuis vingt ans, des désaccords persistent sur la forme exacte que devrait prendre le shimaoré écrit, ce qui « bloque toute avancée ». La pauvreté du développement de la langue dans les créations littéraires mahoraises semble également poser problème. Le conseil général a donc pris des décisions afin de développer une pensée unilatérale sur l’alphabétisation et la graphie. « Il faut faciliter l’apprentissage de l’écriture et de la lecture pour arriver à un shimaoré standardisé pour tous. Toutefois, il faut tenir compte du lien qui existe entre la graphie et la phonie », a soutenu le conseil. 

La question de la codification a aussi été posée lors de ces tables rondes pour permettre, à l’issue des réflexions engagées, une « réelle marche en avant » sur la graphie de la langue. Un défi afin de poser les prémices d’un alphabet évolutif. « Je suis pour la graphie proposé par Haladi Madi (linguiste, ndlr). Il s’est basé sur le fait que les sons du shimaoré étaient géminés (se dit de deux consonnes identiques consécutives prononcées, ndlr) pour transcrire le shimaoré », a confié la chercheuse. Après sa thèse, elle a vocation à rentrer à Mayotte pour travailler sur la morphologie et la syntaxe de sa langue maternelle. « Cette langue, c’est ma vie. L’enseignement du shimaoré à l’école sera ma victoire », a-t-elle conclu. En février prochain, d’autres tables rondes seront organisées, cette fois sur le kibushi, pour l’enseigner, définir un cadre et l’officialiser afin de le préserver comme le shimaoré. « Une vraie priorité », a certifié le département.  

 

 

Gestion de l’eau | Entre le SIEAM et la SMAE, le divorce est prononcé

-

Il y a de l’eau dans le gaz entre le Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte (SIEAM) et la société Mahoraise des Eaux (SMAE).

Depuis le début de l’année, les deux entités ont entamé un dialogue afin de tenter de déterminer un règlement amiable des nombreux points de divergence qui opposent les parties. Ce vendredi, le président du SIEAM rencontre l’association des maires de Mayotte pour dresser un bilan de la situation. Il souhaite mettre un terme au contrat d’affermage Eau Potable avec la SMAE. En cause, une marge totale cumulée sur la période 2008-2017 erronée.

La société Mahoraise des Eaux (SMAE) – ex Sogea Mayotte jusqu’en 2014 – est titulaire du contrat d’affermage du service d’eau potable pour le compte du Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte (SIEAM) depuis le 6 mars 2008, pour une durée de 15 ans, soit jusqu’en 2022.

Au début de sa mandature (2014-2020), le président du SIEAM, Moussa Mouhamadi, a transmis le 13 mars 2014, au titre du contrôle de légalité, l’avenant n°3 au contrat de délégation du service public pour la production, le traitement, le stockage et la distribution de l’eau potable à Mayotte, en préfecture. Dans sa réponse, en date du 29 août 2014, à ce courrier, le secrétariat général de la direction des relations avec les collectivités territoriales a alors réalisé plusieurs observations, comme « le non respect partiel du contrat », « la supériorité des résultats prévisionnels de 2014 à ceux prévu dans le contrat pour 2022 », ou encore l’absence « d’un fichier des abonnés à jour conforme à l’article 5 du contrat à la date de l’avenant n°3 ».

Des troubles dans les comptes

Un audit organisationnel a alors été commandité par le SIEAM auprès du cabinet privé COGITE. Suite à l’analyse des comptes annuels de résultats présentés par la SMAE depuis l’origine du contrat en 2008, les audits réalisés par ce dernier, entre 2016 et 2017, ont mis en évidence « l’optimisation des charges de l’ordre de 480.000 euros par an, principalement liée aux facturations intragroupe, représentant 4.8 millions d’euros » et « l’écart inexpliqué entre recettes annoncées aux CARE et recettes reconstituées, représentant 3.6 millions d’euros ». Ainsi, le résultat économique recalculé, ressortirait à 11.9 millions d’euros, soit 9 % des produits cumulés corrigés, par rapport aux 3.5 millions d’euros annoncés par la SMAE. En prenant compte de la période 2018-2022, la marge cumulée prévisionnelle du contrat (passée et future) pourrait représenter 18.1 millions d’euros alors qu’à la signature du contrat, la SMAE avait accepté le principe d’un contrat équilibré, c’est-à-dire avec une marge nulle.

Dans un courrier adressé au SIEAM le 12 janvier 2018, la SMAE a demandé à être indemnisée à hauteur d’1.5 millions d’euros pour « les surcoûts liés à la période de sécheresse de 2017 et du manque à gagner lié à l’absence de facturation à cette période ».

Des négociations tendues et inutiles

Début 2018, les deux parties ont demandé l’intervention d’un médiateur, nommé par le président du tribunal administratif de La Réunion. Au cours des trois séances de médiation (les 23 janvier 2018, 18 avril 2018 et 17 mai 2018), les négociations n’ont pas abouti. La SMAE a proposé de baisser le prix de l’eau de 4 % si le contrat liant les deux entités était prolongé de quatre contrats, soit jusqu’en 2026. Dans le cas le contraire, il n’y aurait pas de baisse accordée. « Au début de la seconde séance, la SMAE avait proposé une hausse des tarifs de 20 % », s’insurge un proche du dossier. Un proposition délirante sachant que le prix de l’eau à Mayotte est l’un des plus élevés de France…

Face au non aboutissement de la médiation judiciaire, le syndicat a alors indiqué à la Chambre régionale des comptes, le 17 mai 2018, que « le SIEAM avait exigé que la SMAE porte une attention accrcue à l’accroissement du rendement de réseau qui s’est dégradé ces dernières années et mette en place les moyens techniques et humains nécessaires sur les prochaines années. […] Le SIEAM ne s’interdit pas d’explorer la piste de la rupture anticipée du contrat au motif d’intérêt général ».

Interpellé par ces rumeurs, le président de l’association des maires de Mayotte, Said Omar Oili, a fait part de ses préoccupations au président du SIEAM dans une lettre datée du 8 novembre 2018. « Une résiliation plus de 4 ans avant le terme du contrat pourrait causer pour le syndicat des préjudices importants et aggraver la situation financière des comptes du SIEAM. […] Je ne souhaite pas que le SIEAM subisse les mêmes conséquences que le Syndicat Mixte d’Investissement et d’Aménagement de Mayotte où la mauvaise gestion du syndicat a provoqué sa dissolution. » Une réunion doit d’ailleurs se tenir ce vendredi à 15h entre l’association des maires et le président du SIEAM, qui aurait fait l’objet d’intimidation et de menaces verbales ces dernières semaines et serait obligé de se cacher… Selon nos informations, certains premiers magistrats se seraient rangés du côté de la SMAE.

Aujourd’hui, plusieurs options s’offrent au SIEAM. Soit il décide de ne rien faire et par conséquent de s’asseoir sur les 18 millions d’euros. Soit il rouvre les négociations pour aboutir à un consensus, mais cela semble compliqué au vue des tensions. Soit il constate les défaillances de la SMAE et actionne la clause de déchéance du contrat. Cette dernière possibilité a été évoquée dans un courrier du SIEAM à la SMAE en date du 30 novembre 2018 : « J’ai le regret de vous mettre en demeure de procéder sans délai au versement des sommes dues (reversement de la surtaxe eau potable au 5 novembre 2018, redevance assainissement au 30 septembre 2018, frais de contrôle pour l’année 2016 au 1er juin 2017, frais de contrôle pour l’année 2017 au 1er juin 2018, redevance d’occupation du domaine public pour l’année 2016 au 1er juin 2017, redevance d’occupation du domaine public pour l’année 2017 au 1er juin 2018, ndlr.), à savoir 4.041.036.80 euros, et me réserve, d’ores et déjà, la possibilité, outre la facturation des intérêts de retard, d’appliquer les sanctions prévues aux articles 46 (pénalités), 47 (mise en régie provisoire) et 48 (déchéance) du contrat. »

Quelle sortie de crise ?

En cas de déchéance du contrat, il convient pour la SIEAM de réaliser une analyse juridique pour mesurer les risque potentiels en terme d’indemnisation éventuelle de la SMAE, si la faute contractuelle n’est pas reconnue. De plus, il faut évaluer les opportunités offertes en terme de nouveau mode d’exploitation. Le SIEAM pourrait alors récupérer la distribution de l’eau en régie, ou alors déposer un nouvelle appel d’offre pour trouver une délégation de service public (DSP) ou  une société d’économie mixte à opération unique (SEMOP). Quelque soit le choix final, il faudra compter environ un an pour changer de mode d’exploitation. Un nouveau mode de gestion ne pourrait démarrer au mieux qu’au 1er janvier 2020.

 

Le SIEAM en quelques mots

Le syndicat intercommunal des eaux et d’assainissement de Mayotte (SIEAM) exerce en lieu et place de ses collectivités membres des communes et des établissements publics de coopération intercommunale les compétences de distribution d’eau potable depuis sa création en 1992 et de gestion de l’assainissement collectif depuis 1998 sur l’ensemble de l’île. Il dispose ainsi d’une vision stratégique pour mettre en œuvre une gestion rationalisée et conduire les nécessaires opérations d’investissement dans ces domaines d’activité.

 

Un exercice grandeur nature d’une tuerie de masse

L’aéroport de Pamandzi a été hier mercredi de 14h30 à 16h30 le théâtre d’une simulation de tuerie de masse.

Pour préparer cet exercice attentat en condition réelle, le Service Interministériel de Défense et de Protection Civile (SIDPC) a travaillé de concert avec : la Police aux frontières, la Gendarmerie, le DLEM, l’aéroport de Mayotte, les Douanes, la Délégation de l’Aviation Civile de Mayotte, le Service de Navigation Aérienne de Mayotte, le Procureur de la République, la Croix Rouge Française, la Mairie de Pamandzi, le SDIS, le SAMU, le CHM, le STM et les pompes funèbres. Ces derniers ont travaillé main dans la main, afin de parvenir à une coordination optimale, assurant d’une part une gestion sécurisée de l’intervention et une prise en compte aussi rapide que possible des blessés d’autre part. « Cette expérience a permis de jauger la capacité opérationnelle des personnels présents et de repérer les points d’amélioration possible, en vue d’accroître leur efficacité et leur réactivité, lors d’une éventuelle intervention pour une tuerie de masse » a déclaré le sous-préfet Etienne Guillet aux côtés du procureur de la république Camille Miansoni. Le scénario était celui-ci : trois individus vêtus de tee-shirt orange, armés et cagoulés tirent à plusieurs reprises sur les personnes présentes au sein de l’aéroport. On compte une dizaine de morts et plusieurs blessés. La police intervient. Un assaillant est abattu, un autre est blessé tandis que le troisième se retranche dans le boxe de la compagnie Air Austral avec une otage. Un commandement opérationnel se met en place. Le groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) encercle l’aéroport et négocie durant plusieurs heures avec le preneur d’otage qui finira par relâcher sa « prisonnière » avant de se rendre. Les pompiers interviendront à la fin sous protection policière pour porter secours aux blessés avant d’évacuer les morts.

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes