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Alpha Blondy : icône africaine et écho mahorais

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Après plusieurs jours d’incertitude liés aux événements météorologiques, la star ivoirienne du reggae se produira bel et bien ce soir à Combani. 

 

 

Il ne s’était plus produit à Mayotte depuis douze ans, et le faire revenir n’aura pas été facile. Finalement, même le passage du cyclone Kenneth n’aura pas eu raison d’Alpha Blondy, qui pour la troisième fois de sa carrière, donne ce week-end un concert sur l’île aux parfums. Un rendez-vous inattendu, lancé par le May Festival. Pour sa première édition, l’événement local dédié au reggae a réussi à placer l’une des plus grandes icônes du genre en tête d’affiche. 

 

« Les Mahorais méritaient la venue d’Alpha Blondy », défendait vendredi soir l’organisation du May Festival, soulagée, pendant que les membres du staff commençaient à peine à dresser la scène sur le stade de Combani, où près de 200 participants étaient attendus dès le lendemain. C’est pourtant le jour-même que devait se produire Alpha Blondy notamment, jusqu’à ce que les aléas climatiques ne contraignent l’organisation à annuler la première soirée, le terrain, trempé, n’étant pas en état de l’accueillir. Mais alors que le reggaeman ivoirien était déjà en vol pour Mayotte, pas question de faire machine arrière. En hâte, il est alors reprogrammé le samedi, à 23 heures, entre les prestations de plusieurs talents mahorais. Parmi eux, Chai qui ouvrira le festival, à 19h30, puis Baco Ali, qui se chargera de la clôture, à 2h du matin. Au total, six artistes se succèderont le même soir. Sont effacées de la programmation, presque à la dernière minute, les lives de Mbosso et Harmonize : sous la menace du cyclone entraînant la fermeture préventive de l’aéroport de Mayotte, les artistes tanzaniens n’ont pu trouvé de vol disponible à temps. Sans pour autant donner de date, les agences organisatrices, May Vision et Roots Musik, promettent que tous les artistes qui n’ont pas pu assurer la première soirée de concert seront reprogrammés après le ramadan, « sûrement début juin« . 

 

Derrière ces aléas, la volonté de faire du 101ème département un véritable pôle culturel.  « Mayotte doit jouer un rôle dans la région. Nous devons montrer que nous aussi, nous sommes capables d’être au niveau de tout ce qui se passe aux Seychelles ou à Maurice« , développe l’organisation du festival, qui évoque à demi-mot le manque de soutien des institutions locales. « Organiser un événement ici, c’est vraiment difficile« , concèdent ça-et-là les instigateurs de l’évènement, pendant qu’Alpha Blondy, à peine débarqué sur l’île, tempère déjà : « L’essentiel c’est qu’on soit là, prouvons à Kenneth qu’après lui, il y aura le beau temps, inch’Allah !« 

 

Ainsi pourrait se résumer son mantra. « Puisque la misère est planétaire, que la pauvreté aussi, il vaut mieux regarder du côté lumineux« , résume Seydou Koné de son vrai nom, avant de lâcher ce mot qui ponctue presque chacune de ses phrases, « Alright« . « Bien« , celui-là même qu’Alpha voit en toute chose, ce « bien » qu’il continue de chanter, encore et encore, après 37 ans de carrière et 16 albums. Son prochain disque justement, est déjà dans les cartons. Il le prépare déjà, chez lui à Abidjan, dans son « labo« , avec ses « gars« , la douzaine de musiciens et choristes du groupe Solar System. Ces « gars » qui le suivent depuis vingt ans, et qui, évidemment, ont fait le voyage avec lui jusqu’à Mayotte. 

 

Nul n’est prophète en son pays

 

Si le décor change, la musique, elle, reste la même. « En ce moment, j’écris une chanson sur la Mecque. Ça m’inspire beaucoup, et je peux vous dire que tous les pèlerins vont s’y reconnaître« , promet le reggaeman au sujet de son nouvel album. Sa date de sortie ? Même lui ne la connaît pas, et c’est presque voulu. Demandez à Alpha Blondy pourquoi il a attendu douze ans pour revenir à Mayotte, il vous répondra qu’il n’est pas maître du temps. « C’est le créateur tout puissant qui décidera quand je reviendrai, et si je reviendrai« . 

 

Chaque sujet est prétexte à parler de religion qui demeure en chanson, l’un de ses sujets de prédilection. Né d’un père musulman et d’une mère chrétienne, Alpha Blondy considère chaque culte et, unificateur, il se plaît à défendre que tous se rejoignent : « Un bon musulman respectera toujours un juif, un bon juif respectera toujours un chrétien, un bon chrétien respectera toujours un musulman ! » , égraine-t-il.

 

« La lecture du Coran m’a conforté dans ma foi en Dieu », sourit l’artiste africain. « 604 pages quand même !« . Le Coran, la Bible, et bientôt la Torah, Alpha Blondy les lit parfois, au micro de sa propre radio, à laquelle il a donné son nom. Chaque soir, il y propose une émission littéraire, durant laquelle il lit tantôt des romans, tantôt les textes saint. « Il y a tellement de mauvaises interprétations, qu’il faut que les gens puissent savoir de quoi on parle pour se faire leur propre idée« défend le chanteur, avant de faire aux chanteurs mahorais un petit appel du pied : « Si des artistes mahorais veulent passer sur Alpha Blondy FM, ils sont les bienvenus, même s’ils ne font pas du reggae !« 

Cyclone Kenneth : un premier bilan en chiffres

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Le cyclone tropical Kenneth, qui est passé à proximité des côtes de Mayotte sous forme de tempête tropicale intense avant d’être reclassé en cyclone a occasionné plusieurs dégâts sur le département, sans faire de victimes. Il a poursuivi sa route vers les côtes est-africaines et a atteint le Mozambique, déjà touché par le destructeur Idai il y a un mois.  

 

À Mayotte, l’heure est désormais au déblayage et à l’apaisement. Alors que le cyclone Kenneth, de catégorie 4, s’est éloigné des côtes mahoraises pour atterrir jeudi soir àenviron 150 km au nord de Pemba, au nord est du Mozambique, la situation se stabilise dans le 101ème département. Les vigilances « forts vents », « orages » et la pré-alerte cyclonique y sont désormais levées. En revanche, la vigilance « forte houle » est maintenue et les plus grandes précautions s’imposent en mer (voir encadré 1). La houle de nord-nord-ouest peut en effet encore dépasser 1,5 mètre dans le lagon et 3 mètres à l’extérieur. Dès lors, plaisanciers et professionnels de la mer sont invités à rester à terre. Sur les routes de bord de mer, il est recommandé de limiter sa vitesse. Les rotations des barges n’en ont pas moins progressivement repris en début d’après-midi jeudi, et devraient retrouver leur rythme de croisière ce vendredi, de même que les transports et établissements scolaires, qui accueilleront normalement élèves et enseignants ce vendredi matin.Concernant le trafic aérien, après deux journées complètes de perturbations, Air Austral a annoncé jeudi soir anticiper la reprise de ses vols pour permettre un retour à la normale de son programme de et vers Mayotte « dans les plus brefs délais« . Compte tenu du retard pris et « du nombre de passagers n’ayant pu être transportés et accumulés sur la période« , la compagnie espère un retour à son programme initial des vols d’ici à dimanche (voir encadré 2). 

 

 

Kenneth en quelques chiffres

  • 33 : C’est le nombre d’arbres tombés sur la chaussée dans l’ensemble de l’île. La préfecture a également recensé six poteaux électriques effondrés et deux éboulements. Les dégâts sont concentrés dans la zone sud de Grande-Terre, où cinq zones routières fonctionnaient encore en circulation alternée jeudi midi. Afin de répondre à toute nouvelle et éventuelle difficulté,  des patrouilles de la Deal (Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Mayotte) sont renforcées jusqu’à demain samedi.

 

  • 1285 : Tel est le nombre d’éclairs recensés entre minuit et trois heures du matin dans l’orageuse nuit de mardi à mercredi.

 

  • 290 : C’est la vitesse maximale, en kilomètres/heure, des rafales qui accompagnent le phénomène cyclonique, selon le site spécialisé Mtotec.

 

  • 8 : C’est le nombre d’interventions qu’il a fallu réaliser pour prendre en compte des dégâts sur des habitations au niveau de clôtures, toitures, murs, ou équipements publics, etc.

 

  • 400 : Il s’agit du nombre de clients affectés par des perturbations sur le réseau électrique mercredi après-midi, au plus fort de la crise. Toutes les difficultés ont pu être surmontées dans la journée. En ce qui concerne le réseau téléphonique, quelques perturbations sont intervenues sur les réseaux mobiles, principalement dans le secteur de Tsingoni à Vahibé, mercredi soir. Outre ces difficultés, « le réseau a résisté aux événements grâce aux dispositifs de secours mis en place par les opérateurs« , souligne la préfecture. Les problèmes d’alimentation électriques ont également entraîné quelques perturbations sur la distribution d’eau potable, notamment à Kani-Kéli.

 

  • 3 : C’est le nombre de navires de pêche qui étaient en route dans la zone avant la diffusion de la pré-alerte cyclonique. Partis sur le site de plongée des bancs de la Zelée (voir carte ci-dessous) et du Castor, ils sont rentrés sains et saufs. En outre, plusieurs navires, vides de leur occupant, ont échoué à Mamoudzou notamment. À Trévani, un navire moteur était jeudi après-midi en cours de récupération et un autre a coulé à Dzaoudzi. Il devrait être récupéré à marée basse. En outre, un voilier repéré en dérive à Longoni a pu être mis à l’abri par la station de pilotage de Mayotte. Trois, c’est aussi le nombre de concours de la fonction publique qui ont dû être reportés suite à la fermeture préventive des établissements qui devaient les accueillir. De nombreuses festivités et rendez-vous ont par ailleurs été décalés à une date ultérieure, comme la deuxième édition du Festival du Lagon, initialement prévue pour se tenir de vendredi à dimanche.

 

  • 450 : C’est le nombre de personnes qui se sont réfugiées, au plus fort de la crise, dans les établissements scolaires ou autres structures dédiées (Maison des jeunes et de la culture, collèges de Koungou et de Majicavo, parc de relogement de la Direction de la Jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, etc.). Les collectivités et la Croix-Rouge, mobilisées pour l’occasion ont concouru à cet hébergement d’urgence. Ce vendredi, les établissements scolaires réquisitionnés devraient retrouver leur fonctionnement normal et accueillir élèves et enseignants. Du côté sanitaire et malgré les difficultés de circulation, le centre hospitalier de Mayotte (CHM) « n’a pas eu à gérer de situations critiques et a pu assurer la continuité du service, en reportant les interventions programmées ou non urgentes« , a indiqué la préfecture.

 

Vigilance « forte houle » : les consignes à suivre

Outre le fait de ne pas prendre le bateau et de ne pas se baigner, la préfecture recommande de protéger les embarcations en les mettant à l’abri ou en les sortant de l’eau. Les parents sont invités à surveiller attentivement leurs enfants et à bannir les jeux de ballons à proximité de l’eau. Il est recommandé aux habitants de bord de mer de protéger leurs biens face à la montée des eaux, et d’évacuer si nécessaire pour s’abriter à l’intérieur des terres. Enfin, en bord de mer, la plus grande méfiance est de mise face aux rouleaux et la préfecture rappelle que « même une zone a priori non exposée – rebord de falaise par exemple – peut être balayée par une vague soudaine plus forte que les autres« . Pour plus d’informations, contactez Météo France au 02.69.60.10.04 ou rendez vous sur le site Internet.

 

Le vol Mayotte-Paris de vendredi 26 annulé

Dans un communiqué envoyé jeudi soir, la compagnie Air Austral a indiqué que « faisant suite à la non confirmation de la réouverture de l’aéroport demain 26 avril, Air Austral a d’ores et déjà pris par précaution la décision d’affréter l’A380 de la compagnie Hifly pour transporter au plus vite les passagers des vols Mayotte<>Paris restés en souffrance, via La Réunion. Par conséquent, les vols UU976 Paris-Mayotte de ce soir et UU 977 Mayotte-Paris de demain 26/04 sont annulés. En parallèle, la compagnie a déclenché plusieurs vols supplémentaires entre La Réunion et Mayotte. 2 rotations complémentaires sont en effet prévues à ce stade ce vendredi 26/04 et ce samedi 26 avril ».

 

 

La vigilance toujours de mise

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La tempête tropicale Kenneth, de passage à 200 kilomètres au nord de l’île mercredi, a poursuivi sa route vers l’Ouest et devrait atterrir sur les côtes est-africaines en fin de semaine, après être passé sur l’archipel des Comores. À Mayotte, d’importants moyens ont été déployés pour sécuriser les habitants et les infrastructures.

 

De simple tempête, Kenneth s’est mué en cyclone tropical mercredi midi tandis qu’il passait à environ 200 kilomètres des côtes nord de Mayotte. Le phénomène météorologique continue à cette heure son déplacement en direction de l’Ouest, à 18 km/h environ, a indiqué la préfecture en milieu d’après-midi mercredi. Une journée au cours de laquelle le cyclone a généré des vents forts sur Mayotte, atteignant les 70 km/h, voire les 100 à 110 km/h en crête et sous orages. Aussi, les vigilances « orages », « forts vents » et « forte houle » étaient-elles maintenues, ainsi que les consignes de sécurité afférentes (voir encadré). La prudence reste en effet de mise puisque des phénomènes orageux peuvent ressurgir dans la foulée du cyclone, bien que s’amenuisant ce jeudi, tandis qu’une houle de 2,5 mètres devrait perdurer à l’intérieur du lagon.

Dès lors, les autorités ont décidé de maintenir fermés les établissements scolaires ce 25 avril et d’interdire les transports scolaires et de marchandises dangereuses et de plus de 7,5 tonnes. Le trafic des barges et de l’aéroport reste également suspendu. Le phénomène atmosphérique se dirige à présent vers la Grande Comore. À Moroni, dans l’attente de son passage, les commerçants avaient fermé boutique dès mercredi matin, comme en attestent les photographies d’un journaliste présent sur place, relayées sur les réseaux sociaux.

Hier midi, la préfecture faisait état de quelques dégâts, heureusement sans gravité, dans l’île. On dénombrait ainsi treize arbres tombés, dont un sur une case en tôle dans un quartier de Petite-Terre, mais sans faire de victimes. Deux arbres restaient à évacuer dans le secteur de Coconi. Un éboulement sans conséquence à Ouangani et trois chutes de poteaux électriques ont également été recensés. Ce dernier événement n’a pas non plus affecté la population, les circuits ayant été déviés. Après une brève coupure de courant à la station de pompage de Kwalé, l’alimentation a été rapidement rétablie.

Des effectifs renforcés  

« Ce qui a été annoncé [lundi, avec le déclenchement d’une pré-alerte, ndlr] nous a amenés à renforcer nos effectifs« , a rapporté mercredi l’adjoint du directeur du SDIS (Service départemental d’incendie et de secours), le colonel Frédéric Robert. De 66 personnels en activité normale, l’effectif est ainsi passé, en cette période de risque cyclonique, à 133 pompiers pour 47 véhicules. Parmi ces personnels, 19 pompiers venus de La Réunion ont également été prépositionnés. En plus de cette mobilisation exceptionnelle, dans le centre de Kahani (l’une des six casernes du territoire), une ambulance supplémentaire a été mise à disposition, de même qu’un véhicule dit de « déforestage » pour dégager les voies en cas de chute d’arbres. Outre les risques de crues torrentielles, de coulées de boue, voire de glissements de terrain, ou les redoutables envols d’objets tels que les toits de tôles « très destructeurs« , les pompiers se sont également préparés à l’éventualité de coupures du réseau de communication, véritable problème pour le traitement de l’alerte. « Pour l’instant, les gens peuvent continuer à nous appeler au 18. » Toutefois, si les réseaux étaient endommagés, seuls deux groupes électrogènes permettraient d’assurer les communications téléphoniques (en Petite-Terre et dans le grand Mamoudzou). C’est pourquoi les six centres de secours ont été préparés à fonctionner en autonomie. Un dispositif récent pour ce jeune SDIS et qui a été mis à l’épreuve lors du mouvement social de 2018. Dans ce cas, chaque centre prend ses décisions de manière autonome et quadrille son secteur par des patrouilles de véhicules, afin de repérer toute situation anormale que la population n’aurait pas pu signaler faute de réseau téléphonique. Une organisation similaire a été mise en place dans les différents centres de soins de l’île, selon une source médicale. Du côté de la gendarmerie, le chef d’escadron François Bisquert indiquait mercredi que les effectifs avaient également été renforcés, et que tous les repos prévus ce jour avaient été annulés, faisant passer les effectifs à disposition de la moitié aux deux-tiers du total.  

Pas de réapprovisionnement immédiat  

Dès lundi, la plate-forme d’intervention régionale de l’océan Indien (PIROI) de la Croix-Rouge, pilotée depuis La Réunion, a été activée.« Selon les prévisions météo, nous sommes plus inquiets pour les Comores que pour Mayotte », expliquait mercredi matin Michel Henry, directeur territorial de la Croix-Rouge pour l’île aux parfums. Toutefois, la dizaine de cadres et la cinquantaine de bénévoles de l’antenne locale de l’ONG étaient sur le qui-vive et se tenaient prêtes à réagir en fonction de l’évolution des conditions météorologiques. « Nous n’avons reçu aucune demande d’intervention spécifique de la part de la préfecture ou des communes. Nous attendons les instructions des autorités locales« , confiait en outre le président de la Croix-Rouge à Mayotte, Yassine Boinali, tout en assurant connaître la procédure à suivre sur le bout des doigts en cas de besoin.

Si les sept entrepôts mutualisés de la PIROI (un aux Comores, un à Mayotte, un aux Seychelles, deux à Madagascar, un à La Réunion et un à Maurice) comptabilisaient près de 500 tonnes de matériels pour faire face à une éventuelle catastrophe naturelle sur la zone, le hangar de Mayotte est en flux tendu depuis l’envoi le mois dernier de 40 tonnes d’aide humanitaire en direction du Mozambique après le passage du cyclone Idai (voir Flash Infos du 26 mars 2019). « Le réapprovisionnement du stock n’arrivera pas avant la fin de semaine« , selon Yassine Boinali. Dans le détail des 20 tonnes restantes, on dénombre 52 tentes dites « famille » – pouvant accueillir jusqu’à cinq personnes – quelque 974 bâches, 400 jerricanes, 160 draps, 320 lits picots, 6 générateurs, 2 kits d’éclairage et 2 unités de traitement de l’eau (nécessaires en cas de défaillance du réseau de distribution de l’eau potable). « Tant qu’il existera une menace potentielle pour Mayotte, notre matériel ne sera pas mobilisé ailleurs« , ont assuré les responsables de la PIROI.

Les plans communaux de sauvegarde appliqués   

Depuis mardi soir, les municipalités sont également sur le pied de guerre. À Mamoudzou, 60 personnes, parmi lesquels directeurs et chefs de service, sont mobilisées.

Le poste de commandement est situé à l’école de la place du Marché, tandis que les gros moyens, tels que les deux tractopelles, la minipelle, le bob4 et la nacelle, se situaient sur le site du Baobab, et les agents pour l’élagage et la propreté urbaine à la mairie. « Trente-cinq écoles ainsi que les maisons des jeunes et de la culture(MJC) sont ouvertes et prêtes à accueillir jusqu’à 10.000 habitants. Nous avons eu une réunion de crise hier [mardi] avec tous les effectifs concernés et la police municipale a prévenu la population de Kawéni à Vahibé« , a détaillé Mohamed Ahamada, dit « Tostao », directeur de la logistique et des moyens à la commune.  La veille au soir, une centaine d’administrés se sont réfugiés à l’école de Kawéni.

De 19h à minuit à Koungou, le collège a accueilli 250 personnes. Mounirou Ahmed, directeur général adjoint en charge du développement économique et humain à la mairie, annonçait « un nombre limité de dégâts, mis à part quelques tôles envolées et l’évacuation des zones sensibles« . Au niveau des effectifs, 55 personnes (police municipale, services techniques et sociaux confondus) sont toujours en alerte ce jeudi matin.

Dans le sud, Kani-Kéli a subi plusieurs déconvenues mercredi. « Les dégâts dans les villages côtiers sont importants« , regrettait Fatima Saindou, adjointe au maire en charge de la sécurité. L’élue a recensé des inondations à M’Bouini, des caniveaux et des rivières en crue, et l’un des murs de l’école de Kani-Bé près de s’effondrer… « Les arbres tombent comme des feuilles mortes entre Kani-Kéli et Choungui. Quand il y a des rafales, ça secoue violemment« , a-t-elle confié.

Un peu plus au nord, à Chirongui, la réunion de crise a été déclenchée dès 10h, mardi, « pour définir les missions de chaque service« , selon Cédric Maleysson, responsable du pôle sécurité et de la police municipale. « L’équipe du pôle social et du CCAS s’est chargée d’identifier les personnes vulnérables et de prendre contact avec elles pour expliquer la situation. Nous leur avons distribué 1 à 2 litres d’eau minérale. Le pôle sécurité a surveillé les routes et les points stratégiques de la ville et s’est chargé de l’information des habitants. Le pôle administratif s’est occupé de l’accueil du public en mairie et au téléphone tandis que les services techniques sont restés sur le terrain pour vérifier toutes les zones à risque, comme les ponts et les caniveaux, et nettoyer au maximum de leur capacité. »  

Entre 40 et 50 agents ont été mobilisés pendant de longues heures sur les deux derniers jours. Quatre citernes d’eau ont également été réparties à des points stratégiques. Si aucun dégât majeur n’est à signaler, trois arbres sont tout de même tombés et un pylône électrique en bois, penché à plus de 80 degrés, a nécessité une intervention à distance d’EDM.

 

De nombreux appels téléphoniques

À Bandrélé, aucun dégât à déplorer, mais tous les équipements publics, tels que MJC et écoles, ont été ouverts pour faire office de refuge. Les écoles de Nyambadao et de Hamouro ont notamment accueilli quelques administrés, habitant sur le front de mer, le mardi soir. « En plus des quatre policiers municipaux, chacun des six villages est sous la responsabilité de deux agents des services techniques. Et le directeur effectue des va-et-vient pour gérer la coordination« , a annoncé le maire Ali Moussa Moussa Ben.

À M’Tsamboro, les élus se sont rendus sur le terrain ce mercredi. « Des arbres sont tombés sur le réseau routier et quelques poteaux électriques ont pris feu », relatait mercredi le DGS Assadillah Abdourahamani. Le poste de commandement a élu domicile à la mairie annexe de M’tsahara. Les trois écoles et le collège, situés sur les hauteurs, ont été désignés comme les équipements pouvant accueillir la population. « Nous avons réquisitionné quatre minibus pour mettre les habitants à l’abri en cas de nécessité mais aussi pour les besoins des services techniques. »

Sous la houlette de l’adjoint à la maire en charge du social, Ahamada Madi, Sada s’en est bien sortie. « Les chefs de service et les élus se sont réunis hier [mardi] à 15h pour mettre en œuvre le plan communal de sauvegarde« , dévoilait-il, avant de confier être en lien étroit avec la gendarmerie. Le premier bilan faisait état de nombreux appels téléphoniques par concernant des arbres et des fils électriques. Cinq véhicules techniques, avec chacun trois agents à son bord munis de machettes et de trousses de secours, ont patrouillé dans les villages pour assurer les petites interventions. « Mais les mesures nécessaires seront prises après la tempête pour une question de sécurité ! » Le collège, le lycée, une école primaire ainsi qu’une maison des jeunes et de la culture étaient disponibles en cas de besoin.

 

THIERRY LIZOLA, BRIGADIER EN CHARGE DU BUREAU PARTENARIAT ET PRÉVENTION À MAYOTTE

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Ce policier en charge du bureau partenariat et prévention de la police nationale à Mayotte a lancé, fin 2017, avec l’aide du responsable associatif Hithouwane Ibrahim, le dispositif de sécurité citoyenne des gilets jaunes. Interrompu en décembre 2018, ce programme inédit a fait son retour il y a trois mois, dans une nouvelle mouture plus encadrée et réglementée, sous la dénomination de maillots jaunes. Désormais placés sous la responsabilité directe de la police, tous les volontaires ont des papiers d’identité en règle et justifient d’une présence d’au moins cinq ans sur le territoire.

« IL FALLAIT RAMENER LES GENS DANS LA RUE »

Mayotte Hebdo : Qui sont ces Maillots jaunes que l’on voit arpenter les rues et les ronds-points de la commune de Mamoudzou et qui ont pris la place des anciens Gilets jaunes ?

Thierry Lizola : C’est une population assez hétéroclite. Nous avons des gens originaires de l’archipel des Comores, des gens de Mayotte, des métropolitains, des gens qui travaillent, d’autres qui ne travaillent pas, quelques professeurs aussi, etc. Ce ne sont pas des professionnels de la sécurité, sauf pour quelques-uns. Sur Mamoudzou, on comptabilise aujourd’hui 290 Maillots jaunes, soit un peu plus de 10% du nombre des anciens Gilets jaunes. Il y a eu jusqu’à 1 000 bénévoles à Mamoudzou et jusqu’à 2 000 dans toute l’île au plus fort du pic de la crise sociale de 2018, pendant sept mois. Là, il y a un petit mouvement de délinquance qui s’est créé du fait de la disparition des Gilets. Les Maillots jaunes, c’est quelque chose d’institutionnel et qu’il faut structurer, donc on y va tout doucement car on ne veut pas perdre la main. Le but, c’est aussi qu’ils soient bien visibles pour être reconnus. Plus ils seront connus comme des agents de prévention – et prévenir, c’est aussi avertir – et plus les délinquants se diront : « Maintenant il faut faire attention ». L’objectif, c’est d’abord de prévenir les primo-délinquants. C’est d’empêcher le premier passage à l’acte de ces gamins qui, dans certaines classes d’âge, basculent. Pour empêcher ce basculement, les Maillots jaunes sont un peu les parents qui sont absents, ils les suppléent. Ils sont là, ils dissuadent, ils voient un gamin qu’ils connaissent peut-être et dont ils n’avaient pas forcément conscience qu’il traînait à un kilomètre de chez lui, et comme ils le connaissent, ils peuvent lui dire : « Mais toi, qu’est-ce que tu fais là, tes parents, ils savent que tu es là ? » Les individus qui sont déjà passés à l’acte, eux, ont l’habitude de s’adapter à la police, aux agents, etc. Ils se déplacent pour commettre leurs actions et restent assez indifférents au dispositif.

MH : Comment les Gilets jaunes originels sont-ils nés ?

TL : On a eu une émeute en novembre 2017, à Bandrajou (Kawéni), un quartier où les flics n’allaient plus depuis dix ans. Hithouwane a fait un travail de médiateur extraordinaire, il m’a ouvert les portes du village, il m’a permis d’y aller. J’y suis allé une fois, deux fois, trois fois, on ne me parlait pas. On me jetait des pierres, on me crachait dessus. Hithouwane a fait le travail de fond. Et un jour ça c’est ouvert. J’ai dit « Je ne suis pas armé », nous avons fait le tour du quartier à pieds et nous avons pu discuter avec tout le monde. Les habitants demandaient un couvre-feu. Je leur ai dit : « si vous faites ce couvre-feu, on voit avec le directeur pour qu’on vous laisse tranquilles, on vous laisse faire ce couvre-feu. » Pendant un mois, ça a bien marché, les gamins étaient rentrés le soir. Le 15 janvier 2018, nous avons fait une réunion avec Bacar Ali Moto (l’adjoint au maire de Bandrajou), les représentants de la mairie, de la police nationale, etc. Finalement, 2 000 personnes sont venues. Bandrajou est alors devenu le symbole du Bureau partenariat et prévention et le point de départ des Gilets jaunes. Finalement, le couvre-feu a duré un an. Dans mon esprit, il fallait sanctuariser ce village. Pacifier Bandrajou, c’était pacifier Kawéni. Les « voyous » venaient de là. Ça a aussi permis de sécuriser 12 000 élèves : deux lycées, deux collèges, six écoles primaires !

MH : D’autres dispositifs de surveillance citoyenne ont déjà été mis en oeuvre en métropole et à l’étranger ces dernières années, à l’instar des « Voisins vigilants » par exemple. Quelle est la différence avec les Maillots jaunes de Mayotte ?

TL : Ce n’est pas du tout le même cadre, nous allons d’ailleurs au-delà. Nous n’attendons pas que l’évènement vienne à nous pour réagir. Les Maillots jaunes, c’est vraiment une force de dissuasion. D’abord, il faut empêcher ceux qui sont déjà actifs de continuer à l’être, ensuite empêcher qu’ils puissent fédérer autour d’eux, et enfin, essayer de ramener dans le droit chemin ceux pour qui c’est encore possible. Ils sont organisés dans le cadre de la Police de sécurité au quotidien (PSQ), de la même manière que les Groupes de proximité opérationnels (GPO), qui traitent de problèmes ponctuels et particuliers – comme les chiens errants, les bandes organisées, ou encore les violences aux abords des établissements scolaires – avec des partenaires particuliers, tels que des associations.

Les Maillots jaunes, ils ont la chance de pouvoir parler la même langue, ils ont la chance de connaître les jeunes d’ici. Avant, l’autorité était partagée dans la culture mahoraise. Il y avait aussi l’école coranique et les cadis. Tout ça, ça a explosé, notamment avec la départementalisation. Il y a aussi un problème de reconnaissance de l’enfant à Mayotte, d’intérêt pour l’enfant. Nous, nous avons repris toute la structure locale antérieure et nous avons essayé de la reconstruire.

MH : Comment convaincre des citoyens de s’impliquer bénévolement dans un contrat d’engagement aussi lourd – un an à raison de 22 heure par semaine maximum – sans leur proposer la moindre rémunération ?

TL : Si vous leur expliquez que vous êtes là pour les aider et que vous allez régler les problèmes avec leur aide, que vous êtes loyal, si vous ne trichez pas, eux, ils vous suivent. Mais il ne faut pas tricher. C’est un rapport de confiance. Avec Hithouwane, dès le départ, on s’est dit : « d’abord on se tutoie, on se dit les choses, ce qui va et ce qui ne va pas. » Si tu me dis « merde », je ne vais pas retenir un outrage, alors que je suis policier. Sa façon de voir les choses est culturelle, la mienne est légaliste, et nous essayons de mettre les deux en cohérence. Tout cela avance, du moment que les deux points de vue ne sont pas radicaux. Le problème de la France, c’est peut-être qu’on est un peu radical des deux côtés. Ce sont des forces qui s’opposent, c’est comme un aimant.

 

MH : Pour autant, est-ce vraiment le rôle des citoyens de participer à la mission de sécurité de l’État ?

TL : La sécurité c’est l’affaire de tous, c’est un contrat social, et ça va même au-delà. La sécurité, c’est la première des libertés. Ça consiste aussi à considérer que la population a un intérêt à sortir de l’attentisme. Les années 2015 et 2016 ont été dramatiques à Mayotte, avec une augmentation de 600 à 700 % de la délinquance. Les gens ne sortaient plus dans la rue, ils ne jouaient plus aux dominos, ils ne parlaient plus dans la rue, alors qu’à Mayotte, on vit dans une société du palabre. Il fallait donc ramener les gens dans la rue, c’est ce qu’ils attendaient de nous (…) Avec Hithouwane, nous avons dit aux habitants de Mamoudzou : « Dans six mois, avec les Gilets jaunes, vous reviendrez dans la rue », et ça a marché. Ce que je regrette parfois, c’est que le travail qu’ils ont fourni pendant trois ans, jour et nuit, avec le Bureau partenariat et prévention, n’a pas été reconnu à sa juste valeur. Quand ils se sont arrêtés (en décembre dernier ndlr), les gens ont pris conscience de leur rôle. La délinquance a repris crescendo pendant cette période. Puis il a fallu sortir des Gilets jaunes parce qu’il y avait une connotation négative, notamment parce l’idée nous avait été « piquée » par la métropole.

MH : Ce genre d’initiative pourrait-elle fonctionner ailleurs ?

TL : Ici, à Mayotte, on peut être dans la même configuration que dans une banlieue parisienne. Le système peut marcher partout, oui, mais à condition d’avoir des gens impliqués. La population a besoin de confiance. La seule différence, elle vient des agents, des agents au sens large, des citoyens, des policiers, etc. C’est-à-dire ceux qui sont en interaction. Ici, on a réussi à comprendre que ça vient des personnes, qu’il faut que dans l’interaction, il y ait une zone de tampon où les choses se mélangent et qu’elles soient en harmonie. Mais ça demande une posture de la part du policier qui ne rentre pas dans ce qu’il a l’habitude de faire (de la répression plutôt que de la prévention, ndlr) et ça demande à la population de sortir d’une position victimaire et revendicative, de toujours demander plus à l’État providence.

Lire l’ensemble du dossier sur les ‘Maillots Jaunes’ : https://www.mayottehebdo.com/reader/1865

« Il y a eu des résultats »

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Un an après la crise sociale de 2018, la ministre des Outre-mer Annick Girardin s’est rendue de nouveau sur l’île pour faire un point d’étape du « Plan d’action pour l’avenir de Mayotte ». Devant des élus et représentants des services de l’Etat, elle a déclaré que « beaucoup a été réalisé » sur les 53 engagements et 125 actions du plan acté en mai dernier.

 

Cette « réunion de chantier« , comme la nomme métaphoriquement la ministre des Outre-mer, visait à constater « ce qui a été fait, ce qui est bien fait, ce qui n’est pas fait« . Arrivée dimanche sur le 101ème département français, Annick Girardin a convié dès le soir même élus et représentants de l’Etat à un point d’étape du « Plan d’action pour l’avenir de Mayotte ».

Elle a ainsi détaillé les 53 engagements déclinés en 125 actions de ce plan élaboré en réaction au mouvement social contre l’insécurité qui a paralysé l’île au premier semestre dernier. « Il faut reconnaître ce qui a été fait et remercier ceux qui l’ont fait » même si tout « prend toujours plus de temps qu’on ne le voudrait face à des urgences (…) qui s’accélèrent de jour en jour« , a-t-elle reconnu.

La ministre a d’emblée évoqué le renfort des forces de l’ordre, « la première chose qui nous a été demandée » et notamment les 170 policiers et gendarmes supplémentaires entre 2018 et 2019. Le dispositif de sécurisation des transports scolaires – « la crise est partie de là« , a rappelé Annick Girardin – a également été félicité.

L’intensification de la lutte contre l’immigration clandestine a évidemment fait l’objet d’une attention toute particulière de la ministre qui a souligné que depuis 2019, près de 2.300 éloignements mensuels étaient réalisés contre 1.600 en 2017 ; et que les interpellations à terre d’étrangers en situation irrégulière avaient augmenté de 17%. En 2018, ce sont 7 filières de passeurs qui ont été démantelées et les Mahorais qui employaient des clandestins ont été verbalisés pour 650.000 euros d’amendes au total, a encore mis en exergue Annick Girardin.

 

« On ne fera pas de miracle »

La question migratoire fut au cœur d’échanges francs entre élus et ministre. A la suite de la présentation de l’avancement des mesures par Annick Girardin, l’adjoint au maire de Tsingoni s’est adressé à elle, se plaignant de ce que « les personnes reconduites le soir prennent le petit déjeuner le lendemain matin à Mamoudzou« . Mais l’intervention la plus remarquée fut celle du maire de Kani-Kéli, Ahmed Soilihi, qui a légitimé l’emploi de personnes en situation irrégulière, expliquant que « les Mahorais préfèrent utiliser un clandestin (…) plutôt que de se faire tabasser« . Ainsi, « pour éviter qu’il y ait du scandale dans nos villages, (…) [le Mahorais] préfère arranger ça et utiliser [le clandestin] chez lui« . Il a conclu : « Les Mahorais ont peur, ils sont terrorisés (…) par cette foule d’immigration qui ne s’arrête pas« .

Des prises de parole auxquelles la ministre a fermement répondu : « Quand les Comoriens n’arriveront pas à travailler, à se loger, (…) ils repartiront« , a-t-elle déclaré, appuyant sur « la responsabilité générale« . Elle a reçu de nombreux soutiens dont celui du président du tribunal, Laurent Sabatier, qui a martelé qu’il n’avait « jamais vu un territoire qui cultive autant d’ambiguïté« , reconnaissant lui aussi « une part de responsabilité citoyenne« . Il a en outre rappelé que Mayotte est le seul département français où le juge des libertés et de la détention (JLD) s’occupe exclusivement de la question des étrangers. Résolu à défendre le travail au long cours des « cadres qui s’épuisent« , il a précisé qu’en 4 ans, 8 magistrats supplémentaires avaient complété les effectifs, une augmentation significative pour une juridiction aussi petite.

« Je ne peux pas laisser dire que parce que nous avons peur, nous utilisons la misère [des migrants] « , s’est insurgé de son côté le maire de Dzaoudzi-Labattoir, Saïd Omar Oili, appelant à « arrêter l’hypocrisie« . Il faut « s’attaquer au système » global de l’immigration clandestine dont les reconduites en mer « ne sont qu’un aspect« , a déclaré pour sa part le préfet de Mayotte Dominique Sorain.

« On ne fera pas de miracle, parce que c’est une île, on ne pas mettre de barrage tout autour, ce n’est pas possible« , a commenté la ministre, appelant à être « réaliste« . Elle a toutefois promis des renforts, en hommes et en navires – deux intercepteurs supplémentaires devraient d’ailleurs arriver en 2019.

 

Un nouveau site du CHM en 2027

Dans la foulée de Christophe Castaner la semaine dernière, la ministre des Outre-mer a confirmé qu’un nouveau commissariat allait voir le jour à Mamoudzou – les études vont être lancées. En matière de santé, Annick Girardin a indiqué que 192 millions d’euros ont été fléchés pour les infrastructures sanitaires – 20 millions pour des travaux d’urgence et 172 millions pour la construction d’un nouveau site du CHM avec une ouverture prévue en 2027. Du côté des ressources humaines, 30 postes de médecins spécialistes ont été créés et 8 sont déjà pourvus, même si la ministre a reconnu que le manque d’attractivité était un frein à l’embauche. Par ailleurs, le Fonds d’intervention régional, qui a pour objectif de mettre en place des campagnes sanitaires en partenariat avec les pays tiers, a doublé, passant de 7,5 millions d’euros à 15,6 millions.

A Mayotte, « ce n’est pas un problème de moyens, c’est un problème d’ingénierie« , a jugé la ministre qui a annoncé qu’une plateforme d’ingénierie (6 postes) viendrait en appui aux collectivités locales cette année. Le préfet a également pris la parole pour déclarer que face au manque d’attractivité de l’île, il envisageait « une voie de recrutement contractuelle« . « Il faut sortir de la fonction publique« , a confirmé la ministre et « mieux communiquer » sur les postes disponibles. Enfin, elle a promis que l’Etat reconnaîtrait désormais « mieux l’engagement des fonctionnaires en outre-mer » et faciliterait les mouvements de mutation de ces agents en particulier.

 

« Améliorer le recrutement »

Elle a en outre rappelé que 100 millions d’euros sur le quinquennat allaient être alloués aux constructions scolaires du premier et second degré et qu’à la rentrée 2018, 300 postes supplémentaires avaient été créés au sein de l’académie même s’ils ne sont « peut-être pas tous pourvus » et « qu’il faut améliorer le recrutement« , a-t-elle glissé.

En termes d’infrastructures, elle a loué l’augmentation de la participation financière de l’Etat à l’entretien des routes (7 millions d’euros pour les routes nationales, 9 millions pour les départementales). De plus, ce seront 140 millions qui seront injectés pour la modernisation du réseau d’eau et d’assainissement dans le cadre du contrat de progrès signé avec le Sieam et 5,5 millions avec la participation de l’Europe pour le déploiement de la fibre optique sur 55 sites prioritaires (hôpital, établissements scolaires, administrations).

Grâce au maintien du CICE sur le territoire, à la création des premiers emplois francs et à la défiscalisation, entre autres, « le modèle [économique] le plus avantageux [de France], il est ici« , a estimé Annick Girardin. Les mesures d’urgence mises en place par le président de la République sont également applicables sur le 101ème département français, telles que la prime d’activité pour les revenus proches du Smic et la défiscalisation de la prime de fin d’année. « Ce qu’on attend, c’est la concrétisation de tout ça« , a souhaité au micro la présidente du Medef de Mayotte, Carla Baltus.

L’état d’avancement de ces mesures est disponible sur le site https:/transparenceoutremer-mayotte.gouv.fr/. La ministre des Outre-mer quittera le territoire ce mardi soir.

Délinquance, la décroissance

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Les chiffres poursuivent leur tendance baissière au premier trimestre 2019 par rapport à la même période l’an dernier. Avec 203 faits délictueux de moins pour un total de 2.045 contre 2.248 au 1er trimestre 2018, les actes délictueux sont en baisse de 9%. Sans se féliciter du niveau général, toujours élevé, d’insécurité, les services de l’État appellent à poursuivre les politiques engagées.  

Après des années de « hausse exponentielle » jusqu’en 2016, la baisse des chiffres de la délinquance se confirme au premier trimestre de cette année, a dévoilé le préfet Dominique Sorain ce jeudi dans les locaux de la Direction départementale de la police aux frontières (DDPAF). À Mayotte, la délinquance générale a ainsi diminué de 9% au premier trimestre 2019 par rapport à la même période l’an dernier, avec 2.045 faits recensés au total (-203 faits). Cette diminution semble pérenniser celle déjà observée sur l’ensemble de l’année 2018, avec un nombre d’actes délictueux en baisse de 8,8% par rapport à l’année précédente. « Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de délinquance« , a d’emblée relativisé le préfet ce jeudi, conscient que les chiffres ne retranscrivent que rarement la perception d’une population, et particulièrement celle des Mahorais, qui n’ont certes pas oublié le début d’année 2018 et ses sept semaines de grève générale contre l’insécurité. « Bien sûr que les gens sont touchés lorsqu’ils sont victimes, et ce n’est pas admissible« , indubitablement, « de la délinquance, il y en a toujours trop » dans le 101ème département, a insisté le préfet, « mais on ne peut pas parler de développement galopant« , a-t-il nuancé. Si pour lui, « la délinquance zéro n’existe pas« , les efforts entrepris ces derniers mois doivent être poursuivis, comme l’a fait valoir le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner lors de sa visite-éclair du début de semaine.

 

Une plus forte baisse en zone police

D’un point de vue géographique, la tendance se confirme autant en zone police qu’en zone gendarmerie, bien qu’à des niveaux différents. Ce début d’année aura ainsi enregistré 162 faits de moins dans la première et 41 dans la seconde. Une disparité qui s’explique notamment par le fait que la délinquance avait beaucoup augmenté en zone police, particulièrement en 2016, et par la mise en place de la vidéosurveillance à Mamoudzou. Un dispositif d’autant plus « dissuasif« , selon les termes du préfet Sorain, qu’il est couplé à l’initiative de participation citoyenne des Maillots jaunes (ex-Gilets jaunes), ces citoyens volontaires qui patrouillent bénévolement dans les rues de la commune pour prévenir les actes délictueux. Le système, désormais formalisé et encadré par un contrat de partenariat avec la police (voir Mayotte Hebdo n°881 de ce vendredi 19 avril), exclut d’emblée toute personne en situation irrégulière et définit une série de droits et de devoirs stricts. Le dispositif a d’ailleurs fait des émules en zone gendarmerie. Celle-ci vient de signer avec les mairies de Bandrélé et Chirongui des conventions en ce sens, a dévoilé le général Philippe Leclercq ce jeudi. Du côté de la gendarmerie, cette diminution de « seulement » 41 faits sur le premier trimestre s’explique aussi, selon ce dernier, par le fait que la gendarmerie exerce sa compétence sur pas moins de 72% de la population du département. Par ailleurs, les chiffres de référence sont ceux de 2018, et s’inscrivent dans un contexte particulier pour les gendarmes, qui ont eu à essuyer l’essentiel des difficultés liées au mouvement social.

 

Moins de cambriolages, plus de reconduites

 

Dans le détail, le paysage délictueux de ce premier trimestre se caractérise par une nette diminution des cambriolages (-32,2%) avec 179 faits, contre 264 à la même période l’an dernier. De manière générale, les atteintes aux biens sont en recul de 16,7%. Les atteintes volontaires à l’intégrité physique sont également en baisse, bien que dans une moindre mesure, avec 781 faits constatés contre 809 au premier trimestre 2018 (-3,46%). À noter toutefois que les violences gratuites augmentent de 4,36% en moyenne (bagarres, règlements de comptes; altercations, conflits de voisinage…) et que la diminution globale des atteintes physiques est tirée par celle des violences crapuleuses (-24,57%).

Du côté de la lutte contre l’immigration clandestine, les interpellations à terre ont progressé de 104% par rapport au premier trimestre 2018, a fait valoir la préfecture. Au total, près de 7.000 étrangers en situation irrégulière (ESI) ont été éloignés, à 98% vers l’Union des Comores. En moyenne, 77 personnes ont été reconduites chaque jour, contre 54 en 2017.

 

Violences intrafamiliales et accidents de la route en hausse

 

À contre-courant de la tendance globale, les violences intrafamiliales sont en hausse de 116,32%, tout comme l’accidentologie routière, avec des accidents corporels en augmentation de 83% et un nombre de blessés en hausse de 57%. En outre, trois personnes ont perdu la vie sur les routes de Mayotte ce trimestre.

Le bond des violences intrafamiliales – ce « fléau social« , selon les termes du préfet Sorain –  s’explique quant à lui par une nette augmentation du nombre de plaintes des victimes supposées et des signalements émanant des hôpitaux, écoles, Aide sociale à l’enfance (ASE) ou Protection maternelle infantile (PMI), a souligné le directeur départemental de la sécurité publique Philippe Jos. « En l’espace de trois ans, je n’ai jamais vu autant de signalements« , a-t-il relevé. Quant à l’augmentation du nombre des plaintes, elle résulte notamment de la mise en œuvre récente de diverses campagnes de sensibilisation et de nouveaux dispositifs tels que la Salle Mélanie pour les mineurs ou l’accompagnement au titre de l’aide aux victimes, a pointé le directeur de cabinet du préfet, Étienne Guillet.

 

Une meilleure coordination et des politiques ciblées

 

Parmi les facteurs d’explication de cette tendance globale, une plus grande présence des forces de sécurité, qui devrait s’accentuer sur le territoire dans les mois à venir, et la « qualité des rapports entre magistrats et services de l’État« , saluée par le préfet. La « fin de cette querelle stupide entre la police qui fait, et la justice qui pense » a également permis, selon le procureur de la République Camille Miansoni, d’aboutir à une meilleure « coordination » entre les services, au profit d’une action plus efficace. C’est aussi le développement de nouvelles politiques, plus ciblées et adaptées au territoire, qui porteraient leurs fruits. Le fait, par exemple en matière de travail illégal, de « toucher les délinquants au portefeuille » serait ainsi « la sanction la plus efficace« . Il s’agira encore de confisquer les terrains dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne, ou les cultures dans le cadre des défrichages illicites. Outre ces politiques ciblées, la préfecture entend mettre l’accent sur la prévention, compte tenu du fait qu’un tiers des mis en cause ce premier trimestre étaient des mineurs, a rappelé le préfet. À titre d’exemples, la toute jeune BPDJ (Brigade de prévention de la délinquance juvénile), mise en place l’an dernier, ou le dispositif des élèves « pairs » pour lutter contre les violences en milieu scolaire.

 

Porter plainte : « une démarche civique« 

Interpellé ce jeudi par un journaliste sur une supposée baisse du nombre de plaintes et sur l’exaspération d’une population qui n’en verrait pas, ou plus, l’intérêt, le préfet Dominique Sorain a insisté sur l’importance de la démarche et encouragé toute personne qui se considérerait comme victime à la suivre de manière systématique. Il a également rappelé que le dépôt de plainte est le point de départ quasi indispensable – sauf à ce que le parquet ne s’autosaisisse –  au lancement de poursuites et à l’interpellation des auteurs. « Nous en avons besoin pour avoir connaissance des faits et pour ouvrir les enquêtes« , a-t-il fait valoir, tandis que le général Leclercq évoquait une « démarche civique au service de la communauté« . Quant à la diminution supposée du nombre de plaintes, le commissaire Jos a balayé l’idée. « J’ai plutôt l’impression qu’on s’inscrit dans la tendance inverse« , a-t-il estimé, et ce, « à Mayotte, comme en métropole, ne serait-ce que pour des questions d’assurance, qui permettent de se faire rembourser un téléphone volé ou de faire refaire des papiers d’identité perdus« .

 

À Mayotte, l’esclavage oublié

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La douzième édition du festival des arts traditionnels de Mayotte, le Fatma, se déroulera du 23 au 28 avril. Concomitant à la commémoration de l’abolition de l’esclavage, le festival sera l’occasion de présenter le premier ouvrage jamais écrit sur l’esclavage à Mayotte.

Créé par le conseil départemental en 2007, le Fatma (festival des arts traditionnels de Mayotte) souhaite organiser un moment d’échanges et de convivialité autour de la richesse culturelle de l’île. Foire artisanale, exposition, carnaval, danses et chants traditionnels rythmeront la semaine. Au-delà de la mise en avant des savoir-faire mahorais, la philosophie du Fatma s’inscrit avec la commémoration de l’abolition de l’esclavage, le 27 avril. Si le passé esclavagiste de l’île est souvent méconnu, voire passé sous silence, selon les organisateurs, il constitue un héritage socioculturel qui imprègne toujours le quotidien des Mahorais et Mahoraises. Pour rappel, Mayotte a été la première des possessions territoriales françaises à franchir le pas de l’abolition, le 9 décembre 1846. Les autres colonies et possessions ne parvenant à une abolition totale que deux ans plus tard, le 27 avril 1848.

Le chorégraphe Jeff Ridjali, intervenant au festival, veut transmettre cette mémoire, bien vivante, dans son art. D’ailleurs, « on peut lire la présence de l’esclavage à travers les mouvements et les émotions des danses traditionnelles de Mayotte. On y retrouve un langage empli de messages historiques. » Cet art ancestral se perpétue cependant de moins en moins, regrette-t-il, d’où la volonté de le mettre à l’honneur le temps d’une soirée au festival Fatma.

 

Le premier ouvrage sur l’esclavage à Mayotte

Afin de rompre avec cette idée faussement répandue que l’esclavage à Mayotte n’a pas existé, le conseil départemental a supervisé la création du livre L’esclavage à Mayotte et dans sa région, du déni mémoriel à la réalité historique*. Cet ouvrage scientifique, mêlant histoire, ethnologie, sciences du langage et archives, à destination du grand public et en particulier la jeunesse a été coécrit par cinq auteurs, archivistes, universitaires et chercheurs en histoire, ethnologie, ou sciences du langage. Pour Maoulana Andjilani, du pôle Services à la population du conseil départemental et à la tête du comité éditorial, « cet ouvrage va nous réconcilier avec nous-mêmes et surtout, permettre à la jeunesse de s’approprier son histoire. » L’année dernière, le festival avait déjà inauguré une stèle commémorant l’abolition de l’esclavage dans le jardin du conseil départemental. Cette nouvelle pierre à l’édifice mémoriel de l’esclavagisme à Mayotte est à découvrir à partir du samedi 27 avril.

*Auteurs : Abdallah Ali Latufa, Charpentier Michel, Condro Mlaili, Lebel Anne, N’guizijou M’Dahoma Issa et Yahaya Boinaïdi Siti.

 

Programme :

  • Du mardi 23 au vendredi 26 avril :
  • Foire artisanale à la MJC de Mamoudzou
  • Samedi 27 avril : ouverture officielle du festival
  • De 8h30 à 12, à l’hémicycle Younoussa Bamana : cérémonie de commémoration de l’abolition de l’esclavage et présentation de l’ouvrage « L’esclavage à Mayotte et dans sa région, du déni mémoriel à la réalité historique ».
  • De 14h à 16h, au musée de Mayotte de Dzaoudzi : vernissage de l’exposition du peintre Gausst.
  • De 20h à 00h, sur le parking de la place du cinéma ALPAJOE : gala de danses folkloriques, sur le parking de la place du cinéma ALPAJOE.
  • Dimanche 28 avril :
  • De 12h30 à 18h, au terrain du Baobab, vers le terre plein de M’Tsapéré : grand carnaval sur l’abolition de l’esclavage à Mayotte.
  • De 20h à 00h, au Remblai de M’Tsapéré : grand Chigoma de clôture.

Un schéma à adopter pour 2020

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Les premiers Ateliers du territoire débutent ce jeudi. Au total, quatre sessions seront organisées tout au long de l’année pour permettre l’élaboration du SAR, le schéma d’aménagement régional. Son objectif : orienter et planifier le développement territorial de Mayotte sur le long terme, en concertation avec tous les acteurs de l’île.

 

D’ici trente ans, Mayotte devrait compter « au moins » 500.000 habitants, estime le conseil départemental. « Cette transformation globale de la société mahoraise se traduira inévitablement par une forte modification de l’occupation de l’espace« , indique un communiqué émanant de l’institution. Dans ce contexte, le schéma d’aménagement régional (SAR), propre à chaque région d’Outre-mer, constitue un outil stratégique d’orientation et de planification inédit en matière d’infrastructures, de logements, d’équipements publics et commerciaux, de déplacements et d’environnement.

« C’est le Mayotte de demain que nous allons inventer et construire tous ensemble« , résume solennellement Nomani Ousséni, conseiller départemental et référent du projet. Pour cela, quatre « Ateliers du territoire » de deux jours chacun seront organisés sur toute l’île courant 2019. Des élus, des acteurs de terrain, des techniciens, des associations et bientôt des jeunes (près de 150 personnes au total pour chaque atelier) seront conviés à ces visites, conférences et débats à l’issue desquels ils élaboreront en concertation les axes de projets qui seront ensuite formalisés dans le document final. 

Coup d’envoi de la première session

La première de ces quatre sessions débute d’ailleurs ce jeudi autour du sujet « Mayotte au monde« . Cette thématique se penche spécifiquement sur les déplacements des Mahorais en dehors de l’île, le positionnement de Mayotte dans son environnement régional et mondial via le port et l’aéroport, ainsi que « les incidences de ce développement sur l’organisation et la structuration du territoire« . « La finalité de cette première session d’Ateliers du territoire est d’inscrire le SAR dans la réalité de l’espace d’expansion et de rayonnement de Mayotte« , précise le conseiller Ismaël Zoubert, chef de projet.

Parallèlement à ces ateliers réservés à un public spécifique, la population sera appelée à s’approprier ce vaste chantier lors de rencontres dédiées, de réunions publiques et d’appels ponctuels à contribution. Une première concertation est d’ores et déjà prévue pour le mois de juin, via « des supports et des outils de diffusion« , commente Sébastien Ramora, responsable d’agence d’Ateliers UP+, une agence spécialisée dans l’urbanisme et membre du groupement de bureaux d’études en charge de l’élaboration du SAR. Parmi les outils cités, une maquette de Mayotte de cinq mètres de long, qui ira « de village en village » afin de faire découvrir aux habitants les projets portés par le schéma. « Il faut créer un évènement, faire de la pédagogie pour que la population s’empare du sujet« , développe Laurence Boumati, architecte d’UP+.

 

Des délais « serrés »

Le schéma final « devra être adopté par le conseil départemental courant janvier 2020« , explique Nomani Ousséni, avant d’être validé par le préfet, présenté au grand public puis discuté et approuvé en conseil d’État. Le tout dans la même année, calendrier électoral oblige. « Au départ, l’approbation devait être décidée en 2021, mais le délai a dû être raccourci à cause de l’élection départementale« , explique le référent du projet.

Les délais sont « serrés« , Nomani Ousséni le reconnaît. Mais ce planning évite de prendre le risque de voir l’élaboration du schéma retardée par un renouvellement du conseil départemental. Déjà en 2008, le plan d’aménagement et de développement durable de Mayotte était resté dans les cartons, à cause de la départementalisation. Cette fois-ci, « nous ne voulons plus reproduire les mêmes erreurs« , assure l’élu du canton de Sada. Et de conclure : « Ce n’est pas juste un document. Il y a derrière une vraie volonté d’en faire un outil collaboratif et opérationnel« .

La grippe saisonnière en recrudescence

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L’activité de consultation des cabinets libéraux et des urgences du centre hospitalier est en augmentation depuis la fin du mois de février, indique l’ARS OI (Agence régionale de santé océan Indien). Pour limiter les risques de contamination, une campagne de vaccination, débutée le 15 avril, va se poursuivre jusqu’au 30 septembre.

 

Personnes âgées, femmes enceintes, enfants de six mois à cinq ans, personnes atteintes de maladies chroniques, etc., sont invitées à se faire vacciner au plus vite. Et pour cause, les consultations pour symptômes grippaux sont en « nette augmentation » dans l’île depuis la fin du mois de février, rapportent les médecins du réseau de surveillance épidémiologique Sentinelle. Loin de se limiter aux cabinets libéraux, cette tendance est constatée également au sein des urgences du centre hospitalier de Mayotte (CHM). La surveillance du virus opérée par les médecins du dispositif Sentinelle a permis de mettre en évidence une circulation virale de type A, indique l’Agence régionale de santé océan Indien (ARS OI). Il en existe de nombreux sous-types tels que A (H1N1) et A (H3N2). Sur le site de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), on peut ainsi lire que « seuls les virus grippaux de type A ont été à l’origine de pandémies« .

Pour rappel, la grippe est une infection respiratoire aigüe et très contagieuse. Ses symptômes les plus courants sont une fièvre supérieure à 39°C « d’apparition brutale » accompagnée de courbatures et de divers troubles respiratoires. La propagation s’effectue par voie aérienne, lors de la toux, de l’éternuement, des postillons, par le contact rapproché avec une personne malade, ou avec des objets touchés par celle-ci (poignées de porte, par exemple).

Des réflexes d’hygiène simples et un vaccin gratuit

Pour éviter la contamination, quelques mesures peuvent être appliquées au quotidien, rappelle l’ARS OI. Elles doivent être renforcées au contact de personnes vulnérables. Voici ces mesures : se laver les mains régulièrement avec de l’eau et du savon ou les désinfecter avec une solution hydroalcoolique ; se couvrir la bouche avec un mouchoir ou dans sa manche à chaque toux ou éternuement et transmettre ce réflexe aux enfants ; se moucher dans des mouchoirs à usage unique et les jeter ; éviter de serrer des mains, d’embrasser, de partager ses effets personnels (brosses à dents, couverts, etc.), notamment avec les plus fragiles.

Outre ces bons gestes, la vaccination reste « une priorité » pour les personnes les plus vulnérables, indique l’ARS OI. C’est le cas dès 65 ans, ou en cas de maladies chroniques, de grossesse, ou d’obésité. Les professionnels de santé sont également directement concernés. Si la vaccination ne permet pas « toujours » d’éviter la maladie, « le vaccin réduit le risque de complications graves ou de décès« , insiste l’agence de santé. Et de rappeler que la campagne actuelle offre aux « populations prioritaires » une prise en charge à 100%. Aussi, un courrier d’invitation à la vaccination sera-t-il envoyé par l’Assurance maladie à l’ensemble des assurés de plus de 65 ans et à certains professionnels de santé libéraux : généralistes, pédiatres, gynécologues, sages-femmes, infirmiers, kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes. Les pharmaciens d’officine devraient également recevoir un courrier de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Pour les personnes qui n’y sont pas directement invitées, il faut se rendre chez un médecin traitant : une prescription leur sera délivrée « si leur état de santé le nécessite« .

 

 

Remise de médailles sans le « ministre de l’urgence »

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Ayant quitté précipitamment le territoire dans la nuit de lundi à mardi en raison de l’incendie de Notre-Dame de Paris, le ministre de l’Intérieur n’a pu honorer le programme de son dernier jour sur l’île aux Parfums – et notamment d’une cérémonie de remises de médailles prévue ce mardi. C’est donc le préfet Dominique Sorain qui s’en est chargé, affirmant que le « ministre de l’urgence » avait, malgré son départ soudain, porté « une attention particulière » aux problématiques de l’île aux parfums.

 

Une légère ambiance de déception flottait ce mardi matin au-dessus de la préfecture de Grande-Terre, avant que le préfet ne remette des médailles aux agents de la fonction publique et aux membres de la société civile s’étant distingués. En effet, cette cérémonie devait s’inscrire dans le cadre de la visite de Christophe Castaner, arrivé dimanche sur l’île aux parfums mais reparti précipitamment dans la nuit de lundi à mardi, pour « pouvoir se rendre à Paris afin d’apporter son soutien et de témoigner de sa solidarité aux Français » après l’incendie survenu lundi soir à Notre-Dame de Paris.

Atmosphère un peu ébahie ce matin donc, sur le site de la préfecture de Grande-Terre, même si l’on entendait au loin les sifflets familiers de la manifestation des grévistes du premier degré emmenés par le SNUipp-FSU, certainement placés devant le vice-rectorat.

Aux côtés d’un panel de personnalités locales – le procureur de la République Camille Miansoni, le général Philippe Leclercq, le maire de Mamoudzou Mohamed Majani, etc. –, le préfet Dominique Sorain a prononcé un discours solennel à l’adresse des agents de la fonction publique, des représentants du monde économique et des notables du monde civil. Il a d’abord partagé avec l’assemblée le contenu de ses derniers échanges avec le ministre de l’Intérieur, ayant décollé vers 2h du matin dans la nuit de lundi à mardi à bord d’un Falcon de la Marine nationale. Ce dernier aurait « regretté de ne pas avoir pu achever cette visite » à laquelle il a toutefois porté « une attention particulière« . Mais être ministre de l’Intérieur c’est être « ministre de l’urgence« , a rappelé Dominique Sorain et son absence à Paris alors qu’un incendie venait de ravager l’un des monuments les plus symboliques de la capitale « n’était pas concevable« .

Déplacement « marathon »

Cependant, son séjour « marathon » aura permis au ministre de « repartir avec de nombreuses pistes« , y compris dans le domaine environnemental, a assuré le préfet lors de son discours mardi matin. Christophe Castaner aurait encore confié au préfet qu’il était « fier » de l’engagement des services de l’État à Mayotte mais qu’il « comprenait que certains trouvent qu’il n’y avait pas eu assez d’efforts pour Mayotte« . Dominique Sorain a rappelé les engagements du ministre de l’Intérieur : l’implantation d’un plus grand commissariat à Mamoudzou dans les prochaines années, le maintien du troisième escadron de gendarmerie mobile et l’arrivée de plus de 60 personnels de sécurité en 2019. « Il a pris pleinement conscience de l’impact de l’immigration illégale« , a encore déclaré Dominique Sorain. À ce sujet, le haut représentant de l’État à Mayotte a estimé que « les efforts paient mais que nous devons rentrer dans un nouveau processus » et notamment un dispositif civilo-militaire, tel que le souhaite le président de la République. Cette stratégie avait été évoquée lundi par Christophe Castaner alors qu’il était à bord du navire intercepteur. Elle permet entre autres une coordination plus affirmée entre les différents corps, la Marine, la police aux frontières, les douanes, la gendarmerie, voire la Légion étrangère, dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine. « Il nous faudra être plus ambitieux« , a déclaré fermement le préfet.

 

Rires non protocolaires

À la suite de son discours, le préfet a remis des médailles aux policiers, gendarmes, militaires, fonctionnaires des services de l’État et membres du monde associatif s’étant particulièrement distingués ces derniers mois. Ainsi ont-ils été décorés de médailles de bronze et d’argent pour leur mobilisation, notamment lors du mouvement social de 2018, de la crise des décasages ou encore durant celle des « gilets jaunes » à La Réunion alors qu’ils avaient été envoyés en renfort. La cérémonie s’est déroulée dans la plus grande solennité à l’exception de la remise de médaille à Binti Assani, du service de paie de la préfecture. Décorée pour avoir « contourné chaque jour les barrages au prix de plusieurs heures de marche quotidienne pour assurer le service de paie« , Binti Assani a eu toute la sympathie du public. Quelques rires ont émaillé l’assistance à la lecture de ces quelques mots, se sont généralisés puis ont été suivis de francs applaudissements. « C’est hors protocole mais ça donne une grande popularité« , s’est amusé le préfet. Si le ministre de l’Intérieur a dû écourter son séjour, la ministre des Outre-mer Annick Girardin est, elle, toujours attendue le week-end prochain.

FAISSOIL SOILIHI – SOCIOLOGUE ET CONSULTANT EN STRATÉGIE

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Sociologue, Faissoil Soilihi, l’affirme : il n’est pas indispensable de partager le même mode de vie pour se comprendre et échanger, mais seulement d’identifier un sens commun, un objectif à partager, pour apprendre à se connaître. Entretien.

 

Mayotte Hebdo : Selon-vous, les métropolitains sont-ils porteurs, eux aussi, de stéréotypes ?

Faissoil Soilihi : Aucune personne ne peut se détacher de ses propres a priori. Cela voudrait dire qu’elle n’a pas de culture. Le fait d’avoir une trajectoire sociale qui a été nourrie d’une forme d’acculturation et de socialisation implique qu’il y ait des a priori, des prises de position, et parfois de l’idéologie lorsque cela va plus loin. Mais il faut voir les choses de façons claires : si l’on porte un jugement sur les wazungus, alors on tombe nous-mêmes dans le piège.

MH : Ils ont pourtant parfois l’image de personnes ne s’intéressant que trop peu en profondeur au territoire, de par le peu de temps que beaucoup y passent. Le turn-over est bien connu…

FS : Qu’est-ce qui amènerait une personne à quitter sa terre, les siens, son histoire, sa trajectoire, pour aller à l’autre bout du monde, quand bien même s’agit-il d’un territoire français ? Là, on peut avoir plein de justifications possibles. Tout se résume donc autour de l’objectif que chaque personne se donne : « Je vais à Mayotte parce que j’ai un emploi », « Je vais à Mayotte parce que j’ai besoin de changer d’air », « Je vais à Mayotte parce que j’aime apprendre des autres », etc. Ce qui veut dire que l’on ne peut pas obliger un mzungu à vouloir apprendre des Mahorais. Il faudrait que lui-même se dise que parce qu’il veut apprendre des autres, son expérience sociale sera meilleure. Mais c’est aussi à nous de travailler là-dessus.

La question ici, et pour tout le monde, est surtout « Comment faire pour quitter son champ de socialisation ? » Par exemple, aller voir ce qui se fait sur le plan culinaire, artistique, et dans bien des domaines. Il y a des wazungus qui, parce qu’ils ne veulent pas mal vivre leur expérience sociale sur le territoire et rester sur des a priori, repartir avec les mêmes schémas construits en partant de Paris-Charles de Gaulle, vont aller voir les autres et faire avec eux. Lorsqu’on quitte sa zone de confort et que l’on va à la rencontre d’une autre culture, on se met en danger pour s’enrichir, pour aller rechercher d’autres valeurs alternatives ou contradictoires avec la façon dont on se représente le monde. C’est là que l’on peut parler d’intelligence. L’intelligence, ce n’est pas le fait de tout savoir, mais la capacité à pouvoir mettre en lien des éléments qui, au départ, étaient des éléments distincts.

MH : Diriez-vous que ces deux communautés se comprennent ? Ou bien qu’elles ne se sont pas encore rencontrées ?

FS : Oui, elles se comprennent, mais selon les espaces qu’elles partagent, selon les besoins dont chacun se revendique. Il y a des endroits où Mahorais et wazungu se retrouvent, que ce soit dans le milieu professionnel, que ce soit dans un bar, dans un restaurant, etc. Ils peuvent ne pas manger ensemble, mais ils partagent le même espace.

Toujours est-il que, de plus en plus, le temps joue aussi un rôle important, au-delà des espaces. Le temps, c’est la manière dont les générations de Mahorais qui reviennent sur le territoire reprennent un certain nombre d’aptitudes culturelles qu’ils ont eu à pratiquer ailleurs. Ce qui veut dire qu’ils se rejoignent avec les wazungu sur des habitudes culturelles que ces derniers essayent de revivre ici. Il y a des pratiques, des habitudes, qui font que les wazungus et certaines franges de la population mahoraise se retrouvent. Elles permettent à ces deux populations de se retrouver.

MH : Doit-on comprendre que la rencontre est en train de se faire ?

FS : Bien évidemment. Mayotte est en train d’évoluer. Avec les crises que l’on connait aujourd’hui et leur nombre dans un laps de temps si court, il faut comprendre une chose : le besoin en matière d’infrastructures, de politiques culturelles, de politiques éducatives, sanitaires, économiques, etc. est réel. Cette rencontre entre les deux communautés se fait sur la base de ces revendications. Elles constituent des espaces qui permettent de dire « À Mayotte nous avons besoin de plus de santé, d’économie, d’être libre, de nous exprimer, d’avoir des dirigeants qui soient des visionnaires, etc. » In fine, cela veut dire qu’il y a un besoin de sécurité. On dit la chose suivante : « On ne veut plus seulement de la protection donnée depuis 1841, mais aussi de la sécurité. » Ce sont deux choses différentes. Dans la sécurité, il y a cette recherche du vivre-ensemble. Que ce soit entre les cultures, les populations, il y a cette recherche de mouvement qui permet de nous sécuriser. C’est ce qui fait la différence avec la notion de protection, qui s’apparenterait à quelqu’un qui construirait un fort pour se protéger. La sécurité, elle, est une recherche d’équilibre, comme une personne pédalant sur un vélo : à un moment donné le pied droit est en haut, mais à un autre le pied gauche reprend le dessus, et ainsi de suite. C’est ce que l’on recherche ici.

« IL Y A UNE RECHERCHE DE VIVRE ENSEMBLE »

MH : Finalement, même si on a l’impression qu’il n’y a pas tant de partage que cela, nous serions donc déjà dans ce mouvement, dans cette recherche de but commun ?

FS : Exactement. Il faut rechercher l’équilibre, et on ne peut pas l’avoir tant qu’on ne nous dit pas quelle ligne suivre. Ce n’est pas une loi, ce n’est pas quelque chose de répréhensible ou d’interdit, c’est quelque chose qui doit s’inscrire dans la dynamique collective. À Mayotte, on parle de stratégie, mais le but n’est pas encore connu. Qu’est-ce qui serait le mieux pour ce territoire de par sa position géographique, géologique, sa culture, son passé, etc. ? C’est cela que l’on doit déterminer : un but commun, pour mettre tout le monde dans cette dynamique là. Les Mahorais et les wazungus apprendront alors à mieux se connaître. Dès lors, chaque fois qu’il y aura des désaccords, on pourra se rattacher au but commun, la démarche initiale.

MH : Vous parliez de désaccords et de crise. Justement, si les rapports entre les deux communautés sont globalement bons, on sent parfois des crispations lors des crises sociales. Les a priori des uns et des autres ressortent plus facilement. Le métropolitain est celui qui a l’argent d’un côté, le Mahorais est celui qui fait toujours grève de l’autre, etc. C’est l’absence de but commun qui provoque ces réactions ?

FS : Imaginez que l’on identifie clairement ce but commun, et que l’on distribue les tâches à chacun sur la base de ce qu’il sait faire. À partir de là, toutes les justifications qui émaneraient d’une forme d’idéologie préconçue sur l’autre n’auront pas de place. Lorsqu’on reste sur des revendications qui consistent à dire qu’on aime plus Mayotte que les autres, on ne va rechercher que des critères qui émanent de la nature de l’autre. Et là forcément, on ne peut voir que des formes de désaccords, soumises à une forme de jugement. Des traits au niveau des personnes identifiées vont être utilisés comme des éléments justifiant le fait que telle ou telle personne doit être jugée comme ci ou comme ça. En revanche, lorsque les tâches ont été distribuées, quel que soit le comportement ou le jugement moral que l’on porte sur untel ou untel, la seule chose exigée, c’est le résultat. C’est le savoir-faire et le savoir de chacun qui intéresse. Le jugement qui émanerait des valeurs culturelles ou identitaires n’a plus lieu d’être. Chacun dépend de l’autre. C’est ce à quoi il faut parvenir.

Cela dit, identifier un objectif ne fera pas tout. Il faudra aussi distribuer les tâches selon les compétences des uns et des autres pour éviter les frustrations. Une fois d’accord là-dessus, il restera juste à réguler. Il pourra y avoir des conflits, oui, mais celui qui tient la manette pourra dire « Stop » aux conflits subjectifs – qui consistent à avoir des jugements interpersonnels – dans un champ où l’on demande plutôt d’avoir des conflits dits objectifs, des conflits sur la manière de réaliser les choses. La manière de faire plutôt que la manière d’être. Il faudrait qu’on y arrive.

MH : Vous défendez en ce sens la notion de management interculturel. De quoi s’agit-il ?

FS : C’est un instrument utilisé par beaucoup, inspiré des anthropologues, pour travailler sur un certain nombre de territoires comme Mayotte, à 8 000 kilomètres de Paris sur le plan géographique, mais aussi culturel. Aujourd’hui, avec les évolutions que l’on connait et les crispations dont nous avons parlé, on ne peut pas avoir une approche consistant à appliquer les mêmes mécanismes de management qu’en métropole. Personne n’est gagnant dans cette affaire-là. Celui qui fait ainsi aura plus de travail au final et il devra être en permanence derrière ses employés, car il n’aura pas leur confiance, et ils n’auront pas gagné la sienne. Cela ne peut pas fonctionner ainsi, cela ne peut que ramer. Par exemple, il y a des gens qui travaillent dans une entreprise à des postes de petits subordonnés, alors qu’ils sont des chefs dans leur village, et ont la mentalité qui va avec. Parce qu’on n’a pas demandé à la personne qui elle était chez elle, on s’empêche de développer des capacités humaines que l’on pourrait exploiter pour le bien de l’entreprise. Le salarié qui est dans ce cas ne peut pas se sentir concerné. In fine donc, il se dit que ce qui l’importe, c’est son équilibre familial, et donc de percevoir un salaire.

Un savant sénégalais, Cheikh Amadou Bamba, disait que l’équilibre de la société pouvait se retrouver autour de trois niveaux liés au concept du travail, qui est un concept universel. La première définition qu’il donne du travail est le salaire, la rétribution, le khasbou – hisabou en maoré, le décompte. On oblige ces gens à s’arrêter à ce sens-là du travail, au niveau de la contribution-rétribution, alors que si l’on connait la valeur du collaborateur dans d’autres espaces que celui du travail, on peut le mobiliser sur d’autres choses. On peut l’amener vers le sens dans le travail à mener, au-delà la rétribution. Cheick Amadou Bamba parle de l’enseignement que l’on donne en retour de l’action qui a été accomplie. Lorsqu’on amène cette même personne vers le sens du travail, on l’incite lui-même à faire des heures supplémentaires sans qu’il demande quoi que ce soit en échange. C’est la deuxième définition.

À Mayotte, il a rupture sur le plan culturel et sur le sens à donner au travail commun à réaliser, donc on s’arrête au premier niveau, le khasbou, alors qu’il faut arriver au sens donné au travail, au-delà de la rétribution.

Une fois qu’on sera parvenu à donner du sens à l’action du travail, le troisième niveau arrivera : khadima, avoir de la bienveillance, travailler pour l’intérêt général, dépasser ses propres besoins personnels imminents et travailler pour le collectif. C’est à cela que les managers ou les personnes qui viennent à Mayotte pour diriger doivent être sensibilisés. La question à se poser est « Comment partir de la notion d’individualisme pour arriver à celle de collectivisme ? » La manière de se représenter ce processus est différente en France métropolitaine, à Mayotte, en Angleterre, en Espagne, etc. Il faut donc s’approprier celle qui convient pour parvenir à mobiliser les personnes dans l’intérêt du collectif. De la même manière qu’à l’échelle de la société tout entière, il s’agit de dépasser ses propres besoins pour trouver un but commun.

« ON NE PEUT PAS DEMANDER À UN MZUNGU DE DEVENIR MAHORAIS »

MH : Revenons-en donc à la question des communautés. Finalement, wazungus et Mahorais n’ont pas nécessairement à confondre leurs modes de vie, mais simplement à se retrouver autour d’un objectif commun clair ?

FS : Oui, on ne peut pas demander à un mzungu de devenir Mahorais, et réciproquement. Il ne faut pas chercher la petite bête, la façon dont chacun se représente l’autre, mais aller sur des choses simples et objectives. Comme ont dit, la meilleure façon d’identifier un traitre c’est de le mettre à l’oeuvre. Alors, distribuons les tâches à tout le monde et on verra qui s’engagera ou pas, qui est de bonne volonté ou pas, mais uniquement sur la base de la contribution. Toutes les sociétés qui ont réussi à vivre avec plusieurs cultures, sur un temps très long parfois, ont compris cela. Il n’y aura plus de crispations entre wazungu et mahorais en situation de crise si, au préalable, un objectif commun a été trouvé et que les tâches ont été distribuées, tout simplement parce qu’il n’y aura plus de crise.

Un second trophée pour Mami

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Dimanche à Sakouli, dans une finale inédite, l’entreprise Mayotte Maintenance Industrielle (Mami) a remporté la 18ème édition du Beach Foot Entreprises, face à la Star Urahafu. Le second trophée pour Mami après celui de 2015.

 

Le triplé annoncé de MCTP n’aura pas eu lieu. Vainqueur des deux dernières éditions du Beach Foot Entreprises, la société de bâtiments et travaux publics a cette année cédé dès les quarts de finale, aux tirs aux buts, dans une finale avant l’heure face à la Colas (0-0, 3-2). La qualification de la Colas aux dépens de MCTP, faisait de lui le grand favori.

Mais en demi-finale, les coéquipiers de Jean François Crescence, triples vainqueurs du tournoi et finalistes 2018 sont à leur tour tombés face à un outsider : l’entreprise Mayotte Maintenance Industrielle (1-0). Après une excellente compétition, ponctuée par le prix de la meilleure attaque, Mami a fini le travail en dominant la Star Urahafu en finale (2-0).

Ce dénouement marque le retour au sommet d’une équipe déjà gagnante du tournoi et qui a régulièrement fait de la victoire finale un objectif à atteindre. Mansour Mari, gérant de l’entreprise Mami, n’a d’ailleurs jamais caché sa volonté de recruter ses salariés en partie en fonction de leur niveau footballistique, au vu de l’événement Beach Foot Entreprises.

Cela a failli payer en 2014, quand, pour leur première participation, Mami se hissait sur le podium. L’année suivante, la stratégie de recrutement avait fait mouche : l’entreprise remportait son premier trophée de vainqueur au BFE 2015. Après trois éditions passées dans l’ombre de la Colas et de MCTP, avec notamment une seizième place au classement général en 2018, la société de maintenance industrielle renoue donc avec le triomphe.

Pour l’agence Angalia, c’est encore un événement à la hauteur des attentes. Du soleil, de la mer, du football, des voulés… Tous les ingrédients du Beach Foot Entreprises ont de nouveau été réunis. Avec 41 équipes dont 36 déjà présentes l’an dernier, les entreprises devraient rester fidèles au rendez-vous à l’occasion de la 19ème édition, en 2020.

 

Le classement 2019

1er 

 MAMI

11ème 

 ETPC

21ème 

 JUMBO SCORE

31ème 

 EPF

2nd 

 STAR URAHAFU

12ème 

 SIEAM

22ème 

 ORANGE

32ème 

 SOGEA

3ème 

 TOTAL

13ème 

 DOUKA BE

23ème

DAAF 

33ème

RSMA

4ème 

 COLAS

14ème 

 BFC

24ème

 MATIS

34ème 

 MCG

5ème 

 MCTP

15ème 

 STAR MAYOTTE

25ème 

 SOMAGAZ

35ème 

 CANANGA 

6ème 

 BUREAU VALLEE

16ème 

 CSSM

26ème 

 ENZO

36ème

 DISMA

7ème 

 ONLY

17ème 

 MAYOTTE HEBDO

27ème

 BRINK’S

37ème

 ELECTRO DISTRIBUTION

8ème 

 SMTPC

18ème 

SODIFRAM

28ème

 MAYOTTE DEVELOPPEMENT

38ème 

 IMPRIMAH

9ème 

 MAYCO

19ème 

 DEAL

29ème

 MAYOTTE TOPO

39ème 

 CREDIT AGRICOLE

10ème 

 MIM

20ème 

 SOMIVA

30ème 

 SIM

40ème

 COPHARMAY

 

Christophe Castaner : « À Mayotte, on fait du sur-mesure »

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La visite du ministre de l’Intérieur, entamée dimanche, se poursuit. Au programme, passage en revue des nouveaux effectifs de la DDSP (Direction départementale de la sécurité publique) et du dispositif citoyen des « Maillots jaunes », contrôle routier avec la gendarmerie, rencontre avec les agents du Gelic (Groupement d’enquête et de lutte contre l’immigration clandestine) ou encore visite du Centre de rétention administrative, la journée de lundi a été chargée.

 

Après une nuit passée en patrouille aux côtés de la Brigade anti-criminalité (Bac), le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, à Mayotte pour trois jours, a rendu visite ce lundi matin aux effectifs du commissariat de Mamoudzou. Les nouvelles unités de la DDSP (Direction départementale de la sécurité publique), la brigade cynophile ainsi que le dispositif de sécurité citoyenne du bureau Partenariat et prévention de la police nationale – les Maillots jaunes – les jeunes du service civique (18 à 25 ans) et les réservistes de la réserve civile lui ont été présentés. La Compagnie départementale d’intervention (CDI) et ses trois missions principales (maintien de l’ordre, lutte contre l’immigration clandestine et police de sécurité du quotidien) lui ont également été détaillées.

Troisième ministre de l’Intérieur à faire le déplacement à Mayotte, Christophe Castaner a assuré être venu « voir la réalité de ce territoire si particulier, avec énormément de difficultés ». Venir dans le 101ème département, « c’est d’abord dire merci, à toutes celles et tous ceux qui au quotidien se mobilisent pour la paix civile, pour la protection, pour la sécurité, pour la lutte contre l’immigration clandestine« . Un travail « sur-mesure » qui s’accomplit « dans des conditions dont je sais qu’elles sont difficiles« , a assuré le ministre, saluant la rapidité, le volontarisme et l’esprit innovant des forces de l’ordre et de la DDSP. Il a également dénoncé la trop grande violence dans l’île, le nombre « anormalement élevé » de blessés parmi les policiers et gendarmes, et les trop nombreuses provocations et incivilités à leur encontre.  

 

6.000 véhicules et un nouveau commissariat

Après sa nuit passée dans une voiture de la Bac « usée« , selon ses termes, le ministre a promis de nouveaux moyens aux policiers, notamment concernant leur parc de véhicules : « Nous avons lancé un plan d’investissement de 900 millions d’euros d’ici 2020 pour justement faire en sorte que les conditions de travail de la police soient de meilleure qualité, car je ne supporte pas l’idée que le caïd du quartier ait de meilleures conditions de travail que mes hommes. Nous avons fait une politique d’investissements majeure en matière de voitures : près de 6.000 véhicules seront commandés cette année et évidemment je veillerai à ce que des véhicules neufs viennent ici renforcer vos moyens« . Autre chantier : si le commissariat a fait l’objet de travaux d’agrandissement récents, le ministre a assuré qu’il proposerait, en lien avec la ministre des Outre-mer Annick Girardin, de lancer le financement des études pour l’installation d’un nouveau commissariat à Mamoudzou, compte tenu de la croissance des effectifs. « Je souhaite pouvoir le lancer dès cette année pour que la programmation soit réalisée, le choix d’un maître d’œuvre lancé l’année prochaine et qu’on puisse rentrer dans la logique des marchés publics, dans la perspective de construire un équipement adapté à vos besoins« , a-t-il assuré. Estimant qu’il fallait un grand nombre d’acteurs pour « faire le rendez-vous de la sécurité« , il s’est adressé directement à ces citoyens engagés pour les remercier. « Je rajouterai devant vous, amis Maillots jaunes, il faut [aussi] de la citoyenneté [pour accompagner l’action du] ministère de l’Intérieur » a-t-il conclu.

 

Un contrôle routier pour identifier les ESI

Christophe Castaner s’est ensuite rendu sur une zone de contrôle routier vers le rond-point du collège de Majicavo ; contrôle ayant pour but principal « d’identifier des personnes en situation irrégulière« , a indiqué un gendarme présent sur les lieux. Le préfet Dominique Sorain, le général Philippe Leclercq ainsi qu’un lieutenant-colonel de la gendarmerie ont expliqué au ministre de l’Intérieur les différentes missions des gendarmes mobiles. Pendant cet entretien et durant la vingtaine de minutes de la visite, des agents ont poursuivi les contrôles des véhicules et des piétons. Ainsi, en marge de la discussion avec le ministre, deux personnes a priori en situation irrégulière étaient en train d’être interrogées.

Ce dispositif a plusieurs objectifs, a détaillé le lieutenant-colonel : « Faire de la prévention de proximité, (…) de la sécurité routière mais, surtout, (…) contrôler toutes les personnes qui peuvent nous sembler suspectes« . Les véhicules de chantier ainsi que les taxis sont particulièrement visés, notamment dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé. Outre cette opération à laquelle a assisté lundi matin le ministre, les 204 gendarmes mobiles actuellement présents sur le territoire ont d’autres missions. « On occupe (…) au moins une ou deux fois par semaine l’îlot M’tsamboro (…), passage obligé entre Grande-Terre et Anjouan« , a déclaré le lieutenant-colonel au ministre. Et, « lorsque le centre de rétention administrative est plein, on a également en charge la tenue des RA [rétentions administratives, ndlr]« . Cette dernière mission, « chronophage« , permet toutefois d’éloigner « dès le lendemain » les clandestins vers les Comores, a souligné le lieutenant-colonel.

Mais ce dernier a insisté sur les missions de sécurisation des transports scolaires : « Dès qu’on n’y est plus, ça arrive« , a-t-il déclaré, évoquant les caillassages de bus. « On a des caractéristiques de l’ordre public qui s’exercent sur l’environnement scolaire dans des proportions qui n’existent pas » ailleurs, a renchéri le général Leclercq. Entre 120 et 140 gendarmes sont mobilisés, « certains matins« , dans le cadre de ce plan départemental de sécurisation, la « première mesure symbolique » du Plan pour Mayotte ayant été mise en place en avril 2018 suite à la visite d’Annick Girardin, a complété le préfet. Le ministre de l’Intérieur s’est ensuite rendu à la brigade de Koungou.

 

Plus d’agents pour le Gelic ?

« En seulement quelques mois, le travail fait ici est remarquable« , a lâché Christophe Castaner alors qu’il quittait, plus tard dans la matinée et sans y avoir fait d’annonce, les locaux du récent Groupe d’enquête et de lutte contre l’immigration clandestine (Gelic), à Cavani. Il y a rencontré à huis clos les agents de cette structure inédite composée d’enquêteurs de la police aux frontières, de la police nationale, de la gendarmerie, des douanes, ainsi que des inspecteurs du travail et des finances publiques. Onze personnes au total, qui « travaillent collectivement en profondeur sur l’écosystème de l’immigration et tous les leviers économique qu’elle génère« , a résumé Julien Kerdoncuf, sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine (Lic). Pour pérenniser la jeune unité et multiplier les saisies d’avoirs criminels et financiers, le Gelic espère pouvoir être doté de nouveaux agents.

 

Lutte contre le travail clandestin

L’unité travaille exclusivement sur « des dossiers au long cours« , particulièrement dans la lutte contre le travail illégal, entretenu par des filières clandestines comoriennes, mais aussi africaines. « Il y a de nouvelles routes migratoires et c’est absolument astucieux. Le succès des programmes européens sur certaines zones d’Afrique bloque cette migration traditionnelle et fait de Mayotte une nouvelle voie d’accès« , a précisé le commandant Cocheril, concédant : « Il faut aussi que l’on soit présents sur des plus petits dossiers comme les vendeurs à la sauvette, les gens qui font venir des pleins conteneurs de marchandises… Mais on ne peut pas le faire« , faute d’effectifs.

Autre conséquence : le travail de l’unité se concentre en grande partie sur le secteur de Mamoudzou. Alors qu’à Mayotte, les « relais » qui organisent l’entrée des clandestins sur le territoire en leur promettant un travail, court sur toute l’île.

Mais le Gelic est confronté à un second problème, administratif cette fois. Du fait de son jeune âge, il n’est à ce jour régi par aucune réglementation officielle. En réponse, Christophe Castaner a promis un prochain « nouvel aménagement« , qui devrait se traduire par un décret d’application, qui donnerait à la structure une sécurité juridique. « Cela nous permettra d’accéder à un budget à part, une formation à part et à la reconnaissance du statut des fonctionnaires qui pour l’heure sont détachés administrativement », a expliqué le patron du groupe d’enquête. « On est un peu hors-sol au niveau réglementaire« .

 

Déjà 6.500 intégrations au CRA en 2019

Christophe Castaner a terminé cette journée marathon en se rendant au centre de rétention administrative (CRA), en Petite-Terre. Un passage d’autant plus obligé après l’imbroglio sur la loi Asile et immigration du 10 septembre 2018. En effet, au cours de la navette parlementaire, les élus avaient porté à deux jours le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention concernant les rétentions administratives sur l’ensemble du territoire, sans tenir compte de la spécificité du 101ème département, dont les élus souhaitaient conserver le délai exceptionnel de cinq jours jusqu’alors en vigueur. La proposition de loi adoptée le 29 janvier, a finalement maintenu à cinq jours –  contre deux partout ailleurs – ce délai. Une exception justifiée par la pression migratoire et le manque de moyens.

Le ministre de l’Intérieur a donc visité les locaux qui accueillent les immigrés clandestins interpellés par la police aux frontières. « Nous les intégrons à n’importe quelle heure du jour et de la nuit« , a expliqué Pascal Molinier, adjoint au chef du CRA. Depuis le début de l’année 2019, ce dernier a dénombré « 6.500 intégrations pour 5.600 reconduites » dans les pays d’origine, sachant que près de 99 % des personnes passées le Centre viendraient des Comores voisines. En 2016, 19.753 personnes avaient été enfermées en rétention, dont 4.285 mineurs, soit 43 % du total des placements pour la France entière. Le rythme des intégrations serait en nette progression par rapport à l’an dernier, selon l’un des agents du CRA, en poste depuis 18 mois. Avant d’ajouter : « un jour, nous avons intégré 280 personnes… »

Christophe Castaner a pu découvrir, dans une chaleur étouffante, les locaux exigus du centre, de l’entrée jusqu’au poste de contrôle, qui veille sur l’ensemble du bâtiment, en plus des 84 caméras de surveillance qui quadrillent le site. « Les bagarres sont extrêmement rares« , selon un agent. La durée de rétention y est très faible : moins de 24 heures. Deux repas chauds sont servis par jour et les départs se font généralement en milieu de journée. Avant de quitter les lieux, le ministre de l’Intérieur a pu s’entretenir quelques minutes avec l’association Solidarité Mayotte, qui joue un rôle essentiel dans l’exercice des droits des personnes retenues.

FERNAND KEISLER, PREMIER MAHORAIS OFFICIER PILOTE DE LIGNE

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Originaire de Pamandzi en Petite-Terre, Fernand Keisler est le premier officier pilote de ligne mahorais. Un objectif qu’il a atteint en travaillant d’arrache-pied, faisant ainsi la fierté des siens mais aussi de tout Mayotte. L’embarquement est immédiat.

 

Du haut de ses 28 ans, Fernand Keisler comptabilise aujourd’hui 1500 heures de vol à son compteur. L’officier pilote de ligne (OPL) chez Ewa Air depuis deux ans, se délecte à survoler la région.Après son baccalauréat scientifique au lycée de Petite-Terre, Fernand Keisler s’envole pour l’Hexagone, où il entame une première année en faculté de physique chimie à Montpellier (34). L’année suivante, il réalise que ce cursus ne lui correspond pas. « C’était pas les études qui m’emmèneraient au métier de pilote de ligne », explique le passionné de l’aviation civile depuis son plus jeune âge. Plusieurs options s’offrent à lui dont l’intégration de l’École nationale de l’aviation civile (ENAC), sise à Toulouse, mais son choix ne portera pas sur celle-ci. « J’aurais beau être très bon, elle ne me garantissait pas de finir aux commandes d’un avion ». Fernand Keisler se tourne alors vers une autre formation dans le domaine, à sa charge. Avec sa copine de l’époque, devenue aujourd’hui son épouse, ils entament la formation de stewart et d’hôtesse de l’air à Montpellier. « On a très vite compris qu’il fallait améliorer notre niveau d’anglais », confie-t-il. À deux, ils sillonnent l’Europe et privilégient les pays anglophones comme l’Angleterre.

En 2013, le couple rentre à Mayotte. Attentif à l’aviation civile du côté de son île, Fernand Keisler propose à son épouse de postuler chez Ewa Air qui a vu le jour la même année. De son côté, il opte pour la Slovénie afin d’effectuer une formation EASA qui délivre une licence de pilote de ligne reconnue en Europe. La formation se déroule au sein de la compagnie nationale slovène, Adria Airways. « Le sérieux de la compagnie m’a fait faire la formation chez eux », souligne Fernand Keisler. Outre la pratique de la langue anglaise, le théâtre d’opération sur place s’avère être « fabuleux » dixit l’officier pilote de ligne. En effet, le temps de vol entre les différentes destinations voisines et la capitale slovène, Ljubljana, est relativement court : dix minutes de survol de l’Autriche et de l’Italie. « Survoler Venise était le quotidien de l’ensemble des élèves pilotes », se souvient le jeune officier pilote.

 

Premier officier pilote de ligne mahorais. À tout juste 28 ans, Fernand Keisler est le premier officier pilote de ligne mahorais. Après avoir silloné les quatre coins du monde, il prend désormais les commandes pour survoler son île.

« Mon objectif était de rejoindre la compagnie Ewa Air »

La formation obtenue en Slovénie délivre le titre de pilote de ligne – ATPL – mais ne qualifie pas le type d’avion. En effet, la formation comprend plusieurs licences à acquérir : la première licence de pilote de ligne permet un vol local autour de Mayotte, par exemple. « Pour partir plus loin, une validation en anglais est requise », souligne Fernand Keisler. Piloter un avion gros porteur requiert la licence multi-enging. Pour transporter des passagers, la licence des pilotes privés ATPL est nécessaire. « Chacune de ces formations sont indépendantes », indique-t-il avant d’ajouter : « Toutes les licences obtenues pour permettre de rejoindre l’aviation civile sont appelées Zéro to ATPL. Elles ne permettent pas de piloter tous les avions », met en garde l’officier pilote de ligne. Une qualification type est alors requise. Chose qu’il a effectué en sortant de l’école, se focalisant sur les avions ATR (Avions de Transport Régional). Un choix stratégique : « mon objectif était de rejoindre la compagnie Ewa Air qui disposait de cet appareil ». Fernand Keisler passera sa formation à Toulouse en 2016. Une formation réalisée dans des simulateurs de vol chez ATR, et qui est ensuite validée par des tours de piste avec l’avion réel, effectué cette fois à Copenhague. « Il faut comprendre qu’un pilote de Boeing 787 ne peut piloter un ATR à moins qu’il passe une qualification type et inversement », explique celui qui a regroupé tous les critères pour postuler chez Ewa Air.

Une chance pour le jeune officier pilote de ligne qui s’estime heureux d’être au service de son île et d’avoir atteint son objectif : intégrer la compagnie Ewa Air qui favorise un recrutement local.

« J’ai toujours les yeux rivés au niveau du lagon, à contempler le bleu turquoise »

Quid de la piste longue ?

Pour ou contre la piste longue ? L’avis d’un officier pilote de ligne intéresse davantage. « La piste n’est pas plus dangereuse qu’il y a dix ans », indique Fernand Keisler. « Il y a dix ans on accueillait des Boeing 777 qui sont beaucoup plus gros que les 787 ». La piste longue, oui il est pour. « Vous aurez beau avoir une piste de 5km de long, cela n’empêchera pas un avion d’interrompre son approche parce que la piste est mouillée par exemple. La piste longue serait intéressante à Mayotte pour que les avions puissent faire des vols directs. C’est une question de meilleure technologie ».

Une autre réalité de notre desserte aérienne est le « prix du pétrole très cher » explique Fernand Keisler qui fait parallèlement référence au directeur de la compagnie low cost French Bee, qui avait déclaré ne pas pouvoir rentabiliser ses vols avec son Airbus A330 à Mayotte. « Corsair a également abandonné », rappelle l’officier pilote de ligne. « La piste de Mayotte n’est pas dangereuse comme le laisse entendre beaucoup de gens. En revanche une piste plus longue permettrait d’arriver sur une piste plus confortable ». En effet, les pistes d’atterrissage sont classées par niveau de compétences de A à C, celle de Dzaoudzi est classée dans la catégorie B. Elle suscite une formation supplémentaire afin de pouvoir s’y poser.

Découvrir la région

Si tout au long de sa formation jusqu’à l’accession de son métier, Fernand Keisler a eu à sillonner les quatre coins du monde, il n’en demeure pas moins que Mayotte reste sa destination favorite. Dans la région il a déjà survolé les îles de La Réunion, la Grande Comore, Anjouan, Madagascar mais aussi les villes de Pemba, Dar es Salam et bien d’autres. Aucune ne remplace Dzaoudzi. « J’ai toujours les yeux rivés au niveau du lagon, à contempler le bleu turquoise », confie-t-il.

Actuellement en formation, à La Réunion, puis à Paris, Fernand Keisler sera bientôt de retour dans le ciel mahorais. De temps à autres, il aiguille la jeunesse quant à sa profession. « Ce que je leur explique avant tout, c’est que ce métier n’est pas inaccessible. Quand on veut on peut ».

Coupeurs de route, quelles méthodes ?

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Depuis quelques semaines, la population s’inquiète d’un retour des coupeurs de route, particulièrement actifs dans l’île les trois dernières années. Depuis le mois de janvier, quatre faits ont été recensés dans le département, indique la gendarmerie, dont deux au début du mois d’avril, contre 20 l’an passé. Les cibles et les méthodes semblent évoluer.

Après l’embuscade tendue à deux scootéristes le 2 avril entre Coconi et Ongojou, dans le centre de l’île, et une autre le lendemain soir à Tsingoni, le spectre des coupeurs de route ressurgit et avec lui les mauvais souvenirs des années passées. Ces deux attaques dont les victimes sont ressorties dépouillées dans le meilleur des cas et tabassées dans le pire, portent à quatre le nombre d’agressions de ce type recensées depuis le début de l’année, indique le chef d’escadron François Bisquert, en charge des unités territoriales à la gendarmerie de Mayotte, contre 20 sur l’ensemble de l’année 2018. Des agressions violentes et imprévisibles qui « sont restées très ancrées dans les esprits », selon le chef d’escadron. Encore faut-il savoir ce que l’on entend précisément par « coupeurs de route ».

« Nous faisons bien la différence avec les barrages qui sont érigés, par exemple, pour réclamer un abribus ou pour dénoncer des retards dans les tournées des bus scolaires* et ceux de nos coupeurs de route, l’équivalent des +brigands+ de grand chemin du Moyen-Âge, et qui ne représentent pas un phénomène à proprement parler », indique le militaire. Depuis le début de l’année, seuls des conducteurs de deux-roues ont été la cible de coupeurs de route (une moto et trois scooters), alors qu’en 2018, parmi les vingts faits recensés, six attaques visaient des scootéristes et quatorze des automobilistes. Et avec le profil des victimes, ce sont aussi les techniques d’embuscade qui semblent évoluer : les agresseurs, par petite équipe de 5 ou 6 personnes, font souvent usage de parpaings, bouts de bois ou autres projectiles pour déséquilibrer les conducteurs et les contraindre à s’arrêter, mais lors des deux dernières attaques, ils ont utilisé de puissantes lampes torches afin d’aveugler les conducteurs.

Alerter le plus tôt possible

Si de nombreux guet-apens ne peuvent pas être évités, certaines modifications dans le comportement de la population tendent à limiter les risques : « les gens font de plus en plus attention, ils évitent de s’arrêter en route, et ils évitent de plus en plus de sortir la nuit », relève ainsi le gendarme. Aussi n’y a-t-il pas eu depuis le début de l’année d’attaques de couples « illégitimes » dont l’agression aurait pu être facilitée parce qu’ils stationnaient dans un endroit isolé et mal éclairé. En outre, si certains coupeurs de route parmi les plus violents ont pu être interpellés, à l’instar du fugitif M’déré, au terme de deux ans de cavale en décembre dernier, les arrestations demeures complexes et nécessitent de longues investigations. D’autant plus dans la mesure où les victimes attendent souvent un certain temps avant de faire appel aux forces de l’ordre. Dépouillées de leur téléphone et laissées sur le bord de la route, elles ne peuvent souvent donner l’alerte que le lendemain ou le surlendemain des faits, ce qui laisse amplement le temps aux malfaiteurs d’aller se cacher. Il faut donc, dans la mesure du possible, appeler « au plus vite » la gendarmerie insiste François Bisquert, et ce, quelque soit l’heure du jour ou de la nuit, car « des équipes PAM (Premiers à marcher, désignés pour 24 heures, ndlr) sont toujours là pour intervenir ».

 

*En janvier dernier, une dizaine de lycéens avaient formé un barrage sur le rond-point de Tsararano pour réclamer un abribus. Ils dénonçaient notamment l’absence d’infrastructures en cette saison des pluies.

Castaner promet un renfort des moyens

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Accueilli dimanche au son du m’biwi, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner n’a pas fait de déclarations fracassantes mais a promis un renfort des moyens de lutte contre l’insécurité, sans préciser encore les contours de ces mesures.

 

Il fallait tendre l’oreille dimanche à l’aéroport pour entendre les promesses du ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, en raison du bruit sourd des claves des danseuses de m’biwi, en liesse. « Près de 300 femmes et hommes ont rejoint nos forces de sécurité ces derniers temps », a rappelé le ministre, le cou ceint de deux colliers de fleurs. « Il est nécessaire que nous maintenions un haut niveau de pression » sécuritaire et « nous renforcerons encore les moyens ». « J’aurai l’occasion de m’exprimer sur ce sujet pendant mon déplacement », a encore promis le ministre d’Etat.

Pour la première fois sur le territoire pour une visite de trois jours, Christophe Castaner a souhaité intégrer à son programme des séquences de « lutte contre la criminalité environnementale » et se rendra ainsi notamment à la plage de Moya mardi pour rencontrer les associations oeuvrant contre le braconnage des tortues marines. Ce type de criminalité « est un sujet sur lequel, avec mes collègues du G7, les ministres de l’Intérieur, nous avons décidé de nous battre », a-t-il encore déclaré à l’aéroport.

Après un accueil populaire aux côtés du préfet Dominique Sorain mais aussi de parlementaires (les députés Ramlati Ali (LREM) et Mansour Kamardine (LR) ainsi que le sénateur Thani Mohamed Soilihi (LREM), Christophe Castaner s’est rendu à La Vigie. Ce quartier de Petite-Terre, ciblé par le dispositif de « Reconquête républicaine », est « le premier en France piloté par la gendarmerie nationale », a rappelé le ministre de l’Intérieur qui venait d’être, encore, accueilli au sein de ce bidonville par des danses traditionnelles. Lors d’un point presse impromptu, Christophe Castaner a évidemment évoqué l’immigration clandestine : « C’est) une lutte que je veux extrêmement ferme (…) poussant au maximum les retours (…) dans les pays d’origine pour ceux qui n’ont pas à rester ici et qui n’ont pas à être accueillis par la France ».

« Les gens, jamais satisfaits »

Présent tout au long de la visite aux côtés du ministre, le maire de Dzaoudzi-Labattoir, Saïd Omar Oili, a formulé deux demandes : le renouvellement des médiateurs ainsi que des « efforts de l’Etat » pour accompagner la commune dans la mise en place d’un système de vidéosurveillance d’un montant de 1,7 million d’euros. Ramlati Ali, elle, s’est dite « heureuse » de la visite du ministre, tandis que le sénateur Thani Mohamed Soilihi a loué l' »oreille attentive » de Christophe Castaner venu, non pour délivrer « un satisfecit », mais pour faire un « point d’étape ».

Saïd Omar Oili a conclu par ces mots laudatifs : « Ce gouvernement, je le dis ici à qui veut l’entendre, tient ses promesses, parce que tout ce que vous dites, on le voit. Malheureusement, il y a des gens qui ne sont jamais satisfaits (…) mais il y a des réalités qui sont là. (…) Je voudrais rendre hommage aux services de l’Etat », a poursuivi le maire, félicitant en particulier Dominique Sorain : « Monsieur le Préfet, bravo, bravo, de tout ce que vous faites ici ».

Et à propos d’insatisfaction, le Collectif des Citoyens était très mécontent de n’avoir pu être de la fête, certains de ses membres – dont Fatihou Ibrahime et le syndicaliste Ousséni Balahachi, selon nos informations – ayant été écartés du parcours par les services de sécurité. Dans un communiqué, le collectif a regretté que les « renseignements généraux (leur) barrent le chemin ». « Nous portons la colère et l’exaspération de la grande majorité silencieuse des Mahoraises et des Mahorais qui ne se satisfont plus des beaux discours qui accompagnent le tourisme ministériel alors qu’ils subissent la violence banalisée sur notre île envahie par l’immigration clandestine », a estimé le collectif.

Retournement de situation au SIEAM

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Dans le Flash Infos du 12 avril, nous indiquions que sur décision du tribunal administratif, le SIEAM, Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte, était désormais libre de rompre son contrat d’affermage en cours de délégation de service public accordé à la SMAE, filiale du groupe Vinci. Imbroglio de notre part, puisque le tribunal a justement suspendu la rupture, qu’il a jugée « illégale », précise l’ordonnance. Pour mémoire, le 25 janvier, le président du SIEAM, Moussa Mohamed « Bavi », avait été autorisé par le comité syndical à reprendre les négociations avec la SMAE pour une durée de deux mois, afin de parvenir à un accord entre les deux sociétés concernant les avenants du contrat qui les lie. Le comité syndical du SIEAM précisait qu’en cas d’échec des négociations, la rupture du contrat serait prononcée. Les communes de Chirongui et Dzaoudzi-Labattoir avait alors déposé un recours auprès du tribunal administratif, craignant qu’en cas de rupture, « le montant du préjudice à verser à Vinci sera imputable aux communes, donc à la population ». Le 2 avril, Moussa Mohamed « Bavi » avait annoncé la résiliation du contrat, effective au 1er janvier 2020. Selon nos informations, les avocats des deux sociétés se sont entretenus vendredi matin.

« J’AI MIS DU TEMPS À RÉALISER QUE JE DEVENAIS UNE PROSTITUÉE »

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À 25 ans, Naima* est maman d’un garçon de dix ans. Ayant arrêté l’école au collège après sa grossesse, l’habitante de Trévani originaire de Koungou n’a jamais travaillé. Les écueils de la vie l’ont mené petit à petit à se prostituer durant quelques années pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Depuis un peu plus d’un an, Naima a pris un nouveau tournant : elle ne fréquente plus ses clients et suit une formation professionnalisante dans l’espoir de trouver rapidement un emploi.

 

Mayotte Hebdo : Dans quel environnement social avez-vous évolué ?

Naima : Je suis née dans une famille modeste de cinq enfants. Nous avons toujours vécu avec très peu de moyens, mais mon père qui travaillait dans les champs a toujours pu nous nourrir. J’ai toujours aidé mes parents. J’allais à la campagne avec mon père et au marché avec ma mère pour revendre les fruits et les légumes. Je n’ai pas vraiment eu d’éducation religieuse. Ma grand-mère faisait la prière, ma mère aussi, mais pas mon père. Moi je crois en Dieu, mais ne suis pas pratiquante.

MH: Comment êtes-vous arrivée à la prostitution ?

N : J’ai mis du temps à réaliser que je devenais une prostituée. Pour moi, ce que je faisais n’était pas de la prostitution. J’étais plus une maîtresse. Je ne pensais pas en arriver là. J’étais dans une période triste de ma vie. J’avais arrêté l’école, je venais d’avoir un enfant. Avec ma famille on vivait difficilement. Mon père, qui est vieux, n’allait plus à la campagne. Avec un bébé c’était encore plus compliqué. Un enfant rend heureux, mais il faut s’en occuper. Des fois je n’avais pas de couches. Je donnais à manger à mon enfant et préférais me sacrifier. Mon grand-frère travaille, mais ne peut pas nourrir toute la famille. Je voulais trouver une solution et ne pas embêter mes parents. La plus facile c’était celle-là. C’est des amies à moi qui me disaient que de temps en temps des hommes leur donnaient des sous en échange de « quelques caresses ». Je pensais que ce n’était rien.

MH : Quelle est la définition d’une « prostituée » selon vous ?

N : Pour moi, une prostituée c’est une fille qui « fait la pute ». Elle vend son corps. C’est ce qu’on dit aussi dans nos villages. Dans notre tradition c’est ça. Les filles qui font ça sont très mal vues et c’est humiliant pour les familles. Ici, tu ne peux pas faire la pute ouvertement. Ça ne passe pas.

MH: Qui étaient vos clients ?

N : C’était tout le monde. Tous ceux qui pouvaient me donner de l’argent. Une fois, j’ai même eu un jeune homme qui voulait être dépucelé. « Faire de lui un homme », il m’avait dit en shimaoré. C’est une amie qui l’avait dirigé vers moi. Il m’avait donné 100 euros. C’est sa famille qui l’avait envoyé pour le préparer à une vie « d’homme », ne le voyant jamais avec une fille. Des fois c’était des relations rapides avec un homme de passage, je pouvais avoir 50 euros, des fois 20. Je prenais vraiment ce que je pouvais avoir. Je n’avais pas de clients tous les jours, alors je ne pouvais pas me permettre de ne rien prendre du tout.

MH : Pourquoi ne jamais avoir fixé de tarifs ?

N : Je n’ai jamais donné de tarifs aux hommes qui venaient me voir parce que je sais qu’on ne m’aurait jamais donné le montant exact. Je prenais ce qu’on me donnait parce que j’avais besoin d’argent, c’est tout. Une fois que tu commences, tu es embarquée dans ce monde. Tu ne peux plus t’arrêter, c’est de l’argent facile et il faut nourrir ton enfant et aussi aider ta famille. Même si ce n’était pas beaucoup, 50 euros en une journée me permettait d’acheter à manger pour la semaine. Je n’étais pas régulière. J’avais des clients de temps en temps. C’est peut-être pour ça aussi que je ne me considérais pas comme une prostituée.

MH : Où et comment se déroulait la prise de rendez-vous ?

N : Ça pouvait être n’importe où, surtout dans les coins de Koungou et Trévani. Dans un buisson au milieu de la nuit, à l’intérieur ou derrière une voiture en soirée. Je n’ai jamais été chez le client. C’était toujours la nuit, car la journée je me faisais discrète et j’étais avec mon fils.

Il y a toujours quelqu’un qui te prévient quand il y a un client. Généralement, c’était des amis ou la famille des clients. On nous mettait en contact. Les hommes mariés m’appelaient sur mon téléphone, les autres, eux, n’avaient pas de formalités particulières. Je recevais un appel et sortais de chez moi pour retrouver le client.

MH : Avez-vous songé à trouver une aide financière de manière différente ?

N : Aujourd’hui, j’ai honte de dire ça, mais je n’ai pas cherché loin. Je n’ai pas voulu continuer à aller dans les champs, à galérer. Les gens t’aident des fois en te donnant quelques trucs, mais ils ne peuvent pas t’aider toute ta vie. Je voulais de l’argent sur le moment. Se former, tout ça, ça prend beaucoup de temps. Après, il faut espérer trouver un boulot. Je n’avais pas le temps pour tout ça moi.

MH : Avez-vous déjà été en danger ?

N : Non. Mes clients ne m’ont jamais frappée. Je faisais ce qu’on me disait de faire sans réfléchir. Ils étaient juste là pour s’amuser avec moi et repartir. J’ai souvent eu les mêmes clients. Je les connaissais. Ma seule peur était d’attraper des maladies. Durant mes cinq années de prostitution, il m’est arrivé d’avoir des rapports non protégés. Sur les conseils d’une amie, j’allais voir une gynécologue à l’hôpital de temps en temps pour être sûre que tout allait bien.

MH : Votre famille est-elle au courant de votre ancienne activité ?

N : Non et je ne veux pas qu’elle sache ce que j’ai fait. J’ai des grandes soeurs, mariées et avec des enfants. Mon grand-frère serait déçu aussi. Peut-être qu’on ne voudrait plus de moi à la maison. Je serai la honte de la famille si ça se savait.

MH : Comment vivre avec ce lourd secret au quotidien ?

N : Le plus dur c’était de faire comme si je ne connaissais pas les hommes quand je les croisais dans la rue. Je mentais aussi à ma famille, en leur disant que j’avais eu des sous en allant vendre des fruits aux marchands, ou bien que j’avais aidé une amie dans des travaux. Je n’étais pas la même à la maison que le soir avec les clients. Une fois à la maison avec ma famille, j’oubliais tout de ce que je faisais la nuit. J’étais une autre personne.

MH : Quel a été le déclic pour mettre fin à votre activité ?

N : La seule fois où je me suis absentée avec un client dans la journée, c’était pour un rapport de 10 minutes, j’ai retrouvé mon fils blessé en revenant. Il était encore petit et venait de se réveiller de sa sieste. Il s’est blessé en tombant et avait la bouche en sang.

J’ai eu très peur quand j’ai vu tout ça. Je me suis dit que je ne laisserai plus jamais seul. J’ai pris les sous que j’avais et l’ai emmené à l’hôpital. On lui a recousu la lèvre.

MH : Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?

N : J’ai honte. Parce que j’étais perdue. Je ne me rendais pas compte et j’ai mis du temps à réaliser ce que je faisais. Je regrette parce que je n’ai pas écouté ce que nous disent nos aînés, de vivre avec sa famille et de s’accrocher à nos traditions. Ça fait bientôt un an, que je n’ai plus personne qui vient me voir pour des faveurs sexuelles. J’ai encore des fois quelques difficultés, mais je ne veux plus d’argent sale.

MH : Comment vous reconstruisez-vous ?

N : Pour aller mieux, il faudrait que je déménage. Que je quitte Mayotte. La maison, le village, tout me rappelle de mauvais souvenirs. Je veux partir d’ici et construire une nouvelle vie avec mon fils. Aller dans un village où personne ne me connaît et où je pourrai travailler loyalement. En attendant ce jour, si Dieu le veut, je reste avec ma famille. Je les aide comme je peux et passe beaucoup de temps avec mon fils. J’ai commencé une formation, j’espère que la suite se passera bien.

MH : Avez-vous consulté une association, un psychologue ou même parlé à quelqu’un pour un suivi, pour vous aider ?

N : Non, je n’ai jamais pensé à aller voir un psychologue. Quand ça ne va pas, chez nous on passe d’abord par des cérémonies au village. Les plus croyants demandent de l’aide à Dieu. Les autres, les membres de ta famille, te diront qu’on « t’a fait quelque chose », c’est à dire jeter un mauvais sort pour que je devienne une prostituée. Je préfère m’en sortir seule. Parler avec vous, dans le journal, c’est déjà beaucoup pour moi.

MH : Quel conseil donneriez-vous pour lutter contre la prostitution ?

N : Je dirais aux jeunes, aux jeunes femmes surtout, de ne jamais faire ce que moi j’ai fait. J’ai beaucoup souffert psychologiquement et souffre encore aujourd’hui. J’ai très honte. Peut-être que j’en souffrirai toute ma vie. Je regrette et ne souhaite à personne de vivre ça. Il faut qu’elles aillent à l’école et qu’elles finissent leurs études pour trouver un travail et s’en sortir. Ne jamais jouer avec son corps. Après, on ne se reconnaît plus, on est détruites.

Des besoins « immédiats » pour endiguer les rixes de Dembéni

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Jeudi matin, le personnel éducatif du collège de Dembéni a rencontré deux inspectrices du vice-rectorat et une délégation de la gendarmerie. L’objectif ? Recenser les besoins de l’établissement afin de résoudre les problèmes d’insécurité. Depuis plusieurs semaines, le collège est en proie aux règlements de comptes inter-villageois. Ces trois derniers jours, trois agents et un professeur ont été blessés.

 

Depuis quelques semaines, la commune de Dembéni est prise à partie par des groupes de jeunes, des bandes rivales. Des règlements de compte entre villages qui se passent « généralement » aux portes du collège ou au sein même de l’établissement. Mercredi, plusieurs rixes ont éclaté aux abords et dans l’enceinte du collège, dès 7h du matin. « Des jets de pierre ont été lancés par plusieurs jeunes devant les grilles du collège en direction des bâtiments« , indique le chef d’escadron François Bisquert, commandant de la gendarmerie de Mayotte. La gendarmerie, avertie vers 13h, a alors séparé trois groupes de jeunes (deux du collège de Dembéni et un troisième, extérieur à l’établissement).

« Un premier groupe est parti à l’intérieur d’un bus accompagné par les gendarmes jusqu’à Kahani. Un deuxième a été maintenu à l’intérieur de l’enceinte de l’établissement par le principal et le dernier groupe s’est réfugié sur les hauteurs de Dembéni. Ce groupe est resté sous la surveillance des gendarmes », explique le chef d’escadron. Ces trois derniers jours, les rixes ont entraîné des blessures corporelles à un enseignant, un agent d’entretien et deux membres de l’équipe mobile de sécurité. « Ils étaient armés d’un ceinturon clouté avec un mousqueton au bout. Un agent est ressorti avec quelques points de sutures« , déplore Henri-Pierre Deliou, délégué syndical SNES (Syndicat national des enseignants du second degré).

 

Accompagner les élèves dès leur sortie

Mercredi, une « grande majorité » du personnel éducatif du collège de Dembéni – soit 45 personnes – a alors décidé de faire valoir son droit de retrait « suite à une insécurité grave et présente dans l’établissement » afin de mettre en place des dispositifs « de prévention et de protection » dès jeudi matin.

Une matinée qui a également été marquée par une réunion « de crise » organisée en présence du personnel éducatif du collège de Dembéni, deux inspectrices du vice-rectorat et une délégation de la gendarmerie. « Des mesures sont à prendre dans l’immédiat. Il faut assurer la sécurité des élèves dès leur sortie du collège. Avoir un parcours sécurisé à l’intérieur de l’établissement. Ce parcours est aujourd’hui complexe en raison des zones en construction ou inaccessible« , indique Henri-Pierre Deliou. La première des décisions prise sera la fermeture, cet après-midi et mardi après-midi, du collège de Dembéni, afin de permettre à tous les personnels – y compris ceux de Chiconi et de Kwalé – de mettre en place des mesures de protection et de prévention contre ces violences. « Une réunion aura lieu à 14h [vendredi] pour discuter des propositions que nous avons déjà préparées jeudi matin« .

 

Le soutien des parents et de la gendarmerie demandé

Dans un premier temps, une série de mesures seront également prises au niveau de l’organisation de l’accueil des élèves, de l’extérieur à l’intérieur du collège, avec un personnel d’encadrement plus adapté. Dans un second temps, un travail sera effectué de la part du personnel enseignant sur l’application du règlement intérieur et la communication au sein de l’établissement. Le corps enseignant a aussi demandé le soutien des parents afin qu’ils puissent accompagner les enfants dans les bus et à proximité du collège. Enfin, le syndicat a revendiqué une présence « plus accrue » des gendarmes devant le collège, au moins jusqu’aux prochaines vacances (fin avril).

Actuellement, l’effectif des élèves du collège est réparti sur trois sites : les sixièmes sont à Kwalé et les cinquièmes à Chiconi. À la rentrée prochaine – en août –, toutes les classes devraient revenir à Dembéni, aggravant « fortement » les tensions qui existent déjà dans l’établissement. « Or, nous avons des problèmes de locaux et les nouveaux sont toujours en construction. Nous prévoyons soixante élèves de plus par rapport à l’effectif global de cette année [près de 900 élèves actuellement, ndlr]. Nous n’aurons pas la capacité d’accueillir tous les élèves dans de bonnes conditions, surtout sur un site complètement morcelé du fait des travaux et des séismes« , regrette le syndicaliste. Une réunion préparatoire devrait se tenir dans les prochains mois pour « réfléchir » à des solutions pérennes.

Les déclarations de revenus simplifiées

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Mercredi avait lieu le lancement de déclaration des revenus 2018 en lien avec le prélèvement à la source 2019 au centre des Finances publiques de Boboka à Mamoudzou. L’occasion pour le directeur régional, Jean-Marc Leleu, d’expliquer l’importance, pour les contribuables, de déclarer leurs revenus même si 2018 sera une année blanche.

 

« Il faut expliquer la campagne d’impôt sur le revenu 2018 car c’est une année un peu particulière« , déclare le directeur régional des Finances publiques, Jean-Marc Leleu, en préambule de sa présentation mercredi matin. Présent jusqu’en 2012, le prélèvement à la source est réapparu le 1er janvier dernier dans le 101ème département. « Nous sommes assez satisfais de la manière dont le prélèvement à la source fonctionne actuellement. Pour nous, c’est un motif de satisfaction« , assure le directeur. Cette réforme permet de supprimer le décalage d’un an entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt correspondant, sans en modifier le montant ni le calcul. « Si nous avions voulu aller jusqu’au bout de la logique, nous paierions, en 2019, des prélèvements de l’impôt sur les revenus 2019 de manière contemporaine [c’est-à-dire dès que l’usager touche son salaire, ndlr]. Les usagers auraient dû aussi être imposés sur les revenus de 2018 puisqu’ils n’ont jamais été imposés« , explique Jean-Marc Leleu. Or, ce système aurait abouti à ce que tout le monde paye deux fois l’impôt en 2019 : l’impôt sur 2019 et l’impôt sur 2018. Le gouvernement a donc choisi de neutraliser l’imposition de 2018 par une année blanche. « Il n’y aura pas d’impôt sur les revenus 2018« .

Néanmoins, l’usager devra obligatoirement faire une déclaration sur ses revenus 2018. Cette déclaration permettra d’actualiser le taux de prélèvement à la source de l’usager en septembre et de recevoir l’avis d’impôt, nécessaire pour de nombreuses démarches. L’objectif ? « Bien ajuster la situation fiscale de chaque usager pour tout changement (mariage, divorce, naissance d’un enfant, perte d’un conjoint, etc.)« . L’impôt relatif aux revenus non exceptionnels (ou récurrents) de 2018 sera annulé par un crédit d’impôt dit « exceptionnel » ajusté à la dernière situation de l’usager et appliqué au prélèvement à la source. « C’est un revenu qui revient année après année tel que le salaire ou le 13ème mois. Cela faisait deux ans que nous utilisions les revenus 2017« , annonce Arnold Mure, chargé de la communication de la Direction régionale des Finances publiques (DRFIP) de Mayotte.

 

Des déclarations 2.0

Toutefois, par exemple, une prime de départ à la retraite sera considérée comme un revenu exceptionnel. Ces sommes seront alors imposées sur les revenus 2018. Par cette démarche, les pouvoir publics ont voulu supprimer les « phénomènes d’optimisation fiscale« . « Pour l’année 2018, les usagers ne paierons pas d’impôt. Or, ce qui aurait pu se passer c’est qu’ils auraient pu mettre tous leurs revenus sur cette même année. L’État a voulu éviter ce système qui aurait pu permettre de massifier les revenus déclarés sur 2018 et non sur 2019. C’est un système de garde-fou budgétaire« , affirme Jean-Marc Leleu. Un dispositif sera donc incorporé dans les déclarations afin d’identifier, parmi ces revenus, ceux que l’État considère comme exceptionnels. « Nous faisons confiance à nos usagers pour le déterminer. Il y aura éventuellement des contrôles de notre part« .

Une autre nouveauté a également été mise en place : la télédéclaration. Cette année, les services des Finances publiques incitent « fortement » tous les contribuables à s’y mettre. Et en détaillent les avantages : estimation de l’impôt et avis de situation déclarative, accusé de réception assurant la bonne prise en compte de la déclaration, réduction des déplacements et rapidité de traitement.

Malgré les limites du réseau Internet sur le territoire, ce système semble fonctionné puisqu’en 2018, 43% de foyers fiscaux télédéclaraient leurs revenus contre 20% en 2016. « Il faut se rendre sur impôts.gouv.fr. Les différents supports de connexion sont les tablettes, smartphones grâce à l’application mobile et ordinateurs… avec le numéro fiscal de l’usager« , informe le chargé de communication à la DRFIP. Au niveau national, 57% des foyers fiscaux ont fait une télédéclaration l’année dernière. Toutefois, si l’usager estime ne pas être en mesure de le faire, il pourra continuer à utiliser une version papier. « Mais nous ne délivrons plus l’imprimé, il faudra imprimer directement depuis chez soi« , confirme Arnold Mure.

 

Un système de SMS pour répondre aux questions

Les contribuables de Mayotte auront jusqu’au 4 juin pour déclarer leurs revenus par Internet. Pour la déclaration papier, elle devra être envoyée ou déposée dans la boîte aux lettres du centre des Finances publiques au plus tard le jeudi 16 mai 2019 (date uniforme pour l’ensemble de la France). Sous réserve de validation de la déclaration, l’usager recevra son avis d’imposition entre fin juillet et début septembre 2019.

De plus, l’adressage s’améliore. Une majorité de communes a ainsi procédé à la mise à jour des adresses. « Chacun doit avoir un numéro et un nom de rue. L’usager devra indiquer son « changement » [mention fictive, c’est le changement du nom de l’adresse, ndlr] de rue avec une date de déménagement au 31/12/2018 en indiquant également l’ancienne adresse « , révèle le directeur de la DRFIP. Si l’usager ne connaît pas encore son adresse, il existe un plan cadastral officiel (cadastre.gouv.fr).

La DRFIP a aussi mis en place un système de SMS (06.39.29.29.95) pour conseiller les usagers. « Dans 80% des cas, les services réussissent à résoudre le problème par téléphone. Les 20% restants obtiennent un rendez-vous« . Un dispositif permettant de réduire considérablement l’affluence aux services financiers.

Actuellement, la salle téléphonique des Finances publiques – quatre à six agents – reçoit près de 150 SMS et une cinquantaine de mails par jour. Le service ira également au contact de la population avec une réunion d’information dans chaque commune. Dzaoudzi ouvrira le bal le 17 avril de 9h à 12h, suivi de Pamandzi l’après-midi. Des agents des centres communaux d’action sociale seront aussi à pied d’œuvre à partir du 17 avril prochain.

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Mayotte Hebdo n°1116

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