La réfection d’une voirie peut parfois créer de larges polémiques dans une commune. C’est le cas pour la route de Mouboukini à Combani où Abiben Issimailla demande à la municipalité d’engager des travaux d’urgence pour que les habitations ne soient plus inondées lors des fortes pluies. Mais pour l’adjoint en charge de l’aménagement, Ali Abdou, les riverains empiètent sur le domaine public. Deux solutions possibles : soit ils restent dans la boue, soit ils acceptent de pousser leurs murs.
Depuis deux ans, la route de Mouboukini à Combani est un long chemin de croix. Tout commence lorsque la famille Issimailla érige un mur « sur notre passerelle » pour éviter que l’eau de pluie ne coule dans sa cour et inonde sa cave. Sauf que cette mesure drastique a des répercussions pour l’ensemble du quartier. Conséquence, la ressource naturelle ne s’écoule plus et stagne en plein cœur du quartier, voire même jusqu’à l’entrée des habitations. « Soit on mouille les chaussures, soit on ne traverse pas du tout », témoigne Abiben, l’un des enfants.
Mais en creusant un peu plus en profondeur le dossier, plusieurs irrégularités remontent à la surface dans ce statut quo opposant le propriétaire à la municipalité. Et comme dans de nombreuses querelles, l’un comme l’autre se renvoie la balle, notamment concernant l’occupation du domaine public. Si le premier estime être dans son droit, la seconde lui fait un rappel à la loi. « Il s’est permis de construire un mur sans demander de permis. Il a drainé l’eau chez son voisin et a crié au loup en disant que la mairie ne faisait rien. Par le passé, cette route faisait 5 ou 6 mètres de large contre 2.5 aujourd’hui », tance Ali Abdou, adjoint de Tsingoni en charge de l’aménagement. Le plan cadastral à Mayotte n’étant pas des plus fiables, difficile de décerner le vrai du faux dans ce mano a mano… « Pourquoi ne pas instaurer une rue en sens unique pour pouvoir contourner au niveau du quartier 100 villas vers le golf », propose alors Abiben pour enterrer la hâche de guerre.
« La voie publique est exagérement occupée »
Pas suffisant puisque les événements prennent une nouvelle tournure après un épisode de fortes pluies. Il y a 3 semaines, « nous sommes montés au créneau et nous nous sommes rendus à la mairie où nous avons rencontré le directeur de cabinet du maire qui s’est déplacé le jour-même », raconte Abiben. Le bras droit du premier magistrat concède que des travaux d’urgence peuvent être envisagés et fait alors appel à un entrepreneur, après l’accord du responsable des services techniques. Si le chantier débute dans la foulée, il s’arrête brutalement, laissant pour compte une vulgaire tranchée. Toujours est-il que la municipalité semble visiblement avoir bougé quelques pions, comme le démontre une étude menée récemment : élargir la route de 2 mètres nécessiterait une enveloppe de 160.000 euros. Mais pour cela, il est indispensable de repousser les murs et les clôtures qui ont poussé comme des champignons au fil des années. « Il faudrait qu’ils prennent leurs responsabilités. La voie publique est exagérement occupée. Soit ils restent dans la boue, soit ils se rétractent », prévient Ali Abdou, qui annonce le lancement imminent de la consultation du marché.
Une menace que rejette Abiben, qui jure n’avoir jamais eu de retour de l’adjoint à la suite d’une première entrevue peu après les élections municipales. « Personne ne communique là-dessus, personne ne vient nous donner des explications. Cela va finir en guerre de voisinage lorsque la mairie viendra avec son projet », regrette celui qui aurait voulu en discuter à tête reposée autour d’une table. « Notre sollicitation de base était de dégager l’eau et de déposer un peu de gravier pour que la route soit praticable, pas de la refaire en intégralité. Nous ne demandons pas la Lune ! » Et fait appel à un minimum de compréhension face aux difficultés surmontées. « Il ne faut pas croire que nous sommes fiers, mais c’était la seule solution. Personne ne veut comprendre, tout le monde dit que c’est de notre faute si l’eau stagne sur la route. » Et les relations entre les deux parties ne risquent pas de s’améliorer avec le temps puisque Ali Abdou lâche un ultimatum… « Nous ne mettrons pas l’argent public à la poubelle. D’autres habitants ont eux aussi besoin de ces financements. Il faut faire les choses avec bon sens. » À prendre ou à laisser donc !
Pour sa deuxième journée, le secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles est allé à la rencontre des professionnels qui font face chaque jour à des difficultés matérielles et humaines dues au manque de moyens et à la politique migratoire.
7h40. La petite troupe d’officiels se presse dans ce local exigu tout juste dimensionné pour accueillir la poignée de professionnels dédiés à la CRIP. Ce lundi, pour son deuxième jour de visite à Mayotte, Adrien Taquet, le secrétaire d’État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, en charge de l’enfance et des familles, commence sa tournée par la Cellule de recueil de traitement et d’évaluation. Une structure départementale méconnue et pourtant “indispensable” dans la protection de l’enfant, souligne le membre du gouvernement. “J’ai bien conscience des conditions dans lesquelles vous travaillez et des défis et de l’engagement qui sont les vôtres”, développe-t-il, tout en rappelant que “ces difficultés existent dans d’autres CRIP en métropole également”.
Des conditions qui sont en effet ardues pour ces professionnels de l’enfance, et ne se résument pas à l’allure modeste de leur local. “La cellule a été créée en 2008, et il a été très compliqué de réunir les effectifs nécessaires au bon déroulement de nos missions”, explique le directeur de la CRIP. Chiffres à l’appui. “Nous avons reçu 1.761 informations préoccupantes l’année dernière, et nous n’avons pas pu toutes les résoudre.” Pire, avec parfois 120 à 140 dossiers par agent, impossible de tenir les délais de mises à l’abri requises par le parquet. À Mayotte, il n’est ainsi par rare de laisser couler six mois avant le placement du mineur…
Une politique migratoire dans le viseur
Et si la situation s’est un peu arrangée en 2020 grâce à l’arrivée des renforts, le chemin reste long à parcourir. Désormais l’équipe se compose de dix travailleurs sociaux, un chef de service, un psy, et du médecin référent de la Protection maternelle et infantile (PMI) du Département. Suffisant ? Pas vraiment, surtout pour répondre aux nombreuses problématiques locales “face auxquelles nous ne sommes pas forcément préparés”, se fend une employée de la CRIP. Qui n’hésite à interpeller le secrétaire d’État sur une politique migratoire souvent pointée du doigt pour ses conséquences en matière de mineurs isolés à Mayotte. Et qui complique les missions de la cellule pour permettre le rapprochement familial. “Concrètement, nous avons des exemples de familles arrivées en kwassas dont les parents repartent le jour même, et quand les enfants veulent rentrer, nous n’avons pas de moyens pour les renvoyer auprès de leur famille.” Sans parler des situations de handicap, dont la prise en charge reste embryonnaire, faute de structures et de profils adaptés sur le territoire. Ou encore des violences physiques ou verbales dont sont victimes beaucoup d’enfants à Mayotte.
Deux millions d’euros pour les associations
Face à ce tableau noirci, le secrétaire d’État a à coeur d’entendre toutes les parties prenantes, employés de la CRIP comme les représentants de l’autorité judiciaire également présents à cette rencontre. En guise d’annonces toutefois, il se contente de défendre la mise en place d’un référentiel national sur la situation des enfants en danger pour garantir une plus grande “homogénéité des CRIP”. Et de promettre une enveloppe de deux millions d’euros dédiées aux associations de la protection de l’enfance, sans toutefois détailler la répartition des fonds aux différentes structures, mis à part la création d’un observatoire de la famille par l’UDAF (union départementale des associations familiales). Quant à la politique migratoire, Adrien Taquet botte en touche. Pas question de permettre aux mineurs arrivés des Comores voisines de regagner la métropole, sans risquer un nouvel appel d’air, argumente-t-il en substance un peu plus tard dans la journée. Gageons que les deux millions promis permettront au moins de donner un nouveau souffle aux professionnels de l’enfance…
À la rencontre des Apprentis d’Auteuil
Sur une note un peu plus légère, Adrien Taquet a rencontré ce lundi l’association les Apprentis d’Auteuil. La jeune structure, créée en septembre 2019, a déjà permis d’accompagner quelque 200 jeunes entre 16 et 25 ans vers l’insertion professionnelle. Soit trois sessions de six mois chaque, rythmées par des temps d’ateliers, et d’accompagnement individualisé par des travailleurs sociaux. Là encore, les problématique des statuts peuvent engendrer des blocages. “Parmi nos principales problématiques figurent le renouvellement du titre de séjour, l’affiliation à la sécurité sociale et l’ouverture d’un compte en banque”, a ainsi présenté Régine Le Men, la directrice de l’association. En atteste le parcours de Karmardine, jeune femme qui a pu obtenir une formation qualifiante d’assistante de vie aux familles après avoir enfin débloqué sa situation administrative auprès de la Caisse de sécurité sociale. “On parle beaucoup de la protection de l’enfance mais rarement de la continuité et c’était important de présenter à Monsieur le Ministre ce que nous proposons en termes de formation et d’insertion”, a déroulé Régine Le Men. “J’espère qu’il aura pris l’ampleur du travail effectué à Mayotte, et l’ampleur du travail qu’il y a encore à faire.”
Le collectif associatif CIDE a profité de la venue du secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, pour lancer à Mayotte la 2ème édition de l’anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant. Lydia Barneoud, la vice-présidente du réseau Haki Za wanatsa et représentante du collectif, a été la maitresse de cérémonie qui s’est déroulée à l’hémicycle Younoussa Bamana au conseil départemental en présence du président du département, des différentes associations chargées de la protection de l’enfance et de quelques enfants. L’enveloppe de 2 millions d’euros annoncée par Adrien Taquet est accueillie de manière positive par Lydia Barneoud, mais cette somme n’est qu’un premier pas dans l’application des droits de l’enfant à Mayotte.
Flash Infos : Pourquoi avez-vous organisé cette rencontre avec le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles ?
Lydia Barneoud : Cette rencontre a été organisée par notre collectif CIDE qui regroupe 13 associations. Nous avons voulu inviter l’ensemble des acteurs de Mayotte, à commencer par les institutions, les associations, et aussi les enfants pour les inciter à la concertation et à l’action.
FI : Adrien Taquet a annoncé une enveloppe de 2 millions d’euros pour les associations qui se chargent de la protection de l’enfance. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
B. : Nous venons d’apprendre la nouvelle et c’est une bonne chose pour nous parce que nous manquons de moyens. Donc quand on nous en donne, nous les acceptons. Cet argent va nous permettre de partir sur de nouveaux projets pour les enfants, notamment sur l’accès aux droits, la création de lieux de vie et de jeunesse, nous pourrons mieux nous occuper des enfants handicapés.
FI : Avez-vous seulement besoin d’argent pour pallier à tous les problèmes liés aux droits de l’enfant à Mayotte ?
B. : Bien sûr que non ! Nous pouvons continuer à demander de l’argent et en recevoir mais à un moment donné, il faut qu’il y ait une mobilisation générale. L’argent ne fera pas tout. Le problème à Mayotte, c’est que ça part dans tous les sens, et malheureusement c’est nuisible à tous. Si nous allons tous dans des directions différentes, nous n’irons nulle part. C’est la raison pour laquelle nous avons créé ce collectif pour faire le ciment entre les différentes associations. Cela nous permettra de pouvoir avoir un poids un peu plus important et un dialogue peut-être plus constructif avec les institutions et les collectivités locales.
FI : Qu’attendiez-vous de la venue du secrétaire d’État ? A-t-il répondu à vos attentes ?
B. : Le secrétaire d’État nous rassure dans le sens où il nous réaffirme son soutien total dans notre implication quotidienne sur le terrain. Il venait aussi pour prendre la température et je pense que c’est important qu’il le fasse. Maintenant, nous ne pouvons pas tout attendre de l’État ou du conseil départemental. Il y a une vraie mobilisation à créer par le bas, qui doit être unanime sur cette question.
FI : Pourquoi avons-nous autant de mal à faire appliquer les droits de l’enfant à Mayotte ?
B. : Parce qu’indubitablement, il y a trop d’enfants à Mayotte. Les familles viennent y trouver refuge, en espérant trouver des conditions de vie plus dignes. Mais nous pouvons tout de même agir un peu localement. Plus nous nous investissons dans les quartiers, dans les écoles, plus nous pourrons mettre une pression adéquate et pertinente pour résoudre ces problèmes. Chaque citoyen peut y contribuer. Et le collectif CIDE continuera à se développer tant que le dialogue ne sera pas instauré ou tout du moins consolidé. Il faut installer des outils communs pour travailler ensemble, notamment à l’utilisation de l’argent que nous recevons, qui est de toute façon bien loin d’être suffisant si nous regardons les conditions de vie actuelles des enfants sur l’île.
FI : Le 26 octobre sera lancé le mois d’actions et de sensibilisation pour agir avec les enfants. En quoi cela consiste ?
B. : Les 13 associations du collectif, avec les communes partenaires et les établissements scolaires partenaires grâce à l’appel à projets lancé par le rectorat, vont faire de la sensibilisation et montrer que nous pouvons tous être acteurs et nous mobiliser. Au reste des partenaires ensuite de nous accompagner dans ce combat de chaque instant.
En visite ce lundi matin à l’hémicycle Younoussa Bamana pour une séquence intitulée « droits de l’enfant », le secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, a invité le Département à participer à la prochaine contractualisation de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance.
Mayotte avait loupé le coche l’année dernière. Le 14 octobre 2019, 30 départements étaient choisis pour participer à la première vague de contractualisation de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance. À l’occasion de sa visite ce lundi dans l’hémicycle Younoussa Bamana, Adrien Taquet, le secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, invitait donc le Département à prendre le train en marche dès l’année prochaine et ainsi faire partie des 40 nouveaux sélectionnés qui se partageront 200 millions d’euros. L’objectif ? « Recevoir des moyens supplémentaires, notamment pour la cellule départementale de recueil de traitement et d’évaluation (CRIP), et de l’ingénierie », pour accélérer le virage de la prévention en protection de l’enfance, sécuriser les parcours des enfants protégés et prévenir les ruptures, donner aux enfants protégés les moyens d’agir et garantir leurs droits, et préparer l’avenir et sécuriser la vie d’adulte des enfants protégés.
À Mayotte plus qu’ailleurs, cette thématique représente une grande part du budget de la collectivité, comme en témoigne le schéma départemental de l’enfance et la famille, qui permet un enrichissement et une diversification de l’offre. Toutefois, le président Soibahadine Ibrahim Ramadani concède que le territoire doit encore « développer des familles spécialisées et des structures », à l’instar de la protection maternelle et infantile, dont celle d’Acoua a été inaugurée lundi après-midi par Adrien Taquet, quelques heures seulement après le lancement du mois d’actions préparatoires à la 31ème journée internationale des droits de l’enfant. « En tant qu’adultes, nous avons le devoir moral de protéger les plus fragiles et les plus vulnérables, comme les enfants en situation de handicap. […] Le rajeunissement de la délinquance ne doit pas être passé sous silence », plaide l’élu local pour rappeler la violence qui sévit dans le 101ème département.
L’État c’est bien, les associations c’est mieux
À sa droite, c’est un Adrien Taquet attentif aux propos de son interlocuteur qui a souhaité démontrer sa volonté de s’attaquer à la racine du problème. « L’éducation d’un enfant doit se faire en dehors de toutes violences physiques, psychologiques et sexuelles », insiste-t-il avant de préciser que l’enfant est désormais considéré comme une victime à part entière des violences conjugales. Mais pas seulement. Il met alors en exergue les 11 vaccins obligatoires ou encore le déploiement de la stratégie de lutte contre la pauvreté. Si Adrien Taquet a conscience que son rôle – et celui de l’État – est de mieux accompagner certains parents et d’investir massivement dans la prévention, il se tourne également en direction des associations. « Il faut soutenir les professionnels pour créer une société dans laquelle tous les enfants son épanouis. Chaque jour, chaque heure qui passe, vous vous engagez auprès [d’eux]. Vous faites un travail remarquable, encore plus ici sur le champ de la protection de l’enfance », concède-t-il, en s’adressant à l’assemblée. « Nous sommes tous des vigies attentives au bien-être de nos enfants. C’est tous ensemble que nous réussirons. »
« Les enfants ont besoin d’avoir des droits »
Questionné par un ancien jeune ambassadeur du défenseur des droits concernant le court et moyen terme, Adrien Taquet met l’accent sur le droit à l’éducation, le premier remède de tous ces maux ou plutôt le baromètre « d’aujourd’hui et de demain », sans lequel « nous ne pourrons pas avancer ». Comme bien souvent dans ce genre de situation, les mêmes chiffres reviennent toujours au galop pour justifier l’action du gouvernement à Mayotte. Celui du jour ? 1.000 classes rénovées ou créées sur l’île d’ici 2022. « J’ai envie d’être optimiste pour l’avenir de l’île », confie-t-il. Un optimisme pas forcément partagé par tout le monde, notamment par les principaux concernés. Que ce soit Faniya, Anita, El Anrif et Ambdou du Secours catholique – Caritas, ou leurs homologues du Village d’Éva, d’Apprentis d’Auteuil, d’Espoir et réussite, de Mlézi Maoré, tous, sans exception, réclament leur dû : « Les enfants ont besoin d’avoir des droits. »
En fin de semaine dernière, des centaines de demandeurs d’asile manifestaient à Cavani pour faire respecter leurs droits. Depuis l’interdiction de la vente à la sauvette dans le centre-ville de Mamoudzou et la reprise des opérations de destruction de l’habitat illégal, ces hommes, femmes, enfants, personnes malades et handicapées dorment dans la rue, sous la pluie, sans avoir de quoi se nourrir. Si les 40 plus vulnérables d’entre eux ont pu être logés provisoirement en urgence, le sort d’au moins 200 autres personnes reste encore incertain.
Ils sont au moins 250 et pourtant, ils sont invisibles. Jeudi et vendredi, des demandeurs d’asile manifestaient près du stade de Cavani pour demander, comme souvent à Mayotte, de faire valoir leurs droits. Et pour cause. En métropole, toute personne ayant formulé une demande d’asile auprès de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) peut bénéficier d’un logement d’urgence et d’une allocation de subsistance le temps de l’instruction de son dossier. Un forfait moyen de moins de 20 euros par jour auquel ne peuvent tout bonnement pas prétendre les demandeurs depuis Mayotte, où le dispositif n’existe pas. Ils sont ainsi des centaines à tenter de subsister, sans toit, sans nourriture, sans argent, et sans considération. Le phénomène n’est pas nouveau, mais à la suite d’une opération de destruction de l’habitat illégal orchestrée en fin de semaine dernière par la préfecture à M’tsangamouji, ils ont été nombreux à se retrouver à la rue, ou à craindre davantage pour leur situation. Et à vouloir crier leur colère.
« Tout ce que nous demandons, c’est que les lois soit respectées », s’indigne Malik Abdel Abdoul, l’un des porte-paroles des 250 demandeurs d’asile. « Nous aussi, nous avons des droits ! Mais ces derniers temps, des femmes avec des enfants en bas âge dorment dans la rue, sous la pluie, sans toilettes. Il y a aussi des personnes malades et handicapées ! Mais sans boulot, on ne sait pas comment trouver à manger. » Du haut de ses 23 ans, ce natif de la République Démocratique du Congo, dans la région des Grands Lacs, enlisée dans des conflits politico-militaires de longues dates, a rejoint Mayotte il y a un an. Jusqu’alors, il vivait de la vente de shirungu, ou oignons, près de la barge. Un petit boulot clandestin qui lui permettait de payer son loyer. Mais depuis que la nouvelle équipe municipale de Mamoudzou a interdit l’activité des vendeurs à la sauvette dans le centre-ville, Malik Abdel Abdou a été mis à la porte de sa case en tôle pour défaut de paiement.
Un hébergement d’urgence déplacé face aux riverains récalcitrants
« Depuis la fermeture du marché, beaucoup de gens ont été expulsés de chez eux », souffle à son tour Dakidi Massamda, autre porte-parole du mouvement. En fin de semaine dernière, le jeune homme de 26 ans faisait partie de la délégation de manifestants reçue par la préfecture. Dès samedi, celle-ci propose une mise à l’abri provisoire des 40 personnes les plus vulnérables – pour la plus grande majorité d’entre elles, des femmes avec enfants en bas âge. Toutes devaient être logées à la MJC de M’Gombani, jusqu’à ce que les riverains et le collectif des citoyens de Mayotte s’y opposent et ne les poussent à déménager vers un lieu que les associations préfèrent taire, par peur des représailles de la part des habitants.
Depuis, les plus de 200 personnes restantes attendent, nuit et jour, devant les locaux de Solidarité Mayotte, la seule structure locale à venir en aide aux demandeurs d’asile. « Nous avons organisé une distribution alimentaire samedi. Mais depuis, plus rien. Nous laissons ces gens dehors, la nuit, alors qu’il pleut depuis plusieurs jours », déplore Romain Reille, directeur de l’association, dans l’attente d’une nouvelle réponse de la préfecture. Pendant le week-end, plusieurs personnes armées de machettes sont venues menacer les demandeurs d’asile installés sur un carré de bitumes. « Ils disaient qu’ils ne voulaient pas d’Africains chez eux », retrace Dakidi Massamda, qui, moins d’un an plus tôt, fuyait la République Démocratique du Congo où les rebelles le persécutait. « Nous savons que Mayotte n’a pas les moyens de loger tout le monde », reconnaît-il. « Mais si on nous donnait des petits travaux pour que nous nous rendions utiles, comme le ramassage des déchets sur la route, nous aurions au moins de quoi payer nos bangas. »
Événement emblématique de la lutte contre le cancer du sein, le mois d’Octobre Rose touche déjà à sa fin. L’occasion de mettre en lumière un autre mal, qui touche lui aussi beaucoup de femmes : les violences obstétricales. En donnant naissance à leur enfant, elles sont nombreuses à avoir perdu une part d’elles-mêmes. À porter encore dans leur chair les traces d’un traumatisme qui, dans la plupart des cas, aurait pu être évité. Négligences du personnel médical, manque de suivi, de considération ou de réactivité, les origines de ces violences sont nombreuses, mais souvent tues, entourées de honte et de tabous. Alors, une poignée de Mahoraises ont osé s’exprimer publiquement, raconter comment ce qui devait être le plus beau jour de leur vie est devenu le pire. Et derrière le combat de la libération de la parole, subsiste encore celui de la reconnaissance juridique.
À l’autre bout du fil, les mots de Katia* sont chargés de sanglots. Le souvenir du traumatisme qu’elle a vécu, trois ans plus tôt, est encore vivace dans son esprit. Et pas seulement. Depuis son accouchement, la jeune femme est handicapée physique. En donnant la vie à son fils, la sienne a basculé : depuis ce qui devait être le plus beau jour de sa vie, cette mère, vingtenaire, a perdu l’usage de ses jambes.
Son histoire, Katia peine encore à la raconter. « Mais on doit se battre, ce tabou doit cesser. Aucune femme ne mérite de subir de telles violences. » Alors elle se lance et retrace la trame de son calvaire. Le soir du 20 avril 2017, la jeune femme, alors « en pleine forme », est prise en charge par le CHM. Après une grossesse sereine et sans encombre, elle s’apprête à accoucher de son premier enfant. « C’était censé être un moment merveilleux, magique. Un moment qui serait gravé pour toujours dans ma tête de maman. » Elle se râcle la gorge, aspire une grande bouffée d’air. Comme pour reprendre un peu de courage. « Je n’aurais jamais imaginé qu’un accouchement puisse se passer de cette manière. »
“Cette péridurale, on me l’a imposée”
Lorsque le travail commence, Katia est très claire avec le personnel de santé qui l’entoure : elle ne veut pas d’une péridurale. « La sage-femme stagiaire m’a posé plus de trois fois la question, à chaque fois, j’ai répondu non, je voulais accoucher de manière naturelle. » Quelques heures plus tard, la soignante revient : « Si tu n’acceptes pas cette péridurale, tu ne vas pas accoucher. » Katia ne comprend pas. « On est débordés, me dit-elle, on a beaucoup de femmes dans ton cas, et nous ne sommes pas nombreuses. Alors c’est à toi de décider. » Mais la jeune femme n’aura jamais vraiment le droit de choisir. « Cette dame m’a obligée à dire oui. Cette péridurale, on me l’a imposée sans même m’expliquer pourquoi. »
L’anesthésiste se présente à elle. « Ils m’ont dit de me retourner. » Il pique une première fois, « sans succès ». Une deuxième fois, « non plus ». La troisième ? « Je ne sais pas ce qu’ils ont fait, mais je les ai entendu dire que c’était très compliqué. » Katia s’inquiète, interroge le personnel de santé. « On m’a juste dit de ne pas me retourner. » La peur la gagne, la fatigue, aussi. « Je me suis sentie comme une vache à l’abattoir qui attendait sa fin. » À bout de force, la jeune femme parvient tout de même à accoucher. « Quand mon bébé est venu au monde, les sages-femmes l’ont déposé sur mon ventre puis sont reparties très vite avec lui. Il n’avait pas poussé de cri, tout le monde paniquait. » Katia, elle, se prépare à rentrer en chambre. Mais alors qu’elle tente de se mettre debout, elle s’écroule. Ses pieds ne la portent plus. Sa mère l’aide à se relever, l’accompagne jusqu’à son lit. « Une fois installée, ma mère et la soignante sont sorties de la chambre. Là, elle lui a dit que j’allais rester paralysée. » La raison ? La jeune mère ne la connaîtra pas. Pas même après trois ans d’appel à l’aide lancé auprès de l’hôpital, contre qui elle a décidé d’engager des poursuites. « Je vis dans le noir, dans le sombre. J’ai l’impression de n’avoir aucun droit », explose Katia, en larmes. « Chaque jour, mon enfant me demande quand est-ce que je pourrais marcher comme les autres… »
Depuis, elle a dû quitter son emploi et abandonner sa maison, dont les escaliers lui empêchaient tout accès. Il y a une poignée de mois, Katia s’est rapprochée d’une sage-femme libérale. « Elle m’a expliqué un certain nombre de choses sur mon état, notamment que je devais obligatoirement faire des rééducations. » Ce que l’hôpital n’avait pourtant jamais mentionné. « Aujourd’hui encore, je ressens des douleurs. Il y a des nuits insupportables au niveau de chaque articulation. La douleur me tue, je souffre et j’encaisse ! Ma vie est devenue un calvaire. » Et la reconnaissance de son handicap, sans aucun document du CHM, un chemin de croix.
Les survivantes brisent le silence
Jusqu’à la fin de sa vie, Katia portera en elle les cicatrices de ce traumatisme, dont les stigmates hantent sa vie de femme, de mère et d’épouse jusque dans les moindres détails. Mais en brisant le silence, Katia espère ouvrir une voie et donner le courage de parler à toutes les autres femmes qui, comme elle, ont souffert de négligence, d’un manque d’écoute, de transparence, de considération, le jour où elles s’apprêtaient à donner la vie. Le jour où la leur reposait sur des professionnels de santé. « Les plus gros problèmes viennent de la prise en charge. La plupart du temps, les patientes qui sont là pour accoucher sont confrontées à des personnels trop peu nombreux, qui agissent parfois comme des machines. Mayotte ne doit pas être un terrain d’expérimentation mais j’ai l’impression qu’il faut se battre pour mieux montrer ce que ces situations impliquent. » Ce combat, Katia a depuis décidé d’en faire le sien en libérant la parole.
Il y a cinq mois, elle créait une page Facebook dédiée : « Stop aux violences obstétricales à Mayotte. » Le soir-même, elle compte déjà 50 abonnés. Le lendemain, ils étaient 100. Au total, elle recevra une vingtaine de témoignages. « Lorsqu’on subit ces violences, on a le sentiment de ne pas pouvoir en parler, de ne pas pouvoir se manifester. Nos paroles ne sont jamais prises en compte. Mais nous avons des droits, le droit de dire non, le droit de ne pas accepter ce qu’on nous impose. Ces témoignages sont très importants, ils nous libèrent, d’autant plus que certaines femmes n’osent pas engager de poursuites, par honte d’être jugées ou par peur d’être reconduites, selon les situations. » Sans compter la douleur psychologique de devoir rouvrir de vieilles plaies, de redonner vie à des souvenirs qu’elles voudraient à tout prix effacer. Pourtant, Sandati*, dont Katia a rendu public le témoignage, n’a jamais hésité à mener, elle aussi, ce combat.
À la naissance de son fils, dans un établissement qu’elle craint encore de nommer, son bébé lui est arraché des bras et conduit dans un autre service pour qu’il bénéficie de « soins particuliers », sans plus d’explications. Elle découvrira plus tard que son enfant souffre de séquelles graves, jamais diagnostiquées au cours de sa grossesse, pourtant rigoureusement suivie. « Ce n’est qu’après plusieurs semaines que nous avons appris que notre fils n’aura pas la même chance que les autres, c’est-à-dire aller à l’école, dire ses premiers mots, nous raconter ses journées », égraine douloureusement Sandati.
Là débute un long combat pour faire tenter de déterminer la pathologie du bambin, ses causes, et la possible négligence lors de l’accouchement. Une procédure longue et coûteuse, tant financièrement qu’émotionnellement. « Tout ça nous oblige à revivre cette nuit horrible constamment. Tout ce que nous voulons, c’est comprendre ce qui s’est passé et que si des erreurs ont été commises, elles soient reconnues. Mais cela ne nous enlèvera jamais la tristesse et la rage que nous ressentons envers le système qui nous a volé notre bonheur. » Et les témoignages comme ceux-là sont encore nombreux.
« À mon réveil, on m’annonce la nouvelle : la mort de mon bébé »
Le 17 juillet 2020, Roukia* se présente au dispensaire de M’Ramadoudou à 9 heures du matin pour des pertes de sang, alors que sa grossesse est à son terme. Deux heures d’attente et une prise de sang plus tard, le corps médical lui explique qu’elle présente un bouchon bénin. Qu’elle ne s’inquiète pas, elle peut rentrer chez elle sans danger. En milieu de journée, les premières contractions commencent. Roukia endure la douleur jusqu’à 20 heures. Finalement, son mari la ramène à M’Ramadoudou, où elle ne tardera pas à perdre les eaux. « C’est là que le cauchemar commence. »
La sage-femme détecte une grave anomalie : le cordon ombilical s’est enroulé autour du cou du bébé, l’une de ses mains coincée au-dessus de sa tête. « Prise de panique, elle appelle le CHM qui lui explique que je ne dois surtout pas essayer de pousser, sans quoi le bébé s’étranglerait. Mais pour moi, c’était impossible tant il me donnait des coups de pieds. Je ne pouvais pas me contrôler. » La sage-femme rappelle l’hôpital, mais l’hélicoptère n’est pas disponible, alors qu’une ambulance ne pourra pas être envoyée avant 30 minutes. « L’attente est très longue, je me retrouve avec le bras de la sage-femme à l’intérieur de mon utérus pour essayer de maintenir le bébé en vie. »
Après une attente insupportable, Roukia monte enfin dans le véhicule, direction Mamoudzou, le poing de la soignante toujours nichée dans son intimité. « Elle voulait à tout prix éviter que le bébé arrête de respirer. » Une demi-heure passe, les femmes arrivent au CHM. « On m’a emmenée en salle d’opération, césarienne direct. » L’intervention dure une, voire deux heures. « À mon réveil, on m’annonce la nouvelle : la mort de mon bébé. » Et avec lui, une partie d’elle.
* Noms d’emprunt
« On n’est jamais à l’abri d’une complication »
« Nous avons tout ce qu’il faut dans le service en termes d’équipement, mais l’activité est importante », défend le docteur Madi Abou, chef de pôle gynécologie et obstétrique du CHM. « Aucune structure en France n’accouche autant de bébés que nous avec le même nombre de médecins. D’autant plus qu’en général, ils ne restent pas longtemps, et même si on avait plus de moyens, les recrutements ne sont pas évidents. » Pour le professionnel de santé, cette sur-fréquentation de la maternité, où des femmes accouchent parfois dans les couloirs, couplée à un manque d’effectif, peuvent en effet occasionner des situations exceptionnelles, ou vécues comme telles. « Oui, par manque de temps, nous manquons parfois de communication avec les patients, mais nous n’imposons jamais une décision médicale sans leur consentement ! » En atteste, selon lui, le faible nombre de péridurales pratiquées comparativement aux autres territoires français. « En matière obstétricale, nous ne sommes jamais à l’abri d’une complication, bien qu’elles soient très isolées. Il peut toujours y avoir des problèmes imprévisibles. Nous sommes parfois contraints de sortir un bébé en 20 minutes lorsque sa vie est menacée, et là encore, c’est la communication qui en pâti. » Autre motif de complication, le manque de suivi des grossesses, notamment au moment de la première échographie. « Les premiers mois, beaucoup de femmes cachent leur grossesse, ou ne vont pas consulter parce qu’elles estiment que tout va bien, alors forcément, après, on se rend compte de certains problèmes qu’on n’avait pas vus avant… » Quoi qu’il en soit, Madi Abou assure que son service demeure pleinement disponible aux femmes qui estiment avoir vécu un accouchement traumatisant. Certaines d’entre elles, pourtant, ne sont pas du même avis.
En réponse à un préavis de grève illimitée déposé pour ce lundi 26 octobre, la directrice de l’agence régionale de santé, Dominique Voynet, joue la carte de la transparence et remet en cause les pratiques des organisations syndicales. Elle rappelle tout le chemin parcouru depuis la création de l’ARS et espère que les prochaines élections professionnelles prévues en novembre atténueront les tensions.
Depuis deux semaines, un préavis de grève illimitée plane au-dessus de la tête de l’agence régionale de santé. Après une première tentative échouée, un mouvement social porté par quatre organisations syndicales doit bel et bien se tenir à compter de ce lundi 26 octobre. « Avant mon départ en métropole, j’ai proposé aux agents de les rencontrer à mon retour, ce vendredi matin », précise Dominique Voynet, la directrice de l’institution sanitaire. Seul hic, deux délégués départementaux et pas de la maison se pointent à l’heure du rendez-vous. Une initiative qui fait bondir l’ancienne ministre. « Le protocole ne prévoit pas des personnes extérieures à l’ARS. Elles se sont imposées à une réunion à laquelle elles n’étaient pas invitées, j’ai trouvé cela discourtois. » Car là est le problème… Les élections professionnelles, qui devaient initialement se tenir au mois de mai, ont été reportées au 28 novembre pour « éviter une campagne en pleine épidémie ».
Et jusqu’à cette date fatidique, seuls 2 délégués de la CGT et 3 de l’UNSA, passés depuis sous la coupe de la CFDT, sont reconnus comme « des représentants légitimes du personnel » et siègent au comité d’agence provisoire. FO et CFE-CGC sont donc out de toute discussion jusqu’à nouvel ordre avant le vote tant attendu. « L’ARS est régie par le code de la santé publique, pas par le code du travail. Pour ce qui concerne le dialogue social, les syndicats savent que ce sont les centrales syndicales nationales qui assurent cette phase d’entre eux. » Pour démêler ce schmilblick, Dominique Voynet propose un travail en deux temps : un premier en interne et un second, ce lundi, pour échanger sur les orientations avec les « autres » interlocuteurs.
Coup de pression dans les services
Un énième souci dans la jeune histoire de l’ARS, créée au 1er janvier 2020. « Je suis inquiète et préoccupée par ce qu’il se passe à l’ARS alors que j’ai besoin qu’elle soit en état de marche », torpille-t-elle, tandis que la situation sanitaire semble de nouveau se dégrader, à la vue de la publication des derniers chiffres. « La CFDT fait le tour des service pour mettre la pression sur les agents, notamment des femmes et des jeunes qui se retrouvent isolés. Le travail n’est pas au rendez-vous. Le syndicat fait preuve d’une force de persuasion qui va bien au-delà de ce que nous pouvons accepter au sens démocratique. »
Dominique Voynet joue donc cartes sur table pour répondre une nouvelle fois aux différentes revendications. Concernant la formation individualisée, celle qui se définit comme « une fonctionnaire qui met en œuvre la politique gouvernementale » précise que les crédits pour l’année 2020 ne sont pas tous consommés et que le renforcement des compétences des agents reste l’une de ses priorités, depuis la scission avec La Réunion. « Il faudrait que je sois folle de les qualifier d’incompétents », confie-t-elle, précisant au passage la nomination de cinq mahorais à des postes clés depuis son arrivée à la tête de l’ARS. Au sujet du plan régional de santé, qui court jusqu’en 2027, elle tient à rassurer sur d’éventuels oublis, comme l’intégration du second hôpital. « Il va faire l’objet de procédures plus légères pour le réviser », confirme-t-elle. Quant à son bras droit, Salim Mouhoutar, elle avoue que l’officialisation du « statut de DGA a traîné », mais que ce problème est désormais « réglé ». Selon Dominique Voynet, ces conflits internes peuvent coûter gros à l’ARS. « Il n’y a pas un enthousiasme déroutant à Paris, il faut que nous dépotions nos dossiers et que nous prouvions nos compétences. » À l’instar des millions d’euros débloqués pour l’avion et l’hélicoptère sanitaires, deux moyens de transport indispensables pour un territoire comme Mayotte. « Il faut se battre comme un chien pour recevoir des fonds », défend-elle.
Par conséquent, la directrice générale en appelle à la responsabilité de tous pour éviter une nouvelle crise à partir de ce lundi 26 octobre. « J’entends bien ce qu’on nous explique sur la solidarité contrainte. En même temps, je crois aussi aux valeurs républicaines : un homme est égal à une voix. Je respecte chaque agent pour sa singularité et son appartenance au groupe. » Une petite tape sur les doigts en direction de ces « un ou deux mâles alpha qui décideraient à la place des autres ». Toujours est-il que Dominique Voynet a conscience qu’il est l’heure pour chacun de mettre de l’eau dans son vin : « Je veux résoudre ce malaise, avec mes agents. Ce n’est ni mon intérêt ni mon intention de ne pas dialoguer. » Message transmis !
Cinq prévenus devaient être jugés ce vendredi pour les affrontements qui avaient agité la commune de Tsingoni début septembre. Mais faute des résultats d’une expertise ADN, ils devront encore attendre jusqu’au 13 novembre prochain pour retrouver leur liberté… ou le contraire.
Les images de voitures carbonisées et de jeunes encagoulés, barres de fer et caillasses au poing, avaient donné des airs de scènes de guerre à la commune de Tsingoni. C’était en septembre dernier, il y a à peine deux mois, quand des bandes rivales de Miréréni et Combani avaient décidé d’en découdre, mettant alors à feu et à sang ces villages du centre de l’île.
Ce vendredi, ils étaient cinq à comparaître devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou. Cinq lascars placés en rang d’oignon dans la petite salle d’audience climatisée. Un peu comme on les imagine devant leurs barrages de bambous et de broussailles il y a deux mois, mais les armes en moins. Et plutôt les menottes en plus pour trois d’entre eux, arrivés à l’audience flanqués d’une escorte de gendarmes. Depuis leur interpellation au lendemain des violences, les cinq prévenus font l’objet de mesures de sûreté. Deux ont été placés sous contrôle judiciaire et doivent remplir certaines obligations comme l’interdiction de se rendre à Tsingoni, ou l’obligation de pointer à la gendarmerie. Les trois autres sont en détention provisoire à Majicavo, dans l’attente de leur jugement.
Un renvoi “insupportable” pour la défense
Manque de pot pour eux, il leur faudra attendre encore un peu pour cela ! En l’absence des conclusions d’une expertise ADN, se posait la question du renvoi de l’affaire à une date ultérieure. Une pièce “fondamentale” pour permettre leur jugement, a fait valoir la substitute du procureur. “C’est insupportable ! Les trois qui sont placés en détention le sont uniquement parce qu’ils sont Comoriens. Celui-ci est élève à Kahani, et pendant ce temps, il ne va pas à l’école avec ses camarades”, s’est désolé leur avocat Maître Nizary. Côté partie civile aussi, l’on espérait se passer du renvoi. “Tous les jours, ces bandes viennent me menacer pour prendre de l’alcool, je risque même ma vie en venant ici pour témoigner”, a réagi la plaignante en se levant de son banc. Leurs arguments n’auront toutefois pas convaincu les juges, qui opteront pour une nouvelle date d’audience, le 13 novembre prochain.
Vols et attroupements
Mais la procédure ne s’arrête pas là. Mesures de sûreté obligent, les magistrats devaient aussi statuer sur le maintien, la modification ou l’annulation des restrictions imposées aux prévenus, et décidées à l’issue de leur garde à vue par le juge des libertés et de la détention, le 25 septembre dernier. C’est donc une sorte de répétition d’audience qui s’est tenue pendant plus de deux heures ce vendredi, avec pour objectif de déterminer si les faits reprochés et les personnalités des individus étaient toujours compatibles avec ces mesures de sûreté. Parmi les faits qui leur sont reprochés figurent dans le désordre au moins deux vols dans deux endroits différents de la commune, commis le 9 septembre en réunion, la participation à un attroupement avec armes, et la dégradation de biens.
“C’est quand même pas de chance”
Côté personnalité, les robes noires n’avaient pas vraiment affaire à des caïds cette fois-ci. Casiers judiciaires vides, parcours sans histoire et respect de leurs obligations judiciaires… Plutôt du genre désoeuvrés embrigadés dans un cercle vicieux de vengeance/défense de leur village contre leur rivaux de Combani. Ironie du sort, l’un d’eux, animateur sportif à l’Office municipal des sports (OMS) de Tsingoni, espérait même obtenir l’allègement de son contrôle judiciaire pour signer son nouveau contrat et lancer son association de lutte contre la délinquance. Le jeune actif avait presque son stylo à la main et un voyage associatif à La Réunion dans ses cartons, avant se faire pincer ! Un autre pointait au RSMA depuis dix mois. Et l’un des détenus, qui venait d’avoir 18 ans au moment des faits – “c’est quand même pas de chance”, glissera le président – prépare son bac. Quand on leur pose la question, les trois placés en détention tiennent tous à peu près le même discours : la vie en prison est “difficile à supporter”.
Bref, la relative insertion de la bande poussera la procureure à requérir des modifications dans leurs mesures de sûreté. Et même, à demander le placement sous contrôle judiciaire des trois détenus mais en ajoutant pour les cinq une interdiction d’entrer en contact avec la plaignante, “au vu des pressions que Madame évoquait en début d’audience”. Une clémence qui mérite d’être soulignée, alors que le parquet, représentant des intérêts de la société civile, est plutôt du genre à vouloir serrer les vis. Mais les juges ne partageront pas son analyse, cette fois-ci, et décideront du maintien en l’état des mesures de sûreté pour les cinq prévenus, jusqu’à leur prochaine audience. “Vos formations et vos contrats, vous vous en occuperez après vos audiences de jugement”, conclut le président de l’audience. Sans autre forme de procès.
Annoncé depuis plusieurs semaines, la préfecture vient de signer son premier pacte de sécurité avec une commune du territoire, celle de Mamoudzou. Ce partenariat conduit à une meilleure articulation entre le maire et le préfet et à une plus grande visibilité des forces de sécurité. Renforcement des effectifs des polices nationale et municipale, installation de caméras dernière génération, déploiement de l’éclairage public, destruction d’habitats illégaux et prévention de la délinquance sont les grands axes de travail.
Râbaché à chacun des déplacements du préfet, c’est enfin officiel ! Le délégué du gouvernement, Jean-François Colombet, et le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, ont signé ce jeudi 22 octobre le premier pacte de sécurité du territoire pour une durée de 3 ans. « Un message fort pour l’ensemble des administrés », assène l’édile en préambule. Malgré les mesures sanitaires lors du protocole, les sourires se dessinent derrière les masques des deux hommes. Et pour cause, ce partenariat « rénové et renforcé » doit permettre d’atténuer les tensions mais aussi et surtout de retrouver un semblant de paix sociale, alors que le 101ème département vit sous la coupe d’une recrudescence de la délinquance ces derniers mois. Un sentiment plus que partagé par le locataire de la Case Rocher qui martèle qu’il est désormais temps de « regarder dans la même direction lorsqu’il s’agit d’assurer la sécurité de nos concitoyens ». Preuve de ce rapprochement, la présence du chef de la sécurité publique de Mamoudzou, Sébastien Halm, et du directeur de la police municipale par intérim, Anfane M’Dogo. Une communion main dans la main ou presque… Distanciation physique oblige.
Caméras modernes, inaccessibles et incassables
Mais concrètement, que trouve-t-on dans ce pacte ? « C’est précis, nous désignons des référents avec des numéros d’appels joignable en permanence, 24h sur 24, 7 jours sur 7, pour permettre une fluidité des informations », souligne Jean-François Colombet. Plus le droit aux excuses donc ! D’autant plus que de nouveaux effectifs vont venir grossir les rangs des deux unités. D’un côté, l’État prévoit d’envoyer 25 fonctionnaires avant la fin de l’année ainsi que 10 véhicules, suivis de 18 en 2021, de l’autre, la mairie s’engage à recruter 8 policiers municipaux pour passer l’équipe à une capacité de 45 agents. Et en plus du bâtiment déjà en service aux abords du marché couvert pour ajouter de la proximité, « nous allons créer d’autres postes avancés à proximité des mairies annexes de Passamaïnty et de Kawéni », rajoute Ambdilwahedou Soumaïla, qui vante les mérites de son arrêté, paraphé début septembre, pour interdire la vente à la sauvette sur cette zone.
Et ce n’est pas tout. Pour favoriser leur travail au quotidien, la commune doit se doter d’un système de vidéoprotection dernier cri. « Des caméras modernes, inaccessibles et incassables pour favoriser l’élucidation des faits », précise le préfet, pour défendre ce dispositif qui porte pourtant atteinte aux libertés individuelles. « Dans les grandes métropoles, quand il y [en] a, c’est plus calme en centre-ville. Une forme de sérénité s’installe. » Or, selon Laurent Mucchielli, sociologue auteur de « Vous êtes filmés – enquête sur le bluff de la vidéosurveillance », la présence d’images utiles n’est avérée que dans 1 à 3% du total des enquêtes réalisées dans l’année sur une commune. Sans compter que ces outils ne protègent pas la population des vols ou des agressions et surtout qu’ils déplacent simplement les problèmes vers d’autres endroits.
Les jeunes à la lisière de la délinquance
Suffisant pour stopper ou tout du moins diminuer les actes de violence ? Pas sûr donc… Alors la municipalité compte renforcer l’éclairage public, le cheval de bataille du premier magistrat depuis son élection, pour réduire les délits. Un enjeu encore plus indispensable à la vue des nombreuses zones d’ombre dans certains quartiers. À ce sujet, la ville chef-lieu s’associe au conseil départemental, qui a voté une subvention exceptionnelle de 10 millions d’euros en ce sens. Autres efforts réalisés avec « la mise en place de fourrières véhicules et animaux car des bandes disposent de chiens dangereux » et l’engagement de traiter à la racine l’occupation illégale du foncier. « Nous allons détruire ces habitats que ce soit en flagrance grâce à l’aide de la police municipale ou par le biais de la loi Elan. Nous voulons agir méthodiquement sur ce point. » Au-delà de tous ces aspects régaliens, la médiation, via les groupes de médiation citoyenne, joue un rôle primordial dans le profilage « de ces jeunes à la lisière de la délinquance pour les orienter vers des pistes de formation ». Un chantier entrepris depuis plusieurs mois qui tarde encore à faire ses preuves.
« Heureusement que la police est là ! »
Pour résumer, ce pacte de sécurité s’organise autour de plusieurs grands principes. Avec tout d’abord une circulation plus fluide des informations opérationnelles entre les deux institutions. Mais également une gouvernance plus efficace « aussi bien au niveau des services qu’à l’échelle politique » grâce à des rencontres stratégiques plus régulières – 1 fois par mois – pour évoquer en long, en large et en travers les sujets sécuritaires. « Ce pacte doit conduire à une meilleure articulation entre le maire et le préfet », promet Jean-François Colombet. Et aussi « à une plus grande visibilité des forces de sécurité, la nuit en particulier, pour que les habitants puissent sortir de chez eux sans tomber sur des malfaisants ». Ce document qualifié de « très équilibré » mêle la sécurité publique, l’insertion et la formation. « Nous appliquerons ce pacte sous le regard des observateurs car ce protocole est public », assure le préfet au moment de la signature. Bien aidé par le stylo d’Anfane M’Dogo… « Heureuseulement que la police est là ! », note-t-il alors avec une pointe d’humour. Un acte prémonitoire ?
Management, développement durable, développement numérique, coopération régionale et même surf… Nombreuses ont été les thématiques abordées par le scientifique Joël de Rosnay, intervenant à l’occasion du 3ème forum économique de Mayotte. Ce jeudi après-midi, il animait à distance un atelier de réflexion autour de la perspective « Mayotte 2050 ». Au cœur des échanges, les innovations futures qui pourraient faire de l’île une vitrine mondiale et attirer de potentiels investisseurs extérieurs.
Au deuxième et dernier jour du troisième forum économique de l’île, les petits masques en tissu estampillés « Oui Mayotte ! » étaient encore nombreux, jeudi après-midi, sous le toit de l’hémicycle du conseil départemental. Il faut dire que l’atelier du jour, « Mayotte 2050, importance du lien humain, social, de l’énergie et du numérique » était animé par une pointure. Si certains connaissent Joël de Rosnay comme l’un des piliers du surf en France, c’est cette fois en sa qualité de prospectiviste que le scientifique intervenait, par visioconférence, face aux acteurs du tissu économique local. L’objectif du question-réponse du jour : développer des pistes de réflexion qui, sur le plan technologique, numérique et scientifique notamment, pourraient faire rayonner Mayotte et ses innovations futures, dans sa région et au-delà.
« Il faut anticiper, prévoir et s’adapter, comme pour le surf ! », introduit le conférencier à la façon d’un mantra. « Mayotte a largement de quoi devenir un laboratoire expérimental pour la France, et dans le monde. » Mais avant de rentrer dans le concret, Joël de Rosnay prévient d’emblée : pour développer la coopération, notamment avec les pays voisins que sont Madagascar et les Comores, « il faut favoriser la communication numérique en réseau. En créant un réseau humain et numérique d’échanges, on peut créer une interaction dynamique et de nouvelles valeurs, de nouvelles idées pourront émerger ». Autrement dit, le développement de l’accès au numérique dans la région, via notamment la diminution des coûts d’accès, sont les premières conditions sine qua non pour qu’enfin, Mayotte deviennent une terre d’innovation, comme l’ambitionne le forum économique.
« Mayotte peut aussi suivre les traces de l’énergétique moderne »
Voilà pour les bases. « Mais dans le monde d’après, il faut des résultats ! », s’inquiète un participant. Là, Joël de Rosnay ne manque pas d’idées, et cite en exemple le cas du groupe Rogers, né à Maurice, son île natale à lui aussi. « Il s’agit d’une grande entreprise qui a développé sur le terrain des actions concrètes et expérimentales en relation avec les pouvoirs publics, les particuliers, les administrations… », et qui s’est particulièrement illustrée dans le milieu du tourisme. « L’éco-tourisme permet d’ailleurs d’établir des règles et des contraintes pour que l’environnement soit respecté », sourit le conférencier, interrogé sur la préservation des récifs coralliens dans le futur. Là encore, Joël de Rosnay invite à s’inspirer de Maurice, où les élevages de coraux permettent de réintroduire l’espèce dans les milieux les plus menacés.
« Mayotte peut aussi suivre les traces de l’énergétique moderne ! », assure Joël de Rosnay, en évoquant les perspectives que peuvent représenter la production d’hydrogène, « qui attire de plus en plus », ou le développement local du mix énergétique. « Il faut être capable d’utiliser les énergies entre elles plutôt que séparément. C’est ce que j’appelle les trois E : économie ; efficacité énergétique et énergie renouvelable. » Puis dans l’assemblée, une entrepreneuse s’inquiète : « Est-ce que nous, chefs d’entreprise, ne serons pas juste spectateurs de ce développement là ? » Surfant encore sur la vague du positivisme, Joël de Rosnay la rassure : « Il va falloir créer des groupements d’intérêt économique, qui sont d’une grande force sur le plan juridique notamment ! » Pendant une heure encore, les idées fusent, tout azimut : créer une école de leadership, qui serait la première de l’océan Indien ; innover dans les biopesticides et les faire expérimenter localement ; lancer des master class données par des élèves spécialisés dans leur domaine à d’autres élèves moins experts, à la façon de ce que propose déjà Universcience à Paris. En d’autres termes, l’innovation passera par la co-construction et la co-éducation, ou ne passera pas. « Il ne s’agit pas de développer l’économie pour construire des autoroutes, mais pour construire le bonheur des Mahorais », insiste le directeur de l’Adim, Frantz Sabin. Alors, après les discussions, place à l’action.
Mayotte a une carte à jouer pour se positionner sur ce méga-projet estimé à plus de 50 milliards de dollars. Mais le département va devoir s’adapter pour séduire les industriels qui auront bientôt besoin d’une base arrière pour exploiter les gisements de gaz. Et vite.
L’heure tourne et Mayotte a encore du pain sur la planche pour devenir cette fameuse “base arrière” que tout le monde appelle ici de ses voeux. C’est en substance le message qu’ont souhaité faire passer les intervenants pour la conférence sur le projet gazier du Mozambique à l’occasion du deuxième jour du Forum économique, ce jeudi. “Cela fait maintenant plusieurs années que nous sommes sur le dossier : ce n’est pas encore gagné, il reste du travail à faire, mais nous avançons”, a ainsi retracé Ben Issa Ousséni, président de l’ADIM, en donnant le coup d’envoi de ce nouveau tour de table.
Pour rappel, ces gisements gaziers découverts au large des côtes du Mozambique ont subitement attiré les convoitises sur l’un des pays les plus pauvres de la planète. La concurrence promet d’être féroce pour se partager ce gâteau estimé à 50 milliards de dollars. Et il y a donc de quoi remporter une jolie mise, à condition de savoir faire ses jeux… Trois compagnis d’extraction, Total, Exxon et ENI, ont déjà avancé leurs pions.
“Tirer son épingle du jeu”
Or, ces géants industriels auront besoin de tout un tas de fonctions supports pour développer leurs activités : acheminement des équipements, déplacements des personnes, évacuations sanitaires… Le 101e département, idéalement situé à l’entrée du canal du Mozambique, espère donc bien “tirer son épingle du jeu”, pour reprendre l’expression de Christophe Remoué, directeur général d’Evolen, une association qui entend promouvoir l’excellence française dans l’’industrie des hydrocarbures. Mais le compte à rebours a commencé.
“Nous devons nous préparer à mettre à jour nos structures portuaires et aéroportuaires d’ici un ou deux ans, mais aussi nos administrations qui vont devoir s’habituer à ces va-et-vient par Mayotte”, a évoqué Ben Issa Ousséni. Un voeux pieu quand on sait qu’à Mayotte, les volcans poussent plus vite qu’une piste longue ou une retenue collinaire… Le Département a en effet tout intérêt à développer la logistique dans la zone portuaire, et aéroportuaire, mais aussi à prendre en considération les besoins en hébergement, pour les personnes qui travailleront sur les projets. Et donc aussi à développer son offre touristique.
Créer un cluster d’entreprises
La bonne nouvelle ? C’est que depuis un an, et la dernière édition du forum, des premiers jalons ont déjà été posés. Sous l’impulsion de la préfecture, un cabinet de conseil a par exemple permis d’apporter des idées pour permettre à Mayotte de se positionner. “Je relève une piste intéressante, c’est un cluster d’entreprises pour représenter Mayotte et coordonner les efforts”, développe Christophe Remoué. “Ce qui est important, c’est de vous regrouper, de définir votre offre, et de parler à ces acteurs internationaux.”
Adaptations en vitesse
“On parle de projets qui ont une durée de vie longue, donc il y a un peu de temps pour s’adapter. Mais certaines adaptations doivent quand même être menées en vitesse”, a rappelé François Kerdoncuff, dirigeant de la société de conseil et d’assistance technique Cayambe. Parmi les priorités : des aménagements au port, et des adaptations institutionnelles, en premier lieu desquelles la fiscalité et les droits de douanes. Du côté du port, le quai 2 d’une longueur de 230 mètres sera en mesure d’accueillir les grands navires, et des réhabilitations sont prévues d’ici septembre 2021 pour permettre le stockage indispensable aux équipementiers, a assuré Ida Nel, la présidente de MCG.
Proposer une offre compétitive
Et parmi eux, justement, l’entreprise TechnipFMC, l’un des sous-traitants sélectionnés par Total pour les installations sous-marines sur son projet Golfinho. Venues tâter le terrain fin septembre, ses équipes ont été séduites par les atouts qu’offrait le territoire. “Nous avons besoin d’une zone avec de bonnes conditions douanières, d’une baie abritée pour nos navires, d’entreprises pour traiter nos déchets, de transport local et d’hébergement pour nos personnels…”, a listé Denis Hattet, chef d’opérations chez TechnipFMC. Qui a toutefois conclu sa prise de parole par une mise en garde : “Nous ne venons pas en investisseur mais en client : il nous faut une offre attractive et compétitive, celle qui nous proposera le meilleur rapport qualité/prix.” L’industriel se laisse jusqu’à la fin de l’année pour décider d’arrêter ou non son choix sur l’île au lagon. Tic tac.
La DJSCS État, la Ligue de l’enseignement, le Cros Mayotte et le Rectorat ont présenté ce mercredi la première junior association de l’île. Désormais, la jeunesse mahoraise pourra conduire ses propres projets pour le développement du territoire.
Ils s’appellent Aïna Lyna, Farouk, Sahilou Rayka, Faizati, Ankifina, Khalad-Combé, Abdoulraouf, Nouria, Fayzouna et Oihitoinia, viennent de Koungou et ne se connaissaient pas tous il y a encore quelques mois. Mais parce qu’ils ont de l’ambition pour leur ville, ces étudiants du Lycée des Lumières à Mamoudzou Nord ont décidé de se rassembler pour former un seul et même groupe qu’ils ont baptisé L’Espoir, C’est Nous. « Nous nous sommes rendu compte que nous étions animés par les mêmes préoccupations : la défense de la culture et de la biodiversité mahoraises dans notre commune. Alors durant le confinement, nous avons enchainé les visioconférences pour pouvoir aboutir à ce projet », explique Aïna Lyna Imourana, 15 ans, leur porte-parole. « La première étape était de créer l’association et nous y sommes arrivés le 30 septembre dernier. »
Accessibles sur le réseau social Instagram (lespoircest.nous) et par mail (lespoircestnous@gmail.com), les jeunes membres de l’association ont défini quatre pôles autour desquels ils oeuvreront pour « contribuer au bien-être des jeunes de la commune de Koungou en replaçant l’entraide et le soutien au cœur des projets ». Il s’agit de l’environnement avec un travail de sensibilisation et de ramassage ; la culture avec des sorties découverte ; la scolarité avec notamment des ateliers d’éloquence ; le dernier pôle gravite autour de la communication et des médias, avec entre autres, un projet de promotion des talents.
L’Espoir C’est Nous est une association pas comme les autres. C’est la toute première « junior association » de Mayotte. « En France, le RNJA [Réseau national des juniors associations] a été créé en 1998 et j’y étais ! J’étais à l’époque conseiller d’éducation populaire et de jeunesse et j’avais participé au séminaire de réflexion ayant abouti à la mise en place de ce dispositif. 22 ans après, je suis très fier qu’il arrive à Mayotte », confie Patrick Bonfils, directeur de la Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS) État.
Revendiquer le droit d’agir
Cela fait donc plus de deux décennies que le Réseau national des juniors associations propose aux jeunes français âgés entre 11 et 18 ans de se regrouper autour d’un projet, et de le concrétiser à travers la création d’une junior association. Le RNJA permet aux membres des juniors associations de se concentrer sur le développement de leurs idées en les libérant des contraintes administratives – création du cadre juridique, affiliation à une assurance, création et gestion du compte bancaire – qu’on retrouve dans une association classique. L’action de l’institution ne se résume pas qu’en la gestion des démarches administratives des juniors associations.
Le RNJA met en marche son réseau pour donner aux jeunes engagés un maximum de chances de réussir leur projet. Enfin, la maison mère des juniors associations s’assure de l’accompagnement de ses structures. En juin dernier, le RNJA a signé une convention avec la DJSCS État, la Ligue de l’enseignement et le Comité régional olympique et sportif (Cros) de Mayotte, à qui mission a été confiée d’encadrer les juniors associations de Mayotte.
L’émergence des juniors associations ravit en tout cas Bacar Achiraf, le président de la Ligue de l’enseignement. « Cela montre que les jeunes mahorais sont ambitieux, qu’ils savent prendre des initiatives, qu’ils souhaitent être responsables et qu’ils veulent prendre leur place dans la société. À travers leur implication dans le monde associatif, ils vont apprendre à porter des projets, à défendre des points de vue, à mettre en place des actions et à rendre compte. C’est un apprentissage pour leur prochaine vie d’adulte. »
« Ce n’est que la première junior association d’une longue série »
La Ligue de l’enseignement effectuera les dépenses au nom de la junior association lorsque les jeunes porteurs de projets solliciteront son intervention financière. Il en sera ainsi pour toutes les juniors associations de Mayotte. Car l’Espoir C’est Nous, « ce n’est que la première junior association d’une longue série », espère Patrick Bonfils. La deuxième est d’ailleurs déjà en cours de création, à Kahani. Pour couvrir l’ensemble du territoire, la Ligue de l’enseignement et le Cros Mayotte, les deux relais départementaux du RNJA, se sont répartis les communes, mais géreront tout de même, ensemble, les grandes communes de l’île. « On a souvent tendance à associer le Cros Mayotte au sport, et à oublier que le Cros Mayotte, ce n’est pas que le sport », note Madi Vita.
« Nous avons quatre missions régaliennes et l’une d’elles, nommée « Sport, éducation et citoyenneté » couvre le service Crib [Centre de ressources et d’information pour les bénévoles], qui s’adresse à l’ensemble des associations mahoraises, sportives ou non », rappelle le président du Cros Mayotte. Ce n’est que le début de l’aventure pour les juniors associations. Grâce à ce dispositif, les jeunes mahorais, leurs idées, leurs projets seront le centre d’intérêt aux yeux des décideurs et financeurs. Une chose est sure : la DJSCS, la Ligue de l’enseignement, le Cros Mayotte et le Rectorat y veilleront.
La société Eden Island vient de poser la première pierre de l’hôtel de l’aéroport qui vient gonfler de 80 chambres les capacités d’hébergement de touristes sur le territoire. Une étape symbolique, après un parcours semé d’embûches pour les porteurs du projet.
“Pfff… Oh la la !” Voilà bien un soupir qui en dit long, exhalé par un Zavar Akbaraly essoré mais satisfait. Des cailloux dans ses chaussures, cet investisseur réunionnais et co-gérant d’Eden Island en a collectionnés depuis quatre ans qu’il trime sur son projet hôtelier à l’aéroport de Mayotte. Maintes fois annoncé, le complexe aura même mis en tout plus de six ans à sortir de terre, sa première évocation, par l’ancien gestionnaire de l’aérogare, la SNC Lavalin, remontant à décembre 2014.
Chinoiseries sur le nombre d’étoiles, tracasseries sur le foncier, et autres bisbilles administratives auront contribué à faire jouer les prolongations. Sans parler de la crise sanitaire, une turbulence de plus pour les porteurs du projet avant l’atterrissage. “Nous sommes arrivés début 2016, et il a déjà fallu un an et demi de lutte avec l’État pour négocier l’AOT (autorisation d’occupation temporaire) car il s’agit d’une concession aéroportuaire. Cela a été une vraie bagarre pour faire accepter que ce genre de projets nécessite une durée longue d’occupation !”, souffle l’entrepreneur chevronné.
Les deux pierres de l’Ibis
Mais le grand jour est enfin arrivé ! L’entreprise mahoraise Eden Island avait donc convié la presse et le gratin local – préfecture, élus de Petite-Terre et de Mamoudzou, direction de l’aéroport, financeurs et membres des administrations – pour la pose officielle de la première pierre. Et ce sont même deux pierres que le préfet Jean-François Colombet, Zavar Akbaraly, l’adjointe au maire de Pamandzi et un ouvrier du chantier ont placé ce mercredi matin, à une cinquantaine de mètres de l’aéroport. Deux admirables parpaings rugueux et solides, joliment fixés d’un coup de truelle par un crépi tout frais ! Et qui prendront bientôt les couleurs verdoyantes de la marque Ibis Style, signant par là le retour du géant international de l’hôtellerie Accor à Mayotte.
12 millions d’euros investis
Il faudra maintenant attendre 14 mois pour le voir s’élancer de la terre aux carlingues des avions, “16 mois maximum”, garantit Zavar Akbaraly. Soit une livraison pour fin 2021, début 2022. À terme, l’établissement proposera alors 80 chambres, trois suites, un atrium de 600m2, une salle de restauration ouverte au public, une salle de fitness et bien sûr une piscine. Le projet entend aussi être respectueux de son environnement, en suivant la charte Mayénergie sur la réduction de la consommation énergétique des bâtiments. “Cet établissement s’implante sur une île dotée d’un environnement riche, où les tortues viennent pour pondre, où la qualité de l’eau devant l’hôtel est exceptionnelle”, souligne le gérant d’Eden Island. En plus de “célébrer la star de Mayotte”, comme on peut le lire sur un panneau de présentation, l’hôtel trois étoiles permettra aussi la création de 35 emplois.
Le tout pour la coquette somme de 12 millions d’euros d’investissements répartis entre un prêt de 2.8 millions d’euros accordé par l’AFD, le même auprès de la BFC, 2.4 millions d’euros de subventions Feder, 2.3 millions de défiscalisation et 1.2 million d’euros de fonds propres. “Dans le domaine privé, nous ne pouvons pas aller au-delà de 50% de financement”, explique Yves Rajat, le directeur de l’Agence française de développement à Mayotte. “Le but de notre participation, c’était donc aussi d’avoir un effet d’entraînement sur les autres.” Un art dans lequel le financeur excelle lorsqu’il présente le parcours des frères Akbaraly, “deux enfants qui lavaient les parebrises et trente ans après, multiplient les projets d’investissements”. Un nouveau centre d’affaires à Kawéni serait d’ailleurs dans leurs cartons. “Tu permets, je fais ta pub !”, lance avec satisfaction et franche camaraderie le patron de l’AFD à son nouveau partenaire.
5 ans par projet hôtelier ?
Et il n’est pas le seul. Côté Edeis, entreprise délégataire de l’aéroport, on salue aussi le coup de pouce de ces investisseurs pour le territoire. Voire ce coup de boost : “l’arrivée de cet hôtel va permettre de créer un poumon économique sur la plateforme, et d’inciter d’autres projets à se lancer”, se réjouit son directeur Olivier Capiaux. Un enjeu non négligeable pour le développement économique du territoire, justement l’objet d’un Forum de deux jours qui se tient ce mercredi et ce jour au conseil départemental. “Je voudrais bien sûr vous dire un grand merci, Mayotte a besoin d’investisseurs pour développer des activités et une concurrence. Mayotte n’est pas un protectorat pour quelques entreprises”, salue Jean-François Colombet. Qui n’a pas hésité à tirer à boulets rouges sur les “8.000 lois et 100.000 décrets à cause desquels il faut cinq ans pour voir émerger un projet hôtelier. C’est insupportable”, cingle le délégué du gouvernement. Touché. Mais à qui jeter la pierre ?
De la théorie à la pratique. Mercredi, préfecture, procureur et forces de l’ordre signaient une convention collective venant renforcer leur collaboration dans le cadre des expulsions de détenus ayant purgé leur peine, mais sans titre de séjour. Une disposition administrative jusqu’alors difficilement applicable.
Le sujet traîne depuis « des années et des années en métropole », assure le préfet. Désormais, à Mayotte, la question est réglée. Mercredi, Jean-François Colombet, le procureur de la République, le directeur du centre pénitentiaire de Majicavo et les chefs de police et de gendarmerie signaient une convention inédite permettant d’expulser directement, une fois leur peine purgée, les détenus incarcérés sur l’île visés par une obligation de quitter le territoire français. Ils représentent à eux seuls 54% de la population carcérale de Mayotte.
En théorie, le dispositif – en vigueur depuis une poignée de semaines – devait déjà être appliqué de fait, comme partout ailleurs sur le territoire républicain. Mais en pratique, la coordination des différents services – autorités judiciaire et administrative ainsi qu’établissement pénitentiaire – se heurtaient jusqu’alors à un manque de coordination. « Souvent, cette transition entre le centre pénitentiaire et le pays d’origine fonctionne mal, y compris dans les départements de métropole. Les gens qui sont condamnés n’ont plus le statut pour rester, mais personne ne les récupère quand ils sortent de prison et on ne les retrouve jamais, du fait des conditions d’habitat et de domiciliation », concède le délégué du gouvernement. « Mais ces gens-là, nous n’en voulons plus à Mayotte. »
« Plus d’évaporation dans la nature »
Ils sont ainsi une demie-dizaine à une quinzaine, chaque mois, à continuer à vivre illégalement sur le territoire après leur sortie de prison sans y être autorisé. « Souvent, on a une date de sortie sans avoir connaissance de la décision du juge, qui a peut-être raccourci la peine ou anticipé la sortie… », commente encore Jean-François Colombet. Mais à présent, le service de probation et d’insertion du centre pénitentiaire devra signaler les individus libérables et leur situation administrative. « Donc le service de police ou de gendarmerie viendra à l’intérieur du centre chercher le détenu libéré et l’amènera au bateau ou au centre de rétention administratif en vue de sa reconduite vers son pays d’origine. Et là, on n’aura plus d’évaporation dans la nature : on sera désormais à 100% d’éloignements de tout ceux qui ont violé la loi. Une personne qui a purgé sa peine à le droit d’être libre, mais s’il n’a plus le droit de séjour, il l’est dans son pays d’origine, pas à Mayotte. » De quoi aussi éviter, selon le préfet, de nombreux risques de récidives. « C’est ça l’objectif : apaiser le territoire autant qu’on peut. » Dans la même optique, Jean-François Colombet présidera ce vendredi une commission des titres de séjour, aux côtés d’élus, pour « en supprimer ou en suspendre et sortir du discrétionnaire »
À l’occasion du 3ème forum économique de Mayotte, l’événement s’est attardé sur l’offre touristique que pouvait offrir l’île aux parfums. Un enjeu régulièrement porté par les institutions pour dynamiser le territoire. Alors pour devenir une destination incontournable dans l’océan Indien, le 101ème département compte bien accélérer en ce sens.
Première journée du 3ème forum économique de Mayotte. Et premiers enseignements à tirer, notamment en matière de tourisme. Un secteur qui fait bien souvent rêver dans l’optique de dynamiser le territoire. « Mayotte, c’est une histoire riche, une culture authentique, une île souriante », plaide devant l’assemblée Moiyegue Zoubert, cheffe de service développement touristique, au sein de la direction du développement économique et de l’innovation du conseil départemental. Si le 101ème département dispose des atouts indéniables pour séduire, il lui reste encore énormément de chemin à parcourir pour comptabiliser des retombées pérennes. Cependant, tout n’est pas à jeter. La collectivité ne part pas non plus d’une page blanche. Parmi les points positifs : Mayotte peut se targuer d’avoir accueilli 65.500 touristes en 2019 (+16% par rapport à l’année précédente) après avoir stagné à 50.000 visiteurs pendant 10 ans. Un record inédit porté par le tourisme affinitaire, dont la motivation principale du séjour consiste en la visite de parents ou d’amis (42.900 voyageurs). Pour un total de 44 millions d’euros de dépenses selon un rapport publié en août dernier par l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).
Le Département compte bien surfer sur cette vague pour asseoir les bases de son ambition. « Notre priorité est d’être reconnu comme un territoire touristique, même si nous avons encore une offre à construire. Nous voulons devenir une destination à la fois concurrente et complémentaire de nos pays voisins ans la région », souffle Moiyegue Zoubert pour résumer la ligne directrice du Département sur ce thème. Le tout en se structurant autour de projets innovants, tels que l’éco-tourisme. Première étape avec la validation du schéma régional de développement du tourisme et des loisirs le 30 juin dernier. Plusieurs grands principes reposent sur cette stratégie : la construction d’hébergements, l’aménagement des sites, la création d’activités ; le déploiement de la formation autour des métiers du tourisme, les demandes de certifications et de labels internationaux ; la création d’un observatoire touristique en 2021 pour mesurer les impacts politiques ; l’organisation territoriale du tourisme en synergie avec l’État, les communautés de communes et les municipalités. Sans oublier le concours de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte pour s’approprier du foncier.
2.000 lits et 120.000 touristes en 2030
De belles promesses sur le papier qui doivent désormais se concrétiser en dehors de l’hémicycle Younoussa Bamana… Car le conseil départemental porte l’ambition de passer de 1.000 à 2.000 lits d’ici 2030, soit 500 chambres d’hôtels supplémentaires, dont la moitié dès 2025. Les élus sont-ils tombés sur la tête ou bien vivent-ils dans un rêve éveillé ? Ni l’un ni l’autre selon Moiyegue Zoubert qui croit dur comme fer en ces chiffres. L’extension du Jardin Maoré et la pose de la première pierre du futur complexe 3 étoiles d’Ibis dans la zone aéroportuaire (voir l’article consacré dans l’édition du jour) vont dans ce sens. En tout cas, avec un objectif de 120.000 touristes d’ici 10 ans, le temps presse !
Côté finances, la collectivité compte bien profiter du prochain programme de fonds européens pour inscrire des projets d’hébergements, des 13 millions d’euros dédiés du contrat de convergence et de transformation pour stimuler l’attractivité touristique, mais aussi de la défiscalisation pour attirer de nouveaux entrepreneurs. « Il y a de l’argent, mais il faut savoir l’utiliser intelligemment », insiste la cheffe de service développement touristique. En attendant tous ces fonds, l’étape suivante réside dans la création d’une commission départementale des sites et des itinéraires pour bénéficier de sentiers homologués. Et ainsi faire de la randonnée l’une des activités phares des futurs touristes mais aussi des habitants de l’île aux parfums. « Tous ensemble, nous allons pouvoir réussir », conclut Moiyegue Zoubert, au terme d’une présentation express, qui a comme un air de déjà vu…
Depuis le 7 septembre, Mayotte subit des coupures nocturnes pour économiser ses ressources et éviter une pénurie d’eau qui semble aujourd’hui inévitable. Et pour cause, le préfet de Mayotte et le président du syndicat mixte d’eau et d’assainissement ont annoncé un durcissement des restrictions avec la mise en place de tours d’eau d’une durée de 24h pour les 15 prochains jours. Et si la tendance se dégrade, les mesures pourraient même être encore plus contraignantes d’ici la fin de l’année…
« Cela va s’intensifier », prévient d’emblée le président du syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte (SMEAM), Fahardine Ahamada. Les sourires de façade s’évaporent rapidement en ce mardi 20 octobre, jour de conférence de presse pour présenter les nouvelles restrictions pour tenter d’éviter une pénurie d’eau dans le 101ème département. Si le phénomène n’est pas nouveau, la crise tant annoncée depuis le 7 septembre, début des coupures nocturnes, risque bien de se concrétiser… Et ce n’est pas la réunion du matin-même avec les différentes collectivités et le délégataire qui change la donne ! « Tout le monde est sur le pont », assure pourtant Jean-François Colombet, le préfet, sans faire de mauvais jeu de mots.
Alors concrètement, comment justifier la mise en place dès ce mercredi 21 octobre de tours d’eau d’une durée de 24h, tant redoutée par la population ? L’île aux parfums produit quotidiennement 22.000 mètres cubes d’eau grâce à ses captages de rivières, ses forages et son usine de dessalement de l’eau de mer. Le hic ? La consommation journalière atteint 35.000 mètres cubes. Le calcul est simple : cette différence abyssale oblige à prélever les 13.000 mètres cubes manquants dans les deux retenues collinaires de Combani et de Dzoumogné, dont les capacités s’élèvent respectivement à 32.4% et 31.9%, contre 50% à la même époque en 2019. Elles sont d’une importance primordiale, car ce sont elles qui empêchent de sombrer dans le catastrophisme. Plusieurs arguments peuvent détailler ces chiffres. Comme la hausse du nombre de clients. « Nous avons un accroissement des besoins de l’ordre de 3.000 mètres cubes par jour d’une année à l’autre », soutient, graphique à l’appui, Ibrahim Aboubacar, le DGS par intérim du SMEAM. Parmi les autres raisons, l’augmentation de la consommation en raison du confinement et un nombre réduit de voyageurs en dehors du territoire, mais aussi avec le lavage récurrent des mains à cause du Covid-19.
Colmater les fuites, le nerf de la guerre
Face à ce marasme aquatique, des nouvelles viennent finalement abreuver les esprits, à défaut des gosiers. L’une des satisfactions à prendre en ligne de compte en ces temps de coupures ? La réalisation de l’interconnexion entre les deux retenues collinaires. Enfin ! « Nous sommes opérationnels et nous avons les moyens de piloter et de répartir la ressource », précise le bras droit de Fahardine Ahamada. Résultat : le SMEAM est désormais capable de « traiter les usagers sur un pied d’égalité ». De quoi ravir le Collectif des Assoiffés du Sud, créé en 2017 lors de la dernière grave crise… « Nous avons privilégié une égalité territoriale », renchérit Jean-François Colombet, comme en guise de clin d’oeil à l’un de ses prédécesseurs, Frédéric Veau. Et ce n’est pas tout. Ces périodes d’arrêt permettent de rechercher de nouveaux forages – 3 supplémentaires d’une capacité totale de 1.400 mètres cubes doivent voir le jour à la fin du mois de novembre – et de colmater des fuites – 49 précisemment depuis le 1er septembre. Le nerf de la guerre en cette période de restrictions, puisque la Société Mahoraise des Eaux évalue à 20% la perte d’eau entre la production et la distribution. « Nous identifions les tronçons fuyards grâce à des écoutes acoustiques la nuit. » Sans oublier les travaux de sectorisation pour isoler les points prioritaires, à l’instar du centre hospitalier de Mayotte.
Des kits hydroéconomes aux 40.000 abonnés
Mais ces efforts paieront, si et seulement si, l’ensemble des consommateurs y mettent du leur. Un souhait auquel les institutions comptent bien donner un petit coup de pouce. La solution miracle viendrait d’un kit hydroéconome, comprenant 4 modules pour la douche et les robinets de la cuisine et de la salle de bain, adressé à chacun des 40.000 abonnés du SMEAM et aux administrations publiques. L’idée ? Réduire chaque consommation jusqu’à 15%… Ce qui se répercuterait sur le montant des factures, jugé bien souvent trop sâlé. « Un impact positif », résume, fièrement, Ibrahim Aboubacar. « Les CCAS (centres communaux d’action sociale) et les mairies recevront les premières distributions ce jeudi, en attendant un nouvel arrivage en début de semaine prochaine. Le tout accompagné d’une communication massive pour bien faire comprendre son utilisation. »
Alors pour que ce plan se déroule sans accroc, il reste toutefois une notion à bien assimiler : éviter les surstockages ! « Ce raisonnement a ses limites sur le long terme », insiste Frédéric Guillem directeur régional adjoint chez Vinci Construction Dom-Tom. Dans le cas contraire, « il y aura des restrictions très dures », prévient Jean-François Colombet. Un prochain point d’étape doit être présenté le 2 novembre prochain. « Nous verrons si les mesures en cours ont été bénéfiques. Si la tendance se dégrade, nous durcirons les tours d’eau. » Avec toujours en ligne de mire, l’objectif de repousser la date limite de la pénurie des retenues collinaires, prévue au pire des cas à la mi-janvier, au meilleur des cas au 4 février. D’ici là, autant prier que pour la saison humide pointe le bout de son nez. Ou bien tenter une danse de la pluie…
En marge du Forum économique qui se tient ces mercredi et jeudi, une table ronde devait faire le tour des solutions pour répondre à la demande d’une main d’oeuvre qualifiée indispensable au territoire. Mais si l’accent a été mis sur le développement des filières professionnalisantes, il reste un défi de taille à relever : celui de la scolarisation de tous les enfants à Mayotte, dès 3 ans.
La phrase a presque valeur de proverbe. “Certains cabinets de consultants n’hésitent pas à dire que 85% des métiers de 2030 n’existent pas encore”, cite – en référence à cette étude de Dell et l’Institut pour le futur – Andry Ramaroson, enseignant-chercheur en sciences de gestion au Centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte (CUFR). Visionnaire ? Peut-être. Mais avant de voir des intelligences artificielles débouler à chaque coin de padza, reste un certain de nombre d’étapes à franchir… ou de barrages à lever. Surtout à Mayotte, qui souffre encore aujourd’hui d’un manque de compétences indispensables pour permettre à des secteurs clés de son économie de se développer.
Justement, en préambule du Forum économique qui doit se tenir ce jour et jeudi, une table ronde faisait la part belle à ces “métiers d’avenir”, à l’école primaire de Mroalé ce mardi. À l’occasion de la journée “Mayotte, Acteur de son développement”, l’Agence de développement et d’innovation de Mayotte (ADIM), qui pilote ces différents événements, avait invité le rectorat, le Régiment du service militaire adapté (RSMA), le CUFR et le Département à échanger sur les axes de développement de la formation sur le territoire. Objectif : mettre en place des solutions pour répondre aux attentes des entreprises et des Mahorais.
Identifier les métiers en tension
Mais en guise de prospective, cette conférence a surtout été l’occasion de revenir sur les dispositifs mis en place par chacune des institutions : schéma régional de développement économique (SRDEII) pour le conseil départemental afin d’identifier les besoins des entreprises, dispositifs d’insertion pour les jeunes de 18 à 25 côté RSMA, ou encore développement de filières professionnalisantes pour le rectorat et entrepreneuriat pour le CUFR… Autant de pièces d’un puzzle qui doit dessiner le futur développement économique de Mayotte.
Avec une priorité : les métiers en tension, comme le BTP, et le transport. Les formations du RSMA à destination des publics non diplômés, sans emploi, ou à la recherche d’une première expérience professionnelle doivent fournir une partie de la main d’oeuvre pour ce secteur déterminant pour l’économie locale.
Filières professionnelles
Pour sa part, le recteur Gilles Halbout a vanté la création de plus de 2.000 places au lycée, la plupart pour des formations courtes et professionnelles. “Nous sommes dans une logique de spécialisation de nos établissements scolaires et de nos lycées”, a-t-il évoqué, en citant les exemples du futur lycée de Longoni pour les métiers du bâtiment ou encore le lycée de Petite-Terre pour l’aérien. Un “lycée de la mer” est aussi dans les cartons, pour former les jeunes, de la production de la ressource, à l’entretien des bateaux, en passant par le tourisme. De quoi répondre à la thématique du jour ; parmi les métiers d’avenir, ont en effet été évoqués ceux de l’agriculture, de la pêche ou encore de l’économie touristique, des services à la personne, ou des loisirs.
L’enjeu crucial de la scolarisation
Des filières qui ne demandent qu’à se développer mais qui souffrent donc du manque de qualifications sur un territoire où le taux de chômage frôle les 30%… et où les chiffres de la scolarisation et de l’illettrisme ont de quoi faire blêmir les bureaucrates parisiens de la rue de Grenelle. “Je reste sur ma soif, Monsieur le Recteur, car vous parlez de développer des filières, mais il y a toujours des enfants qui sont là et qui ne sont pas scolarisés”, pointe ainsi du doigt un membre de l’assistance. Une réalité que l’intéressé ne nie pas, tout en assurant mettre les bouchées doubles pour trouver des solutions. Comme la création des classes passerelles pour les jeunes de 15 ans qui quittent le collège sans alternative. Ou encore les programmes de construction d’écoles maternelles, à la charge des mairies mais que le rectorat, en lien avec la préfecture, surveille de près. “Laissez-nous encore quelques rentrées pour arriver enfin à la scolarisation complète de tous les enfants à partir de trois ans”, a ainsi plaidé Gilles Halbout. Qui sait ! Ceux-là travailleront peut-être dans ces métiers du futur…que nous ne connaissons pas encore.
L’événement n’en finit plus de faire jaser. Alors que la prochaine Miss Mayotte sera élue le 7 novembre, une jeune association culturelle, Model Agency Mayotte, à demander à Sylvie Tellier, directrice des Miss, de lui confier l’organisation de Miss Mayotte, dont l’actuel comité est accusé de plusieurs irrégularités qui ternissent selon elle l’image du rendez-vous, et avec elle, de l’île.
À chaque nouvelle édition, son lot de problèmes. La successeur d’Éva Labourdère en tant que Miss Mayotte sera élue dans moins de trois semaines, et déjà, le concours, comme à son habitude, attise quelques tensions. En atteste un courrier envoyé lundi par Model Agency Mayotte à Sylvie Tellier, directrice générale de Miss France. Une missive qui demande tout bonnement le transfert de l’organisation de l’événement à l’association culturelle.
Alors que ses détracteurs accusent le comité Miss Mayotte de piloter l’élection et de recruter ses candidates depuis La Réunion, où vit son gérant, la lettre pointe du doigt d’autres « incidents » et « difficultés » qui émaillent, depuis plusieurs années le sérieux et le prestige des sélections locales pour Miss France. « Notamment, cela s’est traduit par une difficulté à recruter des candidates de moins en moins nombreuses à souhaiter s’engager et le retrait de partenaires publics importants, dont le Département à travers le comité départemental du tourisme », a pointé du doigt Model Agency Mayotte. Le marqueur le plus fragrant de ces difficultés a sans doute été l’absence de Miss Mayotte 2018, Ousna Attoumani, à l’élection de Miss Mayotte 2019, qui a suscité l’incompréhension de la population (pourtant jusque-là soutien inconditionnel de l’événement) et écorné l’image de cette belle communion. Une communion néanmoins chaque année remise en question, puisque régulièrement, les candidates mahoraises ne sont pas jugées suffisamment… mahoraises.
Un changement pour 2021 ?
Aussi, « las des dissensions internes », de nombreux acteurs de l’organisation ont, depuis plusieurs années, « été écartés ou se sont retirés » tour à tour, jusqu’à la dissolution de l’association de support local de l’événement, qui a permis l’arrivée d’une nouvelle structure organisatrice « dans des conditions pour le moins opaques », est-il encore jugé. « L’élection de Miss Mayotte s’était déroulée dans une atmosphère quasi-confidentielle, sans la ferveur populaire qui l’accompagnait autrefois. Pour autant, en marge de ce contexte, nous avons poursuivi notre investissement localement autour du concept Miss Mayotte. » Ainsi, Model Agency, fondé notamment par les photographes officiels de Miss Mayotte 2019 et 2020, sollicite un partenariat avec la direction générale de Miss France pour « contribuer à lui redonner l’envergure territoriale » que mérite l’élection et demande, entre les lignes, d’en avoir la charge dès 2021, à l’occasion de la 21ème édition de l’événement local.
Contacté par la rédaction, Franck Servel, délégué régional de Miss Mayotte, n’a pas souhaité, pour l’heure, répondre à nos questions, expliquant que l’affaire était déjà « entre les mains d’avocats ». Quoi qu’il en soit, les cinq candidates en lice s’affronteront le soir du samedi 7 novembre, en direct sur Mayotte La 1ère. Un événement mis en scène par Laura Tréves, chorégraphe de l’édition nationale pendant 10 ans, et présenté par Maeva Schublin, Miss Mayotte 2004. Si la situation sanitaire le permet, l’élection de Miss France devrait se tenir le samedi 12 décembre. Une nouvelle occasion de faire rayonner Mayotte, et peut-être, pour la première fois, de décrocher le titre tant convoité.
Entre les tests négatifs demandés aux passagers par certains pays de destination, et le revirement de Madagascar sur la reprise des vols régionaux le 29 octobre prochain, la compagnie mahoraise peine à reprendre ses activités. Cette semaine, trois vols sont prévus au départ de Mayotte.
Difficile de remettre les gaz. Après presque huit mois d’activité quasi inexistante, la compagnie mahoraise Ewa Air a enfin pu opérer un vol commercial ce samedi, le premier depuis le mois de mars. En tout, 45 passagers ont embarqué dans l’ATR, direction Dar Es Salam. Au retour, l’appareil a volé à vide, étant donné la faible demande des voyageurs en sens inverse – une situation assez habituelle même en dehors du contexte de pandémie. Le prochain vol, qui aura lieu ce samedi, devrait repartir avec plus de passagers, pour la plupart des Mahorais de retour sur le territoire.
Mais dimanche, c’est la douche froide, pour la petite compagnie qui effectue surtout des trajets régionaux. Alors que l’État malgache a enfin levé l’état d’urgence sanitaire dans l’île voisine, son président Andry Rajoelina a déclaré au même moment renoncer à la réouverture des vols régionaux, prévue initialement le 29 octobre prochain. Le dernier vol de rapatriement à destination de la Grande Île décollera le 1er novembre. Désormais, seule Nosy Bé pourra continuer d’être desservie par les avions d’Ewa. “Cette décision va peser sur la compagnie, car Diego comme Majunga sont des destinations prisées pour nous. Donc nous n’opérons qu’une destination sur trois”, déplore Ayub Ingar, son directeur.
Etat d’urgence sanitaire
La raison de ce volte-face : la situation sanitaire toujours fragile dans les pays de l’océan Indien. Et Mayotte a peu de chance de bénéficier d’un passe-droit, même si le département reste pour l’instant plutôt épargné par la deuxième vague de Covid-19. Après à peine un mois de répit, le territoire est à nouveau passé sous état d’urgence sanitaire, à l’instar du reste du pays, frappé lui par une recrudescence de cas.
Heureusement, Ewa Air avait préféré jusque là jouer la carte de la prudence, malgré les annonces d’une réouverture prochaine des frontières. “Nous n’avions pas encore ouvert les réservations et bien nous en a pris ! Je pars du principe de ne pas relancer les vols tant que je n’ai pas reçu d’information officielle”, précise Ayub Ingar.
10% de l’activité normale
Reste que cette annonce ne fait pas les affaires de la compagnie, dont la reprise des activités est ainsi presque stoppée en plein vol. Pour l’instant, Ewa Air devra donc se contenter de ces quelques trajets hebdomadaires à destination de la Tanzanie ou de Nosy Bé. Cette semaine, deux vols vers l’île malgache sont ainsi prévus, un jeudi et un vendredi, en plus du vol de samedi vers Dar Es Salam. “D’ici la fin de l’année, on mise sur un maximum de 10% de notre activité normale”, poursuit le directeur.
L’épineuse question des tests
Avec une condition, cependant : les tests Covid, qui, s’ils ne sont pas demandés par l’État tanzanien, demeurent une obligation pour les passagers à destination de Nosy Bé. Ces derniers doivent effectuer le test PCR 72h avant leur vol. Le directeur d’Ewa Air s’est donc entretenu avec l’ARS pour s’assurer des stocks disponibles et pour discuter des éventuelles alternatives, comme le test antigénique. Réputé moins fiable, ce procédé technique doit en théorie permettre de désengorger les laboratoires, et permet d’obtenir un résultat en 30 minutes maximum. Encore faut-il que les différents pays de destination les acceptent, ce qui n’est pas encore le cas pour Madagascar. “Pour l’instant, nous avons eu la garantie que tous les voyageurs du vol de jeudi pourront effectuer le test PCR, mais nous ne sommes pas encore certains pour le vol de vendredi. J’ai donc aussi contacté le laboratoire privé”, explique Ayub Ingar. Si jamais les tests venaient à manquer, le vol pourrait être décalé. De son côté, l’ARS assure tout mettre en oeuvre pour garantir les stocks pour tous les passagers.
EXPOT COLLEGE KOUNGOU LE 13�5�05
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Nikon D70
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Mode couleur : Mode I (sRVB)
200510�3 10:39:32.1
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1250 sec - f10
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Objectif : 18-70mm f3.5-4.5 V :
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LÈgende image :
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Vendredi, le collectif intersyndical de Mayotte s’est fendu d’un post pour le moins vindicatif sur sa page Facebook à l’encontre du ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, qui demande un bilan des dix ans de la départementalisation. Et sa présidente, Estelle Youssouffa, tire dans tous les sens. Que ce soit les gouvernements successifs ou les élus locaux, chacun y prend pour son grade. Morceaux choisis.
Le 7 octobre dernier, le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, a adressé un courrier aux parlementaires, au président de l’association des maires et aux représentants du Département rencontrés rue Oudinot. Le but de cette lettre ? Que chacun d’eux formule d’ici le 15 du même mois des propositions concernant le bilan de la départementalisation, les possibilités de différenciation et la méthode de la consultation. Un souhait du locataire de la rue Oudinot qui a littéralement fait bondir le collectif intersyndical de Mayotte, qui s’est fendu d’un post « assassin » sur sa page Facebook à l’adresse du successeur d’Annick Girardin. Même si cette demande ne date pas d’hier et remonte au 8 septembre, soit une semaine après l’entrevue, « le silence des élus devrait alerter Paris », pour Estelle Yousssouffa, la présidente. « La politique de la chaise vide des Mahorais sur ce débat qui les concernerait au premier chef en dit long sur notre rejet. C’est évident ! »
Concernant la première requête de Sébastien Lecornu, le collectif lui recommande la lecture d’un rapport « cinglant » de la Cour des Comptes pondu en 2016, qui résume les manquements de l’État dans le 101ème département. Pis encore, selon les Sages, les préalables identifiés dès 2008 dans le « Pacte pour la départementalisation » n’ont pas été remplis en temps voulu, à l’instar d’alignement de la réglementation et de la législation applicables, du passage à la fiscalité de droit commun ou encore des problématiques foncières. « Nous savons que certains hauts-fonctionnaires à Paris estiment que Mayotte française est une erreur historique et la départementalisation un cadeau électoraliste : ils bloquent depuis tout investissement, toute avancée, afin de dégoûter notre population de ce statut qui est le fruit d’un long combat », s’insurge Estelle Youssouffa, la porte-parole de ce mouvement né lors de la longue grève de 2018. Avant de s’attaquer frontalement à ceux qu’elle qualifie d’« anti-Mayotte », qui « procèdent anonymement mais efficacement pour nous refuser l’égalité réelle et maintenir le bricolage indigne qui pourrit Mayotte ». À ses yeux, il s’agit ni plus ni moins d’une « guerre d’usure administrative à coups d’exception législative et de non-application des textes sur notre île ». Conséquence de ce statu quo ? L’absence de rattrapage et d’alignement en termes de droits. Un éternel combat qui ne cesse d’être remis sur le devant de la scène lors des mouvements sociaux successifs. En vain… « Nous arrivons ainsi à une coquille statuaire vidée de sa substance par la mauvaise volonté de l’État qui se permet le luxe de dire que c’est la structure qui pose problème ! » Quid alors des élus locaux ? « Ils ont une responsabilité, c’est celle de ne pas avoir haussé le ton face aux manquements. » Prenant pour exemple la Seine-Saint-Denis qui poursuit en justice la Nation pour rupture d’égalité. « Cela devrait inspirer Mayotte. »
Mayotte, interrogée sans relâche sur son appartenance ?
À l’aune de souffler ses dix premières bougies, le 101ème département semble profondément partagé entre ceux qui regrettent leur choix et ceux qui défendent leur décision. « La départementalisation de Mayotte est le fruit de plus de 50 ans de combat politique », rappelle Estelle Youssoufa. Pourtant, certains considèrent que ni la population ni l’État n’était prêt à un tel saut dans le vide. « C’est la petite musique indépendantisto-serrelamain qui saisit la question statuaire pour faire entendre son discours anti-France », lâche sans hésitation la présidente du collectif. Et pour elle, que ce soit la proposition de toilettage institutionnel du sénateur Thani ou le débat sur la départementalisation du ministre des Outre-mer, les deux « vont dans le sens de la différenciation de Mayotte, de son isolement puis de son décrochage définitif de la République alors que notre île demande plus d’égalité, les mêmes droits et devoirs que la métropole ». Le collectif est clair, net et précis sur le sujet : il est hors de question de réécrire la copie qui a été massivement votée le 29 mars 2009, bien au contraire. Idem pour la consultation statuaire prônée par Sébastien Lecornu. « Nous refusons de perdre notre temps dans ces discussions sans fin : nous sommes le seul territoire français que nous interrogeons ainsi sans relâche alors que nous avons tranché », résume-t-elle. Comme si l’immobilisme des derniers gouvernements avait pour but de dégoûter les habitants sur son appartenance, plutôt que de s’attaquer aux investissements structurants dont manque cruellement le territoire. « Nous disons non merci à ce débat inutile et clos alors que Mayotte doit avancer et que les urgences sont nombreuses », peut-on lire sur Facebook. Et effectivement, les chantiers sont pléthoriques, à l’image de celui de l’eau, qui ne cesse de prendre du retard depuis des décennies !
« On n’en veut pas de votre indépendance à la con à la merde ! »
Alors pour « sortir notre île de l’enfer qui l’engloutit », le collectif propose un certain nombre d’idées : placement des délinquants dans des établissements pénitenciaires adéquats en métropole, moyens humains et techniques suffisants aux forces de l’ordre, pressions sur Moroni pour la reprise immédiate des reconduites à la frontière, tenue des promesses successives, déploiement d’un plan cohérent pour se préparer à la deuxième vague contre le Covid-19, transformation du CUFR en une université de plein exercice, création de postes champêtres pour protéger le patrimoine naturel. Des revendications qui reviennent pour la plupart sur le devant de la scène. Que faire pour que les actes prennent enfin le pas sur la parole ? « L’État a toujours cherché des excuses pour ne rien faire à Mayotte. […] Que chacun se mette au boulot au lieu de se chercher des excuses avec un débat statutaire inutile, ça changera », prévient Estelle Youssouffa. Une manière de répéter plus poétiquement la célèbre parole d’un des pères fondateurs de la départementalisation, Younoussa Bamana : « On n’en veut pas de votre indépendance à la con à la merde ! » Une pensée plus que jamais d’actualité, non ?