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Coupe régionale de France : Choc M’tsapéré/Pamandzi pour le huitième tour

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Après les incertitudes sur le maintien de la compétition, la Coupe régionale de France devrait bien aller à son terme. La finale, samedi prochain à Kavani, opposera le FC M’tsapéré, tenant du titre, au Pamandzi SC.

La Ligue mahoraise de football a trouvé une solution au problème de possibles clusters autour des rencontres de Coupe régionale de France. Jeudi dernier, au lendemain des quarts de finale qui a vu la foule s’amasser autour des terrains, la LMF a décidé d’organiser elle-même les derniers tours régionaux au stade de Kavani. Et ainsi, de décharger les clubs de la gestion du public pour favoriser le respect du huis clos : condition sine qua non à la poursuite de la compétition. Se jouaient donc, ce dimanche, les demi-finales entre le FC M’tsapéré et l’US Ouangani dans un premier temps, puis entre le Pamandzi Sporting Club et l’USC Poroani Antéou.

À 14h, M’tsapérois et Ouanganiens ouvraient le bal dans un stade départemental effectivement déserté. Une rencontre qui a permis à Mouhtar Madi Ali alias Johnny de s’illustrer une nouvelle fois. En première période, le capitaine du FCM et Sportif de l’année 2019 a converti un penalty provoqué par l’un de ses compères d’attaque, l’ailier Dailane Ali Nokowa, dit « Schneider ». Le seul but de la rencontre (1-0), qui qualifie les Diables Rouges pour une nouvelle finale de Coupe régionale de France ! Ils rencontreront le PSC, qui s’est imposé dans l’autre match de l’après-midi. Dominateurs une majeure partie de la rencontre, les Pamandziens ont cruellement manqué d’efficacité, trouvant notamment la barre transversale à deux reprises. Le temps réglementaire écoulé, il leur a fallu attendre les dernières secondes du temps additionnel pour exulter, sur un tir excentré de Karim Abdouroihim qui a trompé la vigilance du gardien poroanien (1-0).

Le PSC aime les gros

Le Pamandzi Sporting Club retrouve une finale de Coupe régionale de France pour la première fois depuis 17 ans ! Lui qui l’a gagné deux fois au début des années 2000 (2002, 2003). Pour fêter cette qualification historique, leàs Pamandziens se sont d’ailleurs précipités, ce dimanche soir, à l’embarcadère de Dzaoudzi pour offrir à leurs héros un accueil et un cortège de champions. Un exploit d’autant plus appréciable pour les Petits-Terriens qu’ils évoluent en troisième division et viennent d’éliminer  trois clubs de l’élite lors des quatre derniers tours(Combani en seizième de finale, Kawéni en huitième de finale, et donc Poroani en demi-finale).

C’est un autre pensionnaire de R1 qui se profile pour l’équipe de Raoui, Pelé et Aboul Dhoihir, mais pas n’importe lequel… Le FC M’tsapéré est ni plus ni moins que le tenant de la Coupe régionale de France. Face à Pamandzi, le champion de Mayotte disputera sa cinquième finale de CRF consécutive ! Vainqueur en 2001, 2004, 2010, 2012, 2016, 2018 et 2019, le FCM est le spécialiste mahorais de la compétition et le favori tout désigné cette année encore. Les deux clubs ont rendez-vous samedi prochain pour valider leur billet pour le huitième tour de la Coupe de France, prévu au mois de décembre en métropole. Comme les demies, la finale sera organisée par la LMF et diffusée en direct sur Mayotte La 1ère télé et radio, ceci pour permettre aux supporters et spectateurs de suivre la rencontre malgré le huis clos.

 Covid-19 : le trompe l’œil de la CRF

La Ligue mahoraise de football a pris la main sur l’organisation de la Coupe régionale de France, et solutionné le problème posé par la crise sanitaire ayant conduit à l’arrêté préfectoral réclamant le huis clos pour les manifestations sportives. Malgré la présence de spectateurs sur les murs du stade de Kavani ce dimanche, la LMF a globalement contrôlé le public, ou plutôt l’absence de public, lors des demi-finales de la CRF. Il devrait en être de même samedi prochain à l’occasion de la finale qui opposera le FC M’tsapéré au Pamandzi Sporting Club. Cela pourrait néanmoins ne pas suffire à satisfaire la requête de Jean-François Colombet, le préfet de Mayotte. Car ce week-end, hormis les deux matchs médiatisés de la Coupe régionale de France, s’est disputé les premiers tours de la Coupe de Mayotte masculine, de la Coupe de Mayotte féminine et de la Coupe de Mayotte entreprise. Soit une trentaine de rencontres et, avec elles, une gestion hypothétique du public de la part des clubs… De nombreuses rencontres de Coupes de Mayotte sont programmées ces prochaines semaines, sur les terrains de football inadaptés au huis clos de l’île. La nouvelle organisation proposée par la LMF pour la Coupe régionale de France a beau jouir d’une bonne visibilité médiatique, cela ne résout le fond du problème. La ligue trouvera-t-elle une nouvelle solution pour sortir de l’impasse ?

Tout comprendre au nouveau test antigénique arrivé à Mayotte

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Censé désengorger les laboratoires, les nouveaux kits pour dépister les cas de Covid-19 en moins de trente minutes ont fait leur entrée dans le 101ème département. Mais où, quand, comment et qui peut en bénéficier ?

Finies les 24 à 48 heures d’attente ! Avec les nouveaux tests antigéniques débarqués cette semaine sur le territoire, il sera désormais beaucoup plus rapide de savoir si une personne est positive ou non à la Covid-19 : seules 15 à 30 minutes sont nécessaires pour obtenir un résultat, peut-on lire sur le site de l’Assurance maladie. Un outil indispensable donc, pour faciliter le dépistage des cas alors que le 101ème département, pour l’instant épargné par les mesures de confinement, se prépare malgré tout à une deuxième vague. Ce jeudi, l’Agence régionale de santé recensait 277 nouveaux cas entre le 4 et 10 novembre, contre 174 deux semaines plus tôt.

Mais concrètement, comment fonctionne ce test ? Comme un test PCR classique, nous explique le docteur Maxime Jean, infectiologue du CHM détaché à l’ARS en charge du Covid. Le professionnel de santé réalise un prélèvement nasopharyngé en insérant un écouvillon dans la narine du patient, pour détecter la présence ou non des antigènes produits par le virus Sars-CoV-2. Mais à la différence du Polymerase Chain Reaction, qui, comme son nom l’indique, amplifie le génome jusqu’à déterminer la positivité du patient, le test antigénique se contente de donner un résultat à l’instant t. “C’est ce qu’on appelle des TRODS, des tests rapides d’orientation diagnostic, qui peuvent être réalisés sans aucun plateau technique, juste avec paire de mains et un petit kit”, décrit-il.

Isoler sans attendre

L’avantage ? Les cas positifs sont automatiquement détectés, ce qui permet de casser plus efficacement les chaînes de transmission. “Et d’éviter que le patient asymptomatique aille crachouiller le virus un peu partout pendant deux jours en attendant son résultat”, résume le docteur Jean. Si la personne testée se révèle positive, le professionnel de santé est en mesure de prescrire sans attendre l’isolement strict de sept jours, de délivrer éventuellement un arrêt de travail et aussi d’identifier d’ores et déjà les proches qui sont potentiellement des cas contacts. Non seulement, il peut en avertir directement la plateforme de contact tracing, mais il peut aussi exiger que ces personnes restent elles aussi confinées le temps d’être testées.

Maximum à J-4

Le hic, c’est que cette instantanéité suggère aussi un risque sur la fiabilité du dispositif. “Il n’est pas moins fiable s’il est utilisé correctement”, nuance toutefois le médecin. En effet, l’utilisation de ce nouveau gadget par des professionnels de santé autres que le CHM et le laboratoire privé est assortie de son lot de préconisations, formulées par la Haute autorité de santé dans son avis du 8 octobre 2020.

Des indications qui permettent aussi de mieux cerner le public visé. Ainsi, pour les cas symptomatiques, le professionnel de santé – votre médecin, infirmier libéral ou pharmacien – peut réaliser le test jusqu’à quatre jours inclus après apparition des symptômes. Pour les personnes de plus de 65 ans et présentant le risque de développer une forme grave ou sévère, le PCR restera de mise. D’une manière générale, un médecin en présence des symptômes pourra réaliser le test pour confirmer ou infirmer son diagnostic.

Pour les clusters identifiés, le PCR reste de mise

Concernant les cas asymptomatiques, sont pour l’instant exclus de ce nouveau mode de dépistage les clusters et les cas contacts. Le test antigénique servira davantage à réaliser des campagnes à grande échelle au sein de populations ciblées, comme à l’université, ou auprès des personnels des hébergements collectifs. “Nous avons par exemple déjà eu recours à ce dispositif à Ouangani, à Barakani. Il s’agit d’opérations de grande envergure dans une zone, lorsque nous avons un doute sur un risque de propagation”, précise l’infectiologue. Quid des voyageurs ? Ceux à destination des îles voisines devront encore prendre leur mal en patience. “À l’avenir, je pense qu’un test antigénique sera suffisant pour voyager de France à France, mais au niveau international, cela dépendra de l’acceptation de l’autorité du pays de destination, ce qui n’est pas le cas en ce qui nous concerne, pour les Comores ou Madagascar.” Les voyages vers la Grande Île, déjà limités à la seule Nosy Bé, dépendent toujours de la présentation d’un test PCR négatif.

Mais peut-on déjà se ruer à la pharmacie du coin ? Pas tout de suite ! Certes, les tests, gratuits, sont bien arrivés sur le territoire, mais il faut encore attendre quelques jours avant que tous les professionnels de santé volontaires en soient pourvus. “Toutes les pharmacies ne voudront d’ailleurs pas forcément le pratiquer, car il faut quand même mettre une salle à disposition. Le mieux à l’heure actuelle reste d’appeler au préalable son médecin traitant, son infirmier ou son pharmacien”, déroule encore le spécialiste. Un nouveau centre dédié au coronavirus devrait aussi bientôt ouvrir ses portes à Kawéni, qui proposera les deux tests nasopharyngés. Mais, “pour l’instant, ce n’est pas pour les curieux !”

 

 

Après les Assises de la sécurité, un nouveau degré de violence en Petite-Terre

Le soir-même de la clôture des Assises de la sécurité et de la citoyenneté, une vingtaine de jeunes armés ont caillassé le restaurant Star Pizza en Petite-Terre, avec des cailloux et des cocktails Molotov. Une scène d’horreur qui aurait pu finir en drame si les employés ne s’étaient pas interposés pour faire fuir la bande. Ce nouveau fait divers fait encore une fois bondir l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Mayotte qui appelle le préfet à l’ordre républicain. 

Mardi, 20h20. Une armada d’une vingtaine d’individus se présente devant le restaurant Star Pizza, armés jusqu’aux dents et prêts à en découdre. « Ils nous ont pillonés de gros cailloux et ont voulu rentrer dans l’établissement », se remémore Frank Ibanez, le propriétaire. Avec l’un de ses deux employés, présents sur place sur ce soir-là, les deux hommes rendent coup pour coup pour les dissuader de pénétrer à l’intérieur. Visiblement vexée et agacée par cette résistance pour le moins inhabituelle, la bande décide de sortir l’artillerie lourde en envoyant deux cocktails Molotov, dont l’un d’eux explose devant le comptoir et déclenche un feu… Un acte qui aurait pu se terminer en véritable bain de sang si le personnel, imbibé d’essence, n’avait pas immédiatement circonscrit le début d’incendie. « Au moment des fait, nous avions plusieurs clients. Certains ont fui tandis que d’autres ont cru bon de se réfugier dans le local. Une femme a été blessée dans le dos par le jet d’une pierre », déroule le restaurateur, qui adresse son soutien à ses confrères du Mékong et du brochetti malgache qui auraient subi de nombreux dégâts matériels quelques minutes plus tard.

« Des acteurs du grand banditisme »

Cette brutalité sans nom, Frank Ibanez la côtoie régulièrement depuis des années, mais il n’en avait jamais fait l’objet personnellement depuis son installation en 2013. « Nous ne parlons pas d’une simple agression pour dérober la caisse », poursuit-il. « Il s’agit ni plus ni moins d’une tentative d’homicide. Ces jeunes, la plupart des mineurs, se comportent comme des acteurs du grand banditisme. Ils préparent des armes, donc il y a préméditation. » Et à ses yeux, le problème ne vient pas de l’incapacité d’intervention des forces de l’ordre, « qui font leur travail sur le terrain », mais bien de la réponse judiciaire, « qui est complètement inadaptée » pour un territoire comme le 101ème département. « Il n’existe aucune infrastructure pour les multirécidivistes et ceux qui sont en situation irrégulière. Nous n’avons pas de dispositif pour les écarter alors que nous savons où ils vivent sur Petite-Terre. »

Un ras-le-bol général appuyé par le président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Mayotte, Charles-Henri Mandallaz, qui s’est empressé d’envoyer un courrier au préfet, Jean-François Colombet, pour partager son désarroi. « Nous franchissons encore un cap de violence et nous sommes tout simplement dans la folie furieuse. Nous n’avons plus de répit sur cette île. N’importe où et n’importe quand, la criminalité peut frapper », relate-t-il en introduction. Avant de rappeler la temporalité : « Ces événements prennent une résonance particulière alors que viennent de se terminer les Assises de la sécurité. » Un rendez-vous sur deux jours durant lequel les institutions et la société civile ont échangé sur plusieurs thématiques, dans l’espoir de trouver des solutions pérennes à cette délinquance qui gangrène l’île aux parfums.

« Tout perdre sur un claquement de doigts »

L’UMIH976 se demande alors si l’ordre républicain, « l’un des piliers de notre République », peut être encore rétabli et surtout si les moyens sont en adéquation avec l’environnement qui sévit sur le territoire. « Nous sommes des entrepreneurs, des bâtisseurs, des gens courageux, investis pour la construction de cette île. Des personnes qui ont leur vie et leur patrimoine ici, qui peuvent tout perdre sur un claquement de doigts. L’inquiétude est donc inéluctable, mais elle ne peut ni ne doit devenir notre quotidien. » Complétement déboussolé, Charles-Henri Mandallaz en appelle au bon sens du délégué du gouvernement et l’implore de remonter les difficultés locales à Paris. « Nous ne pouvons plus accepter de continuer à descendre vers cette ultra violence qui nous touche aujourd’hui. Nous avons besoin de pacifier ce territoire en urgence. Il en va de son avenir, de notre avenir. […] Rien ne peut se contruire sur le terreau de la violence. Mayotte doit être apaisée, pour nos familles, pour notre économie. Notre énergie, notre cœur à l’ouvrage sont déjà fortement entamés par une année plus que catastrophique. L’insécurité, en plus du reste, pourrait être le coup de grâce pour certains d’entre nous. »

Une vérité qui fait froid dans le dos… Pourtant, Frank Ibanez s’est vite remis en ordre de marche et a décidé de rouvrir son restaurant dès le lendemain. « Il n’y a pas de psychose, mais il y a un sentiment d’impunité », résume-t-il. Avant d’adresser un message à l’ensemble des commerçants de Mayotte. « Ces voyous ont l’habitude de faire peur. Mais dans la plupart des cas, quand ils font face à de la résistance, ils font demi-tour. Il faut juste veiller à rester dans le cadre de la légitime défense. » Tout le monde est prévenu.

 

 

La continuité pédagogique, un mirage pour les enseignants mahorais

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Le laboratoire Icare de l’université de La Réunion s’est penché sur le sort des enseignants du premier et second degré à Mayotte pendant le premier confinement. Une étude publiée récemment a révélé les impressions et opinions des professeurs lors de cette période. Le suivi pédagogique n’a pas été aussi efficace qu’il devait l’être.

Continuité pédagogique. C’était le mot d’ordre pendant le confinement qui a obligé les élèves et les professeurs à travailler depuis leur domicile. Depuis, les cours en présentiel ont repris, mais les professeurs ont comme un goût amer lorsqu’on leur parle de cette période. C’est dans ce contexte qu’est sorti un rapport d’enquête sur les enseignants mahorais, élaboré par des chercheurs du CUFR de Mayotte. 219 professeurs ont été interrogés sur leur ressenti et méthode de travail. “L’objectif était d’appréhender leur vécu d’enseignant en période de confinement et la manière dont ils avaient adapté leur enseignement à distance pour assurer la continuité pédagogique”, peut-on lire dans ce rapport. Cette continuité avait été rendue possible selon l’Éducation nationale à travers des outils numériques tels que l’ENT, Pronote, ou la plateforme “ma classe à la maison”.  Mais selon l’enquête, les enseignants ont plus privilégiés leur messagerie électronique. 89% des sondés l’utilisaient au moins une fois par jour. “Il y a eu des essais, mais il y avait des outils sous dimensionnés et qui ne fonctionnaient plus. Je pense notamment à l’ENT au début. Par conséquent, je communiquais avec mes élèves par e-mail. Ils étaient plus réceptifs”, confirme Guillaume, professeur au lycée. 

Si Guillaume a eu la chance de n’avoir affaire qu’à des élèves de terminale qui sont assez connectés, cela n’a pas été le cas des enseignants du premier degré. “Toutes les options technologiques, dont on nous parlait, n’étaient pas accessibles pour les parents d’élèves. Sur mes 12 élèves, seulement une famille avait un ordinateur. C’était frustrant de ne rien pouvoir faire, car on nous avait interdit les devoirs en papier”, raconte Staniza, enseignante à l’école primaire. Certains établissements scolaires ont cependant opté pour les devoirs imprimés, mais là encore, il a été difficile pour les professeurs de suivre leurs élèves. “Dans mon établissement, on devait fournir des livrets chaque semaine aux enfants avec les exercices et les corrigés. Mais le système était mal rodé, car nous n’avions pas de retour de la part des élèves ou de leurs parents”, indique Farah*, professeur au collège. 

Le plus gros problème s’est posé pour les élèves en maternelle, qui apprennent les bases et qui ont besoin d’un suivi pédagogique de tous les instants. “En maternelle, on travaille beaucoup la pratique. Et soudainement, les élèves se sont trouvés dans une situation où il n’y avait que de l’abstrait, alors qu’ils sont besoin de concret”, regrette Moustoifa*, enseignant en maternelle. Tous remettent en doute l’efficacité des outils numériques à Mayotte qui n’ont pas favorisé la continuité pédagogique tant souhaitée par l’Éducation nationale. “La continuité pédagogiques n’a pas été assurée. On a fait notre travail en tant que professeur, mais il ne faut pas se leurrer, une grande partie des élèves n’a pas réussi à suivre les cours à distance”, déplore Farah. Même son de cloche pour les enseignants du premier degré. “Pour ma part, au bout de 3 semaines, la continuité pédagogique était inexistante. On n’avait pas les moyens face à un public comme le nôtre”, affirme Staniza.

Des professeurs livrés leur sort

L’enquête du laboratoire Icare indique que 34,7% des professeurs questionnés étaient désorientés, mais 35,2% se sentaient plutôt en sécurité. Le premier chiffre reflète la réalité sur le terrain. “Je me suis senti très seul parce qu’on nous demande de faire quelque chose qui est assez flou et on n’a pas d’informations, pas de retour”, déplore Guillaume. Selon les témoignages, les chefs d’établissement étaient livrés à eux-mêmes et devaient bricoler avec le peu d’informations qu’ils avaient. “La communication entre l’administration du collège et les professeurs était efficace. Je pense que notre principal a fait du mieux qu’il pouvait avec le peu qu’il avait. On n’avait pas réellement de directives de la part du rectorat”, dénonce Farah. Et à Moustoifa d’ajouter : “Le dispositif de mon école a été élaboré par notre directeur. On s’est débrouillés seuls et même avec nos efforts, le niveau des élèves a baissé.” 

Les enseignants redoutent un second confinement à Mayotte et le retour des cours à distance. “Cela creuse les inégalités entre les élèves. Le premier confinement a été un suicide intellectuel pour les enfants, il ne faudrait pas recommencer”, selon Moustoifa. Il faudrait plutôt adapter les outils proposés par l’Éducation nationale à la réalité du territoire. Les professeurs se disent prêts à s’investir davantage et à changer de méthode de travail pour la réussite de leurs élèves. Désormais, ils essayent tous de rattraper le retard accumulé par les enfants.

  • Le prénom a été changé

 

Assises de la sécurité à Mayotte : les habitants motivés à faire entendre leurs voix

La MJC de M’gombani accueillait une quarantaine de personnes mardi dernier à l’occasion des Assises de la sécurité et de la citoyenneté de Mayotte. L’atelier 5 dédié à la participation citoyenne et médiation a suscité beaucoup d’intérêt. Les participants ont proposé des solutions afin que la société mahoraise retrouve sa sérénité.

C’est dans une ambiance studieuse que s’est déroulé l’atelier sur la participation citoyenne et médiation des Assises de la sécurité. Chaque participant a voulu présenter son idée dans l’espoir qu’elle soit entendue jusqu’au plus haut sommet de l’État. Un groupe de mères a particulièrement attiré l’attention. Elles ont soulevé un point que personne n’ignore à Mayotte mais qui est encore tabou. “Les enfants sont déboussolés parce qu’ils n’ont pas de repères familiaux. Ils sont abandonnés par leurs pères et leurs mères ne disent rien parce qu’elles reçoivent un carton de mabawa et un sac de riz”, dénonce Djazmati. Selon ces femmes, il est temps de pousser les pères à participer activement à l’éducation de leurs progénitures. “Ceux qui refusent de s’impliquer davantage devraient se soumettre à un test ADN. S’il est positif, alors la loi les obligerait à être présent dans la vie de leurs enfants.” Une solution applaudie par toute l’assemblée.

D’autres ont regretté l’organisation villageoise d’antan et veulent que les aînés soient les garants du bon fonctionnement des quartiers et villages. Les participants ont donc proposé la création d’un “comité de sages dans les quartiers”. Son objectif serait d’assurer la sérénité et le respect de tous par tous. Dans le même sens, la place de la religion a également été soulevée. “On nous inculquait des principes et des valeurs dans les écoles coraniques. Malheureusement aujourd’hui, elles perdent leur place au sein de notre société”, affirme Mouhoutar Salim, l’animateur de l’atelier. C’est donc naturellement que les participants ont souhaité que les madrassas soient plus valorisés afin “d’éduquer les enfants au respect et à la citoyenneté”. D’autres idées ont émergé lors de cet atelier pour que ce climat d’insécurité ne soit qu’un mauvais souvenir. Les habitants aimeraient que la police soit plus présente dans les villages en dehors de Mamoudzou. L’idée de créer des postes de polices annexes dans les autres communes a fortement été appréciée par les participants.

“Ça doit marcher, nous ne pouvons pas échouer”

Tous ceux qui ont participé à l’événement disent être conscients de la gravité de la situation à Mayotte. Ils sont persuadés que les Assises de la sécurité feront évoluer les choses. “J’ai espoir en cet atelier et en ces Assises. On prie pour que ça marche, ça doit marcher, nous ne pouvons pas échouer”, déclare Djazmati. Même s’ils y croient, ils savent que l’initiative du maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, ne fait pas l’unanimité. “Les gens qui sont là aujourd’hui sont vraiment motivés à faire changer les choses. Mais malheureusement dans mon entourage je suis la seule. Ma famille pense qu’on ne fait que parler depuis longtemps, mais il n’y a rien qui change”, raconte Fatima Saïdi, une étudiante.

Certaines personnalités de la vie publique, de la police et du monde économique ont également répondu à l’appel et sont venus proposer leurs idées. Marcel Rinaldy, à la tête du groupe 3M, a tenu à apporter sa contribution car “le monde économique subit une part des problèmes à Mayotte”. « Mais on a aussi une part des solutions, parce que c’est en développant l’aspect économique que le département va se développer”, selon lui. L’atelier sur la participation citoyenne et la médiation a duré deux heures, mais certains en sont ressortis frustrés. Les sujets abordés étaient si importants qu’ils auraient aimé bénéficier d’un peu plus de temps pour développer toutes leurs idées.

Bilan de deux jours d’Assises “réussies”, salue le préfet

Faire en sorte que “notre jeunesse reste notre richesse”. C’est par ces mots que le préfet Jean-François Colombet a clôturé les deux jours des Assises de la sécurité et de la citoyenneté qui se sont tenus lundi et mardi. En tout, ces deux journées auront mobilisé près de 2000 personnes à Mayotte, tant sur la participation à l’enquête en ligne que lors des ateliers. Le délégué du gouvernement a salué les “choses extrêmement intéressantes qui ont été entendues” pour cette première édition et dont il a transmis le rapport aux ministères de l’Intérieur, des Outre-mer et à l’Élysée. Avant sa prise de parole ce mardi après-midi, de nombreuses propositions ont été présentées par les rapporteurs des six ateliers, sur l’éducation et la prévention, sur la répression et l’exécution de sanctions, sur la maîtrise des frontières et la lutte contre l’immigration illégale, sur la responsabilité parentale, sur la participation citoyenne et la médiation, et enfin sur la lutte contre la pauvreté et l’insertion sociale. “Il manque une thématique, c’est la dimension de la santé”, a relevé le préfet, en appelant à ce que cette catégorie figure au programme des prochaines Assises en 2021. D’ici là, Jean-François Colombet a proposé d’ores-et-déjà de planifier une réunion avec les institutions et élus présents – Département, association des maires, mairie de Mamoudzou, préfecture – à la fin du mois d’avril, après les élections du nouveau conseil départemental, pour “que nous puissions regarder parmi les propositions énoncées celles qui ont pu avancer, celles qui n’ont pas avancé du tout et celles qu’il faut abandonner”. Au fil de son intervention, le locataire de la Case Rocher a toutefois souhaité remettre les points sur les “i” dès maintenant au sujet de certains propos qui avaient pu être tenus au cours de ces Assises. Il a ainsi rappelé quelques chiffres sur l’action de l’État en matière de lutte contre l’immigraiton clandestine, comme le taux d’interception des kwassas, passé de moins de 40% en 2019 à 70% fin juin 2020. “Faut-il que je vous emmène à trois heures du matin sur les intercepteurs de mes camarades gendarmes ou policiers, à 40 noeuds sur les récifs, mettre leur vie en danger, pour vous montrer où est la volonté de l’État ?”, a-t-il clamé haut et fort pour défendre l’engagement du gouvernement. Et de préciser également les actions menées en matière de lutte contre l’habitat insalubre, et sur le refus de délivrer des titres de séjour pour ceux qui enfreindraient la loi. D’ici quelques semaines, une centaine de bangas doivent d’ailleurs être détruits dans la commune de Kahani, soit le délogement d’environ 400 personnes.

 

 

Anlia Charifa : une miss Mayotte déterminée en route pour la couronne

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Cette passionnée d’audiovisuel et fervente avocate de l’île aux parfums est prête à tout pour décrocher le podium lors de la finale nationale, qui se tiendra le 12 décembre prochain. Portrait d’une femme mahoraise pleine d’ambition.

C’est un moment qu’Anlia Charifa ne risque pas d’oublier. Ce samedi, la candidate au concours Miss France était choisie pour représenter Mayotte à la finale nationale, le 12 décembre prochain, au Puy du Fou. Mais alors que cette cérémonie particulière se déroulait à huis clos, crise sanitaire oblige, une image reste particulièrement gravée dans sa mémoire : les yeux de sa belle-mère, seule proche autorisée dans l’audience pour la soutenir en ce jour si spécial. “Voir la fierté dans le regard de celle qui m’a accompagnée depuis le début de mon aventure, et qui a toujours cru en moi, m’a vraiment émue”, revit-elle aujourd’hui, passée l’ivresse des premiers instants. Deux autres pensées vont alors simultanément traverser l’esprit de la jeune femme, pour son père mahorais décédé deux ans plus tôt, “qui me voit de là haut”, et pour sa mère malgache restée bloquée sur la Grande Île à cause des restrictions sanitaires, mais qu’elle savait branchée sur son poste télévision.

Ces origines et cette histoire familiale, Anlia a su en faire une force. Celle-là même qui l’a amenée à concourir avec succès ce samedi et qui lui permet aujourd’hui de représenter les couleurs de Mayotte jusqu’en métropole. “Je suis issue de deux cultures différentes, c’est un métissage que j’assume totalement et que je veux porter au plus haut. Concourir pour Miss Mayotte, c’était aussi une façon de représenter cette diversité qui fait toute la richesse de notre île”, martèle celle qui est née à Madagascar mais revendique son attachement au département, et plus particulièrement à Labattoir, où elle vit aujourd’hui avec sa famille. “Mes frères et ma petite sœur ont cru en mes capacités, ils m’ont poussé à réaliser ce rêve et à devenir une meilleure version de moi-même”, sourit-elle.

“La page de Miss n’était pas tournée”

Un vrai challenge pour la candidate qui avait fini première dauphine en 2019. “L’année dernière, je n’étais pas allée au bout de mes capacités, mais je suis du genre persévérante : je savais que la page de Miss n’était pas tournée”, se souvient-elle. Alors Anlia Charifa a mis les bouchées doubles pour réaliser son rêve. En année de césure, elle a profité de son temps libre pour faire un travail sur soi, pour gagner en confiance grâce au développement personnel. Et aussi pour se documenter sur des femmes inspirantes en épluchant les livres d’une Amy Cuddy ou encore de Michèle Obama. Pour couronner le tout, l’étudiante passée par un master en marketing digital, a aussi livré la bataille sur les réseaux sociaux. Campagne en ligne, vidéo sur la femme mahoraise, la miss est désormais une influenceuse assidue qui compte plus de 5.000 abonnés sur son compte Instagram.

Inspirer la jeunesse

Passionnée en audiovisuel, Anlia Charifa entend bien se spécialiser dans le domaine pour la suite de ses études, et espère pouvoir revenir dans quelques années sur son île pour aider des entreprises locales à promouvoir leurs produits. “J’ai un esprit créatif, j’aime mettre en avant les belles choses et créer des histoires autour des marques”, souligne-t-elle. D’ici là, la nouvelle Miss Mayotte aura déjà à cœur de porter la voix des Mahorais jusqu’en métropole, pour le concours national qui se tiendra dans un peu plus d’un mois. “C’est le seul concours où nous sommes représentés au niveau national, et j’ai conscience de l’importance de mettre en valeur notre île. Surtout aujourd’hui, avec tout ce qu’il se passe, je veux pouvoir inspirer la jeunesse”, relève-t-elle avec humilité. Sa première disciple ? Assurément sa petite sœur, qui regarde avec une fierté teintée d’envie le parcours de son aînée. “Je pense qu’en 2029, vous aurez une nouvelle miss qui prendra la relève !”, glisse-t-elle, avec un clin d’œil.

Coupe régionale de France à Mayotte : une compétition passionnante mais menacée

Le Pamandzi Sporting Club, après leur qualification en huitième de finale contre Kawéni.

Les affiches du dernier carré de la Coupe régionale de France sont connues : le FC M’tsapéré, tenant du titre jouera Ouangani, tandis que les deux outsiders Poroani et Pamandzi se disputeront l’autre ticket pour la finale. Mais la préfecture de Mayotte menace de stopper la compétition si les clubs ne parviennent pas à faire respecter le huis clos…

Un ogre, deux challengers et un petit poucet : tel que l’on peut résumer le tableau des demi-finales de la Coupe régionale de France. Champion de Mayotte en titre, tenant de la CRF et archi-favori à sa propre succession, le FC M’tsapéré a étrillé ce mercredi après-midi la Racine du Nord d’Acoua (7-1). Les Diables Rouges feront face à l’US Ouangani, club de Régional 4 (quatrième et dernière division mahoraise) : ils tenteront d’accrocher leur cinquième finale en cinq ans ! L’autre demi-finale opposera le Pamandzi Sporting Club (R3) à l’USC Poroani Antéou (R1). Le premier, vainqueur à M’tsahara hier (2-0), sort d’un titre de champion R4 et d’une promotion en R3. Les Poroaniens, qui eux, sont allés battre l’USC Labattoir après les prolongations (3-1), ont enchaîné les montées en championnat et su conserver leur place dans l’élite pour la première saison en R1 de l’histoire du club, en 2019. Ces deux clubs surfent donc sur une bonne dynamique et voudront bonifier leurs dernières belles prestations en atteignant la finale de la CRF.

Problème : la Coupe régionale de France 2020 pourrait ne pas aller à son terme et Mayotte pourrait finalement ne pas être représentée au huitième tour de la Coupe de France, en décembre en métropole… Pour comprendre, il faut remonter à plus d’un mois en arrière. Le 30 septembre dernier, trois jours après la levée de l’état d’urgence sanitaire sur l’île, la Jeunesse et sport État et l’ARS Mayotte recevaient les dirigeants de ligues et comités sportifs mahorais au lycée des Lumières à Kawéni, et leur informaient des conditions de reprise des activités. Les autorités sportives et sanitaires prévenaient ces derniers qu’en cas de reprise, leurs clubs devraient notamment assumer la gestion du public. « En ce qui concerne le football, c’est impossible ! », répliquait alors Ahamada Ibrahima, secrétaire général des Diables Noirs de Combani. « Ce n’est pas connaître le football mahorais de prétendre que les clubs peuvent assumer cette responsabilité. » Pourtant, les compétitions de football ont bien repris et les craintes du dirigeant combanien se sont avérées. La configuration des terrains de football – à quelques exceptions près – rendant la tâche insurmontable, le public est bien au rendez-vous à chacun des matchs organisés par la Ligue mahoraise de football, contrairement aux instructions de la préfecture et au grand dam des clubs.

Huit clos : Quelle issue pour l’impossible requête préfectorale ?

Celle-ci, dans une lettre adressée à la LMF ce mardi, s’agace : « Des procès-verbaux font état d’un total non-respect des règles sanitaires établies par le préfet par arrêté préfectoral du 30 octobre 2020, qui dispose que « la présence du public est interdite lors des compétitions et événements sportifs ». Il n’est pas acceptable que ce type d’écart puisse se produire au regard de la crise sanitaire que nous traversons. » Sur un ton critique, le directeur de la DJSCS poursuit. « Aussi, je vous enjoins à faire respecter et surtout à contrôler avec la plus grande rigueur les mesures sanitaires (…) Dans le cas contraire, le préfet sera dans l’obligation d’interdire purement et simplement les compétitions sportives pour éviter que de nouveaux clusters ne se créent aux abords des sites de compétition. » Des mots visiblement restés lettre morte puisque ce mercredi, les spectateurs étaient aussi nombreux autour des quarts de finale de la compétition.

Les demi-finales programmées ce dimanche arrivent à grands pas et le public devrait, une fois de plus, se présenter en masse autour des terrains ! Les clubs tenteront tant bien que mal de faire respecter le huis clos, à l’instar du Pamandzi Sporting Club, cité en mauvais élève par la préfecture. « De notre côté nous ferons le travail, comme nous l’avions fait contre Kawéni, en bloquant les principales issues et en disposant des bénévoles autour de la surface de jeu. Mais malgré nos bénévoles, malgré la présence de la police municipale, les spectateurs sautent les murs par dizaine et tout autour du stade… Nous sommes de toutes petites associations : nous ne pouvons pas garantir à 100% un huis clos avec les terrains et les moyens que nous avons », déplore l’entraineur du PSC, Mohamed Mahafidhou. À deux tours de la grande aventure Coupe de France pour les Mahorais, mais au regard de la situation incontrôlable de la gestion du public autour des terrains de football mahorais, toute la question est de savoir si la préfecture de Mayotte mettra ses menaces à exécution.

Le parcours des quatre demi-finalistes

2ème tour

ASJ Handréma-US Ouangani : 2-3

USC Kangani-Pamandzi SC : 0-4

3ème tour

ASCJ M’liha-FC M’tsapéré : 0-0 (0-1 après prolongations)

16ème de finale

FC M’tsapéré-UCS Sada : 1-1 (2-1 ap)

USC Poroani Antéou-AS Jumeaux M’zouasia : 1-1 (4-3 aux tirs aux buts)

Pamandzi SC-Diables Noirs Combani : 1-1 (5-2 ap)

US Ouangani-US Kavani : 2-0

8ème de finale

Olympique Miréréni-FC M’tsapéré : 1-2

Ndrema Club-USC Poroani Antéou :  1-1 (3-4 aux tab)

US Ouangani-Tchanga SC : 2-0

Pamandzi SC-ASC Kawéni : 0-0 (5-4 aux tab)

Quarts de finale

FC Dembéni-US Ouangani :

USC Labattoir-USC Poroani Antéou : 0-0 (1-3 ap)

AJ M’tsahara-Pamandzi SC : 0-2

Racine du Nord Acoua-FC M’tsapéré : 1-7

Demi-finales

US Ouangani-FC M’tsapéré

Pamandzi SC-USC Poroani Antéou

« Tant que les consignes de sécurité ne seront pas respectées à la lettre, nous demandons la fermeture du CRA de Mayotte »

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Arrivé à Mayotte en septembre dernier pour officier au centre de rétention administrative, Frédéric Dufourt, délégué départemental à la Vigi Ministère de l’Intérieur, revient pour Flash Infos sur les dysfonctionnements en termes de prise en charge des personnes en situation irrégulière dans le cadre du Covid-19 mais aussi de sécurité publique. Le fonctionnaire compte saisir les instances compétentes d’ici une quinzaine de jours pour alerter publiquement. Entretien.

 Flash Infos : En juillet dernier, l’ancien sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, Julien Kerdoncuf, assurait dans nos colonnes que des protections sanitaires maximales avaient été mises en place au sein du centre de rétention administrative. Pour quelles raisons, avez-vous souhaité réagir à ces déclarations ?

 Frédéric Dufourt : Dans cet entretien, Julien Kerdoncuf ne voit pas en quoi il serait pire d’être intégré au CRA que de faire 12 heures en kwassa… Où se situe la dignité humaine dans ces propos ? Depuis ma prise de fonction en septembre dernier, j’ai pu constater comment cela se passait ! Ce qu’il déclare est totalement faux et à la limite de la désinformation. Ce n’est qu’un tissu de mensonges. Par exemple, il ne respecte pas les fonctionnaires de police en disant qu’il y a plus de risques de contracter le virus en faisant ses courses qu’en allant travailler.

 La réalité du terrain est toute autre : l’ensemble de mes collègues ne porte pas de masques. Idem pour les personnes en situation irrégulière qui débarquent dans nos locaux. Ils sont installés sur un banc sans aucune distanciation physique, faute de places, et sont palpés par nos soins. Ils passent ensuite seulement un test Covid. Comme les résultats ne sont pas instantanés, ils sont envoyés par trentaine dans la même zone d’intégration, avant d’être éventuellement isolés en cas de positivité. Dois-je rappeler qu’il y a un risque sanitaire majeur qui peut engendrer la mort ? Si demain, le virus prend de l’ampleur, cela va être une catastrophe ! Tant que les consignes de sécurité ne seront pas respectées à la lettre, nous demandons purement et simplement la fermeture du CRA.

 FI : Dans un courrier que vous allez adresser à la direction territoriale de la police nationale, à la préfecture ou encore au ministre de l’Intérieur, vous évoquez également la gestion de la violence et de l’insécurité sur Mayotte liées à une immigration clandestine non jugulée et l’application de la réglementation concernant les étrangers en situation irrégulière.

 F. D. : Nous nous rendons compte que les règles du gouvernement en termes d’intégration diffèrent dans le 101ème département. Notre syndicat défend aussi bien l’intérêt physique des fonctionnaires que les droits des personnes en situation irrégulière. En l’occurrence, ce n’est pas le cas. Le territoire les laisse se contaminer les uns les autres et les prive de leur liberté fondamentale, c’est un crime !

 L’insécurité est devenue exponentielle et insupportable. Pour les collègues qui ont une conscience professionnelle, c’est inacceptable ! Malheureusement, la majorité d’entre eux deviennent fatalistes de peur de la pression hiérarchique. Tous les jours, c’est de pire en pire. Nous voyons des groupes armés jusqu’aux dents et des habitants se faire agresser en pleine rue. La preuve encore dans la nuit de mardi à mercredi en Petite-Terre où plus d’une centaine de jeunes ont pillé et violenté la population. En 10 ans de poste dans le 93, je n’ai jamais vu cela. C’est inadmissible. La lutte contre l’immigration clandestine ne doit pas se substituer à la sécurité publique.

 FI : Que préconisez-vous pour que les lignes bougent enfin à Mayotte et que l’ordre soit rétabli ?

 F. D. : Il faut poser sur la table la possibilité d’envoyer en mission les compagnies républicaines de sécurité (CRS). Je pense qu’elles seraient nécessaires car ceux qui font office de forces mobiles, c’est-à-dire les gendarmes, sont inexistants. Non seulement, elles pourraient rassurer la population, mais en plus elles pourraient éviter les regroupements de jeunes armés. Après, une question se pose : la violence à Mayotte est-elle attisée ou non ? Ce n’est ni plus ni moins qu’une volonté politique !

 Nous souhaitons également que les militaires en formation puissent patrouiller dans le but de dissuader. Il faut envoyer nos forces de l’ordre dans les quartiers sensibles pour nous faire voir. Et ne pas attendre de les déployer sur des points stratégiques, où personne ne les voit en temps normal, pour les visites de ministres… Quand ils viennent, c’est de la poudre aux yeux ! La sérénité et le développement de Mayotte passeront par la reconquête du territoire. Il nous faut une présence constante avec du personnel qualifié. Ici, tout est fait à l’envers : les hommes de terrain sont mis au placard et ceux dans les bureaux sont envoyés au casse-pipe. Les effectifs sont mal organisés dans le seul but de répondre à une politique du chiffre. Avec mon permis bateau en poche, je pensais intégrer la brigade nautique de la police aux frontières. Et finalement, je me retrouve au CRA… En tant qu’ancien CRS, de la BAC, et de la police judiciaire, je n’ai rien à faire ici ! Mon seul objectif est de pouvoir faire bouger les lignes avant mon départ d’ici quatre ans.

Les urgences de Mayotte se préparent à encaisser des vagues avec des effectifs limités

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Alors que la situation sanitaire se dégrade drastiquement en métropole, le centre hospitalier de Mayotte subit des poussées de cas de Covid-19. Des augmentations ponctuelles qui poussent les urgences et la réanimation à réagir très rapidement sur une période courte… avec des effectifs sensiblement restreints. 

Aux urgences, la situation anxiogène d’il y a encore quelques mois semble être un lointain souvenir. Les bâches de la filière respiratoire installées à l’entrée laissent désormais la place libre aux pompiers et aux ambulanciers qui ont repris leurs bonnes vieilles habitudes. De quoi laisser présager un avenir plus radieux qu’en Hexagone, où la situation sanitaire se dégrade au fil des jours ? Pas vraiment, puisqu’en interne, des réunions de crise se tiennent chaque semaine dans l’enceinte du centre hospitalier de Mayotte pour dresser un état des lieux de l’épidémie (l’agence régionale de santé comptabilise 291 nouveaux cas sur la semaine du 1er au 7 novembre pour 13 hospitalisations, dont 2 réanimations) et finaliser le plan rebond dans le but de répondre à une montée en puissance le moment venu. Aujourd’hui, sur les 182 dossiers traités quotidiennement par le SAMU, entre 5 et 8 concernent le Covid-19.

Et face à cette éventualité, ou plutôt ce risque, se pose aujourd’hui la question des effectifs, notamment chez les infirmiers. Depuis fin juin, certains soignants croquent à pleines dents leurs congés tant mérités. Tandis que d’autres quittent définitivement l’île aux parfums. Et ce sont ces départs sans retour qui créent le plus grand souci à l’heure actuelle. « Tout un tas d’infirmiers, d’origine métropolitaine, en poste depuis un, deux ou trois ans, ont terminé leur contrat. Un certain nombre avait prévu de ne pas rempiler. Et ceux qui hésitaient ont préféré rentrer chez eux pour des raisons diverses », confie Christophe Caralp, le chef de pôle URSEC. « En temps normal, nous les remplaçons, mais la situation actuelle du Covid fait que nous avons plus de mal à recruter à Mayotte parce que nous sommes loins de la métropole, les gens sont plus réticents à se déplacer dans un département d’Outre-mer, et parce qu’il y a une incertitude vis-à-vis du virus. »

Contrat à court terme vs recrutement à long terme

Deux autres facteurs rentrent également en ligne de compte. Le premier est l’impossibilité de voyager convenablement dans la région de l’océan Indien, en raison du flou artistique de l’espace aérien. Les visites dans les pays voisins représentent l’un des atouts majeurs du CHM lorsqu’il s’agit de faire pencher la balance du côté du 101ème département. Le second est l’approche des fêtes de fin d’année. Les personnels préfèrent s’engager après ces échéances pour des raisons familiales. Conséquence : « Nous avons rappelé sur des contrats très courts des anciens de chez nous, qui connaissent très bien la maison, pour nous prêter mains fortes, notamment au SMUR et en réanimation. » À la différence des urgences qui privilégient le recours aux heures supplémentaires. « Pour le recrutement à long terme, nous sommes dans une phase intermédiaire. Nous espérons recruter d’ici début janvier pour retrouver notre roulement habituel », souligne Christophe Caralp, qui jongle avec son personnel à disposition pour faire tourner les évacuations sanitaires et le caisson hyperbare (installation pour le traitement des plaies).

Concernant l’évolution de l’épidémie sur le territoire, les dernières semaines démontrent que l’activité du coronavirus évolue par vagues successives. « Nous en avons connue une il y a à peu près trois semaines », concède Christophe Caralp, qui s’attache alors à renforcer temporairement les services en première ligne pour pouvoir s’adapter aux besoins avant de reprendre un rythme plus classique. Le crédo se résume ainsi : « Être souples et très réactifs ! » Une adaptation de tous les instants qui doit aussi prendre en compte l’épuisement des uns et des autres. « Nous devons trouver le bon dosage », martèle le chef de pôle. Et en cas de durcissement des « poussées », « il faudra monter en puissance sur la durée et installer des filières plus pérennes, comme celle à l’accueil, voire même déprogrammer des activités ».

Le CHM doit donc résoudre une équation à plusieurs inconnues. Si le service réanimation peut se targuer d’avoir accueilli neuf infirmiers la semaine passée, ces derniers ne sont pas encore autonomes. « Il faut deux mois pour qu’ils soient formés, donc nous sommes encore fragiles », précise Christophe Caralp. Cette période de transition demande alors de mixer les plannings des anciens et des nouveaux. En conclusion, il apparaît évident de retarder au maximum l’arrivée de cette « deuxième » vague pour que les effectifs soient en nombre suffisant et opérationnels sur le terrain. En espérant un éventuel renfort de la réserve sanitaire. « Paris nous écoute, mais comme nous ne sommes pas les plus critiques, nous ne sommes pas prioritaires. » Le compte à rebours est lancé…

 

Des lycéens mahorais marqués par l’insécurité aux assises de la sécurité

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Les Assises de la sécurité et de la citoyenneté de Mayotte ont débuté ce lundi matin au lycée des lumières de Mamoudzou Nord. L’événement a rassemblé plus de monde que prévu. Parmi eux, des lycéens qui ont contribué aux échanges et ont proposé des solutions.

Ils étaient six. Six lycéens de trois établissements différents, qui n’ont pas prononcé de discours aseptisés, qui n’ont pas promis monts et merveilles mais qui ont pris la parole pour crier leur désarroi face à l’insécurité grandissante au sein et aux abords des établissements scolaires. Face à eux, des hommes et des femmes politiques qui les écoutent attentivement, et qui n’ignorent en rien le quotidien de ces jeunes marqués par le sentiment d’insécurité. Ils ont apporté leur pierre à l’édifice en proposant des solutions concrètes à l’occasion de cette première journée des Assises de la sécurité et de la citoyenneté. « Il faut sensibiliser les jeunes à la question de la violence dans chaque village. Et en parallèle, donner plus de moyens à la vie scolaire. Il nous faut un lieu d’échange et d’écoute », clame Abdoulyazid Said Assani, élève de terminale au lycée du Nord d’Acoua.

D’autres ont proposé d’élargir l’amplitude horaire des établissements scolaires afin que les élèves ne patientent pas à l’extérieur lorsqu’ils arrivent tôt le matin. Les six délégués représentants des lycéens ont tous évoqué les actes de violence dans les transports scolaires. Et là encore, ils ont énoncé quelques idées pour y remédier. « Une grande partie des élèves vont à l’école en bus. Et on a tous peur pendant le trajet. On vous demande de mettre un médiateur dans chaque bus scolaire », recommande Marissa Iris Combo, élève de terminale au lycée du Nord d’Acoua. Les lycéens sont clairs : il faut plus investir dans la sécurité des élèves parce qu’ils sont l’avenir de Mayotte.

« On a vécu ce qu’on a raconté »

Les jeunes présents à la cérémonie d’ouverture de ce rendez-vous tant attendu ont écouté les longs discours des élus, du préfet, du recteur et bien d’autres durant toute une matinée. Mais leurs paroles n’ont pas atteint le jeune public. « Je n’ai pas trop compris ce qu’ils ont dit. Ils ont beaucoup parlé », souligne Hadjra Ahamadi, élève au lycée professionnel de Kaweni. Et son camarade Yasser Souffou d’ajouter : « Personnellement, tant que je ne verrai pas des actions concrètes, je ne leur ferai pas confiance. J’attends de voir pour y croire. » Ils n’ignorent cependant pas l’importance de cet évènement. Il s’agit d’une occasion rêvée pour eux d’échanger avec les élus et le recteur, et de partager leurs idées.

Les élèves subissent au quotidien tous types de violence, directement ou indirectement. Cette situation a fait naître en eux une certaine colère envers les élus, les adultes qui sont censés les protéger. « Notre discours était plus concret parce qu’on a vécu et on vit tous les jours ce qu’on a raconté pendant qu’eux sont dans leurs bureaux. Ils ne sont pas sur le terrain », critique Marissa Iris Combo. Les lycéens qui ont osé porter les voix de tous leurs camarades ont ramené toute l’assemblée présente à la dure réalité qui les frappe. Leur jeunesse rythmée par l’insécurité a rappelé aux élus et au gouvernement l’intérêt premier des Assises de la sécurité. Il est temps de trouver des solutions efficaces sur le long terme. « Chaque citoyen peut contribuer à l’amélioration de la sécurité sur l’île, alors ne baissons pas les bras et ne cherchons pas de prétexte pour ne pas être plus impliqués », prévient avec fierté Marissa Iris Combo.

Grève des agents du Département de Mayotte : pour le syndicat Force ouvrière, le protocole d’accord n’a pas été respecté

Face à l’absence d’avancées significatives par rapport aux 43 points qui avaient fait l’objet d’une négociation en septembre, les agents de terrain du Département ont reconduit leur grève. Avec peu ou prou les mêmes revendications.

Forte déconvenue pour les passagers de la barge, en ce début de semaine déjà pluvieux. Amassés sur les quais, les centaines d’usagers ont dû faire preuve de patience : une seule barge assurait la traversée ce lundi jusqu’à la mi-journée. La cause de ce service minimum ? Une grève des agents du STM (service des transports maritimes de Mayotte), que beaucoup n’avaient pas vu venir. Sur les réseaux sociaux, ils étaient d’ailleurs plusieurs commentateurs à s’interroger sur l’absence d’un préavis qui aurait pu leur permettre d’anticiper le coup…

En réalité, c’est à l’appel du syndicat Force ouvrière, qui avait déposé un préavis ce vendredi 6 novembre, que plusieurs agents du conseil départemental ont décidé d’entamer une grève illimitée. Parmi eux figurent notamment les personnels en charge du ménage, les gardiens et agents de sécurité, les agents de surveillance des tortues, les jardiniers et les agents de la brigade rivière. Et il semblerait donc que ceux du STM se soient eux aussi greffés au mouvement. Selon le syndicat, le non-respect du dernier protocole d’accord, signé le 1er octobre après un premier mouvement entamé le 28 septembre, a motivé cette nouvelle mobilisation pour enfin faire entendre leurs revendications. “Nous avons le sentiment que la signature du protocole n’a pas de valeur”, déplore Ichaan Madi, secrétaire générale du groupement départemental FO services publics.

43 revendications sur liste d’attente

En tout, 43 points avaient été soulevés pendant les dernières négociations, des conditions de travail des femmes de ménage et agents de sécurité, à l’attribution des primes Covid, en passant par le local des agents de surveillance des tortues à Moya ou la vétusté des locaux au jardin botanique de Coconi. “Sur la cabane de Moya qui est en cours de réhabilitation, il avait été convenu que les agents conservent un abri, or dès la première semaine d’octobre, tout a été cassé”, signale par exemple la représentante syndicale. Des réunions de travail devaient aussi être fixées à l’agenda pour mieux prendre en compte les demandes des femmes de ménage, ainsi qu’une réunion du CHSCT. Sans effet. “Le jour où nous leur annonçons la nouvelle grève, ils trouvent tout à coup des disponibilités, alors qu’une réunion devait avoir lieu la semaine du 14 octobre !”, poursuit-elle, sidérée.

Autre sujet de discorde, commun à tous les agents : la question de la prime Covid. Les grévistes pointent du doigt le manque de transparence dans l’attribution de ce petit bonus destiné à ceux qui avaient continué à charbonner pendant le confinement. “Ils devaient nous transmettre le fichier faisant état de la présence des agents”, rappelle Ichaan Madi. Or, un mois plus tard, force est de constater que leur vœu n’a pas été exaucé. “Toujours à l’heure actuelle seuls les directeurs ont obtenu la liste, et personnellement, je ne l’ai pas en ma possession”, s’agace Mouslimou Ma-Ouard, secrétaire général du syndicat FO conseil départemental.

Des retenues de salaire pour des agents du STM

Le hic, c’est que cette liste est déterminante, car elle permet aussi de savoir quels agents étaient en “autorisation spéciale d’absence” pendant le confinement. À savoir ceux dont l’activité n’était pas indispensable au maintien des services essentiels du Département, comme des assistants techniques du STM par exemple. Or, certains d’entre eux s’estiment aujourd’hui lésés, car ils ont subi des retenues de salaire. “C’était le confinement, et l’administration s’est permis de dire qu’elle avait rappelé des agents, qui ne sont pas revenus. Pour nous au syndicat, la reprise du travail n’était pas claire, j’ai donc demandé des justificatifs”, abonde le gréviste. Interrogés sur la relative discrétion des employés des barges lors de la première grève, les syndicalistes assurent que le sujet était bien sur la table. “Mais les retenues sur leur salaire sont devenues une réalité entre-temps, puisque rien n’a été fait pour interrompre cette décision”, répond Mouslimou Ma-Ouard.

Résultat, la situation ne risque pas de s’améliorer cette semaine pour les habitués de la barge. Sur sa page Facebook, le STM a d’ores et déjà communiqué sur les perturbations à prévoir ce mardi matin, avec un service interrompu de 8h à 12h. Un seul navire pour assurer le service minimum. De son côté, le syndicat Force ouvrière attend une première réunion de concertation pour décider des suites du mouvement. Avec un message clair : “cette grève sera plus dure que la précédente. Sans retour favorable, nous n’hésiterons pas à resserrer les vis”, met en garde Mouslimou Ma-Ouard.

 

Bouffée d’oxygène pour le centre hospitalier de Mayotte

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Le centre hospitalier de Mayotte a inauguré vendredi son unité pharmaceutique de production d’oxygène médical. Une installation qui permet à l’établissement de réduire drastiquement sa facture annuelle, de devenir autonome et indépendant de la métropole mais aussi de s’outiller en prévision de la deuxième vague du Covid-19.

« Le centre hospitalier de Mayotte est outillé et paré pour la deuxième vague », souligne Issa Issa Abdou, en sa qualité de président du conseil de surveillance, pour évoquer l’inauguration de l’unité pharmaceutique de production d’oxygène médical. Une bouffée d’air sachant que quelque mois plus tôt, un bateau en direction de La Réunion avait été dérouté vers le 101ème département pour le réapprovisionner. Ou encore lorsqu’en février 2018, l’hôpital s’était retrouvé avec seulement trois jours de stock… Une dépendance respiratoire depuis la métropole qui n’est plus qu’un lointain souvenir. « C’est une installation particulièrement stratégique sur laquelle nous ne pouvons pas faire l’impasse en site insulaire », assure Catherine Barbezieux, la directrice du CHM, qui se réjouit de devenir le deuxième établissement public de santé français à gagner cette autonomie, après celui de la Guadeloupe.

Un projet vieux de deux ans, autorisé par l’ARS et l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui se justifie dans les chiffres. En moyenne, la structure consomme 100.000 mètres cubes d’oxygène par an. Quantité évaporée en seulement trois mois avec le Covid-19 en cette année 2020. La spécificité de ce nouvel outil est de pouvoir continuellement ajuster sa production aux besoins des patients, comme le démontre le cadrant sur lequel s’affiche la consommation de 10 mètres cubes par heure et les 7.200 mètres cubes en réserve. Et surtout, cet équipement représente un investissement intelligent puisqu’il n’en coûtera que 1.2 million d’euros sur les quatre prochaines années contre une facture annuelle évaluée à 600.000 euros précédemment.

Pureté supérieure à la norme

Concernant le procédé de fabrication, rien de plus simple. « L’air passe par différentes étapes, comme la purification qui permet d’extraire l’eau et l’humidité ainsi que les impuretés organiques, de type hydrocarbures. Puis par un système de mailles, nous enlevons les particules en suspension et procédons à une filtration stérilisante. Enfin, nous retirons les impuretés gazeuses par système de compression, comme le CO2 et l’azote pour ne garder que l’oxygène pur », déroule le chef du service phamarcie, Makrem Ben Reguiga, qui précise qu’un contrôle de pureté en temps réel est réalisé par l’équipe de pharmaciens et de préparateurs. « La norme européenne est 93%, nous nous sommes entre 97 et 98% minimum ! »

Réglementation oblige, le CHM garde tout de même ses deux anciennes cuves de 10 et 27 litres ainsi qu’un réservoir de 11.000 mètres cubes pour avoir un plan de secours en cas de défaillance. « Nos équipes techniques sont formées pour arrêter l’installation dans le cadre d’un souci électrique prévisible. Et si par hasard, nous avons une panne non prévue, nous avons une équipe de maintenance à Kawéni qui se déplace 24h sur 24. » Tout se gère en télémétrie : les téléphones portables et les ordinateurs possèdent un schéma scénoptique d’installation avec les alarmes, tout comme le centre de sécurité de l’hôpital. Pas de doute, les 411 lits approvisionnés sont entre de bonnes mains. Cerise sur le gâteau, le nouvel équipement est surdimensionné pour faire face aux épidémies diverses, telles que la bronchiolite, et à l’augmentation de la population. « Nous pouvons tripler notre capacité de production », conclut Makrem Ben Reguiga. « Le CHM va pouvoir respirer plus facilement ! »

Victimes ou mis en cause, les mineurs auront désormais un avocat référent à Mayotte

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Alors que débutent ce jour les Assises de la sécurité, les avocats ont manifesté vendredi leur pleine implication dans la question de la jeunesse à Mayotte, avec la création officielle du groupe des avocats défenseurs d’enfants. En tout, une vingtaine d’entre eux seront amenés à devenir référents pour des mineurs présentés plus de trois fois au tribunal.

Il était temps ! Ce vendredi, le groupe des avocats défenseurs d’enfants, créé le 7 octobre dernier lors de la réunion du conseil de l’ordre, était inauguré officiellement à Mamoudzou, à l’initiative de Maître Fatima Ousseni. Un voeu de longue date pour la bâtonnière du barreau de Mayotte, qui souhaitait reproduire ici une structure déjà existante en métropole.

“À Paris, la décision de créer l’antenne des mineurs remonte à trente ans, et à l’époque seuls des avocats surformés pouvaient intégrer le dispositif. Aujourd’hui, tous les barreaux de France sont lotis de leur groupe de défense des enfants, et à Mayotte, alors que nous faisions déjà le job, nous ne pouvions pas faire l’impasse”, a-t-elle déroulé devant les acteurs du monde judiciaire, et plusieurs partenaires impliqués dans les problématiques liées aux mineurs à Mayotte. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse, les représentants de la préfecture, du conseil départemental et de la mairie de Mamoudzou et des associations étaient aussi présents pour ce moment charnière.

Un référent et un dossier unique

Concrètement, ce groupe doit permettre d’attribuer un avocat référent à tout mineur qui aura été présenté plus de trois fois devant le juge, qu’il soit victime ou mis en cause. Une situation qui ne relève malheureusement pas de l’exception au tribunal… Le conseil du jeune, déjà en connaissance de son dossier et de ses antécédents, sera alors mieux à même de “le comprendre et aussi de l’encadrer”, a-t-elle expliqué. Il disposera pour ce faire d’un dossier unique, recensant sa situation matérielle, sociale, économique, personnelle, et qui sera disponible auprès du greffe. “La mise en place de ce dossier unique est essentielle pour que les avocats et les travailleurs sociaux aient tous le même niveau d’informations”, a salué Hugues Makengo, le directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse.

Mieux encore, la création de ce groupe vient “sans demander de l’argent à personne”, les avocats de Mayotte travaillant déjà “à 99% des cas avec l’aide juridictionnelle légale”, a souligné la bâtonnière. Un partenariat avec le procureur de la République et le président du tribunal pourrait toutefois permettre d’obtenir quelques éléments matériels, comme un téléphone d’appoint, pour faciliter le travail des avocats dans cette permanence.

Vingt avocats volontaires

En tout, ils sont une vingtaine à s’être portés candidats, soit près des trois quart du barreau de Mayotte. Via ce groupe, les robes noires pourront aussi accéder à des formations pour monter en compétences. Une façon aussi de se préparer à l’entrée en vigueur de la réforme sur la justice pénale des mineurs, en mars 2021. Et de s’organiser pour adresser cette “question prégnante à Mayotte”. “Nous sentons depuis quelques mois que cela ne s’arrange pas, voire que cela s’envenime”, a encore exposé Maître Ousseni. “Nous n’allons pas vous dire qu’il n’y a pas d’insécurité à Mayotte. Il s’agit de notre travail au quotidien.”

Prise de bec et règlements de compte sur le sujet sensible de la jeunesse

Taquins, les avocats ? Ce vendredi, ils n’avaient en tout cas pas leur langue dans leur poche, et entendaient bien mettre deux trois choses au clair avec le représentant de la préfecture. Le secrétaire général Claude Vo-Dinh, venu représenter l’institution pour le lancement du groupe des avocats défenseurs d’enfants, y aura finalement passé un assez mauvais quart d’heure. “Il n’a pas vraiment apprécié ce que nous avions à lui dire”, a commenté Maître Luc Bazzanella, l’un de ses détracteurs du jour. L’objet de leur discorde : le manque de réactivité de la préfecture aux mails des avocats. Et c’est Maître Jean-Paul Ekeu qui a dégainé le premier, en se permettant ce pas de côté sur l’événement du jour : “Comme nous avons la préfecture avec nous, j’aurais aimé savoir pourquoi, quand un avocat lui écrit, celle-ci a pour habitude de ne pas répondre…” Et le principal concerné de rétorquer que son seul service reçoit plus de 500 demandes par jour.

Mais derrière la question organisationnelle, d’autres griefs sont vite arrivés eux aussi sur le tapis. “Certains jeunes qui n’ont pas pu régulariser leurs dossiers se retrouvent après le Bac sans moyen de quitter le territoire”, a confirmé le substitut du procureur en charge des mineurs. Une problématique récurrente pour les jeunes étrangers à Mayotte, qui ne peuvent circuler sur le territoire national sans visa. “J’en ai encore un, qui vient d’être pris en licence de maths à Nantes, et qui est bloqué ici”, souffle Maître Bazzanella à l’issue de ces échanges houleux.

“Vous laissez des gens pendant 18 ans sans leur faire comprendre ce que c’est qu’un papier, puis vous venez me voir pour régler leur dossier en deux mois !”, s’est agacé le secrétaire général de la préfecture qui assure avoir envoyé 300 réponses rien que pour le mois passé. Chacun s’est ainsi renvoyé la balle pendant plusieurs minutes, les avocats dénonçant leur manque de moyens face à l’ampleur des enjeux du département tandis que le substitut du procureur pointait leur absence pendant les gardes à vue de mineurs. Au milieu de ces tirs croisés, la collectivité elle aussi en prenait pour son grade, sur fond d’oisiveté des jeunes : “Le conseil départemental est aux abonnés absents, alors que c’est à eux d’agir en prévention, moi je n’arrive qu’après”, s’est désolé Maître Abdel Latuf Ibrahim. “Y a-t-il un seul stade à Mayotte aux normes ? Il y a deux problèmes majeurs pour les jeunes, l’oisiveté, et le fait qu’ils puissent passer une journée sans manger. Si nous arrivons à régler ces deux problèmes, nous arrivons à régler une grande partie des violences”, a-t-il martelé. “Et ça, c’est le conseil départemental !”. Ambiance

Immigration, fonds européens : le député européen F-X. Bellamy repart de Mayotte avec des propositions

Le parlementaire européen a rencontré plusieurs acteurs et institutions clés de l’île pour sa visite d’une semaine dans le 101ème département. L’occasion pour lui de mieux connaître les problématiques du territoire, pour le défendre jusqu’à Bruxelles.

C’est l’heure du bilan pour François-Xavier Bellamy. Après une semaine “intense” sur le terrain, le député européen (Les Républicains) clôt sa visite à Mayotte, la première dans les Outre-mer depuis les élections, avec un meilleur aperçu des réalités du territoire. Des problématiques qu’il a ainsi pu toucher du doigt et qu’il entend bien désormais faire remonter à Bruxelles et à la Commission européenne. “Mayotte concentre beaucoup des difficultés que la République a laissé s’installer sur le territoire, mais aussi un potentiel extraordinaire”, a introduit le parlementaire pour cette conférence de presse de fin de séjour, aux côtés du député Mansour Kamardine.

Celui qui ne cache pas ses positions assez fermes sur l’immigration a tenu à mettre l’accent sur ce sujet crucial pour le 101ème département, en proie à des arrivées massives d’étrangers originaires des Comores ou des pays d’Afrique de l’Est. “Il s’agit d’un vrai sujet européen, au cours des prochaines semaines sera étudié le prochain pacte de la Commission européenne qui doit construire l’organisation de nos frontières”, a-t-il rappelé. “Aucune société ne peut trouver son équilibre si ses frontières ne sont pas maîtrisées.”

Visioconférence avec Frontex

À l’issue de ses rencontres avec les acteurs de la lutte contre l’immigration clandestine, le député européen a proposé d’organiser une visioconférence avec le directeur de Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. “Je crois qu’il est indispensable que l’Union européenne s’engage sur ce sujet (…) et que nous échangions pour que Frontex puisse soutenir Mayotte d’une manière ou d’une autre.”

Enfin, au sujet de l’intégration de Mayotte à l’espace Schengen, François-Xavier Bellamy s’est dit “pas opposé”, “mais je pense qu’il faut commencer par mettre fin à cette immigration massive”. Quant au goulot d’étranglement qui empêche les étrangers détenteurs d’un titre de circuler librement sur le territoire national, le député européen a pointé le risque d’appel d’air. Lever ce verrou signifierait que les “Mahorais seraient confrontés 1.000 fois à ce phénomène”.

Une consommation peu satisfaisante des fonds européens

Second sujet et non des moindres : la consommation et la gestion des fonds européens. Une arlésienne à Mayotte, dernier territoire où l’autorité de gestion revient encore à l’État et non à la collectivité. Or, alors que le département nécessite des investissements cruciaux pour son développement, “nous ne sommes pas arrivés à une consommation satisfaisante sur la première programmation 2014-2020”, a déploré François-Xavier Bellamy. Une partie de ces fonds, l’assistance technique, qui vise justement à mieux former les élus pour utiliser cette manne financière, fait particulièrement défaut. Il s’agit à Mayotte du fonds le moins consommé, 20% seulement pour la première session. Résultat : “Nous abordons la deuxième programmation avec les mêmes manques de compétences…” Un sujet sensible qui a d’ailleurs fait l’objet d’un échange assez intense avec la préfecture. “Il faut que l’État transfère enfin l’autorité de gestion au conseil départemental ! Basta !”, a résumé le député Mansour Kamardine. Là encore, François-Xavier Bellamy entend faire remonter ces doléances jusqu’à Bruxelles, pour d’une part que Mayotte continue de bénéficier des fonds nécessaires à son développement, et d’autre part mettre fin à cet imbroglio sur leur gestion. Mission acceptée ?

Le protocole sanitaire dans les écoles mahoraises, les réalités du terrain

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Depuis lundi, tous les enfants, âgés de 6 ans ou plus, de l’île et partout ailleurs sur le territoire national – doivent obligatoirement porter le masque dans les établissements scolaires. Une nouvelle mesure qui s’ajoute au protocole sanitaire déjà très strict. Pour faire en sorte que l’ensemble du dispositif soit respecté à la lettre au sein de l’école de Passamaïnty Village, la directrice Rose-Marie Bloquet, veille au grain. Immersion.

Jeudi, 7h20. Comme chaque matin, Rose-Marie Bloquet, arrivée une heure plus tôt, se tient droite devant les deux entrées de l’école élémentaire de Passamaïnty Village. Derrière ses lunettes, la directrice scrute minutieusement les faits et gestes de ses 344 élèves, alignés dans la file d’attente correspondant à leur section respective. La course contre la montre peut alors débuter. Top chrono pour envoyer toutes les frimousses en classe. « Chaque groupe rentre un par un », précise-t-elle. « Les enfants sont disciplinés et rangés. » Dans la cour de récréation, la même rigueur s’impose. À l’image de la série de lignes tracées à la bombe sur le bitume brûlant.

Pas le temps de souffler que Rose-Marie Bloquet court encore à droite et à gauche. Cette fois-ci pour assurer une distribution d’un masque en tissu adapté, dont le port est obligatoire dès l’âge de 6 ans depuis lundi, à destination de tous ses protégés. « Je suis passée dans les 14 salles et en ai profité pour leur donner quelques consignes. » Avec deux protections, lavables 20 fois, en poche, les écoliers sont en capacité de se couvrir jusqu’aux prochaines vacances scolaires. Tout du moins en théorie… « Je milite pour qu’ils reçoivent tous un lot de 6, comme les adultes. Car certains d’entre eux se les font voler, les perdent ou bien ne les nettoient pas à cause des coupures d’eau. » Une crise dans la crise qui n’arrange décidement pas les affaires du milieu scolaire.

Le lavage des mains en chanson

Au loin, une femme de ménage s’active pour désinfecter les sanitaires, nettoyer les poignées de porte et remplir les bacs à savon. Des mesures strictes qui remontent déjà à la rentrée scolaire de fin août. « C’est un planning de dingue à mettre en place pour respecter toutes les consignes. Au niveau de la gestion administrative, c’est épuisant ! » À 9h, les premiers groupes d’élèves sortent pour prendre leur collation, histoire de « s’oxygéner ». Une nouvelle épreuve de force pour Rose-Marie Bloquet. Car c’est le moment d’aérer les classes mais aussi de contrôler le lavage des mains qui doit durer 30 secondes.

Et pour s’en assurer, la directrice peut s’appuyer sur sa recette magique proposée par l’équipe pédagogique : la lecture en choeur d’une comptine pour procéder aux huit étapes nécessaires dans le but d’avoir les minettes toutes propres. Sauf que tout ce protocole peut donner du fil à retordre, notamment en termes d’approvisionnement… « Avec un bidon de 5 litres, nous tenons deux jours », souffle-t-elle, la tête penchée vers ses réserves, avant de confier avoir dû faire preuve d’ingéniosité pour fabriquer son propre savon en période de pénurie, ou plutôt de livraison tardive. « Nous ne devrions pas avoir à réclamer pour [en] recevoir. »

Les bons et les mauvais élèves

À 11h, bis repetita avec la pause méridienne durant laquelle une grande majorité des enfants rentrent chez eux pour déjeuner. Installée une nouvelle fois à proximité du portail, Rose-Marie Bloquet alterne entre les rappels à l’ordre – « bon appétit, à tout à l’heure… n’oubliez pas de porter votre masque sur le nez ! » – et les félicitations – « c’est bien les CM2, vous avez tout compris ! ». L’occasion idoine d’adresser ses louanges aux parents, « réceptifs » et surtout « coopératifs » face à cette succession de contraintes. Mais aussi de saluer la prise en charge des quelques-uns restés sur place par la douzaine d’animateurs de la mairie de Mamoudzou le midi. Toujours à l’affût du bien-être de ses élèves, celle qui est directrice de l’école depuis maintenant 6 ans donne quelques conseils pour alléger les règles sanitaires. « N’hésitez pas à vous espacer d’un mètre pour enlever vos masques car il fait chaud. » Message reçu 5 sur 5. Ni une ni deux, toute le monde étire ses bras pour respecter la distanciation physique.

L’heure de souffler a enfin sonné pour Rose-Marie Bloquet, éreintée par cette journée démarrée sur les chapeaux de roue. « En tant que directrice, je ne fais qu’appliquer les consignes », admet-elle. Si « les élèves sont très dociles et respectueux sur le port du masque », cette nouvelle mesure s’avère plus contraignante pour les enseignants. « Ils ont plus de mal à l’accepter, car cela rajoute des difficultés pour le travail pédagogique, comme la phonologie, l’expression des sentiments et l’audition. Toutes ces tâches modifient la manière d’enseigner. » Toujours est-il qu’un objectif commun prime : éviter le confinement à tout prix et revivre l’expérience de l’école à distance ! « Nous mettons le paquet pour ne pas avoir de clusters. » Avec un tel capitaine à son bord et un équipage de vingt enseignants motivés, Passamaïnty Village fait assurément partie des exemples à suivre.

Des précisions sur l’imbroglio au CUFR de Mayotte

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Le parcours pour accéder au siège de directeur du CUFR de Mayotte n’est pas de tout repos. Les deux candidats en lice mènent une bataille qui risque de durer dans le temps. Les accusations fusent de toutes parts et le recteur essaye tant bien que mal de calmer le jeu.

Le nom du prochain directeur du centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte ne sera pas connu avant le 17 décembre. Annulées, les élections ont été repor-tées suite à un conflit opposant Thomas M’saïdié, maître de conférences en droit public à Aurélien Siri, candidat à sa succession. L’enseignant a présenté une liste de professeurs d’université pour représenter le collège A de l’équipe pédagogique. L’île aux parfums ne disposant pas encore de professeurs d’université, tous les enseignants du CUFR sont is-sus des universités partenaires du CUFR. Ceux choisis par Thomas M’saïdié viennent d’Aix-Marseille université. Cependant, le décret du 12 octobre 2011 indique que pour qu’un professeur d’université puisse être éligible, il doit réaliser au moins 1/5ème de son service annuel, soit 38,4 heures sur toute l’année à Mayotte. “Les professeurs que j’ai choisis réalisent 89 heures pour l’un et 87,5 heures pour l’autre. L’un d’eux exercent chez nous depuis 2012. Ils sont tout à fait éligibles”, clame Thomas M’saïdié. Mais selon lui, Au-rélien Siri l’accuse d’avoir augmenté les heures de ces deux professeurs en question. “Alors que c’est lui qui a gonflé le service de Monsieur Tupin, son mentor pour qu’il soit éli-gible”, dénonce-t-il.

À cela s’ajoute un autre problème. Une nouvelle règle a fait son apparition, et a cham-boulé tout le processus. “Monsieur Siri a rajouté une nouvelle règle qui n’est pas dans le décret du 12 octobre 2011, consistant à valider les missions des intervenants extérieurs par le conseil d’administration (CA) restreint”, raconte le maître de conférences en droit public. Ce dernier accepte tout de même la nouvelle règle du jeu même s’il la juge inac-ceptable. Le CA est donc supposé se réunir le 21 octobre pour valider les missions de tous les candidats, mais la séance est soudainement ajournée au 2 novembre, alors que les élections doivent avoir lieu le 3 novembre. Selon Thomas M’saïdié, aucune raison n’a été communiquée, le procès verbal n’étant “pas communicable”. “En fixant la séance au 2 novembre, le CA restreint s’assure que ma liste du collège A sera rejetée et je n’aurais pas pu en présenter une autre”, indique le candidat. Sans perdre de temps, le principal con-cerné saisi le recteur et le tribunal administratif qui accepte sa requête. Thomas M’saïdié accuse Aurélien Siri et certains membres du conseil administratif de “malversations et ma-nigances”. Des propos qui ont obligé les accusés à sortir un communiqué. “[Il]cherche à voler les élections en tentant de manipuler l’opinion publique, en tenant constamment des propos agressifs, mensongers et diffamatoires”, peut-on lire. Contacté par nos soins, Auré-lien Siri, le directeur du CUFR de Mayotte n’a pas voulu s’étaler sur le sujet. “Je ne sou-haite pas polémiquer ni surenchérir. Je souhaite que les élections se déroulent dans un climat apaisé”, précise-t-il.

Le recteur s’en mêle

Le recteur Gilles Halbout s’est alors saisi de l’affaire et semble avoir son avis sur le sujet. “La liste de Thomas M’saïdié n’a pas été invalidée sur des questions de fonds, d’ailleurs j’ai aussi des doutes sur les questions de forme, puisque les deux candidats proposés par lui sont des professeurs d’université réguliers (au CUFR), donc ils avaient le droit de se présenter”, déclare-t-il sur le plateau de Kwezi TV le 3 novembre. “On pourrait aussi inter-roger les raisons qui ont poussé le conseil administratif à ne pas se réunir”, ajoute-t-il.

Gilles Halbout fait également savoir qu’il a demandé que l’on repousse le processus élec-toral afin de “travailler dans la plus grande transparence et qu’il y ait une pluralité des can-didatures”. Des candidatures qui devront se refaire puisqu’à l’heure actuelle, seulement un candidat s’est fait connaître et il s’agit de Thomas M’saïdié.

Aurélien Siri souhaite se présenter en binôme avec Abal-Kassim Cheik Ahamed, maître de conférences en mathématiques appliquées et informatique. Or, cette option est impos-sible. “En face, ils font un bicéphalisme qu’ils ont inventé et qui n’est pas conforme au texte réglementaire. Même le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et de l’innovation a rétorqué leur idée de binôme à la tête du CUFR”, indique Thomas M’saïdié. Un point de vue que partage le recteur de Mayotte. “Je ne connais qu’un candi-dat (Thomas M’saïdié), et de l’autre côté, on a un binôme, mais il faudra savoir qui sera leur candidat.” Difficile d’avoir la version des faits d’Aurélien Siri et de ses alliés, mais une chose est sûre, la guerre est déclarée. Thomas M’saïdié fait savoir qu’il proposera la même liste pour la prochaine élection.

Atteinte sexuelle sur mineures à Mayotte : l’homme aux bonbons prend six ans ferme

L’inconnu qui alpague les fillettes dans la rue n’est pas une légende urbaine… Le tribunal correctionnel a jugé sévèrement un individu qui avait abusé de deux fillettes en 2015.

Elle triture son voile kaki avec nervosité et sa voix de frêle petite fille porte difficilement dans la salle d’audience. Mais quand la juge lui demande d’identifier l’homme qui se tient assis sur le banc des accusés, juste derrière elle, son timide “ewa” ne fait pas de doute. C’est bien lui qui, en 2015, l’a emmenée dans sa case, et l’a allongée sur une natte pour lui passer la main sous ses vêtements. Cinq ans plus tard, le prévenu devait répondre devant le tribunal des faits d’atteinte sexuelle sur deux mineures âgées à l’époque de six et huit ans respectivement, auxquelles il a aussi montré des images à caractère pornographique et qu’il a photographiées.

Tout éclate quand la mère d’une des fillettes apprend que son enfant est la cible des moqueries de ses camarades : le bruit court qu’elle se rend chez un homme du quartier et repart avec de l’argent. Ses petits frères lui demandent de leur donner ces bonbons qui sortent d’on ne sait où… Peu à peu, les parents comprennent ce qui se trame à quelques pas de chez eux. À force d’interroger les deux enfants, ils parviennent à reconnaître cet inconnu sur le trajet de la mosquée. Ils tentent d’abord d’obtenir des explications, avant de finalement prévenir la police.

50 centimes ou quelques bonbons

D’après le récit des deux filles aux policiers, l’individu les aurait d’abord abordées dans la rue, en leur demandant d’aller chercher une pâtisserie. Puis il les aurait emmenées chez lui, et aurait indiqué à la plus âgée de faire le guet… pendant qu’il déshabillait sa jeune victime. Selon l’aînée, le rituel se serait répété plus d’une fois. Et à chaque fois, l’homme les aurait laissées repartir avec une pièce de 20 ou de 50 centimes ou quelques bonbons, explique aujourd’hui la mère à la barre.

À toutes les étapes de la procédure, le prévenu n’aura de cesse de nier les faits. Mais les éléments du dossier ne plaident pas en sa faveur. Les deux victimes l’ont identifié et ont aussi reconnu des photographies de l’intérieur de sa maison. Sans parler des traits évocateurs que la plus jeune a dessinés devant les policiers pour leur décrire la scène… Si les examens médicaux ont exclu l’hypothèse du viol, les pièces jointes au dossier suffiront ce mercredi à convaincre le tribunal correctionnel des faits d’atteinte sexuelle reprochés au prévenu. Il écope donc de six ans de prison ferme – il en a déjà effectués trois en détention provisoire – et devra s’acquitter de 8.000 euros pour chacune des parties civiles.

Économie : Ces femmes mahoraises qui osent entreprendre

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Le cabinet mahorais de conseil a décidé de mettre les femmes entrepreneures ma-horaises à l’honneur. Un café débat a été organisé en ce sens, au salon de thé Dix thé na tchai, le 23 octobre dernier. L’occasion pour ces femmes de raconter leurs parcours et conseiller celles qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat.

Le taux de création d’entreprises par des femmes est nettement supérieur à Mayotte si l’on compare à la moyenne nationale. Et il faut rester dans cette tendance en encoura-geant celles qui se sont déjà lancées et celles qui sont encore hésitantes. Le cabinet ma-horais de conseil a récemment organisé le “café des femmes entrepreneures”. L’occasion pour ces cheffes d’entreprise de partager leur savoir-faire ainsi que leurs parcours. “L’ob-jectif est de faire participer ces femmes avec celles qui sont en train de créer leur boîte. Cela leur permettra de créer un réseau”, précise Jean-Pierre Rigante, directeur de projet au sein du cabinet de conseil.

Elles exercent dans différents domaines, mais partagent toutes la même envie de se dé-passer et d’investir dans leurs propres entreprises. À l’image de Anturia Ali. Du haut de ses 28 ans, elle est à la tête de deux entreprises. May Car, une société de location et vente de véhicules, et Easy Net, magasin de produits d’hygiène et entretien. Cela fait 3 ans qu’Anturia est auto-entrepreneur. Cette voie était comme une évidence pour elle. “Quand j’étais étudiante, je ne me voyais pas travailler pour quelqu’un. Je ne voulais pas perdre de temps à travailler pour quelqu’un, alors que je pourrais le consacrer à créer mon entreprise”, raconte-t-elle. Elle n’a cependant pas eu le soutien espéré de sa famille qui était réticente. “Cela a été un choc pour ma mère. Quand je lui ai parlé du prêt pour Easy Net, elle est tombée des nues parce qu’elle a un côté très religieux et elle ne voulait pas que je meure en ayant des dettes parce que c’est interdit dans notre religion”, sourit Antu-ria. Aujourd’hui, sa mère a dépassé cette crainte et est fière du parcours de sa fille.

Si pour May Car, Anturia s’est associée à des professionnels qui étaient déjà dans le mi-lieu, elle est seule à avoir investi dans sa nouvelle société Easy Net qui a tout juste un an. “Et je ne compte pas m’arrêter là ! J’ai plein d’autres projets”, rétorque-t-elle. Anturia Ali est cependant consciente des sacrifices qu’elle doit faire pour atteindre ses objectifs. Mère d’un bébé de 8 mois, elle ne cesse de se remettre en question. “Parfois, je suis perdue. Je me demande même ce que je fais là. Pour mon entourage, je ne suis jamais présente, mais c’est un choix de vie et j’arrive à m’organiser.” Et si elle devait donner un seul conseil à toutes celles qui n’osent pas entreprendre… “N’ayez pas peur de l’échec. Si on échoue, cela servira de leçon pour la prochaine fois, mais ce n’est pas dramatique. On peut tou-jours se relever”, clame Anturia en pensant à son modèle Steve Jobs qui a échoué et qui a visiblement réussi à se relever.

“Quand on n’a pas ses propres fonds a début, c’est difficile”

Naoumi Abdul Kader fait également partie de ces femmes qui ont osé dépasser leur craintes afin de créer leurs entreprises. Elle est arrivée à Mayotte en 2014 après ses études, dans l’espoir d’ouvrir un restaurant. Cela a toujours été un rêve pour elle, mais Naoumi est confrontée à la dure réalité du marché. “Quand on n’a pas ses propres fonds au début, c’est difficile”, déclare-t-elle. À cela s’ajoute la paperasse et toute l’organisation que nécessite un tel établissement. Alors Naoumi choisit de changer de stratégie. “J’ai dé-cidé d’ouvrir ma propre boutique de prêt-à-porter pour femmes rondes au début parce que, mo-même étant ronde, j’ai remarqué que nous avions beaucoup de difficultés à nous habiller en magasin.” La création d’une boutique est également plus facile selon elle, alors elle investit toutes ses économies dans son magasin Xara, ouvert en 2016.

Mais son envie d’être un jour patron de son propre restaurant ne s’estompe pas, bien au contraire. Grâce à l’expérience qu’elle a acquis avec sa boutique de prêt-à-porter, Naoumi a finalement pu réaliser son rêve. Son salon de thé et restaurant appelé Dix the na tchai a vu le jour il y a un an. Elle emploie 5 salariés et bénéficie également de l’aide incondition-nel de sa mère, qui n’était pourtant pas convaincue par les projets de sa fille. “Elle me con-seillait plutôt d’investir mon argent dans une voiture ou une maison. Elle pensait que mon entreprise n’allait pas fonctionner. Mais je lui ai expliqué que c’est en trébuchant qu’on ap-prend à mieux marcher”, philosophe-t-elle. Aujourd’hui, l’entrepreneure de 30 ans ne se repose pas sur ses lauriers. Chaque jour est un nouveau challenge pour elle.

Diffamation : Air Austral demande un euro symbolique pour des accusations d’abus de position dominante

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En plein retour de Corsair dans le ciel de Mayotte, une affaire de presse rappelle les conditions qui avaient poussé la compagnie à annuler ses dessertes, deux ans auparavant. Les Nouvelles de Mayotte sont accusées par Air Austral de diffamation pour un article publié en 2018.

Quand on parle à Mayotte des prix d’Air Austral, il n’est pas rare que les noms d’oiseau fusent… Mais pour s’être pris au jeu, le journal Les Nouvelles de Mayotte, pourrait bien y perdre quelques petites plumes. Ce mercredi, la publication passait devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou, pour un article écrit en octobre 2018, jugé diffamatoire par la compagnie aérienne réunionnaise.

Deux passages sont mis en cause : un premier où nos confrères accusent Air Austral de “verrouiller le ciel mahorais”, via des lobbys à Madagascar et à Maurice, “des manoeuvres qui brillent par leur obscurité”, peut-on lire. “Il s’agit de faits délictuels, donc l’article laisse entendre qu’Air Austral a des pratiques interdites, or dans la définition de la diffamation, l’insinuation fait partie des possibilités”, analyse Maître Morel, avocat de la compagnie entendu ce mercredi à la barre. Mais le journal ne s’est pas arrêté là. Plus bas, il dénonce encore le “silence suspect des élus et des pouvoirs publics qui se gardent bien de taper sur Air Austral”, et prédit que “le client mahorais restera pendant longtemps pigeon d’Air Austral qui freine des quatre fers sur le projet de piste longue”. Des accusations que la principale intéressée juge sans fondement et pour lesquelles elle demande donc un euro symbolique, ainsi que la publication de la décision du tribunal dans un journal réunionnais. L’affaire a été mise en délibéré et le choix du tribunal sera rendu public le 25 novembre prochain.

Il y a deux ans, le départ de Corsair

Pour chasser les nuages dans cette affaire, il faut bien rappeler quelques éléments de contexte. En 2018, la signature d’un partenariat stratégique entre Air Madagascar et Air Austral avait plus ou moins poussé Corsair, principale concurrente d’Air Austral sur l’axe Réunion-Mayotte, à voler vers d’autres cieux. L’État malgache avait en effet annulé les droits de trafic accordés à la compagnie entre les aéroports de Saint Denis-Roland Garros et Antananarivo-Ivato. Ce qui par voie de ricochet, mettait fin aux trajets de Corsair jusqu’à Dzaoudzi – notamment en raison des contraintes techniques posées par la piste courte pour ses avions – au grand dam des Mahorais.

“Cette desserte poussait Air Austral à s’aligner sur les prix de la concurrence […] et aujourd’hui, il suffit d’aller sur les réseaux pour savoir que tout le monde trouve cela trop cher”, rembobine Maître Yanis Souhaïli, avocat de la défense. L’affaire avait même attiré l’oeil de l’Autorité de la Concurrence. Son enquête, ouverte en 2018, s’était toutefois soldée sur un classement sans suite, après une perquisition des locaux d’Air Austral. À noter que depuis, Air Madagascar a évincé Air Austral de son capital.

Reste que le sujet est encore cruellement d’actualité. Deux ans plus tard, Corsair signe son grand retour sur l’île au lagon, avec des promesses commerciales à faire bondir sa concurrente réunionnaise. Comptez par exemple 158 euros pour un vol Mayotte – La Réunion, sans bagage, pour ses premiers tarifs promotionnels… Pourvu que ça dure !

Violences à Mayotte : un observatoire pour « abandonner cette pente suicidaire »

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Alors que les Assises de la sécurité doivent se tenir en début de semaine prochaine, un autre événement non moins important s’est déroulé ce mercredi au siège du conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement. Plusieurs acteurs institutionnels ont décidé d’installer un Observatoire des violences dans le but de mener une étude préalable et d’orienter des actions par le biais de son conseil scientifique dans le but d’améliorer la prévention, l’accompagnement et la répression.

Savoir nommer pour mieux appréhender… C’est en quelque sorte le credo de l’Observatoire des violences, présenté officiellement ce mercredi dans les locaux du conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement. Autour de la table, plusieurs acteurs bien connus du territoire, comme le rectorat, l’agence régionale de santé, le Département et la fédération des conseils de parents d’élèves. « C’est une initiative collective », souligne en introduction Bacar Achiraf, président de la commission éducation au CCEE. Dont les premières discussions remontent au mois de février, précise Mouhoutar Salim, le directeur général adjoint de l’ARS. « J’ai eu la lourde tâche de réfléchir à ce que nous allions faire. »

À la différence des Assises de la sécurité organisées en début de semaine prochaine, dont l’objectif est d’élaborer un document avec des propositions concrètes à remonter à Paris, l’idée consiste ici à « caractériser les violences qui sont plurielles », indique Gilles Halbout, le recteur. Une manière de ne pas rester les bras ballants, à « attendre [continuellement] l’intervention des forces de l’ordre », et surtout de « regarder le passé pour se projeter vers l’avenir ». En clair, il s’agit de mettre des mots forts sur ces maux qui gangrènent le quotidien des Mahorais. En d’autres termes, il est grand temps « que la parole des uns et des autres se libère et se formalise ».

Le dernier maillon de la chaîne de violences

Pour donner des pistes de travail, des chercheurs, des experts et des écrivains se sont penchés de près sur le sujet pour disposer d’un premier regard pluridisciplinaire. Parmi les éléments évoqués : les transformations sociétales ; le tableau d’une jeunesse violentée ; le management interculturel dans les rapports de force entre le système de répression collectif et l’institution judiciaire ; le mourengué : un fait social presque total ; le décrochage scolaire : du décrochage institutionnel au décrochage parental ; la violence institutionnelle : un rempart contre un accompagnement collectif.

Un tour d’horizon sur certaines violences considérées comme les causes des actes de délinquance observés jusque dans l’espace public. Ces actes délictueux sont le dernier maillon de la chaîne de violences, symbole d’une société à bout de souffle, qui comprend les violences conjugales, les violences parentales, les viols, les violences économiques, les violences institutionnelles et les violences interculturelles. « Ces textes sont les premières pierres d’une réflexion », se réjouit le responsable de l’académie, qui enfile alors son costume d’ancien mathématicien. « Une fois que nous nous sommes posés les bonnes questions, nous avons fait les deux tiers du chemin. » Limpide comme une formule mathématique.

Le lien immigration/violence est réel

Chaque intervenant prêche alors pour sa paroisse, ou plutôt pour son champ d’action. À l’instar d’Issa Issa Abdou, le 4ème vice-président du conseil départemental, qui rappelle que « la question de l’insécurité relève des missions régaliennes de l’État ». Sans toutefois omettre le rôle primordial de la prévention, comme les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. L’élu en charge du social à la collectivité n’hésite pas à mettre les deux pieds dans le plat. « Nos efforts sont sapés par l’immigration. Il faut le dire clairement, [son] lien avec les violences est réel. » Et à ses yeux, le désengorgement de l’île aux parfums doit être une priorité. Dans son viseur ? Le devenir des quelque 4.000 mineurs isolés, laissés pour compte sur le territoire. « Adrien Taquet [le secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, en visite la semaine dernière dans le 101ème département, ndlr] a botté en touche sur [leur] répartition », regrette-t-il. Une déception d’autant plus forte que les jeunes de moins de 18 ans représenteraient environ 63% des auteurs d’infractions non identifiés et non interpellés en zone police, soit le triple de la moyenne nationale. Et que les outils destinés à les encadrer et à les accompagner sont saturés puisque l’aide sociale à l’enfance ne propose que 200 places…

Face à ce constat, Zalifa Assani, la présidente de la FCPE, met en exergue la sphère de la parentalité, sujette aux violences familiales et conjugales. Dont les effets pervers se répercutent « sur les résultats scolaires » des enfants, bien souvent pointés du doigt lors d’affrontements entre bandes rivales. « Il faut que les Mahorais aient des fondations et [celles-ci] sont notre culture », poursuit-elle pour imager la croisée des chemins face à laquelle la société se confronte, à savoir la tradition et la modernité. « Pour certains parents, c’est compliqué de se positionner ! »

« Ne pas uniquement faire du verbiage »

De belles promesses de réflexion donc. Mais l’Observatoire des violences n’est-il pas un énième support qui risque de tomber aux oubliettes ? Que nenni selon les différents acteurs. « Nous ne voulons pas uniquement faire du verbiage. Nous voulons tirer des recommandations », assure Bacar Achiraf. Preuve en est avec la création début décembre d’un conseil scientifique, composé de juristes, de psychologues, d’anthropologues, d’universitaires et de personnalités publiques, « pour veiller à ce que cette production » soit gravée dans le marbre, certifie Mouhoutar Salim. Et de nombreuses rencontres doivent se dérouler régulièrement au cours des 15 prochains mois, à l’image des Assises de la jeunesse, prévues fin janvier, début février. « Une étape de perspectives », rajoute Gilles Halbout, qui dévoile alors les pistes de travail : la prévention, l’accompagnement et la répression.

Et grâce aux futures données et chiffres récoltés par les acteurs de terrain, le conseil de la culture, de l’éducation et l’environnement sera alors en mesure d’apporter son expertise. « Analyser pour agir », plaide Ali Said Attoumani, le préfigurateur du conseil scientifique, qui juge nécessaire de réaliser une autopsie de 2011 à nos jours. « Nous disons tout et son contraire… » Mais pour lui, il apparaît essentiel d’« utiliser notre identité territoriale pour abandonner cette pente suicidaire ». Et une fois le calme revenu, « l’Observatoire est là pour éclairer le chemin des 25 prochaines années ». Et ainsi ne pas reproduire les erreurs antérieures…

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes