Pour mettre à l’honneur ses richesses et les faire découvrir au plus grand nombre, l’Office de tourisme du Centre Ouest organisait un éco-tour le dimanche 22 novembre. Agriculture, tradition, littoral… Toute la semaine, Thomas Lévy vous plonge dans les trésors cachés de cette partie du territoire. Carnet de route d’un habitant séduit.
Le programme de la journée promettant d’être chargé, nous montons dans un minibus qui nous mène à un kilomètre de la ville de Tsingoni. Et à quelques pas du sentier se trouve le domaine où, avec Foundi Madi et son équipe de Saveurs et Senteurs, nous découvrons une culture ancestrale et emblématique à Mayotte : celle de la vanille…
Une qualité qui tient toutes ses promesses
Après une demande d’analyse à des experts de la vanille ainsi qu’à des laboratoires en métropole, pour connaître la qualité ce cette filière à Mayotte et pouvoir la comparer aux espèces de La Réunion ou de Madagascar, les résultats sont édifiants : une qualité d’excellence avec des arômes de pruneau, de fruits secs et de cacao… Des experts qui sont prêts, dès cette année, à acheter ce produit local, pour le distribuer en métropole à sa juste valeur. Car si ce produit est encore inconnu en métropole et plus rare que les productions malgaches ou réunionnaises, il se caractérise indéniablement par sa qualité ; avec un soin tout particulier porté à la fraîcheur des récoltes pour Saveurs et Senteurs.
Foundi Madi nous ouvre son jardin d’Eden
Foundi Madi nous initie à son savoir-faire et son jardin. Où pour la vanille, chaque étape a son importance et l’agriculteur de jouer sans cesse entre l’eau et le soleil ; de l’orientation pour la plantation, aux tuteurs ou d’autres arbres plantés autour pour protéger la récolte. Et de ce point de vue, entre avocats sauvages, citronniers, corossols, manguiers, bananiers, cocotiers, curcuma ou tubercules, ce jardin, qui aurait l’air, vu du sentier, d’une belle malavoune, s’avère receler un véritable garde-manger ! Un tout harmonieux qui protège les vanilles que Foundi féconde à la main, gousse par gousse.
Une renaissance pour cette filière
La difficulté est (ici aussi et plus qu’ailleurs !) l’eau. Tant par ses variations conséquentes chaque année, que par la régularité de sa distribution, ses infrastructures d’abduction comme d’électricité.
Autre problématique à laquelle les professionnels entendent remédier : sur les 85 producteurs déclarés, 80% ne parlent pas français (ce qui représente un sérieux problème pour l’exportation) et ont une moyenne d’âge de 60 ans environ. C’est pourquoi, au vu des perspectives que cette filière représente, il est temps de la moderniser et de lui donner un second souffle. Car si ce savoir-faire est ancestral, il manque un peu de technicité… C’est pourquoi le lycée agricole ouvrira une formation à la jeunesse dès l’année prochaine.
Des filières solidaires qui s’organisent dès à présent.
Pour aller ensemble de l’avant et solliciter les fonds européens agricoles pour le développement rural, ces filières d’avenir s’organisent. C’est le cas de Banga Chocolat qui a planté durant la saison des pluies dernières 1.400 cacaotiers répartis chez différents producteurs. Ils ont aussi découvert un café sauvage déjà présent à Mayotte et de bonne qualité : 1.500 kg cette année ont été récoltés. Le but, bien sûr est de transformer café et cacao. Un projet de 260.000 euros avec un apport de 75% de la part du FEADER et du conseil départemental, avec un apport personnel de l’entreprise pour 25%. L’inauguration de l’atelier est prévue à Combani le mois prochain. Les premiers essais en chocolat sont, eux aussi, très prometteurs et je vous invite à goûter le subtil mélange entre café et cacao.
Dans le cadre de l’opération Urahafu na Unono organisée par la ville de Mamoudzou pour la propreté et la salubreté publique, l’association de quartier Adedupass a replanté une trentaine d’arbres ce dimanche dans le village. Reportage avec ces “soldats” de l’environnement.
“Et voilà, on a Passamaïnty sous les pieds !”, lance avec enthousiasme Sidi Moukou malgré la sueur qui perle déjà sur son front à cette heure matinale. Il est à peine 8h ce dimanche quand la troupe d’Adedupass, une association citoyenne du village, arrive en haut de cette côte terreuse et escarpée, le dos fourbu par les grandes plantes que chacun vient de porter à la force de ses bras. Au loin, les petits maillots jaunes ou bleus s’agitent sur la pelouse du stade tandis qu’à quelques mètres, bangas et constructions en tous genres s’élèvent vers le ciel. Plus proche encore, sous les pieds de ces planteurs du dimanche, justement, poussent sans contrôle apparent brèdes et manioc. “Ça dans quelques mois, on va l’acheter au bord de la route !”, déplore un membre du groupe, une pointe de lassitude dans la voix.
30 arbres plantés sur la colline
C’est que l’association travaille d’arrache-pied, on peut le dire, pour tenter de préserver un peu l’environnement de Passamaïnty. Ce week-end, dans le cadre de l’opération Urahafu na Unono organisée par la ville de Mamoudzou, Adedupass s’est donc naturellement mobilisée pour la salubrité urbaine. L’objectif du jour : reboiser quelques parcelles dénaturées par les plantations sauvages de bananiers ou de manioc, qui ont appauvri la terre. “Ici, avant, on ne voyait pas le sol. Mais aujourd’hui tout a été arraché, ou brûlé. Et même maintenant, il n’y a plus que du manioc, les bananiers ne poussent plus”, analyse celui que tout le monde surnomme “SD”.
Au moins deux fois par an, Sidi Moukou gravit les chemins autour du quartier pour lutter contre cette déforestation. En tout, ce sont une trentaine de fruits à pain, Aphloia theiformis, Erythroxylon, et autres plantes indigènes achetées dans une pépinière grâce aux subventions de la mairie que les jardiniers du jour entendent faire prospérer sur cette terre aride et caillouteuse. Sans oublier bien sûr un jeune baobab, qui trône désormais fièrement en haut de la colline, face au lagon. “Il n’est pas magnifique, ici, le baobab ?”, s’enquiert Estelle en posant ses mains sur ses hanches, la mine satisfaite.
Les conséquences de l’agriculture informelle
Encore faut-il qu’il survive. Son principal prédateur ? Les agriculteurs “improvisés” qui cultivent sur ces terrains du conseil départemental de quoi vendre sur le bitume en contrebas. Il n’est pas rare que l’association y perde quelques heures de travail à tenter de reboiser des parcelles du village. “On était déjà venus ici il y a deux ans, depuis la moitié a été arrachée”, soupire SD. Sans pour autant se décourager. Chez Adedupass, chacun met la main à la patte comme il peut. “Nous, on vient d’Hajangoua, mais on a adhéré à l’asso car on n’a pas encore trouvé dans notre village, un tel groupe, animé par un vrai élan citoyen, comme celui-ci”, salue Estelle, plantée à côté de son baobab.
Un meuglement sourd lui répond. Sapristi ! Sur le flanc de la colline, face au village, un enclos de zébus a justement échappé à la surveillance de SD et sa bande. Des branchages ont savamment été disposés pour recouvrir l’abri, et seul le bruit des animaux et un morceau de barrière entraperçu au milieu des feuillages a mis la puce à l’oreille du jardinier. Dans la boue et la bouse, plus aucune trace des grands arbres qui devaient jadis offrir un peu d’ombre sur ce morceau de crête exposé aux rayons du soleil. “On va retrouver le propriétaire, et lui donner deux semaines, puis on va l’enlever, ce n’est pas possible…”, souffle un bénévole. Toujours prêt, malgré cette déconvenue, à repartir bêcher la terre sous un cagnard brûlant. Façon colibri.
Jeudi matin, Jean-François Colombet, le préfet de Mayotte, et Emmanuel Cloppet, le directeur de Météo France pour l’océan Indien, ont fait un point sur l’ouverture de la saison cyclonique qui s’écoule du 15 novembre au 30 avril. En l’espace de six ans, l’île aux parfums a vu trois systèmes dépressionnaires frôler ses côtes. Cette année, le sud-ouest de la région devrait connaître une activité légèrement supérieure à la normale.
Décembre 2019. Pendant de longues heures, la population de Mayotte retient son souffle et a pour ordre de se barricader chez elle, par peur d’être frappée de plein fouet par le cyclone Belna, qui passera finalement à 120 kilomètres à l’Est des côtés mahoraises pour se fracasser dans la région de Soalala à Madagascar. Et ainsi éviter au 101ème département le pire… « C’était un bon exercice pratique », introduit Jean-François Colombet, le délégué du gouvernement, qui se souvient avoir mis en place des liaisons radiophoniques avec les maires et les sous-préfets, disséminés aux quatre coins de l’île. « Nous avons eu de la chance, nous avons eu le « scénario du meilleur », avec un changement de cap soudain, plein sud, au moment de [son] approche finale », renchérit Emmanuel Cloppet, directeur de Météo France pour l’océan Indien. « Mais un jour ou l’autre, nous [en] aurons moins. »
Au cours des six dernières années, deux autres épisodes cycloniques marquent les esprits : Hellen et Kenneth. Le premier, le cyclone le plus intense jamais observé sur le Nord du canal avec des rafales maximales supérieures à 300 km/h, remonte à mars 2014. Un épisode marquant par les précipitations, 233 mm en 24 heures à M’Tsamboro et 220 mm à Combani, les coulées de boue et les inondations engendrées. Le second, en avril 2019, s’avère plus destructeur en Grande Comore et dans le Nord du Mozambique, qui comptabilise 45 décès, et pousse la plateforme d’intervention régionale de l’océan Indien à envoyer du matériel sur place. Si ce sont « des événements rares mais pas improbables », le risque cyclonique existe bel et bien à Mayotte, comme en témoignent les 16 passages à moins de 200 kilomètres du territoire au stade de cyclone tropical en 45 ans.
« L’histoire n’est jamais écrite à l’avance »
Que dire alors de la saison écoulée ? Son bilan est relativement dans la moyenne, avec dix tempêtes tropicales – un record malgré tout depuis le début de l’observation satellitaire – et six systèmes ayant atteint le stade de cyclone tropical. Deux particularités sont toutefois à noter : une activité cyclonique nettement inférieure à la normale, compte tenu de la durée de vie moyenne extrêmement réduite que les phénomènes ont passé à une intensité significative, et des trajectoires atypiques en direction de l’Est-Sud-Est que l’on peut définir comme inversées par rapport à la norme climatologique. « La prévision cyclonique opérationnelle reste délicate », rappelle Emmanuel Cloppet. « L’histoire n’est jamais écrite à l’avance… »
À quoi peut-on s’attendre pour la saison à venir ? Le contexte climatique de grande échelle suggère « des conditions plus propices à la formation cyclonique à l’Est du bassin » et « un retour à des trajectoires plus typiques orientées vers l’Ouest ou le Sud-Ouest ». En clair, Météo France s’attend à « un renversement des tendances par rapport à l’an dernier ». Et donc à des trajectoires d’Est en Ouest qui tendent à toucher plus durement les terres habitées. « Il est hors de mes propos de faire des prévisions sur un territoire aussi petit que Mayotte. Mais il y a un risque accru pour Madagascar et les pays situés à l’Est de l’Afrique. » En termes de chiffres, Emmanuel Cloppet envisage entre 9 et 12 tempêtes d’ici la fin du mois d’avril et entre 5 et 7 cyclones matures. « Chaque année, nous avons des systèmes dépressionnaires dans le Canal du Mozambique », souligne l’expert, qui précise le contour de sa pensée. « Nous n’avons pas besoin d’avoir un cyclone intense pour avoir des déluges. » Mais surtout, il faut garder en tête que toutes ces prévisions restent incertaines. « Il faut intégrer cette incertitude dans un système qui est un compte à rebours. Nous sommes incapables de connaître les conditions 72 heures à l’avance. »
15 à 20.000 personnes mises à l’abri pendant Belna
D’où la difficulté de gérer une crise cyclonique comme en 2019, notamment au niveau des alertes données à la population. « Je ne suis pas partisan de [les] galvauder, car après les gens n’y croient plus. Il faut les utiliser à bon escient », décrypte Jean-François Colombet. Alerte ou pas, Mayotte s’expose à un autre souci majeur, celui de ses habitats précaires et « le ravage des tôles qui sont des armes léthales ». Difficile dans ces conditions de se confiner… D’autant plus que le potentiel de mises à l’abri reste relativement modeste sur l’île, puisqu’il se limite principalement aux établissements scolaires. « À l’avenir, nous mobiliserons davantage les écoles pour la proximité », précise le préfet. Reste que bon nombre d’habitants, notamment ceux en situation irrégulière qui habitent dans les bidonvilles, ne veulent pas quitter leur logement, par peur de se faire dépouiller ou pire encore de se faire renvoyer à la frontière. Selon le locataire de la Case Rocher, entre 15 et 20.000 personnes ont rejoint un bâtiment public pour se protéger lors du dernier épisode. « C’est très suffisant. Belna ne va pas forcément nous aider à accélérer l’opinion publique. Or, la menace qui pèse sur Mayotte est grandissante. » Que faire alors pour inverser la tendance ? « Nous avons toujours coutume de penser que cela ne nous touchera pas », indique Madi Souf, le président de l’association des maires. « Nous sommes trop fatalistes ! À nos yeux, il suffit de se rendre à la mosquée et de prier pour éviter un drame. » S’en remettre au Tout-Puissant visiblement…
Les professionnels qui souhaitent s’investir dans les produits cosmétiques ont été conviés à une matinée de formation le 26 novembre à la Chambre de commerce et d’industrie de Mayotte. L’objectif sur le long terme est de structurer la filière. Il est donc impératif que les produits fabriqués sur l’île soient conformes aux normes françaises et européennes.
Une dizaine de professionnels ont répondu à l’appel de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) et de la Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Dieccte) pour la formation sur la réglementation des produits cosmétiques fabriqués et vendus à Mayotte. “Il y a de plus en plus d’acteurs qui s’y intéressent. Cependant, cette filière est soumise à une certaine réglementation. Nous avons donc souhaité les informer des normes françaises et européennes qui sont applicables aussi à Mayotte”, rappelle Latufa Youssouf, responsable de la filière cosmétique et pharmacopée à la CCI.
Mais force est de constater que celles-ci sont peu connues des professionnels mahorais. “Je connaissais certaines règles parce que je me suis renseigné sur internet, mais aujourd’hui je réalise que j’ignorais beaucoup d’entre elles”, avoue Soumaila Moeva, producteur et distillateur d’ylang-ylang de la marque Jardin d’Imany. “Je connaissais quelques-unes de ces règles parce que je suis issue d’un BTS qualité dans les industries pharmaceutiques et cosmétologiques. Mais c’est vrai que je n’y prêtais pas vraiment attention, car je suis dans la distribution et non dans la fabrication”, affirme Soalihat Tany, gérante du magasin So boutik. L’objectif sur le long terme pour la CCI est de structurer la filière cosmétique, car les produits fabriqués à Mayotte se font encore de manière artisanale.
Une réglementation difficilement applicable à Mayotte
Étiquetage, composants, analyses… Tout doit être conforme aux normes et doit être validé par le centre antipoison et toxicovigilance. Néanmoins à Mayotte, les outils nécessaires à la conformité française et européenne ne sont pas réunis. Les fabricants doivent envoyer leurs produits cosmétiques en métropole pour les faire analyser avant de les mettre en vente. “Je pense que beaucoup ne vont pas respecter cette étape parce qu’elle est contraignante. Envoyer les échantillons, attendre les résultats nous fera perdre beaucoup de temps”, selon Soalihat Tany. Cette dernière souhaite commencer à fabriquer ses produits, mais la réglementation, qu’elle découvre dans les moindres détails, risque de lui faire changer d’avis. Ne pas la respecter peut entraîner des amendes qui s’élèvent à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Les règles sont certes très strictes, mais elles peuvent également être considérées comme source de motivation. “Si je veux un jour m’exporter aux Etats-Unis ou en Europe, je dois me plier aux règles qui sont à la hauteur du marché que je veux conquérir. Il est donc tout à fait normal de se plier à la réglementation”, indique Soumaila Moeva.
Afin de mener à bien le projet de structuration de la filière cosmétique, la CCI annonce la création d’un technopole à Dembéni. Celui-ci devrait faciliter le travail des fabricants mahorais. “Ce sera une plateforme qui va héberger plusieurs activités. Il y aura aussi un laboratoire que nous espérons pouvoir équiper afin d’effectuer quelques analyses à Mayotte”, espère Latufa Youssouf. Mais tout ne pourra pas être fait sur place, l’envoie de certains échantillons dans l’hexagone sera inévitable. Quoi qu’il en soit, les producteurs et vendeurs devront appliquer cette réglementation car la Dieccte prévoit déjà d’effectuer des contrôles dans quelques mois. Le temps de laisser les choses se mettre en place.
Une enfant a failli perdre la vie ce dimanche, sur une plage sans surveillance, à Iloni. Par chance, un pompier en repos se trouvait là et a pu lui prodiguer les premiers secours. Un événement qui rappelle l’urgence de surveiller les plages dans le 101ème département.
La scène se passe un dimanche, en fin d’après-midi, à Iloni. Il est environ 16h, quand Ayouba, qui profite de ce jour de repos avec quatre camarades, jette un œil par-dessus son épaule, en direction des vagues. À une trentaine de mètres de là, il aperçoit une fille en train de s’affairer péniblement au bord de l’eau. Très vite, le sapeur-pompier prend conscience qu’un événement dramatique est en train de se produire. “Elle tirait un petit corps, la tête en bas, dans la mer”, souffle-t-il la tête encore remplie des images du weekend dernier.
Sans hésiter, l’homme se précipite vers elle. “Je n’ai pas cherché à comprendre, j’ai couru vers la petite. On l’a étendue par terre, elle n’avait plus de pouls, son ventre ballonné…”, décrit-il en recollant les morceaux. La fillette, trois ans à peine, est en arrêt cardio-respiratoire. “Elle ne réagissait plus, donc j’ai commencé les gestes de secours”, poursuit cet ancien militaire. L’homme pratique un massage cardiaque, tout en criant à l’un de ses comparses d’appeler les secours.
10 minutes avant l’arrivée des secours
Une, deux minutes s’écoulent peut-être. Mais “ça ne passe pas. Ça ne revient pas”, répète-t-il, comme s’il revivait la scène. “Alors j’ai mis ma bouche, et j’ai soufflé, peu importe le Covid ! Là, l’eau est sortie de sa bouche”. Ouf ! La fillette reprend conscience, environ cinq minutes après le début de son intervention. Les secours, eux, mettront encore cinq minutes à arriver, pendant lesquelles Ayouba reste auprès de l’enfant, le téléphone vissé sur l’oreille pour ne pas perdre une miette des conseils prodigués par un médecin au bout du fil.
Chaque minute compte
En attendant, ce remue-ménage a alerté la mère de la fillette. “Elle a vu tout ce monde autour de son bébé, elle était désespérée, en larmes.” Installée un peu plus loin sur la plage, la femme n’avait pas vu son enfant s’éloigner… Heureusement pour elle, Ayouba et ses amis avaient choisi ce bout de plage pour profiter des derniers rayons du soleil ce jour-là. L’action de ce pompier, caporal-chef de la caserne de Pamandzi, formé très régulièrement aux premiers secours dans le cadre de son travail, a sans aucun doute sauvé la vie de sa progéniture. En situation d’arrêt respiratoire, chaque minute qui passe diminue de 10% les chances de survie. Et après huit ou 10 minutes sans réanimation, celles-ci sont nulles.
Le manque de maître-nageurs en question
Un événement qui n’est pas sans rappeler le drame survenu en août dernier à Trévani. Cette fois-là, une fillette de cinq ans, qui avait échappé à la surveillance de sa tante, avait perdu la vie, malgré l’intervention du SMUR. De quoi aussi remettre sur la table la question de la surveillance des plages à Mayotte. “Il y avait beaucoup de monde, mais sans surveillance. Il faut que nous ayons des maître-nageurs au bord de la plage, surtout un samedi et un dimanche, c’est vraiment très important”, insiste Ayouba, lui-même père de trois enfants.
Malgré ses kilomètres de plage, l’île au lagon ne compte aucun poste de surveillance sur ses aires de baignade, une compétence qui revient normalement aux communes. Et avec le manque de formation à la natation et aux premiers secours, les noyades sont malheureusement fréquentes dans le 101ème département. Au niveau national, avec 1.000 décès par an, la noyade est la première cause de mort par accident chez les moins de 25 ans, selon Santé publique France.
Mercredi, les élus du conseil départemental se sont rassemblés en assemblée plénière pour examiner plusieurs rapports. L’un d’entre eux sur le financement de la piste longue a particulièrement attiré l’attention. La collectivité a voté à l’unanimité une enveloppe de 80 millions d’euros pour la réalisation de ce projet structurant pour le territoire qui arrive dans sa phase de réalisation, dont le coût total est évalué à 250 millions d’euros. « Un rendez-vous historique » pour Soibahadine Ibrahim Ramadani.
2001. Le président du Département de l’époque, Younoussa Bamana, affiche son exaspération face au premier ministre, Lionel Jospin. Un échange célèbre dans lequel l’élu local affirme ne plus supporter, en revenant de Paris, de devoir survoler sur son île, aller se poser à La Réunion et changer d’avion pour atterrir à Mayotte. Près de 20 ans plus tard, l’allongement de la piste aérienne se fait toujours attendre… malgré les promesses des différents chefs de l’État, notamment celles de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. François Hollande préférant renvoyer ce vœu à 2050. Autant dire aux calendes grecques !
Mais depuis la venue en octobre 2019 du président Emmanuel Macron, le ciel semble de nouveau s’éclaircir. Dégageant ainsi la zone d’ombre qui plane depuis des années au-dessus du territoire. Dans son discours, il promet à la population que les premiers coups de pioche interviendront avant la fin de son quinquennat. Simple effet d’annonce ou réelle volonté politique ? Selon Soibahadine Ibrahim Ramadani, ce rêve, « synonyme d’intégration plus poussée dans la République », est en passe de devenir une réalité. « Le projet arrive dans sa phase de réalisation », promet-il aux élus départementaux, réunis ce mercredi en assemblée plénière. « Les Mahorais aspirent à voyager en vol direct, à payer leur billet moins cher et à avoir le choix de leur compagnie aérienne. »
Des engagements forts de l’Europe et de l’État
Pour ne pas décevoir une fois de plus les attentes des habitants, le président du Département apporte quelques garanties. Et plus particulièrement des garanties financières. « Je vous propose de participer à hauteur de 80 millions d’euros », dévoile-t-il derrière son masque en tissu. Avant de détailler le plan de financement estimé à 250 millions d’euros : 50 millions pour l’Europe et 120 millions pour l’État. Des engagements « forts » à ses yeux. « Le temps est enfin venu de réaliser cette piste longue », qui permettrait à l’aéroport de bénéficier d’une infrastructure digne de ce nom pour multiplier le nombre de voyageurs et qui pourrait également faire rayonner l’île aux parfums sur l’ensemble du canal du Mozambique.
De bon augure donc. Pourtant, le chiffre évoqué peut donner le tournis, d’autant plus que Ben Issa Ousséni, en charge des finances de la collectivité, invite ses collègues à remettre à plus tard les dépenses « non indispensables » de leur champ de compétences respectif en raison des conséquences de la crise sanitaire et du plan de relance local de 6 millions d’euros récemment déployé. Certes. Toujours est-il que le conseil départemental semble avoir entre ses mains une capacité d’autofinancement de l’ordre de 40 millions d’euros. De quoi appréhender cet investissement colossal plus sereinement, qui ne date pas d’hier. « Dans le cadre de la sécurisation de la piste actuelle, nous avons déjà dépensé 500.000 euros. Et nous avons [débloqué] 900.000 euros pour le financement des études [de faisabilité] », rappelle Soibahadine Ibrahim Ramadani.
Rendez-vous le 11 décembre
Difficile dans ces conditions de faire machine arrière… Seul bémol, il est encore trop tôt pour connaître l’architecture de cette future réalisation. Au grand dam du conseiller d’opposition, Daniel Zaïdani. « Le scénario retenu sera présenté le 11 décembre par l’ensemble des acteurs de cette opération », lui répond alors le président du Département. Si l’on s’en tient toujours à l’étude menée en 2003 par la filiale ingénierie et architecture d’aéroports de Paris, trois hypothèses s’avèrent plausibles : allongement de la piste sur le récif corallien jusqu’à la longueur requise, création d’une nouvelle piste dans le lagon, convergente ou bien parallèle à la piste actuelle. « Une bonne partie va vers l’intérieur et une autre vers le dugong », ironise Soibahadine Ibrahim Ramadani, comme pour faire durer le suspense quelques jours de plus. Avant de terminer sur une note plus solennelle. « C’est un rendez-vous historique et je ne suis pas candidat à ma succession. Je veux vous associer à ce moment historique », conclut-il.
Le combat dure toute l’année, mais le 25 novembre est la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. L’association départementale pour condition féminine et aide aux victimes (ACFAV) en a profité pour sensibiliser le grand public. Le thème de cette année est la violence économique. Elle est plus discrète, mais fait des ravages considérables.
Les membres de l’association départementale pour condition féminine et aide aux victimes ont su attirer l’attention des passagers de la barge. À l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, ils ont installé leur stand et pancartes dans le sas de l’embarcadère à Mamoudzou, le temps d’une matinée. L’objectif est de sensibiliser le grand public aux violences faites aux femmes, et particulièrement les violences économiques. Les personnes présentes n’osent pas se diriger vers le stand, mais leurs regards curieux incitent les membres de l’association à aller à leur rencontre. La vision de certains, quant aux violences faites aux femmes, est déroutante. À l’image de celle d’Abdallah âgé d’une quarantaine d’années. “On a tous assisté à des scènes de violences. Mais personnellement je n’ai jamais appelé la police et ne le ferai jamais parce que j’estime que la femme qui les subit est adulte. Elle peut prendre ses responsabilités. C’est à elle de se prendre en charge”, estime le père de famille. Selon lui, le manque de réaction de la victime en dit long sur ses intentions. “Si elle ne dénonce pas son compagnon, cela veut dire qu’elle a de la compassion pour lui. Alors je n’ai pas à m’en mêler”, rajoute Abdallah, plein de conviction. Ses propos peuvent choquer plus d’un, mais ils ne surprennent pas Malika Bouti, conseillère conjugale à l’ACFAV. “Les gens ne sont pas vraiment sensibilisés à la cause. Et certains pensent même que si la femme est battue, c’est parce qu’elle le vaut bien”, dit-elle.
Un peu plus loin, deux femmes s’engagent dans une discussion qui attire l’attention de tout le monde. “C’est la peur de l’inconnu qui nous fait rester. On se dit qu’il est préférable de rester avec celui parce qu’on le connaît, plutôt que de le quitter et prendre le risque de tomber sur un homme pire que le précédent”, soutient Roufouanti. Sa voisine, secoue la tête pour marquer son désaccord. “Ah non, je ne suis pas d’accord ! Je préfère prendre ce risque plutôt que de rester et succomber aux coups de mon mari”, répond d’une voix ferme Djamila. Cette dernière pointe du doigt le comportement de certains hommes qui battent leurs femmes devant les enfants. “L’enfant qui voit sa mère se faire battre a des pensées obscures. Soit il n’aura aucun respect pour sa mère, soit il détestera son père. De plus, il risque de reproduire la même chose avec sa femme parce que c’est comme ça qu’il a grandi. Certains hommes ne se rendent pas compte des dégâts qu’ils causent.”
La question de la violence économique est assimilée par ces deux femmes qui disent savoir ce que c’est puisqu’elles ont été témoins de ce type de violence. “J’ai une voisine qui a 5 enfants. Son mari ne paye ni le loyer ni les factures ni la nourriture. Il ne paye rien. C’est lui qui perçoit les allocations et il ne lui donne rien du tout”, raconte Djamila. Roufouanti se souvient d’une situation qui lui a fait perdre espoir. “Dans mon entourage, une femme a osé aller à la police car son mari ne lui donnait pas les allocations ni rien du tout. Et on lui a répondu que c’est grâce à l‘homme qu’ils perçoivent ces allocations, il peut donc en faire ce qu’il veut.”
De la violence économique à la prostitution
La violence économique est discrète. On ne la voit pas, on ne l’entend pas, et pourtant elle est toute aussi dévastatrice que les autres types de violences. Contrairement à ce que l’on peut penser, elle ne touche pas uniquement les femmes en situation de précarité. “Une femme qui travaille, qui a un statut social, peut également en être victime. L’homme la domine totalement, il gère ses comptes bancaires, sa carte bleue et la pousse à faire des crédits”, explique Malika Bouti. Pour celles qui ne travaillent pas, la violence économique peut conduire à la prostitution. “Ces femmes sont tellement submergées et sous l’emprise de leurs maris… Elles finissent par se prostituer pour survivre et donner à manger à leurs enfants”, confirme la professionnelle. Cette violence est présente partout, mais particulièrement à Mayotte où beaucoup de femmes se trouvent dans des situations plus que précaires. La conseillère conjugale de l’ACFAV l’a constaté à la sortie du confinement. Elle a récolté les témoignages de femmes qui ont dû supporter les mots très durs de leurs conjoints ou de leurs ex. Elle a regroupé le tout dans un recueil, et certains propos font froid dans le dos. “Tu veux que je paye la pension alimentaire alors viens coucher avec moi”, peut-on lire. Ou encore : “Arrête de mendier, je ne te donnerai rien. Sers toi de ta c***** pour nourrir tes gosses.” Ces femmes, qui sont poussées à la prostitution par leurs partenaires ou par un besoin criant de subvenir aux besoins de leurs enfants, finissent par s’enfermer dans un cercle vicieux. Et il leur est souvent difficile d’en sortir.
Le substitut du procureur a fait appel de la relaxe d’un individu accusé d’avoir dérobé mille euros dans un restaurant de Mamoudzou. “Ce n’est pas comme cela que nous réglerons le problème de la délinquance à Mayotte”, a dénoncé en substance le représentant des intérêts de la collectivité.
Prise de bec entre les magistrats du siège et du parquet. “Le tribunal, après en avoir délibéré, vous relaxe des faits qui vous sont reprochés”, récite la juge en reprenant place sur l’estrade face au prévenu. À ces mots, le substitut du procureur bondit de sa chaise. “Le parquet fera appel de cette décision”, annonce-t-il alors qu’un gendarme passe à nouveau les menottes aux poignets de l’intéressé.
Mercredi matin, deux petites affaires de vol comme le tribunal correctionnel de Mamoudzou les collectionne ont rappelé les rôles différenciés des deux magistrats. La première remonte au mois d’août 2019. Un matin, le gérant du Moana est réveillé par l’alarme de son restaurant. Il trouve sur place un individu en train de s’enfuir et qui laisse derrière lui deux pantalons de couleur sombre, un couteau et un gros trou dans la caisse. Le voleur s’est échappé avec 1.000 euros sur lui.
Régler le problème de la délinquance
Sur le manche du couteau, un relevé ADN permet de remonter jusqu’à l’homme qui se tient aujourd’hui à l’audience. Ce récidiviste, qui est déjà passé par la cour d’assises des mineurs et qui vient d’écoper de huit mois de prison avec sursis probatoire, nie les faits, tant en garde à vue qu’à la barre. “Il y a beaucoup d’enfants là où j’habite qui touchent plein de choses à moi”, avance-t-il. Un argument qui ne convainc visiblement pas le substitut du procureur. “Vous avez deux types de personnes, le gérant de ce restaurant qui se lève le matin, crée des emplois, et ceux qui vivent de la délinquance”, déroule-t-il, en requérant une peine ferme de quatre mois de prison.
Mais visiblement, la seule trace d’ADN n’a pas suffi aux juges pour établir la culpabilité de l’individu, qui ont donc opté pour la relaxe dans cette affaire. Quelques minutes plus tard, c’est une femme victime d’un cambriolage et du vol de son ordinateur portable et de son téléphone qui se présente face aux robes noires. La plaignante, frappée au visage par l’intrus, a reçu plusieurs points de suture, et une interruption de travail n’excédant pas huit jours. Cette fois-ci, le prévenu est absent dans la salle. Là encore, seul l’ADN peut le confondre. L’occasion pour le parquet de rebondir, non sans une legère pointe d’ironie : “Je n’aurai pas l’impertinence de remettre en cause les décisions du juge, mais le ministère public considère que l’ADN est une preuve suffisante ! Sinon, nous ne réglerons pas le problème de la délinquance à Mayotte”. Et de requérir une peine d’un an ferme avec mandat d’arrêt à l’encontre du prévenu. Les absents ont toujours tort !
Les habitants de Dzoumogné ont assisté à un déferlement de violences ce mardi 24 novembre. Tout au long de la journée des bandes rivales se sont affrontées dans le village, terrorisant les habitants. Les différentes forces de l’ordre déployées sur les lieux ont dû faire face à des jeunes tenaces qui n’ont pas baissé les armes.
“On vient d’être attaqués. Je tremble, j’ai peur.” Ces mots sont ceux de Nanou, habitante de Dzoumogné. Impuissante, elle assiste aux actes de violences qui ont rythmé son village. Elle a également été blessée alors qu’elle avait son fils de deux ans dans les bras. “Mon frère était dehors, un groupe de jeunes, armés de machettes et pierres, l’ont appelé et lui ont demandé de s’arrêter. Ils lui ont dit qu’ils allaient le tuer. Il s’est alors mis à courir pour se réfugier dans notre cour. Je suis sorti à ce moment là pour voir ce qu’il se passait et j’ai reçu une pierre alors que j’avais mon bébé avec moi”, détaille-t-elle, encore traumatisée. La jeune maman décide de mettre son fils en sécurité puis sort pour constater les dégâts. Elle est surprise de voir son quartier complètement encerclé par les gendarmes et les délinquants.
Les uns lancent des pierres alors que les autres leur répondent par des bombes lacrymogènes pour les dissiper. Ces affrontements, qui ont duré une bonne partie de la journée, bloquent tout le village. Impossible d’y entrer ou d’en sortir… Une situation pénalisante pour les travailleurs. “Je voulais juste aller travailler de l’autre côté, mais quand je suis arrivé au niveau du pont, j’ai vu ces gamins mettre le feu. J’ai alors rebroussé chemin”, raconter Batrolo, un entrepreneur. Si la plupart des automobilistes ont fait demi-tour pour rentrer chez eux, les plus courageux ont emprunté la grande boucle pour se rendre sur le lieu de leur activité professionnelle. À l’instar de Batrolo qui risquait de perdre une journée de travail. Ce dernier est en colère face à cette situation qui devient la norme à Mayotte. “Ces jeunes bloquent tout, l’économie en pâtit, nos entreprises en font les frais. Je ressens du désarroi car cette violence est devenue une banalité chez nous.”
Des raisons encore floues
Les habitants de Dzoumogné semblent être convaincus, ces affrontements ont dégénéré car des jeunes de la ville chef-lieu se seraient déplacés jusque dans leur village pour affronter ceux de chez eux. Une information confirmée par la marie de Bandraboua. “Je peux vous assurer que ce sont des gamins de Kaweni qui sont venus régler leurs comptes, et ils ont été aidés par les élèves du lycée de Dzoumogné. Mais ils avaient leur cible, ils voulaient le groupe de délinquants de Dzoumogné”, affirme Daoud Sadjaye, adjoint au maire, chargé de la sécurité publique de la commune. Toujours selon l’élu, ce groupe en question terroriserait les lycéens et racketterait souvent la population.
Serait-ce donc une histoire de vengeance ? La gendarmerie nationale se montre plus prudente sur les raisons qui ont motivé cette confrontation. “Nous ne pouvons pas confirmer ces rumeurs. Dzoumogné est un secteur où nous n’avons pas beaucoup d’informations de la part de la population. Mais une chose est sûre, il y avait bien des jeunes de Dzoumogné”, précise le capitaine Dépit de la gendarmerie. Quoi qu’il en soit, ces délinquants sont connus des services de polices. Une situation qui agace davantage l’adjoint au maire. “Nous avons fait plusieurs démarches auprès de la gendarmerie de M’tsamboro. Nous avons envoyé leurs noms et leurs adresses mais rien ne bouge. Même la préfecture est au courant parce que nous avons envoyé des rapports. Il est temps que le préfet réagisse”, s’indigne Daoud Soudjaye.
Selon la mairie et la population, un blessé est à déplorer du côté des jeunes qui combattaient contre les gendarmes. “Il a été blessé à la tête, il y a du sang partout”, indique Nanou. “C’est le leader, il a été évacué à l’hôpital de Mamoudzou”, précise Daoud Soudjaye. Encore une fois, la gendarmerie ne confirme pas, par manque d’éléments.
Des jeunes prêts à en découdre coûte que coûte
Quatre personnes ont été interpellées : trois mineurs et un majeur. Entre 60 et 70 effectifs de la gendarmerie ont été déployés sur les lieux ainsi que l’hélicoptère de la gendarmerie et un véhicule blindé. À cela s’ajoutent “des éléments de l’antenne GIGN et du PSIG de Koungou”, précise le préfet dans un communiqué. Sur place, les forces de l’ordre ont dû faire face à des bandes déterminées, prêts à tout pour en découdre avec eux. “Les jeunes se divisent en petits groupes pour mettre des barrages sur les routes ou mettre le feu. Ils sont très vifs et nous ont compliqué la tâche”, indique le capitaine Dépit. Si tous les élèves ont été retenus dans les établissements scolaires, il a été difficile de contenir les lycéens qui voulaient participer aux événements. La sortie des cours à 17h était donc redoutée par les autorités. La gendarmerie a alors déployé toutes ses forces pour qu’il n’y ait pas plus de dégâts. Cependant, un bus a été caillassé, alors que les militaires étaient encore sur le terrain. Fort heureusement, cet acte n’a pas engendré de blessés…
Désormais, la ville, la préfecture et les forces de l’ordre doivent mettre en place une stratégie pour assurer la sécurité des élèves et des habitants. “C’est un conflit qui concerne le milieu scolaire, alors nous allons mettre des dispositifs au moins jusqu’à vendredi aux abords du lycée de Dzoumogné”, annonce le capitaine Dépit. Il ne reste plus qu’à espérer que cette mesure aura l’effet escompté et que d’autres évènements de ce type n’obligeront pas la gendarmerie à diviser son dispositif.
À l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, l’association pour la condition féminine et aide aux victimes (ACFAV) organise plusieurs interventions tout au long de la semaine. Le thème de cette édition : les violences économiques comme objet de soumission féminin.
“Ici, c’est l’accueil de jour, mais elles peuvent passer par cette ruelle derrière, pour rester discrètes”, présente Nadia Gomis, cheffe de service à l’ACFAV (association pour la condition féminine et aide aux victimes) en s’affairant dans le petit patio à l’abri des regards. Si les missions des 43 salariés et deux bénévoles de l’association ne manquent déjà pas en temps normal, cette semaine est un peu particulière. Ce mercredi 25 novembre se tient la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Crise sanitaire oblige, l’ACFAV a dû revoir sa copie et le traditionnel colloque qui devait se tenir devant des professionnels dans l’hémicycle Younoussa Bamana, a finalement été remplacé par une semaine d’interventions dans les médias ou sur le terrain.
Interventions médiatiques et théâtre
Depuis lundi et jusqu’à vendredi 20h, l’ACFAV a ainsi prévu plusieurs interventions sur les antennes de Mayotte la 1ère et sur la matinale de Kwezi. Un moment de rencontre a aussi été organisé ce jour à côté du marché couvert, sous la forme d’un point d’information, à quelques pas de l’embarcadère. Et le temps d’une traversée, les passagers de la barge pourront devenir les spectateurs éphémères de saynètes théâtralisées. “L’avantage, c’est que nous pouvons ainsi toucher le grand public, car trop peu de gens connaissent encore cette journée”, déroule Agnès Daunar-Sattonnay, chargée de mission développement de projets et communication. L’occasion, aussi, de faire connaître le travail de l’association.
Dépendance économique et administrative
Dans ses modestes locaux de M’Tsapéré mis à disposition par le conseil départemental, l’ACFAV accueille chaque année certaines des 400 à 500 femmes victimes de violence qui osent franchir le pas. Malheureusement, beaucoup restent encore dans l’ombre, par crainte de représailles, du regard des autres… ou encore parce qu’elles ne disposent pas de ressources ou de papier en règle.
C’est d’ailleurs pour cette raison que l’association a fait le choix d’orienter cette semaine sur le thème des violences économiques. “Certaines pourraient bénéficier d’aides sociales, de la CAF, par exemple, mais ces revenus sont en réalité détenus par le conjoint”, explique Nadia Gomis. Ce qui peut créer des situations de dépendance particulièrement complexes. “Parfois, elles n’ont pas d’autre choix que de retourner au domicile conjugal après en avoir été soustraites pour cause de violences”, ajoute-t-elle.
Lutter contre les violences faites au femmes
En tout, 14 hébergements, dont quatre pour les situations d’urgence et dix de façon plus pérenne, sont dédiés par l’ACFAV à la mise à l’abri de ces femmes victimes des abus de leurs conjoints. Le problème, c’est que seules celles en situation régulière peuvent bénéficier des solutions de plus long terme. Si cette distinction ne s’applique pas pour les hébergements d’urgence, l’accueil y est limité à 21 jours. Or, il est difficile en pratique, d’apporter des solutions administratives en si peu de temps… “Ces délais sont décidés par nos financeurs, mais nous sommes justement en train de rédiger un projet pour permettre un accompagnement plus long”, assure la responsable.
En attendant, les victimes peuvent bénéficier de l’accompagnement des psychologues et des juristes de l’association. “Nous leur conseillons de porter plainte, mais beaucoup ont peur de ne pas être entendues, ou ont l’impression que cela ne mènera à rien. Et il faut dire que le temps de la justice est parfois long”, concède Nadia Gomis. En France, sur les 213.000 victimes de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur conjoint ou ex-conjoint, seules 18% déclarent avoir porté plainte.
De retour d’une expérience d’un an à Mayotte, Quentin Gleitz, étudiant en médecine, vient de sortir un moyen métrage de 20 minutes intitulé « Le bruit des vagues » dans lequel il raconte sa traversée depuis Anjouan en kwassa et relate les histoires bien souvent dramatiques de ces clandestins. Une auto-production qui fait beaucoup jaser dans le 101ème département tant le sujet divise.
« Je ne suis pas professionnel », souligne d’emblée Quentin Gleitz, le réalisateur du court métrage « Le bruit des vagues », sorti le 14 novembre dernier. Médecin aux urgences de Saint-Étienne aujourd’hui, il se lance dans ce projet en 2018, année durant laquelle il séjourne à Mayotte pour travailler avec des jeunes en errance pour une association locale. « J’avais vraiment envie de passer un message, j’avais le sentiment de ne pas en faire assez face à ce drame humain. » Pendant un an, il vit à quelques encablures du plus grand bidonville de France, à Kawéni, où il habite avec un groupe de Mahorais. Une expérience singulière, à l’opposé des strass et des paillettes, du quotidien de la plupart des mzungus présents sur l’île. Les rencontres fortuites forgent son caractère et le plongent dans moult récits, comme la traversée aussi bien symbolique pour certains que controversée pour d’autres en kwassa. Un déclic pour celui qui se décrit comme un personnage empirique. « J’ai besoin de sentir, de voir, de toucher. »
En recherche de réponses sur cette question centrale de l’immigration illégale, le jeune homme de 29 ans échange avec un passeur comorien. « Il avait besoin de nourrir sa famille. Il a cédé à cette tentation de faire passer de la chair de clandestins, même si ce n’est pas excusable. Le jugement est vite fait quand certains disent que ce sont arnaqueurs… » Rapidement, il se retrouve en contact avec la tête du réseau. Vient alors le temps de la négociation. Son interlocuteur, « parmi une bande de moins d’une dizaine de gars », se laisse convaincre de le transporter, moyennant 200 euros… pour un aller simple direction Mayotte, après avoir rejoint Anjouan légalement avec le Maria Galanta. Une seule nuit sur place avant le grand départ vers 23h le 25 août.
« Le temps se dilate, nos pensées s’arrêtent »
Durant une dizaine d’heures, une « grosse » vingtaine d’individus et Quentin Gleitz s’entassent tant bien que mal dans une « vieille barquasse sans gilets de sauvetage, avec des moteurs complètement pétés ». Avec dans un coin de la tête, la possibilité de chavirer à cause de l’eau qui se fracasse sur le fond du bateau. « Le temps se dilate, on ne peut se rattacher à rien. Nos pensées s’arrêtent, on subit le fatalisme », décrit-t-il, comme s’il se faisait encore balayer l’esprit au rythme des vagues. Dans le film, quelques images sombres témoignent de son épopée et de ses premiers pas sur la terre ferme. Le moment pour lui d’accompagner « les plus lents », « les indigents des indigents ». « L’un d’entre eux marche comme un insecte nocturne. Un vieillard parkingsonien commence sa marche tremblante au bord d’un précipice. Une obèse traîne son baluchon décharné », relate-t-il en guise de voix off.
En plus de cette immersion, Quentin Gleitz partage quatre « histoires touchantes et dramatiques ». Celles de Soufiane, Isa, Bweni et Kazamis. Des survivants. « Des destins hors normes » qui auraient chacun mérité un documentaire spécifique, mais le format du court métrage de 20 minutes « est un casse tête diplomatique », donc il a fallu « condenser » leurs 45 minutes de rush respectif. D’autant plus que le médecin de profession évoque de nombreux sujets, à l’instar de la guerre maritime dans le canal du Mozambique, la prostitution, l’esclavagisme, la drogue, la santé, l’éducation… Tout un panel qui se mélange et qui fait perdre de la saveur à son titre de film. « C’est une vue d’ensemble ! J’avais besoin de parler de tout ça car je l’ai ressenti : les écoles barricadées, les policiers dans les rues durant les barrages… Chaque chose était importante à aborder. Mais effectivement, j’ai conscience que ça aurait plu à beaucoup de personnes que je me concentre uniquement sur la traversée. »
« Ca m’a mis à dos quelques Mahorais »
Toujours est-il que « Le bruit des vagues » a été partagé plus de 200 fois sur sa page Facebook. Et qu’il a créé de nombreuses controverses et de l’animosité sur d’autres groupes, dont certains ont même lancé un sondage pour savoir s’il fallait garder ou tout simplement supprimer la publication… « Ca a suscité énormément de rage et d’incompréhension. Ca m’a mis à dos quelques Mahorais. » Que le film soit adulé ou rejeté, le but premier reste le même pour Quentin Gleitz : « Créer une réaction d’empathie envers les sans-papiers à Mayotte. » Et si possible « qu’il y ait une résonance en métropole ». Cette histoire, cette expérience, reste et restera à jamais la sienne, que l’on aime ou pas.
La préfecture lançait ce lundi une nouvelle démolition d’un quartier informel à Kahani. Une opération rendue possible grâce à la loi Élan, adoptée deux ans plus tôt.
À gauche, les gendarmes campent à une dizaine de mètres les uns des autres, les rangers vissées dans le bitume. À droite, de l’autre côté de la route, quatre ou cinq gaillards toisent la scène depuis la terrasse d’un douka, les bras croisés et la mine sombre. Du quartier Kardja Vendja à Kahani, il ne reste déjà presque plus que des tôles froissées et de la terre retournée. Depuis 7h du matin environ, c’est un ballet de tractopelles qui s’offre au regard du petit groupe maintenu à l’écart par les forces de l’ordre. 96 bangas – ou 97 selon les interlocuteurs – ont été détruits ce lundi matin sur ce terrain du conseil départemental. Le but de la manœuvre : lancer les travaux d’extension du hub par lequel transitent tous les matins des centaines d’écoliers.
“C’est une opération de destruction de bangas d’une ampleur considérable et que nous préparons depuis cinq semaines sur la base de la loi Élan”, salue le préfet Jean-François Colombet, après un tour du périmètre. “C’est la première fois que nous utilisons le cadre de cette loi pour détruire un bidonville qui ne présente aucune salubrité.” Les autres opérations d’ampleur, comme à Batrolo en 2018 ou à Passamaïnty plus récemment reposaient sur des décisions de justice, ce qui rendait en pratique la procédure longue et complexe.
Les pouvoirs du préfet élargis par la loi Élan
Adoptée en 2018, la loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dit Élan, permet de s’affranchir de cette usine à gaz, en élargissant les pouvoirs du préfet. Le représentant de l’État peut ainsi, sans décision du juge et dans un délai minimum d’un mois, ordonner l’évacuation et la démolition des habitats informels qui “présentent des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique”. “Ce bidonville nous a posé des problèmes par le passé, notamment des agressions et des caillassages sur les pompiers, et nous résolvons ainsi ce problème tout en s’investissant pour l’avenir des jeunes”, abonde encore le locataire de la Case Rocher. La loi Élan prévoit l’obligation d’offrir des solutions d’hébergement pour les personnes délogées… tant qu’elles sont en situation régulière sur le territoire.
133 étrangers sans titre de séjour ont ainsi été interpellés et éloignés. En tout, 400 personnes ont dû évacuer les lieux, dont la moitié de mineurs. Dans les faits, plus personne ne traînait dans les parages le jour J. “Nous sommes allés plusieurs fois sur le terrain pour faire de la sensibilisation et de l’accompagnement, et tous les habitants étaient bien au courant que la destruction allait avoir lieu”, raconte une source sous couvert d’anonymat – la préfecture avait donné des consignes claires pour centraliser toute la communication autour de cette opération. “Certains ont trouvé des solutions par eux-mêmes dans le village de Kahani ou aux alentours, d’autres ont pu obtenir un hébergement d’urgence avec l’accompagnement des services de l’État”, poursuit-elle.
Reloger les habitants, un casse-tête
Du côté de la préfecture, on annonce qu’une trentaine de Français se sont vus offrir des “hébergements provisoires”. “Il faut d’abord mener l’enquête sociale, pour savoir qui peut bénéficier de ces solutions temporaires”, argumente Jérôme Millet, le secrétaire général adjoint à la préfecture. Seule certitude, cela ne peut pas dépasser trois mois. Le problème ? Toutes les familles n’acceptent pas, le plus souvent car elles ne souhaitent pas s’éloigner de leur habitat initial. “Mais nous avons relogé quasiment exclusivement à Chiconi”, soit à 3km de la zone, assure le sous-préfet.
Toutefois, parmi les 400 personnes évacuées (moins les 133 interpellés), difficile de savoir combien ont effectivement posé leurs valises dans un nouveau logement. Selon nos informations, trente places auraient été gelées par l’Acfav (association pour la condition féminine et aide aux victimes). Et parmi les sept familles françaises qui auraient reçu des propositions de relogement classique, la moitié les aurait refusées.
D’autres opérations à venir
Bref, même sans avoir à passer par le juge, la destruction des quartiers informels reste un véritable casse-tête. Surtout que le parc locatif à Mayotte n’est pas extensible. Même avec les 72 logements sociaux qui doivent entre autres être construits sur les vestiges des cases de Passamaïnty, on n’est pas prêts de sortir de la logique des vases communicants… Or, la préfecture ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. “Nous avons détruit 130 bangas au cours des deux derniers mois, il y en aura une trentaine à Dembéni très prochainement, puis un programme complet toutes les trois à quatre semaines”, se félicite le préfet. Avant de décoller, suivi de près par toute la troupe de partenaires. Sur le bord de route, en face du terrain réduit à l’état de friche, les gars du douka, eux, n’ont pas bougé.
Vendredi, à l’occasion du 31ème anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, Catherine Barbezieux, la directrice du centre hospitalier de Mayotte, et Issa Issa Abdou, vice-président au Département en charge de l’action sociale, de la solidarité et de la santé, ont distribué des cadeaux aux 30 enfants accueillis dans le service pédiatrie.
« Laissez passer les petits enfants… », fredonne une auxiliaire de puériculture, alors qu’elle pousse à bout de bras le lit d’une jeune fille. Dans les couloirs du service pédiatrie, difficile de se frayer un chemin en ce vendredi après-midi, à l’occasion de la célébration de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE)… Et pour cause, la directrice du centre hospitalier de Mayotte et le vice-président du Département en charge de l’action sociale, de la solidarité et de la santé sont en pleine distribution de jouets auprès des jeunes patients. « Catheriiiiine ! », l’interpelle Issa Issa Abdou devant l’entrée d’une chambre pour lui faire mine d’attraper un paquet sur le chariot. « Ah non, là c’est ton tour ! », lui rétorque Catherine Barbezieux, avec une pointe d’humour.
Tour à tour, les portes s’ouvrent et les visages des parents s’illuminent en voyant les présents – un piano pour les plus petits, un jeu de société pour les plus grands – dans les mains du duo. Des échanges de quelques minutes s’ensuivent alors. Sur le tapis des discussions : le prénom du gâté du jour et l’évolution de l’état de santé bien évidemment. Mais aussi un petit historique sur cette journée internationale, dont le traité remonte à 1989. « C’est l’année de mon anniversaire », précise une maman, le sourire aux lèvres. Pour d’autres enfants, endormis à cause de la morphine, la surprise les attend sur leur table de chevet au réveil. « Vous leur direz que le Père Noël est passé par la cheminée », s’amuse l’élu du conseil départemental, en chuchotant. Puis de prendre la direction de l’allée destinée aux nourrissons. « Alors, elle est contente ? », demande une infirmière. « C’est le cadeau du bébé avant de partir. »« Oui, c’est très gentil de leur part, merci ! », répond instinctivement la mère, ravie de cette attention décidée quelques jours plus tôt, à la suite de la prise de fonction du nouveau directeur de la protection de l’enfance, Abdou-Lihariti Antoissi.
Une action plébiscitée par Malezi Mema
À l’extérieur, au rez-de-chaussée, sept autres enfants prennent un bain de soleil sous le rythme d’un joueur de guitare. Hors de question de gâcher cet instant de partage avec « des grands discours », avoue Issa Issa Abdou. Juste rappeler que « le vœu le plus cher du Département est que vous ne soyez plus ici l’année prochaine ». Rapidité, efficacité, sobriété ! « C’est très bien d’avoir eu une pensée pour [eux] », applaudit Mariame Madi, membre de Malezi Mema (qui signifie « bonne éducation »), association pour les familles d’accueil, qui célèbre cette date dans l’une des 17 communes de Mayotte depuis 2004. « Il n’y avait jamais rien eu pour les hospitalisés », ajoute Zaina Salim Mkou, la cheffe de service des assistantes familiales au sein de la collectivité.
Cette rencontre est également un beau message pour les personnels soignants du 2ème étage du CHM, qui ont surtout l’habitude de voir ce type de distribution au moment de Noël. « Nous avons organisé cet événement en seulement 24 heures », se réjouit Pascal Bourhane, cadre de santé puéricultrice depuis 15 ans en pédiatrie. « Quand on m’a dit cadeaux, tous les voyants se sont allumés. Nous ne pouvions pas rater l’occasion, nous avons remué ciel et terre. Nous ne sommes pas là que pour faire des plannings. » Sans aucun doute, les sourires sur les différents visages donnent raison de sa persévérance et celle de ses collègues. Car en cette période de crise sanitaire, difficile pour les enfants de se rendre à la salle de jeux, trop petite pour les accueillir, dans le but de se changer les idées au cours de leur hospitalisation plus ou moins longue…
Vendredi dernier, l’Assemblée nationale a voté l’adoption de la loi sécurité globale qui suscite l’indignation du monde des journalistes, soutenus par la population. Elle irait à l’encontre du travail des journalistes, mais les forces de l’ordre et les parlementaires se veulent rassurants : la liberté de la presse ne serait pas atteinte.
C’est une vague d’inquiétude qui s’est installée dans tout le pays depuis vendredi dernier. Les députés ont adopté l’article 24 de la loi “sécurité globale” qui prévoit de pénaliser d’un an de prison et de 45.000 euros d’amende la diffusion d’image d’un policier, gendarme ou militaire en plein exercice lorsqu’elle porte “atteinte à son intégrité physique ou psychique”. L’adoption de cet article a suscité l’indignation de la population qui a manifesté dans les rues de Paris, Marseille, Montpellier, pour ne citer qu’eux. Dans le 101ème département, la nouvelle n’a pas provoqué autant de polémiques, mais les forces de l’ordre se sentent tout aussi concernés. “Nous sommes plutôt satisfaits dans le sens où cette loi est destinée à protéger l’identité des fonctionnaires de police sur le terrain, mais cela n’empêche en aucun cas les journalistes de filmer”, selon Aldric Jamey, délégué départemental du syndicat Alternative police à Mayotte. En effet, le travail des journalistes est au coeur des vifs débats. La population en général et les journalistes en particulier redoutent une atteinte à la liberté de la presse.
Le président du groupe La République en marche, Christophe Castaner, a alors souhaité déclarer son “amour” aux journalistes dans une tribune publiée dans le Journal du dimanche. “Chers journalistes.. Il est hors de question pour nous comme pour quiconque de s’immiscer dans vos salles de rédaction, dans vos reportages ou sur vos réseaux sociaux. Tout comme il n’est pas question de vous demander de vous accréditer pour pouvoir couvrir une manifestation”, rassure-t-il. Sans grande surprise, l’article de la discorde fait l’unanimité auprès des syndicats de police qui souhaitent également rassurer la presse. “Si on veut protéger les libertés, il faut que les policiers soient aussi protégés. Mais cet article n’entrave en rien le travail des journalistes. Ils auront toujours le droit de participer aux manifestations et ils seront toujours protégés par les policiers”, souligne Bacar Attoumani, secrétaire départemental du syndicat Alliance Police Nationale 976.
Les parlementaires mahorais en faveur de la loi
La député de la majorité, Ramlati Ali, ne s’en cache pas, elle a voté pour le projet de loi “sécurité globale” et notamment pour l’article 24. “Nous voulons mettre en sécurité les forces de l’ordre et leurs familles qui subissent aussi des pressions parce le policier ou le gendarme a juste fait son travail.” Même son de cloche du côté du sénateur Thani Mohamed Soilihi qui se prononce en faveur de ce texte. “J’estime que c’est une bonne loi, car elle vise les personnes malintentionnées. Dans la mesure où la précision sur le droit d’informer a été apportée, je trouve qu’elle n’entrave pas la liberté de la presse.”
Cette précision a été rajoutée à la suite de vifs débats dans les médias et sur les réseaux sociaux. Néanmoins, cette modification ne change en rien l’avis des directeurs de groupes de presse, des collectifs et des journalistes qui qualifient cette loi de liberticide. Mais selon le sénateur mahorais, “la polémique est inutile. Les gens qui ne sont pas malintentionnées ne devraient pas se sentir menacés par cet article”. Malgré leur position ferme, les deux parlementaires disent comprendre l’inquiétude des journalistes. “Mais mettons-nous à la place des forces de l’ordre. Ces derniers temps pour un oui ou pour un non, nous avons des personnes qui ont constamment leurs caméras braquées sur eux attendant la moindre bavure”, tempère la députée Ramlati Ali.
Une situation sécuritaire qui restera inchangée ?
Les principaux concernés par cet article 24 accueillent la nouvelle avec beaucoup de réserve. “Ce n’est pas grâce à cet article que je vais me sentir plus en sécurité. Nous n’avons pas besoin d’images sur internet pour que des fonctionnaires de polices soient menacés”, indique Aldric Jamey, le délégué départemental d’Alternative police 976. Il rappelle l’agression des policiers à Mayotte l’année dernière, alors qu’ils faisaient leur jogging habituel. “Le seul moyen de se sentir plus en sécurité est surtout d’avoir des moyens mais aussi d’avoir une réponse judiciaire plus importante et plus adaptée”, ajoute-t-il. Son collègue croit toutefois que la médiatisation de cette loi pourra leur être bénéfique. “Le fait de publier les images des forces de l’ordre sur les réseaux sociaux a toujours été interdit, mais n’a jamais été respecté. Cette médiatisation entraînera peut-être l’application des sanctions prévues”, espère Abdel Sakhi, délégué départemental adjoint d’Alternative police 976.
Malgré les précisons et prises de paroles des membres du gouvernement et de Christophe Castaner pour rassurer la population, les craintes et les doutes ne se dissipent pas. Bacar Attoumani estime qu’il faut plus de pédagogie autour de cette loi. “Je pense qu’il faut trouver le bon contour. Il y a une incompréhension autour de cette loi, mais je ne pense pas qu’il faille aller systématiquement aux oppositions. Quand les choses sont mal expliquées, nous pouvons avoir des doutes. Il faut donc être très clair sur la question.” Le succès de la loi “sécurité globale” auprès de l’Assemblée nationale est cependant à relativiser. Pour rappel, son article 24 a été adopté avec 146 voix pour et 24 voix contre, sur un total de 577 députés. Plus de la moitié des parlementaires étaient donc absents le jour du vote, à l’instar de Mansour Kamardine. La stratégie a donc été payante pour le gouvernement.
À contre-courant. Alors que les associations locales de lutte contre le braconnage des tortues applaudissent la création d’un groupe de coopération opérationnelle fraîchement annoncé par le préfet, l’ONG internationale Sea Shepherd, également engagée à Mayotte depuis 2017, a refusé de rejoindre l’initiative. La présidente de son antenne française, Lamya Essemlali, revient sur les raisons de ce choix.
Flash Infos : Après des mois d’absence due au confinement, période pendant laquelle le braconnage des tortues a connu une forte recrudescence, quel constat dressez-vous depuis votre retour ?
Lamya Essemlali : Nous sommes revenus en octobre, après des mois d’absence, dans le cadre de l’opération professionnelle Nyamba (tortue en shimaoré, ndlr.). Et cela a été un carnage puisque cette année, la saison des pontes n’a pas vraiment été surveillée à cause du confinement. Depuis notre retour, il y a cinq semaines, nous avons attrapé huit fois des braconniers en flagrant délit, sur la plage avec des couteaux. Et je ne parle que des fois où nous étions suffisamment discret pour qu’ils ne nous voient pas. Il y a les fois que nous avons loupées parce que nous n’étions pas assez nombreux, et en cinq semaines, nous avons retrouvé sept cadavres. Mais il y a trop de plages à couvrir, et nous nous ne prenons pas un seul jour de congés, nous sommes là douze heures par nuit. Il faut être extrêmement exigeant : une présence dissuasive, c’est toute la nuit. Nous ne dormons pas, nous nous relayons du crépuscule à l’aube. Et cela paye !
FI : Vous avez récemment dénoncé “l’inaction” des gardiens embauchés par le conseil départemental pour patrouiller sur la plage de Moya. Pourtant, ceux-ci ont repris leur activité depuis plusieurs mois…
E. : Le braconnage continue, y compris sur la plage de Moya, qui est censée bénéficier d’une quinzaine de gardiens. En quatre ans, nous n’avons jamais vu de gardiens rester toute la nuit sur la plage, si ce n’est les nuits qui ont suivi notre communiqué les concernant. On nous dit parfois qu’ils ne patrouillent pas parce qu’ils n’ont pas d’imperméables, parce qu’il fait trop froid ou parce qu’ils ont peur… Je comprends qu’ils aient peur, mais dans ce cas, il faut juste changer de métier. Nous avons assisté à une réunion récemment et nous avons appris que les gardiens étaient équipés de caméras à vision thermique. Bonne nouvelle, mais encore faut-il qu’ils soient sur la plage. Il y a un vrai problème de recrutement des gardiens. Nous en avons même déjà vu camoufler eux-mêmes des cadavres en les enterrant, pour minimiser les statistiques…
FI : Quelles solutions propose alors Sea Shepherd ?
E. : Il existe un plan national d’action de protection des tortues accompagné de 1,4 million d’euros. Le problème c’est que cet argent n’est pas investi dans la surveillance : le budget est là, ils sont 15 gardes pour surveiller Moya, mais nous avons des gens qui ne sont absolument pas motivés, ils sont planqués, et à côté de cela, nous avons des bénévoles qui font le travail à leur place. Donc ce qu’il faut, c’est faire un grand coup de ménage, revoir le système de recrutement. L’année dernière, un braconnier multirécidiviste avait été arrêté à Mayotte, et il s’est avéré que c’était un garde, et le conseil départemental le savait. Ces gens-là devraient être licenciés pour faute grave, mais la collectivité ne prend pas le sujet au sérieux et cela pose des questions de connivence, clairement. Et dans le même temps, nous apprenons à l’issue d’une réunion, mercredi avec le préfet, qu’il a confié la gestion du plan national d’action au conseil départemental… Donc nous ne sommes pas sortis des ronces.
Il faut mettre chacun face à ses responsabilités, et donner à ceux qui ont la volonté les moyens d’agir. Là, nous donnons les rennes à ceux qui ne feront rien et qui n’ont jamais rien fait. Pire, le conseil départemental finance même à hauteur de 227.000 euros la rénovation de la cabane à Moya, pour des gardiens qui sont en train de ronfler, que nous entendons faire des barbecues et écouter de la musique, pendant que nous nous organisons des patrouilles avec l’ASVM (l’association de sécurité villageoise de M’tsamoudou, partenaire de longue date de Sea Shepherd, ndlr.) qui vient du Sud de Grande-Terre spécialement pour nous aider, et dont certains bénévoles n’ont même pas l’eau ou l’électricité chez eux, c’est insupportable. Que les gens qui sont payés pour protéger les tortues le sachent : ils ont le sang des tortues sur les mains, et le conseil départemental les couvre. Avec leur nouvelle cabane, financée avec de l’argent public, les gardiens auront tout le confort, ils ne risquent pas de s’aventurer sur les plages. Et là, c’est open bar pour les braconniers.
FI : Vous avez ainsi refusé de rejoindre le groupe d’action opérationnelle, créé à l’initiative de la préfecture et rassemblant associations, services de l’État et collectivités territoriales. N’était-ce pourtant pas l’occasion de changer la donne et de réorganiser l’ensemble des actions ?
E. : Lors de la réunion avec le préfet, les autorités et les différentes parties prenantes, nous avons été très déçus de constater que cette réunion a fait la part belle aux déclarations d’intention et il y était mal venu d’aborder tout ce qui fâche. Autant dire que nous n’avions pas notre place. Nous ne pouvons rien construire de tangible sur la base de non-dits et de faux semblants. Nous ne sommes pas là pour faire des ronds de jambe, nous voulons des résultats et les résultats, cela se mérite. Il faut aller les chercher sur le terrain, ce terrain qui a été cédé aux braconniers depuis des années, précisément par ceux qui étaient censés l’occuper. Que ce soit à Mayotte ou ailleurs, nous avons pour habitude de nous unir uniquement avec des acteurs que nous pensons dévoués et sincères dans la lutte contre le braconnage. Nous n’avons aucune confiance ni aucune estime pour le conseil départemental qui jusqu’ici n’a fait que la preuve de son incompétence totale et de sa complaisance coupable vis-à-vis des braconniers de tortues. Les gardiens ne manquent pas de moyens comme ils l’affirment, ils manquent de courage et de dévouement.
Le préfet n’a même pas demandé de comptes sur le bilan du conseil départemental depuis toutes les années où il est chargé de protéger les tortues. C’est une erreur stratégique fondamentale et nous n’y participerons pas. Nous ne faisons pas disparaître les problèmes en les passant sous silence. Cette « union » se fera donc sans nous. Il a été décidé de ne pas faire du braconnage une priorité. J’accorde tout de même le bénéfice du doute au préfet sur le fait qu’il veuille enrayer le braconnage, mais je crois qu’il n’a pas bien identifié qui faisait quoi, ni le niveau d’imposture de certains.
FI : Comment allez-vous alors poursuivre vos actions de lutte contre le braconnage à Mayotte ?
E. : Sea Shepherd intensifiera ses patrouilles en 2021 sur Petite et sur Grande-Terre, avec encore plus de moyens humains et technologiques. Nous avons déjà effectué plus de 1.200 patrouilles à ce jour, soit près de 15.000 heures passées sur les plages. Nous partagerons toutes nos données utiles avec certains agents clés si celles-ci peuvent aider à procéder à des arrestations. Nous ne doutons pas que des personnes de bonne volonté au sein des pouvoirs publics existent, encore faut-il qu’on leur donne les moyens d’agir et cela va de pair avec le fait de déloger les imposteurs.
Découvrez le dossier consacré au braconnage des tortues dans le nouveau numéro de Mayotte Hebdo, à lire gratuitement sur www.mayottehebdo.com.
Le conseil départemental réagit
À l’heure où la préfecture mise sur la coopération, le conseil départemental a salué l’initiative de la préfecture, s’estimant “chanceux” de pouvoir compter sur le travail des associations, tout en déplorant une entente “cafouillée” : “Nous sommes présents sur le site à partir de 15h jusqu’à 8h du matin, seulement il y a une espèce de concurrence qui s’est installée entre nous et certaines associations, notamment Sea Shepherd. C’est une guéguerre entre patrouilleurs sur la plage. Nous invitions tous ceux qui le veulent à venir sur la plage et ils verront que nous sommes là toutes les nuits.” Saindou Dimassi, directeur de l’environnement et du développement durable au sein du conseil départemental, estime quant à lui que la recrudescence du nombre de braconnages à la suite de la suspension des patrouilles à Moya, en plein confinement, atteste de l’action menée par les gardiens en temps normal. S’agissant du manque de moyens souvent pointé du doigt par les gardiens, il avait été remis sur la table lors de la grève express, début novembre, et devrait être revu à la hausse. Jadis, ils étaient au nombre de 200 à veiller, en bateau ou en voiture, sur les différents sites de pontes de l’île. Mais désormais, ils ne sont plus que 20, répartis à Moya et sur la plage de Charifou, près de Majicavo.
Après plusieurs mois de tergiversations liées à la crise sanitaire, Mayotte connaît enfin le nom de son représentant au huitième tour de la Coupe de France de football. Il s’agit du FC M’tsapéré qui, sans grande surprise, a dominé Pamandzi en finale régionale, ce samedi à Kavani.
« Le football est un sport qui se joue à 11 contre 11, et à la fin, c’est « M’tsapéré » qui gagne ! » Cette formule légendaire de l’attaquant anglais Gary Lineker à propos de la domination du football allemand dans les années 70, 80 et 90, on pourrait effectivement facilement l’emprunter pour le football mahorais de ces dernières années, tant le FC M’tsapéré est souverain. Depuis 2010, le FCM, c’est sept titres de champions de Mayotte (2010, 2013, 2014, 2015, 2017, 2018, 2019) et sept finales de Coupe régionale de France, dont cinq victoires (2012, 2016, 2018, 2019, 2020)… La dernière a été acquise ce samedi après-midi dans un stade départemental de Kavani en travaux. Un nouveau triomphe cette fois aux dépens du Pamandzi Sporting Club, valeureuse équipe de Régional 3, dont le parcours en CRF 2020 a été fabuleux.
Pour atteindre cette finale, le PSC a signé de véritables exploits. Comme lors des seizièmes de finale lorsqu’il élimine à domicile les Diables Noirs de Combani, vainqueurs de l’édition 2017 et finalistes de la CRF 2018, ceci en inscrivant quatre buts en l’espace de quinze minutes, durant la deuxième mi-temps des prolongations… et en infériorité numérique (5-2 score final). On retiendra également ses succès des huitièmes de finale contre l’ASC Kawéni et des demi-finales face à l’USC Poroani Antéou, autres pensionnaires de R1 à l’instar des Combaniens.
Johnny glace les fulgurances pamandziennes
En finale, Pamandzi n’a pas démérité, loin de là. Malgré la nette domination des Diables Rouges en première période et l’ouverture du score du FCM en début de partie, par l’intermédiaire du capitaine m’tsapérois Mouhtar Madi Ali alias Johnny sur penalty (10ème minute, 1-0), les Petits-Terriens n’ont pas abdiqué. Et sont revenus de la mi-temps avec la ferme intention d’égaliser. Mais le buteur pamandzien Karim Abdouroihime, héros des tours précédents, a eu les jambes moites dans son face à face avec Michael Salim (54ème). Puis Ybkah Mohamed sur coup franc à l’entrée de la surface de réparation m’tsapéroise a parfaitement enveloppé son ballon, mais celui-ci est venu s’écraser sur l’équerre du gardien du FCM (63ème). Le PSC venait de laisser passer sa chance…
En difficulté dans le jeu, les Diables Rouges s’en sont remis à un exploit individuel de leur homme providentiel, Johnny. Lancé à droite par Ybnou Charaf au dernier quart d’heure de jeu, le numéro 7 des Bleus a placé une accélération foudroyante laissant derrière lui deux défenseurs pamandziens, et glissé le ballon sous les bras de Saïd Abdallah le dernier rempart du PSC (2-0, 74ème). En un éclair, celui qui a été élu Sportif de l’année 2019 en février dernier a glacé tout espoir de huitième tour de Coupe de France pour les joueurs de Pamandzi, que l’on n’a plus revu jusqu’au coup de sifflet final d’Ahmed Assane. Déjà décisif en demi-finale contre l’US Ouangani, Johnny a ainsi offert la qualification à son équipe : la troisième représentation successive du FCM en métropole. Il a d’ailleurs été élu meilleur joueur de la finale. Un trophée que vient de créer la Ligue mahoraise de football. Les M’tsapérois devraient s’envoler pour l’hexagone début 2021. Ils prépareront cette échéance nationale avec la Coupe de Mayotte, dès le week-end prochain contre l’Asdek de Kawéni.
L’ex-jeune ambassadeur aux droits de l’enfant était invité pour le lancement de la 31ème édition de la journée de la CIDE au collège Ouvoimoja de Passamaïnty. L’occasion de revenir sur son expérience de JADE, qui a fait naître en lui plus d’une vocation.
C’est l’heure des coudées – anciennement poignées de main – et des remerciements après cette matinée de lancement de la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) au collège Ouvoimoja de Passamaïnty. Le groupe d’écolières qui vient d’entonner des chansons, devant le recteur Gilles Halbout et le vice-président du conseil départemental Issa Issa Abdou, souffle un coup à distance des adultes. Pendant que certains dévorent les pâtisseries et d’autres ingurgitent un café salvateur, Djounaidi rigole avec la petite troupe, derrière les étagères du CDI, recouvertes pour l’occasion de panneaux en l’honneur des droits de l’enfant. L’ex-JADE, un jeune ambassadeur pour la cause, a terminé sa mission depuis bientôt un an. Mais c’est de gaieté de cœur qu’il répond présent lorsque des institutions ou des associations comme Haki Za Wanatsa lui demandent d’intervenir auprès des jeunes. “Il m’est souvent arrivé qu’ils me disent : ‘‘mais comment on devient comme toi, comment on devient JADE ?’’ Je leur dis de se concentrer sur leurs études. Mais quand je vois leur investissement, comme aujourd’hui, ça fait chaud au coeur”, raconte le jeune homme de 23 ans.
Pour lui, tout a commencé un peu par hasard. Après un baccalauréat professionnel en commerce, suivi d’une formation d’assistant commercial, le Mahorais originaire de Kanibé dans le Sud n’a aucune idée qu’il va se dédier au social. Un jour, Moose, un vieux pote d’enfance, l’approche avec un super plan : le service civique pour devenir Jeune ambassadeur aux droits de l’enfant (JADE), une mission d’un an payée un peu plus de 500 euros. En tout, ils sont six à former l’équipe qui travaillera aux côtés de l’association CEMEA (centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active) dans le centre de l’île, pour défendre ces droits fondamentaux. Pour Djounaidi, c’est une révélation. Le garçon qui vit à M’tsapéré avec sa mère s’implique corps et âme dans ce premier job, très formateur pour lui. “À la base, j’étais plutôt du genre timide, je n’osais pas prendre la parole en public, encore moins devant les caméras. Mais comme les autres ne voulaient pas trop, j’ai fini par y aller. J’ai même été sur la 1ère et sur Kwezi !”, se remémore le JADE avec un sourire modeste.
De JADE à éducateur spécialisé
À force, cette motivation paye, et ce service civique qu’il ne pensait jamais faire finit par lui ouvrir des portes. Remarqué pendant ses interventions, il est régulièrement approché par des porteurs de projets ou des associations. “Un des chefs des Apprentis d’Auteuil est venu me voir à la fin de mon service civique, pour que je rejoigne l’équipe !” Ni une ni deux, le gars du Sud embarque dans cette nouvelle aventure. Il devient éducateur et enchaîne les missions auprès des jeunes, parfois dans des quartiers sensibles.
À peu près au même moment, ce fan de foot embarque pour Madagascar. Ce voyage sur la Grande Île, l’un des pays les plus pauvres au monde, le marque profondément. C’est de là que lui vient l’idée de son association informelle Give a smile, qu’il met en place dès son retour avec son ami Moose. Le but est simple : donner des vêtements aux plus démunis. Mais attention ! Tout repose sur les dons des uns et des autres, et Djounaidi se refuse à mettre un quelconque statut sur la structure, ou à demander des subventions. “Dès qu’on est subventionné, les gens se disent que ça ne sert plus à rien de participer. Moi je veux que tout le monde se sente concerné, du plus modeste au plus riche, du plus jeune au plus âgé”, décrypte-t-il.
S’engager pour son île
Une façon aussi de prouver que les Mahorais peuvent porter eux-mêmes les projets structurants pour leur territoire. “Trop souvent, on se sent mis à l’écart ou chapeauté par des gens qui sont là pour un ou deux ans”, déplore l’éducateur spécialisé. S’il se refuse à considérer une carrière politique, Djounaidi a l’âme de ceux qui s’engagent pour les causes nobles. Sa présence ce vendredi, pour la Convention internationale des droits de l’enfant, en est l’une des nombreuses démonstrations. “À chaque fois qu’il faut se positionner sur un sujet, moi ce que je me dis c’est : où est l’intérêt supérieur de l’enfant ? Il faut toujours garder en tête que ce qui prime, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant”, répète-t-il avec conviction. Mais ces engagements ne sont pas sans difficulté et le jeune actif a peu de temps pour lui… Pendant ses rares moments de répit, il file dans le Sud, pour se ressourcer autour d’un voulé avec sa famille et ses amis. Un cercle proche, sans qui celui qui a grandi au milieu des rivalités de bandes à Mtsapéré, n’en serait peut-être pas là aujourd’hui. “Ce sont eux qui m’ont fait comprendre que la vie était affaire de choix”, salue-t-il.
C’est un éternel débat. Faut-il donner plus de place à la langue française à Mayotte ? Ou au contraire, valoriser davantage le mahorais et le kibushi ? Il n’existe pas de réponse exacte, tant les avis sont partagés. C’est dans cette vision des choses que se tient la première consultation sur les langues, initiée par la Direction des affaires culturelles de Mayotte. Bruno Lacrampe, conseiller livre et lecture, langue française et langue de France à la DAC de Mayotte, a constaté un affaiblissement des deux langues régionales, sans pour autant observer une amélioration du niveau en français, sur le territoire.
Flash Infos : En quoi consiste cette consultation sur les langues à Mayotte ?
Bruno Lacrampe : Nous allons consulter les Mahorais afin de cerner ce qu’ils veulent et pensent concernant les différentes langues parlées sur l’île. Nous organisons quatre réunions sur le mahorais, deux sur le kibushi, une sur l’arabe et les langues étrangères parlées sur le territoire (espagnol, anglais, soihili, malgache), et une sur le français. Nous allons ensuite faire des comptes rendus écrits en français et oraux pour éviter le problème de l’écriture et les publier sur Facebook pour que les gens continuent à commenter. Puis vers juillet et août, nous allons tout éditer en ajoutant les commentaires de Facebook. Au bout du compte, nous aurons un catalogue de toutes les idées présentes sur l’île concernant les langues régionales.
FI : Quelle sera l’utilité de ce catalogue ?
L. : L’année prochaine se tiendront les états généraux du multilinguisme Outre-mer à La Réunion. C’est un évènement qui se produit tous les dix ans. C’est l’occasion de faire le point et d’inventer des dispositifs sur les langues d’Outre-mer. Jusqu’à présent, Mayotte a été en dehors de ces discussions parce que, même si pour le ministère de la Culture, les langues de Mayotte sont des langues régionales à part entière, pour l’Éducation nationale elles ne sont pas reconnues comme telles et ne sont donc pas enseignées. Ce catalogue permettra de mettre en avant toutes les langues parlées sur le territoire.
FI : De quelle manière cohabitent le mahorais et le kibushi avec le français ?
L. : Le français est la langue officielle, langue de l’enseignement, de la promotion sociale, mais par contre, ce n’est pas la langue parlé à la maison. Nous pensons que 80% des Mahorais parlent plutôt le shimaoré ou le kibushi. Les langues régionales de Mayotte sont beaucoup plus vivantes que les langues régionales en métropole. Mais la situation ici est différente car les langues de Mayotte sont très différentes du français. Contrairement au créole par exemple qui s’apparente au français. Il n’y a pas de passerelle très facile entre les langues régionale de l’île et le français.
FI : Comment est-ce que cela se caractérise sur le territoire ?
L. : Du point de vue de la citoyenneté, le fait de ne pas connaître le français entraîne une certaine exclusion. Il y a des institutions qui réfléchissent plus ou moins à la question, mais cela ne suffit pas. Par exemple, la justice a des interprètes, l’hôpital fait des efforts mais qui sont informels. Le médecin fait appel à un collègue pour traduire lorsque le patient ne parle pas français, mais ce n’est pas son métier de base. Nous retrouvons cette situation dans beaucoup d’autres endroits, dans l’administration et dans le privé.
FI : Que faudrait-il faire pour mieux prendre en charge les personnes qui ne parlent pas français ?
L. : Il faudrait mettre en place, dans un premier temps, des formations d’interprètes. Ensuite, chaque entreprise et administration doit prendre ses dispositions. Elles pourraient par exemple dégager dans leur budget une partie pour embaucher des personnes formées qui font de l’accompagnement linguistique. Le domaine de la santé et de la justice sont les plus importants à mon sens.
FI : Certains amoureux du mahorais et du kibushi pointent du doigt un certain dénigrement de ces deux langues. Pouvons-nous imaginer leur disparition au profit du français ?
L. : À Mayotte, les deux langues régionales sont mises à mal, car il y a d’une part ceux qui ne les parlent pas du tout parce que leurs parents ne leur ont pas appris. D’autre part, nous observons une détérioration de la qualité de ces langues. Certains mots ont disparu et ont été remplacés par des mots en français. C’est ce qu’il s’est passé un peu partout dans les régions de France, notamment pour le basque et le breton. Si nous ne faisons rien, la tendance naturelle mène à l’affaiblissement qualitatif, voire à la disparition de la langue régionale.
FI : Comment éviter d’arriver à une telle situation ?
L. : Il faut se focaliser sur les enfants. Il y a des gens qui pensent que si nous apprenons les deux langues en même temps, nous finissons par n’en maîtriser aucune des deux. C’est quelque chose que nous voyons par exemple en Algérie. Il y a la présence concomitante de trois langues, et finalement le niveau n’est bon ni en français ni en arabe ni en berbère. Mais selon moi, tout dépend de la manière dont nous faisons les choses. Dans un cadre formel comme l’école, onous pouvons penser que le fait d’être en contact avec plusieurs langues peut renforcer les unes et les autres. Parce que nous apprenons à faire des exercices dans la langue avec laquelle nous avons le moins de difficultés puis nous transposons dans l’autre. Quoi qu’il en soit, le ministère de la Culture cherche à favoriser la présence de toutes les langues dans l’espace public et dans les administrations qui le souhaitent.
En retard pour l’envoi de son budget, qui plus est excédentaire, l’organisme, désormais célèbre pour la note truquée du président du CDG de La Réunion, s’est de nouveau attiré les foudres de la chambre régionale des comptes. “Peut mieux faire”, notent les magistrats en substance.
C’est un comble ! Après la grossière affaire de la note de 3/20 transformée en 15/20 au bénéfice du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de La Réunion, Léonus Thémot, voilà que le centre de gestion de Mayotte est à nouveau épinglé par la chambre régionale des comptes. En cause, cette fois-ci ? La mauvaise gestion de son budget…
En tant qu’établissement public, le CDG 976 devait transmettre le document comptable au plus tard le 31 juillet 2020. Sans nouvelle de la structure – censée tout de même accompagner les collectivités dans leurs missions – au 13 octobre, le préfet a donc saisi la chambre pour défaut d’adoption du budget primitif 2020. Surprise : le centre avait plus d’une piécette cachée sous le matelas ! En épluchant le compte de gestion du payeur départemental, visiblement plus fiable que les quelques documents obtenus auprès du centre de gestion, les magistrats ont découvert un joli pactole de plus d’un million d’euros. Le fruit d’une section de fonctionnement avec un excédent de 1.049.255 euros exactement, et d’une section d’investissement à l’équilibre.
Un taux de cotisation fixé à son maximum
Pour rappel, les ressources des centres de gestion proviennent des collectivités locales. Les communes et leurs établissements publics sont obligés de s’affilier à un centre de gestion, qui se charge de certaines missions obligatoires comme l’organisation des concours et les ressources humaines. À Mayotte, le CDG 976 gère ainsi la carrière des agents de 36 collectivités et établissements en 2018.
Dans un précédent rapport, les sages de la chambre régionale des comptes notaient déjà que le CDG 976 n’était pas du genre à se serrer la ceinture. Avec un taux de cotisation fixé à son maximum, soit 0,8% de la masse salariale, la structure a pu “bénéficier de ressources significatives abondées par la mise en place de la prime de la vie chère”. Non content d’exercer “partiellement” ses missions obligatoires – on en aura reçu la preuve avec le concours falsifié de Léonus Thémot – le centre a proposé aussi des missions facultatives, l’hygiène et la sécurité, à 20 collectivités en 2018 et une prestation d’assurance statutaire à 5 d’entre elles, qui a généré en 2017 “165.000 euros, soit 70% des recettes liées aux missions facultatives sans rapport avec le service rendu aux collectivités souscriptrices”, soulignent aussi les magistrats.
Sur-rémunération et bilan excédentaire
Et pendant que les collectivités trinquent, le personnel du CDG 976 se gave ! Les charges du personnel représentent ainsi plus de 1,2 million d’euros, et l’augmentation “de 12% entre 2014 et 2018 résulte de la mise en place de la “sur-rémunération” et de l’évolution des effectifs de l’ordre de 20%”, déroule encore la chambre dans son rapport de juillet dernier. “La politique de rémunération et de recrutement de l’établissement est perfectible (…) Ces errements sont d’autant plus contestables qu’ils émanent d’un organisme supposé référent et expert en matière de ressources humaines.” Face à ce constat, la conclusion des magistrats dans leur dernier avis devrait faire mouche : “Le CDG 976 dégage régulièrement un excédent de ressources par rapport à ses besoins. Il appartient dès lors à l’établissement de s’interroger sur le juste niveau des cotisations tant obligatoires que facultatives versées par les organismes affiliés.” Dans le mille !
Jeudi, 38 apprentis boulangers, cuisiniers et serveurs en restauration du Greta-CFA de Mayotte ont chacun reçu leur tenue professionnelle, dans le cadre de leur contrat d’apprentissage. Une manière de consolider les choix professionnels de ces jeunes et dans celui de l’alternance. Au cours des deux prochaines années, ils vont mettre en pratique toute la théorie reçue au sein du lycée professionnel de Kawéni dans leurs entreprises respectives.
« Ces tenues que nous vous remettons aujourd’hui pour les deux prochaines années, c’est la preuve que le CFA vous fait confiance », introduit d’un ton patriarcal Jacky Mongodin, le responsable de la formation apprentissage, devant une quarantaine de futurs boulangers, cuisiniers et serveurs rangés par brigade dans le restaurant d’application. Un moment d’autant plus solennel qu’ils sont les premiers au sein de l’établissement du lycée professionnel à Kawéni à en bénéficier. Un cadeau de bienvenue rendu possible à la suite de la réforme du 5 février 2018, effective depuis le 1er janvier 2020 à Mayotte, « pour vous équiper », précise Dominique Bachelot, le proviseur. « Vous serez beaux, fiers et efficaces. »
Un par un, Nouriati, Mariame, Mohamed, Sami et tous les autres s’approchent de leur formateur pour se voir remettre veste, pantalon, tablier ou blouse, calots ou charlotte, mocassins… Tout un attirail synonyme « du sérieux de votre travail » dans le but de forger le respect des collègues de leurs établissements respectifs où ils vont une semaine sur deux mettre en pratique la théorie apprise sur les bancs de l’école. D’autant plus que dans ces milieux professionnels, souvent considérés comme ingrats en raison de la pénibilité des horaires et de la charge de travail, la rigueur et l’exemplarité prédominent. « À vous de les garder propres et pliés », insiste Jacky Mongodin, qui n’hésite pas à mettre la pression à ses apprentis pour qu’ils prennent conscience de ce coup de pouce financier, « de 200 à 400 euros en fonction des métiers ». Un montant que « vous n’aurez pas à sortir de vos poches », à l’inverse de leurs prédécesseurs.
Moyenne d’âge de 20 ans
Cette distribution est aussi l’occasion d’évoquer les bien-fondés de l’apprentissage, que peuvent toucher du doigt les 16-29 ans. Une manière de sortir la tête haute des filières générales, prisées par certains élèves et angoissantes pour d’autres. Et surtout d’offrir des opportunités concrètes à des jeunes « en rupture » et à ceux qui « sortent du collège » l’esprit barbouillé par le cadre scolaire classique. Toutefois, Jacky Mongodin recense « très peu de mineurs » dans ses rangs, puisque « la moyenne d’âge est de 20 ans ».
Pas question donc de comparer cette décision à un quelconque aveu de faiblesse, bien au contraire. Avec la formation en alternance, « vous avez une longueur d’avance dans le monde du travail par rapport à vos camarades », insiste-t-il, en rappelant que deux restaurants sur trois à Mayotte emploient un apprenti. Une remarque pertinente et motivante dans un territoire où le chômage frôle les 40% de la population active… « Mais ça va être dur pendant deux ans », prévient-il. Pour surmonter les épreuves qui les attendent, « nous serons à vos côtés pour pousser les portes et ouvrir les fenêtres pour résoudre vos problèmes ». Un message salué par un unanime « Oui, Monsieur ! » crié en choeur.