Accueil Blog Page 479

Violences en Petite-Terre : trois meurtres, deux enterrements et un avis de recherche

-
violences-mayotte-petite-terre-trois-meurtres-deux-enterrements-avis-de-recherche

Du côté des autorités, la prudence est de mise depuis les violents affrontements du week-end en Petite-Terre qui ont fait trois morts. Le lien entre ces décès n’a toutefois pas été établi, et aucune interpellation n’a été annoncée. Pour les familles et les habitants sous le choc, c’était l’heure du deuil ce mardi… dans la crainte de voir cette “chasse à l’homme” se poursuivre.

J’y crois pas ! J’ai même pas les larmes pour pleurer. Il y a mon pote qui est mort !”, souffle Saïd* en serrant les poings sur le guidon de son vélo tout terrain, la tête baissée en signe d’abattement. Quelques mètres plus loin, Steven Zafi, jeune Petit-terrien de 14 ans, repose sous un linceul, dans le cimetière musulman de la route des Badamiers. La petite foule d’une trentaine de personnes venue lui dire au revoir ce mardi après-midi s’est déjà dispersée, dans une atmosphère pesante. Saïd lui, ne parvient pas à se résoudre à bouger. “J’y crois pas ! Le petit, le génial, qui pensait qu’à s’amuser, qui cherchait jamais les embrouilles ! Il était toujours là à vouloir donner un coup de main pour réparer mon vélo…”, répète le jeune habitant de Labattoir, comme figé devant cette grille de cimetière. “Des charognards, des fils de p***”, lâche l’un de ses potes pour tout commentaire, avant de se remettre en selle et de pédaler à fond sur le bitume. Loin, très loin de ce souvenir brûlant.

Sur Petite-Terre, difficile d’échapper à la colère palpable qui a envahi les rues et les esprits depuis les événements de ce week-end. En moins de trois jours, trois personnes, dont deux adolescents de 14 et 15 ans, ont perdu la vie dans des affrontements qui ont opposé des bandes du quartier Cetam et de la Vigie, à quelques encablures du cimetière de Labattoir. Vendredi, d’abord, le corps sans vie d’une homme de 36 ans est découvert en haut de la Vigie. Des bandes déboulent alors dans les rues, brûlent des cases en tôle et des voitures. Leur intention ne fait pas de doute : tuer les responsables. Samedi, un premier adolescent de 15 ans meurt sous les coups des assaillants. Dimanche, ce sera au tour de Steven.

 

Course-poursuite sanguinaire

 

C’est abominable ce qui lui est arrivé. Le matin, il pleuvait beaucoup, vous vous rappelez ? Le toit fuyait, et Steven est juste parti chercher un escabeau…”, décrit un membre de la famille. En chemin, le collégien tombe nez à nez avec un groupe d’individus, visiblement menaçants. “Quand il les a vus, il a fait demi-tour. Il a dû les reconnaître”, croit savoir cet oncle. La suite, les réseaux sociaux se sont chargés de la raconter. Poursuivi, le garçon se réfugie dans une case en tôle, avant d’y être acculé par ses agresseurs. C’est là qu’il sera retrouvé, la gorge tranchée. Sans autre forme de procès.

 

“Oeil pour oeil, dent pour dent”

 

Partout à Mayotte, les rumeurs vont bon train pour tenter d’expliquer ce qui a bien pu plonger la Petite-Terre dans un week-end aussi sanguinaire. Anli* en sait quelque chose : tous les jours, sur la route des Badamiers qu’il prend pour rejoindre le travail ou rentrer chez lui, il récolte les dires des uns et des autres… et reconstitue peu à peu le fil. Pour ce tourneur-fraiseur de formation, l’hypothèse de la vengeance ne fait pas de doute, même si elle n’a pour l’heure pas été confirmée par la section recherches de la gendarmerie de Pamandzi chargée de l’enquête ou par le procureur de la République Yann Le Bris.

C’est oeil pour oeil, dent pour dent. Pire, ici, c’est la loi de la jungle, car c’est juste le plus fort qui gagne”, assure ce mécanicien en profitant d’un coin d’ombre sur la route aujourd’hui déserte, à quelques mètres de la plage. Et les forces de l’ordre dans tout ça ? “L’État nous a abandonnés. À chaque fois que ça pète, ils mettent des gendarmes au rond-point, qui rentrent à la nuit tombée. Pas étonnant que certains décident de faire justice eux-mêmes”, poursuit le père de famille, qui hésite aujourd’hui à envoyer sa famille en métropole. “J’étais à Marseille pendant longtemps. Là-bas, même si c’est à la kalachnikov qu’ils règlent leur compte, ça semble moins sanglant.” C’est dire !

 

Cetam versus la Vigie

 

En guise de kalachnikov ce week-end, ce sont plutôt les machettes qui ont armé les poings des bandes revanchardes. Et si tout s’est accéléré le vendredi avec la découverte du corps de l’homme de 36 ans, l’histoire ne date pas d’hier. En réalité, cela fait déjà plusieurs semaines que des individus du quartier Cetam et de la Vigie mènent la vie dure aux habitants de Petite-Terre. Cette fois-ci, ce sont les gars de Cetam qui ont voulu venger l’un des leurs. Mais ils s’en sont pris à la mauvaise cible… “Il y a des communautés ici, et de ce qu’on dit, les Iconiens, ils ont plutôt la machette facile”, glisse Anli pour faire référence à ce groupe, originaire d’Anjouan, auquel appartiendrait la victime. Une version d’ailleurs confirmée quelques mètres plus loin par Saïd et les deux trois hommes qui traînent encore devant le cimetière. “La chasse à l’homme, elle a commencé mardi”, retrace Saïd.

Selon lui d’ailleurs, les “Iconiens” ont bien retrouvé l’un des responsables : non pas Steven, “qui n’a jamais cherché les embrouilles”, ressasse-t-il en boucle, mais celui qu’elles ont sommairement exécuté samedi, et qui devait lui aussi être enterré ce mardi à M’Tsapéré. “Lui, il faisait partie de Madacouan, c’est leur nom. Ils sont allés cambrioler à Pamandzi, et sur leur retour, ils ont détruit les maisons de la Vigie. Et c’est à cause de leurs guerres que mon pote est mort”, enrage-t-il, les yeux scotchés sur son smartphone pour vérifier les dernières nouvelles. Car la guerre n’est pas finie. Un avis de recherche circule sur Facebook, avec la photo d’un certain Abdallah D. D. “C’est le chef de Madacouan. Les Iconiens, eux, ils disent que tant qu’ils n’auront pas trouvé 16 têtes, ils ne s’arrêteront pas”, grimace-t-il en se balançant d’avant en arrière. Son vélo grince un peu. Comme un mauvais présage.

* les prénoms ont été modifiés

Violences en Petite-Terre, Maître Elad Chakrina : “L’omerta ne fait pas avancer l’enquête”

-
chakrina-mayotte

L’avocat de Dzaoudzi-Labattoir a annoncé porter plainte contre X pour trouble à l’ordre public. Avec cette nouvelle procédure, il espère encourager les habitants à venir dénoncer les auteurs des violences. Entretien.

Flash Infos : Pourquoi la commune de Dzaoudzi-Labattoir a-t-elle décidé de porter plainte ?

Elad Chakrina : Dans cette affaire, il s’agit d’apporter une réponse très forte face aux drames survenus ce week-end. Nous parlons là de trois assassinats, et je pèse mes mots : il y a une différence avec un meurtre, condamné par trois ans de réclusion maximum. L’assassinat est au-dessus, ici nous parlons d’homicide en bande organisée avec armes, sans oublier bien sûr l’élément intentionnel. Ça, c’est la perpétuité, la prison à vie. Du jamais vu dans l’histoire de Mayotte ! Mais c’est un tel bouleversement, un tel drame ces trois personnes assassinées… Nous ne pouvons accepter cette loi du Talion. Nous assistons là à un cycle de vengeance, avec un premier assassinat d’un homme de 36 ans, puis la riposte par les personnes qui se disent proches de la première victime. Résultat : nous avons un déferlement en bande organisée, cagoule sur la tête, machette au poing, cinquante personnes qui s’avancent dans la rue avec un air menaçant et qui veulent en découdre. D’où la plainte pour atteinte à la paix publique déposée par Dzaoudzi-Labattoir, basée sur deux éléments : la participation à des attroupements délictueux et le trouble à l’ordre public. Et avec les deux circonstances aggravantes, les visages dissimulés et l’intention de donner la mort, les auteurs risquent cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende. Cette démarche de la commune est indépendante de celle des victimes. L’idée, c’est que ces attroupements ne peuvent rester impunis et qu’il faut une réponse pénale forte. Car ces déferlements, cela veut dire que le territoire n’est pas assez protégé. J’en parle en connaissance de cause : j’étais hier à la réunion publique de la mairie, j’ai entendu les témoignages. Une mère qui explique qu’une bande s’est attroupée devant sa maison car elle voulait exterminer son fils en pensant que c’était un responsable du premier mort… Cela ne laisse personne indifférent.

FI : Mayotte a mal vécu l’absence de réactions au niveau national dans les médias comme dans la sphère politique. Surtout au vu de l’émoi qu’a suscité la vidéo du jeune Yuriy, tabassé par une bande à Beaugrenelle, et qui a justement circulé à foison ce week-end sur les réseaux sociaux… Finalement, c’est par un tweet que Sébastien Lecornu, le ministre des Outre-mer, a annoncé l’envoi de deux pelotons de gendarmes mobiles et une task force de dix enquêteurs. Y a-t-il deux poids, deux mesures dans la réponse judiciaire ?

E. C. : Moi, je note une réactivité des autorités, en tout cas cette semaine. Certes, il y a pu y avoir une incompréhension face au manque de réactions au niveau national, nous n’avons pas entendu de mots de la part des autorités concernées. Mais par la suite, nous avons eu des actes, avec plus de gendarmes et plus d’enquêteurs. Ces renforts sont nécessaires pour le maintien de l’ordre. Après, vous parlez là de deux affaires dans deux espaces géographiques différents. L’une à Paris dans le 15ème arrondissement, où vous avez des caméras qui peuvent surveiller et permettre d’identifier les auteurs de cette violence physique, où vous avez aussi plus de moyens car il s’agit d’une zone police, une zone urbaine avec davantage de forces de l’ordre. Ajoutez à cela l’émoi très fort que vous mentionnez et qui a interpellé la sphère politique nationale, vous avez une pression qui permet de faire avancer l’enquête. À Mayotte non seulement, nous n’avons pas le même équipement, il n’y a pas de caméra pour identifier les auteurs de ces attroupements et de ces crimes. En plus, et c’est un point crucial : ici, nous vivons sous la loi du silence et la peur des représailles. Cette omerta est très préjudiciable pour la famille des victimes déjà, et pour l’ensemble de population de Mayotte. Car certains crimes restent alors impunis et cela envoie qui plus est un signal négatif pour les délinquants.

FI : Vous parlez de la peur des représailles. Justement, trop souvent, les Mahorais ont l’impression que lorsqu’ils dénoncent leurs agresseurs, ils les retrouvent dans la rue quelques jours plus tard… Les gardes à vue sont-elles trop courtes, les placements en détention trop rares ? Est-ce justement la faute de cette omerta, qui empêche les enquêteurs de réunir les preuves ?

E. C. : Une garde à vue dure 24h et peut être prolongée de 24h supplémentaires quand il y a des éléments nouveaux et qu’il faut approfondir l’audition. Les seuls cas où cela peut excéder ces délais concernent des affaires de terrorisme et je ne crois pas que cela ait déjà été le cas à Mayotte. Après la garde à vue, le prévenu est déféré devant le procureur qui transmet le dossier au juge d’instruction, qui va notifier l’individu de la mise en examen. Puis le juge des libertés et de la détention va prononcer ou non la détention provisoire en attendant le procès, en analysant les risques de pression sur les victimes, de fuite, ou de troubles à l’ordre public. Pour fonctionner, cette machine judiciaire a en effet besoin de preuves. Chaque élément est capital, que ce soit un témoignage, une vidéo qui peut démontrer que l’infraction a bien été commise. Tout cela facilite le travail des magistrats et la réparation devant la justice. Alors oui, on peut avoir l’impression que c’est peine perdue, ou que l’appareil judiciaire va trop lentement, que les résultats ne sont pas au rendez-vous… Quand l’administration est en sous-effectif, il devient difficile d’aller plus vite que la musique ! Je pense qu’à Mayotte notamment, il est important de miser sur les moyens humains. Cela veut dire plus de magistrats et plus de forces de l’ordre. Mais il faut aussi davantage de formation, pour former des policiers, des gendarmes et aussi des magistrats mahorais. Enfin, certains estiment aussi qu’il peut y avoir du laxisme dans la condamnation pénale. J’ai envie de vous dire : la justice a ses raisons que l’émotion ne connaît pas. Mais il faut garder en tête que la loi pénale est une loi souveraine qui s’applique sur l’ensemble du territoire national. Il ne peut pas y avoir de dérogation, mais ce que peuvent demander les Mahorais, c’est l’application stricte de la loi quand la peine est prévue pour une infraction. De quoi donner un signal fort, en somme. Dans l’affaire qui nous concerne aujourd’hui, le code pénal prévoit que les fauteurs de trouble encourent la perpétuité…

Pour répondre à la suite de votre question, en effet, ce qui fait défaut, ce qui ne fait pas avancer l’enquête, c’est cette omerta. Elle s’explique par la frilosité sur la question judiciaire, la peur de la vendetta, et aussi parfois car il peut y avoir l’implication d’un des leurs dans des actes délictuels. C’est pourquoi je crois dans le travail de médiation, que je porte aussi à travers le Conseil de quartier pour la sécurité de Mayotte (Cosem), pour non seulement prévenir les violences mais aussi identifier les poches de délinquance et faire remonter des informations à la gendarmerie pour interpeller les fauteurs de troubles. La médiation peut encourager ceux qui le souhaitent à dénoncer, mais pas forcément directement à la gendarmerie, plutôt à des personnes de proximité. D’où mon appel aujourd’hui à venir témoigner à la mairie. Ce travail de renseignement est capital pour dénoncer les délinquants. Et il a le mérite de soulager les familles qui vivaient dans la peur.

Sages-femmes en grève : code rouge pour sauver en urgence la profession à Mayotte

-
sages-femmes-greve-sauver-profession-mayotte

Les sages-femmes hospitalières, territoriales et libérales de Mayotte ont répondu à l’appel de l’organisation nationale syndicale des sages-femmes ce mardi 26 janvier. Présentes devant le centre hospitalier aux aurores, elles ont d’abord sensibilisé les patientes et les autres professionnels de santé avant de prendre la direction de l’ARS où elles ont été reçues en fin de matinée.

« Où t’es, sage-femme où t’es ? » Si l’air remixé de Stromae donne lieu à quelques pas de danse aux abords du centre hospitalier de Mayotte, les paroles de la chanson démontrent bien le malaise profond au sein de la profession. En effet, l’ambiance chaleureuse de la grève de ce mardi 26 janvier, à l’instar de cette haie d’honneur pour un scootériste, ne cache en aucun cas l’exaspération criante. Il faut dire que l’organisation nationale syndicale des sages-femmes n’y va pas avec le dos de la cuillère : invisibilité, statut hybride, défaut de personnel, indécence des salaires…

Retour devant l’entrée du CHM avec près d’une centaine de sages-femmes, vêtues de leur blouse blanche. « Code rouge » peut-on entendre sur le bout des lèvres mais aussi lire sur les pancartes au moment où un taxi klaxonne en signe de soutien. Une expression médicale qui se dit lors d’une césarienne en extrême urgence pour sauver la mère et/ou l’enfant et qui reflète leur environnement.

Dans le 101ème département, où se trouve la plus grande maternité de France et ses quelque 10.000 naissances par an, bénéficier de telles compétences (gynécologie, obstétrique, pédiatrie, échographie, orthogénie, contraception, suivi médical, examens de la mère et de l’enfant, deuil périnatal, etc.) se justifie au quotidien. Mais encore faut-il avoir les moyens de faire son boulot dans de bonnes conditions… D’où la rencontre très tôt avec la directrice de l’hôpital, Catherine Barbezieux, et le directeur des affaires médicales, Guy Allouard, pour évoquer l’application des revendications nationales à l’échelle locale.

Sur la table des discussions revient avec insistance la ligne de recrutement. « Au sein même du CHM, nous manquons de 40 sages-femmes », dénonce Anaïs Mydlarz, l’une des manifestantes du jour. Un sous-effectif non négligeable qui a des répercussions sur la prise en charge de manière générale mais aussi et surtout sur les transferts vers la ville chef-lieu depuis les centres de soins et d’accouchement. D’autant plus que certaines de ces infrastructures ne jouissent pas d’ambulances la nuit pour effectuer ces trajets. Réponse de la direction avec la mise en place d’un groupe de travail pour évoquer ces différentes problématiques. « Cela reste très vague, nous sommes toujours dans le flou », confie la professionnelle de santé, qui ne semble pas totalement convaincue.

 

Oubliées dans les chiffres Covid

 

Quelques minutes plus tard, direction l’agence régionale de santé pour échanger avec Patrick Boutie, le responsable par intérim de l’offre de soins et de l’autonomie. « Nous avons parlé de nos différents corps de métier – hospitalier, libéral et territorial – qui sont mobilisés aujourd’hui », précise Mathilde Lozano, la représentante régionale de l’ONSSF. Toutes regrettent de ne pas être reconnues à leur juste valeur. Elles rappellent l’oubli du ministère au moment des dotations des équipements de protections individuelles, en début de crise lors de la première vague. À titre d’exemple, les sages-femmes libérales de l’île aux parfums consultaient au cabinet ou au domicile des patientes enceintes malades avec les moyens du bord. Il aura fallu attendre l’envoi d’une lettre ouverte du conseil national de l’ordre des sages-femmes au ministre de la Santé, Olivier Véran, pour que la situation s’inverse. « Nous sommes autant touchées par la crise que les services de réanimation et de médecine. Sauf que les nombres d’hospitalisations en gynécologie et en maternité ne sont pas recensés dans les chiffres publiés [par l’autorité sanitaire]. »

Un malaise de plus au compteur. Preuve en est, si elles sont considérées comme des personnels médicaux aux yeux de la loi, la gestion quotidienne et les conclusions du Ségur de la santé les déconsidèrent en faisant l’amalgame avec les paramédicaux. Toujours dans la même thématique : elles demandent la création du statut de maître de stage pour être dédommagées lors de leur temps de formation auprès des étudiants sage-femme et médecin.

 

Silence radio pour les sages-femmes de la PMI

 

Autre point de divergence et non des moindres avec le service d’urgences gynéco-obstétricales, qui n’est à l’heure actuelle toujours pas reconnu comme « des urgences à proprement parler ». Conséquence ? Les patientes ne sont, en théorie, autorisées à être prises en charge que lors d’un accouchement. Difficile à imaginer sur un territoire comme Mayotte. « Beaucoup d’entre nous ont perdu l’envie de travailler », soupire Mathilde Lozano. Pis encore, nombre d’entre elles se réorientent, harassées par la considération reçue et le traitement réservé… Malgré tout, un espoir existe selon elle. « On nous a entendues, c’est plutôt une bonne nouvelle. L’ARS compte se pencher sur la question comme cela a pu être le cas avec les kinés par le passé. »

Présidente du conseil départemental de l’ordre des sages-femmes de Mayotte, Cloé Mandard juge important que « l’ensemble des sages-femmes de l’île se sente soutenu par leur instance ordinale dans leurs revendications de conditions d’exercice et dans leur demande de reconnaissance de la profession, si méritée ». Malheureusement, toutes n’ont pas été logées à la même enseigne ce mardi, puisque les sages-femmes de la protection maternelle et infantile (PMI) déplorent de ne pas avoir reçu de retour de la part de Issa Issa Abdou, vice-président du Département en charge de l’action sociale, de la solidarité et de la santé. Code rouge !

Passer en REP+ sur tout le territoire, le vœu cher des syndicats de l’Éducation nationale à Mayotte

-
passer-rep-territoire-syndicats-education-nationale-mayotte

Revalorisation des salaires, contractualisation, éducation prioritaire pour tous. Ce mardi 26 janvier, une centaine d’enseignants ont répondu à l’appel de différentes organisations syndicales et se sont réunis devant le rectorat pour prendre part à la grève nationale. L’occasion pour l’intersyndicale de rappeler les revendications défendues à Mayotte avant d’échanger avec le recteur, Gilles Halbout.

Journée de rentrée pour les syndicats mahorais de l’Éducation nationale qui, ce mardi 26 janvier, ont organisé un rassemblement devant le rectorat. Pas de manifestation et de marche comme à l’accoutumée mais une rencontre à 10h avec Gilles Halbout, le responsable de l’académie de Mayotte. L’objectif : échanger sur un plan d’urgence en faveur de l’éducation. Avec en premier lieu la question des moyens déployés dans le 101ème département. « Il faut combattre les suppressions de poste dans le premier degré et dans le second« , assène Rivo Rakontondravelo, le secrétaire départemental du SNUipp, avec le style qui le caractérise. Une introduction qui ne concerne pas forcément l’île aux parfums puisque le territoire doit bénéficier de 255 postes supplémentaires à la rentrée 2021-2022.

Par contre, d’autres sujets propres à Mayotte sont bel et bien sur le feu. À l’instar de ceux sur les enfants en situation de handicap et leurs accompagnants, sur la reconnaissance de l’ancienneté des anciens instituteurs intégrés en 2005 dans la fonction publique, sur la hausse de l’indexation des salaires au niveau de La Réunion, ou sur la retraite. « Nous avons besoin d’évaluation de carrière plus rapide et d’emplois plus statutaires« , renchérit Bruno Dezile pour la CGT Éduc’action, visiblement remonté comme un coucou suisse contre le gouvernement, « qui nous attaque de tout bord« .

« Tous les personnels doivent être rémunérés correctement et travailler dans des conditions dignes« , poursuit-il, avant de s’interroger sur le programme de constructions scolaires. Interrogé à ce sujet par Flash Infos au début du mois, le recteur rappelait que le point de vigilance de la rentrée était le chantier immobilier. « Tous les lycées et collèges doivent sortir de terre au plus tard pour la rentrée 2025 » tandis que « sur les 800 nouvelles classes nécessaires, 500 sont dans les tuyaux pour la période 2023-2024« , annonçait-il dans nos colonnes.

 

« Nous cochons toutes les cases pour passer en REP+ »

 

Mais le nerf de la guerre aux yeux des organisations syndicales est le passage en REP+ de l’ensemble de l’académie. « Compte tenu de la situation et des catégories sociales défavorisées, nous cochons toutes les cases« , rabâche Henri Nouri, le secrétaire général du SNES à Mayotte. « Si nous réalisons juste de l’expérimentation, nous faisons surtout de la déréglementation… » Or à ses yeux, cette labellisation permettrait de considérablement diminuer les effectifs des élèves dans les classes et ainsi d’améliorer les conditions d’enseignement. « Tant que nous ne l’aurons pas obtenue, nous serons en difficulté. »

Dernier point évoqué : la situation des contractuels. « Il faut [leur] donner des perspectives avec un plan de titularisation« , rappelle Henri Nouri, qui en a fait son cheval de bataille. Assis à l’ombre, Ali, secrétaire au collège de Dembéni, dénonce lui aussi la précarité permanente dans laquelle vivent les enseignants à Mayotte. « Il y a trop de turnovers« , déplore-t-il. Un sentiment partagé par Bruno Dezile, qui monte dans les tours dès qu’il s’agit d’évoquer cette manière de procéder. « Nous avons besoin de professionnels et non pas de gens que nous jetons. » Avant de terminer son allocution par un « Blanquer, si t’aimes pas l’Éducation nationale, rentre chez toi !« . Les puristes apprécieront.

Alfa Moussa vous propose Mayotte d’en haut grâce à ses drones

-
alfa-moussa-drone-mayotte

Alfa Moussa vient de créer sa société de photographie et vidéographie par drone. Passionné par les images aériennes, ce jeune originaire de Chiconi entend en faire son métier. Pour cela, il doit tout mettre en oeuvre pour séduire le marché mahorais qui n’est pas habitué à une telle pratique.

alfa-moussa-drone-mayotteJ’ai beau réfléchir, je ne me souviens même pas de quelle manière j’en suis arrivé aux drones.” Ces mots sont ceux d’un passionné. Étudiant, Alfa Moussa se lance dans les images capturées par les drones en 2014. “J’ai commencé en métropole où j’achetais des drones à 600-700 euros. Il s’agit d’un budget conséquent mais c’est ce que je voulais faire. Je séchais même les cours pour passer plus de temps avec les drones”, sourit-il. Malgré son DUT en comptabilité en poche, la passion du drone ne le lâche pas. Dans l’hexagone, villes, offices de tourismes ou encore entreprises le sollicitent pour faire des images. Des compétences reconnues même au-delà des frontières françaises puisqu’il travaille également en Espagne.

Mais son succès au niveau national ne lui fait pas oublier son île natale. “Lorsque je venais en vacances à Mayotte, j’organisais des fly test de drones. C’est-à dire-que j’invitais les jeunes à venir découvrir ce que c’est.” Il y a tout juste un mois, Alfa décide de rentrer définitivement à Mayotte afin de se rapprocher de ses parents. Il saute alors sur l’occasion pour développer son activité. Il passe toutes les formations obligatoires et demande les certifications nécessaires afin de pouvoir professionnaliser officiellement sa passion.

 

Conquérir le marché public : mission impossible ?

 

Alfa établit alors une liste des instituions, associations, organismes avec qui il pourrait travailler. Mais sur place, le jeune de Chiconi réalise que le marché mahorais, pauvre dans le domaine, n’est pas aussi réceptif qu’il ne le pensait. Il se rend compte assez rapidement que “le drone n’est pas très connu à Mayotte”. Il répond alors à des contrats de professionnels pour des mariages ou de la modélisation, mais cela ne lui suffit pas.

Le jeune homme de 24 ans vise le marché public qui est assez réticent à l’idée de faire appel à un professionnel pour des images aériennes. “Pourtant, en métropole cela se fait couramment et assez facilement. Ici, les entreprises, les offices de tourisme et les villes ne sont pas très coopératives, mais je ne lâche rien car je sais que je peux leur être utile et que ça va payer”, déclare-t-il. Alfa souhaite notamment collaborer avec les entreprises spécialisées dans le BTP. Les images faites avec les drones peuvent leur permettre de suivre les chantiers et d’avoir une vision globale. Une pratique courante dans l’hexagone, mais quasi inexistante à Mayotte…

 

Surveillance aérienne en perspective ?

 

Il veut également séduire la préfecture à travers son projet d’inspection aérienne. “L’idée est de faire de la surveillance par drone, des zones sensibles où il y a régulièrement des affrontements. Les drones permettent de faciliter l’identification des individus puisque l’on peut zoomer jusqu’à 30 fois avec certains modèles”, explique-t-il. En attendant de voir ses projets se concrétiser, il travaille déjà avec lOulanga na Nyamba qui lutte contre le braconnage. Le projet n’est encore qu’à ses balbutiements mais l’association souhaite renforcer la surveillance des tortues en faisant appel aux images aériennes qui donnent une vue d’ensemble.

Les offices de tourisme pourraient également être de bons clients pour le jeune homme, mais elles peinent à mettre la main à la poche. “Elles ont encore du mal à proposer des contrats aux professionnels, car elles cherchent surtout des images gratuites. Mais nous cherchons de quoi vivre.” Malgré tout cela, Alfa reste tout aussi motivé qu’à ses débuts. Il sait qu’il peut tirer son épingle du jeu grâce au développement de l’île.

 


 

Comment contacter Alfa Moussa ?

Vous pouvez joindre Alfa Moussa pour tous types de prestations sur ses réseaux sociaux et par e-mail.
Facebook : Java Production
Instagram : @javaproduction_chiconi
E-mail : Javaproduction-Chiconi@outlook.fr

Vaccination : Le Dr Martial Henry reçoit la première dose du vaccin Pfizer/BioNTech à Mayotte

-
vaccination-martial-henry-vaccin-pfizerbiontech-mayotte-4

L’agence régionale de santé, appuyée par la Croix-Rouge française, a enfin ouvert les portes du premier centre de vaccination contre le Covid-19 à la MJC de M’Gombani ce lundi. Dès cette semaine, plusieurs centaines de personnes, d’abord les professionnels de santé de plus de 50 ans et présentant des comorbidités, puis les personnes âgées de plus de 75 ans ou fragiles, doivent recevoir une première injection. Une deuxième livraison de 975 doses est prévue la semaine prochaine.

vaccination-martial-henry-vaccin-pfizerbiontech-mayotte-2Martial, c’est bien le prénom ?”, demande timidement la bénévole de la Croix-Rouge, alors que les flashs crépitent tout autour d’elle dans la petite salle d’accueil provisoire installée à la MJC de M’Gombani. “Oui, c’est le prénom, Henry étant le nom”, répond le Dr Martial Henry, en articulant autant que possible sous son masque et en tendant l’oreille pour être sûr de bien entendre les numéros de sa carte Vitale, que lui dicte la deuxième secrétaire. La scène est hautement symbolique : dans quelques minutes, le premier médecin originaire de Mayotte et figure politique emblématique de l’île aux parfums va recevoir la première dose de vaccin contre le Covid-19 du 101ème département. Hors de question pour les caméras de louper le coche ! Le moment venu, tout le monde retient son souffle. L’infirmier insère doucement l’aiguille dans le bras découvert du docteur. “Vous allez être le seul patient à recevoir plusieurs piqûres, pour la photo !”, ironise Dominique Voynet, la directrice de l’ARS, qui assiste, amusée, à la scène.

 

Légers retards à l’allumage

 

vaccination-martial-henry-vaccin-pfizerbiontech-mayotte-1Mais derrière les traits d’esprit, le soulagement est de mise. Enfin, Mayotte a reçu sa dotation et va pouvoir entamer la campagne de vaccination, un mois après la métropole. Jusqu’à la dernière minute, l’agence régionale de santé aura dû faire des pieds et des mains pour garantir le bon déroulement de l’opération. D’abord attendue le 12 janvier, et repoussée au 22 janvier, la livraison du super congélateur et des premières 975 doses du vaccin Pfizer/BioNTech a connu plus d’un couac. Tout devait pourtant être ficelé ce samedi, pour un lancement de la campagne dimanche matin. Manque de pot, l’avion militaire censé acheminer le tout a dû faire demi-tour et retourner se poser à Evreux à la suite d’un problème technique. Attendue lundi 6h à l’aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi, la carlingue aura finalement posé ses roues sur le tarmac à 8h, repoussant encore un peu plus ce lancement tant attendu. “Par rapport à la date initiale, nous n’avons que 24h de retard, ce n’est pas si mal”, nuance Dominique Voynet.

 

Course contre la montre

 

vaccination-martial-henry-vaccin-pfizerbiontech-mayotte-3À sa décharge, la logistique qui encadre cette vaccination n’est pas des moindres. Entre les capacités de production industrielle limitée des deux vaccins, Pfizer et Moderna (ceux qui ont pour l’instant obtenu l’aval des agences de médicament), la forte demande au niveau mondial, et les conditions de conservation difficiles du premier produit, à -80 degrés dans un super congélateur spécifique, l’entreprise vaccinale constitue un vrai casse-tête. Sans parler du compte à rebours ! Les flacons, une fois sortis de cette armoire à glace, doivent être utilisés dans les cinq jours. Pire, dès le produit dilué et préparé pour l’injection, le tic-tac descend à quelques heures à peine. De quoi donner des sueurs froides aux autorités sanitaires en charge du bon déroulement de l’affaire. “À nous de prouver que nous pouvons consommer les premières 975 doses”, acquiesce la directrice de l’ARS. Une prochaine livraison de 975 doses est prévue le 28 ou le 29 janvier, puis sur un rythme hebdomadaire, avec le double du stock en fonction des résultats des prochains jours.

 

“Montrer l’exemple”

 

D’où l’importance de cette première semaine… Et du passage du Dr Martial Henry sous l’aiguille. “Pour ma santé, la vaccination est une prévention et c’est aussi un moyen de montrer l’exemple à tous les professionnels de Mayotte, si nous voulons voir cette épidémie disparaître”, explique-t-il aux caméras, assis après son injection pour un temps d’observation de quinze minutes. En tout, ce sont un peu plus d’une centaine de professionnels de santé libéraux et de pompiers, âgés de plus de 50 ans et/ou présentant des comorbidités, qui étaient attendus ce lundi. Puis, avec l’appui des communes, les plus de 75 ans et les personnes fragiles seront invitées à se faire vacciner à leur tour à partir de ce mardi. Les mairies et leurs CCAS doivent s’occuper d’établir les listes en amont et de transporter tout ce vieux monde en bus jusqu’au centre de vaccination de M’Gombani. Et c’est la commune de Pamandzi qui doit donner le la. Un deuxième centre de vaccination est ouvert en parallèle au CHM, pour le personnel de l’hôpital.

 

Faible affluence ce lundi

 

vaccination-martial-henry-vaccin-pfizerbiontech-mayotte-5Ce lundi matin, pourtant, la foule ne se presse pas vraiment au portillon. Après l’ex vice-président du conseil général, quelques pompiers, un pharmacien et sa femme de soixante ans défilent à tour de rôle le long du parcours de soin. “Ils ont prévenu les gens un peu tard, moi-même j’ai reçu l’info par l’Ordre des médecins”, témoigne le Dr Alain Prual, médecin et directeur de la Protection maternelle et infantile (PMI) au conseil départemental. Une faible affluence qui s’explique aussi par le changement de calendrier, les cabinets de médecins ou infirmiers libéraux étant ouverts ce lundi, contrairement à dimanche. Ceux qui ont pu faire le déplacement ont en tout cas bien compris le message. “Pas question de me faire chourer ma place, il reste 972 doses ! Je suis déjà vieux !”, plaisante le Dr Alain Prual. Prêt à dégaîner sa carte Vitale.

Gestion de crise : Pour le centre hospitalier de Mayotte, les 15 prochains jours seront décisifs

-
gestion-crise-centre-hospitalier-mayotte-15-jours-decisifs

Avec plus de 700 cas recensés au cours de la dernière semaine, Mayotte connaît véritablement sa deuxième vague, notamment avec l’apparition du variant sud-africain. Si le plan rebond permet aujourd’hui d’éviter une saturation rapide des services, les 15 prochains jours seront décisifs. Surtout que l’épidémie de bronchiolite pourrait se greffer à celle du Covid-19. Le scénario catastrophe pour Christophe Caralp et Ludovic Iché, le chef de pôle URSEC et le chef de service des urgences. Entretien.

Flash Infos : Alors que la campagne de vaccination a officiellement commencé ce lundi, Mayotte recense 711 nouveaux cas du 16 au 22 janvier, soit près de 10% du nombre total depuis le début de l’épidémie en mars dernier. Du côté des urgences, comment analysez-vous la situation ?

Christophe Caralp : Depuis dix jours, nous notons effectivement une nette accélération du nombre de cas positifs avec également une entrée quotidienne en réanimation. La situation actuelle est que le service de réanimation est plein, dont la moitié des lits sont occupés par des patients atteints du Covid qui présentent des détresses respiratoires assez sévères. Il s’agit principalement d’hommes âgés de 50-60 ans avec des facteurs de risque, comme l’hypertension et le diabète. Jeudi soir, nous avons ouvert la première aile de débordement pour la réanimation en SSPI (salle de surveillance post-interventionnelle), qui nous permet d’accueillir sept autres patients. Aujourd’hui, nous en comptons trois, dont deux sont potentiellement sortants. Et en parallèle, nous avons mis en place une filière respiratoire aux urgences pour isoler les cas positifs, avec du personnel dédié, et renforcé le Samu, notamment le centre de régulation, car le nombre de dossiers liés au Covid représente 10% de nos appels.

Cette accélération logarithmique est probablement comparable aux moments les plus difficiles de la première poussée vécue l’année dernière. Nous étions avertis car des données de Santé Publique France alertaient déjà fin décembre sur cette possibilité. Après un mois de congés, entre les retours de métropole et les brassages sur l’île, nous nous y attendions. Même si nous avons été surpris par la sévérité. Heureusement, nous étions prêts sur le plan logistique.

FI : À la différence de l’an dernier où l’on ne cessait de répéter le retard de sept semaines avec la métropole, les autorités ont déjà prévenu qu’il serait compliqué de recevoir autant de moyens. Comment appréhendez-vous cela ?

Christophe Caralp : Mayotte reste une zone surveillée au même titre que la Guyane, en raison de l’apparition du variant sud-africain. Mais si ce dernier s’installe durablement et se diffuse, nous risquons d’être confrontés à une deuxième poussée car il a l’air plus contagieux chez les jeunes et réinfecte plus facilement ceux qui ont déjà eu la souche initiale.

Notre effectif actuel est présent chez nous a minima jusqu’à mi-avril. Cela nous laisse un peu de temps pour continuer à nous organiser. Malgré tout, le gouvernement a bien conscience de nos limites. L’ARS et la direction nous ont demandé de faire remonter nos besoins pour éventuellement accueillir un renforcement paramédical d’ici trois ou quatre semaines grâce à la réserve de Santé Publique France, voire même des militaires car nous avons la possibilité d’armer des lits de réanimation supplémentaires.

Ludovic Iché : Nous sommes aussi à la recherche de ressources humaines internes pour augmenter nos capacités à répondre au téléphone, c’est-à-dire plus d’assistants de régulation médicale. Après la première vague, nous avions rédigé des plans de réorganisation de reprise d’activité du Covid pour les services des urgences et du Samu. Sur le papier, nous avions donc déjà une idée de comment nous allions procéder en cas de rebond. Mais cela va encore monter en puissance, même si toute la France risque d’être dans le besoin. Au niveau politique, Paris enverra les moyens dans les départements qui en ont le plus besoin. De part sa configuration, Mayotte est à mon sens en haut de la pile et devrait rapidement voir débarquer des renforts vu la saturation actuelle. Même si nous avons la possibilité d’envoyer tous nos patients non-Covid en réanimation à La Réunion pour bénéficier de plus de lits.

FI : À quel moment considérerez-vous que la situation deviendra réellement critique ?

Ludovic Iché : En tant que chef de service, je pars du principe que nous allons être confrontés à une vague sévère, ce qui nous permet d’anticiper le pire. Je ne vais pas minimiser. Être pessimiste nous permet d’avoir un coup d’avance. Ce basculement sera imminent en fonction du nombre d’hospitalisations et de consultations. Ce seront les signaux d’alerte sur lesquels nous nous baserons. Si nous continuons en ce sens, nous serons très rapidement saturés. C’est la raison pour laquelle nous essayons d’augmenter nos capacités depuis plus d’une semaine. C’est un travail d’équipe avec l’ensemble des services de l’hôpital dans le but de libérer des lits et de la place pour accueillir les nouveaux patients. Si nous n’y arrivons pas, la prise en charge serait alors fortement dégradée.

FI : L’une des solutions n’est-elle pas de remettre en place le plan blanc pour faire en sorte que certains services « non indispensables » ne soient plus actifs ?

Christophe Caralp : Nous avons une capacité de nos services qui est déjà amputée. Mais il nous reste encore des réserves. L’idée, comme vous l’avez compris, est de continuer à les accroitre pour ne jamais être acculés et devoir arriver à ce genre de choix, comme l’activation du plan blanc. Nous poursuivons les évacuations sanitaires dans la mesure du possible.

Même si le Covid est une épidémie relativement sévère, notre but est de retarder l’échéance au maximum. Au vu de l’accélération sur la dernière semaine, il est très difficile de se projeter. Mais selon moi, nous partons pour 15 jours décisifs. Nous espérons que l’instauration du couvre-feu permettra d’infléchir la courbe.

FI : Comment anticipez-vous l’arrivée des épidémies de dengue et de bronchiolite qui peuvent mettre à mal la filière respiratoire de l’hôpital ?

Christophe Caralp : Traditionnellement, à cette période, nous sommes confrontés à l’épidémie de bronchiolite. Donc nous avions renforcé les effectifs en pédiatrie et aux urgences. Mais comme l’infection est probablement stoppée par l’application des mesures barrières, comme le lavage des mains et le port du masque, nous avons pu rediriger ce personnel vers les filières respiratoires dédiées au Covid.

Ludovic Iché : Je ne suis pas très inquiet par rapport à la dengue, même s’il va falloir la surveiller de très près. Par contre, je suis moins optimiste pour la bronchiolite. Car si celle-ci passe relativement inaperçu aux yeux des médias, tous les médecins généralistes et les dispensaires sont en temps normal saturés d’enfants de moins d’un an qui font des détresses respiratoires. Si cette épidémie fusionne avec celle du Covid-19, la gestion des deux sera d’une complexité sans précédent. Ce serait le scénario catastrophe des prochains jours.

Foncier : Face aux collectivités et à l’État, ce propriétaire bataille pour garder son brochetti à Mayotte

-
foncier-collectivites-etat-proprietaire-garder-brochetti-mayotte

Ben Ayed Mohamed se trouve dans une impasse. Alors qu’il avait entamé des travaux pour installer son restaurant de brochettes, il a dû tout arrêter à cause d’une confusion liée au foncier entre le Département, la ville de Mamoudzou et l’État. Il s’explique.

C’est une histoire comme tant d’autres à Mayotte. Le foncier est souvent source de conflit et de frustration. Ajoutez à cela l’implication du Département, des communes et de l’État, et vous voilà sûr d’obtenir un cocktail explosif ! Ben Ayed Mohamed, restaurateur, propriétaire de la crêperie Saveur Crêpe, peut en témoigner. En 2018, il reprend le restaurant de brochettes que sa mère tenait à Kaweni depuis 2015, sur une parcelle appartenant à la ville de Mamoudzou. “Ma mère avait fait une demande d’AOT (autorisation temporaire d’occupation) de sol qui avait été acceptée. Mais elle a oublié de la renouveler. En 2018, alors que j’étais en train de tout rénover, l’ancien maire a fait arrêter les travaux”, soupire Ben Ayed Mohamed. Ce dernier formule alors sa reconduction mais se la voit refuser. Il propose donc à la ville et au conseil départemental de lui fournir un nouveau terrain inoccupé pour continuer son activité. Ça sonne dans le vide…

Mais pas question de lâcher son bout de gras ! L’entrepreneur acharné se met en quête de parcelles qui conviendraient à son activité. “J’ai repéré un emplacement à côté de la station Total à l’entrée de Majicavo. C’était un tronçon de terrain abandonné. En juin 2020, j’ai fait la demande d’AOT auprès du Département et de la mairie. Les deux institutions ont donné leur accord en décembre 2020.” Bingo ! “À l’issue des autorisations, j’ai alors entamé les travaux”, déroule-t-il. Mais sa joie n’est que de courte durée. Trois semaines plus tard, voilà que la DEAL pointe le bout de ses naseaux… et stoppe le chantier. Visiblement, l’institution en charge de l’aménagement n’aurait pas été informée du projet alors que la parcelle en question appartient à l’État et non aux collectivités qui ont donné le feu-vert. Et la mairie de se rétracter fissa à la suite de cette intervention. “Elle a envoyé la police municipale pour que je contresigne l’autorisation qu’ils m’avaient faite”, s’étrangle l’entrepreneur. Pour Ben Ayed Mohamed, c’est le retour à la case départ : le pauvre homme doit réaliser une nouvelle demande d’autorisation temporaire d’occupation de sol. Encore de la paperasse !

 

“Au lieu de nous guider, on nous met des freins”

 

Le restaurateur à bout de nerf est d’autant plus préoccupé qu’il a à sa charge cinq salariés. “Pour l’instant, ils bénéficient du chômage partiel mais je ne sais pas jusqu’à quand cela va durer”, craint-il. Si Ben Ayed Mohamed ose parler de son cas aujourd’hui, c’est qu’il espère “faire bouger les lignes”. Il déplore l’accompagnement et le traitement réservés aux auto-entrepreneurs. “Les jeunes entrepreneurs sont l’avenir de Mayotte. Et au lieu de nous guider et de nous conseiller quand quelque chose ne va pas, on nous met des freins.” Malgré sa colère, Ben Ayed Mohamed assure ne vouloir causer du tort à personne, ni enfreindre aucune règle. Il fera une nouvelle fois ce qui est demandé dans l’espoir d’ouvrir son restaurant de brochettes rapidement. Courage !

Les Sportifs de la Décennie 2010-2019 à Mayotte : Une élection qui sort du lot

-
mayotte-sportifs-decennie-1

La crise sanitaire et l’arrêt des compétitions sportives en 2020 a contraint la Somapresse à trouver une alternative à son élection annuelle récompensant le sport et les sportifs mahorais. Et quelle alternative ! Puisque le 20 février prochain seront décernés les trophées Mayotte Hebdo du sportif de la décennie 2010-2019 ! Les nommés seront dévoilés ce jeudi en direct du JT de Mayotte La 1ère et sur le site internet www.mayottehebdo.com.

Chaque année depuis 2009, la Société Mahoraise de Presse (Somapresse) organise une cérémonie en l’honneur des sportifs mahorais ayant marqué l’année civile précédente. Mais 2020 a vu une pandémie s’abattre sur les cinq continents et ravager toutes les facettes de la vie : santé, économique, sociale, culturelle… et sportive. La maladie du coronavirus 2019 (Corona Virus Disease 19) ou Covid-19 a stoppé les compétitions professionnelles comme amateurs, des plus grands pays aux plus petits territoires du monde. La France, dont son 101ème département, Mayotte, n’y a pas échappé.

En mars et avril derniers, les saisons de basket-ball, de handball, de volley-ball, de rugby, et d’autres disciplines moins populaires ont été définitivement arrêtées, sans qu’elles puissent arriver à leur terme. Pour la saison 2019/2020, aucun club de sport collectif n’a été sacré champion de Mayotte.
Pour la saison 2019/2020, aucun trophée n’a été décerné, ou presque. Sur l’île au lagon, seule la saison de football a pu être relancée avec la coupe régionale de France et les coupes de Mayotte. Comment organiser l’élection du Sportif de l’année 2020 dans ces conditions ? Comment récompenser les sportifs mahorais sur une année civile dépourvue de – quasiment – toutes compétitions ? La question s’est longuement posée au sein de la Somapresse. « De toute évidence, nous ne pouvions maintenir l’élection dans son modèle habituel. Avec neuf mois sur douze sans sport et aussi peu de compétitions qui ont pu se terminer, cela n’aurait pas eu de sens« , soutient Nassem Zidini, chargé de l’événementiel au sein de l’entreprise.

 

« Continuer à promouvoir l’excellence sportive mahoraise » malgré la crise sanitaire

 

« Mais en même temps, nous étions tous unanimes sur le fait qu’il fallait trouver une alternative, sur le fait qu’il fallait, d’une manière ou d’une autre, continuer à promouvoir l’excellence sportive mahoraise« , poursuit-il. L’élection du Sportif de l’année ayant été créée en 2009 et la dernière édition ayant récompensé les meilleurs sportifs de l’année 2019, l’organisation a trouvé la solution idéale : récompenser les meilleurs sportifs de la décennie 2010-2019.

« La Somapresse possède des archives sport remontant aux années 1980 ! Et sur la dernière décennie, nous avons encore plus de détails sur les performances sportives des uns et des autres grâce au travail mené par nos journalistes dans le cadre de l’élection du Sportif de l’année. Nous disposions de tous les éléments pour proposer l’organisation d’un tel événement« , assure Nassem Zidini. « Cela a demandé un travail de recherches plus approfondi pour ne pas se tromper dans les nominations, mais à défaut de pouvoir organiser l’élection du Sportif de l’année 2020, organiser l’élection du Sportif de la décennie 2010-2019 coulait de source pour nous. » Ce jeudi 28 janvier, les noms des 40 nommés seront dévoilés en direct du JT de Mayotte La 1ère. Dans la foulée du JT, la Somapresse publiera leur portrait et lancera le vote en ligne pour les internautes sur son site internet www.mayottehebdo.com.

 

L’identité des nommés dévoilée jeudi soir sur Mayotte La 1ère

 

Ils seront cinq par catégorie, pour huit catégories concourantes : Le Sportif de la décennie, la Sportive de la décennie, l’Entraîneur de la décennie, le Dirigeant de la décennie, l’Équipe masculine de la décennie, l’Équipe féminine de la décennie, le Mahopolitain (sportif mahorais évoluant hors de l’île) de la décennie et enfin, la Mahopolitaine (sportive mahoraise évoluant hors de l’île) de la décennie.
Le prix spécial du jury étant indépendant des compétitions se déroulant sur l’année civile, il sera décerné encore cette année à une personnalité ayant marqué le sport mahorais. De grands noms ont honoré de leur présence lors des cérémonies précédentes et reçu ce prix, parmi lesquels Blaise Henry, Jean Claude Novou, Issouf Saïd, Saïd Houssène Abdourraquib ou encore le regretté Jack Passe.

La prochaine cérémonie, elle, se déroulera le samedi 20 février 2021 en direct des locaux de Mayotte La 1ère. Au vu de la crise sanitaire et des craintes d’une seconde vague de contaminations sur l’île, cette cérémonie ne ressemblera en rien à ce que la Somapresse avait pu proposer jusqu’à présent.
« Le public qui suit l’élection est habitué à ce que nous produisions une émission télévisée de 2h avec Mayotte La 1ère, dans une grande salle avec 300 ou 400 personnes présentes sur place pour assister à la cérémonie. Et avec diverses animations entre les remises de trophées, des artistes, des comédiens, des démonstrations de sports de combat… Cette année, pour respecter les consignes sanitaires fixées par l’ARS, il n’y aura pas de public. Tout se passera en comité extrêmement restreint, avec simplement les lauréats et les remettants sur place« , explique Nassem Zidini.

 

Une cérémonie inédite sans public

 

Dès l’annonce des nommés pour l’élection du Sportif de la décennie jeudi soir, les internautes auront deux semaines pour participer au vote et élire leurs sportifs préférés sur le site de la Somapresse. La clôture des votes du public est programmée au dimanche 14 février 2021, soit une semaine avant la cérémonie de remise des trophées aux lauréats, aux Hauts Vallons. Entre-temps, comme chaque année, un jury composé des partenaires institutionnels de l’événement (Département, État, CROS Mayotte), de la rédaction et de la direction de la Somapresse, de journalistes sportifs et de personnalités sportives mahoraises attribuera son suffrage. Celui-ci comptera pour deux tiers dans l’élection finale des sportifs de la décennie, contre un tiers du vote du public. À partir de jeudi soir, les Mahorais découvriront donc quels sportifs, quels entraineurs, quels dirigeants, quelles équipes ont marqué les dix dernières années du sport mahorais. À partir de jeudi soir, les Mahorais, en votant, pourront contribuer à faire de leurs favoris, les Sportifs de la décennie 2010-2019.

Intercommunalité : Les conseillers municipaux de Mamoudzou votent la dissolution de la Cadema

-
mayotte-dissolution-cadema

Le maire de la commune de Mamoudzou continue son combat pour faire dissoudre la Cadema. Le vendredi 22 janvier, à l’hôtel de ville, se tenait un conseil municipal d’une importance capitale. Ambdilwahedou Soumaïla a réussi à faire voter le rapport visant à demander la dissolution de l’intercommunalité liant Mamoudzou et Dembéni. Mais le chemin est encore long et sera semé d’embûches pour le maire.

Dissoudre la communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla en a fait son combat. Rien n’est encore gagné pour lui, mis à part l’avis favorable de son conseil municipal qui a voté pour la dissolution de l’intercommunalité avec 39 voix pour et 10 contre. Afin de parvenir plus subtilement à ses fins, le maire propose, en échange de la dissolution, une fusion des deux communes de la Cadema avec celles de la communauté des communes de Petite-Terre (CCPT). Une proposition qui a également obtenu un vote favorable (39 voix pour, 9 contre, 1 abstention) lors du conseil municipal du vendredi 22 janvier.

Sur le papier, le projet d’Ambdilwahedou Soumaïla semble prometteur. Son ambition ? Faire des quatre communes concernées un grand pôle urbain en les unissant toutes. “Dembéni est notre ville universitaire, et le CUFR est amené à évoluer. L’aéroport sera un vrai aéroport international. Mamoudzou est la capitale économique et administrative de Mayotte. Nous avons donc des choses à faire en commun. À quatre, on sera beaucoup plus efficaces”, essaye de convaincre le maire face à ses conseillers municipaux. Si la grande majorité d’entre eux reste silencieux, quelques-uns de l’opposition n’hésitent pas à émettre clairement leurs doutes et leurs désaccords. À l’image de Jacques Martial Henry. “Je suis favorable à l’élargissement des communes, mais je ne suis pas sûr que la méthode que vous avez choisie va nous apporter un résultat”, fustige-t-il. Avant de suggérer que la question soit soumise aux administrés pour qu’ils choisissent leur destin directement. Nassuf-Eddine Daroueche et Elyassir Manroufou, qui font également partie de l’opposition, sont beaucoup plus catégoriques. Elyassir Manroufou redoute que ce projet ne se retourne contre les habitants du chef-lieu. “Même si la dissolution pouvait se faire, cela nous engagerait sur un statu quo jusqu’en 2026. Nous allons ensemble condamner la population de Mamoudzou parce que les personnes qui composent le conseil communautaire de la Cadema n’arrêteront pas de travailler et vont nous exclure”, prévient-il. Un risque que le maire de la ville balaie d’un revers de la main : “Il y aura une autre forme d’institution qui mènera les projets.”

 

“Un projet voué à l’échec”

 

Le maire de Mamoudzou ne veut pas admettre qu’il existe un groupe d’opposition au sein de son conseil municipal, pourtant il est bien présent, et n’a pas l’intention de lui faciliter la tâche. Le groupe minoritaire s’est fait porte-parole du président de la communauté des communes de Petite-Terre lors du conseil municipal. Les éternels opposants sont partis à sa rencontre et les nouvelles ne sont pas bonnes pour l’édile. “Le président de la CCPT nous a confié la mission de vous dire qu’il ne souhaite pas de vous en Petite-Terre”, lance Nassuf-Eddine Daroueche. Une pique royalement ignorée par le premier magistrat du chef-lieu de l’île. Le conseiller municipal réitère. “Vous savez pertinemment que cette procédure est vouée à l’échec. À Pamandzi, le seuil n’a pas été atteint pour la fusion. Dzaoudzi-Labattoir ne veut pas de vous. La Cadema ne votera pas en faveur de votre projet, à Dembéni non plus. Alors pourquoi vous obstinez-vous à aller jusqu’au bout ?” Silence. Ambdilwahedou Soumaïla se doute peut-être qu’il n’obtiendra pas gain de cause aussi facilement. Pour mettre fin à la Cadema, Dembéni doit donner son accord. “Dissoudre une communauté d’agglomération nécessite un décret qui pose deux conditions. Dans notre cas, il faut l’approbation de cette dissolution par les deux communes. À 50% + 1 pour Mamoudzou et pour Dembeni à 2/3 + 1”, explique Jacques Martial Henry. Un scénario qui a peu de chances de se réaliser à Dembéni. Sauf coup de théâtre.

Pour Mansour Kamardine, « les moyens affectés sont en deçà des besoins réels »

-
mansour-kamardine-mayotte

Face aux risques de nouvelle flambée épidémique à Mayotte, le député LR Mansour Kamardine martèle depuis plusieurs semaines l’absence de moyens déployés par le gouvernement sur le territoire. Malgré les mesures fortes prises récemment par le préfet, le parlementaire regrette le retard à l’allumage au sujet de la campagne de vaccination et exige le renforcement de la politique migratoire pour éviter de provoquer une nouvelle crise sociale majeure.

Flash Infos : Depuis le début de l’année, vous ne cessez d’alerter sur une possible reprise épidémique à Mayotte. Vos craintes se sont confirmées avec l’arrivée sur le territoire du variant sud-africain, qui a poussé le préfet à prendre des mesures drastiques, comme la mise en place du couvre-feu ce jeudi 21 janvier. Comment avez-vous accueilli ses déclarations ?

Mansour Kamardine : Je dirais qu’il y a une certaine forme d’espérance dans les décisions prises par le préfet. Je souhaite qu’il y ait maintenant un renforcement des contrôles pour lutter contre l’organisation de fêtes et de mariages qui participent à la circulation de l’épidémie et qui mettent en danger la santé collective. En métropole, des moyens importants ont été déployés pour endiguer les rassemblements, notamment à l’occasion du passage à la nouvelle année. Je ne crois pas que ce soit la fin du monde si nous demandons aux habitants de ne pas se regrouper… Nous pouvons attendre un petit peu et prendre notre mal en patience, non ?!

FI : L’une des autres mesures fortes annoncées par le délégué du gouvernement est l’appel à mobilisation des opérateurs nautiques privés pour participer à la détection en mer des kwassas. Que vous inspire cette demande ?

M. K. : Je salue le renforcement de la protection de nos frontières. Mais l’initiative de faire appel à des opérateurs nautiques privés, qui je l’espère se mobiliseront, permet de corroborer ce que nous dénonçons depuis des mois, voire même depuis des années. Les moyens affectés sont en deçà des besoins réels ! La France doit assumer la souveraineté de Mayotte, ce n’est quand même pas la mer à boire. Il apparaît essentiel que le gouvernement opère dans les plus brefs délais un calibrage vers le haut pour endiguer le phénomène migratoire des kwassas. Car il est avéré que nous trouvons de tout à bord de ces embarcations de fortune : aussi bien des personnes porteuses du virus que des cheptels et de la contrebande.

FI : Justement, n’est-ce pas un aveu d’échec de la politique migratoire pratiquée à Mayotte ? La solution ne serait-elle pas plutôt diplomatique, comme le préconise le document-cadre de partenariat franco-comorien de juillet 2019 ?

M. K. : À la question, faut-il développer une coopération sanitaire ? La réponse est oui, bien évidemment. L’agence française de développement (AFD) vient de mobiliser 1 million d’euros pour aider l’Union des Comores à faire face à l’épidémie. Il faut le faire sans condition ! En apportant notre appui aux autorités comoriennes, nous réalisons une double opération : nous l’épaulons pour soigner sa population et nous nous protégeons. Mais en contrepartie, nous pouvons être plus fermes avec ses dirigeants politiques et faire en sorte qu’elle respecte sa part du marché.

FI : Quant à la campagne de vaccination, elle s’est accélérée sur l’ensemble du territoire national et dans les Outre-mer, et Mayotte passe encore une fois pour la cinquième roue du carrosse… Ici, elle ne doit pas débuter avant le début de semaine prochaine.

M. K. : Avec mes collègues parlementaires, nous avons appelé de nos vœux à un véritable plan actif de vaccination. Malheureusement, l’agence régionale de santé se trouve seule pour faire un appel du pied à Paris dans le but qu’on lui envoie les doses nécessaires. La population mahoraise souhaite ardemment être vaccinée ! Peut-être même plus qu’ailleurs puisque nos capacités hospitalières et logistiques sont limitées, à l’image des 16 lits en réanimation. D’autant plus que nous sommes à portée du variant sud-africain.

Ce nouvel épisode démontre bien à quel point le 101ème département est totalement délaissé par le gouvernement. Ce que nous vivons actuellement, nous l’avons déjà vécu en 1981 lors de l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, qui souhaitait purement et simplement le largage de Mayotte à l’Union des Comores. Mais c’était sans compter sur la détermination des Mahorais. Notre histoire est comparable à la fable «Le Chêne et le Roseau» de Jean de La Fontaine. Nous ne rompons pas et nous continuerons à exprimer notre souffrance.

FI : Selon vous, les Mahorais sont-ils prêts à respecter le couvre-feu, voire même à accepter un nouveau confinement si la situation sanitaire ne s’améliore pas d’ici 15 jours ?

M. K. : Les Mahorais comprennent la nécessité du couvre-feu et l’éventualité du confinement. À condition que tous les moyens soient mis à notre disposition, comme l’envoi des bâtiments de la marine nationale pour surveiller nos côtes. Si demain, des kwassas continuent de beacher, cela va provoquer une crise sociale majeure. L’opinion ne l’acceptera pas. Et nous risquons d’aller au devant de grosses difficultés, comme des affrontements avec les forces de l’ordre…

Crise sanitaire : À la mosquée de Passamaïnty, dernière prière avant le couvre-feu

-
mayotte-couvre-feu-mosquee-3

Les fidèles accueillent avec peu d’enthousiasme les nouvelles restrictions pour lutter contre la propagation du variant de Covid-19 à Mayotte. Surtout au vu des moyens déployés pour respecter les protocoles sanitaires dans les mosquées.

15h45. Le soleil darde enfin ses rayons sur les toitures encore ruisselantes après deux jours de pluies torrentielles. Au même moment, les premières notes du muezzin s’élèvent d’un minaret gris tendu vers le ciel clairsemé. Devant la mosquée de Passamaïnty, une dizaine de paires de savates traînent déjà à côté des flaques d’eau. Un groupe de quatre hommes, chaussures aux pieds, kofias sur le crâne chauve et masques sur le nez, profite tranquillement de la fin d’après-midi… et de leurs dernières heures de répit avant le couvre-feu. La petite équipe vient tout juste de finir la prière collective. La prochaine ? Ils la feront seuls sur leur tapis personnel, à la maison.

C’est fermé la mosquée, après, de 6h à 4h du matin”, soupire l’un des bonshommes, avec un haussement d’épaules résigné. À deux mètres de lui, en bas des escaliers, son comparse a un peu moins sa langue dans sa poche. “Regarde ! Là, tu as les heures de prière. Avec ce couvre-feu, on en loupe deux !”, s’agace ce fidèle en brandissant le planning sur une application de son smartphone. Effectivement, la prière du “Maghreb” est prévue pour 18h33, suivie de la “Icha” un peu plus d’une heure après. “La prière c’est quelque chose qui se fait en groupe”, bougonne encore le musulman, aussitôt approuvé par les hochements de tête énergiques de ses coreligionnaires.

 

“La barge à 21h ?”

 

Alors que l’arrêté préfectoral instaurant un couvre-feu à Mayotte, de 18h à 4h du matin et pour une durée de 15 jours, est en vigueur depuis jeudi soir, la bande partage un même sentiment d’injustice teinté d’incompréhension. “Si on arrête la barge à 21h, pourquoi ne laisse-t-on pas les fidèles se rendre à la mosquée ?”, demande par trois fois Abdallah Mohamadi, le plus virulent des quatre. Qui n’hésite pas à fustiger le premier concerné : “dites à votre préfet que Mayotte s’est construite avec les Mahorais. Lui part dans deux ans, et il calque ce qui se fait en métropole sur notre île. Il ne prend même pas en compte le décalage horaire !”, dégobille cet ancien enseignant et directeur d’école à la retraite. En agitant sa carte d’identité pour bien montrer qu’il ne se démontera pas. “Dites-lui bien que c’est Abdallah Mohamadi qui dit ça. Je n’ai peur de personne, seulement de Dieu !

 

Moquette et distanciation sociale

 

mayotte-couvre-feu-mosquee-1Le plus énervant, pour cet homme de foi ? C’est que la petite mosquée verte a tout mis en place pour respecter les protocoles sanitaires, et ce, dès le premier confinement, assure-t-il. D’un geste de la main, le soixantenaire invite à le suivre en haut des marches, pour montrer les croix scotchées sur la moquette, tel un jeu de morpion grandeur nature. À cette heure de l’après-midi, le seul homme encore agenouillé face à la Mecque a d’ailleurs toute la salle pour lui, 20/20 pour la distanciation sociale. “Depuis le Covid, l’affluence dans les mosquées a été divisée par cinq ou six”, acquiesce Anouoiri Chanfi, chef de service étude et partenariat au conseil cadial. À côté de ça, les cours de récréation bondées ou les queues de supermarché qui ne manqueront pas de s’étirer devant le Sodifram avant l’heure fatidique n’auront qu’à bien se tenir ! Et Abdallah d’asperger de gel hydroalcoolique les mains de qui veut. “On a même des masques pour ceux qui les auraient oubliés.” Le tout fourni par la mosquée grâce au concours des habitants du village, explique-t-il.

 

Le conseil cadial veille au grain

 

Jusqu’à ce jour, ce sont les fidèles qui ont contribué à financer le gel ou les masques”, confirme Anouoiri Chanfi. Certaines ont même investi dans des nouveaux tapis pour faciliter le nettoyage, voire ont eu recours à des vacataires pour apporter un maximum de garanties sanitaires. “La plupart, la grande majorité, ont toujours respecté les consignes, et pour le peu qui refusaient, le dialogue a permis de régler le problème”, déroule le responsable. Gage de cette bonne tenue : le conseil cadial, qui a d’ailleurs communiqué ce mercredi par la voix du Grand Cadi pour rappeler à tous les risques en cas de non-respect des consignes. Quiconque refuse de se plier au couvre-feu ou aux protocoles risque de devoir fermer ses portes jusqu’à nouvel ordre. “Nous sommes aussi engagés dans une démarche de lobbying auprès des élus pour fournir le matériel nécessaire, car il ne s’agit pas là de religieux, mais bien de santé publique”, argumente encore Anouoiri Chanfi. Et pour convaincre les plus réfractaires, le membre du conseil connaît déjà la parade : “l’Islam a pour fondement de sauver des vies”, rappelle-t-il.

Couvre-feu : Les commerçants mahorais obligés de se réorganiser à nouveau

-
couvre-feu-commerces-mayotte-2

Couvre-feu oblige, les commerçants doivent revoir leur organisation. Horaires aménagés pour les salariés, baisse du chiffre d’affaires… La nouvelle mesure vient aggraver la situation des entreprises, déjà éprouvées par une année 2020 hors norme.

Ils ont tant espéré ne pas en arriver là. Mais les commerçants n’ont eu d’autre choix que de se plier au couvre-feu instauré sur l’île. Depuis hier, aucun magasin n’est autorisé à rester ouvert au-delà de 18h. Un nouveau coup de massue pour les entreprises déjà frappées par la pandémie en 2020. «Nous aimerions qu’on nous laisse travailler», réclame Marcel Rinaldy, président du groupe 3M. Le couvre-feu vient aggraver le cas déjà bien délicat de l’entreprise, lié à la montée de la violence. «Les horaires habituels sont de 8h30 à 20h, mais à cause de l’insécurité, nous étions déjà passés sur un palier de 19h pour que les collaborateurs puissent rentrer chez eux en toute sécurité. Avec le nouveau couvre-feu nous fermerons les magasins à 17h45 de manière à ce qu’ils puissent prendre la route à 18h munis de leur attestation», explique le chef d’entreprise. Même son de cloche pour la grande distribution alimentaire qui s’adaptera aux différentes situations des employés. «Nous avons mis en place une dérogation pour les salariés. Ils commenceront plus tôt pour finir plus tôt. Les gens de Petite-Terre vont rentrer un peu avant pour pouvoir attraper la barge et être chez eux vers 18h30-19h», détaille Eddy Dorla, directeur du centre commercial Baobab.

couvre-feu-commerces-mayotte-1

Autre point de vigilance : la fermeture avancée des magasins et donc le besoin de vigilance renforcée sur les sites. Du pain béni pour les entreprises du secteur ! Le directeur de la société de sécurité privée 13e Parallèle, Michel Taillefer, s’en lèche déjà les babines. «Nous travaillons pratiquement avec tous les grands groupes. Ils peuvent nous demander de prendre un poste à 17h au lieu de 19h. Il y aura 2 heures de travail en plus pour l’agent de sécurité mais ce n’est pas un problème. Nous arriverons à gérer.»

Une nette baisse du chiffre d’affaire

Tirer les rideaux plus tôt aura indéniablement un impact sur le chiffre d’affaires de ces entreprises. Le centre commercial Baobab en sait quelque chose… Perdre la clientèle sur le créneau de 18h à 20h ? «C’est entre 15 et 30% de notre chiffre durant ces heures. Le couvre-feu va nous faire mal», redoute Eddy Dorla, le directeur. Le groupe 3M qui a débuté la période de soldes, craint de ne pas pouvoir rattraper son retard. «Nous pensons que les clients vont être pressés de rentrer chez eux et vont privilégier les courses alimentaires. Les commerces en parfumerie, habillement ou bijouterie vont être délaissés. Les ventes seront peut-être reportées le week-end, mais elles ne suffiront pas à rattraper la perte de chiffre d’affaires», indique Marcel Rinaldy.

Gel hydroalcoolique, nettoyages fréquents des chariots, jauges… Les commerçants ont redoublé d’efforts pour assurer la sécurité sanitaire au sein de leurs enseignes. Raison pour laquelle certains ne comprennent pas l’obligation du couvre-feu. «Nous avons mis en place des procédures très strictes. Nous estimons avoir fait suffisamment d’efforts et d’investissements pour que nous nous permettions aujourd’hui de travailler. Donc nous ne comprenons pas trop pourquoi on nous impose cette fermeture. Nous vivons cela un peu comme une injustice», avoue avec regret le président du groupe 3M.

Cordées de la réussite : permettre aux élèves mahorais de dépasser leurs limites

-
cordees-de-la-reussite

Le dispositif Cordées de la réussite fait son entrée à Mayotte cette année, après plus de 12 ans d’existence sur le territoire nationale. 27 collèges et lycées, 650 élèves de l’île sont sollicités et devront travailler sur le thème de l’écoconstruction et du développement durable. Un projet mis en place par le rectorat et la Chambre de commerce et de l’industrie de Mayotte.

Favoriser l’égalité des chances dans le milieu scolaire, donner les clés pour réussir, telle est l’ambition du dispositif «Cordées de la réussite». Durant toute l’année scolaire, et à travers des ateliers, les élèves volontaires pourront plancher sur un thème défini par le monde économique et celui de l’éducation. L’écologie et le BTP sont apparus comme une évidence pour les différents acteurs du projet. Les collégiens et les lycéens devront travailler de pair sur un projet autour de cette thématique afin de le présenter à la fin de l’année scolaire.
«L’objectif est de lutter contre l’autocensure, de soutenir des projets ambitieux pour des élèves qui n’ont pas confiance en eux. Il y a un accompagnement pour qu’ils osent s’engager dans des parcours de réussite et d’excellence auxquels ils n’auraient pas pensé», explique Sylvie Malo, cheffe du service académique d’information et d’orientation. Pour ce faire, les entreprises seront également mises à contribution pour guider les jeunes. «Aujourd’hui, on parle d’écologie et de développement durable, ce sont des sujets innovants pour le territoire et les entreprises seront présentes parce qu’elles en parlent au quotidien. Travailler sur l’écoconstruction est un sujet à prendre en compte aujourd’hui», indique Sinda Ramadani Toto, responsable du service école entreprise à la CCI de Mayotte.

 

Le challenge des 24H de l’innovation

 

Dans le cadre de ce dispositif, s’inscrivent les « 24H de l’innovation ». Il s’agit d’un concours international et les élèves mahorais sont appelés à démontrer leurs prouesses en terme d’imagination. Le thème retenu cette année est « Devenir ingénieur ». Durant 24h, sans aucune pause, les participants devront élaborer un projet qu’ils présenteront devant le jury pendant 3 minutes. Le volontariat reste la norme, mais les professeurs sont priés d’inciter les élèves qui ont les capacités à se présenter.

 


 

Témoignage de Namoure Zidini, ancien participant aux 24H de l’innovation, aujourd’hui directeur de la société Maestria recrutement et location

 

namoure-zidini-cordees-de-la-reussite«Je suis diplômé de l’ESTIA (école supérieure des technologies industrielles avancées) et j’ai participé aux premières 24h de l’innovation lors de mes études supérieures en troisième année. J’en garde un très bon souvenir. On était avec des étudiants espagnols et anglais. Les entreprises proposaient des thématiques très diverses et précises. Ce que je retiens c’est que 24h ce n’est pas rien. On a passé 24h en groupe à réfléchir sur des sujets qui peuvent parfois donner des idées aux entreprises, amener un œil neuf. C’est absolument passionnant et palpitant. Je suis convaincu que les élèves de Mayotte auront des idées géniales. J’encourage tous ceux qui le souhaitent à y participer, car il s’agit d’une expérience hors-norme qu’ils ne vivront peut-être qu’une fois dans leur vie.»

Malgré la fermeture des vols internationaux, Ewa Air pense déjà à rebondir

-
ewa-air-mayotte-crise-2021

Éternel optimiste, le directeur général délégué de la compagnie aérienne d’Ewa Air, Ayub Ingar, ne perd ni le sourire ni ses ambitions malgré l’arrêt des vols internationaux pour les deux prochaines semaines. Après une année 2020 moribonde, il se montre toutefois moins confiant quant à la clôture de l’exercice fiscal 2021, raison pour laquelle une large majorité des employés se retrouve en chômage technique. Mais il l’assure : «nous nous battrons et nous rebondirons».

Flash Infos : En raison de l’évolution sanitaire, le préfet de Mayotte, Jean-François Colombet, a décidé de suspendre dimanche dernier toutes les liaisons aériennes internationales pour une durée de 15 jours. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle désillusion alors que votre compagnie aérienne Ewa Air commençait à peine à sortir la tête de l’eau ?

Ayub Ingar : Le préfet a ses raisons. Je ne commenterai pas sa décison ! Malgré tout, je suis déçu car la compagnie a été cloué au sol une première fois entre le 19 mars et fin octobre. Mis à part quelques rapatriements (voir notre édition du 17 juin 2020), c’était le calme plat durant cette période. Puis finalement, Nosy Bé et Moroni ont décidé de rouvrir leurs frontières il y a de cela 3 mois. J’ai alors commencé à voir le bout du tunnel avant que l’aviation malgache annonce sa volonté, le 28 décembre dernier, de ne plus accueillir de passagers au départ de Mayotte. Alors qu’Ethiopan Airlines peut toujours s’y poser… Comme j’avais réalisé des vols supplémentaires durant les vacances scolaires, je ne pouvais pas, moralement, laisser en rade les voyageurs encore là-bas. L’avion est donc parti à vide 1 à 2 fois sur place pour les ramener. Avant que l’arrêté concernant la fermeture des vols internationaux ne tombe dimanche dernier et nous empêche de continuer. Depuis cette date, j’attends la suite… Je reste à la disposition des autorités pour reprendre les rapatriements, je ne peux pas le faire de mon propre chef.

FI : Vous l’avez très bien rappelé, les derniers mois ont été compliqués pour Ewa Air. Quelles seront les conséquences sur votre exercice fiscal qui doit se terminer le 31 mars prochain ?

A. I. : Effectivement, cela nous amène beaucoup de difficultés et d’incertitudes sur le plan financier. Bien évidemment, la compagnie est dans le rouge, même si je n’ai pas encore tous les indicateurs en ma possession pour pouvoir annoncer des chiffres exactes. Disons que j’essaie de limiter les frais généraux pour réduire les dépenses au jour le jour. À titre d’exemple, la trentaine de salariés était en activité partielle, à hauteur de 50%, durant la période citée précédemment. Et depuis lundi, tout le personnel est passé à 100%, sauf les mécaniciens qui restent à temps partiel pour entretenir l’avion.

FI : Si vous bénéficiez des indemnisations de l’État pour payer vos employés, vous ne pouvez pas recevoir d’aides dans le cadre de la continuité territoriale car vous n’opérez que sur des lignes internationales.

A. I. : Tout à fait, à la différence d’Air Austral, de French Bee ou d’Air France, je ne suis pas éligible à ce coup de pouce. Or, ces aides accordées par l’État aux compagnies françaises qui assurent la continuité territoriale font office de subventions. Par conséquent, j’ai sollicité l’an dernier un prêt garanti par l’État à hauteur d’1.5 million d’euros pour payer les fournisseurs et rémunérer les salariés. J’espère que d’ici 2 ou 3 semaines, les vols reprendront pour nous amener un peu d’oxygène sur notre état financier…

FI : À vous entendre, vous semblez broyer du noir. Un sentiment qui ne vous caractérise pas en temps normal. En toute objectivité, dans quel état d’esprit vous trouvez-vous actuellement ?

A. I. : J’ai déjà connu des difficultés par le passé. De manière générale, les compagnies aériennes souffrent plus que n’importe quelle activité en raison de multiples paramètres, telle qu’une guerre ou une pandémie comme c’est le cas actuellement. J’y crois, je suis de nature optimiste ! Je n’envisage pas de déposer le bilan et de mettre la clé sous la porte, cette idée ne m’effleure absolument pas l’esprit. Le personnel d’Ewa Air et moi-même nous battrons et nous rebondirons.

Cela dit, la compagnie est encore jeune, elle a pris son envol en 2013 mais n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière. Avant que cette crise ne nous tombe dessus, j’avais déjà commencé à réfléchir à l’ouverture de 2 ou 3 nouvelles lignes. Mais comme vous vous en doutez, je ne peux pas encore dévoiler mes plans (rires). Je n’en ai toujours pas discuté avec mon conseil d’administration, car je suis en train de peaufiner le dossier.

FI : Depuis le début de la crise, les autres compagnies aériennes, telles qu’Air Austral, propose des remboursements ou des avoirs à ses passagers pour qu’ils ne perdent pas leurs billets. Quelle est la stratégie d’Ewa Air de ce point de vue-là ?

A. I. : Nous serons souples avec les passagers qui sont en possession d’un billet non utilisé. Nous proposons tout naturellement des avoirs d’une durée d’un an ou des remboursements. Il suffit que les clients nous fassent la demande sur notre site internet car certains d’entre eux sont passés par des agences, donc nous n’avons pas toute la liste des voyageurs entre nos mains. Par contre, le traitement des dossiers risque de prendre un peu de temps puisque comme je vous l’ai dit, le personnel est au chômage technique. Il va leur falloir de prendre leur mal en patience.

À titre personnel, je ne souhaite qu’une chose : la reprise des vols au plus vite car nous prenons le maximum de précautions concernant le respect des consignes sanitaires. Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons débarqué 4 passagers au départ de Moroni car il y avait un doute sur leurs attestations.

Bébé abandonné sous un cocotier à Mayotte : les parents relaxés par le tribunal

-
mayotte-abandon-bebe-sous-cocotier

Une mère comparaissait ce mercredi devant le tribunal correctionnel pour avoir laissé son enfant sans surveillance, se soustrayant par là à ses obligations légales de parent. Le père, absent à l’audience, avait refusé de venir le garder. Malgré l’apparente irresponsabilité des deux prévenus, le tribunal a jugé que tous les éléments de l’infraction n’étaient pas constitués.

À une coco près, l’histoire pouvait finir en drame. Ce mercredi, le tribunal correctionnel de Mamoudzou entendait à la barre la mère d’un enfant d’un peu moins de deux ans. La raison de cette convocation ? La jeune femme aurait abandonné son bébé sous un cocotier, et se serait donc soustraite à ses obligations légales de parent en compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant. Des faits, s’ils sont caractérisés, passibles de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende.

La crise familiale éclate un jour de juillet 2019. À ce moment-là, le bambin, qui n’a pas encore soufflé sa première bougie, débarque en braillant à la gendarmerie de Sada, dans les bras d’un oncle visiblement remonté comme un coucou. Le bonhomme entend bien dénoncer l’abandon de son neveu, qu’il a retrouvé vers 9h chez lui, sous un cocotier.

 

“Visiblement, ses parents ne veulent plus de lui”

 

Sans nouvelle de la mère, l’oncle a bien tenté de joindre le patriarche. Lequel a “encore des choses à faire”, apparemment de la paperasse administrative au service des impôts de Mamoudzou, et ne compte pas rentrer de si tôt. Le pire ? Ce n’est pas la première fois que les parents lui font le coup. La dernière fois, l’enfant était resté quatre jours sans nouvelle de ses géniteurs ! D’où sa décision de se pointer à la gendarmerie, pour placer le petit, vu que “visiblement ses parents ne veulent plus de lui”. À noter que ce sauveur de Gavroche n’a en revanche pas pris le temps de nourrir le bébé avant de prendre cette courageuse décision…

Bref, tout ce beau monde finit par être entendu par les gendarmes, qui tâchent d’y voir un peu plus clair. En réalité, le couple ne vit pas ensemble, car le père, qui a déjà six enfants avec d’autres compagnes, est polygame. Il ne s’occupe donc pas vraiment du bébé qu’il a avec sa co-prévenue. Même si “au début, quand je venais visiter, je faisais les courses”, lit la juge dans sa déclaration, l’intéressé étant encore aux abonnés absents ce mercredi. Ce jour de juillet 2019, la mère lui passe quand même un coup de fil : elle ne compte pas garder l’enfant, et s’il ne vient pas le chercher, elle va le déposer chez sa sœur, menace-t-elle.

 

Un “casse-tête”

 

Qu’à cela ne tienne ! Le père ignore cet avertissement, comme d’ailleurs le coup de téléphone de l’oncle quelques minutes plus tard. “Considérez-vous avoir rempli votre rôle de père ?”, lui demande le gendarme. “Non, j’ai raté une étape, j’ai pas assuré”, concède-t-il. Et de conclure, d’une manière plus générale : “Je suis prêt à faire les courses mais pas à le garder, c’est un casse-tête !” Comprenez, sa femme n’accepterait pas l’enfant d’une autre…

Entendue à la barre, la mère de l’enfant livre une version sensiblement différente. Elle nie par exemple les “courses” que le prévenu a prétendu lui apporter. Et quand bien même il ramenait quelques victuailles, c’était d’abord pour “coucher avec [elle]” avant de lui donner. Dans sa déclaration au moment des faits, la jeune femme aurait expliqué avoir voulu qu’il s’occupe pour une fois de son enfant. Mais comme sa belle-sœur refusait de prendre son neveu, “avec les nerfs”, elle a posé le bambin à terre.

 

Pas le temps d’appeler

 

Voilà pour le tableau familial. Depuis ce jour, la victime a heureusement trouvé un foyer un peu plus accueillant, sous l’action de l’aide sociale à l’enfance (ASE). “Aujourd’hui, il a un an et quelques mois, il appelle sa mère d’accueil “maman”. Vu son jeune âge, il n’a pas conscience de la situation”, déroule l’administrateur ad hoc devant les juges. Et sa mère biologique, dans tout cela ? Pas de son, pas d’image. “Je n’avais pas le temps, et je n’avais pas les coordonnées”, chuchote la prévenue, la tête baissée sous son voile blanc. Avant d’ajouter d’une petite voix : “Je veux que mon enfant revienne dans mes bras.

Un discours qui ne convainc pas Me Soilihi, avocat de l’administrateur ad hoc. “Il faut s’interroger sur le préjudice de l’enfant”, insiste-t-il en rappelant un précédent, en 2015, où le tribunal avait condamné les deux parents et demandé 5.000 euros au titre du préjudice subi. Même son de cloche du côté du ministère public : “aujourd’hui le père est absent à l’audience, dire que c’est une poursuite de l’infraction serait un peu fort, mais cela traduit un état d’esprit”, avance le procureur. Quant à la mère, qui n’a pas trouvé le temps d’appeler depuis 2019, “même si l’administrateur de son côté ne fait pas beaucoup d’effort, elle n’a pas l’air d’en faire beaucoup non plus”. Il requiert donc six mois de prison avec sursis pour les deux parents afin de “marquer les esprits”, mais consent toutefois à leur “donner une chance” en ne leur retirant pas totalement leur autorité parentale. Les juges en décideront autrement : les deux prévenus ont obtenu la relaxe.

À Hajangoua, les habitants “sans solution” attendent les bulldozers

-
destruction-hajangua-mayotte-2

Une nouvelle destruction de cases en tôle dans ce village de la commune de Dembéni doit avoir lieu ce mercredi 20 janvier. Si cette opération s’inscrit dans une démarche gouvernementale de lutte contre l’habitat indigne à Mayotte, elle risque surtout de déplacer le problème, faute de places d’hébergement ou de logement social dans le département. Reportage.

C’est dimanche. Bientôt l’heure du déjeuner à en croire le soleil qui tape le bitume de la rue Mwandzani, à Hajangoua. En contrebas, quelques rires d’enfants et les chocs de leurs petits pas sur les plaques de tôle s’élèvent de la colline où se dresse une cinquantaine de cases. La troupe hilare semble avoir trouvé un nouveau terrain de jeu entre les débris et les canapés éventrés. “Oh ! Ça rappelle des souvenirs, on venait jouer ici quand on avait seize ans, je me souviens, on grimpait à cet arbre”, s’exclame Ali* en désignant les bouts de ferraille plantés ici et là sur le tronc, derniers vestiges d’une époque révolue. Cinq ans plus tard, le jeune homme, qui vit ici avec sa mère, son beau-père et ses cinq frères et sœurs, redécouvre avec stupeur cette parcelle, alors que plusieurs bangas ont déjà été démolis par leurs propriétaires.

Mais la plus grande partie tient encore debout, au moins jusqu’au 20 janvier – soit ce jour -, où la préfecture doit venir finir le travail. Les visites de “gens de la DEAL, de l’ARS, de la police de l’urbanisme, de la mairie”, nous dit-on, et surtout un arrêté préfectoral pris le 7 décembre dernier ont mis tout le monde au parfum, il y un peu moins de deux mois. Sur la base de la loi Élan, “il est ordonné aux personnes occupants les locaux, sis au lieu-dit “Marvato”, rue Mwandzani, village d’Hajangua, commune de Dembéni, d’évacuer les lieux dans un délai maximum d’un mois et huit jours”.

 

Lutte contre l’habitat indigne

 

D’après l’enquête de l’agence régionale de santé jointe à la décision, la forte déclivité des terrains, l’absence de réseau d’alimentation en eau potable, hormis pour deux logements, le manque de ventilation, l’absence de système de collecte des déchets ou encore les risques d’incendie à cause des fils électriques créent sur ce morceau de terrain juché sur le village d’Hajangoua des “conditions d’habitations irrespectueuses de la dignité humaine, mais aussi dangereuses pour la santé publique”. Au vu de cette analyse, l’article 11-1 de la loi Élan, qui porte les dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne à Mayotte et en Guyane, permet donc au préfet d’ordonner l’évacuation des lieux. Conformément à la loi, la préfecture a toutefois obligation de proposer des solutions “de relogement ou d’hébergement d’urgence adaptée à chaque occupant”.

 

 

Une grande partie “sans solution

 

Et c’est là que ça coince, comme souvent d’ailleurs lors de ces opérations de destruction de cases en tôle que la préfecture a décidé de mener au pas de course. Car les offres de logements ne courent pas les rues, qui plus est à Mayotte. En fonction de l’enquête sociale conduite en amont par l’association Acfav, les personnes délogées peuvent se voir proposer soit un relogement en fonction de leur situation administrative et de leur niveau de ressources, soit un hébergement d’urgence, si elles ne répondent pas aux critères de relogement ordinaires – si elles n’ont pas de ressources ou sont en situation irrégulière, par exemple. “Le problème, dans ces opérations de lutte contre l’habitat insalubre, c’est que l’on se retrouve avec une majorité de personnes dans la deuxième catégorie”, explique une source sous couvert d’anonymat. “Ces personnes seront redirigées vers de l’hébergement d’urgence en fonction des places disponibles”. Soit guère plus d’une centaine de places, dont la moitié est déjà occupée… “Une grande partie risque de se retrouver sans solution, ou va devoir faire appel à des solutions personnelles”, poursuit cette même source.

 

Des délais trop court en hébergement d’urgence

 

Justement à Hajangoua, rares sont ceux qui avaient trouvé où poser leurs bagages, deux jours avant la date officielle. “La vérité, je ne sais pas, je n’ai aucune idée de ce qu’on va faire”, soupire Ali en triturant un Airpod entre ses longs doigts fin. “Oui, on nous a proposé un logement, mais c’était pour 21 jours, alors ma mère n’a pas trouvé cela raisonnable. Qu’est-ce qu’elle va devenir après ?”, interroge ce fan de rap qui a pris l’habitude de fuir l’ambiance pesante de la case pour se réfugier chez un cousin à lui, à Dzoumogné. Même son de cloche pour Mohamed*, croisé en haut de la butte, visiblement de retour du coiffeur. “Ce n’est pas qu’on ne veut pas accepter le logement, mais Trévani ? Mtsamboro ? C’est trop loin, on sait qu’on va galérer après. Et on est en pleine année scolaire, t’imagines ? Et t’as les champs à côté, t’es né ici, t’as grandi là !”, déblatère-t-il tout en époussetant les cheveux qui collent sur son torse.

 

1.600 logements sociaux en 2021

 

Contactée ce mardi, la préfecture livre un discours plus nuancé. “Toutes les personnes ont fait l’objet de propositions de relogement, mais il est vrai que seules quelques-unes ont accepté. Là, nous sommes encore en discussion avec six familles qui ont fait des demandes exorbitantes”, expose le sous-préfet et secrétaire général adjoint Jérôme Millet. Mais comme le laissaient entendre les témoignages recueillis ce dimanche auprès des habitants, seuls des hébergements d’urgence ont pu être proposés. “Cela peut être plus long que 21 jours, jusqu’à trois mois avec pour objectif de permettre à ceux qui ont un minimum de ressources d’accéder au logement social”, déroule-t-il. Une politique encore difficile à mener, mais qui devrait gagner en puissance en 2021, “car nous allons doubler le nombre de logements, pour atteindre 1.600 logements sociaux”.

 

Le malheur des uns, le bonheur des autres ?

 

Reste que pour l’heure, il faut encore se débrouiller avec les moyens du bord. “À mon sens, ces propositions d’hébergement ne respectent pas le cadre juridique posé par la loi Élan”, dénonce Maître Marjane Ghaem, avocate spécialisée dans le droit des étrangers qui suit ces opérations d’un mauvais œil depuis la promulgation de la loi. “À Kahani c’était la même chose, personne ne s’est vu proposer de relogement, seulement des places en hébergement d’urgence, souvent inadaptées.” Le risque ? Déplacer le problème un peu plus loin. Justement, derrière le centre équestre d’Hajangoua, un peu moins d’une dizaine de cases en tôle ont recommencé à fleurir, à deux pas de la mangrove. Et les nouveaux arrivants paient ce déménagement forcé au prix fort. “On s’est cotisé pour acheter ensemble ces terrains… On m’a proposé une solution pour 21 jours, je ne peux pas faire le tour de Mayotte avec mes cinq enfants sur les bras, juste pour 21 jours !”, souffle Salima*. D’après nos informations, la “magouille”, estimée à près de 40 euros le mètre carré, aura au moins fait les affaires du propriétaire…

*les prénoms ont été modifiés

Pour le préfet de Mayotte, un nouveau confinement serait « un constat d’échec »

-
prefet-mayotte-confinement-echec

Après son intervention télévisée de lundi soir, le préfet Jean-François Colombet revient en détail pour Flash Infos sur le couvre-feu qui commence ce jeudi pour une durée de 15 jours ainsi que sur le renforcement de la lutte contre l’immigration clandestine. Dans le même temps, Dominique Voynet, la directrice générale de l’agence régionale de santé, dévoile le calendrier de la campagne de vaccination et l’envoi de futurs tests PCR qui vont permettre de détecter le variant sud-africain. Les 2 prochaines semaines s’annoncent cruciales pour éviter un nouveau confinement.

J-1 avant le couvre-feu de ce jeudi 21 janvier. Retour à la case départ ou presque. Dès 18h, et ce jusqu’à 4h du matin, «plus personne ne doit être dans la rue», prévient Jean-François Colombet, le préfet de Mayotte. Seule exception à la règle : ceux qui se rendent sur leur lieu de travail ou ceux qui en sortent et qui sont sur le trajet du retour. Mais aussi ceux qui se vont à l’hôpital pour des soins médicaux et ceux qui récupèrent leurs enfants «en tout début de soirée» à la crèche ou chez la nounou. «Ils ne seront pas verbalisés s’ils ont une attestation de déplacement», assure le délégué du gouvernement. Et à ce petit jeu-là, le représentant de l’État ne compte pas faire dans la dentelle. «La police nationale et la gendarmerie ont reçu des instructions écrites. Les forces de l’ordre seront massivement présentes.» Les amendes risquent donc de pleuvoir en cas de non-respect des consignes préfectorales.

Cette mesure restrictive, à laquelle l’île aux parfums pensait innocemment pouvoir échapper, n’est que la conséquence d’une flambée récente d’habitants positifs. Comme en témoignent les 524 nouveaux cas au cours de la dernière semaine dite glissante ainsi que la reprise des hospitalisations, dont des patients jeunes non porteurs de comorbidités. Et surtout l’apparition du variant sud-africain, «plus contagieux [de l’ordre de 50 à 75%, ndlr.] mais pas plus grave» à en croire Dominique Voynet, la directrice générale de l’agence régionale de santé. En plus des 4 cas avérés diagnostiqués sur 4 communes différentes du territoires, dont l’un d’eux se trouverait depuis à La Réunion, d’autres résultats plus ciblés doivent revenir de Paris dans les prochains jours pour «connaître l’étendue de sa propagation». Selon Jean-François Colombet, «d’autres cas se sont déclarés depuis mon intervention télévisée [de lundi soir]». Face à ce nouveau risque, le centre hospitalier de Mayotte réactive sa zone bleue.

 

3 à 4 heures en mer

 

Dans ces conditions, quels sont les moyens à disposition pour limiter la prolifération du virus ? En plus de la suspension des vols internationaux décidée dimanche dernier, le préfet souhaite renforcer la protection des frontières maritimes et ainsi contrecarrer les plans des passeurs qui «adaptent leur stratégie en permanence». «Nos radars permettent de refouler 80 à 85% des kwassas qui tentent d’approcher des côtes mahoraises.» Alors pour tenter de prendre la main dans le sac les quelques pourcentages restants, le locataire de la case Rocher compte s’appuyer sur le renfort de quelques opérateurs nautiques privés (voir encadré), et les envoyer en mer pour une durée de 3 à 4 heures au large de Mayotte entre le lever et le coucher du soleil, pour le compte de l’État. «Ils seront en lien direct avec la base navale pour donner le nombre d’embarcations. Ils n’intercepteront jamais ! Il s’agira d’un rideau de détection bien en amont des plages», dévoile Jean-François Colombet, qui compte aussi sur le soutien des services de l’État. Aussi bien des affaires maritimes, pas habituées à participer aux missions de lutte contre l’immigration clandestine, que de la gendarmerie maritime pour réaliser de l’interposition. Au total, son plan d’action prévoit un nouvel effectif marin de l’ordre de 50 à 60 personnes, contre les 9 équipages en temps normal.

 

Un vaccin contre le variant d’ici 15 jours ?

 

Sur la terre ferme, l’heure est à la remobilisation. «Nous devons retrouver l’état d’esprit d’avril dernier car je crains que ce soit plus sérieux», prône solennellement le préfet. À savoir l’application des règles initiales, comme le port systématique du masque et le lavage des mains ou encore l’interdiction des rassemblements de plus de 6 personnes. «Il va falloir mettre le paquet au cours des 2-3 prochaines semaines pour réduire l’afflux à l’hôpital», ajoute Dominique Voynet. D’autant plus que ce laps de temps coïncide avec la réception des amorces de tests PCR qui permettraient de détecter «la protéine modifiée» des variants sud-africain, britannique et brésilien. Et si la campagne de vaccination doit commencer en début de semaine prochaine – les 25 et 26 janvier prochains – pour les soignants âgés de plus de 50 ans du CHM au contact des malades et les professionnels de santé libéraux qui font du domicile, le vaccin qui intègre les souches en question ne doit, lui, pas frôler le sol mahorais avant au moins 15 jours, voire un mois.

D’où la nécessité d’établir un couvre-feu pour visiblement gagner du temps et s’accorder une respiration, sachant que la situation sanitaire actuelle en métropole ne permet pas de garantir l’envoi de moyens supplémentaires dans le 101ème département. «J’ai bon espoir que tout le monde le respecte avec rectitude», s’imagine Jean-François Colombet, qui annonce la constitution de groupes de médiation sanitaire pour vérifier l’isolement des cas contaminés. Un nouveau confinement «serait pratiquement un constat d’échec». La balle est dans le camp de chacun.

 


 

Que pensent les opérateurs nautiques privés de l’appel du préfet ?

 
Le préfet de Mayotte, Jean-François Colombet, veut faire appel aux opérateurs nautiques privés pour procéder à de la détection de kwassas en mer. Une «prestation de service rémunérée», qui «ne poserait pas de difficulté à mettre en œuvre dans la situation exceptionnelle». Sauf que parmi les prestataires interrogés, la surprise est de mise. «Il ne nous en a pas encore parlé», confie l’un d’eux. Avant de se montrer plus virulent au sujet de cette proposition : «Chacun son travail, on n’est pas flics, ce n’est pas à nous de faire ce boulot.» Idem pour l’un de ses confrères qui définit cette démarche régalienne comme «étrange», même s’il se dit prêt à en discuter pour approfondir la proposition. «Pourquoi pas si cela peut faire avancer le territoire, mais cela dépend dans quel cadre.» Un autre voit cette annonce «sortie du chapeau» comme «un peu vague» et n’imagine pas mettre «son équipe en danger». Si la plupart des sondés attendent d’en savoir davantage pour se prononcer plus largement sur le sujet, l’un des prestataires aurait d’ores et déjà manifesté son intérêt, d’après la préfecture. «Ce sont les circonstances qui nous conduisent à mettre ce mode opératoire en œuvre. Si cela pose des difficultés, nous en ferons l’évaluation et nous en tirerons les conséquences», précise le préfet sur ce dispositif qui, s’il devenait effectif, serait une grande première dans le 101ème département.

Procès Magnélé à Mayotte : la fin d’un mythe

-
mayotte-proces-magnele

Depuis le 11 janvier, c’est un procès hors du commun qui se tenait à la cour d’assises de Mamoudzou. Les accusés ne sont autre que la bande de jeunes qui avaient terrorisé l’île en 2017 à travers une série de vols, de rackets et de séquestrations. Ce mardi 19 janvier sonnait la fin du procès, et leurs avocats ont joué leur dernière carte.

7 jours d’audience. 12 accusés. 1 procès hors-norme. Voici en somme ce qu’il faut retenir du procès dit Magnélé. Dans son tee-shirt bleu, la tête recroquevillée, et entouré de plusieurs gendarmes, le principal accusé semble redouter le sort que lui réservent les juges de la cour d’assises. Il le sait, sa situation peut s’aggraver en l’espace de quelques heures, lui qui a déjà passé plus de trois ans au centre pénitentiaire de Majicavo.

L’avocat général accuse le groupe de jeunes délinquants d’avoir formé une bande organisée qui a sévi sur l’île en 2017. Un terme de « bande organisée » qui fait toute la différence puisqu’il s’agit d’une circonstance aggravante qui alourdit la peine encourue. Les nombreux avocats des accusés s’attellent donc à prouver le contraire, lors de leurs longues plaidoiries. «Pour parler de bande organisée, il faut qu’il y ait de la préméditation, il faut qu’il y ait un groupe structuré ayant préexisté à l’infraction. Il faut qu’il y ait un chef et un plan», rappelle Me Jean-Baptiste Konde Mbom, avocat d’Abdoulanziz Ahamad Said Ali, dit Magnélé. Mais force est de constater que le parquet et les enquêteurs n’ont pas pu rassembler tous les éléments permettant de soutenir cette thèse. «Où sont les plans ? Où est la préméditation ? Où est la hiérarchie ?», s’étonne toujours l’avocat.

 

Magnélé, le «gentil» de la bande

 

Lors de la séquestration des gardiens de la société ETPC dans la nuit du 15 janvier 2017 (l’une des accusations de l’affaire), le fameux Magnéle aurait fait preuve de bon coeur selon son avocat qui se base sur les dires de la victime. En effet, il aurait permis au gardien de respirer en libérant sa bouche. «Il décide d’être l’ange du groupe», clame Me Jean-Baptiste Konde Mbom. Ce dernier a tendance à minimiser les faits en qualifiant le groupe de «bande de gentils qui n’avaient pas la volonté de faire mal».

L’homme en robe noir essaye d’attendrir l’audience en jouant sur les sentiments. Au moment des faits, «il s’agissait d’un mineur fragile qui avait de la colère», dit-il. Ledit Magnélé aurait sombré dans la délinquance lorsqu’il a vu le banga qu’il partageait avec sa famille se faire démolir sous ses yeux. «On ne peut pas lui faire porter ces responsabilités. Sa réputation dans l’opinion publique est fausse. On dit que c’est un être dangereux, un barbare. On en fait un mythe alors que c’est un gamin», conclut Me Jean-Baptiste Konde Mbom.

 

Un procès hors-norme

 

Les faits reprochés aux 12 accusés avaient marqué les esprits des habitants de l’île. Et les actes de délinquance perpétrés sur le territoire quotidiennement ne font qu’augmenter le sentiment d’impunité. Raison pour laquelle les avocats des présumés coupables redoutent, depuis le début de l’affaire, des peines lourdes dans l’objectif d’envoyer un message fort aux voyous qui sont encore en liberté. «On essaye de faire de ce procès un symbole. On en fait un procès criminel alors que c’est un procès d’ordre correctionnel tout simplement», souligne Me Delamour Maba Dali.

L’exceptionnalité du jugement se manifeste également à travers la multitude de policiers et de gendarmes déployés pour accompagner et surveiller les prévenus dans leurs moindres faits et gestes.
Si les avocats des prévenus demandent un verdict juste, certains estiment même que leurs clients méritent l’acquittement. Pour autant, le parquet général requiert 10 ans de réclusion criminel pour Magnélé, et 6, 15 et 20 ans pour ses présumés complices. Des peines lourdes, justifiées par les faits qui leur sont reprochés ci-dessus. La cour a finalement été plus clémente puisque Magnélé écope de 6 ans d’emprisonnement. Huit de ses complices sont condamnés quant à eux entre 6 à 10 ans, tandis que trois autres sont acquittés.

Covid, relance et formation : l’équation à trois inconnues du BTP de Mayotte pour 2021

-
fmbtp-mayotte-2021

Contre toute attente, la filière BTP de Mayotte a su relever la tête en 2020 et limiter la casse malgré deux mois de confinement. Mais la circulation du variant sud-africain fait craindre de nouvelles restrictions, alors que le plan de relance fait gonfler les carnets de commande.

C’est officiel. Au moins quatre cas du variant 501.V2. du Covid ont été détectés sur le territoire. Une nouvelle qui fait craindre aux acteurs économiques, réunis autour du préfet ce dimanche, l’application de mesures plus restrictives à Mayotte. Et c’est notamment le cas pour le BTP, qui a déjà dû mettre les bouchées doubles pour sortir la tête hors de l’eau après une année 2020 chahutée par la crise sanitaire. Tour d’horizons des attentes et des inquiétudes de la filière pour 2021 avec Julian Champiat, le président de la fédération mahoraise du bâtiment et des travaux publics (FMBTP).

Flash Infos : Alors que des cas du variant sud-africain ont été confirmés à Mayotte, les autorités ont d’ores et déjà décidé de suspendre les liaisons maritimes et aériennes internationales pour 15 jours à partir de dimanche. Cette première décision inquiète-t-elle les acteurs du BTP ?

Julian Champiat : Nous avons en effet eu une longue réunion avec les acteurs sociaux et le préfet dimanche. Sur ce sujet de la suspension des vols internationaux, nous n’avons pas forcément de conséquences immédiates. En revanche, là où nous sommes nettement plus inquiets à court terme, c’est que nous ne sommes pas à l’abri d’un couvre-feu et d’un confinement dans les mois à venir.

FI : Justement, craignez-vous de voir l’arrêt complet des chantiers, comme cela avait pu être le cas en mars dernier ? Quelles garanties vous a apportées le préfet sur ces possibles nouvelles restrictions ?

J. C. : Aucune garantie ! Pour l’instant, il a surtout été question du renforcement du contrôle des gestes barrières. Toutefois, je n’ai pas eu le sentiment que le BTP était particulièrement ciblé. Il faut d’ailleurs noter que dans la filière, nous n’avons pas attendu la deuxième vague ou une telle mutation pour maintenir nos efforts sur les gestes barrières. Et, à ma connaissance, il y a eu peu de cas sur les chantiers, et aucun cluster. Donc il s’agit davantage dans un premier temps de la sphère privée, où des contrôles plus importants pourraient être opérés afin de bloquer l’épidémie et surtout ce variant qui semble inquiéter fortement les autorités sanitaires et publiques. Quant au risque d’arrêt des chantiers, je ne pense pas que nous aurons un confinement sur le même modèle que celui que nous avons connu entre le 17 mars et le 14 avril dernier. Il y a une nécessité à maintenir l’économie, et le BTP.

FI : Quel bilan faites-vous des aides qui ont été apportées aux entreprises ?

J. C. : La quasi-totalité de nos adhérents, petits comme gros, ont eu recours au prêt garanti par l’État (PGE). Bien sûr, nous avons accueilli avec soulagement l’annonce du remboursement repoussé à 2022, car cela nous permettra d’assurer nos flux de trésorerie… lesquels nous permettent d’investir en matériel et en moyens de formation pour nos salariés, et donc de répondre à la demande importante des chantiers en cours et à venir. D’où l’enjeu, qui est de taille !

FI : Outre les aides, vous avez plus d’une fois fait remonter dans nos colonnes la question des retards de paiement des collectivités, qui pesaient sur la trésorerie des entreprises. La situation s’est-elle améliorée en ce début d’année ?

J. C. : En effet, nous avons noté à la fin de l’année une accélération des régularisations et des paiements notamment des pouvoirs publics. Certes, les délais sont toujours supérieurs aux 30 jours légaux, mais il y a du mieux. Un sujet demeure cependant : le syndicat des eaux. La situation est critique, tant sur la ressource en eau que sur la gestion des eaux usées, et il y a d’importants travaux sur les réseaux à mener, de campagnes de forage à réaliser… Pour cela, il est urgent de voir une amélioration des prestations du SMEAM. Or, en échangeant avec nos adhérents, le constat est unanime : nous sommes tous très inquiets. Nous parlons là de 25 millions d’euros de retard, rien que pour les adhérents de la FMBTP. Ce ne sont plus des retards, ce sont des impayés ! Nous ne doutons bien sûr pas de la bonne volonté de la nouvelle équipe, mais vu l’ampleur des travaux, il ne faut plus perdre de temps. Et nos derniers échanges avec la préfecture nous laissent dubitatifs sur la capacité de production du syndicat sur les six prochains mois…

FI : L’autre sujet, c’est le fameux plan de relance. Sur les 100 milliards d’euros annoncés, 10 milliards sont dédiés au BTP au niveau national. Savez-vous comment pourra en bénéficier la filière à Mayotte ?

J. C. : Pour tout vous dire, sur ce plan de relance, c’est encore un peu le flou. La Fédération des Entreprises des Outre-mer (Fedom) avait attiré notre attention fin novembre sur les crédits déjà mis à disposition, à charge pour les départements de les mobiliser. Nous avons contacté les différents intervenants, à la préfecture, à la DEAL, à la Dieccte, pour avoir un maximum d’informations, mais lors de la dernière réunion, le 11 décembre, tout n’était pas encore ficelé sur les montants ou encore le planning de mise à disposition. Aux dernières nouvelles toutefois, 86 millions d’euros de ce plan de relance seront dédiés à Mayotte, avec 15 millions d’euros pour l’assainissement et les routes. Mais nous en saurons plus au prochain comité de pilotage, qui doit se tenir à la fin du mois de janvier.

FI : L’autre enjeu de ces différents plans réside dans la capacité des acteurs mahorais à répondre à une demande croissante. Entre le petit nombre d’acteurs sur le territoire, et les besoins que nous connaissons en ingénierie et en formation, la filière est-elle aujourd’hui en mesure de tenir un tel rythme de production ?

J. C. : Bien sûr, si nous avons avons l’argent et les projets, mais que nous manquons de collaborateurs formés, nous aurons du mal à tenir nos objectifs. Nous sommes donc très attentifs à ces sujets, notamment sur la formation. D’après nos estimations, il faudrait créer 700 emplois de compagnons, d’encadrement et d’intermédiaires sur trois ans pour répondre à la commande. Il y a donc une coordination à mener entre les différents acteurs, le rectorat, les organismes de formation, pour opérer un meilleur ciblage de la formation. Sur le fléchage des subventions, c’est toutefois le conseil départemental qui est aux manettes : nous notons une amélioration, mais cela doit se poursuivre.

Malgré cela, au niveau de la FMBTP, nous considérons être en mesure de répondre à l’augmentation de l’activité, justement car nous commençons à avoir une meilleure vision tant en termes d’investissements que de formation, de recrutement ou encore de structuration de nos PME. Donc nous ne souhaitons pas d’intervenants extérieurs, nous considérons que nous sommes capables de répondre aux marchés. Et c’est le message que nous avons souhaité faire passer à la SIM, son actionnaire majoritaire la CDC Habitat, et aux différents pouvoirs publics.

FI : Au vu de cette crise sanitaire qui perdure, quelles sont les principales attentes et inquiétudes de la filière pour l’année 2021 ?

J. C. : Je tiens d’abord à relever que, contre toute attente, l’année 2020 a été plutôt bonne. Avec deux mois d’activité quasi nulle, nous pouvions nous attendre à une catastrophe, tout du moins un ralentissement important. Or cela n’a pas été le cas, en partie grâce aux aides de l’État et au fait que nous avons pu rapidement redresser la barre en termes de productivité, en mettant les moyens humains et matériels. Résultat, sur les chantiers SIM notamment, nous sommes presque à 80%, nous avons pu répondre au planning. Pour 2021, nous avons envie de continuer sur cette lancée, notamment avec le plan de convergence et le plan de relance. Le défi sera d’arriver à consommer ces crédits et pour cela, il ne faut pas perdre de temps. Dans le secteur du bâtiment, nous suivons avec attention les projets de la SIM, du rectorat et du CHM. Sur les infrastructures, nous attendons évidemment avec impatience le chantier de la piste longue, tant pour le tourisme, qui générerait de l’activité en plus pour notre secteur, que pour la facilitation des liaisons aériennes et donc du transport de fret duquel nous dépendons. Enfin, il y a le projet de transport public dont nous espérons grandement qu’il soit réalisé pour 2021.

L’autre aspect que j’aimerais évoquer concerne le dialogue social. Je souhaite que nous puissions trouver des accords rapidement avec les partenaires sociaux sur les conventions collectives et les retraites. Sans rentrer dans les détails techniques, nous avons débuté des commissions consultatives de travail depuis un an avec les partenaires sociaux, sur les niveaux de retraites et de rémunérations. Ces échanges, ralentis par l’effet du Covid, doivent reprendre rapidement en 2021, pour éviter de se retrouver dans des blocages sociaux et économiques. Avec en ligne de mire, le bien-être des salariés !

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes