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Incompréhension et sentiment d’abandon chez les gérants des salles de sport à Mayotte

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Le déconfinement n’a pas fait que des heureux. Certains professionnels ne sont toujours pas autorisés à reprendre leurs activités à l’image des gérants des salles de sport. Une décision jugée injuste par les principaux concernés qui assurent être en mesure d’accueillir leurs adhérents.

Ils attendaient le déconfinement avec impatience, mais à la place, ils n’ont reçu que désillusion et mauvaises surprises. Les salles de sport resteront fermées jusqu’à nouvel ordre… À l’inverse des sports collectifs en plein-air. Une mesure incompréhensible pour les principaux concernés. “Certains vont reprendre les tournois, ce qui n’est pas logique puisque la plupart des contaminations dans le sport ont lieu dans les sports collectifs”, dénonce Julien Lalanne, gérant de l’Orange bleue. Du côté de la délégation de la jeunesse et du sport, cette différence de traitement a une explication logique. “Les activités en plein-air sont moins exposées à la contamination contrairement aux activités dans des lieux fermés”, explique Madeleine Delaperriere, déléguée de la jeunesse et du sport à Mayotte.

Mais aucune explication ne saurait calmer la colère des professionnels qui se sentent exclus du déconfinement progressif prôné par le préfet. Une impression de déjà vu pour Anli Fafi, gérant de la salle de sport Maybodyform. “À la suite du premier déconfinement l’année dernière, nous avons été mis à l’écart et nous n’avons pas pu reprendre notre activité aussi rapidement que les autres. Et cette fois-ci, ils répètent la même chose.” D’autant plus que les salles de sport se disent prêtes à recevoir leurs adhérents : elles avaient déjà été obligées d’appliquer un protocole sanitaire stricte lors de la reprise. “Nous avons du gel hydroalcoolique partout, les gens devaient venir habillés en tenue de sport, il y avait une jauge maximale de personnes dans la salle. Les machines étaient nettoyées avant et après chaque utilisation, le masque était obligatoire pendant chaque déplacement, etc. Nous avons investi du temps et de l’argent dans toutes ces mesures et aujourd’hui, on nous demande de fermer nos portes”, s’emporte Julien Lalanne.

 

“Nous sommes livrés à nous-mêmes”

 

Le sentiment d’abandon vient s’ajouter à la désillusion des gérants des salles de sport. “Les autorités compétentes ne nous donnent aucune information alors qu’elles sont censées nous rassurer et nous accompagner. Nous sommes clairement livrés à nous-même”, accuse Anli Fafi. Un point de vue partagé par le responsable de l’Orange bleue. “Nous sommes complètement dans le flou à Mayotte. Malheureusement, nous ne sommes pas assez nombreux ici pour faire le poids. Nous aimerions juste avoir un calendrier clair pour savoir où nous allons.” Une requête difficile à honorer pour Madeleine Delaperriere. “Nous ne sommes pas en mesure de leur apporter des réponses pour le moment. Je comprends que cela soit compliqué pour eux, mais je ne peux pas donner de date pour la réouverture. Les décisions se prennent au jour le jour”, indique-t-elle.

Pendant ce temps, les salles de sport doivent continuer à payer leurs charges. Et les aides et les plans B ne suffisent plus ! “Pour l’instant, nous tenons grâce aux prélèvements des adhérents qui continuent, mais nous ne ferons pas long feu de cette manière. Nous avons besoin d’ouvrir”, lance d’un ton désespéré Julien Lalanne. Pour sa part, le propriétaire de Maybodyform puise dans ses dernières ressources. “Lors du premier confinement, j’ai eu droit à un prêt, mais je suis en train de l’utiliser pour survivre alors qu’il devait servir à investir et redémarrer du bon pied.” Et si certains affirment être prêts à faire plus de sacrifices pour ouvrir rapidement, la déléguée de la jeunesse et du sport promet que les protocoles déjà établis lors de la première reprise ne changeront pas. “Ils sont déjà assez restrictifs”, conclut-elle.

Mayotte : un système d’immigration dérogatoire qui met des milliers de jeunes en danger d’expulsion

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À Mayotte, 101ème département français, la loi ne s’applique pas de la même façon que sur le reste du territoire en matière d’immigration. Un système dérogatoire a été instauré sur l’île, qui complique toute démarche de naturalisation. De ce fait, des milliers de jeunes ayant grandi à Mayotte n’ont pas de papiers français, et vivent dans la peur d’être renvoyés dans un pays qui n’est pas le leur, après avoir fêté leur 18ème anniversaire.

J’ai peur, mais je n’ai pas le choix, je dois étudier”, lâche Ali* d’un air las. “Moi je suis arrivé à mes 11 ans, et depuis je vais à l’école. Ca fait deux ans que j’ai entamé les démarches, mais à chaque fois il y a un problème.” Aujourd’hui, le gaillard a 20 ans et est en terminale, au lycée de Petite-Terre. En France, la loi stipule qu’un jeune arrivé avant ses 13 ans sur le territoire est régularisable de plein droit, et qu’il peut donc obtenir un titre de séjour. Mais à Mayotte, les jeunes doivent prouver en plus qu’ils ont vécu, depuis leurs 13 ans, avec l’un de leurs parents régularisés. Un frein à leurs démarches, surtout ici, alors que nombre d’entre eux vivent avec une tante, un oncle ou une grand-mère. Ces regroupements familiaux sont souvent liés au fait qu’une grande partie des familles sur l’île compte des personnes avec des papiers français, et d’autres non.

C’est le cas pour Samir*. Arrivé à Mayotte à sept ans, le jeune homme a été installé chez sa grand-mère, qui est elle, régularisée. À la base, il devait passer son brevet ici, puis rejoindre la métropole. Mais les démarches de régularisation sont longues et une simple erreur peut suffire à annuler toute la procédure. “La première fois que j’ai posé mon dossier, il y avait une faute de frappe donc ils ont tout remis à zéro« , explique-t-il. Il est finalement resté à Mayotte et a entamé de nouvelles démarches. “Je devais partir chez ma tante, à Paris, elle, elle a les papiers, mais ma mère ne les a pas, alors que ma grand-mère les a. C’est une situation bizarre hein ?

 

Un contexte géographique particulier

 

Cette situation, des centaines de familles mahoraises la vivent à cause de la position géographique de l’île, coincée à quelques brasses d’Anjouan, point de départ des kwassas depuis l’archipel des Comores. Des vagues d’immigration qui n’ont jamais cessé depuis le référendum pour l’indépendance des Comores en 1975, et le choix de Mayotte de rester française, contrairement à ses voisines. Pour lutter contre ces mouvements de masse, un amendement spécial, proposé par le sénateur Thani Mohamed Soilihi et voté en juin 2018, a limité le droit du sol à Mayotte dès le mois de septembre de la même année. Désormais, il est exigé “pour les enfants nés à Mayotte que l’un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière sur le territoire national depuis plus de trois mois”.

Une règle dérogatoire, instaurée sur le département car “41% des résidents sont de nationalité étrangère et 74% des enfants y naissent de mère étrangère”. Brandi comme un bouclier salvateur, ce texte n’a jamais empêché l’arrivée des embarcations de fortune sur l’île… Plongeant toutefois des milliers de jeunes dans des situations kafkaïennes à leurs 18 ans. Ironie du sort, certains d’entre eux n’ont même connu que Mayotte, arrivés à deux ou à quatre ans sur l’île. À l’instar de Said* et Omar*. En novembre, les deux frères alors majeurs pourraient être renvoyés dans un pays qu’ils n’ont jamais connu, tandis que leur père est Français.

 

Des démarches complexifiées par la préfecture

 

La préfecture de Mayotte** est quasi-inaccessible, des milliers de jeunes qui pourraient prétendre de plein droit à un titre de séjour ne peuvent pas avoir de rendez-vous, certains attendent depuis plus d’un an, voire même deux ans”, tempête Pauline Leliard, chargée de projet à la Cimade. Ali en sait quelque chose. Depuis deux ans, il éprouve toutes les peines du monde à faire aboutir ses démarches de régularisation. Quand bien même les demandes de rendez-vous se font dorénavant sur Internet pour éviter les dossiers incomplets… Sa première entrevue se solde par un échec cuisant : personne ne le reçoit ! Tandis que sa seconde convocation se heurte à un nouvel obstacle : la présentation d’un passeport ou d’une pièce d’identité comorienne, ce qu’il n’a pas en sa possession, ayant grandi à Mayotte.

Rien dans la loi n’exige un passeport, le certificat de nationalité suffit. Mais depuis novembre 2020, la préfecture refuse tous ces jeunes sans passeport”, déroule Pauline Leliard. La jeune femme s’offusque qu’aucune alternative ne soit mise en place pour ces mineurs, qui seraient obligés de retourner dans leurs pays d’origine pour demander une pièce d’identité. “En métropole, ils peuvent aller au consulat, mais ici il n’y en a pas. Et c’est trop dangereux de rentrer, nous le déconseillons vivement.

 

Des conséquences parfois irréversibles

 

Moi j’ai pas peur, j’ai déjà l’habitude. Je me suis fait arrêter cinq fois par la PAF (police aux frontières). Mais comme je suis mineur, ça passe toujours”, ironise Samir. Tous n’ont pas sa chance… Plusieurs rapports du juge des libertés et de la détention de la cour d’appel de Saint-Denis à La Réunion dénoncent la pratique, qui consisterait à modifier les dates de naissance pour les emmener au centre de rétention, avant de les renvoyer vers Anjouan ou Madagascar. Des procédures illégales dénoncées par les juges des référés présents sur l’île aux parfums.

Parallèlement au risque de se faire embarquer par les forces de l’ordre, cette situation freine aussi les jeunes dans leur scolarité. Pour les élèves de terminale, l’heure est aux vœux d’orientation. Mais certains, comme Ali qui voudrait devenir kinésithérapeuthe, sont dans le flou total quant à la suite de leurs études. “Pour s’inscrire à la fac, on va leur demander une carte de séjour, et ceux qui sont en train de faire les démarches feront une année blanche”, déplore Pauline Leliard. Des études retardées, auxquelles s’ajoute le stress permanent d’une possible arrestation.

Et quand celle-ci finit par arriver, deux écoles s’opposent. Si certains feront des pieds et des mains pour refouler le 101ème département, d’autres, rejetés depuis toujours, préféreront baisser les bras. À l’image d’un Samir dégoûté : “Si on me renvoie, je ne pense pas que je reviendrai… On m’a fait comprendre que ce n’était pas chez moi ici !

* Les prénoms ont été modifiés
** Sollicitée, la préfecture n’a pas donné suite.

Hugues Makengo, directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse à Mayotte : “L’insertion est le meilleur moyen de prévenir la délinquance”

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Tous les mineurs sous-main de justice sont suivis par la protection judiciaire de la jeunesse, ou PJJ. Entre les unités éducatives de milieu ouvert, l’accueil de jour, le placement judiciaire ou en détention, en centre renforcé ou en famille d’accueil, les dispositifs mêlant éducation et répression sont variés, mais poursuivent tous le même objectif : remettre les jeunes délinquants dans le droit chemin et éviter à tout prix la récidive.

Flash Infos : Comment se déclinent les missions de la PJJ à Mayotte ?

hugues-makengo-directeur-territorial-protection-judiciaire-jeunesse-mayotteHugues Makengo : Tout d’abord, nos missions sont nationales. La PJJ encadre exclusivement les mineurs délinquants confiés par l’autorité judiciaire et très accessoirement des mineurs au civil dans le cadre des mesures d’investigations bien que cette dernière part soit assez importante à Mayotte. Cet encadrement se déroule sur trois grands axes. Il y a d’abord le milieu ouvert, donc les services accueillent les jeunes “libres”. Ces équipes pluridisciplinaires (éducateurs, psychologues et assistantes sociales) sont le socle de l’action éducative. Ils préconisent aux magistrats les orientations des mineurs vers l’accès aux activités de jour par exemple. Ensuite, nous avons une mission d’insertion, qui priorise les jeunes déscolarisés et en rupture notamment, pour les moins de 18 ans et plus de 16 ans. Ce dispositif nous permet de ramener ces mineurs vers le droit commun, afin qu’ils accèdent à ce que propose par exemple la Mission locale pour les jeunes de 16 à 25 ans. Notre dernière mission concerne le placement judiciaire. Il peut se faire en famille d’accueil – ce que l’on appelle “UEHD, pour unité éducative d’hébergement diversifié« . À Mayotte, cela concerne environ 30 jeunes pour une vingtaine de familles à travers l’île. Dans ce cadre-là, nous travaillons aussi avec Mlezi Maoré à travers deux structures : le centre éducatif renforcé, qui se trouve à Bandrélé, où les jeunes sont placés pendant quatre mois dans une idée de rupture, de remobilisation et de réinsertion. À côté, nous avons l’hébergement classique dans un établissement de placement éducatif, cette fois à Tsoundzou, qui compte aujourd’hui 12 places et devrait prochainement passer à 15. L’ordonnance de placement est de six mois renouvelables.

FI : Comment est prise la décision d’envoyer un jeune vers une structure plutôt qu’une autre ?

H. M. : Tout ces dispositifs sont à la disposition des magistrats, et prioritairement du juge des enfants, ainsi que des juges d’instruction qui traitent les dossiers impliquant des mineurs. En s’appuyant sur la personnalité et le profil des jeunes qu’ils suivent, les éducateurs peuvent faire des propositions d’alternative à l’incarcération, comme le placement ou l’insertion. Chaque mineur passe par le milieu ouvert, et selon sa situation, il est renvoyé vers le dispositif le plus adapté. Aujourd’hui, 30% de jeunes sont dans d’autres dispositifs en plus du milieu ouvert. Certains jeunes primo-délinquants font aussi l’objet de mesures spécifiques sur un laps de temps assez court, de quatre à six mois (stages de citoyenneté, réparations ou compositions pénales). D’autres vont être suivis en insertion, notamment sur la mesure éducative d’activité de jour (MEAJ) de 24 places entre la PJJ et le dispositif Daradja des Apprentis d’Auteuil. Les faits graves amènent d’autres mineurs directement en détention à Majicavo, dont le quartier des mineurs compte 30 places. Nous disposons aussi de places dans les établissements de La Réunion, lorsque nous n’avons plus de places ou encore quand l’éloignement s’avère nécessaire, notamment en cas de faits délictueux commis en bande.

En 2019, nous avons suivi environ 950 jeunes, contre 900 l’année d’avant. En 2020, nous en comptions 830, sans doute du fait du confinement. En flux continu, c’est entre 400 et 450 mineurs qui sont accompagnés quotidiennement par nos différents services, en sachant que certains vont rentrer et d’autres sortir en cours d’année.

Mon action consiste à donner les moyens aux services de la PJJ du territoire, des moyens humains et matériels, les moyens de s’inscrire dans la déclinaison des politiques publiques (culture, sport, insertion) et de la politique de la ville pour mieux prévenir la délinquance et la récidive. Nous mettons aussi en œuvre une politique de promotion de la santé qui nécessite une collaboration avec l’ARS et les acteurs de santé au bénéfice des mineurs sous-main de justice.

FI : Plusieurs politiques mahorais demandent depuis plusieurs années la création d’un centre éducatif fermé, une autre alternative à l’incarcération. L’absence de ce dispositif signifie-t-elle que la PJJ manque de moyens à Mayotte ?

H. M. : Les dispositifs qui fonctionnent aujourd’hui permettent de prendre en charge les mineurs qui en ont besoin, à La Réunion ou à Mayotte. Pour l’instant, j’estime que nous disposons d’assez de moyens. Ils ont d’ailleurs beaucoup évolué entre 2013 et 2020, comme en témoigne l’ouverture du centre éducatif renforcé il y a deux ans et demi. Nous avons aussi mis en place début 2019 des mesures éducatives d’activité, et suivront bientôt dans le cadre de la justice de proximité des stages de peine ou d’alternatives aux poursuites ou à l’incarcération sur plusieurs thématiques, comme les violences sexuelles, la citoyenneté et les valeurs républicaines, la place de la victime. Cela concernera 150 jeunes sur 30 semaines, et nous proposerons un stage d’insertion maritime en collaboration avec l’école maritime, l’école de voile et d’autres partenaires.

La démographie de Mayotte montre bien la part importante de la jeunesse. En amont de la PJJ, il y a sans doute à faire du côté de la Protection de l’enfance et de la prévention spécialisée pour l’aide aux familles et le repérage des enfants errants. Je crois qu’il faut investir davantage les dispositifs de la Loi du 5 mars 2007 (qui réforme la protection de l’enfance afin de renforcer la prévention notamment, ndlr) et la PJJ a un rôle à jouer aux cotés des municipalités. Les différentes collectivités municipales peuvent organiser des rencontres pour des jeunes qui ne sont pas encore en délinquance, mais qui sont signalés par l’Éducation nationale ou par les quartiers, de manière à agir assez tôt dans les Conseils pour les droits et devoirs des familles et l’accompagnement parental.

Je pense qu’il ne faut pas attendre que les mineurs passent une première fois devant le juge pour réagir. Mais il faut absolument qu’à Mayotte d’autres dispositifs soient développés avant l’étape PJJ pour faire de la prévention spécialisée, qui consiste à faire aller des éducateurs dans la rue pour qu’ils puissent approcher les jeunes, les groupes qui sont dans l’errance. Certains jeunes sont en grande précarité affective ou sociale et passent à l’acte dès l’enfance, parce qu’ils n’ont pas de présence parentale, ou quelqu’un qui montre le chemin, comme le font les éducateurs. C’est un volet qu’il faut vraiment travailler, d’autant plus ici.

Le plus compliqué, en général, sont les 16-18 ans, puisqu’ils n’ont plus l’obligation de scolarité et c’est parfois là que les problèmes deviennent plus sérieux. Mais certains jeunes, d’autant plus ici, sont déjà dans une violence extrême avant cet âge. Et c’est là qu’il devient urgent d’agir, pour que les plus jeunes n’intègrent pas ces nouveaux groupes que l’on voit se former notamment sur Petite-Terre, qui caillassent, y compris les forces de l’ordre, ou qui commettent des violences devant les établissements scolaires. Ils ne sont pas représentatifs de la majorité des jeunes suivis par la PJJ, mais nous ne devons pas pour autant nier leur existence et surtout travailler tous ensembles – services de l’État, associations, municipalités et collectivités – pour développer les dispositifs d’accompagnement et d’encadrement de ces jeunes. L’État met les moyens nécessaires, et cette année encore nous profitons de 200.000 euros supplémentaires pour mettre en place les actions de la justice de proximité. Si nous trouvons des acteurs volontaires pour travailler avec ces jeunes, les familles d’accueil prêtes à les recevoir, je pense que nous pourrons trouver des solutions. Mais la délinquance est d’abord une affaire de société : il n’y a pas de société sans délinquance malheureusement.

FI : Comment prévenir la récidive auprès de mineurs ayant déjà été condamnés par le juge et confiés à la PJJ ?

H. M. : L’activité de jour est très importante et devrait être davantage développée au regard de l’adhésion de nombreux mineurs dont les profils permettent un retour vers le droit chemin via l’insertion et un accompagnement à l’accès aux droits. En revanche, il y a certains profils de mineurs très dangereux, personne ne peut le nier, mais ils ne sont pas majoritaires fort heureusement. Nous travaillons sur la question des phénomènes de bandes et de violences pour mieux les encadrer et les accompagner.

Nous devons continuer à développer plus de partenariats avec le monde de l’insertion, car elle est le meilleur moyen de prévenir la délinquance et sans elle, nous n’aboutirons à rien. L’étape d’après, c’est le droit commun, qui passe obligatoirement par la levée des barrières administratives pour ceux qui sont régularisables.

La plupart des jeunes, quand ils sont suivis, ne récidivent pas, ou très peu. Les deux derniers mois d’un placement sont les plus cruciaux car c’est l’étape de la préparation à la sortie, d’où le relai fondamental avec le monde de l’insertion. Une fois que le mineur n’est plus suivi, s’il revient à son milieu naturel sans insertion, il peut être tenté de récidiver, d’autant plus s’il est laissé seul, qu’un éducateur n’est plus là pour le suivre.

FI : Comment s’organise le suivi des jeunes une fois qu’ils ont quitté les dispositifs de la PJJ ?

H. M. : Tant que nous avons une ordonnance du juge, nous continuons à les suivre. Mais dès lors qu’elle prend fin, nous pouvons pas les suivre ad vitam aeternam. Je rappelle que l’éducation à la PJJ est contrainte, donc dans les respects des principes constitutionnels, seul l’autorité judiciaire peut nous confier un mineur et jeune majeur avec une ordonnance sur une durée déterminée.

Je souligne une fois de plus l’importance du partenariat pour la PJJ, si les relais au niveau du droit commun, les dispositifs de formation ou autres n’intègrent pas ces jeunes-là, nous nous retrouvons avec des jeunes qui rechutent. C’est en cela que cette question de délinquance des mineurs est l’affaire de tous : de l’État, et c’est à travers la PJJ et l’autorité judiciaire qu’il l’exerce, mais il faut des liens avec les autres services de l’État pour ne pas laisser ces jeunes de côté, et nous y travaillons, et c’est aussi avec les collectivités territoriales et avec les associations œuvrant dans les communes.

FI : Une partie de l’opinion publique estime qu’il existe chez les jeunes délinquants un sentiment d’impunité, comme le prouvent régulièrement les ripostes de riverains lors de caillassages…

H. M. : Je pense que ce sentiment est légitime : les personnes qui le disent ont besoin de réponses et les élus sont dans leur rôle lorsqu’ils réclament plus de moyens humains ou matériels. Ce que je sais de la justice des mineurs, c’est qu’elle n’est pas laxiste, mais elle a peut-être pour « défaut » d’être trop lente à l’ère de la révolution numérique. Nous savons aujourd’hui qu’il faut attendre en moyenne 18 mois pour que les mineurs, qui commettent un premier méfait, soient définitivement condamnés. Personnellement, j’en ai rencontrés beaucoup, dans différents territoires et différents services, qui étaient jugés au bout de deux, voire trois ans. Et parfois, sur ce laps de temps, ils vont commettre d’autres faits. Cela peut donner un sentiment d’impunité, mais ce qui est sûr, c’est que les jugements, lorsqu’ils arrivent, sont sévères.

Avec la réforme de la justice des mineurs qui doit entrer en vigueur en septembre (voir Mayotte Hebdo n°945, ndlr), là où nous mettons 18 mois en moyenne, le délai obligatoire passera à neuf mois pour prononcer un jugement définitif. Cela va aussi être un nouveau paradigme pour les professionnels de l’éducation et les magistrats. C’est pour cela que des formations vont être mises en place très rapidement. Je pense et j’espère que l’opinion publique aura un nouveau regard sur la justice des mineurs.

Après quatre mois d’attente, les jurys peuvent enfin se réunir et donner leurs résultats aux étudiants de Mayotte

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Les étudiants de quatre licences attendent toujours leurs notes, alors qu’ils ont passé leurs examens en décembre. Un imbroglio qui vient en réalité d’une difficulté juridique pour nommer les jurys, explique Aurélien Siri, le directeur de l’université. Mais les compositions ont enfin été validées vendredi, et les commissions devraient pouvoir se réunir dans la semaine.

Ce qu’il se passe ? C’est que nous n’avons toujours pas reçu nos résultats, alors que nous avons passé nos examens en décembre…”, soupire Eve Desmonts-Pineau. Comme elle, ils sont de nombreux étudiants, en licence de droit, en administration économique et sociale (AES) et dans deux autres licences professionnelles du Centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte (CUFR), à compter les mouches depuis bientôt quatre mois. Sans nouvelle de leurs notes, alors même que les examens du second semestre doivent se tenir en avril. L’étudiante en licence 2 de droit est d’autant plus embêtée qu’elle s’est depuis envolée à La Réunion, pour le second semestre. “Mon université d’accueil souhaitait mes relevés de notes, j’ai dû leur envoyer celles de L1”, explique-t-elle.

 

La question du plein exercice

 

La raison de cette attente interminable ? Les compositions des jurys, qui n’avaient pas été validées. Plus précisément, “une divergence d’interprétation juridique sur l’autorité chargée de prendre l’arrêté”, procédant à la désignation des membres du jury, livre Aurélien Siri, le directeur du CUFR. Une affaire qui s’est rapidement transformée en usine à gaz, à en croire les échanges de mails que nous avons pu consulter, chacun y allant de sa propre analyse. Pour les uns, le directeur était tout à fait habilité à nommer les membres du jury et donc à signer l’arrêté ; pour les autres, le CUFR n’avait pas compétence, n’ayant pas autorité sur le dispositif. Et ses équipes pédagogiques ne pouvaient pas figurer dans le jury d’un diplôme national sans y être invitées par l’université partenaire.

Toute la difficulté vient de notre situation particulière, puisque nous préparons des diplômes que nous ne délivrons pas nous-mêmes”, déroule le responsable de l’université. En effet, le CUFR n’étant toujours pas une université de plein exercice, il repose sur des conventions de partenariat avec d’autres universités pour délivrer les diplômes, en l’occurrence celles d’Aix-Marseille et de Nîmes. Conséquence : entre les conventions, le code de l’Éducation et le décret constitutif du CUFR du 12 octobre 2011, “nous sommes régis par une pluralité de textes, et il n’est pas toujours évident d’appliquer la bonne réglementation”.

 

Un flou juridique soulevé par une nouvelle recrue

 

D’accord, mais pourquoi maintenant ? “La question ne s’est pas posée l’année dernière”, se souvient Eve Desmonts-Pineau, qui suggère la piste des rivalités qui ont, depuis, agité les hautes sphères du centre universitaire. Alors que le candidat Thomas M’Saïdié, par ailleurs responsable du département Droit-Économie-Gestion, était pressenti pour reprendre le flambeau, Aurélien Siri a finalement rempilé pour un mandat de deux ans, au terme d’une campagne houleuse. Que nenni ! En réalité, la zone d’ombre a été repérée par une nouvelle recrue au sein de l’administration de l’établissement. “Cette personne a soulevé une difficulté juridique que nous n’avions pas identifiée précédemment, et c’est un point positif dans notre démarche qualité”, souligne Aurélien Siri. Un voile levé, donc, mais qui aura tout de même fait perdre plusieurs mois – les propositions de composition en fonction des filières ont été envoyées depuis la mi-octobre – et sans doute quelques cheveux aux responsables des affaires juridiques des universités concernées… À noter que le confinement est venu lui aussi ajouter son grain de sel, grippant encore davantage la machine.

La bonne nouvelle, c’est que les experts ont enfin réussi à démêler ce nœud gordien. “L’arrêté qui désigne les membres des commissions de jury a été pris vendredi, et il appartient désormais au président de jury de réunir sa commission”, annonce Aurélien Siri. Qui table sur une publication des notes après délibération d’ici la fin de semaine, ou en début de semaine prochaine. À la bonne heure !

 


 

Au CUFR, les cours reprennent doucement face à la menace du Covid-19

 

Depuis ce lundi, une partie des étudiants ont repris le chemin de l’université. Après les annonces du préfet mercredi dernier et la levée du confinement, un comité de direction s’est en effet tenu vendredi pour décider des mesures à prendre face au risque de contaminations. Objectif : limiter au maximum les brassages au sein de la structure. Il a donc été décidé de maintenir pendant deux semaines les enseignements à distance, pour les cours magistraux et la plupart des travaux dirigés (TD). Seuls reprennent donc les travaux pratiques et les TD ne pouvant pas se dérouler en distanciel, comme par exemple les cours d’informatique, qui nécessitent un équipement et des logiciels particuliers. Pour ces enseignements, une jauge maximale de 50% de remplissage des salles a été fixée.

Dzoumogné : le tribunal administratif ordonne à la préfecture de reloger une famille dont la maison a été détruite illégalement

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En marge d’une opération menée par la préfecture à la mi-février, les témoignages d’une trentaine de familles ont fait état de destructions illégales, en dehors du périmètre prévu par l’arrêté préfectoral. Une famille a obtenu gain de cause dans le cadre d’un référé-liberté devant le tribunal administratif. La préfecture veut faire appel.

Une situation d’urgence, qui aura pris quatre longues semaines. Le tribunal administratif a accédé à la requête en référé d’une famille de Dzoumogné, dont la maison a été détruite le 16 février dernier, en marge de l’opération initiée par la préfecture, et surtout au dehors du périmètre défini par l’arrêté loi Élan du 6 janvier 2021. Le référé-liberté, cette procédure d’urgence visant à obtenir toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle l’administration aurait porté atteinte de manière grave et manifestement illégale, permet d’obtenir rapidement une décision, en l’occurrence, en 48h.

La famille, qui a déposé sa requête vendredi 6 mars, soit près d’un mois après la destruction illégale de la maison, a obtenu gain de cause lundi 9 mars. Notifiées de la procédure, ni la mairie de Bandraboua, ni la préfecture, n’ont apporté leurs contributions dans le délai imparti. L’ordonnance du 9 mars confirme que la parcelle occupée par la requérante et sa famille “a fait l’objet d’une régularisation à son profit” et qu’elle ne fait pas partie des cases visées par l’arrêté du 6 janvier ; par ailleurs la famille se retrouve “sans abri depuis le 16 février, n’étant ainsi ni protégés contre les intempéries, ni pourvus d’un point d’eau et de sanitaires leur permettant de vivre décemment, dans des conditions propres à garantir leur santé et leur sécurité”. Le juge ordonne ainsi à la préfecture de Mayotte de proposer une solution concrète de relogement ou d’hébergement d’urgence ainsi qu’un accompagnement social et psychologique dans un délai de 48h, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard. Le préfet doit aussi “mettre immédiatement” à disposition du foyer un accès à l’eau potable et à des sanitaires.

 

Les enfants ont accepté l’hébergement

 

Je suis très heureuse, mes parents, mes frères et sœurs, nous sommes tous contents de voir que le juge a reconnu que c’est notre maison, que ce qui nous est arrivé est injuste, et que nos droits aient été révélés”, sourit Lina*, la fille aînée qui a porté le combat des siens devant le tribunal. Avec son frère et sa sœur cadets, la jeune femme de 19 ans a pu obtenir un hébergement d’urgence moins de deux jours après la notification de l’ordonnance, dans le village de Mtsangadoua. “Nous sommes logés au premier étage de cette maison, ils nous ont apporté à manger, nous allons bien”, souffle-t-elle, visiblement soulagée. Le père et la mère, quant à eux, ont préféré rester à Dzoumogné, “pour veiller sur la maison”, qu’ils sont en train de reconstruire depuis le passage des bulldozers.

Tout cela interroge sur la notion d’urgence. La famille ne se révèle pas non plus demandeuse de soutien psychologique”, rétorque le sous-préfet Jérôme Millet, qui annonce sa volonté de faire appel de cette ordonnance. [Entretemps, une demande de suivi social et psychologique a bien été adressée vendredi soir par la famille] En attendant un autre dénouement, la préfecture doit toutefois accéder aux requêtes de la famille, reconnues par le tribunal. Une obligation qui “ne prouve en rien que c’est l’État ou la préfecture qui a démoli la case”, insiste celui qui est aussi secrétaire général adjoint et pilote les opérations de destruction. “Tout ce qui est dit, c’est que l’État est condamné car il y a des personnes sans abri et que l’État doit fournir un hébergement d’urgence. D’ailleurs, si cette famille n’avait pas fait l’objet d’une proposition, c’est pour la seule et bonne raison que l’État n’a pas démoli ces cases-là, qui ne figuraient pas dans l’arrêté”, persiste le sous-préfet.

 

“D’énormes zones d’ombre”

 

En effet, cette ordonnance du tribunal administratif ne reconnaît pas de responsabilité quant au fond de l’affaire, à savoir, la destruction illégale de 33 cases en dehors du périmètre établi par l’arrêté préfectoral. N’empêche. Selon Maître Ghaem, qui a conseillé la famille de Lina, “cette décision prouve que cette opération a été menée grossièrement ou qu’il y a en tout cas d’énormes zones d’ombre”. Il faut dire que les victimes pointent plutôt du doigt l’adjoint au maire de Bandraboua en charge de la sécurité, Soudjaye Daoud, qui aurait donné l’ordre de raser leurs maisons. Mais comment les engins de la Colas, missionnés par la préfecture, ont-ils pu s’exécuter ? Seule l’enquête judiciaire pourra apporter des réponses aux personnes sinistrées. Désormais, la famille de Lina prévoit d’envoyer une plainte directement au procureur de la République. “Nous voudrions être remboursés, car mon père a dû emprunter de l’argent à un ami pour reconstruire”, explique l’aînée. Soit quelques centaines d’euros, à peine de quoi couvrir des frais qui avoisinent les 7.000 euros, “sans même le mobilier”, nous indique-t-on.

Une fois la plainte envoyée, le procureur aura trois mois pour engager des poursuites, mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites, ou encore décider d’un classement sans suite. Quoi qu’il en soit, alors que la préfecture annonce un objectif musclé de 400 destructions de cases pour le premier semestre 2021, cette ordonnance du tribunal administratif risque en tout cas de faire tâche au tableau.

* le prénom a été modifié

L’évolution de la femme mahoraise au fil des générations

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Photo d'illustration

Elle est mère, travailleuse, leader, indépendante, ou encore femme au foyer. La femme maho-raise a de multiples facettes qui ont évolué au fil des générations. Peu à peu, sa place au sein du noyau familial a changé au même titre que sa place dans la société. Des femmes, témoins de l’évolution de la condition féminine à Mayotte, racontent leurs histoires.

Avant, les femmes étaient soumises parce qu’elles ne pouvaient faire autrement.” Ces mots sont ceux d’Irène, une grand-mère de 75 ans, qui se rappelle de ses jeunes années. Née d’un père breton installé à Mayotte, et d’une mère mahoraise, Irène n’échappe à l’éducation réservée à toutes les filles mahoraises, dites de bonnes familles, de sa génération. “J’ai eu la chance d’aller à l’école, ce qui n’était pas le cas de toutes les filles de mon âge à cette période. Mais à 15 ans, j’ai arrêté les études parce que mon père avait décidé qu’il était temps pour moi de me marier”, se remémore-t-elle. Elle, qui veut être sage-femme, se marie finalement à “un bon parti”, lui dit-on à l’époque. Âgée de 16 ans, elle ne s’y oppose pas. “Dans mon temps, c’était normal pour une fille de se marier à cet âge-là. Et j’ai accepté parce que je voulais être libre”, affirme-t-elle. Un moyen de s’émanciper de l’autorité stricte de ses parents.

Mais la liberté n’est que de courte durée puisqu’elle devient rapidement “une machine à faire des bébés”, concède-t-elle. La contraception n’existe pas… Et même lorsqu’elle a été autorisée en France, elle était encore très tabou à Mayotte ! “Les femmes étaient tout le temps enceinte. Moi-même, j’ai eu dix enfants !” Irène avoue avoir avoir essayé de contrôler sa fertilité, notamment à travers des méthodes de grand-mère mais rien ne fonctionne. Elle se retrouve donc à devoir s’occuper de sa maison, de ses enfants et de son mari. “Mon quotidien se résumait à ça. J’ai été éduquée pour être une bonne mère et une bonne épouse”, confie-t-elle.

Durant plusieurs décennies, ce mode de vie est la norme à Mayotte. Devenues mères, ces filles élèvent à leurs tour leurs enfants de cette manière. Sitti, 46 ans, en est la preuve. Elle se souvient parfaitement de la différence de traitement entre ses frères et elle. “Les garçons étaient autorisés à sortir, alors que mes sœurs et moi devions rester à la maison et apprendre à bien tenir un foyer. Et si par malheur on prenait le risque de sortir sans l’autorisation de nos parents, on nous frappait.” Son seul jour de répit coïncide avec celui de l’Aïd. Accompagnées de leurs grands-frères, Sitti et ses sœurs peuvent par exemple aller au cinéma. Des années plus tard, cette mère de famille s’estime tout de même chanceuse sur un point : “Heureusement, nous avions le droit d’aller à l’école, contrairement à d’autres.

 

La femme au sein du couple

 

À Mayotte comme ailleurs, l’homme est toujours le chef de famille. Il subvient à ses besoins et prend toutes les décisions. Tandis que la femme n’a pas son mot à dire, selon Irène. “Le mari pouvait faire ce que bon lui semblait dehors, avoir d’autres femmes, mais l’épouse n’avait pas le droit de se plaindre. Si elle le faisait, le mari racontait aux parents de la fille qu’elle a refusé de se donner à lui.” Autrement dit, elle se retrouve fautive. “Alors pour ma part, tous les soirs je devais être apprêtée pour plaire à mon mari. Nos mères nous expliquaient qu’une bonne épouse ne peut rien refuser à son époux”, continue Irène.

Cependant, à la surprise générale de tous, la jeune femme qu’elle était à l’époque sait s’affirmer lorsque son mari veut prendre une seconde épouse. “J’ai toujours été contre la polygamie. Certes, c’est autorisé dans la religion, mais ça fait mal. Alors lorsque mon mari m’en a parlé, je lui ai de-mandé le divorce. Au début, il ne voulait pas, mais je ne lui ai pas laissé le choix, je suis partie avec mes enfants”, dit-elle fièrement.

Cet épisode marque une nouvelle vie pour Irène qui décide de ne plus se remarier. Si cette dernière n’a jamais eu la chance de travailler, Sitti s’est battue pour être indépendante financière-ment. “Lorsque je me suis mariée, mon mari ne voulait pas que je travaille. Mais au fil des années, il a changé d’avis. C’était important pour moi parce que je voulais participer aux dépenses de la maison.” La mère de famille suit alors des formations, passe des examens et est aujourd’hui indépendante financièrement. Une fierté pour elle.

 

Entre tradition et modernité

 

L’histoire des deux femmes influence logiquement leur rôle de mère. “Quand j’ai commencé à avoir mes enfants, je pensais toujours que c’était mal pour une fille de sortir. Alors les miennes allaient simplement à l’école et puis c’est tout. Avec le temps, j’ai changé et j’élève ma dernière fille différemment. Elle pratique des activités extra-scolaires, elle fait du sport. Je veux qu’elle soit une grande sportive. Elle pourra faire les voyages scolaires, qu’autrefois j’avais interdit à ses grandes sœurs”, promet Sitti. De son côté, Irène se bat pour que ses enfants soient les seuls maitres de leurs vies. “Je voulais absolument qu’ils aillent tous à l’école, particulièrement mes filles. Je leur ai dit qu’elles avaient toutes les cartes en main, et qu’elles devaient bien jouer. L’une d’elle a voulu voyager pour faire des stages à La Réunion et je ne m’y suis pas opposée. Elle a commencé à travailler avant même de se marier”, affirme Irène, un large sourire comme pour marquer sa fierté. Son seul souhait ? Donner le choix à ses filles, chose qu’elle n’a pas eue. “Si une femme veut travailler tant mieux, si elle préfère rester à la maison s’occuper de son foyer c’est bien aussi. Laissez les femmes faire leurs propres choix”, clame Irène.

Mais force est de constater qu’à 75 ans, certains aspects de la modernité ou de l’occidentalisation lui échappent. “Je ne comprends pas qu’une femme puisse avoir plusieurs partenaires. Que vont penser les autres ? Aucune homme ne voudra d’elle après. Les hommes ne sont jamais stigmatisés, alors que les femmes sont traitées de tous les noms. Il faut donc se préserver”, souligne-t-elle. Un point de vue que ne partage pas sa petite-fille Inaya*, 22 ans, qui habite avec elle. “On ne s’entend pas sur ce point et sur d’autres sujets, mais je sais que je ne gagnerai jamais face à elle. Donc par exemple, lorsque je veux sortir, je lui dis que je vais avec des amis sans donner de détails”, avoue la jeune fille sous le regard perçant de sa grand-mère.

Malgré les quelques désaccords entre les deux femmes issues de générations différentes, Inaya sait la chance qu’elle a de pouvoir faire ce qu’elle veut. “Je suis consciente de tous les droits dont je bénéficie en étant une femme du XXIème siècle. Je trouve que les féministes en font trop, mais en même temps c’est ce “trop” de nos ancêtres qui nous a permis aujourd’hui d’avoir tout ce que l’on a.” Mais elle s’interroge également sur toutes les inégalités qui persistent encore de nos jours. “Je ne comprends toujours pas pourquoi les femmes sont moins bien payées que les hommes et surtout pourquoi cette injustice n’est pas réparée.” Sa grand-mère, un brin rebelle, acquiesce. Elle réalise amèrement que même si les causes sont différentes, les femmes seront toujours obligées de se battre pour faire valoir leurs droits.

*Le prénom a été changé

Fin du confinement à Mayotte, place au couvre-feu

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Alors que des milliers d’élèves reprennent le chemin de l’école cette semaine, plusieurs restrictions restent de mise pour éviter une nouvelle flambée épidémique. Objectif : débarrasser définitivement Mayotte du coronavirus.

C’est la rentrée ! Et pas n’importe laquelle. Depuis ce lundi 15 mars, 4h du matin, le confinement est levé à Mayotte, après cinq semaines au cours desquelles un nouveau pic épidémique a été atteint, à la mi-février. Les chiffres encourageants de la dernière quinzaine semblent indiquer que la seconde vague de Covid-19 marque le pas dans le 101ème département. Alors qu’au plus fort de la crise, le taux d’incidence dépassait le 900 cas pour 100.000 habitants, avec un taux de positivité avoisinant les 30%, les indicateurs sont aujourd’hui retombés à des niveaux proches de la moyenne nationale : sous la barre des 200 pour le premier, et 12,3% pour le second, d’après le dernier bulletin de l’agence régionale de santé.

 

Situation inquiétante à la Réunion

 

Un soulagement, alors que ce lundi signe aussi la fin des vacances scolaires. Les quelque 100.000 élèves de l’île sont attendus sur les bancs de l’école dès cette semaine. “J’appelle à la vigilance, car la situation reste sérieuse et Mayotte ne peut pas se permettre de rester sur un plateau élevé”, a toutefois mis en garde le préfet Jean-François Colombet lors d’une conférence de presse mercredi dernier, en pointant du doigt l’accélération de l’épidémie à La Réunion. Le ministre de la Santé et des Solidarités, Olivier Véran, a d’ailleurs annoncé jeudi que l’île Bourbon rejoignait les 20 départements placés sous surveillance, alors que le taux d’occupation en réanimation dépassait le 9 mars les 82,8%, sur les 122 lits ouverts.

 

Couvre-feu, rentrée par demi-jauge, protocoles sanitaires

 

D’où l’impératif de maintenir l’embellie actuelle à Mayotte. Le délégué du gouvernement a annoncé une série de dispositions pour consolider le “succès du confinement”, et s’assurer de “gagner la guerre” contre le virus. “Mon espoir, mon ambition, c’est que Mayotte soit la première à le faire”, a parié Jean-François Colombet. Première mesure : la mise en place d’un couvre-feu, de 18h à 4h du matin, tous les jours, y compris le week-end.

Tandis que les écoles primaires ouvriront leurs portes dès ce lundi, selon un protocole sanitaire strict, les collèges et les lycées accueilleront leurs élèves par demi-jauge, pour “éviter le brassage de 2.500 personnes dans les cours de récréation”. Une partie ira en classe dès lundi, l’autre le mardi, et ainsi de suite.

Autre nouveauté attendue cette semaine, les 73 mosquées du vendredi pourront de nouveau recevoir les fidèles, mais uniquement un jour par semaine, le vendredi. Les églises en feront de même le dimanche. À condition, bien sûr, de respecter là aussi un protocole strict, masques obligatoires, gel hydroalcoolique, jauges et distanciation sociale respectées.

 

Objectif : lever les restrictions le 4 avril

 

Côté entreprises, les commerces pourront rouvrir, mais les bars et restaurants resteront fermés, au moins jusqu’au 29 mars. Et le télétravail reste de mise dans la mesure du possible. Pour les services publics, il faudra encore attendre jusqu’au 22 mars pour se rendre aux guichets.

En fonction de l’évolution de l’épidémie, ces mesures pourront évoluer dans les semaines à venir. Si la dynamique positive se poursuit, le couvre-feu sera reculé à 20h dès lundi prochain, puis à 22h30 la semaine suivante. “L’objectif est que le 4 avril, soit une semaine avant le ramadan, nous puissions ouvrir les lieux de culte, lever le couvre-feu et autoriser à nouveau les moments festifs”, a annoncé Jean-François Colombet. Pour l’instant, les interdictions de rassemblement à plus de six personnes restent en effet de vigueur, et il en va de même pour les activités sportives en salle.

Quant à l’aérien, les motifs impérieux ne seront pas levés, et les frontières resteront fermées, même si des vols de rapatriement peuvent être envisagés pour les personnes qui en feraient la demande auprès de l’ambassade.

Réouverture des établissements scolaires à Mayotte : tout faire pour éviter les clusters

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Cela fait cinq semaines que les élèves de Mayotte suivent leurs cours uniquement à distance. La levée du confinement signifie un retour à l’école, mais non sans quelques précautions. Le rectorat met les bouchées doubles pour que les établissements scolaires ne soient pas le théâtre de clusters. Pour cela, 350.000 masques ont été fournis aux collèges et lycées, ainsi qu’aux écoles même si ces dernières sont gérées par les municipalités. Pour cette rentrée, les mesures sont plus strictes et quelques nouveautés font leur apparition.

Flash Infos : Quel bilan faites-vous des cinq semaines de confinement dans l’Éducation nationale à Mayotte ?

Gilles Halbout : En réalité, cela a été trois semaines de cours à distance et deux semaines de vacances. Pendant les trois semaines de cours, nous avons tout fait pour garder le lien avec les élèves, et globalement nous ne l’avons pas trop perdu, notamment chez les petits. Chez les plus grands, c’était plus compliqué parce que ce sont des adolescents, voire des jeunes adultes, plus difficiles à tenir. Mais en moyenne, nous n’arrivions pas à joindre facilement 5% des élèves. Par ailleurs, les retours sont plutôt bons : d’après les échos que nous avons, en tout cas au niveau des collèges et lycées, les plus autonomes ont su tenir la distance et ont continué à venir chercher les cours polycopiés.

Je tiens à saluer la pédagogie et la qualité du travail des enseignants. Mais le plus compliqué était de motiver ceux qui étaient en train de décrocher, car il n’y avait plus l’obligation de se rendre à l’école. Nous en avons donc perdus davantage par rapport aux petits, surtout dans les filières professionnelles : la formation à distance est moins motivante pour eux. Alors pendant les vacances, nous avons fait revenir les apprentis dans beaucoup de lycées et cela a très bien marché. Il y a eu beaucoup d’affluence dans tous les établissements concernés. Je ne dis pas qu’en deux semaines, nous avons rattrapé le retard accumulé. Mais nous avons limité la casse. Et il y a aussi eu des ateliers pour les petits dans certaines écoles.

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FI : Les élèves vont-ils être soumis au système de rotation comme ce fut le cas après le premier confinement ?

G. H. : Les quatrièmes, troisièmes, les secondes et les terminales vont venir un jour sur deux. Les autres classes ne sont pas concernées, car le travail en autonomie est moins simple pour les sixièmes et cinquièmes. Et les élèves de terminale doivent préparer le bac et le grand oral, donc ils ont besoin d’avoir des cours en présentiel. Il en ira de même pour les BTS. Ce système de jauge réduite sera applicable pendant deux semaines. Nous nous inscrivons dans la même dynamique de desserrement des contraintes que le préfet. Si au bout des deux semaines, la situation va mieux, cette mesure ne sera ensuite maintenue que dans les établissements où nous constatons une grande circulation du virus.

FI : Comment saurez-vous s’il y a une grande circulation ou pas ?

G. H. : Nous allons continuer les campagnes massives de tests selon trois critères : le nombre d’élèves positifs ; le nombre anormalement élevé d’élèves absents ; ou encore si l’ARS nous informe avoir repéré des signaux d’une forte circulation du virus dans la zone d’un établissement. Dans ce cas là, nous ferons tout de suite une campagne de test, et, en fonction des résultats, nous maintiendrons la jauge réduite ou pas.

FI : Quels autres dispositifs allez-vous mettre en place pour cette rentrée ?

G. H. : Il y a un changement majeur. Avant, nous fermions une classe à partir de trois cas. Ce sera désormais chose faite à partir d’un cas positif. C’est une mesure de prudence car nous partons du principe qu’à Mayotte, le virus sud-africain circule principalement. Or, il est particulièrement contagieux ! Donc si un élève est contaminé, il y en a sûrement quelques-uns qui le sont aussi.
Nous allons également renforcer le respect des gestes barrières, grâce à des services civiques. Ils ont été formés à cet effet. Ils pourront aller voir ce qu’il se passe dans les cours de récréation et à l’entrée des établissements. Ils peuvent aussi vérifier le nettoyage des mains des élèves, et l’entretien des classes. Nous avons aussi créé une adresse mail générique où l’on peut directement contacter le rectorat pour signaler un mauvais fonctionnement, ce qui nous permet d’agir très rapidement. Enfin, nous avons mis en place au rectorat une équipe opérationnelle qui assure le suivi des cas contacts, pour organiser les campagnes de tests et réceptionner toutes les alertes afin de les traiter.

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FI : Nous avons vu les tests salivaires arriver dans certains établissements scolaires de l’hexagone, est-ce que nous pouvons espérer la même chose à Mayotte ?

G. H. : Ils vont arriver, il n’y a pas de souci et nous communiquerons à ce sujet. Mais, attention, ces tests sont des PCR et non des antigéniques. Cela signifie qu’il faut attendre les résultats entre 24h à 48h, et nous ne sommes pas maîtres de la chaîne, parce que cela passe par plusieurs intermédiaires. Entre le moment où il y a un signalement et celui où nous déployons la campagne de test, il se passe au moins 24h. Ensuite, il faut attendre les résultats. C’est-à-dire qu’entre le moment du signalement et celui où nous devons prendre une décision, il s’est peut-être passé trois jours. Dans notre politique de réactivité, ce n’est pas satisfaisant. Nous aurons donc toujours nos tests antigéniques. D’autant plus que dans notre académie, il n’y a pas beaucoup de réticence, contrairement à d’autres.

Statistiques : Emploi et chômage en baisse au 2ème trimestre 2020, l’envers du décor du confinement à Mayotte

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L’Institut national de la statistique et des études économiques a dévoilé l’enquête emploi du 2ème trimestre 2020 à Mayotte. Alors que 3.000 personnes ont perdu leur emploi sur la période, le chômage, lui, a baissé de deux points. Des chiffres en trompe-l’œil qui peuvent se justifier par les conséquences du premier confinement. Explications.

C’est à s’en taper la tête contre le mur… D’un côté, l’Institut national de la statistique et des études économiques annonçait jeudi dernier que 3.000 personnes – principalement les 30-49 ans, les femmes et les natifs de l’étranger – avaient perdu leur emploi au cours du 2ème trimestre 2020. De l’autre, que le chômage avait baissé pour atteindre 28%, soit deux points de moins qu’un an plus tôt. Deux fractions qui s’expliquent par un dénominateur commun : le confinement mis en place lors de la première vague ! « La crise sanitaire a mis un coup d’arrêt après les mouvements sociaux en 2018 », a précisé Bertrand Aumand, le chef du service régional de Mayotte.

Sur la période en question dans le 101ème département, 49.000 actifs occupaient un emploi au sens du Bureau international du travail, c’est-à-dire qu’ils avaient effectué au moins une heure de travail rémunéré au cours de la semaine de référence. Avec l’arrivée du Covid-19 sur l’île aux parfums, « les femmes de ménage, les jardiniers, les maçons pour un particulier et les non-salariés » n’ont pas pu bénéficier autant des dispositifs d’activité partielle que les salariés en entreprise ou des autorisations d’absence en vigueur dans la fonction publique et se sont donc retrouvés privés de revenu.

 

La subtilité du halo autour du chômage

 

Dans le même temps, les données recueillies ont fait état d’une diminution du nombre de demandeurs d’emploi pour se stabiliser à 54.000, soit 35% de la population en âge de travailler. « Mais cela ne traduit pas une amélioration du marché du travail. » Une raison simple justifie cette diminution : la réduction des recherches actives d’emploi, notamment dans les secteurs d’activité à l’arrêt. En effet, difficile dans les conditions du confinement, qui « a été plus long que dans les autres territoires français », de remplir l’un des trois critères pour être considéré comme un chômeur. Ils étaient 35.000 dans ce cas de figure. C’est ce que l’on appelle, dans le jargon de l’Insee, le halo autour du chômage, qui « a augmenté de manière conséquente ». À cela s’ajoutent les 53.000 personnes qui ne souhaitent pas du tout travailler, soit 34% des plus de 15 ans. En augmentation de trois points par rapport à 2019.

Toutes ces subtilités de l’enquête 2020, « réalisée dans des conditions sanitaires compliquées », ont pu biaiser les résultats. Il est fort à penser que la prochaine étude, qui a débuté le 1er mars, pourrait rebattre les cartes. « Nous pourrons avoir une nette évolution quand nous sortirons du confinement et de la crise. Nous espérons que l’emploi va repartir à la hausse », a conclu avec un brin d’optimisme Bertrand Aumand.

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Précisions sur les termes techniques employés

 

Personne en emploi au sens du BIT : personne ayant effectué au moins une heure de travail rémunéré au cours de la semaine de référence, ou absente de son emploi sous certaines conditions de motif (congés annuels, maladie, maternité, chômage partiel (ou technique), etc.) et de durée.
Chômeur au sens du BIT : personne âgée de 15 ans ou plus qui est sans emploi la semaine de référence, qui est disponible pour travailler dans les deux semaines à venir, qui a effectué, au cours des quatre dernières semaines, une démarche active de recherche d’emploi ou a trouvé un emploi qui commence dans les trois mois.
Personne active au sens du BIT : personne en emploi ou au chômage.
Taux d’emploi : rapport entre le nombre de personnes en emploi et la population en âge de travailler (15-64 ans).
Taux d’activité : rapport entre le nombre de personnes actives et la population en âge de travailler (15-64 ans).
Halo autour du chômage : personnes sans emploi qui ont effectué une démarche active de recherche d’emploi mais ne sont pas disponibles pour travailler dans les deux semaines à venir ; personnes qui n’ont pas effectué de démarche active de recherche, mais souhaitent un emploi et sont disponibles pour travailler ; personnes qui souhaitent un emploi, mais n’ont pas effectué de démarche active de recherche et ne sont pas disponibles pour travailler.

 


 

Deux fois moins d’enquêtés en raison de la crise sanitaire

 

La collecte de l’enquête Emploi à Mayotte a lieu chaque année au 2ème trimestre depuis 2013. Menée du 2 mars au 6 juillet, la collecte 2020 a été affectée à double titre par la crise sanitaire. D’une part, la situation des personnes sur le marché du travail a été marquée par le confinement généralisé de la population du 17 mars au 25 mai. D’autre part, les interrogations en face-à-face ont été suspendues dès le 11 mars. « Seules les interrogations au téléphone ont été réalisées auprès des ménages qui avaient déjà répondu à l’enquête l’année précédente. Ces conditions de collecte dégradées se sont traduites par des répondants deux fois moins nombreux : 1.100 ménages au lieu des 2.200 habituels », a précisé Bertrand Aumand, le chef du service régional de l’Insee. Les méthodes de redressement permettent néanmoins d’obtenir des données qui restent représentatives de l’ensemble de la population. En revanche, elles ne permettent pas d’estimer aussi finement qu’à l’habitude la situation sur le marché du travail par sous-populations (par sexe, âge ou lieu de naissance). L’intervalle de confiance du taux de chômage de Mayotte est quant à lui plus large qu’à l’ordinaire, de l’ordre de trois points.

Un chantier et des coupures pour rééquilibrer l’alimentation en eau de la zone Sud

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Alors que le 101ème département a vécu au gré des coupures nocturnes et diurnes pendant quatre mois en fin 2020, il n’aura fallu qu’une semaine, après la levée des tours d’eau le 15 janvier dernier, pour que de nouvelles interruptions sévissent dans le Sud de l’île. La raison de ce désagrément ? Le basculement de l’alimentation de la zone de Tsoundzou par la ressource de Passamaïnty Gouloué pour « rééquilibrer le Sud », explique Vita Naouirou, le directeur d’exploitation eau potable au syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte.

Au programme de ce chantier évalué à 50.000 euros : mettre en distribution le forage Gouloué III, initialement dédié à l’usine de Mamoudzou et alimenter Tsoundzou II, la Guinguette et la Palmeraie à partir du réservoir de Passamaïnty. « Dorénavant, seul le quartier Jardin des épices dépend du Sud et du réservoir d’Ourovéni », précise l’expert. « On a identifié les volumes excédentaires et déplacé 450 mètres cubes par jour. » Un bol d’air non négligeable pour les communes concernées par un déficit d’eau.

Et pour prévenir une éventuelle pénurie, le Smeam compte injecter 11 millions d’euros avant la fin de l’année pour augmenter les volumes produits par les forages de Kawéni Lajolie et de Béja (plus 700 mètres cubes par jour), exploiter les forages de Kawé 2 et Kawéni F1 et F2 en eau traitée (plus 1.200 mètres cubes par jour), et réhabiliter et mettre en service le forage de Miréréni (plus 1.000 mètres cubes par jour). « Nous devons encore débloquer les financements », confie Aminat Hariti, la vice-présidente en charge de la communication, de l’adduction et de l’eau potable.

Voilà pour le court terme. Sur le plus long terme, il est grand temps de mener une vraie politique par rapport au pacte de l’eau, qui prévoit un investissement massif de l’ordre de 500 millions d’euros d’ici 2032. « Il nous reste toujours les problèmes de canalisations, de réservoirs et d’unités de potabilisation », souligne Ali-Habibou Mistoihi, le directeur investissement eau potable. Sans oublier les transferts d’une zone à une autre en cas de turbidité. « Nous finalisons cet automatisme avec les exploitants.»

Si le chantier sur la production d’eau est sur les rails, le défi du Smeam est titanesque, tant les retards se sont accumulés au cours des dernières années, pour réajuster et rééquilibrer l’intégralité du réseau. « Les ouvrages ne sont plus à la hauteur des attentes. L’objectif est vraiment d’anticiper », insiste Aminat Hariti. Entre la résolution des problèmes techniques, l’identification des fuites et la construction des infrastructures essentielles au bon développement du territoire, de l’eau risque de couler sous les ponts…

En plein débat sur le passeport vaccinal, Corsair va tester un certificat de santé numérique pour rejoindre la métropole et Mayotte

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Plusieurs compagnies aériennes testent la solution technologique de la société AOKpass, qui permet de garantir la validité du test effectué par le voyageur. Des initiatives qui doivent permettre de retrouver une certaine liberté de circulation, malgré la crise sanitaire.

Passeport vaccinal ? Pass sanitaire ? Passeport vert ? Alors que la cacophonie règne entre les 27 pays membres de l’Union européenne au sujet d’un hypothétique laisser-passer anti-Covid, les compagnies aériennes mettent les gaz. C’est notamment le cas de Corsair, qui vient d’annoncer le lancement prochain d’un certificat de santé numérique pour les passagers voyageant de Paris vers la Guadeloupe, La Réunion, et Mayotte.

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Attention ! “Il s’agit vraiment d’une phase de test, il ne faut pas faire de confusion”, insiste Jules Perreau, le directeur régional de la compagnie. À ceux qui pestent déjà contre une nouvelle formalité, pas d’inquiétude donc. “Nous ne demandons pas aux clients de fournir un document en plus ou de passer par tel ou tel laboratoire”, développe le responsable de la région océan Indien. Un grand “ouf” de soulagement, alors que les motifs impérieux exigés à Mayotte provoquent leur lot de déconvenues…

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L’essai doit débuter à la troisième semaine du mois de mars. La compagnie française, comme Air Caraïbes, French Bee et Air France avant elle, va recourir aux services de la société AOKpass qui développe ce certificat de santé numérique lancé par la Chambre de commerce internationale (ICC), International SOS / MedAire et SGS.

 

Résultat “infalsifiable” grâce à la blockchain

 

Concrètement, des laboratoires partenaires du dispositif fournissent un QR code au passager testé pour le Covid, qui, une fois scanné par la compagnie aérienne permet de remonter directement au résultat. “Nous pouvons ainsi vérifier que le test est valide, cela permet d’éviter les faux”, déroule Jules Perreau. Le tout certifié et sécurisé grâce à la technologie de la blockchain. “Il faut le voir comme un Whatsapp crypté de bout en bout qui rend le résultat infalsifiable et permet une protection importante des données.” Un indispensable, dès lors qu’il s’agit de d’informations médicales.

De quoi aussi soulager les voyageurs sur l’accent mis par Corsair sur le respect des protocoles sanitaires. “Je pense que c’est une bonne idée, si cela peut nous permettre de revoyager”, salue Madi, un habitant de Mamoudzou interrogé sur la question. Même son de cloche pour Souma qui tient un garage à son nom à Passamaïnty : “J’ai hâte que les vols reprennent normalement, moi je voyage souvent.” Prêt pour le décollage !

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Avec le passeport vaccinal, le risque d’une injustice ?

 

En attendant que les 27 accordent leurs violons, Emmanuel Macron a déjà refusé l’idée d’un passeport vaccinal, source potentielle d’injustices tant que l’intégralité de la population n’a pas reçu les précieuses injections. Le 25 février, le président de la République a plutôt évoqué un pass sanitaire numérique, pour justifier d’une protection, que ce soit un vaccin, un test PCR ou un test antigénique négatifs. “J’ai eu le Covid il y a un mois, donc je dois attendre encore deux mois pour le vaccin. Si on nous oblige à nous faire vacciner pour voyager, il faut d’abord que tout le monde puisse y avoir accès”, acquiesce Souma, âgé de 52 ans.

« Passer des études à la réalisation effective des projets à Mayotte », le leitmotiv d’Algoé Consultants

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Société de conseil et d’accompagnement en management, Algoé Consultants s’est implantée à Mayotte en septembre 2020. Son objectif auprès des collectivités et des établissements publics : encourager à passer à l’action, sanctuariser les coûts internes, dresser les priorités et développer des moyens de pilotage conséquents. Entretien avec le directeur exécutif, Sixte de Malliard.

Flash Infos : Algoé Consultants, la plus ancienne société de conseil français, s’est installée à Mayotte en septembre dernier. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à faire le grand saut dans le 101ème département ?

etudes-realisation-projets-mayotte-leitmotiv-algoe-consultantsSixte de Malliard : À la suite d’un travail sur les constructions scolaires avec le rectorat, la préfecture et la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal), nous avons imaginé avec notre comité de direction un lien pertinent entre Algoé et Mayotte. Notre idée est vraiment de nous implanter durablement sur le territoire. Nous ne voulons pas être vus comme des mercenaires !

Comme vous le dites, nous sommes la plus ancienne société de conseil français puisqu’elle date de 1959. Nous sommes indépendants dans le sens où 80% de l’actionnariat appartient aux salariés. C’est important pour nous car quand nous réalisons des missions de conseil, nous ne devons pas prendre parti. Nous avons trois grands domaines de savoir-faire : la stratégie et l’innovation ; le fonctionnement de l’entreprise ; la sécurisation des projets et des programmes. Et nous intervenons sur quatre pôles : la maille territoriale (collectivités, conseils départementaux, établissements publics fonciers, etc.) ; les transports et les mobilités ; les investissements immobiliers ; l’énergie et l’environnement.

FI : Justement, en parlant de votre champ d’intervention, qu’en est-il à Mayotte ?

S. D. M. : Nous intervenons fortement auprès du rectorat sur six projets – les lycées de Chirongui et des métiers du bâtiment à Longoni, les collèges de Kani-Kéli et de M’Tsangamouji, la cuisine centrale, l’internat et le gymnase de Kawéni. Nous apportons également notre assistance à l’élaboration de la programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2023 et 2024-2028. Vous le savez, Mayotte est très largement dépendante des énergies fossiles. Le département a l’ambition de mettre l’accent sur les énergies renouvelables, à l’instar du solaire. Nous avons répondu au projet de concertation sur la nouvelle piste en partenariat avec une boîte de communication locale et nous travaillons sur la rénovation urbaine avec les communes de Mamoudzou et de Koungou. Plus récemment, nous avons pris contact avec des acteurs immobiliers, comme Soliha, par rapport à la résorption de l’habitat indigne.

Quand nous avons touché le territoire pour la première fois il y a trois ans, nous nous sommes dit que notre expérience serait très intéressante. Le déficit d’encadrement et de compétence est important sur l’île.Nous avons noué des liens avec le centre national de la fonction publique territoriale et avons engagé des démarches avec le CUFR de Dembéni pour des formations et des stages aux étudiants. Le but de notre plan de déploiement consiste à faire profiter de nos savoir-faire aux jeunes de l’université. Nous rêvons d’une équipe de consultants locaux qui fasse un parcours chez nous avant d’irradier les collectivités. À titre d’exemple, beaucoup de nos anciens employés travaillent aujourd’hui à la métropole de Lyon. Nous aimerions faire de même sur le long terme à Mayotte.

FI : Quel regard portez-vous sur l’aménagement du territoire, notamment au niveau des obstacles qui empêchent certains projets d’aboutir ?

S. D. M. : Il y un déficit criant de foncier. C’est la raison pour laquelle l’établissement public foncier et de l’aménagement à Mayotte (Epfam) a un rôle primordial dans la création de zones et d’activités. Pour aménager un territoire, il faut développer l’économie locale. L’agriculture, le tourisme ou encore le transport sont des défis majeurs. Il ne faut pas sortir de Polytechnique pour le dire.

C’est ce que nous ne cessons de répéter à nos interlocuteurs, il y a un vrai problème de compétences et d’avancées. Or, l’un de nos métiers historiques est le management de projet. C’est cela dont a vraiment besoin l’île : installer les méthodes, les outils et les organisations nécessaires pour implémenter les projets. L’une des difficultés majeures est de réussir à passer à l’action. Mais pour cela, il est nécessaire de sanctuariser les coûts internes qui sont bien souvent « cachés » dans les finances publiques. En d’autres termes, cela aiderait énormément de consacrer 3 à 4% du budget global dans la direction de projet. À l’heure actuelle, ces moyens financiers ne sont pas mobilisés. Moralité : quand vous n’avez pas de pilote dans l’avion, celui-ci ne vole pas…

FI : Pensez-vous toutefois que les acteurs locaux ont pris conscience de cette donnée pour mener à terme leurs projets respectifs ?

S. D. M. : Indéniablement, le rectorat a progressé sur la façon d’organiser son pilotage. Après, est-ce le cas dans d’autres univers comme le logement, les équipements sportifs et les constructions dans le 1er degré ? Cela ne me semble pas encore être le cas… Selon moi, il y a des déficiences ! Des études de mission de l’État ont reconnu des manques dans l’ingénierie.

Après, un certain nombre de projets sont plutôt bien avancés, comme ceux sur Chirongui et Mamoudzou. Mais il y a une telle multitude de projets, qu’on voit surtout ceux qui ne décollent pas. Dans ces conditions, il faut se structurer et dresser des priorités. Et certaines collectivités et organismes publics le font plus ou moins bien, à cause peut-être de pression politique.

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Viol aggravé sur mineure au commissariat de Mamoudzou : le dossier sera réexaminé mardi prochain

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La semaine dernière, un policier adjoint de sécurité a été mis en examen pour viol aggravé sur une mineure de moins de 15 ans. L’agent a ensuite été libéré sous contrôle judiciaire. Yann Le Bris, procureur de la république, a fait appel de la décision et demande la détention de l’homme de 19 ans.

L’histoire se passe le 28 février dernier, dans la soirée. En service, le policier aurait fait venir la jeune fille de 14 ans devant le commissariat. Selon ses proches, ils étaient amis. Le jeune homme, de cinq ans son aîné, avait même pris l’habitude de lui apprendre à conduire. C’est donc sans aucune appréhension qu’elle l’a rejoint au commissariat. Arrivée sur place, et ne voyant pas la voiture, la jeune femme aurait commencé à se poser des questions. Elle aurait déclaré à sa famille, avoir “remarqué qu’il était bourré”. Inquiète, elle aurait cherché à partir. C’est à ce moment que l’adjoint de sécurité l’aurait menacé avec son arme, la forçant à le suivre jusqu’au fond du parking, dans une maison abandonnée.

Il l’aurait alors obligée à lui faire une fellation, gardant l’arme pointée sur elle pendant tout l’acte. Selon ses proches, l’adolescente est traumatisée. “Elle souffre, elle s’enferme, elle ne veut pas parler ”, témoigne un membre sous couvert d’anonymat. L’auteur présumé des faits, lui, a passé 48 heures en garde-à-vue, avant d’être placé sous contrôle judiciaire vendredi dernier, avec interdiction d’entrer en contact avec la victime. “Cette personne n’avait pas lieu d’être dans la police”, martèle Me Nadjim Ahamada, l’avocat de la plaignante, en soulignant le caractère aggravant lié à l’état d’ébriété de l’agent sur son lieu de travail et à l’âge de la jeune fille.

 

Le procureur fait appel de la décision

 

Placé sous contrôle judiciaire par le juge des libertés et de la détention, l’agresseur présumé est actuellement dehors. Décision aussitôt contestée par le procureur de Mayotte Yann Le Bris qui a choisi de faire appel. Comme le juge d’instruction, il avait soulevé qu’il y avait “des risques de pression sur la victime ou les témoins et des risques de réitération des faits”. “J’ai aussi ajouté un risque de trouble à l’ordre public parce que les faits ont eu lieu dans le commissariat” déclare-t-il. Le dossier sera examiné mardi prochain.

De chemin d’écueils en famille d’accueil

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Ils étaient, en 2019, une quarantaine de mineurs à être placés par le juge des enfants en famille d’accueil à Mayotte. Une mission confiée à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) afin de rompre avec un environnement familial ou social souvent difficile. Mais comment trouver sa place dans un foyer qui n’est pas celui de ses parents ? Comment se repentir, se reconstruire, lorsqu’on est encore qu’un enfant ? Ils racontent.

Sur ses genoux, Romain* fait danser une petite fille en robe rouge d’à peine un an, les bras tendus vers le ciel. La télévision, à l’autre bout du salon, diffuse dans la pièce les voix enfantines d’un dessin animé. Pendant quelques secondes, la bambine quitte des yeux l’écran aux formes colorées pour jeter un regard émerveillé au visage de l’adolescent. Ils se sourient comme s’ils s’étaient toujours connus. Comme s’ils avaient toujours vécu et grandi ensemble. Pourtant, Romain ne fait partie de la famille que depuis 2019.

Quand il est arrivé, il n’était pas du tout comme ça, je passais mes journées à le chercher de village en village”, se souvient Madame Alifa*, en regardant sa petite-fille virevolter entre les mains du garçon. “Elle l’aime beaucoup, c’est comme un grand frère !” Romain n’a aucun lien de sang avec celles qui peuplent la maison. Son placement en famille d’accueil a été ordonné par le juge des enfants, devant lequel il comparaissait pour « des bêtises », comme le résume sobrement l’adolescent de 14 ans en fixant le plancher entre ses pieds. Lorsqu’il s’agit d’évoquer les faits pour lesquels il a été condamné, Romain devient presque mutique. Une part de timidité, et assurément, une autre de regret. Alors son éducateur prend le relais, pour raconter l’histoire du jeune qu’il accompagne depuis le jour de son jugement.

“Je ne savais pas que tout ça pouvait m’amener devant la justice”

Romain est impliqué dans deux affaires, mais les faits qu’il a commis ne sont pas très graves”, commence Mohamed Soumaila sans donner trop de détails. “C’est plus sa situation personnelle qui commençait à inquiéter, notamment un début de fréquentation de groupes, un début d’errance.” Romain se met alors à sécher les cours et fréquente de moins en moins le foyer familial. “Son jugement a déclenché une mise sous protection judiciaire pour poursuivre le travail éducatif. Si on le lâchait à ce moment-là, il risquait de sombrer.

D’ici la fin de l’année scolaire, l’adolescent devrait pouvoir retourner vivre auprès de sa véritable famille, en Petite-Terre. “C’est lui qui a proposé de rester ici le temps de terminer sa troisième ! Il sait que s’il retourne là-bas, il risque encore de recommencer les bêtises”, souligne Madame Alifa dans un regard bienveillant. “Il est lui-même conscient de ses fragilités”, commente à son tour l’éducateur. D’ici peu, Romain devrait pouvoir réintégrer progressivement le cocon familial, uniquement le temps des week-ends, dans un premier temps. “Nous avons connu des débuts de retour en famille qui ont été difficiles car la famille rencontrait encore des difficultés à poser un cadre. Là, nous travaillons, en soutenant la maman sur cette dynamique-là, à travers des entretiens avec la psychologue, des entretiens avec le jeune, nous sensibilisons la maman à mettre en place un couvre-feu et à prévenir immédiatement l’agent d’astreinte lorsque le jeune ne rentre pas”, égraine Mohamed.

 

Trois familles en trois mois

 

De l’autre côté de la pièce, une jeune fille, les cheveux enroulés dans un châle rose assorti à sa robe, pose sur la table basse une assiette de samoussas. Elle, c’est Naïssa*, 17 ans. Installée dans la maison depuis le mois de décembre dernier, elle aussi a déjà eu affaire à la justice. “C’est à cause des groupes de jeunes, c’est ce qui m’a amenée jusqu’ici.” Elle attrape du bout des doigts un pan de sa tunique, et le tort machinalement. “Des bagarres, des vidéos qui sortent par ci, par là. Je ne savais pas que tout ça pouvait m’amener devant la justice.

Si elle partage le même toit que Romain, l’histoire de Naïssa est bien différente. En trois mois, elle a déjà connu trois familles d’accueil. “Au début, ça a été très difficile pour moi. J’ai commencé à fuguer quand j’étais dans ma première famille. Alors j’ai été placée à Chiconi, mais je ne me sentais pas du tout à l’aise, je ne faisais rien de la journée, on ne me parlait pas. Mais ici, je me sens beaucoup mieux.” Jamais loin, Madame Alifa acquiesce. “Quand elle est arrivée, elle dormait tout le temps, elle passait son temps dans sa chambre. Puis je l’ai vue changer : maintenant, elle se lève de bonne heure, elle aide un peu à la maison, pour le ménage.” Petit à petit, Naïssa s’adapte au cadre, à l’autorité érigés par sa nouvelle vie.

 

Renouer avec la famille d’origine

 

Le changement de plusieurs familles, jusqu’à rencontrer la bonne n’est pas quelque chose d’évident à vivre pour les jeunes”, reconnaît Hugues Makengo, le directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), le service chargé de l’éducation, de la protection et de l’insertion des mineurs en conflit avec la loi. Celui-là même tenu de gérer les différents dispositifs de placement, entre autres. “Quand ça se passe mal, ce n’est pas que la famille est mauvaise, mais simplement qu’elle ne correspond pas au profil, à la personnalité ou au parcours du mineur.” En face de lui, Mohamed hoche la tête sous son masque : « Ça fait partie de nos premières missions : préparer les jeunes pour qu’ils puissent s’intégrer correctement à leur nouvelle famille, ça conditionne pas mal la prise en charge du jeune pour l’après. Alors la singularité est une dimension très importante.

D’ici quelques mois, Naïssa devrait passer son baccalauréat à Kahani, où elle est scolarisée. Et déjà, ses démêlées avec la justice semble loin derrière elle. “Je voudrais aller en métropole, à Vanne ou à Rennes pour suivre une formation d’apprentissage pour devenir agent immobilier et pouvoir travailler. J’ai hâte d’avoir 18 ans, j’ai envie de faire beaucoup de choses.” Elle marque une courte pause. “M’éloigner de ma mère m’a fait prendre conscience de mes erreurs.” Une mère qu’elle ne retrouvera pas avant le mois d’avril, mais avec qui elle échange régulièrement par téléphone. “Le but du placement n’est jamais de rompre les liens avec la famille”, précise d’emblée l’éducateur qu’elle partage avec Romain et qui leur rend visite, à minima, une fois par semaine. “Nous rencontrons d’ailleurs des jeunes qui sont dans des situations délicates vis-à -vis de leur famille avant leur placement et notre travail à nous est qu’ils renouent.

“Cette aide, nous devons l’accepter”

Naïssa esquisse un sourire qui illumine la pièce. “La PJJ nous aide parfaitement dans tout ce dont on a besoin : elle aide nos familles, elle nous aide nous-même. Cette aide-là, nous devons l’accepter parce qu’elle a tous les avantages.” Des avantages, Madame Alifa en connaît d’autres depuis deux ans et demi, lorsqu’elle a décidé d’ouvrir sa porte à des enfants qui n’étaient pas les siens. “Ma fille venait de partir vivre en métropole, et l’autre s’est mariée. Je me suis retrouvée toute seule à la maison et ça me faisait peur. En plus, j’avais du temps pour accueillir des jeunes et les aider comme je pouvais.” Elle lève au plafond ses yeux en amande, cerclés d’un trait de crayon noir. “Maintenant, j’ai de la compagnie.” Elle tourne la tête vers Romain, assis à côté d’elle. “Quand il partira, cela fera deux ans qu’il vivait ici. Je n’arrive pas vraiment à imaginer son départ, mais il y a des jeunes qui continuent de me donner des nouvelles et qui continuent de m’appeler, ça me fait chaud au cœur.” Un doux rire s’échappe de ses lèvres. “D’ailleurs Naïssa a déjà promis d’aider ma fille à faire du tissage après son départ. Elle sait très bien tresser !” En croquant à pleine bouche dans un samoussa, la petite fille en robe rouge jette un clin d’œil espiègle avant de retourner jouer dans le salouva de sa grand-mère, pas peu fière de pouvoir partager ses journées avec des camarades de jeu.

* Les noms et prénoms ont été modifiés.

Retrouvez l’intégralité de la deuxième partie de notre dossier consacré à la délinquance des mineurs sur le dernier Mayotte hebdo.

 


 

Famille d’accueil, en pratique

 

À Mayotte, l’accueil en famille représente 50% des placements de mineurs délinquants. Ils sont aujourd’hui 28 à être ainsi accueillis au sein d’une dizaine de foyers répartis au quatre coins de l’île. “Nous disposons normalement de 24 places, mais les demandes sont toujours importantes”, commente la PJJ. “Le service est en permanence à 116% de sa capacité et compte donc trois à quatre jeunes de plus.” Les séjours peuvent durer de quelques jours, le temps qu’une place se libère dans un autre dispositif, jusqu’à plusieurs années.

Les familles candidates doivent au préalable justifier d’une certaine stabilité sociale et économique pour accueillir au mieux les enfants placés – jusqu’à deux simultanément par foyer. Dans un second temps, elles sont entendues par un psychologue qui fait à son tour une évaluation des capacités de prises en charge, notamment sur le plan moral.

Une fois le mineur placé, son éducateur lui rend visite à domicile une fois par semaine, à minima. Selon la situation, des liens plus ou moins étroits sont maintenus avec la famille d’origine, qui est aussi accompagnée par le référent de l’enfant, notamment lorsque ses parents manifestent des problèmes d’autorité.

Chaque famille d’accueil reçoit une indemnité journalière de quelques dizaines d’euros (45 euros) par jour de placement et par enfant. Une modique somme servant à couvrir l’hygiène et l’alimentation. Les autres frais médicaux, vestimentaire, de transport et de scolarisation étant à la charge des familles ou de la PJJ.

La directrice de la Cress Mayotte dans le top 100 des femmes européennes engagées dans l’entrepreneuriat social

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Directrice de la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire de Mayotte depuis un an, Maymounati Moussa Ahamadi voit son travail déjà salué par tous, y compris à l’échelle européenne. Elle vient d’être classée dans le top 100 des femmes d’Europe qui se sont engagées dans l’entrepreneuriat social.

Elle cherche encore celui ou celle qui se cache derrière sa nomination… À 36 ans, Maymounati Moussa Ahamadi fait partie des 100 femmes européennes les plus engagées dans l’entrepreneuriat social, selon Euclid Network, une organisation européenne qui soutient les entreprises sociales. Dans cette liste se trouvent 4 Françaises, dont Maymounati, la seule ultramarine du lot. Cette reconnaissance est à l’origine d’un(e) inconnu(e). “Les personnes nommées ont été recommandées par d’autres, et jusqu’à maintenant je ne sais toujours pas qui a déposé ma candidature”, sourit-elle. L’admirateur ou admiratrice secret.e aura pris de court la principale concernée qui n’imaginait pas ce qui se tramait. “Lorsque que l’on m’a annoncée la nouvelle, j’étais vraiment surprise d’être nommée aux côtés de toutes ces femmes inspirantes du monde”, raconte-t-elle.

Et une fois l’émotion passée, elle réalise que cette reconnaissance a une valeur symbolique. Non pas pour elle, mais pour toutes les autres femmes mahoraises. “À travers cette nomination, ce sont toutes les femmes de Mayotte, d’hier, d’aujourd’hui et de demain qui sont placées au sommet de l’Europe. Je pense qu’à aucun moment, les Chatouilleuses ont imaginé qu’une de leurs enfants les représenterait au niveau européen”, selon la directrice de la Cress Mayotte. Elle espère surtout être un exemple pour toutes les petites filles mahoraises qui cherchent un modèle auquel s’accrocher, à l’exemple de la sienne qui a 8 ans. “On ne peut pas laisser nos enfants sombrer dans la délinquance. Nos parents ne nous ont pas abandonnés, alors pour-quoi on baisserait les bras ? Je veux donner de l’espoir et du courage à tous ces enfants qui en ont besoin”, clame-t-elle.

 

L’économie sociale et solidaire, son combat

 

Maymounati Moussa Ahamadi dirige la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire depuis mars 2020, à l’aube de la crise sanitaire. Malgré le contexte particulier, son équipe et elle ont été présents pour les entreprises dans le besoin. “On a continué notre activité, on s’est surpassés et on a dépassé les objectifs fixés dans les conventions parce qu’on savait qu’il y avait des besoins. Nous avons consolidé les emplois déjà existants et avons fait en sorte d’en créer des nouveaux malgré la crise”, indique-t-elle. Sa motivation ? La solidarité qui est ancrée dans les mœurs mahoraises. “L’ADN des Mahorais, c’est de travailler ensemble, de lutter pour le territoire en y apportant des actions concrètes. Notre ADN repose également sur l’économie sociale et solidaire, c’est ce qui me porte, parce que c’est ce qui nous ressemble”, rappelle Maymounati Moussa Ahamadi.

Elle fait savoir que durant l’année 2020, son équipe a généré 650.000 euros pour les porteurs de projets qui ont eu le courage de créer et innover pendant la crise sanitaire. Ces prouesses et cette nomination ne sont que le début d’une longue aventure pour elle puisqu’elle veut « continuer à donner de la dignité humaine et à faire en sorte de guider vers le haut les personnes qui viennent nous voir”. Engagée, la mère de famille reste optimiste sur l’avenir du territoire. À ses yeux, les femmes ont toute leur place dans notre société et doivent prendre le pouvoir. “Je sais que le quotidien d’une femme n’est pas évident, mais c’est avec des petites actions communes que l’on pourra déplacer des montagnes. Il n’y a rien qu’on ne peut surmonter. Nous devons garder l’espoir d’un monde meilleur et on peut le faire qu’en étant solidaires.” Mesdames, à vous de diriger le monde maintenant.

Loi Élan : la plus grosse opération de destructions de bangas entamée à Koungou

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Un peu plus d’une semaine après les violentes attaques sur les résidences SIM de Caro Boina à Koungou, la préfecture a lancé ce lundi l’opération attendue de démolition de cases en tôle dans le bidonville attenant, dit de “la Jamaïque”. 230 habitats doivent être détruits d’ici à mercredi.

Fatima pousse d’une main ferme la tôle de gauche, pour libérer un peu de place dans ce passage étroit et boueux. Face à elle, deux hommes baraqués portent à bout de bras son armoire et tentent de se frayer un chemin jusqu’à sa destination : un logement temporaire, de quoi stocker son mobilier et faire dormir ses enfants “ailleurs que dans la boue”, signale Nassim, le père de famille. À quelques mètres de là, le trentenaire s’affaire à arracher la toiture de son banga. Il est un peu plus de 7h du matin ce lundi. Et tout doit disparaître. “Je voulais commencer le déménagement hier mais avec la pluie… Ils nous avaient dit que la destruction commencerait mardi en plus”, ressasse-t-il en essuyant la sueur qui perle sur son front.

Annoncée le 10 mars, selon certains médias, ou le 9 mars selon le préfet la semaine dernière, l’opération de démolition du quartier dit de “la Jamaïque” à Koungou a finalement débuté ce lundi 8 mars aux aurores. “Dès ce (lundi) soir, 40% du quartier sera détruit, et mercredi matin, il n’existera plus de quartier Jamaïque à Koungou”, “préfétise” le prophète Jean-François Colombet, qui avait organisé une conférence de presse en milieu de journée. “Il n’y a plus de quartier interdit pour l’État à Mayotte”, martèle-t-il, en annonçant un ambitieux objectif de 400 suppressions de bangas pour le premier semestre 2021. Depuis octobre 2020 et la première opération loi Élan – du nom de ce texte qui permet au préfet d’ordonner l’évacuation d’habitats insalubres sur le département – en octobre 2020, 580 cases ont déjà été détruites.

 

400.000 euros pour détruire 230 cases en tôle

 

Et Koungou arrive dans le top. En termes de budget notamment, puisque l’État a mis pas moins de 400.000 euros sur la table. Une facture salée qui s’explique aussi par les difficultés du terrain, où, on s’en souvient, des coulées de boue avaient notamment provoqué la mort d’une mère et de ses quatre enfants en 2018. “Cette opération est la plus grosse, oui, mais c’est surtout la plus difficile et la plus emblématique tant tout le monde connaît les troubles à l’ordre public qui entachent la réputation de cette commune”, confirme Jean-François Colombet. Le 26 février, la violence a grimpé d’un cran quand des bandes de jeunes s’en sont pris aux résidences SIM de Caro Boina.

Mais c’est surtout en nombre de cases que l’opération de la Jamaïque bat des records. En tout, ce sont 230 de ces constructions légères qui vont être rasées en trois jours. Soit les maisons d’environ 450 personnes. Enfin… selon la préfecture. “Il faut ajouter ceux qui ont refusé les enquêtes sociales ou qui sont comptabilisés le jour J”, précise le sous-préfet Jérôme Millet. Plus les 184 étrangers en situation irrégulière interpellés en amont de la destruction. Mais même avec ce calcul, le ratio équivaut à un nombre étonnamment faible d’occupants par case… Pour comparer, à Kahani, en octobre, la préfecture annonçait deux fois moins de bangas pour environ autant d’habitants – 98 cases hébergeant 398 personnes avaient alors été détruites. Bref, c’est à en perdre sa table de trois ! “Les chiffres sont contradictoires de toutes parts”, confirme une source proche du dossier.

 

Environ trente personnes ont accepté un hébergement d’urgence

 

Et ce n’est pas la seule ombre au tableau. Comme à chaque opération du genre, menée en vertu de la loi Élan de 2018, une proposition de relogement ou d’hébergement doit être faite aux personnes évacuées, en fonction de leur profil et de leurs besoins. Cette fois-ci, une trentaine de personnes ont accepté un hébergement d’urgence (qui dure 21 jours), tandis que 120 à 200 personnes auraient trouvé des solutions par elles-même, indique la préfecture. Sur le terrain, le bilan est moins reluisant. Certes, lundi, la majorité des habitants ont évacué le périmètre aux sons stridents des bulldozers. Mais pour la plupart, il s’agit surtout de trouver un coin d’oreiller avant de reconstruire son banga un peu plus loin.

D’autres sont tout simplement sans solution. Comme Mouhoutar, jeune étudiant en BTS, qui regarde les engins de la Colas et de Tetrama, en contrebas l’air las. “Je ne sais pas comment je vais faire pour finir mon BTS avec tout ça”, souffle l’aîné d’une fratrie de neuf enfants, dont la mère a été renvoyée à Anjouan à l’occasion des interpellations des derniers jours. Ce n’est pas faute d’avoir passé une tête au local de la Croix rouge, à côté de la mairie de Koungou, sa carte d’identité promptement sortie du portefeuille. Chou blanc. Message envoyé à 17h30 : “salut, on m’a toujours pas appelé pour le logement.” Est en train d’écrire “…”.

 


 

Un calendrier chargé pour 2021 mais déjà des petits couacs

 

L’élan est donné et le message passe”, insiste le préfet Jean-François Colombet ce lundi. Derrière le trait d’esprit, l’idée est claire : poursuivre un rythme soutenu de destructions de bidonvilles, grâce aux pouvoirs élargis que lui confère la loi Élan. Et par là même, démotiver les candidats à l’immigration clandestine. Rien que sur le premier semestre 2021, le délégué du gouvernement entend détruire pas moins de 400 cases en tôle. Des opérations sont prévues en Petite-Terre, aux quartiers CETAM, Vigie, Vigie II, à Moya, mais aussi à Bouéni, à Chirongui… En clair, le planning est chargé. Mais la prochaine opération va déjà devoir être repoussée, nous dit-on. En effet, au quartier CETAM, le premier périmètre envisagé par l’arrêté préfectoral avait omis quelques propriétaires privés… La tuile ! “En effet, il semblerait qu’il y ait des parcelles privées, mais justement, comme nous faisons cela dans les clous, il faut recommencer pour avoir l’autorisation des propriétaires”, acquiesce le préfet. Encore faut-il pouvoir mettre la main dessus, ce qui, à Mayotte, est une autre paire de manches. Et s’ils refusent ? “Je ne manquerai pas de communiquer leurs noms prénoms et adresse à Monsieur le directeur régional des Finances publiques pour qu’il s’intéresse aux revenus qui viennent de ces parcelles.” Capito ?

Un skatepark en Petite-Terre, le vœu freestyle de l’association Maki Skate

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Depuis 2018, Maki Skate sensibilise de nombreux jeunes de Petite-Terre à la pratique du skateboard. Face à un engouement toujours plus important, l’association aimerait se doter de son propre skatepark mais se heurte à la question du foncier et du financement. Plusieurs options sont sur la table pour que ce rêve devienne réalité dans un avenir plus ou moins proche.

Imaginez Tony Hawk fouler l’île aux parfums pour inaugurer le premier skatepark de Mayotte… Un rêve impossible sur le papier qui laisse pourtant fantasmer plus d’un admirateur de l’Américain, surnommé « The Birdman » en hommage à ses figures vertigineuses. À son niveau, l’association Maki Skate tente, avec les moyens du bord, de démocratiser cette discipline, qui doit faire ses débuts olympiques aux Jeux de Tokyo prévus cet été. Depuis 2018, ses adhérents – travailleur social, infirmier, enseignant, militaire – se réunissent le vendredi après-midi sur la place Congrès à Pamandzi pour partager cette passion commune avec une vingtaine de jeunes petits-terriens. « Avant le Covid, nous étions même obligés de refuser des inscriptions car nous ne pouvions pas encadrer tout le monde », se remémore Christophe Burac, le président depuis septembre dernier.

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Car il faut bien le dire : la pratique intrigue et surtout séduit la nouvelle génération. « Nous fournissons les planches, les casques et les protections et nous fonctionnons sur la base de la gratuité », ajoute-t-il. Sous l’impulsion de son prédécesseur, Kévin, un prof’ de skate débarqué de métropole avec du matériel en soute, de nombreux enfants des quartiers avoisinants se prennent au jeu sur la mini-rampe installée quelques années plus tôt par une autre association. « Nous nous adaptons, nous avons également fabriqué quelques modules. »

 

Un skatepark dans l’espace commercial de l’aéroport ?

 

skatepark-petite-terre-association-maki-skateMais le premier confinement vient mettre un coup d’arrêt à ces rassemblements de plus en plus populaires. « Nous nous retrouvions alors à l’aéroport pour rouler entre nous durant l’heure de sortie autorisée », glisse Christophe Burac. Un nouveau lieu de rendez-vous qui s’explique notamment par la qualité du revêtement au sol. Au détour d’une conversation avec l’un des responsables d’Edeis, le gestionnaire de l’infrastructure, l’idée d’un projet de skatepark émerge en vue de l’agrandissement de l’espace commercial. « Mais cela n’a pas été plus loin pour l’instant. »

Un blocage semble se dessiner concernant l’après de cette délégation de service public. « Il y a peu de chance que cela se concrétise. Et si cela aboutit, il faudrait que l’association paie un loyer. » Au courant de cette réflexion, la mairie de Pamandzi lui propose de chercher un terrain pour envisager une installation pérenne. Mais face à la pression démographique et à la problématique récurrente du foncier en Petite-Terre, difficile dans ces conditions de trouver chaussure à son pied. « Même pour un skatepark de 100 mètres carrés… L’équivalent d’un quart de terrain de foot serait suffisant. »

 

Plusieurs solutions de repli…

 

Sans parler du coût : au moins 50.000 euros pour couler une dalle de béton de bonne facture. Un financement habituellement à la charge des municipalités, qui ne s’applique pas automatiquement dans le 101ème département. « Nous avons tous des boulots, donc c’est compliqué par rapport aux demandes de subvention. » Reste alors la solution de repli : le soutien d’une organisation non-gouvernementale, à l’instar de Make Life Skate Life, qui intervient dans les pays du tiers-monde. Ou encore l’option d’un déménagement dans une autre commune, qui offrirait plus de possibilités. « Peut-être que d’autres personnes font la même chose dans leur coin. »

En attendant un éventuel dénouement positif, Maki Skate aimerait surtout que les Mahorais s’impliquent davantage dans l’association. « C’est dommage que les parents de nos skateurs ne les accompagnent pas », regrette Christophe Burac, dont la mission sur le territoire arrive bientôt à son terme. Avec le risque de voir tout cet engouement partir en fumée.

Utiliser l’art pour défendre les droits des femmes à Mayotte

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Le 8 mars oblige, la question des droits des femmes est le sujet dont tout le monde parle. L’Acfav, fervent défenseur de la cause féminine, a voulu marquer le coup à tra-vers l’art. Une artiste a notamment peint en direct devant les locaux de l’association, durant toute la matinée, sous les regards curieux et émerveillés des passants.

Concentration optimale : seule les coups de pinceaux et sa toile l’intéressent. Nathalie Okra, artiste peintre se donne littéralement en spectacle ce lundi matin devant les locaux de l’association pour la condition féminine et aide aux victimes (Acfav). Le bruit de ses admirateurs et de la circulation ne la perturbent pas, tant elle est en osmose avec ce qu’elle peint. Une mère et son bébé, l’essence même de la vie. « La naissance est le dé-but de tout. Si une mère ne donne pas naissance à son enfant il n’y a pas de vie, il n’y a plus rien. Rien que pour ça, il faut respecter la femme », explique Nathalie Okra. La femme dans sa globalité, dans tous ses états est le point commun des œuvres de l’artiste.

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Dans l’histoire de l’art, le sujet de la femme a beaucoup été traité, mais très souvent à tra-vers un homme. Alors la peintre apporte son regard féminin. « Je suis touchée par la sen-sibilité de la femme, par sa beauté », indique-t-elle. Et comme pour prouver son engage-ment artistique, Nathalie Okra peint en parallèle un deuxième tableau sous les yeux de tous. Il représente la sororité, comprenez la solidarité entre les femmes. Elle, qui peint souvent la mélancolie, a voulu cette fois-ci immortaliser la joie à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes. L’artiste en est convaincue, la peinture peut être un bon moyen pour véhiculer un message. « Ça représente la beauté et tout ce qui est beau interpelle et touche les gens. » C’est la raison pour laquelle l’Acfav a fait appel à elle pour valoriser la femme mahoraise. « La peinture est un message de lumière, et quand il y a de la lumière c’est que du bonheur », pense Sophiata Souffou, présidente de l’association.

 

Sensibiliser dès le plus jeune âge

 

Les adultes ne sont pas les seuls à vouloir défendre les droits des femmes. Les adoles-centes également prennent le sujet à coeur, à l’exemple de Natacha qui a tout juste 14 ans. La jeune fille a été approchée par sa professeure qui n’est autre que l’artiste peintre Nathalie Okra, pour participer à un documentaire réalisé par l’enseignante elle-même en collaboration avec l’Acfav. Elle y livre son concept de la liberté des femmes et malgré son jeun âge, Natacha est déjà très engagée. « Dès que ma prof m’a proposée de témoigner dans le film, j’ai immédiatement accepté parce que les femmes sont encore trop stigmati-sées à mon sens. On dit qu’elles ne sont pas capables de faire certains métiers… Je veux lutter contre cette discrimination. On peut faire ce que l’on veut ! »

Natacha et sa camarade Houzaita ont également voulu prouver leur engagement en con-tribuant à l’une des toiles exposées ce jour-là à l’Acfav. Leurs coups de pinceaux sont encore hésitants, mais leurs convictions sont bien tranchées. « J’ai des petites-soeurs, elles sont jeunes, mais je les sensibilise déjà à la cause. Je leur dis de faire très attention aux garçons car ils sont égoïstes », souligne Houzaita. Les deux jeunes filles sont déter-minées à être les seules maitresses de leur avenir prometteur.

 

L’éducation, la clé de l’égalité

 

Ce n’est un secret pour personne, à Mayotte, les filles et les garçons ne sont pas édu-qués de la même manière. La fille est élevée dans l’optique d’être plus tard une bonne épouse et mère, alors que le garçon devra être le chef de famille. Cette réalité est en train de changer, mais en 2021, les conséquences d’une telle éducation sont encore visibles. « La femme mahoraise vit une situation un peu contradictoire parce qu’elle est obligée de se battre. Elle se débrouille, elle fait beaucoup de choses pour la famille. Et de l’autre côté, j’ai l’impression qu’il y a un manque de considération de la gent masculine vis-à-vis des femmes. C’est dommage, il faudrait leur laisser plus de place pour s’exprimer », constate Nathalie Okra.

Et selon la présidente de l’Acfav, il faut rectifier cela dès l’enfance. « Les parents ne doi-vent pas faire de différence entre les filles et les garçons. Si l’une est contrainte de faire les tâches ménagères, l’autre doit également s’y plier. Il faut aussi inciter nos jeunes filles à faire des études et à occuper des postes à haute responsabilité. » L’appel est lancé, il ne reste plus qu’à voir si le prochain président du conseil départemental de Mayotte sera une présidente.

Les sportifs confinés : Champion de kick-booxing, Maxime Rochefeuille partage sa passion sur les réseaux sociaux

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Maxime Rochefeuille aux côtés de son coach Didier Bernardet, après son succès en coupe de Mayotte de kick-boxing Low Kick, en mai 2019 au gymnase de Kavani.

À Mayotte, parmi les sportifs confinés et impatients de retrouver leur activité, figure Maxime Rochefeuille, footballeur et kick-boxeur bien connu des Mahorais. En cette période de confinement, le gardien de la paix s’est converti en coach sportif : proposant des séances de cross-training, donnant ses conseils et partageant sa passion du sport avec les 9.000 personnes qui le suivent sur les réseaux sociaux.

Maxime Rochefeuille passe actuellement son Brevet de moniteur fédéral (BMF) 1 et 2. Il s’agit d’une formation de cadres sportifs, organisée en ligne par la Fédération française de kick-boxing, muaythaï et disciplines associées (FFKMDA). Son but : intégrer l’équipe technique du Maoré Boxing Majicavo, son club, et encadrer les jeunes licenciés. « Je voudrais avoir ce rôle d’éducateur et d’entraîneur auprès de nos combattants, les jeunes notamment, pour leur transmettre ce que j’ai appris et les aider à progresser. » Champion de Mayotte et vainqueur de la coupe de Mayotte de kick-boxing Low Kick en janvier et mai 2019, « Max » est actuellement l’un des meilleurs combattants de Mayotte. Ses titres acquis sur l’île lui ont permis de défendre les couleurs du Maoré Boxing et de la Ligue de Mayotte (LMKMDA) au championnat de France et à la coupe de France amateur de kick-boxing, en mars et octobre 2019.

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Maxime Rochefeuille s’entrapine à raison de deux heures par jour. Le kick-boxeur du Maoré Boxing Majicavo et footballeur des Diables Noirs de Combani partage ses séances d’entraînement à ses 9.000 followers sur les réseaux sociaux pour les motiver à s’entretenir.

Deux expériences nationales vécues différemment. « Le championnat de France constituait mon premier combat en plein contact sur un ring. J’y allais sans aucune expérience et je perds mon combat, justement, pour avoir pêché par manque d’expérience », se souvient le kick-boxeur. « Quelques mois plus tard, nous sommes revenus en métropole pour la coupe de France, avec l’expérience du championnat de France qui m’a permis de ne pas reproduire les mêmes erreurs. J’avais plus de repères et une meilleure stratégie. J’ai atteint les demi-finales de la compétition. »

« Je veux être champion de France de kick-boxing ! »

Cinq mois après la coupe de France amateur de kick-boxing, le Covid-19 est apparue en France et a interrompu les activités de la Ligue et de la Fédération. Depuis, le gardien de la paix au groupe d’appui opérationnel de la police aux frontières prépare le retour aux compétitions. « Je veux aller le plus loin possible au championnat de France. Je veux être champion de France ! Je suis focus sur cet objectif, alors je me tiens prêt », assure-t-il. « Bien sûr, il faudra que je remporte mes combats à Mayotte pour être champion régional et me qualifier pour l’échéance nationale. Mais je me prépare pour. »

La crise sanitaire qui dure depuis maintenant plus d’un an n’a en rien freiné les ambitions et la motivation du combattant, qui est aussi footballeur : passé notamment par le FC M’tsapéré, l’ASC Kawéni, Foudre 2000 de Dzoumogné ou encore les Diables Noirs de Combani. « Ces dernières années, j’ai privilégié le kick-boxing au football, car mes objectifs de combattant me tiennent particulièrement à cœur. J’ai quand même pris une licence chez les Diables Noirs pour la saison 2021, car l’envie et le plaisir du football sont toujours présents. »

Maxime Rochefeuille est un passionné : un terme probablement trop faible pour décrire sa connexion au sport. « C’est devenu une drogue ! Si je ne fais ma séance d’entraînement quotidienne, je ne suis pas bien. Ce sont mes proches qui veillent et qui me disent de ralentir la cadence », confie-t-il, amusé. Au-delà de lui servir à préparer le retour du football et du kick-boxing à Mayotte, ses séances d’entraînement individuel sont, chaque jour, un véritable plaisir et un excellent moyen de décompresser, lui qui peut parcourir jusqu’à 15 kilomètres en une journée dans le cadre de son travail.

 

9.000 followers sur les réseaux sociaux

 

Ce plaisir de la pratique sportive, Maxime Rochefeuille aime le partager. En attendant d’obtenir son diplôme d’entraîneur et de pouvoir en faire profiter les jeunes du Maoré Boxing, c’est auprès de ses « followers » sur les réseaux sociaux que le champion de Mayotte de kick-boxing partage sa passion. Ils sont 8.000 à le suivre sur Instagram, et plus d’un millier sur Facebook. Chaque semaine, ce sont donc plus de 9.000 personnes qui ont la possibilité d’observer ses vidéos, d’appliquer ses programmes de cross-training à la maison, d’accomplir avec lui les séances de musculation et de cardio…

À titre individuel, nombre d’entre eux n’hésitent pas à le solliciter. « Je reçois beaucoup de retours en messages privés quand je publie mes programmes ou mes vidéos, des questions et des demandes de conseils. Certaines personnes me posent même des questions sur l’alimentation. Mais je ne suis ni nutritionniste ni réellement coach sportif. Et je sais que mes conseils ne seront pas forcément les bons pour tout le monde parce qu’on n’a pas tous le même rapport à la pratique sportive. Alors je me contente simplement de partager ma propre expérience, en espérant que ça puisse aider les personnes qui me sollicitent. » En suivant Maxime Rochefeuille sur les réseaux sociaux, les internautes pourraient très vite attraper le virus du sport, et devenir à leur tour addict. « Si je fais tout ça, c’est parce que j’aime transmettre ma motivation aux gens et les inciter à faire un minimum de sport. En fonction de son organisation familiale et professionnelle je sais que ce n’est pas toujours évident, mais c’est important de s’occuper de soi. »

“La rumeur qui dit que Soliha loge les sans-papiers est fausse. La vérité, c’est que beaucoup de Mahorais ne font pas valoir leurs droits”

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Cette semaine, 200 cases en tôle doivent être rasées à Koungou, sur la base de la loi Elan. Mais ces opérations de résorption de l’habitat insalubre soulèvent l’épineuse question du relogement, sur un territoire qui en manque cruellement. Pour tenter d’y voir un peu plus clair, Emmanuelle Laboury, la directrice de Soliha 976, revient pour Flash Infos, sur les dispositifs existants.

Flash Infos : Pouvez-vous expliquer le rôle de Soliha 976 à Mayotte ?

Emmanuelle Laboury : A la base, l’association mahoraise pour le droit au logement est née pour aider les Mahorais les plus précaires à trouver des solutions de logement. En 2015, l’association a pu rejoindre Soliha, un mouvement national qui regroupe plus de 200 organisations. Depuis, nous nous efforçons de développer nos différentes activités. D’abord, il y l’accompagnement à l’amélioration de l’habitat. Il s’agit d’accompagner un propriétaire sur un dossier de chantier, pour demander des aides financières de l’Etat. Selon les situations, cette prise en charge peut aller jusqu’à 80% des financements, soit 60% d’aides publiques et 20% d’aides privées ! Et il s’agit aussi bien d’une construction neuve, que de travaux pour finir une maison inachevée en améliorant un habitat qui présenterait des risques pour la santé par exemple. L’idée sous-jacente étant d’améliorer le logement afin de favoriser le maintien à domicile et de construire des logements supplémentaires à Mayotte. Un autre sujet qui nous occupe concerne le conseil aux collectivités. Soliha contribue ainsi à des études sur la lutte contre l’habitat indigne et de résorption de l’habitat insalubre, en répondant à des appels à projet des communes ou des intercommunalités. En parallèle de ces deux activités, nous nous chargeons aussi d’un dispositif d’intermédiation locative (IML) et de la Maison-Relais de Tsararano.

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FI : Quelle est la différence entre ces deux dispositifs ?

E.L. : Dans le premier cas, il s’agit d’une location auprès d’un propriétaire privé. Soliha intervient comme tiers de confiance entre le bailleur et le bénéficiaire. Il s’agit de personnes dans une grande précarité sociale ou économique qui ont été identifiées par des travailleurs sociaux. Le but de la manœuvre est de pallier le manque de logement social sur l’île en allant piocher dans le parc privé. Et cela permet aux bénéficiaires d’accéder à un logement, et de là, de pouvoir s’occuper pleinement de leur formation, de la scolarité des enfants, de se faire soigner etc. A l’issue du dispositif, que nous appelons “une sortie positive”, la famille est capable de devenir locataire en titre. Nous faisons alors un “glissement de bail”, et Soliha se retire de cette location à trois têtes pour laisser le lieu au propriétaire et à son locataire. Normalement, l’IML dure maximum 18 mois mais peut être prolongée sur demande du bénéficiaire, du travailleur social, et de Soliha en justifiant les raisons.

Dans le second cas, il s’agit d’un dispositif de logement accompagné à destination de publics très précaires, en situation d’isolement, d’exclusion ou de fragilité. Contrairement à l’IML, il n’y a pas de limite de temps. La maison de trois étages, située à Tsararano, sort tout juste de terre et est en cours de finalisation. Les deux périodes de confinement que nous venons de vivre ne nous ont pas aidés… Aujourd’hui, nous avons 19 places livrées sur 22, Il faut imaginer un hôtel social avec chambre, WC, salle de bains privatives, mais partage des autres espaces de vie. Et ce n’est pas une coloc ! Ici, vous avez des profils très différents, du mineur isolé, à celui qui a connu la guerre, à celui qui a vécu un accident qui lui a fait perdre pied, à celle qui a fui le domicile conjugal… D’où le rôle clé de l’animateur de la Maison-Relais, dédié au suivi social. Soliha s’occupe aussi de la gestion locative, car les habitants paient une redevance.

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FI : Comment identifiez-vous les personnes qui vont pouvoir bénéficier des différents dispositifs ?

E.L. : Avant toute chose, je préfère préciser un point. Tous les bénéficiaires de Soliha ont leur situation administrative en ordre. Cela peut être une carte de séjour d’un an, peu importe, du moment que la personne est en règle au moment de la mise en place. Après vient l’accompagnement pour s’assurer qu’elle le reste tout au long de son parcours. Je dis cela, car des rumeurs prétendent que Soliha loge des sans-papiers au détriment des populations précaires françaises de l’île. Ce n’est pas vrai. En revanche, ce qui est vrai, c’est qu’un certain nombre de Mahorais français ne font pas valoir leurs droits. C’est d’ailleurs ce que nous avons pu constater lors des opérations de décasage, comme à Majicavo ou plus récemment à Kahani. Nous le savons, il y a dans ces populations des personnes qui détiennent une carte d’identité, mais quand nous revenons sur le secteur pour le relogement, ils ne sont plus là. Car comme toute personne en situation de précarité, vous gérez l’immédiat.

Pour répondre à votre question, nous avons un pôle social constitué de trois travailleurs sociaux, j’espère bientôt quatre, qui se chargent d’étudier les cas après orientation du SIAO (service intégré d’accueil et d’orientation, le numéro d’urgence 115 NDLR). Et les travailleurs sociaux des différentes organisations de l’île, des CCAS, du département, du Rectorat, de la préfecture nous font remonter des cas. A charge pour nous de confirmer la véracité des situations, car l’orientation du SIAO se fait sur une base déclarative, et nous avons besoin de pièces justificatives. Un papier ou un enfant est vite perdu… Or, comme je le dis souvent, Soliha n’est pas une agence immobilière !

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FI : Rencontrez-vous des difficultés dans le cadre du dispositif d’intermédiation locative, pour convaincre des bailleurs privés ?

E.L. : Etant donné que nous sommes locataires en titre, le bailleur n’a pas de lien avec le bénéficiaire. Il s’agit d’un bail spécifique, le Solibail. L’avantage pour le propriétaire, c’est qu’il n’a pas de gestion locative, de plus, il a la garantie du paiement du loyer. Et s’il est imposable, la valeur locative de ses locations sera exonérée d’impôts, à hauteur de 85%. En faisant le calcul sur la même grille que le logement social (10 euros le mètre carré pour un logement intermédiaire, 8 euros pour un logement social, 6 euros pour du très social), et avec les exonérations, le bailleur y gagne. Mais pour ne rien vous cacher, à Mayotte, l’argument fiscal pèse peu dans la balance. Encore faut-il payer des impôts… et avoir déclaré son foncier. Donc le premier sujet, c’est la garantie du paiement du loyer et l’absence de gestion locative. Par ailleurs, si le bailleur a une maison sur laquelle il doit faire des travaux, nous tentons de croiser avec notre dispositif d’accompagnement à l’amélioration de l’habitat, que je vous décrivais plus tôt. Avec parfois un reste à charge de 5.000 euros pour refaire un logement complet, cela peut-être très intéressant pour un bailleur. En tout, nous avons à ce jour une soixantaine de logements captés en IML, soit une quarantaine de bailleurs, dont une grosse moitié à Mamoudzou. La SIM aussi nous met à disposition une dizaine de logements sociaux. Mais la vocation de Soliha n’est pas de faire du logement social avec du logement social.

FI : Et les propriétaires n’ont pas de réticence quant au profil du bénéficiaire ?

E.L. : Évidemment, nous tombons parfois sur des propriétaires qui nous disent par exemple : “d’accord pour louer, mais je vous interdis de mettre un Africain”, ou encore qui refusent que la facture d’électricité soit au nom de l’occupant. Nous avons perdu des logements à cause de cela. Mais si dès le début, nous ne sommes pas vigilants, nous réduisons d’autant les chances d’avoir des sorties positives pour nos bénéficiaires.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes