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Statistiques : Emploi et chômage en baisse au 2ème trimestre 2020, l’envers du décor du confinement à Mayotte

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L’Institut national de la statistique et des études économiques a dévoilé l’enquête emploi du 2ème trimestre 2020 à Mayotte. Alors que 3.000 personnes ont perdu leur emploi sur la période, le chômage, lui, a baissé de deux points. Des chiffres en trompe-l’œil qui peuvent se justifier par les conséquences du premier confinement. Explications.

C’est à s’en taper la tête contre le mur… D’un côté, l’Institut national de la statistique et des études économiques annonçait jeudi dernier que 3.000 personnes – principalement les 30-49 ans, les femmes et les natifs de l’étranger – avaient perdu leur emploi au cours du 2ème trimestre 2020. De l’autre, que le chômage avait baissé pour atteindre 28%, soit deux points de moins qu’un an plus tôt. Deux fractions qui s’expliquent par un dénominateur commun : le confinement mis en place lors de la première vague ! « La crise sanitaire a mis un coup d’arrêt après les mouvements sociaux en 2018 », a précisé Bertrand Aumand, le chef du service régional de Mayotte.

Sur la période en question dans le 101ème département, 49.000 actifs occupaient un emploi au sens du Bureau international du travail, c’est-à-dire qu’ils avaient effectué au moins une heure de travail rémunéré au cours de la semaine de référence. Avec l’arrivée du Covid-19 sur l’île aux parfums, « les femmes de ménage, les jardiniers, les maçons pour un particulier et les non-salariés » n’ont pas pu bénéficier autant des dispositifs d’activité partielle que les salariés en entreprise ou des autorisations d’absence en vigueur dans la fonction publique et se sont donc retrouvés privés de revenu.

 

La subtilité du halo autour du chômage

 

Dans le même temps, les données recueillies ont fait état d’une diminution du nombre de demandeurs d’emploi pour se stabiliser à 54.000, soit 35% de la population en âge de travailler. « Mais cela ne traduit pas une amélioration du marché du travail. » Une raison simple justifie cette diminution : la réduction des recherches actives d’emploi, notamment dans les secteurs d’activité à l’arrêt. En effet, difficile dans les conditions du confinement, qui « a été plus long que dans les autres territoires français », de remplir l’un des trois critères pour être considéré comme un chômeur. Ils étaient 35.000 dans ce cas de figure. C’est ce que l’on appelle, dans le jargon de l’Insee, le halo autour du chômage, qui « a augmenté de manière conséquente ». À cela s’ajoutent les 53.000 personnes qui ne souhaitent pas du tout travailler, soit 34% des plus de 15 ans. En augmentation de trois points par rapport à 2019.

Toutes ces subtilités de l’enquête 2020, « réalisée dans des conditions sanitaires compliquées », ont pu biaiser les résultats. Il est fort à penser que la prochaine étude, qui a débuté le 1er mars, pourrait rebattre les cartes. « Nous pourrons avoir une nette évolution quand nous sortirons du confinement et de la crise. Nous espérons que l’emploi va repartir à la hausse », a conclu avec un brin d’optimisme Bertrand Aumand.

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Précisions sur les termes techniques employés

 

Personne en emploi au sens du BIT : personne ayant effectué au moins une heure de travail rémunéré au cours de la semaine de référence, ou absente de son emploi sous certaines conditions de motif (congés annuels, maladie, maternité, chômage partiel (ou technique), etc.) et de durée.
Chômeur au sens du BIT : personne âgée de 15 ans ou plus qui est sans emploi la semaine de référence, qui est disponible pour travailler dans les deux semaines à venir, qui a effectué, au cours des quatre dernières semaines, une démarche active de recherche d’emploi ou a trouvé un emploi qui commence dans les trois mois.
Personne active au sens du BIT : personne en emploi ou au chômage.
Taux d’emploi : rapport entre le nombre de personnes en emploi et la population en âge de travailler (15-64 ans).
Taux d’activité : rapport entre le nombre de personnes actives et la population en âge de travailler (15-64 ans).
Halo autour du chômage : personnes sans emploi qui ont effectué une démarche active de recherche d’emploi mais ne sont pas disponibles pour travailler dans les deux semaines à venir ; personnes qui n’ont pas effectué de démarche active de recherche, mais souhaitent un emploi et sont disponibles pour travailler ; personnes qui souhaitent un emploi, mais n’ont pas effectué de démarche active de recherche et ne sont pas disponibles pour travailler.

 


 

Deux fois moins d’enquêtés en raison de la crise sanitaire

 

La collecte de l’enquête Emploi à Mayotte a lieu chaque année au 2ème trimestre depuis 2013. Menée du 2 mars au 6 juillet, la collecte 2020 a été affectée à double titre par la crise sanitaire. D’une part, la situation des personnes sur le marché du travail a été marquée par le confinement généralisé de la population du 17 mars au 25 mai. D’autre part, les interrogations en face-à-face ont été suspendues dès le 11 mars. « Seules les interrogations au téléphone ont été réalisées auprès des ménages qui avaient déjà répondu à l’enquête l’année précédente. Ces conditions de collecte dégradées se sont traduites par des répondants deux fois moins nombreux : 1.100 ménages au lieu des 2.200 habituels », a précisé Bertrand Aumand, le chef du service régional de l’Insee. Les méthodes de redressement permettent néanmoins d’obtenir des données qui restent représentatives de l’ensemble de la population. En revanche, elles ne permettent pas d’estimer aussi finement qu’à l’habitude la situation sur le marché du travail par sous-populations (par sexe, âge ou lieu de naissance). L’intervalle de confiance du taux de chômage de Mayotte est quant à lui plus large qu’à l’ordinaire, de l’ordre de trois points.

Un chantier et des coupures pour rééquilibrer l’alimentation en eau de la zone Sud

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Alors que le 101ème département a vécu au gré des coupures nocturnes et diurnes pendant quatre mois en fin 2020, il n’aura fallu qu’une semaine, après la levée des tours d’eau le 15 janvier dernier, pour que de nouvelles interruptions sévissent dans le Sud de l’île. La raison de ce désagrément ? Le basculement de l’alimentation de la zone de Tsoundzou par la ressource de Passamaïnty Gouloué pour « rééquilibrer le Sud », explique Vita Naouirou, le directeur d’exploitation eau potable au syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte.

Au programme de ce chantier évalué à 50.000 euros : mettre en distribution le forage Gouloué III, initialement dédié à l’usine de Mamoudzou et alimenter Tsoundzou II, la Guinguette et la Palmeraie à partir du réservoir de Passamaïnty. « Dorénavant, seul le quartier Jardin des épices dépend du Sud et du réservoir d’Ourovéni », précise l’expert. « On a identifié les volumes excédentaires et déplacé 450 mètres cubes par jour. » Un bol d’air non négligeable pour les communes concernées par un déficit d’eau.

Et pour prévenir une éventuelle pénurie, le Smeam compte injecter 11 millions d’euros avant la fin de l’année pour augmenter les volumes produits par les forages de Kawéni Lajolie et de Béja (plus 700 mètres cubes par jour), exploiter les forages de Kawé 2 et Kawéni F1 et F2 en eau traitée (plus 1.200 mètres cubes par jour), et réhabiliter et mettre en service le forage de Miréréni (plus 1.000 mètres cubes par jour). « Nous devons encore débloquer les financements », confie Aminat Hariti, la vice-présidente en charge de la communication, de l’adduction et de l’eau potable.

Voilà pour le court terme. Sur le plus long terme, il est grand temps de mener une vraie politique par rapport au pacte de l’eau, qui prévoit un investissement massif de l’ordre de 500 millions d’euros d’ici 2032. « Il nous reste toujours les problèmes de canalisations, de réservoirs et d’unités de potabilisation », souligne Ali-Habibou Mistoihi, le directeur investissement eau potable. Sans oublier les transferts d’une zone à une autre en cas de turbidité. « Nous finalisons cet automatisme avec les exploitants.»

Si le chantier sur la production d’eau est sur les rails, le défi du Smeam est titanesque, tant les retards se sont accumulés au cours des dernières années, pour réajuster et rééquilibrer l’intégralité du réseau. « Les ouvrages ne sont plus à la hauteur des attentes. L’objectif est vraiment d’anticiper », insiste Aminat Hariti. Entre la résolution des problèmes techniques, l’identification des fuites et la construction des infrastructures essentielles au bon développement du territoire, de l’eau risque de couler sous les ponts…

En plein débat sur le passeport vaccinal, Corsair va tester un certificat de santé numérique pour rejoindre la métropole et Mayotte

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Plusieurs compagnies aériennes testent la solution technologique de la société AOKpass, qui permet de garantir la validité du test effectué par le voyageur. Des initiatives qui doivent permettre de retrouver une certaine liberté de circulation, malgré la crise sanitaire.

Passeport vaccinal ? Pass sanitaire ? Passeport vert ? Alors que la cacophonie règne entre les 27 pays membres de l’Union européenne au sujet d’un hypothétique laisser-passer anti-Covid, les compagnies aériennes mettent les gaz. C’est notamment le cas de Corsair, qui vient d’annoncer le lancement prochain d’un certificat de santé numérique pour les passagers voyageant de Paris vers la Guadeloupe, La Réunion, et Mayotte.

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Attention ! “Il s’agit vraiment d’une phase de test, il ne faut pas faire de confusion”, insiste Jules Perreau, le directeur régional de la compagnie. À ceux qui pestent déjà contre une nouvelle formalité, pas d’inquiétude donc. “Nous ne demandons pas aux clients de fournir un document en plus ou de passer par tel ou tel laboratoire”, développe le responsable de la région océan Indien. Un grand “ouf” de soulagement, alors que les motifs impérieux exigés à Mayotte provoquent leur lot de déconvenues…

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L’essai doit débuter à la troisième semaine du mois de mars. La compagnie française, comme Air Caraïbes, French Bee et Air France avant elle, va recourir aux services de la société AOKpass qui développe ce certificat de santé numérique lancé par la Chambre de commerce internationale (ICC), International SOS / MedAire et SGS.

 

Résultat “infalsifiable” grâce à la blockchain

 

Concrètement, des laboratoires partenaires du dispositif fournissent un QR code au passager testé pour le Covid, qui, une fois scanné par la compagnie aérienne permet de remonter directement au résultat. “Nous pouvons ainsi vérifier que le test est valide, cela permet d’éviter les faux”, déroule Jules Perreau. Le tout certifié et sécurisé grâce à la technologie de la blockchain. “Il faut le voir comme un Whatsapp crypté de bout en bout qui rend le résultat infalsifiable et permet une protection importante des données.” Un indispensable, dès lors qu’il s’agit de d’informations médicales.

De quoi aussi soulager les voyageurs sur l’accent mis par Corsair sur le respect des protocoles sanitaires. “Je pense que c’est une bonne idée, si cela peut nous permettre de revoyager”, salue Madi, un habitant de Mamoudzou interrogé sur la question. Même son de cloche pour Souma qui tient un garage à son nom à Passamaïnty : “J’ai hâte que les vols reprennent normalement, moi je voyage souvent.” Prêt pour le décollage !

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Avec le passeport vaccinal, le risque d’une injustice ?

 

En attendant que les 27 accordent leurs violons, Emmanuel Macron a déjà refusé l’idée d’un passeport vaccinal, source potentielle d’injustices tant que l’intégralité de la population n’a pas reçu les précieuses injections. Le 25 février, le président de la République a plutôt évoqué un pass sanitaire numérique, pour justifier d’une protection, que ce soit un vaccin, un test PCR ou un test antigénique négatifs. “J’ai eu le Covid il y a un mois, donc je dois attendre encore deux mois pour le vaccin. Si on nous oblige à nous faire vacciner pour voyager, il faut d’abord que tout le monde puisse y avoir accès”, acquiesce Souma, âgé de 52 ans.

« Passer des études à la réalisation effective des projets à Mayotte », le leitmotiv d’Algoé Consultants

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Société de conseil et d’accompagnement en management, Algoé Consultants s’est implantée à Mayotte en septembre 2020. Son objectif auprès des collectivités et des établissements publics : encourager à passer à l’action, sanctuariser les coûts internes, dresser les priorités et développer des moyens de pilotage conséquents. Entretien avec le directeur exécutif, Sixte de Malliard.

Flash Infos : Algoé Consultants, la plus ancienne société de conseil français, s’est installée à Mayotte en septembre dernier. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à faire le grand saut dans le 101ème département ?

etudes-realisation-projets-mayotte-leitmotiv-algoe-consultantsSixte de Malliard : À la suite d’un travail sur les constructions scolaires avec le rectorat, la préfecture et la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal), nous avons imaginé avec notre comité de direction un lien pertinent entre Algoé et Mayotte. Notre idée est vraiment de nous implanter durablement sur le territoire. Nous ne voulons pas être vus comme des mercenaires !

Comme vous le dites, nous sommes la plus ancienne société de conseil français puisqu’elle date de 1959. Nous sommes indépendants dans le sens où 80% de l’actionnariat appartient aux salariés. C’est important pour nous car quand nous réalisons des missions de conseil, nous ne devons pas prendre parti. Nous avons trois grands domaines de savoir-faire : la stratégie et l’innovation ; le fonctionnement de l’entreprise ; la sécurisation des projets et des programmes. Et nous intervenons sur quatre pôles : la maille territoriale (collectivités, conseils départementaux, établissements publics fonciers, etc.) ; les transports et les mobilités ; les investissements immobiliers ; l’énergie et l’environnement.

FI : Justement, en parlant de votre champ d’intervention, qu’en est-il à Mayotte ?

S. D. M. : Nous intervenons fortement auprès du rectorat sur six projets – les lycées de Chirongui et des métiers du bâtiment à Longoni, les collèges de Kani-Kéli et de M’Tsangamouji, la cuisine centrale, l’internat et le gymnase de Kawéni. Nous apportons également notre assistance à l’élaboration de la programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2023 et 2024-2028. Vous le savez, Mayotte est très largement dépendante des énergies fossiles. Le département a l’ambition de mettre l’accent sur les énergies renouvelables, à l’instar du solaire. Nous avons répondu au projet de concertation sur la nouvelle piste en partenariat avec une boîte de communication locale et nous travaillons sur la rénovation urbaine avec les communes de Mamoudzou et de Koungou. Plus récemment, nous avons pris contact avec des acteurs immobiliers, comme Soliha, par rapport à la résorption de l’habitat indigne.

Quand nous avons touché le territoire pour la première fois il y a trois ans, nous nous sommes dit que notre expérience serait très intéressante. Le déficit d’encadrement et de compétence est important sur l’île.Nous avons noué des liens avec le centre national de la fonction publique territoriale et avons engagé des démarches avec le CUFR de Dembéni pour des formations et des stages aux étudiants. Le but de notre plan de déploiement consiste à faire profiter de nos savoir-faire aux jeunes de l’université. Nous rêvons d’une équipe de consultants locaux qui fasse un parcours chez nous avant d’irradier les collectivités. À titre d’exemple, beaucoup de nos anciens employés travaillent aujourd’hui à la métropole de Lyon. Nous aimerions faire de même sur le long terme à Mayotte.

FI : Quel regard portez-vous sur l’aménagement du territoire, notamment au niveau des obstacles qui empêchent certains projets d’aboutir ?

S. D. M. : Il y un déficit criant de foncier. C’est la raison pour laquelle l’établissement public foncier et de l’aménagement à Mayotte (Epfam) a un rôle primordial dans la création de zones et d’activités. Pour aménager un territoire, il faut développer l’économie locale. L’agriculture, le tourisme ou encore le transport sont des défis majeurs. Il ne faut pas sortir de Polytechnique pour le dire.

C’est ce que nous ne cessons de répéter à nos interlocuteurs, il y a un vrai problème de compétences et d’avancées. Or, l’un de nos métiers historiques est le management de projet. C’est cela dont a vraiment besoin l’île : installer les méthodes, les outils et les organisations nécessaires pour implémenter les projets. L’une des difficultés majeures est de réussir à passer à l’action. Mais pour cela, il est nécessaire de sanctuariser les coûts internes qui sont bien souvent « cachés » dans les finances publiques. En d’autres termes, cela aiderait énormément de consacrer 3 à 4% du budget global dans la direction de projet. À l’heure actuelle, ces moyens financiers ne sont pas mobilisés. Moralité : quand vous n’avez pas de pilote dans l’avion, celui-ci ne vole pas…

FI : Pensez-vous toutefois que les acteurs locaux ont pris conscience de cette donnée pour mener à terme leurs projets respectifs ?

S. D. M. : Indéniablement, le rectorat a progressé sur la façon d’organiser son pilotage. Après, est-ce le cas dans d’autres univers comme le logement, les équipements sportifs et les constructions dans le 1er degré ? Cela ne me semble pas encore être le cas… Selon moi, il y a des déficiences ! Des études de mission de l’État ont reconnu des manques dans l’ingénierie.

Après, un certain nombre de projets sont plutôt bien avancés, comme ceux sur Chirongui et Mamoudzou. Mais il y a une telle multitude de projets, qu’on voit surtout ceux qui ne décollent pas. Dans ces conditions, il faut se structurer et dresser des priorités. Et certaines collectivités et organismes publics le font plus ou moins bien, à cause peut-être de pression politique.

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Viol aggravé sur mineure au commissariat de Mamoudzou : le dossier sera réexaminé mardi prochain

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La semaine dernière, un policier adjoint de sécurité a été mis en examen pour viol aggravé sur une mineure de moins de 15 ans. L’agent a ensuite été libéré sous contrôle judiciaire. Yann Le Bris, procureur de la république, a fait appel de la décision et demande la détention de l’homme de 19 ans.

L’histoire se passe le 28 février dernier, dans la soirée. En service, le policier aurait fait venir la jeune fille de 14 ans devant le commissariat. Selon ses proches, ils étaient amis. Le jeune homme, de cinq ans son aîné, avait même pris l’habitude de lui apprendre à conduire. C’est donc sans aucune appréhension qu’elle l’a rejoint au commissariat. Arrivée sur place, et ne voyant pas la voiture, la jeune femme aurait commencé à se poser des questions. Elle aurait déclaré à sa famille, avoir “remarqué qu’il était bourré”. Inquiète, elle aurait cherché à partir. C’est à ce moment que l’adjoint de sécurité l’aurait menacé avec son arme, la forçant à le suivre jusqu’au fond du parking, dans une maison abandonnée.

Il l’aurait alors obligée à lui faire une fellation, gardant l’arme pointée sur elle pendant tout l’acte. Selon ses proches, l’adolescente est traumatisée. “Elle souffre, elle s’enferme, elle ne veut pas parler ”, témoigne un membre sous couvert d’anonymat. L’auteur présumé des faits, lui, a passé 48 heures en garde-à-vue, avant d’être placé sous contrôle judiciaire vendredi dernier, avec interdiction d’entrer en contact avec la victime. “Cette personne n’avait pas lieu d’être dans la police”, martèle Me Nadjim Ahamada, l’avocat de la plaignante, en soulignant le caractère aggravant lié à l’état d’ébriété de l’agent sur son lieu de travail et à l’âge de la jeune fille.

 

Le procureur fait appel de la décision

 

Placé sous contrôle judiciaire par le juge des libertés et de la détention, l’agresseur présumé est actuellement dehors. Décision aussitôt contestée par le procureur de Mayotte Yann Le Bris qui a choisi de faire appel. Comme le juge d’instruction, il avait soulevé qu’il y avait “des risques de pression sur la victime ou les témoins et des risques de réitération des faits”. “J’ai aussi ajouté un risque de trouble à l’ordre public parce que les faits ont eu lieu dans le commissariat” déclare-t-il. Le dossier sera examiné mardi prochain.

De chemin d’écueils en famille d’accueil

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Ils étaient, en 2019, une quarantaine de mineurs à être placés par le juge des enfants en famille d’accueil à Mayotte. Une mission confiée à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) afin de rompre avec un environnement familial ou social souvent difficile. Mais comment trouver sa place dans un foyer qui n’est pas celui de ses parents ? Comment se repentir, se reconstruire, lorsqu’on est encore qu’un enfant ? Ils racontent.

Sur ses genoux, Romain* fait danser une petite fille en robe rouge d’à peine un an, les bras tendus vers le ciel. La télévision, à l’autre bout du salon, diffuse dans la pièce les voix enfantines d’un dessin animé. Pendant quelques secondes, la bambine quitte des yeux l’écran aux formes colorées pour jeter un regard émerveillé au visage de l’adolescent. Ils se sourient comme s’ils s’étaient toujours connus. Comme s’ils avaient toujours vécu et grandi ensemble. Pourtant, Romain ne fait partie de la famille que depuis 2019.

Quand il est arrivé, il n’était pas du tout comme ça, je passais mes journées à le chercher de village en village”, se souvient Madame Alifa*, en regardant sa petite-fille virevolter entre les mains du garçon. “Elle l’aime beaucoup, c’est comme un grand frère !” Romain n’a aucun lien de sang avec celles qui peuplent la maison. Son placement en famille d’accueil a été ordonné par le juge des enfants, devant lequel il comparaissait pour « des bêtises », comme le résume sobrement l’adolescent de 14 ans en fixant le plancher entre ses pieds. Lorsqu’il s’agit d’évoquer les faits pour lesquels il a été condamné, Romain devient presque mutique. Une part de timidité, et assurément, une autre de regret. Alors son éducateur prend le relais, pour raconter l’histoire du jeune qu’il accompagne depuis le jour de son jugement.

“Je ne savais pas que tout ça pouvait m’amener devant la justice”

Romain est impliqué dans deux affaires, mais les faits qu’il a commis ne sont pas très graves”, commence Mohamed Soumaila sans donner trop de détails. “C’est plus sa situation personnelle qui commençait à inquiéter, notamment un début de fréquentation de groupes, un début d’errance.” Romain se met alors à sécher les cours et fréquente de moins en moins le foyer familial. “Son jugement a déclenché une mise sous protection judiciaire pour poursuivre le travail éducatif. Si on le lâchait à ce moment-là, il risquait de sombrer.

D’ici la fin de l’année scolaire, l’adolescent devrait pouvoir retourner vivre auprès de sa véritable famille, en Petite-Terre. “C’est lui qui a proposé de rester ici le temps de terminer sa troisième ! Il sait que s’il retourne là-bas, il risque encore de recommencer les bêtises”, souligne Madame Alifa dans un regard bienveillant. “Il est lui-même conscient de ses fragilités”, commente à son tour l’éducateur. D’ici peu, Romain devrait pouvoir réintégrer progressivement le cocon familial, uniquement le temps des week-ends, dans un premier temps. “Nous avons connu des débuts de retour en famille qui ont été difficiles car la famille rencontrait encore des difficultés à poser un cadre. Là, nous travaillons, en soutenant la maman sur cette dynamique-là, à travers des entretiens avec la psychologue, des entretiens avec le jeune, nous sensibilisons la maman à mettre en place un couvre-feu et à prévenir immédiatement l’agent d’astreinte lorsque le jeune ne rentre pas”, égraine Mohamed.

 

Trois familles en trois mois

 

De l’autre côté de la pièce, une jeune fille, les cheveux enroulés dans un châle rose assorti à sa robe, pose sur la table basse une assiette de samoussas. Elle, c’est Naïssa*, 17 ans. Installée dans la maison depuis le mois de décembre dernier, elle aussi a déjà eu affaire à la justice. “C’est à cause des groupes de jeunes, c’est ce qui m’a amenée jusqu’ici.” Elle attrape du bout des doigts un pan de sa tunique, et le tort machinalement. “Des bagarres, des vidéos qui sortent par ci, par là. Je ne savais pas que tout ça pouvait m’amener devant la justice.

Si elle partage le même toit que Romain, l’histoire de Naïssa est bien différente. En trois mois, elle a déjà connu trois familles d’accueil. “Au début, ça a été très difficile pour moi. J’ai commencé à fuguer quand j’étais dans ma première famille. Alors j’ai été placée à Chiconi, mais je ne me sentais pas du tout à l’aise, je ne faisais rien de la journée, on ne me parlait pas. Mais ici, je me sens beaucoup mieux.” Jamais loin, Madame Alifa acquiesce. “Quand elle est arrivée, elle dormait tout le temps, elle passait son temps dans sa chambre. Puis je l’ai vue changer : maintenant, elle se lève de bonne heure, elle aide un peu à la maison, pour le ménage.” Petit à petit, Naïssa s’adapte au cadre, à l’autorité érigés par sa nouvelle vie.

 

Renouer avec la famille d’origine

 

Le changement de plusieurs familles, jusqu’à rencontrer la bonne n’est pas quelque chose d’évident à vivre pour les jeunes”, reconnaît Hugues Makengo, le directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), le service chargé de l’éducation, de la protection et de l’insertion des mineurs en conflit avec la loi. Celui-là même tenu de gérer les différents dispositifs de placement, entre autres. “Quand ça se passe mal, ce n’est pas que la famille est mauvaise, mais simplement qu’elle ne correspond pas au profil, à la personnalité ou au parcours du mineur.” En face de lui, Mohamed hoche la tête sous son masque : « Ça fait partie de nos premières missions : préparer les jeunes pour qu’ils puissent s’intégrer correctement à leur nouvelle famille, ça conditionne pas mal la prise en charge du jeune pour l’après. Alors la singularité est une dimension très importante.

D’ici quelques mois, Naïssa devrait passer son baccalauréat à Kahani, où elle est scolarisée. Et déjà, ses démêlées avec la justice semble loin derrière elle. “Je voudrais aller en métropole, à Vanne ou à Rennes pour suivre une formation d’apprentissage pour devenir agent immobilier et pouvoir travailler. J’ai hâte d’avoir 18 ans, j’ai envie de faire beaucoup de choses.” Elle marque une courte pause. “M’éloigner de ma mère m’a fait prendre conscience de mes erreurs.” Une mère qu’elle ne retrouvera pas avant le mois d’avril, mais avec qui elle échange régulièrement par téléphone. “Le but du placement n’est jamais de rompre les liens avec la famille”, précise d’emblée l’éducateur qu’elle partage avec Romain et qui leur rend visite, à minima, une fois par semaine. “Nous rencontrons d’ailleurs des jeunes qui sont dans des situations délicates vis-à -vis de leur famille avant leur placement et notre travail à nous est qu’ils renouent.

“Cette aide, nous devons l’accepter”

Naïssa esquisse un sourire qui illumine la pièce. “La PJJ nous aide parfaitement dans tout ce dont on a besoin : elle aide nos familles, elle nous aide nous-même. Cette aide-là, nous devons l’accepter parce qu’elle a tous les avantages.” Des avantages, Madame Alifa en connaît d’autres depuis deux ans et demi, lorsqu’elle a décidé d’ouvrir sa porte à des enfants qui n’étaient pas les siens. “Ma fille venait de partir vivre en métropole, et l’autre s’est mariée. Je me suis retrouvée toute seule à la maison et ça me faisait peur. En plus, j’avais du temps pour accueillir des jeunes et les aider comme je pouvais.” Elle lève au plafond ses yeux en amande, cerclés d’un trait de crayon noir. “Maintenant, j’ai de la compagnie.” Elle tourne la tête vers Romain, assis à côté d’elle. “Quand il partira, cela fera deux ans qu’il vivait ici. Je n’arrive pas vraiment à imaginer son départ, mais il y a des jeunes qui continuent de me donner des nouvelles et qui continuent de m’appeler, ça me fait chaud au cœur.” Un doux rire s’échappe de ses lèvres. “D’ailleurs Naïssa a déjà promis d’aider ma fille à faire du tissage après son départ. Elle sait très bien tresser !” En croquant à pleine bouche dans un samoussa, la petite fille en robe rouge jette un clin d’œil espiègle avant de retourner jouer dans le salouva de sa grand-mère, pas peu fière de pouvoir partager ses journées avec des camarades de jeu.

* Les noms et prénoms ont été modifiés.

Retrouvez l’intégralité de la deuxième partie de notre dossier consacré à la délinquance des mineurs sur le dernier Mayotte hebdo.

 


 

Famille d’accueil, en pratique

 

À Mayotte, l’accueil en famille représente 50% des placements de mineurs délinquants. Ils sont aujourd’hui 28 à être ainsi accueillis au sein d’une dizaine de foyers répartis au quatre coins de l’île. “Nous disposons normalement de 24 places, mais les demandes sont toujours importantes”, commente la PJJ. “Le service est en permanence à 116% de sa capacité et compte donc trois à quatre jeunes de plus.” Les séjours peuvent durer de quelques jours, le temps qu’une place se libère dans un autre dispositif, jusqu’à plusieurs années.

Les familles candidates doivent au préalable justifier d’une certaine stabilité sociale et économique pour accueillir au mieux les enfants placés – jusqu’à deux simultanément par foyer. Dans un second temps, elles sont entendues par un psychologue qui fait à son tour une évaluation des capacités de prises en charge, notamment sur le plan moral.

Une fois le mineur placé, son éducateur lui rend visite à domicile une fois par semaine, à minima. Selon la situation, des liens plus ou moins étroits sont maintenus avec la famille d’origine, qui est aussi accompagnée par le référent de l’enfant, notamment lorsque ses parents manifestent des problèmes d’autorité.

Chaque famille d’accueil reçoit une indemnité journalière de quelques dizaines d’euros (45 euros) par jour de placement et par enfant. Une modique somme servant à couvrir l’hygiène et l’alimentation. Les autres frais médicaux, vestimentaire, de transport et de scolarisation étant à la charge des familles ou de la PJJ.

La directrice de la Cress Mayotte dans le top 100 des femmes européennes engagées dans l’entrepreneuriat social

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Directrice de la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire de Mayotte depuis un an, Maymounati Moussa Ahamadi voit son travail déjà salué par tous, y compris à l’échelle européenne. Elle vient d’être classée dans le top 100 des femmes d’Europe qui se sont engagées dans l’entrepreneuriat social.

Elle cherche encore celui ou celle qui se cache derrière sa nomination… À 36 ans, Maymounati Moussa Ahamadi fait partie des 100 femmes européennes les plus engagées dans l’entrepreneuriat social, selon Euclid Network, une organisation européenne qui soutient les entreprises sociales. Dans cette liste se trouvent 4 Françaises, dont Maymounati, la seule ultramarine du lot. Cette reconnaissance est à l’origine d’un(e) inconnu(e). “Les personnes nommées ont été recommandées par d’autres, et jusqu’à maintenant je ne sais toujours pas qui a déposé ma candidature”, sourit-elle. L’admirateur ou admiratrice secret.e aura pris de court la principale concernée qui n’imaginait pas ce qui se tramait. “Lorsque que l’on m’a annoncée la nouvelle, j’étais vraiment surprise d’être nommée aux côtés de toutes ces femmes inspirantes du monde”, raconte-t-elle.

Et une fois l’émotion passée, elle réalise que cette reconnaissance a une valeur symbolique. Non pas pour elle, mais pour toutes les autres femmes mahoraises. “À travers cette nomination, ce sont toutes les femmes de Mayotte, d’hier, d’aujourd’hui et de demain qui sont placées au sommet de l’Europe. Je pense qu’à aucun moment, les Chatouilleuses ont imaginé qu’une de leurs enfants les représenterait au niveau européen”, selon la directrice de la Cress Mayotte. Elle espère surtout être un exemple pour toutes les petites filles mahoraises qui cherchent un modèle auquel s’accrocher, à l’exemple de la sienne qui a 8 ans. “On ne peut pas laisser nos enfants sombrer dans la délinquance. Nos parents ne nous ont pas abandonnés, alors pour-quoi on baisserait les bras ? Je veux donner de l’espoir et du courage à tous ces enfants qui en ont besoin”, clame-t-elle.

 

L’économie sociale et solidaire, son combat

 

Maymounati Moussa Ahamadi dirige la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire depuis mars 2020, à l’aube de la crise sanitaire. Malgré le contexte particulier, son équipe et elle ont été présents pour les entreprises dans le besoin. “On a continué notre activité, on s’est surpassés et on a dépassé les objectifs fixés dans les conventions parce qu’on savait qu’il y avait des besoins. Nous avons consolidé les emplois déjà existants et avons fait en sorte d’en créer des nouveaux malgré la crise”, indique-t-elle. Sa motivation ? La solidarité qui est ancrée dans les mœurs mahoraises. “L’ADN des Mahorais, c’est de travailler ensemble, de lutter pour le territoire en y apportant des actions concrètes. Notre ADN repose également sur l’économie sociale et solidaire, c’est ce qui me porte, parce que c’est ce qui nous ressemble”, rappelle Maymounati Moussa Ahamadi.

Elle fait savoir que durant l’année 2020, son équipe a généré 650.000 euros pour les porteurs de projets qui ont eu le courage de créer et innover pendant la crise sanitaire. Ces prouesses et cette nomination ne sont que le début d’une longue aventure pour elle puisqu’elle veut « continuer à donner de la dignité humaine et à faire en sorte de guider vers le haut les personnes qui viennent nous voir”. Engagée, la mère de famille reste optimiste sur l’avenir du territoire. À ses yeux, les femmes ont toute leur place dans notre société et doivent prendre le pouvoir. “Je sais que le quotidien d’une femme n’est pas évident, mais c’est avec des petites actions communes que l’on pourra déplacer des montagnes. Il n’y a rien qu’on ne peut surmonter. Nous devons garder l’espoir d’un monde meilleur et on peut le faire qu’en étant solidaires.” Mesdames, à vous de diriger le monde maintenant.

Loi Élan : la plus grosse opération de destructions de bangas entamée à Koungou

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Un peu plus d’une semaine après les violentes attaques sur les résidences SIM de Caro Boina à Koungou, la préfecture a lancé ce lundi l’opération attendue de démolition de cases en tôle dans le bidonville attenant, dit de “la Jamaïque”. 230 habitats doivent être détruits d’ici à mercredi.

Fatima pousse d’une main ferme la tôle de gauche, pour libérer un peu de place dans ce passage étroit et boueux. Face à elle, deux hommes baraqués portent à bout de bras son armoire et tentent de se frayer un chemin jusqu’à sa destination : un logement temporaire, de quoi stocker son mobilier et faire dormir ses enfants “ailleurs que dans la boue”, signale Nassim, le père de famille. À quelques mètres de là, le trentenaire s’affaire à arracher la toiture de son banga. Il est un peu plus de 7h du matin ce lundi. Et tout doit disparaître. “Je voulais commencer le déménagement hier mais avec la pluie… Ils nous avaient dit que la destruction commencerait mardi en plus”, ressasse-t-il en essuyant la sueur qui perle sur son front.

Annoncée le 10 mars, selon certains médias, ou le 9 mars selon le préfet la semaine dernière, l’opération de démolition du quartier dit de “la Jamaïque” à Koungou a finalement débuté ce lundi 8 mars aux aurores. “Dès ce (lundi) soir, 40% du quartier sera détruit, et mercredi matin, il n’existera plus de quartier Jamaïque à Koungou”, “préfétise” le prophète Jean-François Colombet, qui avait organisé une conférence de presse en milieu de journée. “Il n’y a plus de quartier interdit pour l’État à Mayotte”, martèle-t-il, en annonçant un ambitieux objectif de 400 suppressions de bangas pour le premier semestre 2021. Depuis octobre 2020 et la première opération loi Élan – du nom de ce texte qui permet au préfet d’ordonner l’évacuation d’habitats insalubres sur le département – en octobre 2020, 580 cases ont déjà été détruites.

 

400.000 euros pour détruire 230 cases en tôle

 

Et Koungou arrive dans le top. En termes de budget notamment, puisque l’État a mis pas moins de 400.000 euros sur la table. Une facture salée qui s’explique aussi par les difficultés du terrain, où, on s’en souvient, des coulées de boue avaient notamment provoqué la mort d’une mère et de ses quatre enfants en 2018. “Cette opération est la plus grosse, oui, mais c’est surtout la plus difficile et la plus emblématique tant tout le monde connaît les troubles à l’ordre public qui entachent la réputation de cette commune”, confirme Jean-François Colombet. Le 26 février, la violence a grimpé d’un cran quand des bandes de jeunes s’en sont pris aux résidences SIM de Caro Boina.

Mais c’est surtout en nombre de cases que l’opération de la Jamaïque bat des records. En tout, ce sont 230 de ces constructions légères qui vont être rasées en trois jours. Soit les maisons d’environ 450 personnes. Enfin… selon la préfecture. “Il faut ajouter ceux qui ont refusé les enquêtes sociales ou qui sont comptabilisés le jour J”, précise le sous-préfet Jérôme Millet. Plus les 184 étrangers en situation irrégulière interpellés en amont de la destruction. Mais même avec ce calcul, le ratio équivaut à un nombre étonnamment faible d’occupants par case… Pour comparer, à Kahani, en octobre, la préfecture annonçait deux fois moins de bangas pour environ autant d’habitants – 98 cases hébergeant 398 personnes avaient alors été détruites. Bref, c’est à en perdre sa table de trois ! “Les chiffres sont contradictoires de toutes parts”, confirme une source proche du dossier.

 

Environ trente personnes ont accepté un hébergement d’urgence

 

Et ce n’est pas la seule ombre au tableau. Comme à chaque opération du genre, menée en vertu de la loi Élan de 2018, une proposition de relogement ou d’hébergement doit être faite aux personnes évacuées, en fonction de leur profil et de leurs besoins. Cette fois-ci, une trentaine de personnes ont accepté un hébergement d’urgence (qui dure 21 jours), tandis que 120 à 200 personnes auraient trouvé des solutions par elles-même, indique la préfecture. Sur le terrain, le bilan est moins reluisant. Certes, lundi, la majorité des habitants ont évacué le périmètre aux sons stridents des bulldozers. Mais pour la plupart, il s’agit surtout de trouver un coin d’oreiller avant de reconstruire son banga un peu plus loin.

D’autres sont tout simplement sans solution. Comme Mouhoutar, jeune étudiant en BTS, qui regarde les engins de la Colas et de Tetrama, en contrebas l’air las. “Je ne sais pas comment je vais faire pour finir mon BTS avec tout ça”, souffle l’aîné d’une fratrie de neuf enfants, dont la mère a été renvoyée à Anjouan à l’occasion des interpellations des derniers jours. Ce n’est pas faute d’avoir passé une tête au local de la Croix rouge, à côté de la mairie de Koungou, sa carte d’identité promptement sortie du portefeuille. Chou blanc. Message envoyé à 17h30 : “salut, on m’a toujours pas appelé pour le logement.” Est en train d’écrire “…”.

 


 

Un calendrier chargé pour 2021 mais déjà des petits couacs

 

L’élan est donné et le message passe”, insiste le préfet Jean-François Colombet ce lundi. Derrière le trait d’esprit, l’idée est claire : poursuivre un rythme soutenu de destructions de bidonvilles, grâce aux pouvoirs élargis que lui confère la loi Élan. Et par là même, démotiver les candidats à l’immigration clandestine. Rien que sur le premier semestre 2021, le délégué du gouvernement entend détruire pas moins de 400 cases en tôle. Des opérations sont prévues en Petite-Terre, aux quartiers CETAM, Vigie, Vigie II, à Moya, mais aussi à Bouéni, à Chirongui… En clair, le planning est chargé. Mais la prochaine opération va déjà devoir être repoussée, nous dit-on. En effet, au quartier CETAM, le premier périmètre envisagé par l’arrêté préfectoral avait omis quelques propriétaires privés… La tuile ! “En effet, il semblerait qu’il y ait des parcelles privées, mais justement, comme nous faisons cela dans les clous, il faut recommencer pour avoir l’autorisation des propriétaires”, acquiesce le préfet. Encore faut-il pouvoir mettre la main dessus, ce qui, à Mayotte, est une autre paire de manches. Et s’ils refusent ? “Je ne manquerai pas de communiquer leurs noms prénoms et adresse à Monsieur le directeur régional des Finances publiques pour qu’il s’intéresse aux revenus qui viennent de ces parcelles.” Capito ?

Un skatepark en Petite-Terre, le vœu freestyle de l’association Maki Skate

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Depuis 2018, Maki Skate sensibilise de nombreux jeunes de Petite-Terre à la pratique du skateboard. Face à un engouement toujours plus important, l’association aimerait se doter de son propre skatepark mais se heurte à la question du foncier et du financement. Plusieurs options sont sur la table pour que ce rêve devienne réalité dans un avenir plus ou moins proche.

Imaginez Tony Hawk fouler l’île aux parfums pour inaugurer le premier skatepark de Mayotte… Un rêve impossible sur le papier qui laisse pourtant fantasmer plus d’un admirateur de l’Américain, surnommé « The Birdman » en hommage à ses figures vertigineuses. À son niveau, l’association Maki Skate tente, avec les moyens du bord, de démocratiser cette discipline, qui doit faire ses débuts olympiques aux Jeux de Tokyo prévus cet été. Depuis 2018, ses adhérents – travailleur social, infirmier, enseignant, militaire – se réunissent le vendredi après-midi sur la place Congrès à Pamandzi pour partager cette passion commune avec une vingtaine de jeunes petits-terriens. « Avant le Covid, nous étions même obligés de refuser des inscriptions car nous ne pouvions pas encadrer tout le monde », se remémore Christophe Burac, le président depuis septembre dernier.

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Car il faut bien le dire : la pratique intrigue et surtout séduit la nouvelle génération. « Nous fournissons les planches, les casques et les protections et nous fonctionnons sur la base de la gratuité », ajoute-t-il. Sous l’impulsion de son prédécesseur, Kévin, un prof’ de skate débarqué de métropole avec du matériel en soute, de nombreux enfants des quartiers avoisinants se prennent au jeu sur la mini-rampe installée quelques années plus tôt par une autre association. « Nous nous adaptons, nous avons également fabriqué quelques modules. »

 

Un skatepark dans l’espace commercial de l’aéroport ?

 

skatepark-petite-terre-association-maki-skateMais le premier confinement vient mettre un coup d’arrêt à ces rassemblements de plus en plus populaires. « Nous nous retrouvions alors à l’aéroport pour rouler entre nous durant l’heure de sortie autorisée », glisse Christophe Burac. Un nouveau lieu de rendez-vous qui s’explique notamment par la qualité du revêtement au sol. Au détour d’une conversation avec l’un des responsables d’Edeis, le gestionnaire de l’infrastructure, l’idée d’un projet de skatepark émerge en vue de l’agrandissement de l’espace commercial. « Mais cela n’a pas été plus loin pour l’instant. »

Un blocage semble se dessiner concernant l’après de cette délégation de service public. « Il y a peu de chance que cela se concrétise. Et si cela aboutit, il faudrait que l’association paie un loyer. » Au courant de cette réflexion, la mairie de Pamandzi lui propose de chercher un terrain pour envisager une installation pérenne. Mais face à la pression démographique et à la problématique récurrente du foncier en Petite-Terre, difficile dans ces conditions de trouver chaussure à son pied. « Même pour un skatepark de 100 mètres carrés… L’équivalent d’un quart de terrain de foot serait suffisant. »

 

Plusieurs solutions de repli…

 

Sans parler du coût : au moins 50.000 euros pour couler une dalle de béton de bonne facture. Un financement habituellement à la charge des municipalités, qui ne s’applique pas automatiquement dans le 101ème département. « Nous avons tous des boulots, donc c’est compliqué par rapport aux demandes de subvention. » Reste alors la solution de repli : le soutien d’une organisation non-gouvernementale, à l’instar de Make Life Skate Life, qui intervient dans les pays du tiers-monde. Ou encore l’option d’un déménagement dans une autre commune, qui offrirait plus de possibilités. « Peut-être que d’autres personnes font la même chose dans leur coin. »

En attendant un éventuel dénouement positif, Maki Skate aimerait surtout que les Mahorais s’impliquent davantage dans l’association. « C’est dommage que les parents de nos skateurs ne les accompagnent pas », regrette Christophe Burac, dont la mission sur le territoire arrive bientôt à son terme. Avec le risque de voir tout cet engouement partir en fumée.

Utiliser l’art pour défendre les droits des femmes à Mayotte

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Le 8 mars oblige, la question des droits des femmes est le sujet dont tout le monde parle. L’Acfav, fervent défenseur de la cause féminine, a voulu marquer le coup à tra-vers l’art. Une artiste a notamment peint en direct devant les locaux de l’association, durant toute la matinée, sous les regards curieux et émerveillés des passants.

Concentration optimale : seule les coups de pinceaux et sa toile l’intéressent. Nathalie Okra, artiste peintre se donne littéralement en spectacle ce lundi matin devant les locaux de l’association pour la condition féminine et aide aux victimes (Acfav). Le bruit de ses admirateurs et de la circulation ne la perturbent pas, tant elle est en osmose avec ce qu’elle peint. Une mère et son bébé, l’essence même de la vie. « La naissance est le dé-but de tout. Si une mère ne donne pas naissance à son enfant il n’y a pas de vie, il n’y a plus rien. Rien que pour ça, il faut respecter la femme », explique Nathalie Okra. La femme dans sa globalité, dans tous ses états est le point commun des œuvres de l’artiste.

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Dans l’histoire de l’art, le sujet de la femme a beaucoup été traité, mais très souvent à tra-vers un homme. Alors la peintre apporte son regard féminin. « Je suis touchée par la sen-sibilité de la femme, par sa beauté », indique-t-elle. Et comme pour prouver son engage-ment artistique, Nathalie Okra peint en parallèle un deuxième tableau sous les yeux de tous. Il représente la sororité, comprenez la solidarité entre les femmes. Elle, qui peint souvent la mélancolie, a voulu cette fois-ci immortaliser la joie à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes. L’artiste en est convaincue, la peinture peut être un bon moyen pour véhiculer un message. « Ça représente la beauté et tout ce qui est beau interpelle et touche les gens. » C’est la raison pour laquelle l’Acfav a fait appel à elle pour valoriser la femme mahoraise. « La peinture est un message de lumière, et quand il y a de la lumière c’est que du bonheur », pense Sophiata Souffou, présidente de l’association.

 

Sensibiliser dès le plus jeune âge

 

Les adultes ne sont pas les seuls à vouloir défendre les droits des femmes. Les adoles-centes également prennent le sujet à coeur, à l’exemple de Natacha qui a tout juste 14 ans. La jeune fille a été approchée par sa professeure qui n’est autre que l’artiste peintre Nathalie Okra, pour participer à un documentaire réalisé par l’enseignante elle-même en collaboration avec l’Acfav. Elle y livre son concept de la liberté des femmes et malgré son jeun âge, Natacha est déjà très engagée. « Dès que ma prof m’a proposée de témoigner dans le film, j’ai immédiatement accepté parce que les femmes sont encore trop stigmati-sées à mon sens. On dit qu’elles ne sont pas capables de faire certains métiers… Je veux lutter contre cette discrimination. On peut faire ce que l’on veut ! »

Natacha et sa camarade Houzaita ont également voulu prouver leur engagement en con-tribuant à l’une des toiles exposées ce jour-là à l’Acfav. Leurs coups de pinceaux sont encore hésitants, mais leurs convictions sont bien tranchées. « J’ai des petites-soeurs, elles sont jeunes, mais je les sensibilise déjà à la cause. Je leur dis de faire très attention aux garçons car ils sont égoïstes », souligne Houzaita. Les deux jeunes filles sont déter-minées à être les seules maitresses de leur avenir prometteur.

 

L’éducation, la clé de l’égalité

 

Ce n’est un secret pour personne, à Mayotte, les filles et les garçons ne sont pas édu-qués de la même manière. La fille est élevée dans l’optique d’être plus tard une bonne épouse et mère, alors que le garçon devra être le chef de famille. Cette réalité est en train de changer, mais en 2021, les conséquences d’une telle éducation sont encore visibles. « La femme mahoraise vit une situation un peu contradictoire parce qu’elle est obligée de se battre. Elle se débrouille, elle fait beaucoup de choses pour la famille. Et de l’autre côté, j’ai l’impression qu’il y a un manque de considération de la gent masculine vis-à-vis des femmes. C’est dommage, il faudrait leur laisser plus de place pour s’exprimer », constate Nathalie Okra.

Et selon la présidente de l’Acfav, il faut rectifier cela dès l’enfance. « Les parents ne doi-vent pas faire de différence entre les filles et les garçons. Si l’une est contrainte de faire les tâches ménagères, l’autre doit également s’y plier. Il faut aussi inciter nos jeunes filles à faire des études et à occuper des postes à haute responsabilité. » L’appel est lancé, il ne reste plus qu’à voir si le prochain président du conseil départemental de Mayotte sera une présidente.

Les sportifs confinés : Champion de kick-booxing, Maxime Rochefeuille partage sa passion sur les réseaux sociaux

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Maxime Rochefeuille aux côtés de son coach Didier Bernardet, après son succès en coupe de Mayotte de kick-boxing Low Kick, en mai 2019 au gymnase de Kavani.

À Mayotte, parmi les sportifs confinés et impatients de retrouver leur activité, figure Maxime Rochefeuille, footballeur et kick-boxeur bien connu des Mahorais. En cette période de confinement, le gardien de la paix s’est converti en coach sportif : proposant des séances de cross-training, donnant ses conseils et partageant sa passion du sport avec les 9.000 personnes qui le suivent sur les réseaux sociaux.

Maxime Rochefeuille passe actuellement son Brevet de moniteur fédéral (BMF) 1 et 2. Il s’agit d’une formation de cadres sportifs, organisée en ligne par la Fédération française de kick-boxing, muaythaï et disciplines associées (FFKMDA). Son but : intégrer l’équipe technique du Maoré Boxing Majicavo, son club, et encadrer les jeunes licenciés. « Je voudrais avoir ce rôle d’éducateur et d’entraîneur auprès de nos combattants, les jeunes notamment, pour leur transmettre ce que j’ai appris et les aider à progresser. » Champion de Mayotte et vainqueur de la coupe de Mayotte de kick-boxing Low Kick en janvier et mai 2019, « Max » est actuellement l’un des meilleurs combattants de Mayotte. Ses titres acquis sur l’île lui ont permis de défendre les couleurs du Maoré Boxing et de la Ligue de Mayotte (LMKMDA) au championnat de France et à la coupe de France amateur de kick-boxing, en mars et octobre 2019.

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Maxime Rochefeuille s’entrapine à raison de deux heures par jour. Le kick-boxeur du Maoré Boxing Majicavo et footballeur des Diables Noirs de Combani partage ses séances d’entraînement à ses 9.000 followers sur les réseaux sociaux pour les motiver à s’entretenir.

Deux expériences nationales vécues différemment. « Le championnat de France constituait mon premier combat en plein contact sur un ring. J’y allais sans aucune expérience et je perds mon combat, justement, pour avoir pêché par manque d’expérience », se souvient le kick-boxeur. « Quelques mois plus tard, nous sommes revenus en métropole pour la coupe de France, avec l’expérience du championnat de France qui m’a permis de ne pas reproduire les mêmes erreurs. J’avais plus de repères et une meilleure stratégie. J’ai atteint les demi-finales de la compétition. »

« Je veux être champion de France de kick-boxing ! »

Cinq mois après la coupe de France amateur de kick-boxing, le Covid-19 est apparue en France et a interrompu les activités de la Ligue et de la Fédération. Depuis, le gardien de la paix au groupe d’appui opérationnel de la police aux frontières prépare le retour aux compétitions. « Je veux aller le plus loin possible au championnat de France. Je veux être champion de France ! Je suis focus sur cet objectif, alors je me tiens prêt », assure-t-il. « Bien sûr, il faudra que je remporte mes combats à Mayotte pour être champion régional et me qualifier pour l’échéance nationale. Mais je me prépare pour. »

La crise sanitaire qui dure depuis maintenant plus d’un an n’a en rien freiné les ambitions et la motivation du combattant, qui est aussi footballeur : passé notamment par le FC M’tsapéré, l’ASC Kawéni, Foudre 2000 de Dzoumogné ou encore les Diables Noirs de Combani. « Ces dernières années, j’ai privilégié le kick-boxing au football, car mes objectifs de combattant me tiennent particulièrement à cœur. J’ai quand même pris une licence chez les Diables Noirs pour la saison 2021, car l’envie et le plaisir du football sont toujours présents. »

Maxime Rochefeuille est un passionné : un terme probablement trop faible pour décrire sa connexion au sport. « C’est devenu une drogue ! Si je ne fais ma séance d’entraînement quotidienne, je ne suis pas bien. Ce sont mes proches qui veillent et qui me disent de ralentir la cadence », confie-t-il, amusé. Au-delà de lui servir à préparer le retour du football et du kick-boxing à Mayotte, ses séances d’entraînement individuel sont, chaque jour, un véritable plaisir et un excellent moyen de décompresser, lui qui peut parcourir jusqu’à 15 kilomètres en une journée dans le cadre de son travail.

 

9.000 followers sur les réseaux sociaux

 

Ce plaisir de la pratique sportive, Maxime Rochefeuille aime le partager. En attendant d’obtenir son diplôme d’entraîneur et de pouvoir en faire profiter les jeunes du Maoré Boxing, c’est auprès de ses « followers » sur les réseaux sociaux que le champion de Mayotte de kick-boxing partage sa passion. Ils sont 8.000 à le suivre sur Instagram, et plus d’un millier sur Facebook. Chaque semaine, ce sont donc plus de 9.000 personnes qui ont la possibilité d’observer ses vidéos, d’appliquer ses programmes de cross-training à la maison, d’accomplir avec lui les séances de musculation et de cardio…

À titre individuel, nombre d’entre eux n’hésitent pas à le solliciter. « Je reçois beaucoup de retours en messages privés quand je publie mes programmes ou mes vidéos, des questions et des demandes de conseils. Certaines personnes me posent même des questions sur l’alimentation. Mais je ne suis ni nutritionniste ni réellement coach sportif. Et je sais que mes conseils ne seront pas forcément les bons pour tout le monde parce qu’on n’a pas tous le même rapport à la pratique sportive. Alors je me contente simplement de partager ma propre expérience, en espérant que ça puisse aider les personnes qui me sollicitent. » En suivant Maxime Rochefeuille sur les réseaux sociaux, les internautes pourraient très vite attraper le virus du sport, et devenir à leur tour addict. « Si je fais tout ça, c’est parce que j’aime transmettre ma motivation aux gens et les inciter à faire un minimum de sport. En fonction de son organisation familiale et professionnelle je sais que ce n’est pas toujours évident, mais c’est important de s’occuper de soi. »

“La rumeur qui dit que Soliha loge les sans-papiers est fausse. La vérité, c’est que beaucoup de Mahorais ne font pas valoir leurs droits”

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Cette semaine, 200 cases en tôle doivent être rasées à Koungou, sur la base de la loi Elan. Mais ces opérations de résorption de l’habitat insalubre soulèvent l’épineuse question du relogement, sur un territoire qui en manque cruellement. Pour tenter d’y voir un peu plus clair, Emmanuelle Laboury, la directrice de Soliha 976, revient pour Flash Infos, sur les dispositifs existants.

Flash Infos : Pouvez-vous expliquer le rôle de Soliha 976 à Mayotte ?

Emmanuelle Laboury : A la base, l’association mahoraise pour le droit au logement est née pour aider les Mahorais les plus précaires à trouver des solutions de logement. En 2015, l’association a pu rejoindre Soliha, un mouvement national qui regroupe plus de 200 organisations. Depuis, nous nous efforçons de développer nos différentes activités. D’abord, il y l’accompagnement à l’amélioration de l’habitat. Il s’agit d’accompagner un propriétaire sur un dossier de chantier, pour demander des aides financières de l’Etat. Selon les situations, cette prise en charge peut aller jusqu’à 80% des financements, soit 60% d’aides publiques et 20% d’aides privées ! Et il s’agit aussi bien d’une construction neuve, que de travaux pour finir une maison inachevée en améliorant un habitat qui présenterait des risques pour la santé par exemple. L’idée sous-jacente étant d’améliorer le logement afin de favoriser le maintien à domicile et de construire des logements supplémentaires à Mayotte. Un autre sujet qui nous occupe concerne le conseil aux collectivités. Soliha contribue ainsi à des études sur la lutte contre l’habitat indigne et de résorption de l’habitat insalubre, en répondant à des appels à projet des communes ou des intercommunalités. En parallèle de ces deux activités, nous nous chargeons aussi d’un dispositif d’intermédiation locative (IML) et de la Maison-Relais de Tsararano.

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FI : Quelle est la différence entre ces deux dispositifs ?

E.L. : Dans le premier cas, il s’agit d’une location auprès d’un propriétaire privé. Soliha intervient comme tiers de confiance entre le bailleur et le bénéficiaire. Il s’agit de personnes dans une grande précarité sociale ou économique qui ont été identifiées par des travailleurs sociaux. Le but de la manœuvre est de pallier le manque de logement social sur l’île en allant piocher dans le parc privé. Et cela permet aux bénéficiaires d’accéder à un logement, et de là, de pouvoir s’occuper pleinement de leur formation, de la scolarité des enfants, de se faire soigner etc. A l’issue du dispositif, que nous appelons “une sortie positive”, la famille est capable de devenir locataire en titre. Nous faisons alors un “glissement de bail”, et Soliha se retire de cette location à trois têtes pour laisser le lieu au propriétaire et à son locataire. Normalement, l’IML dure maximum 18 mois mais peut être prolongée sur demande du bénéficiaire, du travailleur social, et de Soliha en justifiant les raisons.

Dans le second cas, il s’agit d’un dispositif de logement accompagné à destination de publics très précaires, en situation d’isolement, d’exclusion ou de fragilité. Contrairement à l’IML, il n’y a pas de limite de temps. La maison de trois étages, située à Tsararano, sort tout juste de terre et est en cours de finalisation. Les deux périodes de confinement que nous venons de vivre ne nous ont pas aidés… Aujourd’hui, nous avons 19 places livrées sur 22, Il faut imaginer un hôtel social avec chambre, WC, salle de bains privatives, mais partage des autres espaces de vie. Et ce n’est pas une coloc ! Ici, vous avez des profils très différents, du mineur isolé, à celui qui a connu la guerre, à celui qui a vécu un accident qui lui a fait perdre pied, à celle qui a fui le domicile conjugal… D’où le rôle clé de l’animateur de la Maison-Relais, dédié au suivi social. Soliha s’occupe aussi de la gestion locative, car les habitants paient une redevance.

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FI : Comment identifiez-vous les personnes qui vont pouvoir bénéficier des différents dispositifs ?

E.L. : Avant toute chose, je préfère préciser un point. Tous les bénéficiaires de Soliha ont leur situation administrative en ordre. Cela peut être une carte de séjour d’un an, peu importe, du moment que la personne est en règle au moment de la mise en place. Après vient l’accompagnement pour s’assurer qu’elle le reste tout au long de son parcours. Je dis cela, car des rumeurs prétendent que Soliha loge des sans-papiers au détriment des populations précaires françaises de l’île. Ce n’est pas vrai. En revanche, ce qui est vrai, c’est qu’un certain nombre de Mahorais français ne font pas valoir leurs droits. C’est d’ailleurs ce que nous avons pu constater lors des opérations de décasage, comme à Majicavo ou plus récemment à Kahani. Nous le savons, il y a dans ces populations des personnes qui détiennent une carte d’identité, mais quand nous revenons sur le secteur pour le relogement, ils ne sont plus là. Car comme toute personne en situation de précarité, vous gérez l’immédiat.

Pour répondre à votre question, nous avons un pôle social constitué de trois travailleurs sociaux, j’espère bientôt quatre, qui se chargent d’étudier les cas après orientation du SIAO (service intégré d’accueil et d’orientation, le numéro d’urgence 115 NDLR). Et les travailleurs sociaux des différentes organisations de l’île, des CCAS, du département, du Rectorat, de la préfecture nous font remonter des cas. A charge pour nous de confirmer la véracité des situations, car l’orientation du SIAO se fait sur une base déclarative, et nous avons besoin de pièces justificatives. Un papier ou un enfant est vite perdu… Or, comme je le dis souvent, Soliha n’est pas une agence immobilière !

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FI : Rencontrez-vous des difficultés dans le cadre du dispositif d’intermédiation locative, pour convaincre des bailleurs privés ?

E.L. : Etant donné que nous sommes locataires en titre, le bailleur n’a pas de lien avec le bénéficiaire. Il s’agit d’un bail spécifique, le Solibail. L’avantage pour le propriétaire, c’est qu’il n’a pas de gestion locative, de plus, il a la garantie du paiement du loyer. Et s’il est imposable, la valeur locative de ses locations sera exonérée d’impôts, à hauteur de 85%. En faisant le calcul sur la même grille que le logement social (10 euros le mètre carré pour un logement intermédiaire, 8 euros pour un logement social, 6 euros pour du très social), et avec les exonérations, le bailleur y gagne. Mais pour ne rien vous cacher, à Mayotte, l’argument fiscal pèse peu dans la balance. Encore faut-il payer des impôts… et avoir déclaré son foncier. Donc le premier sujet, c’est la garantie du paiement du loyer et l’absence de gestion locative. Par ailleurs, si le bailleur a une maison sur laquelle il doit faire des travaux, nous tentons de croiser avec notre dispositif d’accompagnement à l’amélioration de l’habitat, que je vous décrivais plus tôt. Avec parfois un reste à charge de 5.000 euros pour refaire un logement complet, cela peut-être très intéressant pour un bailleur. En tout, nous avons à ce jour une soixantaine de logements captés en IML, soit une quarantaine de bailleurs, dont une grosse moitié à Mamoudzou. La SIM aussi nous met à disposition une dizaine de logements sociaux. Mais la vocation de Soliha n’est pas de faire du logement social avec du logement social.

FI : Et les propriétaires n’ont pas de réticence quant au profil du bénéficiaire ?

E.L. : Évidemment, nous tombons parfois sur des propriétaires qui nous disent par exemple : “d’accord pour louer, mais je vous interdis de mettre un Africain”, ou encore qui refusent que la facture d’électricité soit au nom de l’occupant. Nous avons perdu des logements à cause de cela. Mais si dès le début, nous ne sommes pas vigilants, nous réduisons d’autant les chances d’avoir des sorties positives pour nos bénéficiaires.

Jadelhak Cheick-Ahmed : jeunesse, réussite et partage

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Jadelhak Cheick-Ahmed, 24 ans, est chef de projet pour la mise en ligne des Airbus A220 à La Réunion. Si le jeune mahorais a réussi à réaliser ses rêves, il espère aujourd’hui inspirer les étudiants de son île, ou au moins les motiver.

Issu de la première promotion Sciences de l’Ingénieur du lycée de Kahani en 2013, Jadelhak Cheick-Ahmed vit aujourd’hui son rêve : travailler dans l’aéronautique. Passionné d’aviation depuis son enfance, le jeune homme travaille maintenant chez Air Austral. « Je voulais comprendre comment ces grosses boîtes métalliques arrivent à voler avec 500 personnes à son bord à 11.000 km d’altitude en toute sécurité », explique-t-il. Sa passion, il la tient de sa curiosité, de son envie de savoir, et surtout de comprendre. « J’ai toujours voulu me raccrocher au maximum à l’aérien, toutes les notions que j’étudiais en cours j‘essayais de les ramener à l’aviation. »

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C’est cette passion qui l’a poussé à partir étudier à La Réunion, puis en métropole, malgré son amour pour son île. Aujourd’hui, son rôle est de coordonner toutes les équipes travaillant à la conception des avions A220 de la compagnie réunionnaise, du constructeur de l’avion au Canada à la formation des mécaniciens par un organisme européen. C’est cette pluridisciplinarité qui lui plaît le plus dans son travail, lui permettant d’être en lien avec beaucoup de services, auparavant méconnus. Pour lui, partager cette passion qui l’anime est très important, notamment avec les jeunes de son île.

 

“Aujourd’hui je suis là et si je peux aider les jeunes, c’est avec grand plaisir”

 

Fraîchement diplômé, en février 2020, de l’ELISA (école d’ingénieurs des sciences aérospatialesà à Saint-Quentin, Jadelhak voit déjà plus loin. Le jeune homme a conscience d’être regardé dans son département, et il espère inspirer certains étudiants, ou du moins, les motiver. Il explique que son envie de partage est grandissante. Cet amoureux des avions a même passé un diplôme pour enseigner l’aéronautique dans les collèges et les lycées. “J’ai envie de dire aux jeunes de faire leur maximum pour réussir, si moi je l’ai fait, tout le monde peut le faire.

Il relativise sur le fait que le parcours n’est pas évident et qu’il faut parfois s’accrocher. Mais que le jeu en vaut la chandelle. Il s’épanouit aujourd’hui dans son travail, grâce à sa ténacité. “Quand j’étais en prépa, je me disais que l’échec n’était pas une option. Parce qu’à partir du moment où tu commences à te dire j’ai une option B, c’est sûr que l’option A ne marchera pas.

 

“Au fur et à mesure, Mayotte va devenir un territoire attractif”

 

S’il travaille aujourd’hui à La Réunion, Jadelhak n’écarte pas un retour sur Mayotte dans un futur plus ou moins proche. “En tant que jeune, c’est le moment de parcourir le monde et de découvrir d’autres cultures, d’autres mentalités, d’aller prendre une richesse extérieure et de revenir à Mayotte avec une plus value.” Comme il le souligne, l’aéronautique n’est pas encore bien structurée à Mayotte mais la tendance va à l’amélioration. “On commence à avoir des pilotes, des mécanos, et j’imagine que dans un futur proche, il y en aura plus et au fur et à mesure, Mayotte va devenir un territoire attractif.

Le Mahorais garde donc beaucoup de contacts avec les jeunes de son île, en partageant son expérience, prouvant que la réussite est aussi à leur portée. “Ce que je voudrais dire aux jeunes de chez nous, c’est osez, croyez en vous, et accrochez-vous.

Covid-19 à Mayotte : des indicateurs en nette baisse mais la vigilance reste de mise

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Confiné depuis quatre semaines, le 101ème département reprend du poil de la bête. Les taux d’incidence et de positivité ont été divisés par deux tandis que la situation à l’hôpital s’améliore. Pour autant, l’agence régionale de santé ne veut pas crier victoire trop tôt et demande à la population de ne pas relâcher les efforts du dernier mois pour envisager un déconfinement dans les règles de l’art.

covid-19-mayotte-indicateurs-baisse-mais-vigilanceAu son de sa voix, Dominique Voynet, la directrice générale de l’agence régionale de santé, semble lâcher un grand ouf de soulagement. Avec un taux d’incidence de l’ordre de 391 cas ce vendredi 5 mars, « c’est vraiment sur la bonne tendance », même si cela « reste élevé par rapport au standard ». Pas de raison de crier victoire donc, mais la dynamique des derniers jours laisse dorénavant penser que « l’épidémie est derrière nous ». Idem pour le taux de positivité qui baisse drastiquement pour atteindre les 16%. Une chute par ailleurs faussée par un taux de dépistage en recul de 25% comparé à la semaine précédente. « Les habitants se présentent moins au laboratoire ou en pharmacie », avoue l’ancienne ministre, qui se réjouit de voir le nombre de cas contacts passer de « sept ou huit à deux ou trois ».

Du côté de l’hôpital, les indicateurs amènent également un motif d’espoir. « Ça se détend, on a moins de patients Covid en réanimation. » Bilan des courses : pas de nouvelles entrées durant deux jours consécutifs et aucune évacuation sanitaire en lien avec le virus depuis le lundi (deux ont été envoyés ce dimanche). Une petite victoire en cette période de forte affluence. Conséquence : « On a fermé le service de médecine 5 installé dans le service de chirurgie traumatologique. » Même son de cloche aux urgences avec la probable réouverture du service d’accueil pédiatrique.

 

Onze décès à La Réunion

 

Et si le CHM peut se targuer de ne recenser plus que 102 malades hospitalisés, les décès – 127 dimanche soir – continuent eux de grimper. « Ils arrivent dans un contexte d’hospitalisation longue », précise Dominique Voynet. « En cas de défaillance polyviscérale, le risque de surinfection augmente et le pronostic vital devient alors plus pénalisant. » D’où son leitmotiv de ne pas relâcher la pression, après tant d’efforts consentis ! « Ce n’est pas une épidémie à prendre à la légère. Des gens en paient de leur vie. Ici, on connaît tous les morts. Ce sont des jeunes, dans la force de l’âge. »

Ces chiffres coïncident avec la mise à plat des 97 dossiers des patients transférés à La Réunion dans le cadre des evasan depuis début février. « Sur les 11 personnes décédées là-bas, on avait connaissance de deux », confie la directrice de l’ARS. Mais en l’absence d’un centre d’information unique pour réunir toutes les données entre les différentes structures de l’île Bourbon, difficile dans ces conditions de suivre l’évolution des uns et des autres. « On ne savait pas si certains étaient passés de la médecine à la réanimation, si certains s’étaient dégradés, si certains étaient sortis… Mais maintenant, ils vont nous remonter plus régulièrement les informations. Les Mahorais ont besoin de savoir ! »

 

Bientôt le départ de l’Escrim

 

Cette bouffée d’oxygène pose aussi des questions sur le devenir des moyens déployés. Quid du service de santé des armées et de l’Escrim (Élément de sécurité civile rapide d’intervention médicalisée) ? Le départ du premier n’est pour l’heure pas envisagé puisque la tension en réanimation reste au-dessus des capacités normales. « On a encore impérativement besoin de leurs dix lits », assure Dominique Voynet. En revanche, pour le second, la donne est différente puisque « l’activité en Petite-Terre est contenue ». « Si la situation ne se dégrade pas, on envisage une fin de mission dans deux semaines. » L’accueil des urgences pourrait alors être suspendu pour terminer les travaux et ouvrir en bonne et due forme le dispositif de soins de suite et de réadaptation.

Malgré l’abondance de bonnes nouvelles, la responsable de l’autorité sanitaire dans le 101ème département ne veut pas crier victoire trop tôt. « L’une de mes inquiétudes est que les personnes se relâchent car l’épidémie reflue. » Et à quelques jours de la fin du confinement, le territoire peut se mettre à rêver de retrouver un semblant de vie normale. « On se prépare à rouvrir les écoles avec un dispositif adapté. Au vu des chiffres aujourd’hui, je ne préconiserai pas de [le] prolonger. » Ouf.

 


 

Un vol sans turbulence pour les quatre Mahorais évasanés en métropole

 

Jeudi dernier, quatre patients mahorais ont été transférés en métropole depuis La Réunion. « Les indications médicales étaient compatibles avec une longue distance », souligne Dominique Voynet, la directrice de l’agence régionale de santé de Mayotte. « Le vol s’est bien passé d’un point de vue technique : il n’y a pas eu de problème d’oxygène. » Sur place, ils ont été dispatchés dans différents hôpitaux de la région parisienne.

Si cette première mondiale s’est déroulée sans accroc, la responsable espère ne pas être amenée à reproduire « cet exercice qui est très coûteux financièrement et en ressources humaines ». Avant d’évoquer le rapatriement de patients mahorais toujours hospitalisés sur l’île Bourbon en cas de dégradation sanitaire. « Il est plus facile d’imposer deux heures de trajet pour Mayotte que dix heures pour Paris. »

Au centre éducatif renforcé de Mayotte, les timides premiers pas des mineurs délinquants vers la réinsertion

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Ils ont entre 13 et 17 ans et sont déjà passés devant le juge pour des faits délictuels ou criminels. Mais pour éviter l’incarcération systématique, et surtout la récidive, la protection judiciaire de la jeunesse a la lourde tâche d’accompagner ces jeunes vers la réinsertion. L’un de ses dispositifs, le centre éducatif renforcé (CER) de Mayotte, accueille certains de ces mineurs repris de justice, pour des sessions de quatre mois intensifs. Reportage.

Sous sa casquette blanche et ses équipements dignes d’un jardinier professionnel, Ibrahim* a un sourire banane. “Aujourd’hui, on s’est levé tôt, on a fait du sport et là, il faut couper les feuilles”, rembobine-t-il la mine satisfaite, pour décrire sa journée déjà bien entamée. Un joli programme… et surtout inhabituel pour le jeune homme de 17 ans, plutôt accoutumé aux grasses matinées et aux longues après-midi d’oisiveté. Scolarisé jusqu’en 3ème, le mineur a atterri au centre éducatif renforcé de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de Mayotte, après un passage par la case délinquance. Intégré au centre depuis le mois de décembre, il commence, doucement, à se projeter vers l’avenir. “J’aimerais bien faire un stage de cuisine”, poursuit celui qui n’hésite pas à donner un coup de spatule pour “aider la femme qui nous prépare à manger”.

À côté de lui, son acolyte a la langue moins pendue. Assis à l’ombre l’air revêche, Ahmed* débite ses réponses par monosyllabes. “Oui”, “non”, “CM2”, marmonne-t-il à chaque fois qu’on lui tend la perche. “Moi, je veux faire de l’entretien de climatiseur”, lâche enfin le taiseux, poussé par les encouragements de ses éducateurs. “C’est plutôt le premier qui était bavard”, nuance quelques minutes plus tard Erwan Bourhis Humbert, le coordinateur de ce centre géré par Mlézi, association habilitée par l’État et le Département. Sur les six mineurs à sa charge, rares sont ceux qui ont le contact humain facile, surtout avec les adultes.

 

Situation “préoccupante” pour les mineurs privés de liberté

 

Et c’est justement là que le CER entre en jeu. Ce dispositif fait partie de l’arsenal de la PJJ pour accompagner les jeunes vers la réinsertion. Créé en 2019 sur l’île aux parfums, le centre a déjà réalisé six sessions, pour une capacité de huit mineurs maximum. Avec le Dago (l’Établissement de placement éducatif), l’UHD (Unité d’hébergement diversifié), ou encore les centres éducatifs fermés et renforcés de La Réunion, ce sont en moyenne 100 jeunes qui sont placés chaque année depuis 2017 par la PJJ. Objectif : redonner un cadre pour ces mineurs, happés trop tôt par la délinquance… Et éviter leur incarcération systématique, qui peut les embourber encore davantage dans un cycle de violences. Au niveau national, un récent rapport de la contrôleure des lieux de privation de liberté a d’ailleurs jugé la situation des mineurs enfermés “préoccupante” : au 1er janvier 2020, 804 mineurs étaient incarcérés, contre 672 dix ans plus tôt.

 

9% de mineurs non accompagnés

 

Pour éviter les barreaux, le juge des enfants ou d’instruction, sur proposition de l’éducateur de la PJJ, et en fonction du profil et de la gravité de la condamnation, peut donc décider du placement du jeune en centre éducatif renforcé. Là, le mineur – entre 13 et 17 ans – entame un parcours musclé qui va durer quatre mois. La session actuelle court donc jusqu’au 26 avril. À chaque fois, les candidats font l’objet d’un examen minutieux, pour former le groupe. Car il vaut mieux éviter les rivalités de bande… ou encore respecter les interdictions de contact avec des co-auteurs décidées par le tribunal, par exemple. Ceux qui échouent là ont pour la plupart écopé de peines pour des vols avec violence, indique le responsable du CER. Information non négligeable : les mineurs non accompagnés ne représentent que 9% des effectifs suivis par la PJJ. “En cherchant bien, nous trouvons toujours des familles éloignées”, analyse Hugues Makengo, son directeur territorial à Mayotte.

 

Trois phases, de la rupture à la réinsertion

 

Et à peine arrivés, les voilà mis dans le bain. Réveil matin, 6h30, du sport, quatre à cinq heures par jour, une itinérance à Mayotte ou à La Réunion si la situation sanitaire le permet, un accompagnement quasi individualisé et “peu de temps de repos”… Sacré planning ! “On a fait par exemple de la via ferrata à Bouéni, et dans ces situations, ils sont obligés de faire confiance à l’adulte. Cela casse leur fonctionnement habituel”, illustre Erwan Bourhis Humbert. Ce parcours du combattant dure pendant un mois. “C’est la phase de rupture, pour rompre avec leur mode de vie car nous avons souvent affaire à des jeunes très marginalisés avec des horaires nocturnes, des consommations de stupéfiants, une déscolarisation”, explique le coordinateur.

À l’issue de cette première phase, place à la “remobilisation”. De retour au centre, les jeunes (ex ?)-délinquants commencent à travailler leur projet individuel. Ils sont alors accompagnés d’un psychologue et d’un enseignant de l’Éducation nationale pour revoir les bases. Car s’ils parlent tous français en général, ces mineurs montrent des lacunes. À la mi-janvier, les six de la session actuelle ont justement entamé cette phase de montée en compétences, qui peut durer jusqu’à deux mois. “On les aide à faire leur CV, pour trouver un stage”, ajoute une éducatrice. Enfin, en fonction de leur avancée, chacun peut entamer la troisième et dernière phase, celle de la réinsertion vers l’extérieur, qui peut signifier la rescolarisation, l’entrée dans une formation ou encore un stage.

 

Sans suivi, le risque de la récidive

 

Et c’est gagné ! Enfin, pas tout à fait. Car le risque de récidive existe bel et bien, “surtout s’ils ne sont pas suivis”, constate Hugues Makengo. Chiffres à l’appui ? “Non, mais il peut nous arriver de les retrouver entre trois et six mois après leur sortie des dispositifs d’insertion”, acquiesce Erwan Bourhis Humbert. Pour garantir une réinsertion durable, et surtout faire baisser la délinquance à Mayotte, la seule action du CER ne peut suffire. “Souvent, nous récupérons des jeunes entrés en délinquance mais qui relèvent plus de parcours d’enfants maltraités, qui ont faim, qui sont élevés dans des familles élargies”, présente le directeur de la PJJ. D’où la nécessité de renforcer aussi le travail de la protection de l’enfance mené en amont par l’ASE (aide sociale à l’enfance), qui dépend du Département.

Dernier défi et non des moindres : faire reconnaître les compétences acquises pendant le passage du mineur au centre éducatif. Car si, à l’issue de son suivi, le jeune obtient un livret de compétences, il est important de capitaliser par une certification des organismes agrées. “Ici, à Mayotte, les problèmes avec la jeunesse sont tellement importants, en termes de scolarisation, de chômage, qu’il apparaît presque normal que ceux repris de justice ne soient pas priorisés (pour obtenir la certification de leur compétence)”, déplore Hugues Mackengo. Avant de conclure, sous les bruits de la tondeuse en marche dans les mains d’un Ibrahim concentré au-dessus de ses herbes folles : “Même avec tous mes diplômes, je suis incapable de faire ce qu’il fait…”

* les prénoms ont été modifiés

Liste rouge des espèces menacées : situation inquiétante mais pas irréversible à Mayotte

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@labanquedimagesdemayotte.com

Ce jeudi 4 mars, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a publié les résultats complets de la liste rouge des espèces menacées en France et en Outre-mer. À Mayotte, la faune, la flore et le monde marin sont particulièrement concernés. Grégoire Savouret, le représentant de l’organisation sur l’île aux parfums, fait le point sur la situation des espèces dans le département.

Depuis 13 ans, plus de 10.000 espèces ont été évaluées en France métropolitaine et dans les Outre-mer. Le bilan total révèle que 2.340 espèces sont menacées et que 187 ont déjà disparu. À Mayotte, près d’une plante sur deux se trouve dans une situation alarmante (43%), tout comme 25% des oiseaux nicheurs. On compte parmi eux le Martinet noir africain, défini comme « en danger » ou le Crabier blanc « en danger critique ». 42% des espèces de reptiles terrestres sont en péril, soit 5 sur les 12 présentes sur l’île. Parmi elles, la couleuvre ou encore le Gecko diurne à bandes noires. Les dernières inquiétudes se portent sur les coraux. Si seulement 12% d’entre eux sont aujourd’hui exposés, la « tendance globale va à la détérioration » et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) craint « une perte de la diversité biologique ».

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Toutefois, Grégoire Savouret, le représentant de l’organisation dans le 101ème département, est loin d’être fataliste. À ses yeux, il ne faut voir ces chiffres ne sont pas irréversibles. « Je pense qu’il n’est pas trop tard et qu’il ne sera jamais trop tard », déclare-t-il. Selon lui, les actions peuvent être réalisées à différentes échelles. « Chacun peut travailler dans ce sens-là ! Par exemple, lorsqu’un manguier dérange, on peut choisir entre le couper ou l’élaguer. Et c’est un choix qui peut changer la donne. Ces petites actions mises bout à bout peuvent faire un vrai changement. »

À d’autres échelles, les collectifs et les associations peuvent aussi mettre des opérations en place, comme pour le ramassage des déchets. Et au niveau institutionnel, des espaces protégés peuvent être répertoriées. Mais Grégoire Savouret insiste sur un point primordial : « La priorité à Mayotte sont les actions à petite échelle et la sensibilisation de la population. »

 

Préserver ce qui n’a pas encore été détruit

 

« Parler du point de vue des espèces à Mayotte n’a pas grand intérêt. Il faut alerter sur le fait qu’on a besoin de la biodiversité pour vivre. » En effet, la perte de cette dernière pourrait impacter le cadre de vie des Mahorais à long terme. À l’instar de la nourriture, comme les fruits et légumes qui sont pollinisés par les abeilles.

« Il faut préserver ce qu’on a pas encore détruit », insiste Grégoire Savouret, en sensibilisant les personnes au maximum sur cette question de biodiversité et en changeant les pratiques agricoles. Les brûlis peuvent, par exemple, avoir de lourdes conséquences, même sur une petite pelouse, car ils détruisent la biodiversité qu’on ne voit pas forcément, comme les insectes ou les champignons.
Si le bilan est inquiétant, la situation n’est pas irrévocable. « Il y a déjà des gens qui y travaillent et des actions qui sont mises en œuvre… Il faudra juste les renforcer pour changer la machine et faire un virage à 180 degrés », assure le représentant local de l’UICN.

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Les sportifs confinés à Mayotte : « Nous revoir et nous amuser ensemble »

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Hazal Saïd, président de l'AJ Kani.

Selon les dernières tendances, l’agence régionale de santé (ARS) et la préfecture de Mayotte annonceront la fin du confinement d’ici la fin des vacances d’hiver, pour la prochaine rentrée scolaire prévue le lundi 15 mars 2021. À ce moment, les sportifs mahorais pourraient alors envisager une nouvelle reprise de leurs activités. En attendant, ces derniers sont toujours confinés. Pour s’occuper, certains d’entre eux font preuve d’imagination et de créativité. D’ici l’officialisation du déconfinement, Flash Infos vous propose de découvrir comment les sportifs mahorais confinés maintiennent la flamme. Pour ce premier volet de la série « Les sportifs confinés », cap au Sud de l’île avec l’association AJ Kani. Faute de Covid, la nouvelle équipe dirigeante menée par Hazal Saïd a entamé la saison 2021 avec… un concours de danse.

C’est une nouvelle équipe dirigeante, pleine d’idées et d’ambition, qui a pris les commandes de l’Association des jeunes de Kani-Kéli (AJK), en décembre dernier. Avec à sa tête, le chouchou du village, Hazal Saïd. Lui, le capitaine de l’équipe vainqueur de la coupe régionale de France en 2013 : buteur décisif en finale à Labattoir face à l’Espérance d’Iloni. Et présent, déjà, huit ans plus tôt, en 2005, lors du premier triomphe de l’AJK en CRF et de sa première participation au septième tour de la coupe de France.

Entre temps, l’ex-attaquant de la sélection de Mayotte a organisé son jubilé puis mis un terme à sa carrière. Mais, jamais loin de son club de cœur, le Kani-Kélien est resté disponible. Il a notamment encadré les équipes Jeunes, dirigé l’équipe première en tant qu’entraîneur et s’est porté bénévolement garant de l’entretien de la pelouse du « stade Godra« , réputé comme le meilleur terrain de football de l’île. Mais, tout héros qu’il a été, l’influence de Hazal Saïd auprès des dirigeants de l’association n’était pas celle qu’il espérait. « J’ai vu le fonctionnement du club. En étant dedans, j’ai vu – et tout le monde savait – qu’il partait à la dérive. Donc je me suis dit qu’il était peut-être temps de faire quelque chose. Et j’avais conscience que le seul moyen de faire quelque chose, c’était d’être à la tête du club puisque lorsque je n’étais qu’entraîneur, et que d’autres étaient à la tête, j’ai essayé de proposer mes idées, mais je n’étais pas décideur. En 2020, j’ai fait le choix de porter ma candidature à la présidence pour avoir le pouvoir de décision et pouvoir reconstruire le club. »

 

Un succès jusqu’en métropole

 

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Méli, l’une des gagnantes du concours de danse et du polo personnalisé du club.

Le 20 décembre dernier, Hazal Saïd et son équipe ont été élus pour un mandat de deux ans. L’aura du meneur d’hommes s’est immédiatement ressentie et bien au-delà de son village. Les premiers partenaires du nouveau projet AJK ont fleuri. Des joueurs de renomméese sont engagés et ont renforcé l’équipe première. Et pour la mener vers la Régionale 1, objectif sportif du club, le président élu a fait appel à l’expérience et aux services de l’ancien capitaine et entraîneur du FC M’tsapéré, Mohamed Ibrahim alias Sorcier. La crise sanitaire a cependant mis les ambitions sportives de l’association entre parenthèses. En attendant le lancement de la saison 2021, en attendant de pouvoir reprendre le chemin des terrains, les membres du club n’ont pas souhaité rester les bras croisés. Ils ont ainsi mis en place un concours de danse ouvert à tous sur les réseaux sociaux.

Le défi : réaliser ses plus beaux déhanchés sur le titre « Ayia Loulou ? Ndretou ! » (Où sont les Diables ? Ils sont là !), du nom du slogan du club. Une musique hommage à l’AJK produite par l’artiste et comédien originaire de Kani-Kéli, Combo. « À la demande du président, on a tout de suite accepté de mettre en œuvre le challenge », se souvient Naïma Ali Saïd, sympathisante de l’association et organisatrice du concours avec ses amies Faïza et Fadia. Tous trois fidèles soldats du clan Hazal. « On le soutient et ce, bien avant sa candidature à la présidence du club. Dans tout ce qu’il a fait pour l’AJK, on a toujours été derrière lui », assure Naïma. « Il en faut des dirigeants comme ça pour que la population s’intéresse de nouveau au club, pour le remettre au premier plan de la vie du village », estime Fadia.

Le concours de danse, le dirigeant en développe les raisons : « Nous vivons actuellement des moments très difficiles avec la crise sanitaire. Tout le monde est enfermé, sans la possibilité de sortir et d’avoir une vie sociale. Je me suis dit, pourquoi pas, booster un peu tout le monde et s’amuser. D’où est venue l’idée. C’était aussi une manière de voir tout le monde, les fans du club et les autres puisque le concours était ouvert à tous. » De Kani-Kéli à Hagnoundrou, en passant par M’bouini, Bandrélé et jusqu’en métropole… le concours a attiré une vingtaine de participants et susciter de nombreuses réactions sur Facebook. Ce week-end, les lauréats du concours se verront remettre le polo officiel de l’AJK personnalisé de leur nom, à leur domicile. Et c’est le président en personne qui fera le déplacement. « C’était super ! Ça nous a permis de nous revoir et de nous amuser ensemble », se réjouit Hazal Saïd. « Je remercie particulièrement Naïma, Fadia et Faïza, qui ont tout organisé et sans qui on n’aurait pas pu prendre cette initiative », conclut le président du club.

Sénateur Thani : « Une réforme ne se suffit pas à elle-même, il faut lui donner les moyens »

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En septembre prochain, la réforme portant sur la justice des mineurs entrera en vigueur sur l’ensemble du territoire national. Parmi ses fervents défenseurs, le sénateur mahorais Thani Mohamed Soilihi, par ailleurs avocat de profession. Que le texte prévoit-il ? Comment s’appliquera t-il à Mayotte ? Explications.

Flash Infos : Pourquoi réformer la justice des mineurs ?

Thani Mohamed Soilihi : Ça fait plus de onze ans qu’on en parle. La justice des mineurs avait été instituée par une ordonnance datant de 1945, au sortir de la guerre, sous l’égide du général de Gaulle. La justice des mineurs a toujours voulu lier répression, certes, mais aussi éducation, puisqu’un mineur, un enfant, ne peut pas être appréhendé comme un adulte qui lui agit en pleine connaissance de cause. Cette philosophie-là n’a jamais changé, tous les gouvernements confondus ont toujours tenu à maintenir cet équilibre entre éducation et répression. Par contre, l’ordonnance a été retouchée pas moins de 39 fois. Ces réformes successives ont eu pour effet de défigurer le texte original. C’est donc pour ça qu’il est question de réformer cette ordonnance. Et en septembre dernier, le texte a enfin été déposé par Nicole Belloubet [garde des Sceaux du gouvernement Philippe, ndlr] sous forme d’ordonnance, grâce à une habilitation accordée par le Parlement. Là, il fallait rectifier l’ordonnance mais avec la crise liée au Covid, cela a pris du retard et rentrera en vigueur en septembre.

FI : Concrètement, qu’est-ce que la réforme changera à compter de ce mois ?

T. M. S. : Elle ne change pas fondamentalement la philosophie de la justice pénale, qui repose sur la répression et l’éducation, mais elle va faire en sorte que la réponse pénale soit rendue plus rapidement. Aujourd’hui, lorsqu’un mineur commet des faits, il y a bien évidemment une phase d’enquête, d’instruction devant le juge des enfants, etc. Aujourd’hui, le délai moyen de ce traitement est de 18 mois. Donc ça peut être certes moins, mais ça peut aussi être beaucoup plus. Certaines affaires ont même défrayé la chronique puisqu’entre la commission des faits et le jugement, les personnes concernées étaient devenues majeures. Quand la réponse pénale tarde autant, quel sens peut-on lui donner ?

Ainsi, le texte de réforme veut que le mineur soit présenté devant le juge très rapidement, entre 10 jours et trois mois, qui sont des délais incompressibles pour ne pas bâcler les procédures. Cette première comparution est très importante puisqu’il y a tout de suite une réponse qui est apportée. L’autre apport, c’est que la victime est convoquée dès cette phase alors que dans la procédure qui vaut jusqu’à présent, elle n’est convoquée qu’au moment du procès, donc au bout de 18 mois, un an ou quatre ans… Une procédure de césure a été mise en place dans le cadre de la réforme. Autrement dit, on coupe en deux la procédure avec ce moment phare immédiatement après les faits ainsi qu’avec la mise en place d’une mise à l’épreuve éducative avant le jugement final. Si entre temps, la situation du mineur a évolué favorablement, la réponse pénale sera différente, et inversement.

FI : Tous les dispositifs prévus par la réforme pourront-ils être appliqués à Mayotte, où les moyens, les structures compétentes et les effectifs ne sont pas les mêmes qu’en métropole ?

T. M. S. : C’est la particularité en matière pénale : la loi pénale, et même celle des mineurs, est valable pour tout le territoire français. Il n’y a pas de particularité lorsqu’il s’agit d’un texte pénal. Donc bien évidemment, l’ensemble de ces dispositions sera applicable à Mayotte, comme partout ailleurs sur le territoire national. À Mayotte, il y a beaucoup d’enfumage, les gens parlent de sujets qu’ils ne connaissent ou ne maîtrisent pas. Si l’on veut faire des exceptions pénales, il faudrait que Mayotte soit hors de la France. S’il y a des particularités ici, c’est en matière sociale, par rapport au Code du travail, etc. Ce sont des sujets qui, à certaines conditions, peuvent effectivement connaître quelques particularités, mais pas la matière pénale.

FI : Vous réitérez depuis longtemps la demande de création d’un centre éducatif fermé sur le territoire. Pourquoi aujourd’hui, et ce malgré l’ampleur de la délinquance des mineurs à Mayotte, une telle structure n’existe toujours pas à travers l’île ?

T. M. S. : Je le dis partout : une réforme ne se suffit pas à elle-même, il faut lui donner les moyens, qu’il s’agisse en effet d’un centre éducatif fermé, mais aussi d’autres moyens. Cette nouvelle procédure, pour qu’elle puisse fonctionner, nécessitera des juges en plus, des magistrats en plus, des greffiers en plus, des fonctionnaires en plus à la PJJ…

La réponse pénale est multiple et diversifiée. Là aussi, il faudrait tordre le cou à ceux qui pensent que la justice des mineurs est laxiste. Je ne connais pas un magistrat ou un juge qui se lève le matin en se disant : « Je vais être laxiste à l’égard des mineurs ! ». S’il y a des décisions prises qui peuvent paraître laxiste, c’est qu’en fait, les moyens pour les faire appliquer n’existent pas. Certains ont refusé de voter cette réforme parce qu’ils l’estimaient trop sévère vis-à-vis des mineurs. C’est dire ! Mais à Mayotte, lorsqu’un juge doit passer par la case centre éducatif fermé, il n’a plus que le choix de le laisser dehors ou de le mettre au quartier des mineurs à Majicavo, pour des faits qui ne méritent pas de prison ferme. Parfois, la décision est prise de ne pas l’y envoyer, ou avec un temps d’emprisonnement très limité. Alors, le mineur peut ne pas comprendre pourquoi il a été enfermé puis libéré, et il risque d’y ressortir plus dangereux qu’il n’y est entré.

Les moyens peuvent être présents et toutes les cases doivent être cochés. Pour l’instant, nous avons un centre éducatif renforcé, un travail de terrain qui est fait, par les associations, au sein des familles d’accueil notamment. Le cran au-dessus, c’est ce centre éducatif fermé. Dans l’arsenal législatif, la justice pénale des mineurs et des majeurs est différente, mais le juge peut considérer ou non l’excuse de minorité (que la réforme conserve), qui permet que la peine soit deux fois moins élevé que si la personne mise en cause était majeure. La marge de manœuvre du magistrat est d’autant plus limitée si toutes les structures prévues dans le cadre de cette réponse pénale font défaut. Or à Mayotte, on manque évidemment de moyens pour faire fonctionner comme il faut la justice des mineurs. Pourquoi ce vœu de créer un centre n’est-il toujours pas exaucé ? Je ne le sais pas moi-même. Et je ne suis pas le seul à demander cette mesure ! Mais le manque de moyen concerne aussi le champ de l’enquête : il faut des officiers de police judiciaire qui maîtrisent la particularité de cette justice pour que les procédures ne craignent pas d’être annulées pour vice de procédure. Les enquêteurs ont eux-aussi besoin de ce renfort de moyens.

Au regard des mes demandes, on pourrait croire que je suis sévère avec ce gouvernement, mais c’est justement parce qu’il en a exercé pas mal. Pour moi, l’absence de ce centre éducatif fermé est en quelque sorte un trou dans la raquette. Mais le fait que nous soyons le département le plus jeune va peut-être faire bouger les choses, il faut rappeler que plus de la moitié de la population de Mayotte est mineure. Connaissez-vous beaucoup de territoires français à être dans ce cas ?

Depuis l’époque Belloubet, et même avant, il a été acté de créer une vingtaine de nouveaux centres éducatifs fermés dans toute la France. Je crois que parmi ces 20 nouveaux centres, Mayotte en mérite bien un.

FI : Avec la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron, l’année prochaine, cela laisse peu de temps…

T. M. S. : Vous savez, le jour où on arrêtera des annonces et des programmations, j’arrêterai la politique ! Si le centre est annoncé un mois avant la fin du quinquennat et que les moyens sont mis sur la table, je m’en contenterai. Les promesses d’un président n’engagent pas forcément son successeur, mais en réalité, elles le devraient. Ce n’est pas une demande que je formule comme ça : cette réponse apporterait un plus dans la résolution de la délinquance des jeunes à Mayotte. Nous avons pu avoir un centre éducatif renforcé parce que nous l’avons demandé avec insistance, il n’y a pas de raisons pour que nous n’ayons pas de centre éducatif fermé !

FI : Au-delà de la jeunesse de la population, comment expliquez-vous que la délinquance juvénile à Mayotte monte en puissance année après année ?

T. M. S. : Je crois que depuis trop longtemps, les jeunes ne sentent pas inquiétés puisque, faute de structure, la réponse juridique n’est pas à la hauteur de la gravité des faits commis. Mais il y a d’autres facteurs à prendre en compte comme l’abandon de certains parents, causés en partie, mais pas uniquement, par l’immigration clandestine puisque dans certaines situations, l’autorité parentale fait défaut. Et pendant longtemps, avant l’arrivée d’Issa Abdou [le vice-président du conseil départemental, en charge des affaires sociales, ndlr], on ne s’est pas préoccupé de la partie préventive. Sur l’île, on insiste beaucoup sur la répression, mais la prévention est tout aussi importante, voire plus, puisque c’est elle qui fait qu’un mineur ne passe pas à l’acte. Nous avons trop accumulé les manquements, et aujourd’hui nous sommes en train de payer cash toutes ces années-là. Nous étions face à une bombe à retardement, et aujourd’hui la mèche a été allumée. Je ne veux pas avoir la critique facile, mais c’est une responsabilité collective, parttagée. Les mesures concrètes pour éviter que cela arrive n’ont pas été assez nombreuses.

 


 

Centre éducatif fermé : un problème de coût ?

 

En 2019, les mineurs délinquants représentaient 7% de l’activité pénale à Mayotte, selon la PJJ. Or, en l’absence d’un centre éducatif fermé mahorais, entre 20 et 30 jeunes sont envoyés tout au long de l’année, vers des structures réunionnaise. Pour une autre figure politique, interrogée sous couvert d’anonymat, le plus gros frein à la création d’un centre mahorais pourrait être financier. En effet, les centres éducatifs fermés représentent les dispositifs les plus coûteux de la protection judiciaire de la jeunesse, du fait du fort taux d’encadrement. « En outre, le coût d’une journée moyenne a fortement augmenté au cours des dernières années, du fait en particulier de la réévaluation des moyens humains et de l’augmentation des coûts dans le secteur public », pointait déjà du doigt le Sénat en 2018, qui estimait à 672 euros le coût d’un jour de fonctionnement par mineur pris en charge en 2019. « Ramené au ratio de la population de Mayotte, on ne fait pas le poids », confie encore notre source, qui rappelle qu’avec près de 10.000 naissances à l’année, « ces millions ne serait pas jetés par la fenêtre, car peu importe le coût, il s’agit de mettre en échec la montée d’une certaine forme de violence chez les jeunes ». D’autant plus que les coûts liés au fonctionnement d’un centre d’éducatif fermé demeurent moins lourds qu’un placement en détention.

Continuité pédagogique : Des vidéos Youtube pédagogiques pour réviser le programme d’histoire-géographie

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Enseignant d’histoire-géographie au lycée de Chirongui, Cyril Castelliti a profité de la période de confinement pour proposer du contenu pédagogique par vidéo à ses élèves de Seconde et de Première. Un moyen qui lui permet de les captiver plus facilement tout en adaptant le programme au contexte mahorais.

Perché sur un toit dans la baie de Bouéni, Cyril Castelliti se met en scène face caméra. Dos à l’océan dans un décor paradisiaque, l’enseignant d’histoire-géographie au lycée de Chirongui joue le pédagogue à distance, confinement oblige. « J’ai pris le programme et j’ai essayé de faire un contenu à la fois scolaire et léger. Sans que ce ne soit pas non plus ultra-rigide ! Même si cela reste un cours, j’ai voulu être fun », confie le sourire aux lèvres le Marseillais d’origine. La raison de ce choix ? L’absence d’ordinateur à la maison pour une grande partie de ses élèves. Difficile dans ces conditions de parcourir un document PDF et de le synthétiser. « Par contre, ils passent leur vie sur Youtube avec leur Smartphone, donc je savais qu’ils y avaient tous accès. »

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L’aval de son inspectrice en poche, il poste successivement deux vidéos d’une petite dizaine de minutes en ligne. L’une sur la période de transition entre le Moyen-Âge et les temps modernes. L’autre sur les espaces de production. Une aubaine pour les lycéens qui ont ainsi la possibilité d’y « accéder à tout moment ». Et surtout « de travailler sur la prise de note, une habitude pas encore complétement intégrée ». Là, ils peuvent mettre sur pause quand bon leur semble, sans ressentir la pression de la classe et du temps imparti. Bénéfique donc, mais comment s’assure-t-il que ses protégés visionnent bel et bien ses enregistrements ? « L’Éducation nationale met à disposition une panoplie d’outils numériques, qui sont parfois perfectibles, mais il y a quand même moyen de les utiliser. Par exemple sur Pronote, il y a des QCM (questionnaire à choix multiples) assez intuitifs que je leur envoie pour vérifier ce qu’ils ont retenu », rassure Cyril Castelliti, selon qui les retours sont encourageants.

 

Mahoriser le programme

 

Alors pour intéresser encore davantage ses élèves, l’enseignant n’hésite pas à dresser, dès que possible, des parallèles avec le 101ème département dans le but de mieux intégrer certaines notions. « On a l’impression que faire de l’histoire-géographie à Mayotte, c’est forcément se calquer sur le programme national sans l’adapter au contexte local. Or, ce n’est pas du tout le cas. Au contraire, le rectorat nous pousse à mahoriser le programme. » Pour cela, il valorise ses expériences journalistiques, comme un reportage réalisé aux Comores sur l’ylang-ylang publié dans le journal L’Humanité. « L’idée est de faire sens avec des problématiques locales. Tout ce qui peut permettre de tourner les projecteurs de manière bienveillante sur le territoire doit être fait. Je n’ai rien inventé… Disons que j’ai improvisé via mes connaissances », insiste celui qui a également lancé le Hashtag Mayotte La Magnifique en mai dernier lors de la première vague pour valoriser les merveilles de l’île aux parfums.

Mais tout ce contenu n’apparaît pas sur la toile en un claquement de doigts. « Il ne faut pas sous-estimer la masse de travail que cela représente. » Entre l’écriture, le tournage, le montage et la recherche iconographique, Cyril Castelliti table sur une semaine de dur labeur. Mais le jeu en vaut la chandelle. Et il compte bien en abuser encore plus qu’à l’accoutumée dès le retour en présentiel. « On parlera de ce format lors de la rentrée pour réfléchir à comment le développer et le faire perdurer dans le temps, pendant les vacances scolaires par exemple. » Pas de plan sur la comète donc ! « Je ne suis pas Youtubeu ! À 70% c’est du bricolage. Quand il y a du bruit, comme des travaux, de la circulation ou des bruits d’animaux, je préfère en jouer plutôt que d’essayer de le cacher. En clair, je suis juste Cyril avec son ordi qui bugue et son vieux micro dans sa campagne à Bouéni », s’amuse le futur trentenaire. Mention très bien.

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Alison Morano, anthropologue : « Il n’y a pas de profil type du délinquant à Mayotte »

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Crédit photo : Grégoire Mérot

En 2016, Alison Morano se penchait sur « la catégorie sociale des mineurs isolés à Mayotte », dans le cadre de son mémoire d’anthropologie sociale et ethnologie. Depuis, elle ne cesse de s’intéresser à la situation de la jeunesse du territoire. Et dans le cadre de ses recherches, elle est amenée à rencontrer des mineurs qui, exclus d’un point de vue social, ont sombré dans la délinquance.

Flash Infos : Qu’est-ce qui vous a poussée à traiter la condition sociale des mineurs à Mayotte ?

Alison Morano : J’ai d’abord travaillé sur les mineurs isolés, puis ceux non scolarisés. Et le point commun de ces deux situations était une exclusion à la fois sociale, scolaire, familiale, administrative… J’ai voulu faire de cette exclusion multiforme un fil rouge et petit à petit, j’ai été amenée à traiter de l’errance. Je me suis immergée dans différentes structures, de l’aide sociale à l’enfance aux associations, en œuvrant à la fois avec les jeunes non scolarisés et avec la protection de l’enfance.

Il y a plusieurs formes d’exclusion : familiale pour les mineurs isolés ; scolaire, qui est très importante ici et sur laquelle j’ai beaucoup travaillé ; l’exclusion administrative de ceux qui ne remplissent pas les conditions immédiates à l’obtention d’un titre et qui se retrouvent relégués dans un espace de précarité et d’incertitude ; ou l’exclusion sociale en général dans des conditions de vie très éloignées de ce qui pourrait être satisfaisant. Ces exclusions se recoupent, se rejoignent et il y a une porosité des frontières entre chacune qui fait qu’un mineur peut conjuguer toutes ces formes-là et se retrouver dans une vulnérabilité extrême.

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Crédit photo : Grégoire Mérot

L’exclusion familiale, le fait de ne pas avoir de cadre « contenant » est aussi un élément récurrent. Que les parents soient sur le territoire ou non d’ailleurs, cela ne désigne pas que les mineurs non accompagnés, ou mineurs isolés. L’absence de ce cadre rassurant, de schémas éducatifs adaptés est un élément déterminant, au même titre que l’influence des bandes, qui peut par exemple encourager les comportements violents ou addictifs. Il n’y a pas un seul élément constitutif dans le parcours de vie des mineurs, c’est vraiment un ensemble, une chaise d’exclusion en quelque sorte.

FI : Comment l’exclusion, quelle qu’elle soit, peut-elle encourager le passage à l’acte délictueux ?

A.M. : Au regard des observations que j’ai pu faire et à travers le recueil de différents témoignages, le sentiment général est que ces jeunes ne se sentent pas intégrés à la société. Eux-mêmes ont conscience qu’ils sont l’avenir de Mayotte, que c’est cette jeunesse qui construit le département, mais ils déplorent de n’avoir rien à faire. Même auprès des jeunes majeurs que j’ai rencontrés en prison, c’est le discours qui revient. Certains déplorent aussi de ne pas avoir eu d’affectation au sortir de la troisième, alors ils ne trouvent pas d’école et finissent par rejoindre les groupes de leur quartier. Et à côté de ça les conditions sont extrêmement précaires…

FI : Pourtant, tous les jeunes délinquants n’agissent pas dans une logique de survie…

A.M. : Quand je suis arrivée à Mayotte, en 2015, on entendait des gens dire qu’ils s’étaient fait cambrioler leur frigo par exemple. Aujourd’hui, je l’entends beaucoup moins. Est-ce qu’on ne le relève plus ou est-ce la délinquance qui a changé de forme ? Je pense très sincèrement que ces cinq dernières années, la délinquance s’est durcie. Au-delà de voler de la nourriture parce qu’on a faim, on en profite pour prendre un ordinateur. La précarité s’est aussi peut-être accentuée. Le chômage en tout cas est toujours le même, et c’est quelque chose qui revient beaucoup dans le discours des jeunes délinquants que j’ai rencontrés. Ceux en situation régulière n’ont pas de perspective d’emploi, de formation, d’accès à un avenir un peu plus pérenne. Certains me l’ont clairement dit : « Je n’ai rien à faire, il faut que je mange donc je dois aller voler ». Cela leur permet de vivre un peu plus longtemps avec un peu d’argent. Je pense que les raisons de cette délinquance sont les mêmes, mais que la forme s’est durcie. Le phénomène d’influences des bandes peut encourager une forme de délinquance plus dure.

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Crédit photo : Grégoire Mérot

FI : Ces jeunes perçoivent-ils le passage à l’acte comme une façon de se faire entendre, ou une forme de protestation envers les services publics ?

A.M. : En effet, et on le voit beaucoup en ce moment avec les caillassages d’ambulances, des forces de l’ordre ou de ce qui symbolise l’État. Je pense qu’il y a une forme de haine, de rancune pour cet État qui pour certains les a séparés de leurs parents, pour d’autres ne leur permet pas de s’insérer dans la société avec une situation administrative irrégulière. D’autres encore, malgré une situation régulière ou une nationalité française, ne parviennent pas à s’insérer sur le marché de l’emploi. De l’autre côté, une partie de la population se sent elle aussi abandonnée par un État jugé laxiste. Je pense que les pouvoirs publics essayent, en amenant plus de policiers notamment. Mais est-ce que la solution repose vraiment sur les forces de l’ordre, ou faut-il essayer de résoudre les soucis autrement, en commençant par la racine plutôt que par la manifestation du problème ? Sur le long terme, cela aura-t-il un impact signifiant ? Je ne saurais pas le dire. Je serais mal placée pour juger ce qui est mis en place, mais au regard du nombre de MJC sur le territoire, on peut se demander s’il n’y a pas quelque chose à proposer ne serait-ce qu’à ce niveau-là.

FI : Dans l’imaginaire populaire mahorais, la délinquance serait majoritairement le fait de personnes en situation irrégulière. Est-ce ce que vos recherches ont mis en avant ?

A.M. : Dans le cadre de mes travaux sur l’errance, j’ai rencontré plusieurs jeunes qui sont tombés dans la délinquance, certains en étaient déjà sortis, d’autres non. J’ai alors fait très attention aux amalgames : on entend souvent à Mayotte qu’insécurité = immigration. Je ne nie pas qu’effectivement, dans les groupes de jeunes errants ou délinquants, il y a des mineurs natifs ou originaires des Comores, mais dans une proportion tout à fait équivalente avec les mineurs natifs de Mayotte. Ce sont d’ailleurs les jeunes eux-mêmes qui m’ont très rapidement dit qu’il n’y avait pas que des Comoriens dans leurs bandes. Et effectivement, les chiffres officiels rejoignent ce discours-là. Après, quand on parle de « natif de Mayotte », on ne vérifie pas d’où viennent les parents, c’est aussi un paramètre à prendre en compte.

Ce qu’il faut souligner, c’est l’hétérogénéité des profils et la porosité des frontières entre les différentes formes d’exclusion. J’ai surtout rencontré des adolescents âgés de 13 à 18 ou 19 ans. Ils m’expliquent que dans les bandes, il n’y a pas d’homogénéité d’âge ou de situation sociale ou familiale. Ça va du petit au grand, de celui né sur le territoire à celui né aux Comores, vivant avec ou sans parents. C’est quelque chose qui revient beaucoup : il n’y a pas de profil type du délinquant ou de l’errant à Mayotte, ce sont les conditions qui font que. Même au niveau de la situation sociale ou familiale, il n’y a pas de point commun. Ils se retrouvent dans la même galère, mais c’est tout.

FI : Comment alors lutter contre ces formes d’exclusions ?

A.M. : Je pense que l’important, c’est déjà d’écouter les jeunes qui sont exclus ou en rupture. Ils ne se sentent pas écoutés, pas entendus. Il faudrait peut-être mettre en place des comités de quartier par exemple, dans lesquels les jeunes auraient leur mot à dire et où l’on pourrait s’intéresser à eux, se demander pourquoi ils agissent comme ça, quelles sont leurs envies, leurs projets. Leur donner la parole est quelque chose de primordial. Lorsque je termine un entretien avec un jeune, il arrive souvent qu’il me remercie de l’avoir écouté, de lui avoir posé des questions sur qui il est, ce qu’il veut devenir. Il faut aussi évidemment proposer un peu plus d’activités adaptées à différents âges, il n’y a pas que les terrains de foot qu’il faut mettre en avant. Il y a d’autres profils de jeunes qui aimeraient peut-être faire autre chose. Il faudrait aussi envisager que ces activités ne soient pas exclusives sur le plan administratif pour qu’elles soient accessibles au plus grand nombre. Pour les formations par exemple, c’est très difficile d’y accéder sans titre de séjour. Je ne veux pas focaliser sur ce genre de jeunes évidemment, mais je pense qu’à terme, le fait d’exclure administrativement une partie de la jeunesse peut devenir une source de colère et de ressentiment. Beaucoup d’entre eux sont nés ou ont grandi ici, donc leur exclusion crée une population assez révoltée. L’exclusion scolaire favorise également beaucoup le sentiment d’exclusion, de ne pas être intégré dans la société. Quand un jeune ne peut pas aller à l’école mais voit les autres le faire, ça crée une véritable barrière.

➕ Retrouvez l’intégralité du dossier consacré à la délinquance des mineurs.

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Mayotte Hebdo n°1116

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