Certains habitants, qui ne reçoivent plus d’eau depuis plusieurs jours, doivent désormais se rendre sur l’une des cinq citernes installées par la Mahoraise des Eaux (SMAE) pour ramener des bassines jusqu’à chez eux. Ce lundi, le maire a fermé les écoles. Plusieurs pannes et casses ont été repérées tout au long du week-end, explique l’entreprise.
Finis les tours d’eau, place aux coupures d’eau ! Décidément, le sujet n’en finit pas de faire couler de l’encre, à défaut de laisser filer quelques gouttes dans les robinets. Depuis la fin de la semaine dernière, les habitants de plusieurs villages du nord (M’tsangamboua, Handrema, M’tsahara, Hamjago, M’tsamboro, M’tsangadoua) subissent des coupures à répétition. Le SMAE, qui a fini par refaire le fil par voie de communiqué ce lundi en fin de journée, parle plutôt de “perturbations (qui) se sont caractérisées suivant le village et la situation altimétrique de l’abonné par une intermittence de service, des manques de pression et pour la majorité de la population des manques d’eau assimilables à des coupures d’eau”.
Mais pour les habitants, lassés de ces interruptions intempestives, c’est du pareil au même. “Pour l’instant, nous n’avons pas d’eau depuis jeudi soir, jusqu’à hier [dimanche] 17h quand ils ont réussi à installer la citerne”, relate Mariama, une habitante du village de Hamjago. Désormais, son mari et elle se relaient pour aller remplir quelques bassines. “Il porte les sceaux jusqu’à là-bas, et moi je les monte jusqu’au deuxième étage de notre maison”, soupire cette mère de famille. Avant de relativiser : “ce week-end, on a dû récupérer l’eau de pluie…”
Un autre habitant fait moins dans la dentelle. “Rien, aucune info aux particuliers ! Pas un message d’alerte par SMS ou autre ! C’est démerdez-vous !”, s’agace Bruno. “Aujourd’hui, je suis sorti, et l’eau était revenue à mon retour. Mais jusqu’à quand ? C’est comme ça depuis quatre jours, parfois ça dure des jours, des nuits entiers !”
Casses et difficultés de remplissage
Dans son communiqué, la Mahoraise des Eaux date pour sa part le début des perturbations au vendredi 19 mars, quand “une double casse sur la conduite 200 mm partant du réservoir 500m3 de Dzoumogné et alimentant la bâche de reprise qui permet de remplir le réservoir Col Handrema”, a été repérée. D’après l’entreprise délégataire, les travaux ont permis de rétablir l’eau aux alentours de minuit et demi, samedi. Mais dans la journée, c’est rebelote ! Le faible débit entre Dzoumogné et Handrema rend impossible le remplissage du réservoir. “Seul le village de M’tsahara partie basse a pu bénéficier quasiment d’une alimentation normale.” Dimanche, une autre panne de la station la Poste Dzoumogné et une casse à l’entrée de M’tsangamboua entraînaient de nouvelles coupures, jusqu’à 16h. Et lundi, le remplissage Col Handrema était toujours en cours.
Fermeture des écoles ce lundi
Bref, la SMAE était sous l’eau tout le week-end… Une situation qui a conduit le maire de M’tsamboro, Laïthidine Ben Said, à prendre un arrêté dimanche soir, pour décider de la fermeture des établissements scolaires de sa commune. « Ça devient chaotique, et le pire, c’est que nous n’arrivons pas à avoir une communication de l’entreprise. Donc j’ai informé les familles que les écoles n’ouvriraient pas.” Du côté du rectorat, si l’on déplore un peu cette décision de l’édile, prise “par précaution” alors que l’eau a commencé à revenir lundi, on assure avoir mis les bouchées doubles pour pousser la Mahoraise des Eaux à régler le problème. “C’est un peu dommage, nous avions discuté avec le maire et fait tout ce qu’il fallait pour que l’entreprise rétablisse l’eau”, explique le recteur Gilles Halbout. En effet, la SMAE assure ce lundi avoir fait en sorte de “sécuriser l’alimentation en eau des usagers prioritaires (écoles, collège, lycée, PMI, CHM)”. Un indispensable, en ces temps de crise sanitaire. “Je ne sais pas si le maire va refaire un arrêté ce soir, mais tant qu’il n’y a pas d’eau, je n’envoie pas les enfants à l’école dans ces conditions”, rouspète Mariama.
Un nouveau communiqué d’information sera adressé ce mardi matin, informe de son côté l’entreprise.
Attaquée le 22 décembre dernier, l’association Gueules d’Amour a tout perdu. En plus des 15 chiens volés, les boxes pour accueillir les animaux ont été entièrement détruits. Depuis un mois, les bénévoles tentent de reconstruire, grâce aux dons.
“Ils ont détruit les boxes de ce côté, et là-bas”, explique Tyler Biasini, gérant du refuge, en faisant le tour de son terrain. Sur place, trois hommes s’affairent à la reconstruction. “Il ne nous reste que la toiture à faire, c’est le plus rapide.” Si les boxes centraux sont en plein chantier, d’autres attendent encore leur tour, faute de moyens. Après l’attaque du 22 décembre dernier, aucune aide de l’État n’a été fournie au refuge.“Pourtant, on s’occupe d’un problème d’utilité publique”, tance le président de l’association.
En effet, le nombre de chiens errants pullulent à Mayotte. À la suite de quoi, des groupes de jeunes les dressent ou les affament pour terroriser la population. “Ils les utilisent dans des cambriolages ou pour directement agresser les gens. Une dame me racontait hier que ça lui était arrivé”, souligne Tyler Biasini. Et les meutes s’attaquent même aux troupeaux ! Gnombés, chèvres et poules deviennent leurs nouvelles proies… “La semaine dernière, un agriculteur m’expliquait qu’ils avaient tué l’une de ses bêtes. Il était désespéré parce que les chiens ne mangent pas un zébu entier. C’est un manque énorme pour lui, quand on sait qu’il y a parfois pour 10.000 euros de viande.” Le plus inquiétant, selon lui ? Les événements de ce type sont de plus en plus récurrents, mais personne ne réagit.
Le silence des institutions
C’est un silence complet qui plane du côté des institutions face à la situation du refuge. Seule association gérant le problème des animaux errants sur l’île, le refuge “semble être totalement oublié”. Si Tyler Biasini multiplie les demandes auprès du Sénat, du conseil départemental et de la mairie d’Ongojou, toujours rien n’a été mis en place depuis la fin d’année dernière. Un immobilisme ambiant qui ne l’étonne plus, alors qu’il attend “un tampon” du Département depuis des mois, pour enfin alimenter le terrain en électricité.
Heureusement, la population a réagi. Plusieurs associations ont envoyé des dons mais aussi des matériaux pour faire peau neuve. “Les gens se sentent concernés par la situation, mais on a encore besoin de subventions.” En plus des boxes à reconstruire et du système électrique à installer, l’association aimerait aménager une nouvelle clôture autour des 7.500m2 de parcs et embaucher des employés, comme un gardien. En attendant, depuis l’attaque, Tyler s’est réinstallé sur place. “Personne n’a envie de venir ici, c’est isolé, il fait noir, ça peut faire peur, donc je reste ici, comme ça il n’y a pas de problèmes.”
L’homme a lancé ses derniers appels à l’aide au gouvernement et aux élus de Mayotte. Il espère, enfin, avoir une réponse. Pour le moment, le refuge s’en sort grâce aux dons, autant des particuliers que des associations.
Lundi dernier, un homme a été arrêté dans des circonstances particulièrement rudes alors qu’il tentait d’échapper à un contrôle d’identité effectué par le groupe d’appui opérationnel (GAO), à proximité de l’école maternelle de Combani 1. La scène a marqué le voisinage ainsi que les quelques élèves qui y ont assisté. Ils racontent.
Ceux qui étaient présents décrivent la scène comme « digne d’un film d’action« . Lundi 15 mars, les forces de l’ordre ont procédé à une interpellation agitée qui s’est terminée devant l’enceinte de l’école maternelle Combani 1. Depuis la rue et les balcons adjacents, plusieurs témoins décrivent des actes de violence qui, une semaine après les faits, marquent encore leurs esprits.
L’événement commence à quelques mètres de l’établissement. « Je me rendais chez une amie lorsque j’ai vu une voiture se garer et plusieurs policiers en sortir« , introduit Chafika*. En voyant ces agents que les témoins décrivent comme des membres du GAO, un homme prend tout de suite ses jambes à son cou. « Il a dévalé la rue à toute vitesse, poursuivi par les policiers« , décrit-elle. Présents par hasard, deux livreurs de l’entreprise Kalo se lancent également dans la course pour stopper l’individu. « Le type a essayé de passer le portail de l’école maternelle mais un livreur l’a attrapé par le tee-shirt, ce qui l’a déstabilisé. Il est tombé de l’autre côté du portail la tête contre le sol. »
Tasé au sol, les mains attachées
Depuis son balcon, Charlotte* assiste à la suite des événements. « L’homme s’est retrouvé face aux policiers. Il a levé les poings pour se mettre en garde, mais ils l’ont rapidement maîtrisé en utilisant un pistolet taser. Je l’ai reconnu via le bruit de l’impulsion électrique« , rembobine-t-elle. Sa voisine Véronique* assiste également à l’arrestation depuis sa fenêtre : « Ils l’ont menotté avec un collier de serrage et maintenu au sol en appuyant sur ses épaules avec le genou. Un policier lui a demandé de se lever, mais il n’a pas bougé. Il a alors braqué son taser au niveau du visage et répété son ordre.” Au sol et menotté, l’homme est finalement « tasé au niveau de la jambe« . Il est ensuite embarqué avec un « tissu sur le visage, sûrement pour cacher son sang« , indiquent Charlotte et Véronique.
Si le sinistre spectacle capte l’attention du voisinage, des curieux sont aussi attirés au niveau de la rue. Alors qu’un automobiliste sort son téléphone, Véronique et Charlotte décrivent une tentative d’intimidation des forces de l’ordre : « C’est interdit de filmer ! Mon collègue relève ta plaque. Si des images circulent, on saura d’où elles viennent« , lance un policier avant de partir au volant de son Duster blanc banalisé.
« Maman, le policier a frappé un Monsieur »
Interrogé par la rédaction, le recteur Gilles Halbout, après s’être entretenu avec l’inspectrice de l’établissement, confirme les faits. Selon le responsable de l’académie, une enseignante aurait vu, quelques secondes durant, la scène depuis sa salle, où travaillaient les jeunes élèves d’une classe de grande section. “Elle nous a rapporté qu’aux alentours de 15h30, après la récréation, elle a entendu le grand portail du pré municipal (un petit jardin en lisière de l’école maternelle, ndlr) s’ouvrir. Elle a regardé depuis le pas de la porte de sa classe, qui longe la clôture”, déroule Gilles Halbout. “Elle a vu un individu jeté à terre très rapidement par trois personnes des forces de l’ordre, qui ont aussitôt fait repasser l’interpellé de l’autre côté du portail, vers la rue. Elle pensait être la seule à avoir vu cela.” Pourtant le soir-même, l’une de ses élèves, cinq ans, rentre chez elle pleine d’incompréhension et raconte tout à ses parents : “Maman, le policier a frappé un Monsieur !”
“L’enseignante pensait être la seule à avoir vu la scène, qui n’a pas duré plus de dix secondes. Si certains élèves avaient été choqués, elle les aurait pris en charge”, précise encore le recteur. “Elle a prévenu le responsable d’établissement et fera évidemment le suivi nécessaire. Mais il n’y avait aucun risque pour l’école qui est clôturée et dont le portail est fermé à clé. »
Ne reste plus, alors, que la version des forces de l’ordre. Également contactée par la rédaction pour faire la lumière sur les circonstances de l’interpellation, la police a expliqué que seule la préfecture était habilitée à s’exprimer sur ce genre de sujet. Or, celle-ci n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Jeudi soir, le vol Air Austral à destination de la métropole n’a pas pu décoller en raison d’une avarie hydraulique. Bloqués plusieurs heures dans l’avion avant de quitter l’appareil, une trentaine de passagers ont dormi dans l’enceinte de l’aéroport, en attendant leur départ le lendemain. Une situation inédite.
Jeudi. 17h30. Yassari se pointe à l’aéroport dans l’optique de rejoindre le soir même la métropole, via une escale à Nairobi. Si l’enregistrement et le contrôle de son motif impérieux par la police aux frontières se passent sans encombre, une drôle de surprise l’attend dans l’avion. « Il s’est positionné sur la piste, prêt à décoller », rembobine le jeune homme de 26 ans. Et là, patatras, l’appareil reste cloué au sol. « Nous avons attendu 15 minutes avant que le commandant de bord annonce une panne hydraulique. » Un problème technique qui n’augure rien de bon… « Un signal électrique ne s’éteignait pas. Or sur les 787, il faut que l’ensemble des voyants soient au vert pour pouvoir partir », précise de son côté Air Austral.
Selon le voyageur, le Boeing fait alors demi-tour pour stationner sur le tarmac, le temps qu’un mécanicien intervienne. Au bout d’une heure, l’équipage décide de distribuer le repas à ses 156 passagers. « À chaque fois que le pilote prenait la parole, il précisait qu’il ne connaissait pas le délai d’immobilisation. J’ai tout de suite senti qu’on allait rester à quai », retrace le technicien en fibre-optique en Hexagone. Au terme d’un diagnostic, la compagnie aérienne se rend compte « qu’il faut changer la pièce ». Une pièce, comme bien souvent dans ce cas de figure, indisponible sur l’île aux parfums.
Une nuit sur des lits picots
Leurs espoirs douchés, les clients redescendent peu après 23h pour se diriger vers le hall principal, où le climat devient pour le moins houleux. « Tout le monde posait des questions à droite à gauche pour savoir où nous allions être logés. Mais les agents étaient débordés, ils improvisaient comme si c’était la première fois qu’un couac se produisait », relate Yassari. S’ensuit alors un long moment de flottement. « Nous avons essayé de trouver des solutions d’hébergement, mais tous les hôtels étaient complets », indique Air Austral. Si certains voyageurs décident finalement de rentrer chez eux pour y passer la nuit, d’autres se retrouvent tout simplement le bec dans l’eau, faute de solution.
Un véritable camp de fortune prend alors forme dans la salle où l’on récupère habituellement les bagages. « La Croix Rouge est venue déposer des lits picots pour une trentaine de passagers », poursuit le jeune homme, qui dans un élan de générosité offre son nid douillet à une femme enceinte le temps de la fin de l’installation. Malgré ce confort primaire, tous reçoivent un kit de première nécessité comprenant un T-shirt propre et des affaires de toilettes, avant de se voir offrir le lendemain, le petit déjeuner et le repas du midi en guise de dédommagement.
« Inadmissible et hallucinant »
Une improvisation suffisante pour faire avaler la pilule ? « C’est vraiment inadmissible et hallucinant d’avoir été traité de la sorte, surtout au vu du prix des billets ! », peste Yassari. D’autant plus que le protocole sanitaire strict pour les déplacements aériens rajoute une certaine anxiété à cette situation totalement inédite. En effet, tout voyageur doit présenter un test PCR négatif de moins de 72 heures. Heureusement, tous ont pu repartir le vendredi après-midi, à 14h30, avec cette fois une escale… à La Réunion !
À l’heure du mouvement Me too et Balance ton porc, le thème du harcèlement sexuel peine à se démocratiser à Mayotte. On n’en parle quasiment pas, pourtant il existe bel et bien dans la société mahoraise. Les femmes en sont les principales victimes, et très souvent elles n’osent pas en parler. Ce type de harcèlement est normalisé dans le territoire, alors que derrière se cachent des victimes qui en souffrent.
« Des collègues hommes se permettent d’avoir des comportements indécents, de faire des remarques sexuelles inappropriées. J’ai beau les remettre à leurs places, ils continuent. » Sitti ose mettre des mots sur son quotidien au travail. Un quotidien pesant, stressant et humiliant causé par certains de ses collègues qui franchissent les limites. « L’un d’eux fait tous les jours des réflexions sur la façon dont je suis habillée, que je sois en tenue traditionnelle ou en tenue moderne. Il parle tout le temps de sexe et de ma poitrine disant que j’ai une poitrine à faire réveiller les morts », raconte la jeune femme lassée par la situation. Le comportement oppressant de cet homme ne s’arrête pas aux mots puisque qu’il tente par tous les moyens d’être en contact physique avec Sitti. « Il fait semblant d’avoir besoin de quelque chose sur mon bureau pour pouvoir me toucher, ou mettre sa main sur mon épaule », selon la plaignante. Pourtant ce n’est pas faute de lui demander d’arrêter, mais l’homme en question ferait la sourde oreille. Pire, il ne comprend visiblement pas la gravité de ses actes et met en cause sa proie. « Je lui ai dit clairement que je ne suis pas intéressée et il m’a traitée de coincée. Le “non” lui donne plus de force pour répéter la même chose », constate tristement Sitti.
Malheureusement, des milliers de femmes à Mayotte sont dans la même situation qu’elle. Le harcèlement sexuel est présent sur les lieux de travail, qu’importe le secteur, mais également dans les espaces publics ou encore au sein de l’entourage de la victime. Fayna* en a fait les frais. Le comportement de certains hommes dans la rue la déstabilise. « Je sais que le harcèlement de rue existe par-tout, mais à Mayotte c’est particulier. Ici, il ne se passe un seul jour sans que l’on me fasse une re-marque sexiste, sans qu’un homme ne s’arrête en bord de route et insiste pour que je monte. Et ils ne comprennent pas quand je leur dis non », confie Fayna.
À cela s’ajoute le harcèlement issu de son cercle d’amis et collègues de travail. « Quand on connaît la personne c’est encore pire, parce qu’il n’y a plus la barrière de l’inconnu. Je ne compte plus le nombre de mes collègues qui me font des propositions indécentes alors qu’ils sont mariés ! », s’indigne-t-elle. La jeune femme dit devoir supporter également des réflexions sur ses tenues vestimentaires. « Certains pensent avoir le droit de me dire de quelle manière je dois m’habiller. Si je montre mes jambes ou mets un décolleté, je suis sujette aux regards accusateurs de certains, et au harcèlement des autres. Ils pensent que mes habits sont un appel pour venir m’embêter », souligne la jeune femme. Désormais, cette dernière s’interdit certaines tenues vestimentaires « pour éviter les problèmes », dit-elle. Elle s’est vue obligée de changer ses habitudes, et une partie de sa personnalité pour ne pas être une proie facile.
La normalisation du harcèlement sexuel
Fayna et Sitti doivent faire face à leurs bourreaux quotidiennement et doivent supporter la complicité tacite de celles et ceux qui sont censés les soutenir. « J’en ai parlé à mes collègues femmes, mais d’après elles cet homme est ainsi et il ne faut pas tout prendre à cœur. Je ne comprends pas pourquoi elles ne réagissent pas. Alors je me suis tournée vers mon patron et il m’a gentiment fait comprendre que je devais apprendre à accepter les compliments », s’insurge Sitti. Ce type de réaction n’est pas surprenant, le manque de sensibilisation en serait la principale cause selon la sociologue Maria Mroivili. « Beaucoup de femmes à Mayotte ne savent pas reconnaître le harcèlement, parce que nous vivons dans une société très orale où il n’y a pas de barrière. Il faut apprendre aux jeunes filles à faire la différence. » L’éducation doit également se faire auprès des jeunes garçons qui deviendront des hommes. À ses yeux, les hommes des îles ne font pas de distinction entre la séduction et le harcèle-ment, peu importe leur statut social. Et s’ils ne sont pas capables de reconnaître leurs fautes, il sera difficile d’éradiquer le problème.
Ce fléau serait lié au changement des mœurs. « Les anciennes générations maitrisaient l’art de cour-tiser une femme. Alors que de nos jours, la libération des mentalités sur le volet sexuel fait croire à certains que la femme peut être réduite à un objet », explique Maria Mroivili. Cette dernière a aussi constaté une forme de harcèlement dans les espaces de vie communs tels que la barge et les taxis. Ils seraient une source d’angoisse pour une majorité de femmes. « Il existe à Mayotte ce que j’appelle les taxis harceleurs. Bon nombre de chauffeurs harcèlent constamment leurs passagères. Ils font des re-marques sur leurs habits, ils demandent les numéros de téléphone ou si la personne est mariée. Et encore une fois, les autres passagers ne réagissent pas et se font complices. »
Le poids psychologique
Ce type de comportement n’est pas sans conséquences sur le moral des victimes. Fayna qui subit constamment des remarques déplacées au sein de son entourage et sur son lieu de travail finit par se remettre en question. « À un moment, j’en suis venue à me demander si le problème ne venait pas de moi. Peut-être que mon comportement était ambigu ? Peut-être étais-je trop sexy ? Je me suis même demandée si ce n’était pas moi qui les provoquais mais j’ai vite compris que le problème c’était eux », raconte la jeune femme en pleine prise de conscience. De son côté, Sitti est également passée par cette phase de questionnement, aujourd’hui elle songe à tout quitter pour ne plus subir l’acharnement dont elle fait l’objet. « C’est très pesant psychologiquement. Plus ça avance et plus j’ai envie de dé-missionner parce que je n’ai aucun soutien de mes collègues ou de ma hiérarchie. »
Pourtant, la prise de position de l’entourage est importante dans ce type de situation. Banaliser le harcèlement sexuel pèse sur l’état psychologique. « À Mayotte, on a tendance à dire que c’est de la rigolade, mais à partir du moment où la personne subit ces “blagues” ce n’est pas drôle. Elle a un sentiment de frustration et de honte, elle est complètement désarmée », prévient la sociologue Maria Mroivili. Alors la prise de conscience de toute la société est plus que nécessaire. On le sait, le harcèlement peut conduire la victime vers une profonde dépression, ou pire, elle peut agir désespérément pour mettre fin à son calvaire.
Sujet à débat depuis que Mayotte est entrée sous le giron des régions ultrapériphériques de l’Europe (RUP), la compétence des fonds européens dans le 101ème département, aujourd’hui à la charge de la préfecture, a fait l’objet d’une nouvelle délibération au conseil départemental. À défaut de récupérer l’autorité de gestion, la collectivité et l’État se partageront le dossier dans le cadre d’un groupement d’intérêt public (GIP). De quoi, peut-être, éviter les retards accusés lors de la première programmation 2014-2020.
C’est officiel. Jeudi, le conseil départemental a voté en commission permanente la délibération relative à la convention constitutive du groupement d’intérêt public (GIP) en charge de la gestion des fonds européens pour les dix prochaines années. En clair, l’État, et donc la préfecture, autorité de gestion depuis 2017 de cette manne financière qui revient en temps normal aux départements ou régions, va partager dans le temps cette compétence avec la collectivité. “Ce qui change, c’est que nous allons devenir co-gestionnaires, et nous serons donc au cœur du dispositif des fonds européens à Mayotte : nous aurons la possibilité de voir les dossiers dès le début, et nous pourrons mieux accompagner les porteurs de projet”, souligne Mohamed Sidi, vice-président en charge des affaires européennes au conseil départemental.
L’autorité de gestion, un sujet de frictions
Une co-gestion qui ne coulait pourtant pas de source. Preuve que le dossier est sujet à débats, parfois houleux, cette délibération devait déjà apparaître à l’ordre du jour le 26 février dernier, avant d’être décalée à une date ultérieure. Avant cela, la gestion pour le moins « magnégné » de ces fonds, par un SGAR en proie à un fort turn-over, avait fait l’objet d’un rapport au vitriol de la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC), commandé en 2019 par le préfet Dominique Sorain. Y étaient notamment pointées des lacunes en termes de ressources humaines et de compétences.
Résultat : la consommation des quelque 300 millions d’euros de la première programmation 2014-2020 a accusé un sérieux retard. Un comble quand on connaît les besoins criants du territoire pour développer ses infrastructures… et avec des conséquences bien réelles pour les Mahorais, qui ne comptent plus les projets en stand-by, comme la piste longue, ou la troisième retenue collinaire. Certes, la préfecture a depuis mis le pied à l’étrier et annonce en novembre 2020 un bilan “comparable à celui des autres régions françaises et DOM” – avec des taux de programmation au 9 novembre de 81% pour le FEDER et 90% pour le FSE.
Le département veut récupérer sa compétence
Reste que le Département et son actuel président Soibahadine Ibrahim Ramadani, ont saisi l’occasion pour monter au créneau et demander à récupérer cette compétence. Renvoyé dans les roses par le premier ministre en septembre 2019, le sujet est depuis revenu sur la table à plusieurs reprises… jusqu’à cette délibération du 18 mars 2021, donc. Que change-t-elle exactement ? “Pour les trois prochaines années, la présidence du GIP revient à l’État qui doit effectuer un travail de préfiguration et clôturer la programmation actuelle”, explique Mohamed Sidi. Pour les sept années suivantes, c’est le Département qui gère. Ce groupement se divise en 8 membres titulaires, quatre pour la collectivité et quatre pour l’État.
À défaut de transférer la compétence aux élus pour la programmation 2021-2027, déjà entamée depuis janvier, le Département et l’Àtat coupent ainsi la poire en deux. “Cela nous semble pertinent par rapport à l’actuelle situation et pour nous, c’est l’occasion de mieux travailler dans le cadre d’un transfert de l’autorité de gestion, de sorte que le Département sera mieux préparé pour la prochaine programmation”, ajoute l’élu. Une façon aussi de mutualiser les compétences et “de se doter ensemble des meilleurs éléments au bénéfice du territoire”. Dernière inconnue : l’implication de la future majorité, alors que les élections départementales de juin pourraient rebattre les cartes. “La question a bien été évoquée pendant la séance”, concède Mohamed Sidi. “Mais nous avons pris cette décision car nous estimons que c’est la bonne. Ce futur GIP aura à gérer aussi le plan de relance, et nous parlons là de 700 et quelque millions d’euros, donc il faut aller rapidement pour s’approprier ces sujets. L’intérêt général de Mayotte doit primer”, espère-t-il. Optimiste.
Mercredi, les habitants du village de M’bouini ont érigé un barrage pour empêcher les forces de l’ordre d’emmener une trentaine de clandestins, arrivés sur la plage dans la journée, au centre de rétention administratif par voie terrestre. Cet événement a débouché sur un règlement de comptes entre la préfecture et le maire de Kani-Kéli, Rachadi Abdou.
Mercredi. 17h30. Une centaine de riverains du village M’bouini érigent un barrage au niveau de l’école pour empêcher les gendarmes d’emmener par voie terrestre 34 clandestins débarqués à l’aide de deux kwassas-kwassas. Un mano-à-mano s’installe alors entre la population et les forces de l’ordre. Sur place une heure plus tard, l’adjointe de Kani-Kéli en charge des affaires sociales, Tahanlabati Tissianti Oili Ahamadi, joue les entremetteuses et négocie un dénouement pacifique avec les jeunes et les mamans du collectif de défense des intérêts de Mayotte (Codim). Un apaisement stérile qui finit par s’embraser avec l’arrivée des militaires du détachement de la Légion étrangère. « Ils ont tout défoncé sans demander la permission à qui que ce soit », s’insurge l’élue, blessée « légèrement » selon un communiqué de la préfecture au moment du franchissement par un camion. « Une barre de fer est tombée sur ma cuisse gauche et mon pied droit… » Emmenée à l’hôpital de Mramadoudou, elle en ressort groggy avec 12 jours d’incapacité temporaire de travail. Et profite de sa période de convalescence pour engager des éventuelles poursuites.
« Elle m’a raccroché au nez »
Un incident qui rajoute de l’huile sur le feu puisqu’un statu-quo finit par s’installer sur les lieux. « Les autorités trouvaient que je ne forçais pas assez la population à lever le barrage. Mais moi, je respecte ceux qui m’ont élu », défend de son côté, le maire de la commune, Rachadi Abdou. Un échange téléphonique se tient alors vers 23h avec la sous-préfète en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, Nathalie Gimonet, qui lui rappelle sa qualité d’officier de police judiciaire. Avant que la conversation ne s’envenime… « Elle m’a dit que j’allais devoir assumer les conséquences. Puis, elle a commencé à insinuer que toute ma famille hébergeait des étrangers, qu’une enquête serait ouverte et que je serais poursuivi. Ma mère, ma sœur et moi-même n’avons aucun clandestin chez nous. C’est une accusation grave ! J’ai essayé de discuter avec elle, mais elle m’a raccroché au nez », ne décolère pas le premier magistrat, face à de tels propos. Contactée, la préfecture ne souhaite pas s’exprimer en dehors des communiqués de presse officiels.
Finalement, un retour à la normale s’opère vers 23h45. Le lendemain, ce jeudi 18 mars, la préfecture apporte donc sa version des faits concernant cette obstruction sur ses réseaux sociaux. « Si les forces avaient accédé à cette demande, un intercepteur aurait été détourné de sa mission de protection des frontières pendant plus de quatre heures. C’était autant de moyens en moins pour intercepter les kwassas », peut-on lire. « Or, la nuit dernière, les brigades nautiques de la PAF et de la gendarmerie ont intercepté trois kwassas, transportant 49 clandestins. » Une déclaration qui intervient quelques minutes après le passage au journal télévisé de 13h de Rachadi Abdou. Tandis que ce dernier reçoit dans le même temps un SMS pour le moins étonnant… « Le préfet a écouté votre intervention. Il sera vigilant à chacune de vos paroles. »
Un message reçu à la suite du JT
Face à ce message, le maire de Kani-Kéli avoue ne pas savoir «comment le prendre». «Peut-être que j’aurais dû me retenir sur certains propos», s’interroge-t-il. Ayant bien conscience de «dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas». Alors l’édile n’y va pas par quatre chemins lorsqu’il s’agit d’évoquer les rouages de l’opération Shikandra. «Si vous voulez vraiment arrêter l’arrivée massive [d’embarcations de fortune], cela ne devrait pas poser problème. L’État a une réelle responsabilité. S’il avait bien fait son boulot, nous n’arriverions pas à cette situation. Quelque chose ne marche pas dans leur dispositif», peste-t-il. Et encourage tout simplement les agents en mer «à travailler encore davantage au large» pour inciter les demi-tours ou propose, au pire, «de renforcer la présence des gendarmes sur les plages» pour favoriser les interpellations lors des beachages.
Car Rachadi Abdou ne se fait pas d’illusion sur le sort de ces personnes en situation irrégulière fraîchement arrivées sur la terre ferme. « Ils sont récupérés par des taxis mabawas, ils transitent dans des cases en tôle construites à proximité des champs avant de regagner les grandes villes. » Mais avec l’intensification des décasages, comme à Kahani, Hajangoua, Dzoumogné et Koungou, l’élu craint le pire pour sa commune. « Sans une vraie politique de relogement, toutes ces populations se déplacent de plus en plus en brousse où elles pensent que les forces de l’ordre sont moins regardantes. » Donc il n’hésite pas à mettre en garde ses propres administrés, qui auraient la fâcheuse habitude de leur prêter mains fortes. « Je leur ai rappelé mi-janvier les conséquences pénales d’un tel acte », insiste-t-il.
Loin d’être singulière, cette obstruction du mercredi 17 mars à M’bouini met en lumière le ras-le-bol généralisé des Mahorais face à ces vagues incessantes – « au moins un kwassa arrive quotidiennement ici » – de clandestins dans le Sud de l’île. Et même si « le préfet renouvelle son soutien à ses collaborateurs, aux militaires, gendarmes et policiers dont l’engagement au service de la lutte contre l’immigration clandestine et de la population est totale », la relation de confiance semble bel et bien rompue avec les habitants de Kani-Kéli, et son maire Rachadi Abdou.
Mognémali Anli est un autodidacte amoureux des plantes médicinales. Il les étudie depuis maintenant six ans et prône leurs bienfaits. Persuadé que les remèdes naturels ont encore de beaux jours sur l’île aux parfums, il est aujourd’hui une référence en matière de médecine traditionnelle à Mayotte.
C’est l’homme qui murmure à l’oreille des plantes. Mognémali Anli est à lui seul une encyclopédie de la médecine traditionnelle à Mayotte. Dans l’école primaire où il enseigne à Handrema, tous types de plantes ornent la cour de récréation. Aloe vera, curcuma, plantes aphrodisiaques… Chaque maladie trouve un remède dans cette arène aux mille et une couleurs. “Tout ce que vous voyez ici a une utilité”, annonce fièrement l’ethnobotaniste.
Mognémali Anli s’intéresse à la médecine traditionnelle depuis maintenant six ans. La médecine conventionnelle n’est qu’un lointain souvenir pour lui. « La dernière fois que j’ai pris un médicament remonte à quatre ans. J’ai supprimé la médecine conventionnelle de ma vie parce qu’il y a trop d’effets secondaires. À moins de faire un surdosage, il n’y a pas autant de risques avec les plantes”, juge-t-il. L’instituteur a enrichi ses connaissances en essayant des recettes, mais surtout en se renseignant auprès des personnes âgées qui l’entourent. “Mes recettes n’ont pas été prouvées scientifiquement, je les ai élaborées à partir de mes connaissances, et en fonction des résultats, je valide ou non”, explique-t-il.
Et le botaniste en herbe croule sous les demandes. Jusqu’à une dizaine par jour ! Rihana est l’une de ses fidèles clientes. Elle a recours à la médecine traditionnelle depuis maintenant deux ans, et est convaincue de son efficacité. “C’est ce que nos parents ont utilisé pendant très longtemps et ça marchait, alors pourquoi pas pour nous ? Des fois, nous soignons les gens avec des médicaments alors que nous avons des plantes à portée de mains qui sont plus efficaces”, soutient-elle. Désormais, toute sa famille est habituée aux recettes de Mognémali Anli. Rihana fait appel à lui dès que quelqu’un est malade. La mère de famille évite autant que possible la médecine conventionnelle. “Je prends rarement des médicaments, parce que j’ai des problèmes de santé et quand je vais à l’hôpital on me dit que je n’ai rien. Mognémali a su m’aider et a trouvé des remèdes à mes maux”, assure-t-elle.
“La médecine traditionnelle a un avenir prometteur à Mayotte”
Le savoir qu’il a accumulé, Mognémali Anli souhaite le transmettre à la jeune génération. Cela commence par ses élèves qu’il initie à l’étude des plantes médicinales. Si les parents étaient réticents au départ, les enfants se sont montrés très réceptifs. “Aujourd’hui, même les parents viennent me demander des remèdes naturels”, s’enorgueillit-il. Pour laisser une trace de sa connaissance, l’enseignant a aussi décidé d’écrire un livre. “J’ai recensé pas moins de 115 plantes et je détaille l’utilité et les bienfaits de chacune d’elles. Actuellement, je suis en train d’écrire un deuxième livre sur les recettes de grand-mère que je prescris.”
Au fil des années, il a constaté un changement dans les habitudes de chacun. De plus en plus de personnes font appel à lui. “Les gens se sont rendus compte qu’il est important de revenir aux plantes médicinales puisque la médecine conventionnelle ne donne pas toutes les réponses. Donc je pense que la médecine traditionnelle a un avenir prometteur à Mayotte.” L’ethnobotaniste travaille en collaboration avec un médecin qui le conseille, et l’avertit sur les effets secondaires. Il fait d’ailleurs très attention car le risque zéro n’existe pas, même s’il s’agit de plantes naturelles. “Lorsque quelqu’un vient me voir, je lui demande en premier lieu s’il a un traitement. Les personnes qui ont des pathologies lourdes doivent avant tout consulter leur médecin, avant de venir chez moi. Cette médecine peut également causer des dégâts irréversibles si elle est mal utilisée”, prévient-il.
Un remède naturel contre le Coronavirus ?
L’arrivée du Coronavirus a forcément eu une influence sur les demandes faites au guérisseur. Tout le monde veut un remède contre la maladie, jusqu’à le submerger de requêtes. À raison ? Mognémali Anli botte en touche. Un rien pourrait le ranger aux côtés des fans d’hydroxychloroquine et autres Covid-organics malgaches, dont les traitements miracles ont largement défrayé la chronique… Mais l’amoureux des plantes en a sous la serpette. Il a trouvé une recette qui allège les symptômes, selon lui. “J’arrive à faire une association de plantes, au bout de trois à quatre jours la personne contaminée se sent bien”, confie-t-il, sans trop s’aventurer dans les détails. “Je ne veux pas créer de polémique ni donner le nom des plantes car cela pourrait être mal interprété”, précise-t-il en effet.
Malgré le manque de preuves scientifiques, Rihana recommande cette fameuse recette. “Mes parents avaient attrapé le virus, ils ont eu recours aux remèdes traditionnels et nous avons immédiatement vu des améliorations. Ce qu’il a prescrit contre le Covid a été très efficace. Contrairement à l’hôpital où on ne nous donne rien.” Mognémali Anli s’inscrira-t-il dans la lignée de ceux qui affirment avoir trouvé la solution contre le Coronavirus comme en Guadeloupe ou à Madagascar ? Le principal concerné répond par un sourire. Non sans fierté.
Le directeur du CUFR, Aurélien Sir, le recteur, Gilles Halbout, le sous-préfet, Jérôme Millet et le maire de Dembéni, Moudjibou Saidi, faisaient le point sur les aides apportées aux étudiants depuis le début de la crise sanitaire. L’occasion de présenter aussi les nouvelles mesures prises dans le cadre du plan gouvernemental « 1 jeune 1 solution ».
De 2,75 à 1 euro. La différence peut paraître mince, mais pour les étudiants en situation de précarité sur le territoire, elle est considérable. “Même ceux qui ne venaient pas avant, maintenant ils viennent, parce que les parents peuvent leur donner au moins un euro pour manger”, constate Laouia en déchirant l’opercule de sa Danette au chocolat. En guise de plat, l’étudiante en biologie a pu déguster une cuisse de canard et quelques légumes pour un prix dérisoire. Pas mauvais, en plus !
Dans le département le plus pauvre de France, les étudiants n’ont pas échappé à la crise sanitaire ou à ses conséquences économiques : 217 élèves du centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte (CUFR) ont reçu l’aide alimentaire d’urgence pendant le confinement, pour un total de 334 bons distribués par l’université. Alors depuis lundi 15 mars et le retour des étudiants sur les bancs de la fac, le CUFR a mis en place le dispositif des repas à un euro. Cette mesure sociale, initialement prévue pour les boursiers, a été étendue à tous les étudiants de France, qui peuvent bénéficier, depuis le 25 janvier 2021, de deux repas par jour à ce tarif imbattable, et ce pendant toute la durée de la crise sanitaire.
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Une antenne locale du CROUS en prévision
Faut-il s’en étonner, à Mayotte, ce coup de pouce a connu un petit retard à l’allumage… alors même que “chaque année, le CUFR compte 50% d’étudiants boursiers contre 28% en métropole”, rappelle Aurélien Siri, son directeur. La faute d’une absence d’antenne locale du CROUS dans le 101ème département, structure qui gère ce dispositif dans l’Hexagone. Aurélien Siri y voit un “souci d’égalité”. “Il faut permettre le déploiement des dispositifs nationaux à Mayotte et nous avons pu avoir l’accord du centre national des œuvres universitaires, malgré l’obstacle que représente l’absence du CROUS”, explique-t-il. La bonne nouvelle, c’est que le dispositif pourrait bientôt débarquer sur l’île, sous la forme d’un CROUS océan Indien, via “une extension de celui de La Réunion”, annonce le recteur Gilles Halbout. L’antenne locale pourrait voir le jour à la rentrée prochaine.
Le plan à 7 milliards d’euros du gouvernement
Outre ces repas à 1 euro, le directeur du CUFR, le recteur, mais aussi le sous-préfet et secrétaire général adjoint à la préfecture, Jérôme Millet, et le maire de Dembéni, Moudjibou Saïdi, étaient réunis ce jeudi pour présenter les mesures prises à destination des étudiants dans le cadre du plan du gouvernement « 1 jeune 1 solution ». Annoncé par le premier ministre Jean Castex le 23 juillet 2020, ce plan prévoit un budget de 7 milliards d’euros, pour accompagner les jeunes dans la formation, l’apprentissage et l’insertion professionnelle.
Parmi les nouveautés à Mayotte, un diplôme universitaire post-bac va pouvoir bénéficier du label “Passeport pour réussir et s’orienter” (PaRéO), qui consiste en une année pour permettre aux bacheliers de préciser leur projet d’études ou d’orientation professionnelle ; dès la prochaine rentrée, un nouveau diplôme étudiant entrepreneur va ouvrir ses portes à tous les bacheliers ou étudiants de moins de 28 ans avec un projet de reprise ou de création d’entreprise ; et une passerelle a aussi été mise en place cette année pour les élèves en classe préparatoire qui souhaitent s’orienter vers une licence. En tout, 109 places supplémentaires vont se débloquer sur Parcoursup, pour un total de 584, contre 475 en 2020.
Le déconfinement intervenu cette semaine n’est pas synonyme de retour à la compétitivité sportive. Le couvre-feu est réinstauré et l’organisation de rencontres officielles est toujours interdite. Il s’agit pour les clubs, comités et ligues de s’adapter aux mesures sanitaires en vigueur en attendant de meilleures conditions de reprise de l’activité.
2020 a été compliquée pour les sportifs mahorais, en grande partie privés de compétitions officielles locales, régionales et nationales. 2021 ne s’annonce guère mieux. « Notre saison, calée sur le calendrier scolaire est une nouvelle fois grandement compromise« , confirme Lina Ibrahima, secrétaire générale de la Ligue régionale de handball de Mayotte. « Nous avons pu jouer quelques matchs de championnat entre les deux confinements, mais cela va être difficile de les poursuivre et de les finir. Surtout qu’en avril, il y a le mois de ramadan et sa fameuse trêve sportive… Cela reste à confirmer par le comité directeur de la ligue, mais cela ne m’étonnerait pas que nous nous positionnons pour l’annulation des championnats, avec, quand même, le maintien des matchs de coupes de Mayotte« , considère l’élue de la LRHM.
En basket-ball, l’espoir est de mise pour l’organisation des différents championnats de la saison en cours. « Nous avons le feu vert de la fédération pour prolonger la fin de saison, ce qui nous permettrait de lancer les championnats de Mayotte 2020/2021 dès que la préfecture de Mayotte nous l’autorisera« , fait savoir le président de la Ligue régionale, Hakim Ali Abdou. « Il nous reste à trouver la bonne formule en nous adaptant sur le temps qu’il nous reste. » Parmi les options envisagées par les dirigeants du basket-ball mahorais figurent la validation d’un classement et la mise en place des play-offs à l’issue des matchs aller.
Pratique sportive à l’extérieur : la DRAJES lève l’ambiguïté
La bonne formule, le Club d’athlétisme de Mamoudzou (CAM) semble l’avoir trouvé. « Le déconfinement nous permet de reprendre une partie de nos activités, comme la section piste ou la section running. Mais nous devons réadapter certains horaires en fonction du couvre-feu actuel« , indique le président de l’association, Michel Latour. Ce que le club a fait, avec des séances d’entraînement programmées en semaine de 16h à 17h30, de telle sorte à ce que ses adhérents puissent regagner leur domicile avant 18h. Pour ce qui est de retrouver de l’adversité à travers les compétitions, comme tous les autres clubs de l’île, le CAM devra encore patienter. « Les rassemblements, réunions ou activités sur la voie publique ou dans un ERP (établissement recevant du public) mettant en présence de manière simultanée plus de six personnes sont interdits« , rappelle l’article 6 de l’arrêté préfectoral portant diverses mesures relatives à la lutte contre le Covid, en date du 12 mars 2021.
Pourtant, l’ambiguïté prédomine au sein des clubs, en particulier ceux dont la pratique sportive s’organise en extérieur. Car, si l’arrêté préfectoral interdit les rassemblements de plus de six personnes jusqu’à nouvel ordre, une ligne du communiqué de presse du préfet Jean-François Colombet, paru deux jours plus tôt, laisse place à l’interprétation.
En effet, elle stipule : «resteront en vigueur (…) l’interdiction de la pratique sportive en salle», sous-entendant que la pratique sportive à l’extérieur est de nouveau permise et ce, quel que soit le nombre de personnes présentes au cours de l’activité. Les services de la délégation régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (DRAJES) de Mayotte confirment que les rassemblements de plus de six personnes sont bien de nouveau autorisés dans le cadre de la pratique sportive à l’extérieur, hors compétitions, à condition que les clubs fassent respecter strictement les gestes barrière.
Ainsi, la majorité des associations sportives mahoraises peuvent regagner leur lieu de pratique et organiser des séances d’entraînement, en attendant l’approbation de la préfecture pour le retour des compétitions officielles. Peut-être dans deux semaines, le 4 avril prochain, date à laquelle les autorités politiques et sanitaires de Mayotte prévoient de lever les dernières mesures restrictives.
Depuis le 1er mars, le réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte utilise une nouvelle méthode de détection et de localisation automatique des séismes. Plus précise et performante, celle-ci va notamment permettre d’identifier plus efficacement les plus petits séismes. Explications avec Charlotte Mucig, la directrice régionale du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
Si la terre ne tremble plus autant qu’en mai 2018, date des premiers séismes à répétition et avec eux l’apparition du fameux volcan sous-marin dont le nom n’a toujours pas filtré, l’activité sismologique n’en reste pas moins considérable grâce à son suivi quotidien. Et l’utilisation d’une nouvelle méthode de détection et de localisation automatique par le réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte (Revosima) depuis le 1er mars va même réveiller les consciences à la lecture du prochain bulletin mensuel.
Techniquement, l’ancienne méthode ne permettait de déceler que les ondes P, dites primaires, des séismes, qui se propagent plus rapidement dans les profondeurs. Dorénavant, il est possible de repérer les ondes S, dites secondaires, qui arrivent plus lentement. En mettant au point cette nouvelle méthode, le Revosima va détecter « avec plus de précisions », souligne Charlotte Mucig, la directrice régionale du bureau de recherche géologiques et minières. « Pour localiser efficacement un séisme et déterminer sa source, il nous faut les deux ondes. »
Une localisation multipliée par quatre
Conséquence : « Nous allons pouvoir détecter de petits séismes en journée, de manière plus fiable », qui passaient précédemment à la trappe en raison de l’activité humaine plus marquée en journée à proximité de là où se trouvent les sismomètres. Une activité humaine qui interférait et masquait ces plus petits séismes. Et les premiers éléments comparatifs des deux derniers mois témoignent de cette montée en puissance. Du 14 au 28 février, 42 séismes avaient été recensés avec l’ancienne méthode, contre 161 avec la nouvelle entre le 1er et le 15 mars. En améliorant nos capacités de localisation de la source des séismes, l’objectif est de pouvoir signaler tout changement d’activité, comme un rapprochement des séismes vers Petite-Terre ou vers la surface.
Mais cette nouvelle précision ne remet pas en cause les campagnes océanographiques « Mayobs » dédiées à la surveillance, puisque deux nouvelles missions sont déjà prévues en 2021. Dès le mois prochain, le Pourquoi pas ?, un navire français de l’Ifremer et de la Marine nationale, doit se rendre dans les eaux territoriales mahoraises pour dresser le bilan des coulées de lave et des émanations de gaz, relever les sismomètres sous-marins dans le but de repréciser encore la localisation des séismes passés. En complément de cette campagne dédiée à la surveillance, le bateau restera un peu plus longtemps aux abords de l’île dans le cadre d’un projet de recherche intitulé Géoflamme, dont l’objectif final consiste à toujours « mieux comprendre » le contexte de cette activité.
Des instruments interrogeables sous l’eau
Si le projet d’observatoire multidiciplinaire sous-marin va bientôt démarrer, le Revosima espère pouvoir placer dans les prochains mois « des instruments placés sous l’eau, interrogeables depuis la surface pour recueillir des données en quasi temps réel ». L’idée ? « Ne pas attendre x mois qu’un bateau adéquate les remonte à la surface », précise Charlotte Mucig. Par ailleurs, le développement de stations sous-marines et la mise en œuvre d’appareils spécifiques – « encore non définis » – sont également dans les petits cartons pour approfondir les recherches. Pas de doute, le volcan réserve encore son lot de surprises.
Il voulait “aider” son ancienne élève en difficulté. Un ex-enseignant de mathématiques de Mayotte écope de trois ans de prison dont deux avec sursis probatoire et obligation de soins. Ce professeur, depuis muté à La Réunion, a aussi interdiction d’exercer avec des mineurs.
C’est un grand gaillard d’une cinquantaine d’années qui se présente au tribunal de Mamoudzou, ce mercredi. Sa voix, étonnamment douce sous son imposante carrure, révèle un personnage lettré quand il s’adresse aux magistrats. “Excusez-moi Monsieur le Président, mais je suis tombé, sans mauvais jeu de mots, sur les fesses”, susurre-t-il, alors qu’on lui demande sa première réaction, ce jour où il a pris connaissance de l’accusation dont il était l’objet.
Les faits remontent à 2016 : ce jour-là, le professeur descend au village chercher une recharge de téléphone. Il tombe sur la famille d’une ancienne élève, dont il vient d’apprendre les difficultés par un collègue. Alors qu’il lui avait déjà proposé des cours particuliers de soutien, l’enseignant en profite pour réitérer sa demande, et auprès des parents. Il finit par la convaincre de remonter chez lui. “Je voulais juste lui faire repérer les lieux pour qu’elle et sa famille se sentent en confiance”, déroule le prévenu.
Parti “se rafraîchir”
Raté ! Quelques minutes plus tard, le bougre se retrouve finalement nez à nez avec la jeune fille de 17 ans, en caleçon, dans sa chambre. Pas vraiment le meilleur moyen d’obtenir sa confiance… D’après lui, il l’aurait pourtant laissée devant la télévision un instant, “pour qu’elle se sente à l’aise” le temps de sauter à la douche et d’enfiler un vêtement de rechange pour filer à son prochain rendez-vous. “Vous êtes allé prendre une douche alors qu’elle était encore chez vous ? – Non, je suis allé me rafraîchir« , nuance-t-il face au juge, sans jamais se départir de son apparente déférence.
Des contradictions dans le discours de la plaignante
Comment la jeune fille a-t-elle pu se retrouver dans sa chambre, pour un simple “repérage des lieux”, pour un cours de soutien ? L’histoire est trouble. Quoi qu’il en soit, la jeune fille finit un mois plus tard par avertir une autre enseignante. Par messages, elle raconte comment cet agresseur présumé l’aurait complimenté sur son apparence physique à plusieurs reprises, avant de la caresser par-dessus ses vêtements. Sur les seins, et le sexe, d’après une première version, et sur les seins et les fesses lors d’une deuxième audition de la plaignante. Une contradiction que ne manquera pas de souligner Maître Hesler, l’avocat du prévenu, lors de sa plaidoirie. “Mon client a toujours donné la même version, mais des contradictions chez cette jeune fille, il y en a ! On a sacralisé sa parole.”
Du côté des magistrats et du ministère public, l’on s’étonne toutefois des témoignages de deux autres jeunes filles que l’homme aurait voulu aider. L’une se dit “pas étonnée par les faits reprochés à ce professeur”, l’autre rapporte avoir senti son regard sur son décolleté, et avoir même reçu une invitation à passer une nuit dans un hôtel. Mais le prévenu, aussi coach de voix dans un cadre associatif à l’époque, a réponse à tout : il y avait tout simplement des lots à gagner dans le cadre d’un concours de chant !
D’autres éléments interrogent. Comme cette similitude d’âge entre la victime et la nouvelle épouse du prévenu, une jeune Comorienne de 23 ans aujourd’hui, rencontrée au hasard d’un karaoké… “Sans faire de conclusions hâtives”, une expertise psychologique n’exclut d’ailleurs pas l’hypothèse d’une attirance chez le prévenu pour les adolescentes ou les jeunes adultes. “Les réponses à certaines questions spécifiques manquent étonnamment de précision”, a aussi souligné l’expert. Une affirmation qui s’est vérifiée à l’audience, l’enseignant perdant le fil dans le récit de ses expériences amoureuses, entre autres. L’homme aurait par ailleurs des soucis de libido, liés à une apnée du sommeil qui l’a conduit à recourir à une machine depuis six mois.
“Monsieur abuse de son bagage”
Autant de zones d’ombre qui ont poussé la procureure a requérir deux ans de prison dont un an de sursis probatoire et une interdiction d’exercer des missions en lien avec des mineurs pendant cinq ans. “Dans cette situation, Monsieur se pose en aidant, en bienfaiteur, et abuse de son bagage économique, social et culturel pour induire ses victimes et leur famille à lui faire confiance”, décrit la magistrate, qui n’hésite pas à juger le personnage “dangereux”. “Merci à Madame la procureure pour cette leçon de morale mais ici, nous sommes dans un tribunal pour faire du droit”, rétorque Me Hesler. Jurisprudence de la cour de Cassation à l’appui, l’avocat tente d’obtenir la relaxe pour son client, sur la base d’une absence de preuve du contact physique “condition indispensable à la caractérisation”.
Sans succès. Le tribunal décide d’une peine de trois ans de prison, dont deux ans de sursis probatoire et obligation de soins, et trois ans d’interdiction d’exercer avec des mineurs. Maître Hesler compte déjà faire appel. “Je citerais le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti : l’hyper-moralisation pourrit les tribunaux depuis des années !”
Dans la nuit de dimanche à lundi, un incendie a réduit en cendres les locaux d’ABK, l’association de quartier Bandrajou-Kawéni. Il ne reste plus rien de la salle de classe ou des produits destinés à la population. Mais loin de décourager les bénévoles de l’association, cet événement leur a donné envie de se battre encore plus.
« Tout ce charbon au sol là, c’était les tables et les chaises pour accueillir les élèves », explique Amir Nokowa, président de l’association ABK. Il ne reste plus rien. Les livres, les savons distribués par l’agence régionale de santé, les produits d’entretien… Tout est parti en fumée ! « Là, ce sont nos archives, tout a brûlé. » Si selon lui, la piste criminelle a été retenue par les forces de l’ordre et le départ du feu identifié, les auteurs de l’acte n’ont pas encore été appréhendés. « Il était deux heures du matin quand on a remarqué le feu, et les pompiers ont mis une heure à arriver. En attendant, on a jeté des parpaings, avec la population, pour essayer de calmer le feu. Ça a démarré ici, il y avait des livres empilés sur cette table, puis tout est parti très vite », poursuit le président, ému au moment de se remémorer de cet événement tragique.
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Pour les habitants du quartier, c’est l’incompréhension la plus totale. En effet, l’association les aide au quotidien, d’abord via de la prévention et de la médiation. Mais aussi grâce à la salle de classe et la distribution de produits d’entretien. Pour Soumeth Hamid, chargé de projet à l’association ABK, l’incendie aurait été provoqué par des « jeunes délinquants ». « Ils constatent qu’on les empêche de voler ou d’agresser les habitants, de faire ce qu’ils veulent, et ça ne leur plaît pas. »
« Montrer qu’on est là et qu’on va rester »
Désemparés devant les tas de cendres, les livres brûlés et les taules marquées par le feu, les bénévoles d’ABK refusent de se laisser abattre. « On ne doit pas avoir peur, il faut montrer à ces gens qu’on est là et qu’on va rester », persiste Soumeth Hamid. Et la reconstruction est déjà en route. Habituellement, la classe tenue par les parents d’élèves bénévoles accueille une trentaine d’élèves. « Les jeunes ne savaient pas ce qu’il s’était passé, ils sont venus lundi matin et ont découvert la catastrophe », rembobine Amir Nokowa.
En pleine réflexion depuis le début de la semaine sur le meilleur moyen de reprendre leurs activités, et particulièrement l’accueil des élèves, les bénévoles ont installé ce mercredi 17 mars des nattes et tendu des tissus, donnant l’impression d’une salle de classe. « Ils sont assis au sol, mais au moins on ne les laisse pas dehors, en attendant d’avoir de nouvelles tables », se console le président.
Le regard vide devant les décombres des locaux de l’association, l’un des élèves, un jeune adulte en situation de handicap, ne prend pas tout de suite conscience de la gravité de la situation. « Il était scolarisé jusqu’à ses 18 ans. Depuis, il fréquente cette école qui nous aide vraiment au quotidien. Il est un peu perdu », raconte sa sœur, autant choquée que lui. C’est pour des jeunes comme lui, que les bénévoles ne veulent pas baisser les bras. Et se font la promesse de « tout pour proposer à nouveau leurs activités ».
Si vous souhaitez venir en aide à l’association de quartier Bandrajou-Kawéni, vous pouvez les contacter au 06.39.01.08.40 ou par email (asso.abk@gmail.com).
Fondée en 1921 en Californie, l’association Soroptimist a fait ses débuts à Mayotte en 1990. Depuis 30 ans, des centaines de femmes se sont engagées dans la cause féminine sur le territoire à travers divers actions qui ont marqué la société, et ont fait évoluer le statut de la femme sur ce bout de France partagé entre tradition et modernité.
Plongées dans leurs albums photos, Sophia Hafidhou et Sanya Youssouf, se remémorent leurs 30 dernières années passées au sein de l’association Soroptimist. Nostalgiques d’un temps où leur engagement se caractérisait par plusieurs actions pour valoriser les femmes mahoraises. La plus emblématique est celle appelée « Excellence féminine » qui vise à récompenser les meilleures élèves filles ayant obtenu leur diplôme de baccalauréat avec mention. « Au début, nous récompensions toutes celles qui avaient une mention sans aucune différence, parce qu’il n’y avait pas assez de filles à cette époque. Maintenant, nous nous cantonnons qu’à celles qui ont la mention très bien parce qu’il y a de plus en plus de filles. En 2019, elles étaient 30, contre 10 chez les garçons », raconte Sophia Hafidhou, la présidente de Soroptimist Mayotte.
Éducation, politique, entrepreneuriat, égalité entre les deux sexes… Témoins de l’évolution de la place des femmes mahoraises dans notre société, les membres de l’association ont d’ailleurs longtemps contribué à promouvoir les femmes dans tous les domaines. Soroptimist Mayotte est à l’origine de nombreux projets qui ont été perpétués dans le temps à l’exemple des foires artisanales, ou de l’entrepreneuriat au féminin en 2005. Mais la présidente de l’association est particulièrement fière d’une initiative qui n’existe plus de nos jours.
Entre 2004 et 2007, en collaboration avec le vice-rectorat et le conseil général, ils avaient mis en place Mayotte fleurie. “Nous travaillions avec les écoles pour initier les enfants à la propreté et les inciter à s’approprier leur environnement. C’était un concours où chaque école voulait être la plus propre et la plus jolie. Par la suite, le conseil général a voulu prendre la main sur l’évènement et ça n’a pas tenu”, regrette avec amertume Sophia Hafidhou. Soroptimist Mayotte s’est également engagée dans les actions caritatives, notamment en 2014, lorsque le village d’Acoua a été frappé par les inondations ou encore en construisant une maison à une mère et ses neuf enfants en situation de précarité.
Des femmes mieux considérées mais pas assez visibles
La présidente de l’association et la secrétaire générale, Sanya Youssouf, sont toutes les deux très engagées dans la cause féminine : elles se sont battues pour que les voix des femmes comptent au même titre que celles des hommes. “Nous avons contribué à l’alphabétisation des filles. Dans les années 90, elles étaient scolarisées, mais pas longtemps parce qu’il fallait les marier. Certaines s’arrêtaient en sixième, d’autres en troisième… Très peu allaient jusqu’au bac, encore moins au-delà”, se souvient Sophia Hafidhou. Aujourd’hui, le problème ne se pose plus ou très peu, et les femmes occupent des postes à haute responsabilité. Chose qui était quasiment impossible il y a encore 30 ans à Mayotte selon les représentantes de Soroptimist.
Si le chemin parcouru a été long, celui qui reste à faire l’est tout autant. “Les femmes qui osent faire bouger les choses manquent de reconnaissance et de visibilité. Il faut valoriser davantage leurs projets”, insite Sanya Yossouf. Et Sophia Hafidhou d’ajouter : “Nous avons besoin de plus de femmes décideurs. Ce sont elles qui poussent les hommes à être des leaders et elles restent derrière. Les femmes sont partout, mais nous ne les voyons pas assez, alors il est temps qu’elles soient également au devant de la scène.”
Un besoin urgent de recruter de nouvelles adhérentes
Très active pendant longtemps, l’association perd depuis quelque temps un peu de son aura en raison de l’absence de nouvelles adhérentes. “Nous avions l’habitude d’être à peu près 60, aujourd’hui nous ne sommes que 11. Et en dessous de 10, l’association est automatiquement dissoute”, s’inquiète Sanya Youssouf, la secrétaire générale. La peur de disparaître est une chose, mais ce manque de moyens humains ralentit considérablement le travail des membres. “À 11, nous ne pouvons pas mener des projets de grandes envergures car cela demande beaucoup d’investissement. Nous avons besoin de la jeune génération, les filles ne doivent pas avoir peur de s’engager”, soutient Sanya Youssouf.
Au début des années 2000, Soroptimist Mayotte était encore à la tête de nombreux grands projets. Un dynamisme visiblement à bout de souffle puisque l’association ne se limite plus qu’à des micros actions. La célébration des 30 ans est l’occasion idoine pour elle de réaffirmer son engagement pour que les femmes mahoraises aient toutes leur place dans la société.
Pour devenir membre de Soroptimist Mayotte, veuillez contacter les membres au 06.39.20.43.70.
Un an jour pour jour après le début du premier confinement, le préfet de Mayotte, Jean-François Colombet, revient en exclusivité pour Flash Infos sur cette crise sanitaire sans précédent qui a paralysé à deux reprises l’ensemble de l’île aux parfums pendant de longues semaines. Le délégué du gouvernement évoque sans détour la prise de certaines de ses décisions mais aussi les conséquences économiques et hospitalières. Entretien.
Flash Infos : Le 16 mars 2020 au soir, le président de la République, Emmanuel Macron, annonce la mise en place du premier confinement national dès le lendemain. Comment avez-vous accueilli cette décision à 8.000 kilomètres de Paris ?
Jean-François Colombet : Immédiatement, nous avons cherché à ne pas avoir un système différencié de la métropole. Il fallait prendre le même pas pour mettre à profit les six semaines d’avance que nous avions. Pour rappel, le premier cas déclaré à Mayotte arrive le lendemain de l’annonce du confinement (en réalité, le 14 mars, ndlr.). Nous avons plaidé auprès de la ministre des Outre-mer de l’époque, Annick Girardin, pour bénéficier d’un soutien logistique et humain, à l’instar des militaires, le moment venu. Il ne fallait en aucun cas faire comme si nous n’étions pas concernés par l’épidémie et appliquer les mêmes mesures.
FI : Avec le recul, était-ce réellement la bonne décision à adopter pour le 101ème département ? Pourquoi ne pas avoir élaboré une stratégie similaire à celle des autres territoires insulaires, notamment d’un point de vue aérien, le moyen de circulation privilégié pour la propagation du virus ?
J.-F. C. : La fermeture de l’aéroport a été très critiquée. La restriction du trafic commercial est intervenue le 25 mars, soit huit jours après le début du confinement. Cette mesure a été efficace, même si beaucoup l’ont jugée non-pertinente. Elle nous a obligés à nous adapter en termes d’approvisionnements avec la mise en place d’un pont aérien : nous avons missionné dix agents pour la gestion du fret, qui est par moment monté jusqu’à 90 tonnes par semaine, soit près du double de l’envoi hebdomadaire.
Puis, nous avons rapidement commencé la commande de masques, en lien avec le conseil départemental, pour permettre aux Mahorais de se protéger, alors que la doctrine à Paris était de marteler que cela ne servait à rien. Or, quelques jours après leur distribution, nous nous sommes rendus compte que la courbe commençait à fléchir…
FI : Si la décision de suspendre les vols a pu être vue comme abusive par certains, d’autres ont regretté qu’elle n’intervienne pas plus tôt pour éviter le brassage des enseignants, rentrés en métropole pour les vacances scolaires…
J.-F. C. : Quand nous refaisons l’histoire à l’envers, les choses sont plus simples. Quand nous gérons une crise inédite comme celle du Covid-19, il faut savoir peser le pour et le contre entre ce qui est souhaitable et ce qui est possible. Si nous avions suspendu les vols commerciaux plus tôt, nous aurions bloqué 10 à 20.000 personnes en métropole. À ce moment-là, la circulation du virus n’était pas homogène sur le territoire national. L’épidémie circulait activement dans l’Est de la France. Il aurait été injuste d’interdire aux autres régions de voyager.
Et puis vous avez vu le remue-ménage pour rapatrier 80 Mahorais de l’Union des Comores et une soixantaine d’autres de Madagascar et la polémique du confinement au RSMA (régiment du service militaire adapté) à leur retour… La décision parfaite n’existe pas, il faut rentrer dans l’équilibre avantage-inconvénient !
FI : D’un point de vue général, quel bilan tirez-vous de cette dernière année si particulière ?
J.-F. C. : La plupart de mes collègues préfets ont simplement dû gérer une crise sanitaire, point à la ligne. À Mayotte, nous avons dû faire face à une crise globale : sanitaire, humanitaire, économique et sécuritaire ! Très respecté au cours des trois premières semaines, le confinement a provoqué une vraie crise alimentaire et a coûté 3.000 emplois (les natifs de l’étranger, les femmes, les personnes âgées de 30-49 ans, les non-salariés et les employés à domicile sont les principaux concernés, ndlr.)… Si le tissu économique est résilient, la plupart des entreprises se remettait à peine de la crise exceptionnelle de 2018. C’est la raison pour laquelle nous avons activé dès le 19 mars la cellule territoriale de continuité économique pour [les] protéger. Et il ne faut pas non plus oublier la disparition de l’économie informelle et l’arrêt des éloignements décidé par l’Union des Comores.
FI : Quel est votre plus grand regret ?
J.-F. C. : De mon point de vue, tout arrêter brutalement, y compris le fonctionnement des entreprises, était une « erreur ». Il existe d’autres options, notamment celles retenues lors du deuxième confinement, qui ont permis à l’économie de continuer à tourner. Les chantiers des logements, de l’eau, des écoles sont primordiaux ! Nous ne pouvons pas nous en passer…
Avec l’expérience et le vécu, le maintien de l’économie a du sens. Cela n’a pas empêché au confinement d’être efficace. Si chacun applique le respect des gestes barrières et le port du masque, nous maîtrisons l’épidémie. Compte tenu du caractère éruptif de l’île et de sa jeunesse, la population a bien compris que la meilleure solution face à la propagation du virus est elle-même. Nous avons réussi à modifier nos habitudes et à nous adapter.
FI : Quel moment le plus marquant retenez-vous de cette gestion de crise en tant que préfet ?
J.-F. C. : Sans aucun doute, quand j’ai visité les services de réanimation ! J’ai vu le dévouement et la compétence des personnels soignants du centre hospitalier de Mayotte, mais aussi la détresse des familles. Ce type de rencontres permet de résister à toutes les revendications catégorielles, notamment venant de ceux qui considèrent que sauver leur propre activité, c’est sauver Mayotte, alors que des habitants sont en train de mourir. Il faut avoir à l’esprit les proches qui souffrent. Alors oui, il y a des problèmes économiques et sociaux majeurs sur le territoire, mais au-delà de cela, il y a aussi la vie humaine. La protéger, c’est aller vers des décisions qui peuvent heurter.
FI : La crise sanitaire a mis en exergue la limite des capacités hospitalières, qui ont été mises plus d’une fois à rude épreuve. Cela a-t-il permis de mettre un coup d’accélérateur dans le dossier du second hôpital ?
J.-F. C. : Personne n’a perdu cet objectif de vue. La décision a été prise et annoncée en octobre 2019 lors de la venue du président de la République. Près de deux ans sont passés, mais l’autorité sanitaire n’a pas chômé sur le sujet. Construire un hôpital est un chantier lourd et long, mais les Mahorais peuvent compter sur ma mobilisation et celle des élus pour remonter un certain nombre de revendications aux oreilles du gouvernement. Les moyens hospitaliers et sanitaires de l’île ne sont pas au niveau d’exigence du moment. La crise aura probablement même accéléré ce dossier.
MICRO-TROTTOIR
Chaharane : “Ce Covid, il nous a vraiment gâché beaucoup de choses”
Il est presque midi devant le marché couvert de Mamoudzou. Une canette à la main en guise de petit casse-croûte, et les yeux que l’on devine rieurs derrière ses lunettes de soleil, Chaharane essaie de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Pourtant depuis un an, la crise sanitaire a plus que chamboulé ses plans comme ses projets d’avenir. “Il y a un an, j’étais au RSMA, j’allais passer mes tests. Mais il y a eu le Covid, et on nous a dit de rentrer chez nous, qu’ils allaient nous rappeler”, se souvient le jeune homme qui vient de souffler ses 25 bougies. Mais quand le téléphone finit par sonner, le Petit-Terrien voit ses espoirs de reprendre la formation de 11 mois complètement douchés : “C’était en décembre, pour le paquetage, c’est-à-dire pour rendre nos tenues. À part ça, on n’a reçu aucun appel, alors oui, ce Covid, il nous a vraiment gâché beaucoup de choses !” N’ayant pas pu passer les tests, Chaharane se retrouve aujourd’hui sans diplôme, sans certificat de formation… et sans emploi. “Depuis, je cherche un poste dans la mécanique puisque c’est ce que j’avais commencé à faire au RSMA”, conclut-il. Sans pouvoir vraiment se projeter vers un horizon, toujours noirci, en cette date anniversaire, par la menace du virus.
Alihousseni : “Quand l’avion est resté une heure au sol à Roissy, j’ai cru que je n’atterrirrais plus à Mayotte”
Cette date d’anniversaire du 17 mars, Ali ne risque pas de l’oublier. À l’époque, le jeune entrepreneur prévoit depuis longtemps de tout lâcher pour rejoindre sa compagne et venir lancer sa société à Mayotte. “Le lundi, j’avais une réunion avec le centre des monuments nationaux pour un chantier sur lequel je travaillais. Les gars nous ont dit : “ce soir, Macron annonce le confinement”. Et tout le monde me disait : “si tu veux partir, c’est aujourd’hui.”” Ni une ni deux, l’ingénieur décroche son téléphone et harcèle la compagnie Air Austral, jusqu’à obtenir une place dans le premier avion disponible. “Il devait être 15h, et à 19h j’embarquais”, retrace-il. “Quand l’avion est resté une heure au sol à Roissy, j’ai cru que je n’atterrirrais plus à Mayotte.” Ouf ! Le lendemain, jour 1 du confinement national, Alihousseni arrive sous le ciel des tropiques. Mais il n’est pas au bout de ses peines. “S’il y a une chose que je retiens aussi de cette année, c’est la difficulté de créer une société à Mayotte pendant un confinement.” Pendant près de deux mois, l’entrepreneur appelle tous les deux jours les différentes administrations, la chambre de commerce pour son Kbis, la CSSM pour se déclarer à l’Urssaf, les impôts, le chômage… Presque impossible d’avoir quelqu’un au bout du fil, et les échanges de mail tombent vite aux oubliettes. De quoi frôler la phobie administrative ! “C’était l’horreur”, souffle-t-il. Bilan des courses : le nouvel arrivant devra vivre sur ses économies, avant de pouvoir, enfin, envoyer des factures à ses clients et recevoir ses premiers paiements au mois de septembre 2020. Un vrai casse-tête, d’autant que les créateurs d’entreprise ne se sont pas vus offrir d’aides spécifiques pour faire face au Covid, contrairement aux entrepreneurs plus établis, en mesure de fournir leurs résultats sur les années passées. La tuile !
Anjara : “Le confinement, moi, je ne l’ai pas vu !”
Il y en a qui auraient préféré pouvoir rester chez eux. Et Anjara est plutôt de ceux-là. Responsable administrative dans une entreprise de BTP, cette habitante de Chiconi n’a pas vraiment arrêté de se lever le matin… “Dès le confinement, j’ai commencé un congé maternité”, retrace la jeune maman. “Ensuite il a fallu retourner au travail. Et pour les entreprises du BTP, le confinement n’a jamais été de mise ! Alors franchement, moi je ne l’ai pas trop senti”, déplore presque la mère de famille qui a redouté comme beaucoup l’arrivée de ce virus méconnu sur l’île aux parfums. “Bien sûr qu’on avait peur ! Justement, dans le BTP, on s’est un peu dit, tout le monde reste à la maison mais nous, non. Alors quoi, on est des appâts ?”
Rarement entendues depuis le début de la crise sanitaire, les boîtes de nuit font partie des entreprises les plus touchées par ses conséquences économiques. Obligé de fermer ses portes depuis le 17 mars 2020, Kassim Elhad, qui gère le Loft à Mamoudzou, peine à joindre les deux bouts. Mais impossible pour lui de renoncer à cette affaire, dans laquelle il a tout investi depuis presque quinze ans.
“Quand je leur ai dit que vous veniez, les gars ont voulu enlever les toiles d’araignées, je leur ai dit “non surtout pas !”. Il faut qu’on voie comment c’est, depuis un an.” Alors que Kassim Elhad ouvre la porte métallique du Loft dans un grincement, quelque chose d’autre saute aux yeux. Ou plutôt prend le nez : cette reconnaissable odeur de bar, savant mélange d’alcools renversés et de danses endiablées. Une année entière de fermeture n’a pas permis d’évacuer ces effluves, qui collent aux murs comme de vieux posters. Et l’espace d’un clignement d’yeux nostalgique, l’on pourrait presque entendre à nouveau les notes taper sur les baffles, comme si le Covid-19 et sa chape de plomb n’étaient pas passés par là. Oups ! Une flaque d’eau interrompt vite la rêverie. “Oui, avec cette saison des pluies de fou, j’ai eu des inondations”, fait remarquer le patron en pointant du doigt la gouttière qui fait la jonction entre ses deux salles principales.
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À Mayotte, les discothèques comme le Loft se comptent sur les doigts de la main. Encore moins, si l’on considère ceux pour qui le monde de la nuit ne constitue pas la seule activité, comme le réputé Zen Eat, ou encore le Barfly. “Eux, officiellement, ils sont aussi restaurants, alors je suis un peu le seul à ne pas du tout pouvoir ouvrir”, soupire Kassim. Une rareté qui peut expliquer la discrétion des boîtes de nuit de l’île depuis le début de la crise, pendant que le collectif du monde économique de Mayotte (CMEM) et l’union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) 976, tapaient du poing sur la table à chaque nouvelle restriction imposée.
Des investissements juste avant la crise
Tandis que l’Hôtel le Rocher, dont dépend le Ningha club de Petite-Terre, a continué à héberger des clients et que le Koropa, grâce à son espace extérieur et sa piscine, a pu aussi, pendant un temps, ouvrir ses portes aux amoureux de la fête, le Loft a donc pris la poussière, seul dans son coin. Et ce, alors même que son gérant lui prévoyait une nouvelle jeunesse : un cadeau à 15.000 euros, qui s’ajoutaient aux quelque 500.000 euros investis depuis la reprise du club en 2007. Commandés en novembre 2019, de solides assises en fonte, des panneaux acoustiques et des morceaux de mousse attendent sagement de jours meilleurs. “Ça doit être la deuxième fois que des gens s’assoient là-dessus !”, lance Kassim en tapotant le coussin recouvert d’une belle toile ignifugée noire.
Bras de fer avec l’administration pour avoir des aides
Heureusement, 2019 a été un bon cru. 300.000 euros de chiffre d’affaires, au bas mot. Mais quand même. Après une année blanche, le gérant a aujourd’hui tout le mal du monde à obtenir les précieuses aides de l’État et du Département, pour garder la tête hors de l’eau. “Je ne vais pas mentir, il y a un historique derrière avec l’administration, et là ils m’ont eu avec le Covid”, concède Kassim, l’œil malicieux. Car depuis qu’il a repris l’affaire en 2007, l’entrepreneur n’a pas vraiment déposé ses bilans… Même s’il a scrupuleusement gardé les traces de ses comptes, assure-t-il. “À l’époque, c’était difficile à Mayotte de trouver un expert comptable pour les certifier.”
Des loyers et des dettes
Un point partout, balle au centre : le gérant du Loft a fini par envoyer toutes les pièces au mois d’octobre 2020. Et s’est engagé à verser 1.700 euros par mois pour rembourser sa dette au trésor public. “Mais tant que je n’ai pas le moratoire, je ne peux rien demander comme aides”, décortique ce businessman aguerri par des années de lutte pour maintenir son bébé à flots. Le Loft est en stand by, donc, un peu comme son boss. S’il a pu demander l’activité partielle pour ses quatre employés, lui “s’économise”. “Je dors, j’ai éteint mon organisme.” Comme pour se préparer à affronter les prochaines batailles, qui ne tarderont d’ailleurs pas à éclater. La prochaine en date aura lieu le 1er avril. “Mon proprio a fini par me traîner au tribunal, il me fait un poisson d’avril !”, s’amuse Kassim, pas vraiment effrayé à l’idée de croiser le fer avec son bailleur, à qui il doit quelques loyers de retard. “Le Covid me tuera peut-être. Pas ses conséquences”, balance-t-il, d’un air de défi.
Ahmed* était l’un des 166 athlètes de la délégation de Mayotte aux Jeux des îles de l’océan Indien 2019, à Maurice. Jeune et en bonne santé, il a été frappé durement par le Covid-19 au point de s’être senti réellement en danger.
Il est jeune, fort et a toute la vie devant lui. Pourtant, en ayant attrapé le Covid-19, Ahmed* a bien cru voir ses dernières heures arriver. L’athlète membre de la délégation de Mayotte aux Jeux des îles de l’océan Indien 2019 est désormais sur la voie de la guérison. Il savoure, mais surtout, met en garde contre la rumeur confortant la jeunesse face à ce virus.
Il y a quelques semaines, Ahmed enchaînait les footings avec l’objectif de retrouver son poids de forme et reprendre la compétition. Cette semaine, l’athlète a effectué une petite marche : quelques dizaines de mètres dans les rues de sa localité, avant de regagner son domicile. Un manque de motivation ? Une ambition revue à la baisse ? Rien de tout cela. Entre ces deux périodes, le trentenaire a été atteint par le Covid-19, a intégré le service réanimation du centre hospitalier de Mayotte (CHM) avant d’être reconduit chez lui avec un respirateur… Aujourd’hui, la récupération est lente et progressive. Mais Ahmed* revit : « Je savoure chaque moment, chaque pas qu’il m’est donné la chance de faire« , jure-t-il.
La réflexion qui veut qu’on apprécie mieux la vie quand on est passé près de la mort est donc véridique, à en croire son expérience. « C’était très difficile d’être en fauteuil roulant, de dépendre d’une machine pour respirer… Mais j’ai la chance d’avoir survécu à cette épreuve alors que d’autres Mahorais, plus jeunes que moi, ont succombé. Je suis conscient de ça et c’est pour ça qu’aujourd’hui, plus que jamais, je savoure la vie. »
L’athlète se souvient qu’à l’apparition des premiers symptômes, tout est allé très vite. « Nous sommes allés aux urgences car j’étais à 38 de fièvre et ne me sentais absolument pas bien. Mais les médecins nous ont donné comme consigne de rentrer à la maison et de me reposer. Entre temps, le test PCR que j’avais fait s’est révélé négatif mais ma situation s’empirait. Nous sommes retournés aux urgences et j’ai été pris en charge. Ma tension était extrêmement basse et les médecins se demandaient comment je pouvais être encore conscient. Je me souviens leur avoir répondu « Je ne veux juste pas mourir », et après, plus rien. »
« Je ne veux juste pas mourir »
Ahmed passera une semaine entière au CHM de Mamoudzou, « quasiment » dans le coma. « C’était bizarre : j’entendais tout, mais je ne pouvais pas réagir« , affirme-t-il avec du recul. Sa convalescence se poursuivra chez lui, auprès de ses proches. C’est seulement au bout de deux semaines que ce responsable d’équipe en entreprise a commencé à voir le bout du tunnel, à se passer du respirateur, à être de nouveau autonome. Toujours souffrant, la fin du calvaire est tout de même proche pour le Mahorais, qui se sent chaque jour de mieux en mieux. Pour les semaines et les mois à venir, Ahmed se veut prévenant, vis-à-vis des jeunes particulièrement.
« On dit que les jeunes ne sont pas touchés par le Covid-19, mais c’est faux. La période où ça m’est tombé dessus, l’ARS venait de recenser la plus jeune victime, un jeune de 25 ans venait d’en mourir… Tout le monde doit se méfier de ce virus, mais les jeunes plus que d’autres puisqu’en pensant que ça ne les touche pas, ils sont forcément moins vigilants. » Et pour le sportif, on n’est jamais trop prudent. Lui, qui respectait une certaine rigueur dans l’application des mesures sanitaires à son travail, à la maison et ailleurs. « J’étais le premier à respecter vigoureusement les gestes barrière. Je l’imposais aux collègues qui étaient sous ma responsabilité et étais très regardant sur ce point. J’avais toujours mon gel hydro-alcoolique de poche sur moi. Je ne pouvais pas être plus précautionneux que ça. Et pourtant… »
365 jours viennent de s’écouler depuis le début du premier confinement. Si Mayotte a d’abord pensé pouvoir passer entre les mailles du filet par rapport à la métropole, l’apparition du variant sud-africain lui a rappelé qu’elle n’est pas à l’abri d’une potentielle catastrophe sanitaire. Chronologie d’une année si particulière.
Mardi 17 mars 2020, 14h à Mayotte, Emmanuel Macron, le président de la République, siffle la fin de la récréation. La restriction des déplacements fait désormais partie du quotidien des Mahorais. Le confinement strict a pour conséquence la fermeture des établissements scolaires et de tous les lieux non indispensables. Finis, l’afterwork, les séances de sport collectives et les repas entre amis… L’adage « métro, boulot (ou télétravail), dodo » devient la norme dans le 101ème département. Ce virus, une grande partie de la population le prend avec des pincettes. Le guette du regard. L’appréhende….
Et comme ailleurs, les journées défilent au rythme des données chiffrées. Plus cinq cas, plus huit cas, plus treize cas, plus onze cas, plus sept cas… Avec un retard de six semaines sur le territoire national, l’île aux multiples spécificités sociales, économiques et sécuritaires, et surtout aux capacités hospitalières limitées retient son souffle dans l’espoir d’éviter une catastrophe sanitaire. La vague épidémique tant redoutée se fait attendre.
Envoyés sur place, les renforts de la réserve sanitaire et du service de santé des armées tournent presque en rond. Les personnels soignants restent sur le qui-vive. Le service de réanimation s’avère toutefois plus saturé qu’à l’accoutumée en raison de la plus importante épidémie de dengue jamais enregistrée. Les évacuations sanitaires vers La Réunion se mettent en place pour alléger des capacités hospitalières, déjà sous-évaluées en temps normal. Pas question de se prendre les pieds dans les tapis.
D(é)confinements en décalé avec la métropole
Et alors que la métropole se déconfine le 11 mai, Mayotte se classe quelques jours plus tôt parmi les départements situés en zone « rouge » et doit jouer les prolongations jusqu’au 2 juin avec ses quelque 1.000 cas recensés depuis le 14 mars, jour du premier cas détecté sur le territoire. De peur que le pic finisse enfin par jouer son rôle de trouble-fête, comme promis par Paris et les autorités locales. Que nenni ! Par contre, voilà qui donne du fil à retordre à une agence régionale de santé, de plein exercice depuis le 1er janvier 2020, qui aurait préféré meilleur début. L’approvisionnement en écouvillons et en réactifs l’empêche de dormir tranquillement sur ses deux oreilles…
Finalement, les Mahorais apprennent à sortir de chez eux masqués. À retrouver un semblant de normalité. À l’heure des vacances estivales (ou plutôt hivernales), les voyages reprennent de plus belle. Puis la rentrée scolaire suit son cours, toujours calquée sur les directives nationales. L’affolement métropolitain débouche sur un nouveau confinement national le 30 octobre 2020. Mais en plein cœur du canal du Mozambique, Mayotte y échappe. Et rit au nez et à la barbe de ce virus mondial.
Plus pour longtemps avec l’arrivée de son variant sud-africain… Plus virulent et surtout plus contagieux, notamment auprès de la jeunesse ! Cette jeunesse, qui selon les épidémiologistes, permet de croire à une immunité collective sans tracas. Plus accessibles, les tests se multiplient. Tout comme le nombre de cas. Les taux de positivité et d’incidence explosent, à l’aune du début de la campagne de vaccination, le 25 janvier 2021. Trois jours plus tard, les habitants de Bouéni, Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi reçoivent l’ordre de ne plus sortir. Rejoints par le reste de la population le 5 février. Bis repetita pour cinq semaines ! Déconfinée depuis ce lundi 15 mars, à deux jours d’un anniversaire inimaginable, Mayotte revient de loin, avec seulement 502 nouveaux cas sur la semaine glissante (contre 2.487 il y a encore un mois) et 21 patients en réanimation.
Quelques chiffres clés de la dernière année écoulée
1.049
C’est le nombre total de patients Covid hospitalisés en médecine et en réanimation en un an. Dans le détail, l’année 2021 s’avère bien plus sévère puisque la médecine a recensé par exemple 495 malades positifs entre le 25 janvier et le 15 mars, contre 335 du 13 mars au 24 novembre 2020. Idem en réanimation où la deuxième vague a été beaucoup plus critique que la première (156 entrées depuis le 21 janvier dernier pour une pneumopathie Covid contre 63 quelques mois plus tôt). Cette tension hospitalière a notamment poussé le centre hospitalier de Mayotte, avec le soutien de l’agence régionale de santé, à procéder à des évacuations sanitaires massives vers La Réunion. Depuis le 4 février, pas moins de 99 patients Covid ont été envoyés vers l’île voisine. À ce jour, 26 sont toujours hospitalisés en réanimation, 11 sont en hospitalisation conventionnelle, 4 sont en soins de suite et de réadaptation, 4 ont été transférés à Paris (3 sont maintenant en hospitalisation conventionnelle et 1 demeure en réanimation), 36 sont revenus à leur domicile dans le 101ème département et 18 sont décédés.
352.000
C’est le nombre de masques distribués par le rectorat avant le deuxième confinement pour les élèves. Chaque établissement en possède et peut donc en distribuer aux jeunes qui n’en ont pas. Des vols ont eu lieu lors de la distribution des premiers masques, ils sont donc conservés par le rectorat, qui assure avoir assez de stocks pour assurer sept semaines d’affilée.
98.1
C’est en millions d’euros le montant versé à 6.138 entreprises mahoraises qui ont bénéficié du fonds de solidarité. Cette aide a vu le jour dès le début de la crise sanitaire. Les entreprises perçoivent en moyenne 1.500 euros par mois pour combler la perte du chiffre d’affaires et payer les charges.
15
C’est en pourcentage le nombre de licenciés perdus par les ligues et comités sportifs mahorais entre 2019 et 2020. Dans les chiffres, la crise sanitaire entamée en mars 2020 a donc également frappé le monde du sport, et plus durement selon les structures. Ainsi, la Ligue mahoraise de football a compté près de 25% de licenciés en moins en 2020, comparé à 2019. « Nous aurions pu penser que ce soit bien plus encore », indique Aurélien Timba Elombo, son directeur. « Les compétitions n’avaient, pour la plupart, finalement pas repris en 2020. Mais c’était l’espoir des clubs durant toute l’année. Ce qui pourrait expliquer pourquoi les clubs ont pris les licences malgré l’arrêt des compétitions et que la baisse n’est pas aussi significative », estime-t-il. Outre la chute des licences, la crise sanitaire et les mesures restrictives qu’elle a impliquées n’ont pas permis la poursuite des compétitions. Pour rappel, en mars 2020, les ligues et comités sportifs mahorais ont été contraints de suspendre leurs activités. Ils n’ont été autorisés à les relancer que fin septembre 2020, soit sept mois sans compétitions. Qui plus est sous certaines conditions, notamment la mise en place systématique d’un huis clos.
Depuis le mois de mars 2020, les entreprises mahoraises, à l’image du reste du territoire, ont vu leur monde s’écrouler. La crise sanitaire s’est transformée en crise économique pour elles. L’État a mis en place un plan d’aides sans précédent, mais qui ne suffit plus.
Le chef de l’État l’avait assuré, le gouvernement fera face à la crise sanitaire « quoi qu’il en coûte ». Effectivement, il a cassé la tirelire pour soutenir notamment les entreprises. Principale aide, le fonds de solidarité a permis à des milliers de sociétés de survivre, tant bien que mal, depuis mars 2020. À Mayotte, « 98,1 millions d’euros ont été versés à 6.138 entreprises mahoraises, à ce jour » selon la préfecture. Si coup de pouce financier est spécialement créé pour épauler les petites entreprises durement impactées par la crise, il est tout de même difficile pour elles de remonter la pente. Parmi les commerçants de l’île, ceux de l’aéroport sont les plus touchés selon Marcel Rinaldy, président du groupe 3M. « Eux seuls comptabilisent plus de 3 millions de perte de chiffres d’affaires en 2020. Si vous rajoutez ce début d’année 2021, on dépasse les 3,6 millions. » Pour le marché global sur le territoire, le chef d’entreprise estime les pertes des commerçants à 25% de leurs chiffres d’affaires.
Le montant du prêt garanti par l’État, destiné à soutenir la trésorerie des entreprises, a également explosé. Il s’élève à 81,3 millions d’euros sur le 101ème département. Mais toutes ces aides et subventions n’ont pas évité le chômage, notamment partiel de milliers de salariés. « 25,1 millions d’euros ont été consacrés à l’indemnisation de l’activité partielle au profit de 9.100 salariés de Mayotte », affirme la préfecture. Les charges ont été la principale source d’angoisse des chefs d’entreprises. Certaines ont été allégées, d’autres reportées. Pas moins de 35,9 millions d’euros étaient en jeu en 2020…
« Ces indemnités sont loin d’être suffisantes »
L’État a déployé les moyens pour aider les entreprises, mais « ces indemnités sont loin d’être suffisantes » aux yeux de Marcel Rinaldy. De plus, les commerçants de Mayotte font les frais du monopole aérien. Le fret ayant diminué dans le même temps, la principale compagnie qui dessert l’île veut amortir les coûts. « Entre mars 2020 et aujourd’hui, on est passés à une augmentation du prix du fret de 60% », indique Marcel Rinaldy. À cela s’ajoute l’octroi de mer sur la marchandise et le transport, « donc c’est la double peine pour nous », dénonce le chef d’entreprise.
Toutes ces pertes et ces aides attribuées sont une chose, mais l’année particulière qui vient de s’écouler a eu un impact non négligeable sur le moral les patrons. « Ce n’est pas drôle de devoir passer ses journées à remplir des dossiers. On a la sensation de faire la manche pour survivre », confie Marcel Rinaldy.
Il y a un an, toutes les écoles fermaient après l’annonce du confinement par Emmanuel Macron. Et si tous les élèves ont fini par rejoindre leurs classes, c’est dans des conditions particulières que les cours ont pu reprendre. Retour sur une année scolaire masquée.
“Tout notre quotidien a changé !”, déclare l’un des agents de la vie scolaire du collège de M’gombani. “On doit se protéger, protéger les enfants mais aussi leurs familles. » L’éducation, comme le reste de la société, a été bousculée par l’arrivée du virus. Après le premier confinement qui avait écarté les élèves des classes pendant deux mois, un nouveau confinement de cinq semaines a à nouveau fait fermer les établissements scolaires. “Le bilan est plutôt positif” selon le recteur, Gilles Halbout. “On était préparé et on a souhaité mettre l’accent sur le maintien du lien avec les élèves, ce qui avait été difficile pendant le premier confinement.”
La continuité pédagogique a pu être assurée dans de meilleures conditions pour une grande majorité des élèves, et la fracture numérique réduite.“Ça a été beaucoup mieux dans le sens où on avait l’expérience du premier confinement. Les parents ont pu se débrouiller pour avoir de quoi recevoir les cours, certains ont pu venir les chercher directement dans les écoles”, détaille Zaïnati, institutrice à Doujani. Pour pallier l’absence de cours en présentiel de ces dernières semaines, “cette semaine et la suivante seront des semaines de bilan très orienté remise à niveau”, précise le responsable de l’académie de Mayotte.
Retour à l’école
Aujourd’hui, les sourires sont cachés derrière les masques, et il est demandé aux élèves de se laver régulièrement les mains. Il est cependant difficile pour l’équipe pédagogique de faire respecter tous les gestes barrières. Si des masques sont distribués chaque jour au collège, certains élèves les portent encore sous le nez. “On en donne tous les jours à ceux qui n’en ont pas. Mais il y en a toujours qui essaient de ne pas les porter”, soupire l’agent de la vie scolaire en faisant signe à un jeune homme de bien le replacer. Une équipe de service civique de la police municipale est aussi présente à la sortie pour s’assurer du respect des gestes barrières. “La distanciation, c’est dur pour les petits, mais c’est pour leur sécurité qu’on est là.”
Déjà difficile à faire respecter dans le second degré, le protocole sanitaire l’est d’autant plus dans les écoles primaires. “C’est pas évident pour les enfants de garder le masque toute la journée, puis certains n’ont pas les moyens de le changer tous les jours… Donc ils portent quelque chose qui ne leur sert à rien”, rajoute Zaïnati. Dans sa classe de 15 frimousses, l’enseignante arrive à faire respecter les distances mais pour ses collègues qui ont parfois 24 ou 26 élèves, c’est tout de suite plus compliqué. Selon l’institutrice, il faudra vivre encore un moment avec le Covid, et donc s’y habituer, ou trouver de nouvelles solutions pour se protéger dans les écoles.