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Repas à 1 euro, places en licence, future antenne du CROUS : le CUFR et le Rectorat s’engagent pour les jeunes de Mayotte

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Le directeur du CUFR, Aurélien Sir, le recteur, Gilles Halbout, le sous-préfet, Jérôme Millet et le maire de Dembéni, Moudjibou Saidi, faisaient le point sur les aides apportées aux étudiants depuis le début de la crise sanitaire. L’occasion de présenter aussi les nouvelles mesures prises dans le cadre du plan gouvernemental « 1 jeune 1 solution ».

De 2,75 à 1 euro. La différence peut paraître mince, mais pour les étudiants en situation de précarité sur le territoire, elle est considérable. “Même ceux qui ne venaient pas avant, maintenant ils viennent, parce que les parents peuvent leur donner au moins un euro pour manger”, constate Laouia en déchirant l’opercule de sa Danette au chocolat. En guise de plat, l’étudiante en biologie a pu déguster une cuisse de canard et quelques légumes pour un prix dérisoire. Pas mauvais, en plus !

Dans le département le plus pauvre de France, les étudiants n’ont pas échappé à la crise sanitaire ou à ses conséquences économiques : 217 élèves du centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte (CUFR) ont reçu l’aide alimentaire d’urgence pendant le confinement, pour un total de 334 bons distribués par l’université. Alors depuis lundi 15 mars et le retour des étudiants sur les bancs de la fac, le CUFR a mis en place le dispositif des repas à un euro. Cette mesure sociale, initialement prévue pour les boursiers, a été étendue à tous les étudiants de France, qui peuvent bénéficier, depuis le 25 janvier 2021, de deux repas par jour à ce tarif imbattable, et ce pendant toute la durée de la crise sanitaire.

 

Une antenne locale du CROUS en prévision

 

Faut-il s’en étonner, à Mayotte, ce coup de pouce a connu un petit retard à l’allumage… alors même que “chaque année, le CUFR compte 50% d’étudiants boursiers contre 28% en métropole”, rappelle Aurélien Siri, son directeur. La faute d’une absence d’antenne locale du CROUS dans le 101ème département, structure qui gère ce dispositif dans l’Hexagone. Aurélien Siri y voit un “souci d’égalité”. “Il faut permettre le déploiement des dispositifs nationaux à Mayotte et nous avons pu avoir l’accord du centre national des œuvres universitaires, malgré l’obstacle que représente l’absence du CROUS”, explique-t-il. La bonne nouvelle, c’est que le dispositif pourrait bientôt débarquer sur l’île, sous la forme d’un CROUS océan Indien, via “une extension de celui de La Réunion”, annonce le recteur Gilles Halbout. L’antenne locale pourrait voir le jour à la rentrée prochaine.

 

Le plan à 7 milliards d’euros du gouvernement

 

Outre ces repas à 1 euro, le directeur du CUFR, le recteur, mais aussi le sous-préfet et secrétaire général adjoint à la préfecture, Jérôme Millet, et le maire de Dembéni, Moudjibou Saïdi, étaient réunis ce jeudi pour présenter les mesures prises à destination des étudiants dans le cadre du plan du gouvernement « 1 jeune 1 solution ». Annoncé par le premier ministre Jean Castex le 23 juillet 2020, ce plan prévoit un budget de 7 milliards d’euros, pour accompagner les jeunes dans la formation, l’apprentissage et l’insertion professionnelle.

Parmi les nouveautés à Mayotte, un diplôme universitaire post-bac va pouvoir bénéficier du label “Passeport pour réussir et s’orienter” (PaRéO), qui consiste en une année pour permettre aux bacheliers de préciser leur projet d’études ou d’orientation professionnelle ; dès la prochaine rentrée, un nouveau diplôme étudiant entrepreneur va ouvrir ses portes à tous les bacheliers ou étudiants de moins de 28 ans avec un projet de reprise ou de création d’entreprise ; et une passerelle a aussi été mise en place cette année pour les élèves en classe préparatoire qui souhaitent s’orienter vers une licence. En tout, 109 places supplémentaires vont se débloquer sur Parcoursup, pour un total de 584, contre 475 en 2020.

Les Mahorais toujours privés de compétitions

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Le déconfinement intervenu cette semaine n’est pas synonyme de retour à la compétitivité sportive. Le couvre-feu est réinstauré et l’organisation de rencontres officielles est toujours interdite. Il s’agit pour les clubs, comités et ligues de s’adapter aux mesures sanitaires en vigueur en attendant de meilleures conditions de reprise de l’activité.

2020 a été compliquée pour les sportifs mahorais, en grande partie privés de compétitions officielles locales, régionales et nationales. 2021 ne s’annonce guère mieux. « Notre saison, calée sur le calendrier scolaire est une nouvelle fois grandement compromise« , confirme Lina Ibrahima, secrétaire générale de la Ligue régionale de handball de Mayotte. « Nous avons pu jouer quelques matchs de championnat entre les deux confinements, mais cela va être difficile de les poursuivre et de les finir. Surtout qu’en avril, il y a le mois de ramadan et sa fameuse trêve sportive… Cela reste à confirmer par le comité directeur de la ligue, mais cela ne m’étonnerait pas que nous nous positionnons pour l’annulation des championnats, avec, quand même, le maintien des matchs de coupes de Mayotte« , considère l’élue de la LRHM.

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En basket-ball, l’espoir est de mise pour l’organisation des différents championnats de la saison en cours. « Nous avons le feu vert de la fédération pour prolonger la fin de saison, ce qui nous permettrait de lancer les championnats de Mayotte 2020/2021 dès que la préfecture de Mayotte nous l’autorisera« , fait savoir le président de la Ligue régionale, Hakim Ali Abdou. « Il nous reste à trouver la bonne formule en nous adaptant sur le temps qu’il nous reste. » Parmi les options envisagées par les dirigeants du basket-ball mahorais figurent la validation d’un classement et la mise en place des play-offs à l’issue des matchs aller.

 

Pratique sportive à l’extérieur : la DRAJES lève l’ambiguïté

 

La bonne formule, le Club d’athlétisme de Mamoudzou (CAM) semble l’avoir trouvé. « Le déconfinement nous permet de reprendre une partie de nos activités, comme la section piste ou la section running. Mais nous devons réadapter certains horaires en fonction du couvre-feu actuel« , indique le président de l’association, Michel Latour. Ce que le club a fait, avec des séances d’entraînement programmées en semaine de 16h à 17h30, de telle sorte à ce que ses adhérents puissent regagner leur domicile avant 18h. Pour ce qui est de retrouver de l’adversité à travers les compétitions, comme tous les autres clubs de l’île, le CAM devra encore patienter. « Les rassemblements, réunions ou activités sur la voie publique ou dans un ERP (établissement recevant du public) mettant en présence de manière simultanée plus de six personnes sont interdits« , rappelle l’article 6 de l’arrêté préfectoral portant diverses mesures relatives à la lutte contre le Covid, en date du 12 mars 2021.

Pourtant, l’ambiguïté prédomine au sein des clubs, en particulier ceux dont la pratique sportive s’organise en extérieur. Car, si l’arrêté préfectoral interdit les rassemblements de plus de six personnes jusqu’à nouvel ordre, une ligne du communiqué de presse du préfet Jean-François Colombet, paru deux jours plus tôt, laisse place à l’interprétation.
En effet, elle stipule : «resteront en vigueur (…) l’interdiction de la pratique sportive en salle», sous-entendant que la pratique sportive à l’extérieur est de nouveau permise et ce, quel que soit le nombre de personnes présentes au cours de l’activité. Les services de la délégation régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (DRAJES) de Mayotte confirment que les rassemblements de plus de six personnes sont bien de nouveau autorisés dans le cadre de la pratique sportive à l’extérieur, hors compétitions, à condition que les clubs fassent respecter strictement les gestes barrière.

Ainsi, la majorité des associations sportives mahoraises peuvent regagner leur lieu de pratique et organiser des séances d’entraînement, en attendant l’approbation de la préfecture pour le retour des compétitions officielles. Peut-être dans deux semaines, le 4 avril prochain, date à laquelle les autorités politiques et sanitaires de Mayotte prévoient de lever les dernières mesures restrictives.

Sismologie : Une nouvelle méthode de détection et de localisation automatique des séismes

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Depuis le 1er mars, le réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte utilise une nouvelle méthode de détection et de localisation automatique des séismes. Plus précise et performante, celle-ci va notamment permettre d’identifier plus efficacement les plus petits séismes. Explications avec Charlotte Mucig, la directrice régionale du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

Si la terre ne tremble plus autant qu’en mai 2018, date des premiers séismes à répétition et avec eux l’apparition du fameux volcan sous-marin dont le nom n’a toujours pas filtré, l’activité sismologique n’en reste pas moins considérable grâce à son suivi quotidien. Et l’utilisation d’une nouvelle méthode de détection et de localisation automatique par le réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte (Revosima) depuis le 1er mars va même réveiller les consciences à la lecture du prochain bulletin mensuel.

Techniquement, l’ancienne méthode ne permettait de déceler que les ondes P, dites primaires, des séismes, qui se propagent plus rapidement dans les profondeurs. Dorénavant, il est possible de repérer les ondes S, dites secondaires, qui arrivent plus lentement. En mettant au point cette nouvelle méthode, le Revosima va détecter « avec plus de précisions », souligne Charlotte Mucig, la directrice régionale du bureau de recherche géologiques et minières. « Pour localiser efficacement un séisme et déterminer sa source, il nous faut les deux ondes. »

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Une localisation multipliée par quatre

 

Conséquence : « Nous allons pouvoir détecter de petits séismes en journée, de manière plus fiable », qui passaient précédemment à la trappe en raison de l’activité humaine plus marquée en journée à proximité de là où se trouvent les sismomètres. Une activité humaine qui interférait et masquait ces plus petits séismes. Et les premiers éléments comparatifs des deux derniers mois témoignent de cette montée en puissance. Du 14 au 28 février, 42 séismes avaient été recensés avec l’ancienne méthode, contre 161 avec la nouvelle entre le 1er et le 15 mars. En améliorant nos capacités de localisation de la source des séismes, l’objectif est de pouvoir signaler tout changement d’activité, comme un rapprochement des séismes vers Petite-Terre ou vers la surface.

Mais cette nouvelle précision ne remet pas en cause les campagnes océanographiques « Mayobs » dédiées à la surveillance, puisque deux nouvelles missions sont déjà prévues en 2021. Dès le mois prochain, le Pourquoi pas ?, un navire français de l’Ifremer et de la Marine nationale, doit se rendre dans les eaux territoriales mahoraises pour dresser le bilan des coulées de lave et des émanations de gaz, relever les sismomètres sous-marins dans le but de repréciser encore la localisation des séismes passés. En complément de cette campagne dédiée à la surveillance, le bateau restera un peu plus longtemps aux abords de l’île dans le cadre d’un projet de recherche intitulé Géoflamme, dont l’objectif final consiste à toujours « mieux comprendre » le contexte de cette activité.

 

Des instruments interrogeables sous l’eau

 

Si le projet d’observatoire multidiciplinaire sous-marin va bientôt démarrer, le Revosima espère pouvoir placer dans les prochains mois « des instruments placés sous l’eau, interrogeables depuis la surface pour recueillir des données en quasi temps réel ». L’idée ? « Ne pas attendre x mois qu’un bateau adéquate les remonte à la surface », précise Charlotte Mucig. Par ailleurs, le développement de stations sous-marines et la mise en œuvre d’appareils spécifiques – « encore non définis » – sont également dans les petits cartons pour approfondir les recherches. Pas de doute, le volcan réserve encore son lot de surprises.

L’enseignant “bienfaiteur” aux mains baladeuses interdit d’exercer avec des mineurs pendant 3 ans

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Il voulait “aider” son ancienne élève en difficulté. Un ex-enseignant de mathématiques de Mayotte écope de trois ans de prison dont deux avec sursis probatoire et obligation de soins. Ce professeur, depuis muté à La Réunion, a aussi interdiction d’exercer avec des mineurs.

C’est un grand gaillard d’une cinquantaine d’années qui se présente au tribunal de Mamoudzou, ce mercredi. Sa voix, étonnamment douce sous son imposante carrure, révèle un personnage lettré quand il s’adresse aux magistrats. “Excusez-moi Monsieur le Président, mais je suis tombé, sans mauvais jeu de mots, sur les fesses”, susurre-t-il, alors qu’on lui demande sa première réaction, ce jour où il a pris connaissance de l’accusation dont il était l’objet.

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Les faits remontent à 2016 : ce jour-là, le professeur descend au village chercher une recharge de téléphone. Il tombe sur la famille d’une ancienne élève, dont il vient d’apprendre les difficultés par un collègue. Alors qu’il lui avait déjà proposé des cours particuliers de soutien, l’enseignant en profite pour réitérer sa demande, et auprès des parents. Il finit par la convaincre de remonter chez lui. “Je voulais juste lui faire repérer les lieux pour qu’elle et sa famille se sentent en confiance”, déroule le prévenu.

 

Parti “se rafraîchir

 

Raté ! Quelques minutes plus tard, le bougre se retrouve finalement nez à nez avec la jeune fille de 17 ans, en caleçon, dans sa chambre. Pas vraiment le meilleur moyen d’obtenir sa confiance… D’après lui, il l’aurait pourtant laissée devant la télévision un instant, “pour qu’elle se sente à l’aise” le temps de sauter à la douche et d’enfiler un vêtement de rechange pour filer à son prochain rendez-vous. “Vous êtes allé prendre une douche alors qu’elle était encore chez vous ? – Non, je suis allé me rafraîchir« , nuance-t-il face au juge, sans jamais se départir de son apparente déférence.

 

Des contradictions dans le discours de la plaignante

 

Comment la jeune fille a-t-elle pu se retrouver dans sa chambre, pour un simple “repérage des lieux”, pour un cours de soutien ? L’histoire est trouble. Quoi qu’il en soit, la jeune fille finit un mois plus tard par avertir une autre enseignante. Par messages, elle raconte comment cet agresseur présumé l’aurait complimenté sur son apparence physique à plusieurs reprises, avant de la caresser par-dessus ses vêtements. Sur les seins, et le sexe, d’après une première version, et sur les seins et les fesses lors d’une deuxième audition de la plaignante. Une contradiction que ne manquera pas de souligner Maître Hesler, l’avocat du prévenu, lors de sa plaidoirie. “Mon client a toujours donné la même version, mais des contradictions chez cette jeune fille, il y en a ! On a sacralisé sa parole.

Du côté des magistrats et du ministère public, l’on s’étonne toutefois des témoignages de deux autres jeunes filles que l’homme aurait voulu aider. L’une se dit “pas étonnée par les faits reprochés à ce professeur”, l’autre rapporte avoir senti son regard sur son décolleté, et avoir même reçu une invitation à passer une nuit dans un hôtel. Mais le prévenu, aussi coach de voix dans un cadre associatif à l’époque, a réponse à tout : il y avait tout simplement des lots à gagner dans le cadre d’un concours de chant !

D’autres éléments interrogent. Comme cette similitude d’âge entre la victime et la nouvelle épouse du prévenu, une jeune Comorienne de 23 ans aujourd’hui, rencontrée au hasard d’un karaoké… “Sans faire de conclusions hâtives”, une expertise psychologique n’exclut d’ailleurs pas l’hypothèse d’une attirance chez le prévenu pour les adolescentes ou les jeunes adultes. “Les réponses à certaines questions spécifiques manquent étonnamment de précision”, a aussi souligné l’expert. Une affirmation qui s’est vérifiée à l’audience, l’enseignant perdant le fil dans le récit de ses expériences amoureuses, entre autres. L’homme aurait par ailleurs des soucis de libido, liés à une apnée du sommeil qui l’a conduit à recourir à une machine depuis six mois.

 

“Monsieur abuse de son bagage”

 

Autant de zones d’ombre qui ont poussé la procureure a requérir deux ans de prison dont un an de sursis probatoire et une interdiction d’exercer des missions en lien avec des mineurs pendant cinq ans. “Dans cette situation, Monsieur se pose en aidant, en bienfaiteur, et abuse de son bagage économique, social et culturel pour induire ses victimes et leur famille à lui faire confiance”, décrit la magistrate, qui n’hésite pas à juger le personnage “dangereux”. “Merci à Madame la procureure pour cette leçon de morale mais ici, nous sommes dans un tribunal pour faire du droit”, rétorque Me Hesler. Jurisprudence de la cour de Cassation à l’appui, l’avocat tente d’obtenir la relaxe pour son client, sur la base d’une absence de preuve du contact physique “condition indispensable à la caractérisation”.

Sans succès. Le tribunal décide d’une peine de trois ans de prison, dont deux ans de sursis probatoire et obligation de soins, et trois ans d’interdiction d’exercer avec des mineurs. Maître Hesler compte déjà faire appel. “Je citerais le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti : l’hyper-moralisation pourrit les tribunaux depuis des années !

Association ABK : touchée, mais pas abattue

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Dans la nuit de dimanche à lundi, un incendie a réduit en cendres les locaux d’ABK, l’association de quartier Bandrajou-Kawéni. Il ne reste plus rien de la salle de classe ou des produits destinés à la population. Mais loin de décourager les bénévoles de l’association, cet événement leur a donné envie de se battre encore plus.

« Tout ce charbon au sol là, c’était les tables et les chaises pour accueillir les élèves », explique Amir Nokowa, président de l’association ABK. Il ne reste plus rien. Les livres, les savons distribués par l’agence régionale de santé, les produits d’entretien… Tout est parti en fumée ! « Là, ce sont nos archives, tout a brûlé. » Si selon lui, la piste criminelle a été retenue par les forces de l’ordre et le départ du feu identifié, les auteurs de l’acte n’ont pas encore été appréhendés. « Il était deux heures du matin quand on a remarqué le feu, et les pompiers ont mis une heure à arriver. En attendant, on a jeté des parpaings, avec la population, pour essayer de calmer le feu. Ça a démarré ici, il y avait des livres empilés sur cette table, puis tout est parti très vite », poursuit le président, ému au moment de se remémorer de cet événement tragique.

Pour les habitants du quartier, c’est l’incompréhension la plus totale. En effet, l’association les aide au quotidien, d’abord via de la prévention et de la médiation. Mais aussi grâce à la salle de classe et la distribution de produits d’entretien. Pour Soumeth Hamid, chargé de projet à l’association ABK, l’incendie aurait été provoqué par des « jeunes délinquants ». « Ils constatent qu’on les empêche de voler ou d’agresser les habitants, de faire ce qu’ils veulent, et ça ne leur plaît pas. »

« Montrer qu’on est là et qu’on va rester »

Désemparés devant les tas de cendres, les livres brûlés et les taules marquées par le feu, les bénévoles d’ABK refusent de se laisser abattre. « On ne doit pas avoir peur, il faut montrer à ces gens qu’on est là et qu’on va rester », persiste Soumeth Hamid. Et la reconstruction est déjà en route. Habituellement, la classe tenue par les parents d’élèves bénévoles accueille une trentaine d’élèves. « Les jeunes ne savaient pas ce qu’il s’était passé, ils sont venus lundi matin et ont découvert la catastrophe », rembobine Amir Nokowa.

En pleine réflexion depuis le début de la semaine sur le meilleur moyen de reprendre leurs activités, et particulièrement l’accueil des élèves, les bénévoles ont installé ce mercredi 17 mars des nattes et tendu des tissus, donnant l’impression d’une salle de classe. « Ils sont assis au sol, mais au moins on ne les laisse pas dehors, en attendant d’avoir de nouvelles tables », se console le président.

Le regard vide devant les décombres des locaux de l’association, l’un des élèves, un jeune adulte en situation de handicap, ne prend pas tout de suite conscience de la gravité de la situation. « Il était scolarisé jusqu’à ses 18 ans. Depuis, il fréquente cette école qui nous aide vraiment au quotidien. Il est un peu perdu », raconte sa sœur, autant choquée que lui. C’est pour des jeunes comme lui, que les bénévoles ne veulent pas baisser les bras. Et se font la promesse de « tout pour proposer à nouveau leurs activités ».

Si vous souhaitez venir en aide à l’association de quartier Bandrajou-Kawéni, vous pouvez les contacter au 06.39.01.08.40 ou par email (asso.abk@gmail.com).

Soroptimist Mayotte : trente années de solidarité et d’engagement féministe

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Fondée en 1921 en Californie, l’association Soroptimist a fait ses débuts à Mayotte en 1990. Depuis 30 ans, des centaines de femmes se sont engagées dans la cause féminine sur le territoire à travers divers actions qui ont marqué la société, et ont fait évoluer le statut de la femme sur ce bout de France partagé entre tradition et modernité.

Plongées dans leurs albums photos, Sophia Hafidhou et Sanya Youssouf, se remémorent leurs 30 dernières années passées au sein de l’association Soroptimist. Nostalgiques d’un temps où leur engagement se caractérisait par plusieurs actions pour valoriser les femmes mahoraises. La plus emblématique est celle appelée « Excellence féminine » qui vise à récompenser les meilleures élèves filles ayant obtenu leur diplôme de baccalauréat avec mention. « Au début, nous récompensions toutes celles qui avaient une mention sans aucune différence, parce qu’il n’y avait pas assez de filles à cette époque. Maintenant, nous nous cantonnons qu’à celles qui ont la mention très bien parce qu’il y a de plus en plus de filles. En 2019, elles étaient 30, contre 10 chez les garçons », raconte Sophia Hafidhou, la présidente de Soroptimist Mayotte.

Éducation, politique, entrepreneuriat, égalité entre les deux sexes… Témoins de l’évolution de la place des femmes mahoraises dans notre société, les membres de l’association ont d’ailleurs longtemps contribué à promouvoir les femmes dans tous les domaines. Soroptimist Mayotte est à l’origine de nombreux projets qui ont été perpétués dans le temps à l’exemple des foires artisanales, ou de l’entrepreneuriat au féminin en 2005. Mais la présidente de l’association est particulièrement fière d’une initiative qui n’existe plus de nos jours.

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Entre 2004 et 2007, en collaboration avec le vice-rectorat et le conseil général, ils avaient mis en place Mayotte fleurie. “Nous travaillions avec les écoles pour initier les enfants à la propreté et les inciter à s’approprier leur environnement. C’était un concours où chaque école voulait être la plus propre et la plus jolie. Par la suite, le conseil général a voulu prendre la main sur l’évènement et ça n’a pas tenu”, regrette avec amertume Sophia Hafidhou. Soroptimist Mayotte s’est également engagée dans les actions caritatives, notamment en 2014, lorsque le village d’Acoua a été frappé par les inondations ou encore en construisant une maison à une mère et ses neuf enfants en situation de précarité.

 

Des femmes mieux considérées mais pas assez visibles

 

La présidente de l’association et la secrétaire générale, Sanya Youssouf, sont toutes les deux très engagées dans la cause féminine : elles se sont battues pour que les voix des femmes comptent au même titre que celles des hommes. “Nous avons contribué à l’alphabétisation des filles. Dans les années 90, elles étaient scolarisées, mais pas longtemps parce qu’il fallait les marier. Certaines s’arrêtaient en sixième, d’autres en troisième… Très peu allaient jusqu’au bac, encore moins au-delà”, se souvient Sophia Hafidhou. Aujourd’hui, le problème ne se pose plus ou très peu, et les femmes occupent des postes à haute responsabilité. Chose qui était quasiment impossible il y a encore 30 ans à Mayotte selon les représentantes de Soroptimist.

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Si le chemin parcouru a été long, celui qui reste à faire l’est tout autant. “Les femmes qui osent faire bouger les choses manquent de reconnaissance et de visibilité. Il faut valoriser davantage leurs projets”, insite Sanya Yossouf. Et Sophia Hafidhou d’ajouter : “Nous avons besoin de plus de femmes décideurs. Ce sont elles qui poussent les hommes à être des leaders et elles restent derrière. Les femmes sont partout, mais nous ne les voyons pas assez, alors il est temps qu’elles soient également au devant de la scène.

 

Un besoin urgent de recruter de nouvelles adhérentes

 

Très active pendant longtemps, l’association perd depuis quelque temps un peu de son aura en raison de l’absence de nouvelles adhérentes. “Nous avions l’habitude d’être à peu près 60, aujourd’hui nous ne sommes que 11. Et en dessous de 10, l’association est automatiquement dissoute”, s’inquiète Sanya Youssouf, la secrétaire générale. La peur de disparaître est une chose, mais ce manque de moyens humains ralentit considérablement le travail des membres. “À 11, nous ne pouvons pas mener des projets de grandes envergures car cela demande beaucoup d’investissement. Nous avons besoin de la jeune génération, les filles ne doivent pas avoir peur de s’engager”, soutient Sanya Youssouf.

Au début des années 2000, Soroptimist Mayotte était encore à la tête de nombreux grands projets. Un dynamisme visiblement à bout de souffle puisque l’association ne se limite plus qu’à des micros actions. La célébration des 30 ans est l’occasion idoine pour elle de réaffirmer son engagement pour que les femmes mahoraises aient toutes leur place dans la société.

Pour devenir membre de Soroptimist Mayotte, veuillez contacter les membres au 06.39.20.43.70.

J-F Colombet : « Protéger la vie humaine, c’est aller vers des décisions qui peuvent heurter »

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Un an jour pour jour après le début du premier confinement, le préfet de Mayotte, Jean-François Colombet, revient en exclusivité pour Flash Infos sur cette crise sanitaire sans précédent qui a paralysé à deux reprises l’ensemble de l’île aux parfums pendant de longues semaines. Le délégué du gouvernement évoque sans détour la prise de certaines de ses décisions mais aussi les conséquences économiques et hospitalières. Entretien.

Flash Infos : Le 16 mars 2020 au soir, le président de la République, Emmanuel Macron, annonce la mise en place du premier confinement national dès le lendemain. Comment avez-vous accueilli cette décision à 8.000 kilomètres de Paris ?

Jean-François Colombet : Immédiatement, nous avons cherché à ne pas avoir un système différencié de la métropole. Il fallait prendre le même pas pour mettre à profit les six semaines d’avance que nous avions. Pour rappel, le premier cas déclaré à Mayotte arrive le lendemain de l’annonce du confinement (en réalité, le 14 mars, ndlr.). Nous avons plaidé auprès de la ministre des Outre-mer de l’époque, Annick Girardin, pour bénéficier d’un soutien logistique et humain, à l’instar des militaires, le moment venu. Il ne fallait en aucun cas faire comme si nous n’étions pas concernés par l’épidémie et appliquer les mêmes mesures.

FI : Avec le recul, était-ce réellement la bonne décision à adopter pour le 101ème département ? Pourquoi ne pas avoir élaboré une stratégie similaire à celle des autres territoires insulaires, notamment d’un point de vue aérien, le moyen de circulation privilégié pour la propagation du virus ?

J.-F. C. : La fermeture de l’aéroport a été très critiquée. La restriction du trafic commercial est intervenue le 25 mars, soit huit jours après le début du confinement. Cette mesure a été efficace, même si beaucoup l’ont jugée non-pertinente. Elle nous a obligés à nous adapter en termes d’approvisionnements avec la mise en place d’un pont aérien : nous avons missionné dix agents pour la gestion du fret, qui est par moment monté jusqu’à 90 tonnes par semaine, soit près du double de l’envoi hebdomadaire.

Puis, nous avons rapidement commencé la commande de masques, en lien avec le conseil départemental, pour permettre aux Mahorais de se protéger, alors que la doctrine à Paris était de marteler que cela ne servait à rien. Or, quelques jours après leur distribution, nous nous sommes rendus compte que la courbe commençait à fléchir…

FI : Si la décision de suspendre les vols a pu être vue comme abusive par certains, d’autres ont regretté qu’elle n’intervienne pas plus tôt pour éviter le brassage des enseignants, rentrés en métropole pour les vacances scolaires…

J.-F. C. : Quand nous refaisons l’histoire à l’envers, les choses sont plus simples. Quand nous gérons une crise inédite comme celle du Covid-19, il faut savoir peser le pour et le contre entre ce qui est souhaitable et ce qui est possible. Si nous avions suspendu les vols commerciaux plus tôt, nous aurions bloqué 10 à 20.000 personnes en métropole. À ce moment-là, la circulation du virus n’était pas homogène sur le territoire national. L’épidémie circulait activement dans l’Est de la France. Il aurait été injuste d’interdire aux autres régions de voyager.

Et puis vous avez vu le remue-ménage pour rapatrier 80 Mahorais de l’Union des Comores et une soixantaine d’autres de Madagascar et la polémique du confinement au RSMA (régiment du service militaire adapté) à leur retour… La décision parfaite n’existe pas, il faut rentrer dans l’équilibre avantage-inconvénient !

FI : D’un point de vue général, quel bilan tirez-vous de cette dernière année si particulière ?

J.-F. C. : La plupart de mes collègues préfets ont simplement dû gérer une crise sanitaire, point à la ligne. À Mayotte, nous avons dû faire face à une crise globale : sanitaire, humanitaire, économique et sécuritaire ! Très respecté au cours des trois premières semaines, le confinement a provoqué une vraie crise alimentaire et a coûté 3.000 emplois (les natifs de l’étranger, les femmes, les personnes âgées de 30-49 ans, les non-salariés et les employés à domicile sont les principaux concernés, ndlr.)… Si le tissu économique est résilient, la plupart des entreprises se remettait à peine de la crise exceptionnelle de 2018. C’est la raison pour laquelle nous avons activé dès le 19 mars la cellule territoriale de continuité économique pour [les] protéger. Et il ne faut pas non plus oublier la disparition de l’économie informelle et l’arrêt des éloignements décidé par l’Union des Comores.

FI : Quel est votre plus grand regret ?

J.-F. C. : De mon point de vue, tout arrêter brutalement, y compris le fonctionnement des entreprises, était une « erreur ». Il existe d’autres options, notamment celles retenues lors du deuxième confinement, qui ont permis à l’économie de continuer à tourner. Les chantiers des logements, de l’eau, des écoles sont primordiaux ! Nous ne pouvons pas nous en passer…

Avec l’expérience et le vécu, le maintien de l’économie a du sens. Cela n’a pas empêché au confinement d’être efficace. Si chacun applique le respect des gestes barrières et le port du masque, nous maîtrisons l’épidémie. Compte tenu du caractère éruptif de l’île et de sa jeunesse, la population a bien compris que la meilleure solution face à la propagation du virus est elle-même. Nous avons réussi à modifier nos habitudes et à nous adapter.

FI : Quel moment le plus marquant retenez-vous de cette gestion de crise en tant que préfet ?

J.-F. C. : Sans aucun doute, quand j’ai visité les services de réanimation ! J’ai vu le dévouement et la compétence des personnels soignants du centre hospitalier de Mayotte, mais aussi la détresse des familles. Ce type de rencontres permet de résister à toutes les revendications catégorielles, notamment venant de ceux qui considèrent que sauver leur propre activité, c’est sauver Mayotte, alors que des habitants sont en train de mourir. Il faut avoir à l’esprit les proches qui souffrent. Alors oui, il y a des problèmes économiques et sociaux majeurs sur le territoire, mais au-delà de cela, il y a aussi la vie humaine. La protéger, c’est aller vers des décisions qui peuvent heurter.

FI : La crise sanitaire a mis en exergue la limite des capacités hospitalières, qui ont été mises plus d’une fois à rude épreuve. Cela a-t-il permis de mettre un coup d’accélérateur dans le dossier du second hôpital ?

J.-F. C. : Personne n’a perdu cet objectif de vue. La décision a été prise et annoncée en octobre 2019 lors de la venue du président de la République. Près de deux ans sont passés, mais l’autorité sanitaire n’a pas chômé sur le sujet. Construire un hôpital est un chantier lourd et long, mais les Mahorais peuvent compter sur ma mobilisation et celle des élus pour remonter un certain nombre de revendications aux oreilles du gouvernement. Les moyens hospitaliers et sanitaires de l’île ne sont pas au niveau d’exigence du moment. La crise aura probablement même accéléré ce dossier.

 


 

MICRO-TROTTOIR

 

Chaharane :Ce Covid, il nous a vraiment gâché beaucoup de choses

j-f-colombet-proteger-vie-humaine-decisions-peuvent-heurterIl est presque midi devant le marché couvert de Mamoudzou. Une canette à la main en guise de petit casse-croûte, et les yeux que l’on devine rieurs derrière ses lunettes de soleil, Chaharane essaie de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Pourtant depuis un an, la crise sanitaire a plus que chamboulé ses plans comme ses projets d’avenir. “Il y a un an, j’étais au RSMA, j’allais passer mes tests. Mais il y a eu le Covid, et on nous a dit de rentrer chez nous, qu’ils allaient nous rappeler”, se souvient le jeune homme qui vient de souffler ses 25 bougies. Mais quand le téléphone finit par sonner, le Petit-Terrien voit ses espoirs de reprendre la formation de 11 mois complètement douchés : “C’était en décembre, pour le paquetage, c’est-à-dire pour rendre nos tenues. À part ça, on n’a reçu aucun appel, alors oui, ce Covid, il nous a vraiment gâché beaucoup de choses !” N’ayant pas pu passer les tests, Chaharane se retrouve aujourd’hui sans diplôme, sans certificat de formation… et sans emploi. “Depuis, je cherche un poste dans la mécanique puisque c’est ce que j’avais commencé à faire au RSMA”, conclut-il. Sans pouvoir vraiment se projeter vers un horizon, toujours noirci, en cette date anniversaire, par la menace du virus.

 

Alihousseni :Quand l’avion est resté une heure au sol à Roissy, j’ai cru que je n’atterrirrais plus à Mayotte

j-f-colombet-proteger-vie-humaine-decisions-peuvent-heurterCette date d’anniversaire du 17 mars, Ali ne risque pas de l’oublier. À l’époque, le jeune entrepreneur prévoit depuis longtemps de tout lâcher pour rejoindre sa compagne et venir lancer sa société à Mayotte. “Le lundi, j’avais une réunion avec le centre des monuments nationaux pour un chantier sur lequel je travaillais. Les gars nous ont dit : “ce soir, Macron annonce le confinement”. Et tout le monde me disait : “si tu veux partir, c’est aujourd’hui.”” Ni une ni deux, l’ingénieur décroche son téléphone et harcèle la compagnie Air Austral, jusqu’à obtenir une place dans le premier avion disponible. “Il devait être 15h, et à 19h j’embarquais”, retrace-il. “Quand l’avion est resté une heure au sol à Roissy, j’ai cru que je n’atterrirrais plus à Mayotte.” Ouf ! Le lendemain, jour 1 du confinement national, Alihousseni arrive sous le ciel des tropiques. Mais il n’est pas au bout de ses peines. “S’il y a une chose que je retiens aussi de cette année, c’est la difficulté de créer une société à Mayotte pendant un confinement.” Pendant près de deux mois, l’entrepreneur appelle tous les deux jours les différentes administrations, la chambre de commerce pour son Kbis, la CSSM pour se déclarer à l’Urssaf, les impôts, le chômage… Presque impossible d’avoir quelqu’un au bout du fil, et les échanges de mail tombent vite aux oubliettes. De quoi frôler la phobie administrative ! “C’était l’horreur”, souffle-t-il. Bilan des courses : le nouvel arrivant devra vivre sur ses économies, avant de pouvoir, enfin, envoyer des factures à ses clients et recevoir ses premiers paiements au mois de septembre 2020. Un vrai casse-tête, d’autant que les créateurs d’entreprise ne se sont pas vus offrir d’aides spécifiques pour faire face au Covid, contrairement aux entrepreneurs plus établis, en mesure de fournir leurs résultats sur les années passées. La tuile !

 

Anjara : “Le confinement, moi, je ne l’ai pas vu !”

Il y en a qui auraient préféré pouvoir rester chez eux. Et Anjara est plutôt de ceux-là. Responsable administrative dans une entreprise de BTP, cette habitante de Chiconi n’a pas vraiment arrêté de se lever le matin… “Dès le confinement, j’ai commencé un congé maternité”, retrace la jeune maman. “Ensuite il a fallu retourner au travail. Et pour les entreprises du BTP, le confinement n’a jamais été de mise ! Alors franchement, moi je ne l’ai pas trop senti”, déplore presque la mère de famille qui a redouté comme beaucoup l’arrivée de ce virus méconnu sur l’île aux parfums. “Bien sûr qu’on avait peur ! Justement, dans le BTP, on s’est un peu dit, tout le monde reste à la maison mais nous, non. Alors quoi, on est des appâts ?

Discothèques de Mayotte : un an après la fermeture, le Loft plie mais ne rompt pas

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Rarement entendues depuis le début de la crise sanitaire, les boîtes de nuit font partie des entreprises les plus touchées par ses conséquences économiques. Obligé de fermer ses portes depuis le 17 mars 2020, Kassim Elhad, qui gère le Loft à Mamoudzou, peine à joindre les deux bouts. Mais impossible pour lui de renoncer à cette affaire, dans laquelle il a tout investi depuis presque quinze ans.

Quand je leur ai dit que vous veniez, les gars ont voulu enlever les toiles d’araignées, je leur ai dit “non surtout pas !”. Il faut qu’on voie comment c’est, depuis un an.” Alors que Kassim Elhad ouvre la porte métallique du Loft dans un grincement, quelque chose d’autre saute aux yeux. Ou plutôt prend le nez : cette reconnaissable odeur de bar, savant mélange d’alcools renversés et de danses endiablées. Une année entière de fermeture n’a pas permis d’évacuer ces effluves, qui collent aux murs comme de vieux posters. Et l’espace d’un clignement d’yeux nostalgique, l’on pourrait presque entendre à nouveau les notes taper sur les baffles, comme si le Covid-19 et sa chape de plomb n’étaient pas passés par là. Oups ! Une flaque d’eau interrompt vite la rêverie. “Oui, avec cette saison des pluies de fou, j’ai eu des inondations”, fait remarquer le patron en pointant du doigt la gouttière qui fait la jonction entre ses deux salles principales.

 

 

À Mayotte, les discothèques comme le Loft se comptent sur les doigts de la main. Encore moins, si l’on considère ceux pour qui le monde de la nuit ne constitue pas la seule activité, comme le réputé Zen Eat, ou encore le Barfly. “Eux, officiellement, ils sont aussi restaurants, alors je suis un peu le seul à ne pas du tout pouvoir ouvrir”, soupire Kassim. Une rareté qui peut expliquer la discrétion des boîtes de nuit de l’île depuis le début de la crise, pendant que le collectif du monde économique de Mayotte (CMEM) et l’union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) 976, tapaient du poing sur la table à chaque nouvelle restriction imposée.

 

Des investissements juste avant la crise

 

Tandis que l’Hôtel le Rocher, dont dépend le Ningha club de Petite-Terre, a continué à héberger des clients et que le Koropa, grâce à son espace extérieur et sa piscine, a pu aussi, pendant un temps, ouvrir ses portes aux amoureux de la fête, le Loft a donc pris la poussière, seul dans son coin. Et ce, alors même que son gérant lui prévoyait une nouvelle jeunesse : un cadeau à 15.000 euros, qui s’ajoutaient aux quelque 500.000 euros investis depuis la reprise du club en 2007. Commandés en novembre 2019, de solides assises en fonte, des panneaux acoustiques et des morceaux de mousse attendent sagement de jours meilleurs. “Ça doit être la deuxième fois que des gens s’assoient là-dessus !”, lance Kassim en tapotant le coussin recouvert d’une belle toile ignifugée noire.

 

Bras de fer avec l’administration pour avoir des aides

 

Heureusement, 2019 a été un bon cru. 300.000 euros de chiffre d’affaires, au bas mot. Mais quand même. Après une année blanche, le gérant a aujourd’hui tout le mal du monde à obtenir les précieuses aides de l’État et du Département, pour garder la tête hors de l’eau. “Je ne vais pas mentir, il y a un historique derrière avec l’administration, et là ils m’ont eu avec le Covid”, concède Kassim, l’œil malicieux. Car depuis qu’il a repris l’affaire en 2007, l’entrepreneur n’a pas vraiment déposé ses bilans… Même s’il a scrupuleusement gardé les traces de ses comptes, assure-t-il. “À l’époque, c’était difficile à Mayotte de trouver un expert comptable pour les certifier.

 

Des loyers et des dettes

 

Un point partout, balle au centre : le gérant du Loft a fini par envoyer toutes les pièces au mois d’octobre 2020. Et s’est engagé à verser 1.700 euros par mois pour rembourser sa dette au trésor public. “Mais tant que je n’ai pas le moratoire, je ne peux rien demander comme aides”, décortique ce businessman aguerri par des années de lutte pour maintenir son bébé à flots. Le Loft est en stand by, donc, un peu comme son boss. S’il a pu demander l’activité partielle pour ses quatre employés, lui “s’économise”. “Je dors, j’ai éteint mon organisme.” Comme pour se préparer à affronter les prochaines batailles, qui ne tarderont d’ailleurs pas à éclater. La prochaine en date aura lieu le 1er avril. “Mon proprio a fini par me traîner au tribunal, il me fait un poisson d’avril !”, s’amuse Kassim, pas vraiment effrayé à l’idée de croiser le fer avec son bailleur, à qui il doit quelques loyers de retard. “Le Covid me tuera peut-être. Pas ses conséquences”, balance-t-il, d’un air de défi.

Témoignage : Le Covid-19, fatal aussi chez les jeunes

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Ahmed* était l’un des 166 athlètes de la délégation de Mayotte aux Jeux des îles de l’océan Indien 2019, à Maurice. Jeune et en bonne santé, il a été frappé durement par le Covid-19 au point de s’être senti réellement en danger.

Il est jeune, fort et a toute la vie devant lui. Pourtant, en ayant attrapé le Covid-19, Ahmed* a bien cru voir ses dernières heures arriver. L’athlète membre de la délégation de Mayotte aux Jeux des îles de l’océan Indien 2019 est désormais sur la voie de la guérison. Il savoure, mais surtout, met en garde contre la rumeur confortant la jeunesse face à ce virus.

Il y a quelques semaines, Ahmed enchaînait les footings avec l’objectif de retrouver son poids de forme et reprendre la compétition. Cette semaine, l’athlète a effectué une petite marche : quelques dizaines de mètres dans les rues de sa localité, avant de regagner son domicile. Un manque de motivation ? Une ambition revue à la baisse ? Rien de tout cela. Entre ces deux périodes, le trentenaire a été atteint par le Covid-19, a intégré le service réanimation du centre hospitalier de Mayotte (CHM) avant d’être reconduit chez lui avec un respirateur… Aujourd’hui, la récupération est lente et progressive. Mais Ahmed* revit : « Je savoure chaque moment, chaque pas qu’il m’est donné la chance de faire« , jure-t-il.

La réflexion qui veut qu’on apprécie mieux la vie quand on est passé près de la mort est donc véridique, à en croire son expérience. « C’était très difficile d’être en fauteuil roulant, de dépendre d’une machine pour respirer… Mais j’ai la chance d’avoir survécu à cette épreuve alors que d’autres Mahorais, plus jeunes que moi, ont succombé. Je suis conscient de ça et c’est pour ça qu’aujourd’hui, plus que jamais, je savoure la vie. »

L’athlète se souvient qu’à l’apparition des premiers symptômes, tout est allé très vite. « Nous sommes allés aux urgences car j’étais à 38 de fièvre et ne me sentais absolument pas bien. Mais les médecins nous ont donné comme consigne de rentrer à la maison et de me reposer. Entre temps, le test PCR que j’avais fait s’est révélé négatif mais ma situation s’empirait. Nous sommes retournés aux urgences et j’ai été pris en charge. Ma tension était extrêmement basse et les médecins se demandaient comment je pouvais être encore conscient. Je me souviens leur avoir répondu « Je ne veux juste pas mourir », et après, plus rien. »

 

« Je ne veux juste pas mourir »

 

Ahmed passera une semaine entière au CHM de Mamoudzou, « quasiment » dans le coma. « C’était bizarre : j’entendais tout, mais je ne pouvais pas réagir« , affirme-t-il avec du recul. Sa convalescence se poursuivra chez lui, auprès de ses proches. C’est seulement au bout de deux semaines que ce responsable d’équipe en entreprise a commencé à voir le bout du tunnel, à se passer du respirateur, à être de nouveau autonome. Toujours souffrant, la fin du calvaire est tout de même proche pour le Mahorais, qui se sent chaque jour de mieux en mieux. Pour les semaines et les mois à venir, Ahmed se veut prévenant, vis-à-vis des jeunes particulièrement.

« On dit que les jeunes ne sont pas touchés par le Covid-19, mais c’est faux. La période où ça m’est tombé dessus, l’ARS venait de recenser la plus jeune victime, un jeune de 25 ans venait d’en mourir… Tout le monde doit se méfier de ce virus, mais les jeunes plus que d’autres puisqu’en pensant que ça ne les touche pas, ils sont forcément moins vigilants. » Et pour le sportif, on n’est jamais trop prudent. Lui, qui respectait une certaine rigueur dans l’application des mesures sanitaires à son travail, à la maison et ailleurs. « J’étais le premier à respecter vigoureusement les gestes barrière. Je l’imposais aux collègues qui étaient sous ma responsabilité et étais très regardant sur ce point. J’avais toujours mon gel hydro-alcoolique de poche sur moi. Je ne pouvais pas être plus précautionneux que ça. Et pourtant… »

*Prénom d’emprunt

Le triste anniversaire du premier confinement à Mayotte

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365 jours viennent de s’écouler depuis le début du premier confinement. Si Mayotte a d’abord pensé pouvoir passer entre les mailles du filet par rapport à la métropole, l’apparition du variant sud-africain lui a rappelé qu’elle n’est pas à l’abri d’une potentielle catastrophe sanitaire. Chronologie d’une année si particulière.

Mardi 17 mars 2020, 14h à Mayotte, Emmanuel Macron, le président de la République, siffle la fin de la récréation. La restriction des déplacements fait désormais partie du quotidien des Mahorais. Le confinement strict a pour conséquence la fermeture des établissements scolaires et de tous les lieux non indispensables. Finis, l’afterwork, les séances de sport collectives et les repas entre amis… L’adage « métro, boulot (ou télétravail), dodo » devient la norme dans le 101ème département. Ce virus, une grande partie de la population le prend avec des pincettes. Le guette du regard. L’appréhende….

 

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Et comme ailleurs, les journées défilent au rythme des données chiffrées. Plus cinq cas, plus huit cas, plus treize cas, plus onze cas, plus sept cas… Avec un retard de six semaines sur le territoire national, l’île aux multiples spécificités sociales, économiques et sécuritaires, et surtout aux capacités hospitalières limitées retient son souffle dans l’espoir d’éviter une catastrophe sanitaire. La vague épidémique tant redoutée se fait attendre.

Envoyés sur place, les renforts de la réserve sanitaire et du service de santé des armées tournent presque en rond. Les personnels soignants restent sur le qui-vive. Le service de réanimation s’avère toutefois plus saturé qu’à l’accoutumée en raison de la plus importante épidémie de dengue jamais enregistrée. Les évacuations sanitaires vers La Réunion se mettent en place pour alléger des capacités hospitalières, déjà sous-évaluées en temps normal. Pas question de se prendre les pieds dans les tapis.

 

D(é)confinements en décalé avec la métropole

 

Et alors que la métropole se déconfine le 11 mai, Mayotte se classe quelques jours plus tôt parmi les départements situés en zone « rouge » et doit jouer les prolongations jusqu’au 2 juin avec ses quelque 1.000 cas recensés depuis le 14 mars, jour du premier cas détecté sur le territoire. De peur que le pic finisse enfin par jouer son rôle de trouble-fête, comme promis par Paris et les autorités locales. Que nenni ! Par contre, voilà qui donne du fil à retordre à une agence régionale de santé, de plein exercice depuis le 1er janvier 2020, qui aurait préféré meilleur début. L’approvisionnement en écouvillons et en réactifs l’empêche de dormir tranquillement sur ses deux oreilles…

Finalement, les Mahorais apprennent à sortir de chez eux masqués. À retrouver un semblant de normalité. À l’heure des vacances estivales (ou plutôt hivernales), les voyages reprennent de plus belle. Puis la rentrée scolaire suit son cours, toujours calquée sur les directives nationales. L’affolement métropolitain débouche sur un nouveau confinement national le 30 octobre 2020. Mais en plein cœur du canal du Mozambique, Mayotte y échappe. Et rit au nez et à la barbe de ce virus mondial.

Plus pour longtemps avec l’arrivée de son variant sud-africain… Plus virulent et surtout plus contagieux, notamment auprès de la jeunesse ! Cette jeunesse, qui selon les épidémiologistes, permet de croire à une immunité collective sans tracas. Plus accessibles, les tests se multiplient. Tout comme le nombre de cas. Les taux de positivité et d’incidence explosent, à l’aune du début de la campagne de vaccination, le 25 janvier 2021. Trois jours plus tard, les habitants de Bouéni, Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi reçoivent l’ordre de ne plus sortir. Rejoints par le reste de la population le 5 février. Bis repetita pour cinq semaines ! Déconfinée depuis ce lundi 15 mars, à deux jours d’un anniversaire inimaginable, Mayotte revient de loin, avec seulement 502 nouveaux cas sur la semaine glissante (contre 2.487 il y a encore un mois) et 21 patients en réanimation.

 


 

Quelques chiffres clés de la dernière année écoulée

 

1.049

C’est le nombre total de patients Covid hospitalisés en médecine et en réanimation en un an. Dans le détail, l’année 2021 s’avère bien plus sévère puisque la médecine a recensé par exemple 495 malades positifs entre le 25 janvier et le 15 mars, contre 335 du 13 mars au 24 novembre 2020. Idem en réanimation où la deuxième vague a été beaucoup plus critique que la première (156 entrées depuis le 21 janvier dernier pour une pneumopathie Covid contre 63 quelques mois plus tôt). Cette tension hospitalière a notamment poussé le centre hospitalier de Mayotte, avec le soutien de l’agence régionale de santé, à procéder à des évacuations sanitaires massives vers La Réunion. Depuis le 4 février, pas moins de 99 patients Covid ont été envoyés vers l’île voisine. À ce jour, 26 sont toujours hospitalisés en réanimation, 11 sont en hospitalisation conventionnelle, 4 sont en soins de suite et de réadaptation, 4 ont été transférés à Paris (3 sont maintenant en hospitalisation conventionnelle et 1 demeure en réanimation), 36 sont revenus à leur domicile dans le 101ème département et 18 sont décédés.

 

352.000

C’est le nombre de masques distribués par le rectorat avant le deuxième confinement pour les élèves. Chaque établissement en possède et peut donc en distribuer aux jeunes qui n’en ont pas. Des vols ont eu lieu lors de la distribution des premiers masques, ils sont donc conservés par le rectorat, qui assure avoir assez de stocks pour assurer sept semaines d’affilée.

 

98.1

C’est en millions d’euros le montant versé à 6.138 entreprises mahoraises qui ont bénéficié du fonds de solidarité. Cette aide a vu le jour dès le début de la crise sanitaire. Les entreprises perçoivent en moyenne 1.500 euros par mois pour combler la perte du chiffre d’affaires et payer les charges.

 

15

C’est en pourcentage le nombre de licenciés perdus par les ligues et comités sportifs mahorais entre 2019 et 2020. Dans les chiffres, la crise sanitaire entamée en mars 2020 a donc également frappé le monde du sport, et plus durement selon les structures. Ainsi, la Ligue mahoraise de football a compté près de 25% de licenciés en moins en 2020, comparé à 2019. « Nous aurions pu penser que ce soit bien plus encore », indique Aurélien Timba Elombo, son directeur. « Les compétitions n’avaient, pour la plupart, finalement pas repris en 2020. Mais c’était l’espoir des clubs durant toute l’année. Ce qui pourrait expliquer pourquoi les clubs ont pris les licences malgré l’arrêt des compétitions et que la baisse n’est pas aussi significative », estime-t-il. Outre la chute des licences, la crise sanitaire et les mesures restrictives qu’elle a impliquées n’ont pas permis la poursuite des compétitions. Pour rappel, en mars 2020, les ligues et comités sportifs mahorais ont été contraints de suspendre leurs activités. Ils n’ont été autorisés à les relancer que fin septembre 2020, soit sept mois sans compétitions. Qui plus est sous certaines conditions, notamment la mise en place systématique d’un huis clos.

Pour Marcel Rinaldy, chef d’entreprise à Mayotte, « on a la sensation de faire la manche pour survivre »

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Depuis le mois de mars 2020, les entreprises mahoraises, à l’image du reste du territoire, ont vu leur monde s’écrouler. La crise sanitaire s’est transformée en crise économique pour elles. L’État a mis en place un plan d’aides sans précédent, mais qui ne suffit plus.

Le chef de l’État l’avait assuré, le gouvernement fera face à la crise sanitaire « quoi qu’il en coûte ». Effectivement, il a cassé la tirelire pour soutenir notamment les entreprises. Principale aide, le fonds de solidarité a permis à des milliers de sociétés de survivre, tant bien que mal, depuis mars 2020. À Mayotte, « 98,1 millions d’euros ont été versés à 6.138 entreprises mahoraises, à ce jour » selon la préfecture. Si coup de pouce financier est spécialement créé pour épauler les petites entreprises durement impactées par la crise, il est tout de même difficile pour elles de remonter la pente. Parmi les commerçants de l’île, ceux de l’aéroport sont les plus touchés selon Marcel Rinaldy, président du groupe 3M. « Eux seuls comptabilisent plus de 3 millions de perte de chiffres d’affaires en 2020. Si vous rajoutez ce début d’année 2021, on dépasse les 3,6 millions. » Pour le marché global sur le territoire, le chef d’entreprise estime les pertes des commerçants à 25% de leurs chiffres d’affaires.

 

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Le montant du prêt garanti par l’État, destiné à soutenir la trésorerie des entreprises, a également explosé. Il s’élève à 81,3 millions d’euros sur le 101ème département. Mais toutes ces aides et subventions n’ont pas évité le chômage, notamment partiel de milliers de salariés. « 25,1 millions d’euros ont été consacrés à l’indemnisation de l’activité partielle au profit de 9.100 salariés de Mayotte », affirme la préfecture. Les charges ont été la principale source d’angoisse des chefs d’entreprises. Certaines ont été allégées, d’autres reportées. Pas moins de 35,9 millions d’euros étaient en jeu en 2020…

 

« Ces indemnités sont loin d’être suffisantes »

 

L’État a déployé les moyens pour aider les entreprises, mais « ces indemnités sont loin d’être suffisantes » aux yeux de Marcel Rinaldy. De plus, les commerçants de Mayotte font les frais du monopole aérien. Le fret ayant diminué dans le même temps, la principale compagnie qui dessert l’île veut amortir les coûts. « Entre mars 2020 et aujourd’hui, on est passés à une augmentation du prix du fret de 60% », indique Marcel Rinaldy. À cela s’ajoute l’octroi de mer sur la marchandise et le transport, « donc c’est la double peine pour nous », dénonce le chef d’entreprise.

Toutes ces pertes et ces aides attribuées sont une chose, mais l’année particulière qui vient de s’écouler a eu un impact non négligeable sur le moral les patrons. « Ce n’est pas drôle de devoir passer ses journées à remplir des dossiers. On a la sensation de faire la manche pour survivre », confie Marcel Rinaldy.

Covid-19 : un an de continuité pédagogique, de gestes barrières et de masques à Mayotte

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Il y a un an, toutes les écoles fermaient après l’annonce du confinement par Emmanuel Macron. Et si tous les élèves ont fini par rejoindre leurs classes, c’est dans des conditions particulières que les cours ont pu reprendre. Retour sur une année scolaire masquée.

Tout notre quotidien a changé !”, déclare l’un des agents de la vie scolaire du collège de M’gombani. “On doit se protéger, protéger les enfants mais aussi leurs familles. » L’éducation, comme le reste de la société, a été bousculée par l’arrivée du virus. Après le premier confinement qui avait écarté les élèves des classes pendant deux mois, un nouveau confinement de cinq semaines a à nouveau fait fermer les établissements scolaires. “Le bilan est plutôt positif” selon le recteur, Gilles Halbout. “On était préparé et on a souhaité mettre l’accent sur le maintien du lien avec les élèves, ce qui avait été difficile pendant le premier confinement.

La continuité pédagogique a pu être assurée dans de meilleures conditions pour une grande majorité des élèves, et la fracture numérique réduite.“Ça a été beaucoup mieux dans le sens où on avait l’expérience du premier confinement. Les parents ont pu se débrouiller pour avoir de quoi recevoir les cours, certains ont pu venir les chercher directement dans les écoles”, détaille Zaïnati, institutrice à Doujani. Pour pallier l’absence de cours en présentiel de ces dernières semaines, “cette semaine et la suivante seront des semaines de bilan très orienté remise à niveau”, précise le responsable de l’académie de Mayotte.

 

Retour à l’école

 

Aujourd’hui, les sourires sont cachés derrière les masques, et il est demandé aux élèves de se laver régulièrement les mains. Il est cependant difficile pour l’équipe pédagogique de faire respecter tous les gestes barrières. Si des masques sont distribués chaque jour au collège, certains élèves les portent encore sous le nez. “On en donne tous les jours à ceux qui n’en ont pas. Mais il y en a toujours qui essaient de ne pas les porter”, soupire l’agent de la vie scolaire en faisant signe à un jeune homme de bien le replacer. Une équipe de service civique de la police municipale est aussi présente à la sortie pour s’assurer du respect des gestes barrières. “La distanciation, c’est dur pour les petits, mais c’est pour leur sécurité qu’on est là.

Déjà difficile à faire respecter dans le second degré, le protocole sanitaire l’est d’autant plus dans les écoles primaires. “C’est pas évident pour les enfants de garder le masque toute la journée, puis certains n’ont pas les moyens de le changer tous les jours… Donc ils portent quelque chose qui ne leur sert à rien”, rajoute Zaïnati. Dans sa classe de 15 frimousses, l’enseignante arrive à faire respecter les distances mais pour ses collègues qui ont parfois 24 ou 26 élèves, c’est tout de suite plus compliqué. Selon l’institutrice, il faudra vivre encore un moment avec le Covid, et donc s’y habituer, ou trouver de nouvelles solutions pour se protéger dans les écoles.

Incompréhension et sentiment d’abandon chez les gérants des salles de sport à Mayotte

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Le déconfinement n’a pas fait que des heureux. Certains professionnels ne sont toujours pas autorisés à reprendre leurs activités à l’image des gérants des salles de sport. Une décision jugée injuste par les principaux concernés qui assurent être en mesure d’accueillir leurs adhérents.

Ils attendaient le déconfinement avec impatience, mais à la place, ils n’ont reçu que désillusion et mauvaises surprises. Les salles de sport resteront fermées jusqu’à nouvel ordre… À l’inverse des sports collectifs en plein-air. Une mesure incompréhensible pour les principaux concernés. “Certains vont reprendre les tournois, ce qui n’est pas logique puisque la plupart des contaminations dans le sport ont lieu dans les sports collectifs”, dénonce Julien Lalanne, gérant de l’Orange bleue. Du côté de la délégation de la jeunesse et du sport, cette différence de traitement a une explication logique. “Les activités en plein-air sont moins exposées à la contamination contrairement aux activités dans des lieux fermés”, explique Madeleine Delaperriere, déléguée de la jeunesse et du sport à Mayotte.

Mais aucune explication ne saurait calmer la colère des professionnels qui se sentent exclus du déconfinement progressif prôné par le préfet. Une impression de déjà vu pour Anli Fafi, gérant de la salle de sport Maybodyform. “À la suite du premier déconfinement l’année dernière, nous avons été mis à l’écart et nous n’avons pas pu reprendre notre activité aussi rapidement que les autres. Et cette fois-ci, ils répètent la même chose.” D’autant plus que les salles de sport se disent prêtes à recevoir leurs adhérents : elles avaient déjà été obligées d’appliquer un protocole sanitaire stricte lors de la reprise. “Nous avons du gel hydroalcoolique partout, les gens devaient venir habillés en tenue de sport, il y avait une jauge maximale de personnes dans la salle. Les machines étaient nettoyées avant et après chaque utilisation, le masque était obligatoire pendant chaque déplacement, etc. Nous avons investi du temps et de l’argent dans toutes ces mesures et aujourd’hui, on nous demande de fermer nos portes”, s’emporte Julien Lalanne.

 

“Nous sommes livrés à nous-mêmes”

 

Le sentiment d’abandon vient s’ajouter à la désillusion des gérants des salles de sport. “Les autorités compétentes ne nous donnent aucune information alors qu’elles sont censées nous rassurer et nous accompagner. Nous sommes clairement livrés à nous-même”, accuse Anli Fafi. Un point de vue partagé par le responsable de l’Orange bleue. “Nous sommes complètement dans le flou à Mayotte. Malheureusement, nous ne sommes pas assez nombreux ici pour faire le poids. Nous aimerions juste avoir un calendrier clair pour savoir où nous allons.” Une requête difficile à honorer pour Madeleine Delaperriere. “Nous ne sommes pas en mesure de leur apporter des réponses pour le moment. Je comprends que cela soit compliqué pour eux, mais je ne peux pas donner de date pour la réouverture. Les décisions se prennent au jour le jour”, indique-t-elle.

Pendant ce temps, les salles de sport doivent continuer à payer leurs charges. Et les aides et les plans B ne suffisent plus ! “Pour l’instant, nous tenons grâce aux prélèvements des adhérents qui continuent, mais nous ne ferons pas long feu de cette manière. Nous avons besoin d’ouvrir”, lance d’un ton désespéré Julien Lalanne. Pour sa part, le propriétaire de Maybodyform puise dans ses dernières ressources. “Lors du premier confinement, j’ai eu droit à un prêt, mais je suis en train de l’utiliser pour survivre alors qu’il devait servir à investir et redémarrer du bon pied.” Et si certains affirment être prêts à faire plus de sacrifices pour ouvrir rapidement, la déléguée de la jeunesse et du sport promet que les protocoles déjà établis lors de la première reprise ne changeront pas. “Ils sont déjà assez restrictifs”, conclut-elle.

Mayotte : un système d’immigration dérogatoire qui met des milliers de jeunes en danger d’expulsion

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À Mayotte, 101ème département français, la loi ne s’applique pas de la même façon que sur le reste du territoire en matière d’immigration. Un système dérogatoire a été instauré sur l’île, qui complique toute démarche de naturalisation. De ce fait, des milliers de jeunes ayant grandi à Mayotte n’ont pas de papiers français, et vivent dans la peur d’être renvoyés dans un pays qui n’est pas le leur, après avoir fêté leur 18ème anniversaire.

J’ai peur, mais je n’ai pas le choix, je dois étudier”, lâche Ali* d’un air las. “Moi je suis arrivé à mes 11 ans, et depuis je vais à l’école. Ca fait deux ans que j’ai entamé les démarches, mais à chaque fois il y a un problème.” Aujourd’hui, le gaillard a 20 ans et est en terminale, au lycée de Petite-Terre. En France, la loi stipule qu’un jeune arrivé avant ses 13 ans sur le territoire est régularisable de plein droit, et qu’il peut donc obtenir un titre de séjour. Mais à Mayotte, les jeunes doivent prouver en plus qu’ils ont vécu, depuis leurs 13 ans, avec l’un de leurs parents régularisés. Un frein à leurs démarches, surtout ici, alors que nombre d’entre eux vivent avec une tante, un oncle ou une grand-mère. Ces regroupements familiaux sont souvent liés au fait qu’une grande partie des familles sur l’île compte des personnes avec des papiers français, et d’autres non.

C’est le cas pour Samir*. Arrivé à Mayotte à sept ans, le jeune homme a été installé chez sa grand-mère, qui est elle, régularisée. À la base, il devait passer son brevet ici, puis rejoindre la métropole. Mais les démarches de régularisation sont longues et une simple erreur peut suffire à annuler toute la procédure. “La première fois que j’ai posé mon dossier, il y avait une faute de frappe donc ils ont tout remis à zéro« , explique-t-il. Il est finalement resté à Mayotte et a entamé de nouvelles démarches. “Je devais partir chez ma tante, à Paris, elle, elle a les papiers, mais ma mère ne les a pas, alors que ma grand-mère les a. C’est une situation bizarre hein ?

 

Un contexte géographique particulier

 

Cette situation, des centaines de familles mahoraises la vivent à cause de la position géographique de l’île, coincée à quelques brasses d’Anjouan, point de départ des kwassas depuis l’archipel des Comores. Des vagues d’immigration qui n’ont jamais cessé depuis le référendum pour l’indépendance des Comores en 1975, et le choix de Mayotte de rester française, contrairement à ses voisines. Pour lutter contre ces mouvements de masse, un amendement spécial, proposé par le sénateur Thani Mohamed Soilihi et voté en juin 2018, a limité le droit du sol à Mayotte dès le mois de septembre de la même année. Désormais, il est exigé “pour les enfants nés à Mayotte que l’un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière sur le territoire national depuis plus de trois mois”.

Une règle dérogatoire, instaurée sur le département car “41% des résidents sont de nationalité étrangère et 74% des enfants y naissent de mère étrangère”. Brandi comme un bouclier salvateur, ce texte n’a jamais empêché l’arrivée des embarcations de fortune sur l’île… Plongeant toutefois des milliers de jeunes dans des situations kafkaïennes à leurs 18 ans. Ironie du sort, certains d’entre eux n’ont même connu que Mayotte, arrivés à deux ou à quatre ans sur l’île. À l’instar de Said* et Omar*. En novembre, les deux frères alors majeurs pourraient être renvoyés dans un pays qu’ils n’ont jamais connu, tandis que leur père est Français.

 

Des démarches complexifiées par la préfecture

 

La préfecture de Mayotte** est quasi-inaccessible, des milliers de jeunes qui pourraient prétendre de plein droit à un titre de séjour ne peuvent pas avoir de rendez-vous, certains attendent depuis plus d’un an, voire même deux ans”, tempête Pauline Leliard, chargée de projet à la Cimade. Ali en sait quelque chose. Depuis deux ans, il éprouve toutes les peines du monde à faire aboutir ses démarches de régularisation. Quand bien même les demandes de rendez-vous se font dorénavant sur Internet pour éviter les dossiers incomplets… Sa première entrevue se solde par un échec cuisant : personne ne le reçoit ! Tandis que sa seconde convocation se heurte à un nouvel obstacle : la présentation d’un passeport ou d’une pièce d’identité comorienne, ce qu’il n’a pas en sa possession, ayant grandi à Mayotte.

Rien dans la loi n’exige un passeport, le certificat de nationalité suffit. Mais depuis novembre 2020, la préfecture refuse tous ces jeunes sans passeport”, déroule Pauline Leliard. La jeune femme s’offusque qu’aucune alternative ne soit mise en place pour ces mineurs, qui seraient obligés de retourner dans leurs pays d’origine pour demander une pièce d’identité. “En métropole, ils peuvent aller au consulat, mais ici il n’y en a pas. Et c’est trop dangereux de rentrer, nous le déconseillons vivement.

 

Des conséquences parfois irréversibles

 

Moi j’ai pas peur, j’ai déjà l’habitude. Je me suis fait arrêter cinq fois par la PAF (police aux frontières). Mais comme je suis mineur, ça passe toujours”, ironise Samir. Tous n’ont pas sa chance… Plusieurs rapports du juge des libertés et de la détention de la cour d’appel de Saint-Denis à La Réunion dénoncent la pratique, qui consisterait à modifier les dates de naissance pour les emmener au centre de rétention, avant de les renvoyer vers Anjouan ou Madagascar. Des procédures illégales dénoncées par les juges des référés présents sur l’île aux parfums.

Parallèlement au risque de se faire embarquer par les forces de l’ordre, cette situation freine aussi les jeunes dans leur scolarité. Pour les élèves de terminale, l’heure est aux vœux d’orientation. Mais certains, comme Ali qui voudrait devenir kinésithérapeuthe, sont dans le flou total quant à la suite de leurs études. “Pour s’inscrire à la fac, on va leur demander une carte de séjour, et ceux qui sont en train de faire les démarches feront une année blanche”, déplore Pauline Leliard. Des études retardées, auxquelles s’ajoute le stress permanent d’une possible arrestation.

Et quand celle-ci finit par arriver, deux écoles s’opposent. Si certains feront des pieds et des mains pour refouler le 101ème département, d’autres, rejetés depuis toujours, préféreront baisser les bras. À l’image d’un Samir dégoûté : “Si on me renvoie, je ne pense pas que je reviendrai… On m’a fait comprendre que ce n’était pas chez moi ici !

* Les prénoms ont été modifiés
** Sollicitée, la préfecture n’a pas donné suite.

Hugues Makengo, directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse à Mayotte : “L’insertion est le meilleur moyen de prévenir la délinquance”

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Tous les mineurs sous-main de justice sont suivis par la protection judiciaire de la jeunesse, ou PJJ. Entre les unités éducatives de milieu ouvert, l’accueil de jour, le placement judiciaire ou en détention, en centre renforcé ou en famille d’accueil, les dispositifs mêlant éducation et répression sont variés, mais poursuivent tous le même objectif : remettre les jeunes délinquants dans le droit chemin et éviter à tout prix la récidive.

Flash Infos : Comment se déclinent les missions de la PJJ à Mayotte ?

hugues-makengo-directeur-territorial-protection-judiciaire-jeunesse-mayotteHugues Makengo : Tout d’abord, nos missions sont nationales. La PJJ encadre exclusivement les mineurs délinquants confiés par l’autorité judiciaire et très accessoirement des mineurs au civil dans le cadre des mesures d’investigations bien que cette dernière part soit assez importante à Mayotte. Cet encadrement se déroule sur trois grands axes. Il y a d’abord le milieu ouvert, donc les services accueillent les jeunes “libres”. Ces équipes pluridisciplinaires (éducateurs, psychologues et assistantes sociales) sont le socle de l’action éducative. Ils préconisent aux magistrats les orientations des mineurs vers l’accès aux activités de jour par exemple. Ensuite, nous avons une mission d’insertion, qui priorise les jeunes déscolarisés et en rupture notamment, pour les moins de 18 ans et plus de 16 ans. Ce dispositif nous permet de ramener ces mineurs vers le droit commun, afin qu’ils accèdent à ce que propose par exemple la Mission locale pour les jeunes de 16 à 25 ans. Notre dernière mission concerne le placement judiciaire. Il peut se faire en famille d’accueil – ce que l’on appelle “UEHD, pour unité éducative d’hébergement diversifié« . À Mayotte, cela concerne environ 30 jeunes pour une vingtaine de familles à travers l’île. Dans ce cadre-là, nous travaillons aussi avec Mlezi Maoré à travers deux structures : le centre éducatif renforcé, qui se trouve à Bandrélé, où les jeunes sont placés pendant quatre mois dans une idée de rupture, de remobilisation et de réinsertion. À côté, nous avons l’hébergement classique dans un établissement de placement éducatif, cette fois à Tsoundzou, qui compte aujourd’hui 12 places et devrait prochainement passer à 15. L’ordonnance de placement est de six mois renouvelables.

FI : Comment est prise la décision d’envoyer un jeune vers une structure plutôt qu’une autre ?

H. M. : Tout ces dispositifs sont à la disposition des magistrats, et prioritairement du juge des enfants, ainsi que des juges d’instruction qui traitent les dossiers impliquant des mineurs. En s’appuyant sur la personnalité et le profil des jeunes qu’ils suivent, les éducateurs peuvent faire des propositions d’alternative à l’incarcération, comme le placement ou l’insertion. Chaque mineur passe par le milieu ouvert, et selon sa situation, il est renvoyé vers le dispositif le plus adapté. Aujourd’hui, 30% de jeunes sont dans d’autres dispositifs en plus du milieu ouvert. Certains jeunes primo-délinquants font aussi l’objet de mesures spécifiques sur un laps de temps assez court, de quatre à six mois (stages de citoyenneté, réparations ou compositions pénales). D’autres vont être suivis en insertion, notamment sur la mesure éducative d’activité de jour (MEAJ) de 24 places entre la PJJ et le dispositif Daradja des Apprentis d’Auteuil. Les faits graves amènent d’autres mineurs directement en détention à Majicavo, dont le quartier des mineurs compte 30 places. Nous disposons aussi de places dans les établissements de La Réunion, lorsque nous n’avons plus de places ou encore quand l’éloignement s’avère nécessaire, notamment en cas de faits délictueux commis en bande.

En 2019, nous avons suivi environ 950 jeunes, contre 900 l’année d’avant. En 2020, nous en comptions 830, sans doute du fait du confinement. En flux continu, c’est entre 400 et 450 mineurs qui sont accompagnés quotidiennement par nos différents services, en sachant que certains vont rentrer et d’autres sortir en cours d’année.

Mon action consiste à donner les moyens aux services de la PJJ du territoire, des moyens humains et matériels, les moyens de s’inscrire dans la déclinaison des politiques publiques (culture, sport, insertion) et de la politique de la ville pour mieux prévenir la délinquance et la récidive. Nous mettons aussi en œuvre une politique de promotion de la santé qui nécessite une collaboration avec l’ARS et les acteurs de santé au bénéfice des mineurs sous-main de justice.

FI : Plusieurs politiques mahorais demandent depuis plusieurs années la création d’un centre éducatif fermé, une autre alternative à l’incarcération. L’absence de ce dispositif signifie-t-elle que la PJJ manque de moyens à Mayotte ?

H. M. : Les dispositifs qui fonctionnent aujourd’hui permettent de prendre en charge les mineurs qui en ont besoin, à La Réunion ou à Mayotte. Pour l’instant, j’estime que nous disposons d’assez de moyens. Ils ont d’ailleurs beaucoup évolué entre 2013 et 2020, comme en témoigne l’ouverture du centre éducatif renforcé il y a deux ans et demi. Nous avons aussi mis en place début 2019 des mesures éducatives d’activité, et suivront bientôt dans le cadre de la justice de proximité des stages de peine ou d’alternatives aux poursuites ou à l’incarcération sur plusieurs thématiques, comme les violences sexuelles, la citoyenneté et les valeurs républicaines, la place de la victime. Cela concernera 150 jeunes sur 30 semaines, et nous proposerons un stage d’insertion maritime en collaboration avec l’école maritime, l’école de voile et d’autres partenaires.

La démographie de Mayotte montre bien la part importante de la jeunesse. En amont de la PJJ, il y a sans doute à faire du côté de la Protection de l’enfance et de la prévention spécialisée pour l’aide aux familles et le repérage des enfants errants. Je crois qu’il faut investir davantage les dispositifs de la Loi du 5 mars 2007 (qui réforme la protection de l’enfance afin de renforcer la prévention notamment, ndlr) et la PJJ a un rôle à jouer aux cotés des municipalités. Les différentes collectivités municipales peuvent organiser des rencontres pour des jeunes qui ne sont pas encore en délinquance, mais qui sont signalés par l’Éducation nationale ou par les quartiers, de manière à agir assez tôt dans les Conseils pour les droits et devoirs des familles et l’accompagnement parental.

Je pense qu’il ne faut pas attendre que les mineurs passent une première fois devant le juge pour réagir. Mais il faut absolument qu’à Mayotte d’autres dispositifs soient développés avant l’étape PJJ pour faire de la prévention spécialisée, qui consiste à faire aller des éducateurs dans la rue pour qu’ils puissent approcher les jeunes, les groupes qui sont dans l’errance. Certains jeunes sont en grande précarité affective ou sociale et passent à l’acte dès l’enfance, parce qu’ils n’ont pas de présence parentale, ou quelqu’un qui montre le chemin, comme le font les éducateurs. C’est un volet qu’il faut vraiment travailler, d’autant plus ici.

Le plus compliqué, en général, sont les 16-18 ans, puisqu’ils n’ont plus l’obligation de scolarité et c’est parfois là que les problèmes deviennent plus sérieux. Mais certains jeunes, d’autant plus ici, sont déjà dans une violence extrême avant cet âge. Et c’est là qu’il devient urgent d’agir, pour que les plus jeunes n’intègrent pas ces nouveaux groupes que l’on voit se former notamment sur Petite-Terre, qui caillassent, y compris les forces de l’ordre, ou qui commettent des violences devant les établissements scolaires. Ils ne sont pas représentatifs de la majorité des jeunes suivis par la PJJ, mais nous ne devons pas pour autant nier leur existence et surtout travailler tous ensembles – services de l’État, associations, municipalités et collectivités – pour développer les dispositifs d’accompagnement et d’encadrement de ces jeunes. L’État met les moyens nécessaires, et cette année encore nous profitons de 200.000 euros supplémentaires pour mettre en place les actions de la justice de proximité. Si nous trouvons des acteurs volontaires pour travailler avec ces jeunes, les familles d’accueil prêtes à les recevoir, je pense que nous pourrons trouver des solutions. Mais la délinquance est d’abord une affaire de société : il n’y a pas de société sans délinquance malheureusement.

FI : Comment prévenir la récidive auprès de mineurs ayant déjà été condamnés par le juge et confiés à la PJJ ?

H. M. : L’activité de jour est très importante et devrait être davantage développée au regard de l’adhésion de nombreux mineurs dont les profils permettent un retour vers le droit chemin via l’insertion et un accompagnement à l’accès aux droits. En revanche, il y a certains profils de mineurs très dangereux, personne ne peut le nier, mais ils ne sont pas majoritaires fort heureusement. Nous travaillons sur la question des phénomènes de bandes et de violences pour mieux les encadrer et les accompagner.

Nous devons continuer à développer plus de partenariats avec le monde de l’insertion, car elle est le meilleur moyen de prévenir la délinquance et sans elle, nous n’aboutirons à rien. L’étape d’après, c’est le droit commun, qui passe obligatoirement par la levée des barrières administratives pour ceux qui sont régularisables.

La plupart des jeunes, quand ils sont suivis, ne récidivent pas, ou très peu. Les deux derniers mois d’un placement sont les plus cruciaux car c’est l’étape de la préparation à la sortie, d’où le relai fondamental avec le monde de l’insertion. Une fois que le mineur n’est plus suivi, s’il revient à son milieu naturel sans insertion, il peut être tenté de récidiver, d’autant plus s’il est laissé seul, qu’un éducateur n’est plus là pour le suivre.

FI : Comment s’organise le suivi des jeunes une fois qu’ils ont quitté les dispositifs de la PJJ ?

H. M. : Tant que nous avons une ordonnance du juge, nous continuons à les suivre. Mais dès lors qu’elle prend fin, nous pouvons pas les suivre ad vitam aeternam. Je rappelle que l’éducation à la PJJ est contrainte, donc dans les respects des principes constitutionnels, seul l’autorité judiciaire peut nous confier un mineur et jeune majeur avec une ordonnance sur une durée déterminée.

Je souligne une fois de plus l’importance du partenariat pour la PJJ, si les relais au niveau du droit commun, les dispositifs de formation ou autres n’intègrent pas ces jeunes-là, nous nous retrouvons avec des jeunes qui rechutent. C’est en cela que cette question de délinquance des mineurs est l’affaire de tous : de l’État, et c’est à travers la PJJ et l’autorité judiciaire qu’il l’exerce, mais il faut des liens avec les autres services de l’État pour ne pas laisser ces jeunes de côté, et nous y travaillons, et c’est aussi avec les collectivités territoriales et avec les associations œuvrant dans les communes.

FI : Une partie de l’opinion publique estime qu’il existe chez les jeunes délinquants un sentiment d’impunité, comme le prouvent régulièrement les ripostes de riverains lors de caillassages…

H. M. : Je pense que ce sentiment est légitime : les personnes qui le disent ont besoin de réponses et les élus sont dans leur rôle lorsqu’ils réclament plus de moyens humains ou matériels. Ce que je sais de la justice des mineurs, c’est qu’elle n’est pas laxiste, mais elle a peut-être pour « défaut » d’être trop lente à l’ère de la révolution numérique. Nous savons aujourd’hui qu’il faut attendre en moyenne 18 mois pour que les mineurs, qui commettent un premier méfait, soient définitivement condamnés. Personnellement, j’en ai rencontrés beaucoup, dans différents territoires et différents services, qui étaient jugés au bout de deux, voire trois ans. Et parfois, sur ce laps de temps, ils vont commettre d’autres faits. Cela peut donner un sentiment d’impunité, mais ce qui est sûr, c’est que les jugements, lorsqu’ils arrivent, sont sévères.

Avec la réforme de la justice des mineurs qui doit entrer en vigueur en septembre (voir Mayotte Hebdo n°945, ndlr), là où nous mettons 18 mois en moyenne, le délai obligatoire passera à neuf mois pour prononcer un jugement définitif. Cela va aussi être un nouveau paradigme pour les professionnels de l’éducation et les magistrats. C’est pour cela que des formations vont être mises en place très rapidement. Je pense et j’espère que l’opinion publique aura un nouveau regard sur la justice des mineurs.

Après quatre mois d’attente, les jurys peuvent enfin se réunir et donner leurs résultats aux étudiants de Mayotte

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Les étudiants de quatre licences attendent toujours leurs notes, alors qu’ils ont passé leurs examens en décembre. Un imbroglio qui vient en réalité d’une difficulté juridique pour nommer les jurys, explique Aurélien Siri, le directeur de l’université. Mais les compositions ont enfin été validées vendredi, et les commissions devraient pouvoir se réunir dans la semaine.

Ce qu’il se passe ? C’est que nous n’avons toujours pas reçu nos résultats, alors que nous avons passé nos examens en décembre…”, soupire Eve Desmonts-Pineau. Comme elle, ils sont de nombreux étudiants, en licence de droit, en administration économique et sociale (AES) et dans deux autres licences professionnelles du Centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte (CUFR), à compter les mouches depuis bientôt quatre mois. Sans nouvelle de leurs notes, alors même que les examens du second semestre doivent se tenir en avril. L’étudiante en licence 2 de droit est d’autant plus embêtée qu’elle s’est depuis envolée à La Réunion, pour le second semestre. “Mon université d’accueil souhaitait mes relevés de notes, j’ai dû leur envoyer celles de L1”, explique-t-elle.

 

La question du plein exercice

 

La raison de cette attente interminable ? Les compositions des jurys, qui n’avaient pas été validées. Plus précisément, “une divergence d’interprétation juridique sur l’autorité chargée de prendre l’arrêté”, procédant à la désignation des membres du jury, livre Aurélien Siri, le directeur du CUFR. Une affaire qui s’est rapidement transformée en usine à gaz, à en croire les échanges de mails que nous avons pu consulter, chacun y allant de sa propre analyse. Pour les uns, le directeur était tout à fait habilité à nommer les membres du jury et donc à signer l’arrêté ; pour les autres, le CUFR n’avait pas compétence, n’ayant pas autorité sur le dispositif. Et ses équipes pédagogiques ne pouvaient pas figurer dans le jury d’un diplôme national sans y être invitées par l’université partenaire.

Toute la difficulté vient de notre situation particulière, puisque nous préparons des diplômes que nous ne délivrons pas nous-mêmes”, déroule le responsable de l’université. En effet, le CUFR n’étant toujours pas une université de plein exercice, il repose sur des conventions de partenariat avec d’autres universités pour délivrer les diplômes, en l’occurrence celles d’Aix-Marseille et de Nîmes. Conséquence : entre les conventions, le code de l’Éducation et le décret constitutif du CUFR du 12 octobre 2011, “nous sommes régis par une pluralité de textes, et il n’est pas toujours évident d’appliquer la bonne réglementation”.

 

Un flou juridique soulevé par une nouvelle recrue

 

D’accord, mais pourquoi maintenant ? “La question ne s’est pas posée l’année dernière”, se souvient Eve Desmonts-Pineau, qui suggère la piste des rivalités qui ont, depuis, agité les hautes sphères du centre universitaire. Alors que le candidat Thomas M’Saïdié, par ailleurs responsable du département Droit-Économie-Gestion, était pressenti pour reprendre le flambeau, Aurélien Siri a finalement rempilé pour un mandat de deux ans, au terme d’une campagne houleuse. Que nenni ! En réalité, la zone d’ombre a été repérée par une nouvelle recrue au sein de l’administration de l’établissement. “Cette personne a soulevé une difficulté juridique que nous n’avions pas identifiée précédemment, et c’est un point positif dans notre démarche qualité”, souligne Aurélien Siri. Un voile levé, donc, mais qui aura tout de même fait perdre plusieurs mois – les propositions de composition en fonction des filières ont été envoyées depuis la mi-octobre – et sans doute quelques cheveux aux responsables des affaires juridiques des universités concernées… À noter que le confinement est venu lui aussi ajouter son grain de sel, grippant encore davantage la machine.

La bonne nouvelle, c’est que les experts ont enfin réussi à démêler ce nœud gordien. “L’arrêté qui désigne les membres des commissions de jury a été pris vendredi, et il appartient désormais au président de jury de réunir sa commission”, annonce Aurélien Siri. Qui table sur une publication des notes après délibération d’ici la fin de semaine, ou en début de semaine prochaine. À la bonne heure !

 


 

Au CUFR, les cours reprennent doucement face à la menace du Covid-19

 

Depuis ce lundi, une partie des étudiants ont repris le chemin de l’université. Après les annonces du préfet mercredi dernier et la levée du confinement, un comité de direction s’est en effet tenu vendredi pour décider des mesures à prendre face au risque de contaminations. Objectif : limiter au maximum les brassages au sein de la structure. Il a donc été décidé de maintenir pendant deux semaines les enseignements à distance, pour les cours magistraux et la plupart des travaux dirigés (TD). Seuls reprennent donc les travaux pratiques et les TD ne pouvant pas se dérouler en distanciel, comme par exemple les cours d’informatique, qui nécessitent un équipement et des logiciels particuliers. Pour ces enseignements, une jauge maximale de 50% de remplissage des salles a été fixée.

Dzoumogné : le tribunal administratif ordonne à la préfecture de reloger une famille dont la maison a été détruite illégalement

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En marge d’une opération menée par la préfecture à la mi-février, les témoignages d’une trentaine de familles ont fait état de destructions illégales, en dehors du périmètre prévu par l’arrêté préfectoral. Une famille a obtenu gain de cause dans le cadre d’un référé-liberté devant le tribunal administratif. La préfecture veut faire appel.

Une situation d’urgence, qui aura pris quatre longues semaines. Le tribunal administratif a accédé à la requête en référé d’une famille de Dzoumogné, dont la maison a été détruite le 16 février dernier, en marge de l’opération initiée par la préfecture, et surtout au dehors du périmètre défini par l’arrêté loi Élan du 6 janvier 2021. Le référé-liberté, cette procédure d’urgence visant à obtenir toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle l’administration aurait porté atteinte de manière grave et manifestement illégale, permet d’obtenir rapidement une décision, en l’occurrence, en 48h.

La famille, qui a déposé sa requête vendredi 6 mars, soit près d’un mois après la destruction illégale de la maison, a obtenu gain de cause lundi 9 mars. Notifiées de la procédure, ni la mairie de Bandraboua, ni la préfecture, n’ont apporté leurs contributions dans le délai imparti. L’ordonnance du 9 mars confirme que la parcelle occupée par la requérante et sa famille “a fait l’objet d’une régularisation à son profit” et qu’elle ne fait pas partie des cases visées par l’arrêté du 6 janvier ; par ailleurs la famille se retrouve “sans abri depuis le 16 février, n’étant ainsi ni protégés contre les intempéries, ni pourvus d’un point d’eau et de sanitaires leur permettant de vivre décemment, dans des conditions propres à garantir leur santé et leur sécurité”. Le juge ordonne ainsi à la préfecture de Mayotte de proposer une solution concrète de relogement ou d’hébergement d’urgence ainsi qu’un accompagnement social et psychologique dans un délai de 48h, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard. Le préfet doit aussi “mettre immédiatement” à disposition du foyer un accès à l’eau potable et à des sanitaires.

 

Les enfants ont accepté l’hébergement

 

Je suis très heureuse, mes parents, mes frères et sœurs, nous sommes tous contents de voir que le juge a reconnu que c’est notre maison, que ce qui nous est arrivé est injuste, et que nos droits aient été révélés”, sourit Lina*, la fille aînée qui a porté le combat des siens devant le tribunal. Avec son frère et sa sœur cadets, la jeune femme de 19 ans a pu obtenir un hébergement d’urgence moins de deux jours après la notification de l’ordonnance, dans le village de Mtsangadoua. “Nous sommes logés au premier étage de cette maison, ils nous ont apporté à manger, nous allons bien”, souffle-t-elle, visiblement soulagée. Le père et la mère, quant à eux, ont préféré rester à Dzoumogné, “pour veiller sur la maison”, qu’ils sont en train de reconstruire depuis le passage des bulldozers.

Tout cela interroge sur la notion d’urgence. La famille ne se révèle pas non plus demandeuse de soutien psychologique”, rétorque le sous-préfet Jérôme Millet, qui annonce sa volonté de faire appel de cette ordonnance. [Entretemps, une demande de suivi social et psychologique a bien été adressée vendredi soir par la famille] En attendant un autre dénouement, la préfecture doit toutefois accéder aux requêtes de la famille, reconnues par le tribunal. Une obligation qui “ne prouve en rien que c’est l’État ou la préfecture qui a démoli la case”, insiste celui qui est aussi secrétaire général adjoint et pilote les opérations de destruction. “Tout ce qui est dit, c’est que l’État est condamné car il y a des personnes sans abri et que l’État doit fournir un hébergement d’urgence. D’ailleurs, si cette famille n’avait pas fait l’objet d’une proposition, c’est pour la seule et bonne raison que l’État n’a pas démoli ces cases-là, qui ne figuraient pas dans l’arrêté”, persiste le sous-préfet.

 

“D’énormes zones d’ombre”

 

En effet, cette ordonnance du tribunal administratif ne reconnaît pas de responsabilité quant au fond de l’affaire, à savoir, la destruction illégale de 33 cases en dehors du périmètre établi par l’arrêté préfectoral. N’empêche. Selon Maître Ghaem, qui a conseillé la famille de Lina, “cette décision prouve que cette opération a été menée grossièrement ou qu’il y a en tout cas d’énormes zones d’ombre”. Il faut dire que les victimes pointent plutôt du doigt l’adjoint au maire de Bandraboua en charge de la sécurité, Soudjaye Daoud, qui aurait donné l’ordre de raser leurs maisons. Mais comment les engins de la Colas, missionnés par la préfecture, ont-ils pu s’exécuter ? Seule l’enquête judiciaire pourra apporter des réponses aux personnes sinistrées. Désormais, la famille de Lina prévoit d’envoyer une plainte directement au procureur de la République. “Nous voudrions être remboursés, car mon père a dû emprunter de l’argent à un ami pour reconstruire”, explique l’aînée. Soit quelques centaines d’euros, à peine de quoi couvrir des frais qui avoisinent les 7.000 euros, “sans même le mobilier”, nous indique-t-on.

Une fois la plainte envoyée, le procureur aura trois mois pour engager des poursuites, mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites, ou encore décider d’un classement sans suite. Quoi qu’il en soit, alors que la préfecture annonce un objectif musclé de 400 destructions de cases pour le premier semestre 2021, cette ordonnance du tribunal administratif risque en tout cas de faire tâche au tableau.

* le prénom a été modifié

L’évolution de la femme mahoraise au fil des générations

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Photo d'illustration

Elle est mère, travailleuse, leader, indépendante, ou encore femme au foyer. La femme maho-raise a de multiples facettes qui ont évolué au fil des générations. Peu à peu, sa place au sein du noyau familial a changé au même titre que sa place dans la société. Des femmes, témoins de l’évolution de la condition féminine à Mayotte, racontent leurs histoires.

Avant, les femmes étaient soumises parce qu’elles ne pouvaient faire autrement.” Ces mots sont ceux d’Irène, une grand-mère de 75 ans, qui se rappelle de ses jeunes années. Née d’un père breton installé à Mayotte, et d’une mère mahoraise, Irène n’échappe à l’éducation réservée à toutes les filles mahoraises, dites de bonnes familles, de sa génération. “J’ai eu la chance d’aller à l’école, ce qui n’était pas le cas de toutes les filles de mon âge à cette période. Mais à 15 ans, j’ai arrêté les études parce que mon père avait décidé qu’il était temps pour moi de me marier”, se remémore-t-elle. Elle, qui veut être sage-femme, se marie finalement à “un bon parti”, lui dit-on à l’époque. Âgée de 16 ans, elle ne s’y oppose pas. “Dans mon temps, c’était normal pour une fille de se marier à cet âge-là. Et j’ai accepté parce que je voulais être libre”, affirme-t-elle. Un moyen de s’émanciper de l’autorité stricte de ses parents.

Mais la liberté n’est que de courte durée puisqu’elle devient rapidement “une machine à faire des bébés”, concède-t-elle. La contraception n’existe pas… Et même lorsqu’elle a été autorisée en France, elle était encore très tabou à Mayotte ! “Les femmes étaient tout le temps enceinte. Moi-même, j’ai eu dix enfants !” Irène avoue avoir avoir essayé de contrôler sa fertilité, notamment à travers des méthodes de grand-mère mais rien ne fonctionne. Elle se retrouve donc à devoir s’occuper de sa maison, de ses enfants et de son mari. “Mon quotidien se résumait à ça. J’ai été éduquée pour être une bonne mère et une bonne épouse”, confie-t-elle.

Durant plusieurs décennies, ce mode de vie est la norme à Mayotte. Devenues mères, ces filles élèvent à leurs tour leurs enfants de cette manière. Sitti, 46 ans, en est la preuve. Elle se souvient parfaitement de la différence de traitement entre ses frères et elle. “Les garçons étaient autorisés à sortir, alors que mes sœurs et moi devions rester à la maison et apprendre à bien tenir un foyer. Et si par malheur on prenait le risque de sortir sans l’autorisation de nos parents, on nous frappait.” Son seul jour de répit coïncide avec celui de l’Aïd. Accompagnées de leurs grands-frères, Sitti et ses sœurs peuvent par exemple aller au cinéma. Des années plus tard, cette mère de famille s’estime tout de même chanceuse sur un point : “Heureusement, nous avions le droit d’aller à l’école, contrairement à d’autres.

 

La femme au sein du couple

 

À Mayotte comme ailleurs, l’homme est toujours le chef de famille. Il subvient à ses besoins et prend toutes les décisions. Tandis que la femme n’a pas son mot à dire, selon Irène. “Le mari pouvait faire ce que bon lui semblait dehors, avoir d’autres femmes, mais l’épouse n’avait pas le droit de se plaindre. Si elle le faisait, le mari racontait aux parents de la fille qu’elle a refusé de se donner à lui.” Autrement dit, elle se retrouve fautive. “Alors pour ma part, tous les soirs je devais être apprêtée pour plaire à mon mari. Nos mères nous expliquaient qu’une bonne épouse ne peut rien refuser à son époux”, continue Irène.

Cependant, à la surprise générale de tous, la jeune femme qu’elle était à l’époque sait s’affirmer lorsque son mari veut prendre une seconde épouse. “J’ai toujours été contre la polygamie. Certes, c’est autorisé dans la religion, mais ça fait mal. Alors lorsque mon mari m’en a parlé, je lui ai de-mandé le divorce. Au début, il ne voulait pas, mais je ne lui ai pas laissé le choix, je suis partie avec mes enfants”, dit-elle fièrement.

Cet épisode marque une nouvelle vie pour Irène qui décide de ne plus se remarier. Si cette dernière n’a jamais eu la chance de travailler, Sitti s’est battue pour être indépendante financière-ment. “Lorsque je me suis mariée, mon mari ne voulait pas que je travaille. Mais au fil des années, il a changé d’avis. C’était important pour moi parce que je voulais participer aux dépenses de la maison.” La mère de famille suit alors des formations, passe des examens et est aujourd’hui indépendante financièrement. Une fierté pour elle.

 

Entre tradition et modernité

 

L’histoire des deux femmes influence logiquement leur rôle de mère. “Quand j’ai commencé à avoir mes enfants, je pensais toujours que c’était mal pour une fille de sortir. Alors les miennes allaient simplement à l’école et puis c’est tout. Avec le temps, j’ai changé et j’élève ma dernière fille différemment. Elle pratique des activités extra-scolaires, elle fait du sport. Je veux qu’elle soit une grande sportive. Elle pourra faire les voyages scolaires, qu’autrefois j’avais interdit à ses grandes sœurs”, promet Sitti. De son côté, Irène se bat pour que ses enfants soient les seuls maitres de leurs vies. “Je voulais absolument qu’ils aillent tous à l’école, particulièrement mes filles. Je leur ai dit qu’elles avaient toutes les cartes en main, et qu’elles devaient bien jouer. L’une d’elle a voulu voyager pour faire des stages à La Réunion et je ne m’y suis pas opposée. Elle a commencé à travailler avant même de se marier”, affirme Irène, un large sourire comme pour marquer sa fierté. Son seul souhait ? Donner le choix à ses filles, chose qu’elle n’a pas eue. “Si une femme veut travailler tant mieux, si elle préfère rester à la maison s’occuper de son foyer c’est bien aussi. Laissez les femmes faire leurs propres choix”, clame Irène.

Mais force est de constater qu’à 75 ans, certains aspects de la modernité ou de l’occidentalisation lui échappent. “Je ne comprends pas qu’une femme puisse avoir plusieurs partenaires. Que vont penser les autres ? Aucune homme ne voudra d’elle après. Les hommes ne sont jamais stigmatisés, alors que les femmes sont traitées de tous les noms. Il faut donc se préserver”, souligne-t-elle. Un point de vue que ne partage pas sa petite-fille Inaya*, 22 ans, qui habite avec elle. “On ne s’entend pas sur ce point et sur d’autres sujets, mais je sais que je ne gagnerai jamais face à elle. Donc par exemple, lorsque je veux sortir, je lui dis que je vais avec des amis sans donner de détails”, avoue la jeune fille sous le regard perçant de sa grand-mère.

Malgré les quelques désaccords entre les deux femmes issues de générations différentes, Inaya sait la chance qu’elle a de pouvoir faire ce qu’elle veut. “Je suis consciente de tous les droits dont je bénéficie en étant une femme du XXIème siècle. Je trouve que les féministes en font trop, mais en même temps c’est ce “trop” de nos ancêtres qui nous a permis aujourd’hui d’avoir tout ce que l’on a.” Mais elle s’interroge également sur toutes les inégalités qui persistent encore de nos jours. “Je ne comprends toujours pas pourquoi les femmes sont moins bien payées que les hommes et surtout pourquoi cette injustice n’est pas réparée.” Sa grand-mère, un brin rebelle, acquiesce. Elle réalise amèrement que même si les causes sont différentes, les femmes seront toujours obligées de se battre pour faire valoir leurs droits.

*Le prénom a été changé

Fin du confinement à Mayotte, place au couvre-feu

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Alors que des milliers d’élèves reprennent le chemin de l’école cette semaine, plusieurs restrictions restent de mise pour éviter une nouvelle flambée épidémique. Objectif : débarrasser définitivement Mayotte du coronavirus.

C’est la rentrée ! Et pas n’importe laquelle. Depuis ce lundi 15 mars, 4h du matin, le confinement est levé à Mayotte, après cinq semaines au cours desquelles un nouveau pic épidémique a été atteint, à la mi-février. Les chiffres encourageants de la dernière quinzaine semblent indiquer que la seconde vague de Covid-19 marque le pas dans le 101ème département. Alors qu’au plus fort de la crise, le taux d’incidence dépassait le 900 cas pour 100.000 habitants, avec un taux de positivité avoisinant les 30%, les indicateurs sont aujourd’hui retombés à des niveaux proches de la moyenne nationale : sous la barre des 200 pour le premier, et 12,3% pour le second, d’après le dernier bulletin de l’agence régionale de santé.

 

Situation inquiétante à la Réunion

 

Un soulagement, alors que ce lundi signe aussi la fin des vacances scolaires. Les quelque 100.000 élèves de l’île sont attendus sur les bancs de l’école dès cette semaine. “J’appelle à la vigilance, car la situation reste sérieuse et Mayotte ne peut pas se permettre de rester sur un plateau élevé”, a toutefois mis en garde le préfet Jean-François Colombet lors d’une conférence de presse mercredi dernier, en pointant du doigt l’accélération de l’épidémie à La Réunion. Le ministre de la Santé et des Solidarités, Olivier Véran, a d’ailleurs annoncé jeudi que l’île Bourbon rejoignait les 20 départements placés sous surveillance, alors que le taux d’occupation en réanimation dépassait le 9 mars les 82,8%, sur les 122 lits ouverts.

 

Couvre-feu, rentrée par demi-jauge, protocoles sanitaires

 

D’où l’impératif de maintenir l’embellie actuelle à Mayotte. Le délégué du gouvernement a annoncé une série de dispositions pour consolider le “succès du confinement”, et s’assurer de “gagner la guerre” contre le virus. “Mon espoir, mon ambition, c’est que Mayotte soit la première à le faire”, a parié Jean-François Colombet. Première mesure : la mise en place d’un couvre-feu, de 18h à 4h du matin, tous les jours, y compris le week-end.

Tandis que les écoles primaires ouvriront leurs portes dès ce lundi, selon un protocole sanitaire strict, les collèges et les lycées accueilleront leurs élèves par demi-jauge, pour “éviter le brassage de 2.500 personnes dans les cours de récréation”. Une partie ira en classe dès lundi, l’autre le mardi, et ainsi de suite.

Autre nouveauté attendue cette semaine, les 73 mosquées du vendredi pourront de nouveau recevoir les fidèles, mais uniquement un jour par semaine, le vendredi. Les églises en feront de même le dimanche. À condition, bien sûr, de respecter là aussi un protocole strict, masques obligatoires, gel hydroalcoolique, jauges et distanciation sociale respectées.

 

Objectif : lever les restrictions le 4 avril

 

Côté entreprises, les commerces pourront rouvrir, mais les bars et restaurants resteront fermés, au moins jusqu’au 29 mars. Et le télétravail reste de mise dans la mesure du possible. Pour les services publics, il faudra encore attendre jusqu’au 22 mars pour se rendre aux guichets.

En fonction de l’évolution de l’épidémie, ces mesures pourront évoluer dans les semaines à venir. Si la dynamique positive se poursuit, le couvre-feu sera reculé à 20h dès lundi prochain, puis à 22h30 la semaine suivante. “L’objectif est que le 4 avril, soit une semaine avant le ramadan, nous puissions ouvrir les lieux de culte, lever le couvre-feu et autoriser à nouveau les moments festifs”, a annoncé Jean-François Colombet. Pour l’instant, les interdictions de rassemblement à plus de six personnes restent en effet de vigueur, et il en va de même pour les activités sportives en salle.

Quant à l’aérien, les motifs impérieux ne seront pas levés, et les frontières resteront fermées, même si des vols de rapatriement peuvent être envisagés pour les personnes qui en feraient la demande auprès de l’ambassade.

Réouverture des établissements scolaires à Mayotte : tout faire pour éviter les clusters

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Cela fait cinq semaines que les élèves de Mayotte suivent leurs cours uniquement à distance. La levée du confinement signifie un retour à l’école, mais non sans quelques précautions. Le rectorat met les bouchées doubles pour que les établissements scolaires ne soient pas le théâtre de clusters. Pour cela, 350.000 masques ont été fournis aux collèges et lycées, ainsi qu’aux écoles même si ces dernières sont gérées par les municipalités. Pour cette rentrée, les mesures sont plus strictes et quelques nouveautés font leur apparition.

Flash Infos : Quel bilan faites-vous des cinq semaines de confinement dans l’Éducation nationale à Mayotte ?

Gilles Halbout : En réalité, cela a été trois semaines de cours à distance et deux semaines de vacances. Pendant les trois semaines de cours, nous avons tout fait pour garder le lien avec les élèves, et globalement nous ne l’avons pas trop perdu, notamment chez les petits. Chez les plus grands, c’était plus compliqué parce que ce sont des adolescents, voire des jeunes adultes, plus difficiles à tenir. Mais en moyenne, nous n’arrivions pas à joindre facilement 5% des élèves. Par ailleurs, les retours sont plutôt bons : d’après les échos que nous avons, en tout cas au niveau des collèges et lycées, les plus autonomes ont su tenir la distance et ont continué à venir chercher les cours polycopiés.

Je tiens à saluer la pédagogie et la qualité du travail des enseignants. Mais le plus compliqué était de motiver ceux qui étaient en train de décrocher, car il n’y avait plus l’obligation de se rendre à l’école. Nous en avons donc perdus davantage par rapport aux petits, surtout dans les filières professionnelles : la formation à distance est moins motivante pour eux. Alors pendant les vacances, nous avons fait revenir les apprentis dans beaucoup de lycées et cela a très bien marché. Il y a eu beaucoup d’affluence dans tous les établissements concernés. Je ne dis pas qu’en deux semaines, nous avons rattrapé le retard accumulé. Mais nous avons limité la casse. Et il y a aussi eu des ateliers pour les petits dans certaines écoles.

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FI : Les élèves vont-ils être soumis au système de rotation comme ce fut le cas après le premier confinement ?

G. H. : Les quatrièmes, troisièmes, les secondes et les terminales vont venir un jour sur deux. Les autres classes ne sont pas concernées, car le travail en autonomie est moins simple pour les sixièmes et cinquièmes. Et les élèves de terminale doivent préparer le bac et le grand oral, donc ils ont besoin d’avoir des cours en présentiel. Il en ira de même pour les BTS. Ce système de jauge réduite sera applicable pendant deux semaines. Nous nous inscrivons dans la même dynamique de desserrement des contraintes que le préfet. Si au bout des deux semaines, la situation va mieux, cette mesure ne sera ensuite maintenue que dans les établissements où nous constatons une grande circulation du virus.

FI : Comment saurez-vous s’il y a une grande circulation ou pas ?

G. H. : Nous allons continuer les campagnes massives de tests selon trois critères : le nombre d’élèves positifs ; le nombre anormalement élevé d’élèves absents ; ou encore si l’ARS nous informe avoir repéré des signaux d’une forte circulation du virus dans la zone d’un établissement. Dans ce cas là, nous ferons tout de suite une campagne de test, et, en fonction des résultats, nous maintiendrons la jauge réduite ou pas.

FI : Quels autres dispositifs allez-vous mettre en place pour cette rentrée ?

G. H. : Il y a un changement majeur. Avant, nous fermions une classe à partir de trois cas. Ce sera désormais chose faite à partir d’un cas positif. C’est une mesure de prudence car nous partons du principe qu’à Mayotte, le virus sud-africain circule principalement. Or, il est particulièrement contagieux ! Donc si un élève est contaminé, il y en a sûrement quelques-uns qui le sont aussi.
Nous allons également renforcer le respect des gestes barrières, grâce à des services civiques. Ils ont été formés à cet effet. Ils pourront aller voir ce qu’il se passe dans les cours de récréation et à l’entrée des établissements. Ils peuvent aussi vérifier le nettoyage des mains des élèves, et l’entretien des classes. Nous avons aussi créé une adresse mail générique où l’on peut directement contacter le rectorat pour signaler un mauvais fonctionnement, ce qui nous permet d’agir très rapidement. Enfin, nous avons mis en place au rectorat une équipe opérationnelle qui assure le suivi des cas contacts, pour organiser les campagnes de tests et réceptionner toutes les alertes afin de les traiter.

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FI : Nous avons vu les tests salivaires arriver dans certains établissements scolaires de l’hexagone, est-ce que nous pouvons espérer la même chose à Mayotte ?

G. H. : Ils vont arriver, il n’y a pas de souci et nous communiquerons à ce sujet. Mais, attention, ces tests sont des PCR et non des antigéniques. Cela signifie qu’il faut attendre les résultats entre 24h à 48h, et nous ne sommes pas maîtres de la chaîne, parce que cela passe par plusieurs intermédiaires. Entre le moment où il y a un signalement et celui où nous déployons la campagne de test, il se passe au moins 24h. Ensuite, il faut attendre les résultats. C’est-à-dire qu’entre le moment du signalement et celui où nous devons prendre une décision, il s’est peut-être passé trois jours. Dans notre politique de réactivité, ce n’est pas satisfaisant. Nous aurons donc toujours nos tests antigéniques. D’autant plus que dans notre académie, il n’y a pas beaucoup de réticence, contrairement à d’autres.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes