Accueil Blog Page 471

Coupures d’eau, factures élevées, le SMEAM répond aux polémiques

-
coupures-eau-factures-elevees-smeam-repond-polemiques

Le syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte (SMEAM) et la SMAE ont été au cœur de nombreuses polémiques ces derniers mois. La population est montée au créneau à cause des factures anormalement élevées ou des coupures d’eau répétitives. Dernier épisode en date, la coupure de trois jours dans le nord de l’île. Le directeur général des services du SMEAM, Ibrahim Aboubacar, fait le point.

Flash Infos : L’île a été sujette à des coupures d’eau alors que l’on pensait être sorti de la crise. Quelles sont les causes de ces coupures ?

I.A : Il y a deux catégories de coupures d’eau. Celles liées à des travaux d’entretien préventifs. Ces coupures donnent lieu à des communiqués de la part du délégataire (SMAE), 48h avant les travaux. Ce sont des travaux d’entretien programmés qui ont généralement lieu entre 9h et 14h, des horaires qui n’ont pas d’impacts importants sur les usagers. Il y a ensuite les coupures exceptionnelles comme celle dans le secteur du nord qui a duré du vendredi 19 mars au lundi 22. Ce sont des coupures qui sont dues à des accidents ou des pannes d’exploitation sur le réseau. L’intervention et la réparation relèvent du ressort de la SMAE. Lors de cet épisode précis, il y a eu des événements successifs pendant ce laps de temps. Des casses sur les réseaux ont été constatés, et il y a eu en même temps des problèmes de pannes sur le dispositif de pompage qui envoie l’eau de Dzoumogné vers Handrema. C’est la succession de tous ces problèmes et le temps pour les réparer qui ont mis le réseau hors contrôle pendant trois jours.

FI : S’agit-il de casses volontaires ?

I. A. : Je n’ai pas encore le rapport d’incidence précis de l’exploitant sur ce point-là. Il doit nous le fournir pour déterminer l’origine exacte de ces casses.

FI : Les usagers se plaignent de n’avoir eu aucune communication de votre part ou de la SMAE…

I. A. : Nous n’avons pas communiqué parce que nous n’avions pas d’éléments pour le faire. C’est l’exploitant qui doit communiquer. Or, sur l’incident du dernier week-end, il nous a indiqué qu’il ne pouvait donner aucune information parce qu’il n’avait pas de visibilité sur la situation.

FI : Pour quelles raisons l’eau est-elle trouble lorsqu’elle revient ?

I. A. : Lorsqu’il y a des coupures, le réseau n’est pas sous pression, il se vide et comme les canalisations ne sont pas étanches, il y a un certain nombre de matières qui entrent dedans. Quand l’eau revient, le réseau est à nouveau sous pression et ces matières sont chassées. L’eau retrouve sa qualité normale, mais il y a tout de même quelques matières qui restent et coulent dans les robinets. C’est pour cela qu’il faut bouillir l’eau avant de l’utiliser dans les premières heures.

FI : Un autre sujet inquiète la population. Des usagers reçoivent des factures de plusieurs milliers d’euros et ne comprennent pas la cause. Avez-vous étudié la question ?

I. A. : Nous avons eu des réunions avec les associations des usagers, nous avons discuté avec le délégataire pour identifier le problème. Plusieurs raisons pourraient expliquer ce phénomène : l’erreur humaine, et dans ce cas le délégataire corrige la facture dans la foulée si c’est identifié. Ensuite, pendant la crise sanitaire, à partir d’avril jusqu’en octobre 2020, le rythme des relevés des compteurs n’a pas été régulier, ce qui a donné lieu à des montant de factures inexactes. Nous avons demandé au délégataire de procéder à une rectification à chaque fois que cela est identifié. Il y a peut-être aussi une autre raison évoquée par les usagers qui pourrait être liée à des dysfonctionnements de compteurs quand il y a les coupures d’eau. Les compteurs tournent de manière anormale après que l’eau soit rétablie, mais c’est un phénomène beaucoup plus difficile à identifier pour nous, parce qu’il est aléatoire et compliqué à démontrer. Les usagers qui se trouvent dans cette situation doivent nous envoyer leurs factures pour qu’elles soient examinées au cas par cas. Nous rectifions tous les problèmes à condition que l’usager arrive à démontrer qu’il n’y a pas eu de fuite dans son réseau de distribution dans la maison. Mais effectivement, ces factures anormalement élevées sont suffisamment nombreuses pour que nous pensions qu’il y a quelque chose qui s’est véritablement passé. Nous avons donc demandé des investigations supplémentaires. Pour l’instant, nous n’avons pas encore les résultats.

FI : Est-ce que l’usager doit payer la facture avant de faire la réclamation ?

I. A. : Normalement oui, c’est la procédure ! Mais lorsque l’on a une facture de plusieurs milliers d’euros qui dépassent ses capacités, comment la payer ? Donc il faut faire immédiatement la réclamation. À savoir que lorsque le délégataire constate une consommation anormalement élevée, quelle que soit la raison, il doit informer immédiatement le client. De manière préventive, ce que nous pouvons conseiller aux usagers c’est de lire régulièrement leurs compteurs, par exemple une fois par semaine, pour s’assurer qu’il ne déraille pas.

Aide sociale à l’enfance à Mayotte : plus de places mais toujours plus d’enfants

-
aide-sociale-enfance-mayotte-plus-de-places-mais-toujours-plus-enfants

Ce jeudi 25 mars se déroulait le comité de pilotage sur le suivi de la mise en œuvre de la convention entre le Département et l’État relative aux concours de l’État en faveur de l’aide sociale à l’enfance. Sur ce volet, l’exécutif de la collectivité a réalisé un effort considérable depuis 2017. Seul hic, les dépenses budgétaires explosent au vu du nombre d’enfants pris en charge.

Depuis 2016, le Département mène une politique dédiée en termes d’aide sociale à l’enfance. Matérialisée l’année suivante par la signature d’une convention avec l’État, qui octroie à la collectivité une compensation annuelle de 9.594.939 euros dès 2018. Une soupape financière conséquente devenue bien trop maigre au fil des ans, en raison notamment de l’ouverture de deux maisons d’enfants à caractère social (40 places) et de 15 lieux de vie d’accueil (132 places). Et du doublement du nombre de familles d’accueil sur la période (203 contre 92). « Fatalement, le budget a augmenté, du simple au triple », signale Abdou-Lihariti Antoissi, le directeur de la protection de l’enfance au conseil départemental.

Or, et c’est là que le bât blesse, si les capacités d’accueil s’élèvent à 826 en 2021, le nombre d’enfants placés est également en très nette augmentation avec pas moins de 909 jeunes. « Nous avons beau créer beaucoup de places, 550 pour être exact, mais nous avons toujours un delta négatif », souffle-t-il face à ce ratio. Et si le procureur de la République souligne le chemin parcouru – « vous êtes partis de rien et en dix ans, vous avez un organigramme et un ordre de marche » -, Yann Le Bris pointe du doigt les « difficultés structurelles ». À l’instar du manque d’assistants socio-éducatifs. « Quand un enfant est confié, l’objectif de la justice est qu’il ne soit pas confié ad vitam eternam. Or, en [leur] absence, le lien entre les familles d’accueil et les familles biologiques ne se fait plus. Il y a une rupture complète. » Idem pour les rapports demandés par les juges des enfants à la date d’échéance de la mesure.

 

Pas assez d’éducateurs formés sur le territoire

 

Sur ce point, Abdou-Lihariti Antoissi rappelle tout de même que le nombre d’éducateurs est passé de 22 à 38. « Dès qu’ils se présentent, ils sont embauchés de suite, à condition qu’ils soient diplômés. Nous voulons bien en recruter davantage, malheureusement, il existe un déficit [en termes de demandes] sur le marché », annonce-t-il pour défendre sa position. Conséquence : « Un éducateur doit suivre entre 25 et 30 enfants, au-delà c’est du bricolage… Chez nous, la moyenne est de 50. En sachant que plus de 200 enfants n’ont pas de référent au service placement ! »

Concernant la cellule de recueil des informations préoccupantes, le directeur de la protection de l’enfance reconnaît quelques couacs, malgré encore une fois l’augmentation des effectifs au cours des cinq dernières années. « Nous avons conscience que ce n’est pas suffisant. Les partenaires qui saisissent la CRIP n’ont pas toujours de retour, mais cela ne veut pas dire que le boulot n’est pas fait. » Alors pour y remédier, il compte lancer un appel à projets « mineurs non accompagnés » et confier aux associations l’évaluation de la minorité, de l’isolement et du danger ainsi que la mise à l’abri de 21 jours maximum.

 

Révision du budget alloué par la convention

 

Face à tous ces dysfonctionnements, Abdou-Lihariti Antoissi plaide pour une renégociation du montant alloué à Mayotte à l’occasion du renouvellement de la convention avec l’État l’an prochain. Avec un budget prévisionnel de l’ordre de 48 millions d’euros pour l’année en cours, l’aide sociale à l’enfance doit déjà trouver de nouvelles sources de financement, comme la contractualisation, pour rentrer dans les clous. « L’enveloppe s’épuise : avec le solde restant de 15 millions d’euros, nous sommes à 24 millions d’euros. Et ce sera pire en 2022 car nous n’aurons plus rien dans les caisses », interpelle le directeur. Sans compter la prochaine prise en charge des femmes enceintes et des mères d’enfants de moins trois ans isolées.

Alors pour y arriver, l’heure est au consensus entre le Département et l’État. « Il faut qu’ils se mettent d’accord sur une clé de répartition. Si nous voulons faire de la qualité en respectant les textes, cela coûte cher. » Mais indépendamment de l’aspect financier, deux problématiques majeures restent à régler selon la collectivité. La porosité des frontières en amont : « 80% des enfants suivis sont liés à l’immigration. » Le désengorgement du territoire, en aval, au nom de la solidarité nationale. « Nous devons stopper l’hémorragie pour continuer à exercer cette mission avec fierté », insiste Issa Issa Abdou, le vice-président en charge de l’action sociale, qui se projette déjà sur la prochaine mandature en bon candidat aux élections départementales du mois de juin.

Gestion de crise : « Il faut deux cycles d’incubation pour analyser les conséquences de la levée du confinement à Mayotte »

-
gestion-de-crise-deux-cycles-incubation-analyser-consequences-levee-confinement-mayotte

Depuis le 15 mars, le 101ème département sort progressivement de ses cinq semaines de confinement. Si les taux de positivité et d’incidence retrouvent des standards nationaux, la tension en réanimation reste encore élevée. Malgré tout, le centre hospitalier de Mayotte reprend petit à petit ses activités. Dans les prochains jours, les services des urgences et de médecine doivent reléguer le Covid au second plan et retrouver un semblant de normalité. Entretien avec Christophe Caralp, chef du pôle Ursec et directeur médical de crise depuis le 28 février.

Flash Infos : Les cinq semaines de confinement semblent porter leurs fruits si l’on regarde les chiffres du Covid, avec des taux d’incidence et de positivité de respectivement 110.6 et 8% au 23 mars 2021. Ces baisses drastiques se ressentent-elles également au sein du centre hospitalier de Mayotte, en l’occurrence aux urgences et en médecine, des services fortement mobilisés en plein cœur de la crise ?

Christophe Caralp : Depuis la levée du confinement, nous avons une reprise modérée de nos activités ! L’an dernier, nous avions attendu trois semaines pour retrouver les maladies infectieuses, les accidents vasculaires cérébraux et les traumas. Aujourd’hui, l’impact du virus sur le Samu et les urgences est faible. D’où notre intention de fermer dès lundi prochain la filière consacrée au Covid-19.

Idem en médecine. L’unité A4 mise à disposition pour accueillir des patients positifs va rendre ses lits à la chirurgie orthopédique. Tandis que les unités A1 et A3 vont retrouver leur configuration classique, à savoir la médecine classique. À partir du début de semaine prochaine, il n’y aura plus que dix lits dédiés au Covid. Actuellement, nous avons une vingtaine de malades Covid en médecine, dont un seul a une forme respiratoire avec un besoin d’oxygène. Les autres en sont sevrés : il faut simplement s’occuper d’eux, le temps que leurs pathologies se stabilisent.

FI : Par contre, en réanimation, cela semble plus compliqué d’envisager un retour normal à court terme étant donné que la durée moyenne de séjour d’un Covid est beaucoup plus longue (21 jours)…

C. C. : À ce jour [mercredi 24 mars au soir], sur les 19 patients en réanimation, 14 sont des Covid. Pour un tiers d’entre eux, ils sont entre 7 et 15 jours d’hospitalisation, contre plus de trois semaines pour deux tiers. Mais la situation s’améliore également du point de vue de nos capacités. Nous avons donc lancé un plan de normalisation capacitaire qui consiste à fermer progressivement les lits temporaires ouverts pour revenir petit à petit aux 16 lits classiques du service.

La salle de réveil opératoire n’accueille plus aucun patient Covid depuis 12 jours maintenant. Tandis que le service de santé des armées vient de diviser son nombre de lits. Et un tiers du personnel quitte Mayotte dans 24 heures. Les autres effectifs restent jusqu’au 4 avril. À l’heure actuelle, trois patients utilisent leurs cinq lits restants. Ils n’ont pas eu de nouvelles entrées depuis six jours.

Nous nous donnons 15 jours, période à l’issue de laquelle nous espérons lever le plan blanc. Mais, je le dis et le répète, la réanimation reste encore sous tension… Nous ne sommes pas encore sortis d’affaire ! Par contre, si les habitants continuent d’appliquer scrupuleusement les gestes barrières, nous pourrons retrouver une activité globalement normale.

FI : Avec la réouverture des écoles et l’approche du ramadan, ne craignez-vous pas un rebond de l’épidémie alors que tous les renforts envoyés à Mayotte plient progressivement bagages ?

C. C. : Concernant les renforts, je rappelle que le service de santé des armées devait, à l’origine, ne rester que six semaines. Grâce aux négociations du CHM et de l’ARS, nous avons réussi à grapiller quelques jours supplémentaires. Sans eux, cela aurait été compliqué ! Tandis que l’ESCRIM (élément de sécurité civile rapide d’intervention médicalisée) a passé le relais lundi matin aux équipes de l’hôpital de Petite-Terre. La permanence de soins située au rez-de-chaussé fonctionne normalement. Et la maternité devrait migrer de Dzaoudzi d’ici peu. Par contre, l’étage est encore travaux le temps de lever la fin des réserves dans le but d’ouvrir pour la 2ème ou 3ème semaine d’avril les six lits de soins de suite et de réadaptation. Pour la réserve sanitaire, les rotations devraient s’arrêter très prochainement au vu de l’amélioration ici et des besoins dans certains autres territoires.

Pour ce qui est d’un éventuel rebond, nous considérons qu’il faut deux cycles d’incubation pour pouvoir analyser les conséquences de la levée du confinement, c’est-à-dire deux fois dix jours. Nous pourrons donc voir ses effets d’ici la fin de la semaine. Aujourd’hui, c’est un optimisme modéré qui m’habite ! Deux éléments me poussent toutefois à garder confiance en l’avenir : l’immunité collectivité de la population (19.224 cas ont été confirmés depuis le début de l’épidémie) et surtout la vaccination. J’encourage d’ailleurs le maximum d’habitants à se faire vacciner pour éviter une nouvelle vague à la sortie du ramadan…

50 propositions pour réformer le système de santé à Mayotte

-
50-propositions-reformer-systeme-sante-mayotte

Le mouvement Le Temps d’Agir, présidé par Soula Saïd Souffou, vient de publier un plan de la santé des Mahorais. Il regroupe 50 propositions visant à développer le système de santé à Mayotte. L’installation d’un centre hospitalier universitaire semble être l’une des principales solutions.

50-propositions-reformer-systeme-sante-mayotteLa santé, un sujet encore épineux à Mayotte. Nombreux sont ceux qui pointent du doigt le fonctionnement du centre hospitalier de Mayotte, dénoncent le désert médical de l’île ou encore ré-clament la formation de médecins mahorais. Le comité de réflexion du mouvement Le Temps d’Agir s’est penché sur toutes ces questions et 50 propositions découlent du travail fait pendant des mois. Le membres du parti ont fait une série de consultations auprès des organisations syndicales, des professionnels de santé qui travaillent au CHM et dans le privé. Ils ont également interrogé des patients et d’autres qui ont pu bénéficier de l’évacuation sanitaire. “De façon unanime, la population dit que le système actuel doit évoluer. L’essentiel des personnes pensent que nous devons avoir un nouvel hôpital mais aussi un centre hospitalier universitaire”, annonce Soula Saïd Souffou, président du mouvement.

Le potentiel centre hospitalier universitaire de Mayotte paraît d’ailleurs comme la principale solution pour mettre un terme à tous les dysfonctionnements du système de santé mahorais. Et le candidat déchu à la mairie de Sada balaye d’un revers de la main tous les avis qui s’y opposent. “Nous avons entendu les critiques contre le CHU au motif que beaucoup de départements d’Outre-mer n’en ont pas, mais devons-nous nous enorgueillir ? C’est un échec pour la République. Il existe des départements qui ont à peu près la même population que Mayotte et qui sont dotés de CHU. Alors pourquoi il n’y en aurait pas chez nous ?”, s’étonne l’ancien DGS de la mairie d’Acoua. Selon lui, la pérennisation des évacuations sanitaires n’a que trop duré. Elles devraient être l’exception et non la règle. Mais Soula Saïd Souffou est réaliste et sait que cet hôpital ne pourra être créer du jour au lendemain. Il propose alors de mettre en place un calendrier sur le long terme. “La programmation du CHU doit se faire dès maintenant pour que nous sachions dans combien d’années il sera effectif. L’échéance devrait être de dix à quinze ans, au plus tard vingt ans.

 

Former des médecins mahorais, une urgence

 

Le président du mouvement Le Temps d’Agir propose ce laps de temps pour une raison très simple. Des professionnels de santé mahorais devraient exercer dans ce futur CHU de Mayotte et la formation d’un médecin dure environ dix ans. Et selon lui, l’agence régionale de santé doit mettre en place une stratégie efficace. “Chaque département négocie avec les facultés de médecine pour qu’il y ait un quota d’étudiants qui passent en deuxième année. L’ARS n’a négocié avec aucune université, cela n’est pas normal”, s’indigne-t-il. Et si cela ne fonctionne pas, une autre solution serait également envisageable. “Les étudiants peuvent aller se former dans d’autres pays européens comme la Roumanie qui n’a pas ce problème de numerus clausus. Et les études que nous faisons dans ces pays sont reconnues par la France.

Mais avant de pouvoir être soigné par ces futurs médecins mahorais, il faudra faire preuve de patience et gérer un autre problème plus urgent, le fameux désert médical. Malgré les salaires souvent très élevés des médecins qui s’installent à Mayotte, l’île peine à en recruter et à les faire rester. Le remède de ce problème se trouve peut-être en dehors de la France. “Pourquoi nous n’allons pas chercher des médecins dans d’autres pays européens comme en Suisse, en Belgique, en Roumanie ? Ces pays forment les médecins dans les normes internationales et européennes. Nous pouvons aussi aller recruter dans les pays voisins de la région, comme à Madagascar ou à Maurice où leurs médecins vont se former en Europe”, propose Soula Saïd Souffou. Encore faudrait-il qu’ils acceptent de venir à Mayotte…

“Il n’y a pas de volonté de développer la santé à Mayotte”

Le mouvement Le Temps d’Agir a pris le temps d’élaborer un plan détaillé pour améliorer le système de santé de Mayotte, une tâche qu’aurait dû effectuer l’ARS du territoire. “L’ARS existe de-puis trois ans, à Mayotte elle est de plein exercice depuis plus d’un an, alors pourquoi elle n’a pas fait de plan de santé ? Et le Covid-19 n’est pas une excuse, parce que cela n’empêche pas de réfléchir. Il n’y a juste pas de volonté de développer la santé à Mayotte”, accuse le président du groupe. Preuve en est, l’île fait toujours partie du plan régional de santé de l’Océan indien, partagé avec La Réunion.

Ou encore le silence radio de la part de l’ARS et de la préfecture à la réception du plan provenant du mouvement. “Nous avons envoyé ce document au président de la République et au gouverne-ment, le ministère des Outre-mer nous a remercié de la réflexion que nous avons menée, alors qu’ici, ni le préfet ni la directrice de l’ARS n’ont eu cette courtoisie”, raconte Soula Saïd Souffou. À cela s’ajoute le fonctionnement de l’agence régionale de santé qui n’aurait pas utiliser la totalité du budget qui lui est alloué. “Il y a un excédent de six millions d’euros. Une institution du service public n’a pas à faire d’excédent, elle doit utiliser tout l’argent à sa disposition en investissant”, rappelle le président du mouvement. Malgré son coup de gueule, Soula Saïd Souffou espère tout de même avoir un retour des autorités compétentes pour commencer le début d’un travail laborieux mais vital à Mayotte.

? 50 propositions pour réformer le système de santé de Mayotte

6 ans, 4 collèges, un lycée et un service sur les rails plus tard : le “M. Bâtiment” du rectorat quitte son poste “l’esprit serein”

-
6-ans-4-colleges-1-lycee-1-service-mayotte-monsieur-batiment-rectorat-quitte-son-poste

Il a passé six ans au rectorat de Mayotte pour structurer son service de maîtrise d’ouvrage. Le directeur du pôle immobilier et logistique, Blaise Tricon, s’envolera au mois de mai pour le Nord, où il prendra ses nouvelles fonctions au conseil départemental. Il revient pour Flash Infos sur son bilan à la tête de ce service clé pour le 101ème département, confronté à une démographie galopante et qui manque encore de quelque 800 classes pour accueillir tous les élèves.

6-ans-4-colleges-1-lycee-1-service-mayotte-monsieur-batiment-rectorat-quitte-son-poste

Flash Infos : Vous partez après six ans passés à organiser le service maîtrise d’ouvrage du rectorat. Quel était l’état du parc immobilier et de ce pôle à votre arrivée ?

Blaise Tricon : C’était une division assez embryonnaire. Pour vous donner une idée, à l’époque, nous étions cinq et nous sommes passés à 16 personnes dans le service. Cette situation d’origine était aussi liée au fait que la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement pilotait les opérations de construction pour le compte du rectorat. Depuis, la Deal s’est focalisée sur le premier degré, et de notre côté, nous avons renforcé les équipes en interne pour les collèges et les lycées. En parallèle, nous avons mis en place de nouveaux outils. Quant au parc immobilier en lui-même, il s’est rajeuni, dans la mesure où nous avons livré quatre collèges et un lycée, pour un total de 32 établissements. Et nous avons aussi rénové pas mal de structures de type béton, très caractéristiques du courant des années 2000, comme le collège de Dembéni et de Passamaïnty. En 2015, certains de ces établissements étaient dans un assez mauvais état…

FI : Vous parlez de nouveaux outils. Justement, qu’avez-vous mis en place d’un point de vue technique et humain pour professionnaliser le service immobilier du rectorat ?

B. T. : Vous touchez du doigt le cœur de ma fonction ! En tant que directeur de pôle, la première étape a été de bien distinguer deux entités : d’un côté, celle de la maintenance, de la gestion du patrimoine, sorte de S.A.V. où vous êtes la tête dans le guidon, pour réparer, pour répondre à la demande constante ; de l’autre, celle du pilotage des projets de constructions et de réhabilitations, qui a une vision stratégique et qui met en œuvre le plan d’investissements de 334 millions d’euros sur la période 2019-2022. Ce qui n’enlève en rien à l’utilité et la complexité de la première, entendons-nous bien : nous avons quand même à gérer les huit plus gros collèges de France, entre autres. J’ai donc recruté deux adjoints pour ces deux départements, ce qui déjà est une organisation en soi. Après il a fallu faire un diagnostic de notre patrimoine, ne serait-ce qu’en termes de surface. Cela peut sembler trivial, mais quand je suis arrivé, nous étions tellement dans l’urgence de répondre aux besoins du territoire que nous n’avions pas pris le temps de nourrir notre connaissance, tant sur les aspects quantitatif que qualitatif. Depuis, nous avons mis en place un réseau de maintenance avec les 32 gestionnaires d’établissements et nous avons fait un groupement de commandes ce qui nous a permis de passer un marché à bons de commande, sur lequel nous avions beaucoup communiqué il y a deux ou trois ans. L’idée était de permettre à des entreprises de toutes tailles de travailler avec nous. Aujourd’hui, nous avons des partenaires dans la durée, qui peuvent répondre de manière rapide à nos besoins. Nous avons externalisé beaucoup de compétences sur des acteurs économiques du territoire, dans une logique de développement du tissu économique local. Rien que pour cette partie patrimoine, nous parlons d’environ 9 à 10 millions d’euros par an de commande publique, ce n’est pas négligeable !

FI : Qu’en est-il du deuxième département, axé sur les constructions et la stratégie, comment s’est-il développé ?

B. T. : Nous avons une philosophie, valable pour les deux services, mais qui s’applique d’autant plus pour ce deuxième département. Pour les projets immobiliers du rectorat, nous avons deux piliers. Celui de la qualité environnementale, avec cette notion de frugalité, c’est-à-dire viser à être économe aussi bien dans les matériaux choisis que dans l’énergie, et dans la technicité des bâtiments, où nous favorisons le rôle de l’usager plutôt que des systèmes automatisés. Le deuxième pilier, c’est la co-construction des projets, qui vise à associer le plus possible les parties prenantes, que ce soient les enseignants, la communauté éducative mais aussi les élèves, les riverains… ce que nous appelons la maîtrise d’usage. Je pense par exemple aux équipements sportifs, la salle polyvalente du lycée Mamoudzou Nord, ce genre d’espaces qui peuvent être ouverts en dehors du temps scolaire.

FI : Par rapport au tissu économique local : depuis six ans, avez-vous vu changer le paysage des entreprises présentes à Mayotte et cela a-t-il facilité le développement des projets en vous évitant d’avoir à recourir à des entreprises métropolitaines, éloignées du terrain ?

B. T. : En réalité, déjà en 2015, il y avait quand même de l’ingénierie à Mayotte. Nous n’avons jamais été confronté à une situation où nous ne pouvions faire appel qu’à des entreprises de métropole. Néanmoins, petit à petit, le paysage a un peu évolué à différents niveaux. Nous avons des architectes qui se sont installés, qui ont ouvert des agences. Il faut dire aussi que nous avons lancé des projets avec comme condition pour les prestataires de s’installer à Mayotte, ce que certains ont fait, par exemple pour le lycée du bâtiment ou celui de Chirongui. Tout cela est venu souffler un vent nouveau, et a été bénéfique même pour les architectes déjà présents sur le territoire, qui ont été poussés à innover. Bien sûr, cela n’empêche pas que le tissu économique mahorais conserve certains monopoles, duopole ou triopole indéboulonnables. Mais j’ai bon espoir que cela évolue aussi, car nous lançons des marchés globaux de performance qui pourront peut-être inciter des entreprises de La Réunion ou de métropole à apporter une offre de concurrence. D’autant que la commande publique va exploser avec le plan de convergence à 1,8 milliard d’euros.

D’ailleurs, pour le département constructions, nous avons fait appel à trois sociétés qui viennent compléter les effectifs et prêter main forte aux responsables de projets du rectorat : Algoé, Setech et le réseau Scet qui est partenaire de la Sim. Ces trois groupes nationaux viennent renforcer notre ingénierie, notamment sur un métier qui n’existait pas à Mayotte, celui du management de projet et du pilotage d’opérations. C’est un plus pour l’avenir.

FI : Grâce à cette nouvelle organisation, les projets du rectorat avancent. Mais au vu de l’évolution démographique, comment gagnez-vous du temps en attendant les livraisons ? Et surtout, comment vous adaptez-vous compte tenu des projections qui peuvent se révéler caduques le moment venu ?

B. T. : C’est vraiment notre combat, si j’ose dire. Accompagner la démographie de sorte que les conditions d’enseignement restent correctes. Sur les prévisions, toutefois, il est rare qu’elles soient totalement fausses. Mais il est vrai qu’un établissement prend environ cinq ans à sortir de terre. Difficile de faire plus court ! Avec des projections sur les évolutions d’effectifs à un ou deux ans, nous arrivons à anticiper grâce à une stratégie toute simple, qui consiste à créer des extensions. Nous avons mis en place un système sur la base de préfabriqués de type Algeco. Il s’agit d’une salle que l’on peut reproduire assez facilement. Vous pouvez en voir au lycée Bamana, ou encore à Iloni devant le stade. Ces salles sont assez qualitatives, avec une bonne température, une bonne acoustique, de quoi répondre aux exigences pédagogiques. J’ai justement fait un bilan : depuis 2019, nous avons livré 111 salles préfabriquées dans les lycées et 79 dans les collèges.

FI : Pour conclure sur votre bilan, après six années à la tête de ce service, quelle est votre plus grande fierté ?

B. T. : Le lycée du bâtiment ! Nous avons réussi à cristalliser dans un projet toutes les préoccupations précédemment évoquées : le développement durable, la frugalité, la co-construction… Par exemple, l’association des élèves du lycée de Dzoumogné dans les filières du bâtiment a participé activement à la conception de ce lycée. Ils ont aussi participé à la mise en place du faré qui sert de démonstrateur pour ce projet. Il est lui-même construit à partir de matériaux de récupération, issus de la mairie de Sada. Avec ce projet – et je tiens d’ailleurs à rendre hommage au travail précieux de l’agence d’architectes Encore heureux – nous avons posé ensemble les bases de ce que sera la construction de Mayotte demain.

FI : Déçu de ne pas pouvoir le voir en vrai ?

B. T. : C’est rare de voir un projet de A à Z ! J’ai la chance de pouvoir quitter mon poste l’esprit serein, en laissant derrière moi une équipe motivée et compétente, qui continuera sur cette lancée.

Lutte contre le cancer à Mayotte : Pour Feika, “même si ce n’est pas évident, on peut s’en sortir”

-
lutte-contre-cancer-mayotte

Être diagnostiqué avec un cancer à Mayotte rime souvent avec un départ pour la métropole ou La Réunion. Toutefois, le service d’oncologie devient de plus en plus performant sur l’île aux parfums. Feika* a donc pu faire une partie de son suivi ici, au CHM. Elle nous raconte son expérience.

« J’ai été diagnostiquée en 2017 et je suis partie en métropole pour l’opération. Les infirmières en oncologie du CHM m’avaient conseillé de tout commencer là-bas et ensuite de venir suivre ici le protocole de soin. » Diagnostiquée avec un cancer du sein, Feika n’a pas pu se faire opérer sur Mayotte. Cette année-là, le CHM ne comptait pas encore d’oncologue dans ses rangs. Elle a donc rejoint l’Hexagone, toutefois, il lui tenait à cœur de rentrer sur son île où elle habite « depuis plus de trente ans ».

« Si j’avais pu me faire soigner entièrement à Mayotte, je serais restée ici », assure Feika. Selon elle, le service ne fait que s’améliorer à l’hôpital de Mamoudzou. « L’équipe est super, je fais mon suivi là-bas, je suis toujours très bien reçue et il y a un médecin maintenant ! » C’est le docteur Oddou dont parle Feika, la première médecin spécialisée dans l’oncologie du CHM, arrivée en 2019. Une première étape pour un meilleur suivi des soins et l’ombre d’un développement encore plus grand du service.

 

Manque de moyens sur l’île

 

Pour Feika, ce sont les accompagnements pour les malades qui manquent le plus à Mayotte. « On perd ses cheveux, et ça, pour une femme, c’est très dur. » Elle raconte que pendant les traitements, pour que les patients gardent le moral, l’hôpital en métropole leur offrait des bons pour des soins, des esthéticiens venaient sur place. « Il s’appelait Guillaume, notre esthéticien, et ça nous faisait du bien, on se sent bien quand on sort de chez le coiffeur ou de l’institut et c’est dommage qu’il n’y ait pas encore ça à Mayotte. »

L’autre manque qu’elle déplore est celui de la prévention. « Quand je suis tombée malade, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. » Elle remarque toutefois que les associations se mobilisent de plus en plus pour la sensibilisation au cancer, « ainsi que l’ARS et la Sécurité Sociale ». Même si elle regrette que le tabou ne se lève pas plus rapidement.

 

Garder le moral pour s’en sortir

 

Pour elle, le plus important pendant la maladie était de garder le moral. Elle s’estime heureuse d’avoir pu être soignée en métropole, entourée de sa famille. « Là-bas, des associations, des groupes de musiciens et d’anciennes malades vviennent vous voir pendant le traitement pour chanter, pour nous soutenir, et ça c’est très agréable », confie Feika. Elle aimerait que ce genre d’initiative puisse être pris à Mayotte. Et si elle n’a pas personnellement ressenti le besoin d’avoir un suivi psychologique, elle pointe du doigt le fait qu’il n’y ait pas de service dédié à l’aide psychologique pour les malades du cancer au CHM.

Si Feika tenait à témoigner aujourd’hui, c’est aussi pour rappeler à quel point il est important de se souvenir que « même si ce n’est pas évident, on peut s’en sortir ». Prochainement, des groupes de parole devraient être mis en place ainsi que des journées “bien-être”, offertes aux malades par le biais de l’association Amalca. Si tous ces projets sont en pause, en raison de la situation sanitaire actuelle, l’ancienne malade espère que de plus en plus de gens se sentiront concernés.

*Le prénom a été modifié.

Nouvelles infrastructures sportives : Mayotte cherche l’excellence

-
nouvelles-infrastructures-sportives-mayotte-cherche-excellence

Dans une volonté d’accueillir les Jeux des Îles 2027 et afin d’améliorer les infrastructures des sportifs mahorais, plusieurs grands chantiers poussent comme des champignons dans la ville de Mamoudzou. Petit à petit, les plateaux couverts prennent forme et un gymnase se dessine même à M’gombani. Et si les travaux ont pris un peu de retard à cause de la crise sanitaire, les plannings seront bel et bien respectés.

« Nous avons utilisé un procédé assez novateur avec la toile, qui laisse passer la lumière mais pas la chaleur », souligne Stéphane Aimé, le fondateur de Tand’m architectes, en charge de trois projets sportifs structurants sur la commune de Mamoudzou. Oui, les toits que vous pouvez apercevoir en passant à M’tsapéré ou à Kawéni sont faits de cet élément de textile technique. Un procédé adapté au climat mahorais, qui évitera aux joueurs d’avoir trop chaud, à l’instar du gymnase de Petite-Terre. Et qui est surtout gage d’économie par rapport au béton, un matériau extrêmement coûteux sur l’île aux parfums.

Commencés en août 2020, les travaux avancent à vitesse grand V, comme le fait remarquer l’architecte. « Nous avons dû faire des plannings décalés pour nous adapter aux prestataires présents sur l’île et aux moyens de stockage, mais le chantier de Kaweni est en train de rattraper celui du Baobab. » Pas installée il y a encore une semaine de cela, la couverture du premier équipement se distingue désormais à plusieurs encablures. Idem à quelques kilomètres de là où la construction du second plateau se passe comme sur des roulettes avec un revêtement déjà lissé et des câbles électriques tirés pour accueillir les lumières. L’installation du portail laisse d’ailleurs présager une ouverture imminente.

 

Un vrai plus sur le plan sportif

 

Des infrastructures adaptées aux besoins de l’île. Voilà ce que réclament les sportifs depuis un moment à Mayotte. Basketteurs, handballeurs et volleyeurs doivent se plier continuellement à la météo. Avec en cas de pluie, des matchs ni plus ni moins annulés et reportés ! Et donc des calendriers chamboulés à de nombreuses reprises tout au long de l’année. Alors pour les comités de sports collectifs, ces futures installations sont les bienvenues aussi bien en termes d’organisation que de performance.

Jouer sur ces nouveaux terrains doit de facto apporter moins d’inconvénients aux joueurs. Non seulement, le sol sera entièrement plat, puisque la pluie n’aura plus à être évacuée. Mais en prime, l’espace entre les murs et le toit permettra à l’air de passer et de rafraîchir les terrains. Seule différence entre les deux équipements ? La présence de gradins pour accueillir des spectateurs à Kawéni. Dernier chantier en cours de réalisation dans la ville chef-lieu : celui de Vahibé, qui doit débuter incessamment sous peu.

 

Le plateau de M’gombani, coeur et âme du quartier

 

Si les sportifs réalisent avant l’heure la chance de s’entraîner dans les mêmes conditions que les autres athlètes métropolitains, ils ont peur de perdre l’âme chaleureuse de leurs anciens plateaux. Véritables figures de proue ou plutôt poumons de leurs quartiers respectifs. « Ce sera cool, mais ça ne sera pas comme avant », lâche un brin nostalgique l’un des joueurs de TCO, le club de basket de M’gombani. « Déjà, il y aura des horaires, nous ne pourrons plus jouer quand bon nous semble. Et puis, tout le monde ne viendra pas sur le plateau, alors qu’avant nous nous y retrouvions tous. »

Des dizaines de personnes s’y retrouvent quotidiennement pour jouer, échanger, ou encore se balader avec les enfants… Bien plus qu’un simple lieu réservé aux sportifs, il est le point de rendez-vous de tous les habitants, à l’image des jours de match. L’ambiance créant un engouement autour des équipes sportives. À M’gombani, le plateau doit laisser place à un gymnase, un chantier encore plus grand que la couverture d’un plateau. Des changements d’envergure qui risquent bien de leur coûter quelques plumes au passage… “Y a des gens qui n’oseront plus venir c’est sûr, et c’est dommage. Nous avons l’habitude d’avoir beaucoup de public ici”, regrette déjà un handballeur de TCO.

Si les habitués du plateau sont quelque peu déçus de perdre un lieu de vie aussi emblématique, ils comprennent les enjeux sportifs. D’autant plus qu’ils auront la fierté d’être au plus proche du terrain pour accueillir les Jeux des Îles !

Accompagner les entreprises de Mayotte à la reprise économique, le nouveau défi de Marjorie Paquet

-
accompagner-entreprises-mayotte-reprise-economique-nouveau-defi-marjorie-paquet

Nommée commissaire à la vie des entreprises et au développement productif de Mayotte le 15 mars dernier, Marjorie Paquet suit la mise en œuvre des politiques de l’État en faveur des entreprises ultramarines, notamment celles fragilisées par la crise sanitaire qui vont avoir besoin d’un soutien avant de pouvoir redémarrer une activité pérenne. Pour Flash Infos, l’ancienne directrice de la Dieccte revient sur ses différentes missions.

Flash Infos : Vous avez été nommée commissaire à la vie des entreprises et au développement productif de Mayotte en début de semaine dernière. Quelle est votre fiche de poste ?

Marjorie Paquet : Tout d’abord, il faut savoir que ce poste existe dans chaque territoire ultramarin. À Mayotte, il était vacant depuis le départ de mon prédécesseur en octobre 2020. Le commissaire est placé sous l’autorité du préfet et est positionné auprès du secrétaire général pour les affaires régionales. Je travaille avec les chargés de mission en charge du développement économique et avec les services déconcentrés de l’État dans le but de mobiliser les dispositifs de soutien existants mais aussi de conduire à l’émergence de nouveaux mécanismes tant au niveau local que national, avec par exemple la direction générale des entreprises et la direction générale des outre-mer.

FI : De quelles missions allez-vous vous occuper en priorité ?

M. P. : Disons que j’ai trois missions principales. La première est l’accompagnement des entreprises qui rencontrent des difficultés conjoncturelles et structurelles, en partenariat étroit avec le comité départemental d’examen des problèmes de financement des entreprises. Le CODEFI a été réactivé au tout début de la crise et regroupe la direction régionale des finances publiques (Drfip), la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM), l’institution d’émission des départements d’Outre-mer (Iedom), la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Dieccte) et les douanes pour apporter une réponse coordonnée.

La seconde est l’accompagnement des entreprises sur leurs problématiques de financement liées à leurs projets d’investissement. Pour cela, j’ai un rôle de facilitateur auprès des institutions, bancaires notamment.

La troisième est le soutien à la structuration des filières avec le Département et les services déconcentrés de l’État, avec lesquelles j’ai été amenée à travailler lors de mon passage à la tête de la Dieccte. Prenons l’exemple de la filière agricole : la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Daaf) est l’interlocuteur privilégié, mais le commissaire contribue à ces travaux car il a une connaissance des entreprises concernées.

FI : Avec la crise sanitaire, vous avez un rôle d’autant plus important que certains secteurs d’activités souffrent de fermetures partielles ou complètes depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

M. P. : L’objectif avec les partenaires est évidemment d’accompagner les entreprises fragilisées par la crise qui vont avoir besoin d’un soutien avant de pouvoir redémarrer une activité pérenne. Il va falloir créer collectivement des conditions favorables à la reprise économique mais aussi adapter des réponses aux spécificités de chacun pour maintenir l’emploi. Après, certains secteurs ont été moins impactés, à l’image du BTP pour qui les arrêts ont été de courte durée en raison, notamment, de la commande publique. D’autres, comme l’hôtellerie, le tourisme ou encore le commerce, ont rencontré davantage de difficultés. Malgré tout, la dynamique des créations d’entreprise n’a pas fléchi en 2020.

Polyhandicap : le CHM et l’ALEFPA signent une convention pour mieux prendre en charge les enfants et personnes fragiles à Mayotte

-
polyhandicap-chm-alefpa-convention-mieux-prendre-en-charge-enfants-personnes-fragiles-mayotte

Alors que Mayotte manque toujours cruellement de structures pour assurer l’accompagnement des personnes en situation de handicap, l’ALEFPA, association reconnue d’utilité publique, entend poser ses valises dans le 101ème département. Une convention de partenariat a été signée ce mardi avec le centre hospitalier de Mayotte.

Une signature sobre mais une étape que l’on espère clé pour la prise en charge du handicap sur l’île aux parfums. Ce mardi, le centre hospitalier de Mayotte (CHM) et l’association laïque pour l’éducation, la formation, la prévention et l’autonomie (ALEFPA) ont scellé un partenariat qui doit faciliter l’implantation de cette structure de l’économie sociale et solidaire dans le 101ème département. “Nous attendons avec impatience cette coopération entre le CHM et l’ALEFPA qui va permettre d’améliorer l’offre de soins sur Mayotte”, a salué le Dr Hervé Apere, vice-président de la commission médicale d’établissement (CME) et chef de pôle au service pédiatrie, qui a rappelé “le déficit” que connaît le territoire “par rapport à ce sujet du handicap chez l’enfant et l’adolescent.

polyhandicap-chm-alefpa-convention-mieux-prendre-en-charge-enfants-personnes-fragiles-mayotteCette nouvelle convention va permettre aux entités de travailler de concert, à deux niveaux. D’une part, le CHM met à disposition de l’association ses locaux disséminés partout sur le territoire, selon un calendrier et des créneaux à définir, “ce qui nous permettra d’être au plus près des familles”, déroule Aïcha Boukir Haremza, la directrice adjointe de l’association. D’autre part, l’hôpital donne accès aux structures médicales, pour permettre aux équipes de l’association d’être réactives et de proposer des recours pour des patients potentiels. En résumé, “mettre en commun nos forces pour améliorer et développer la prise en charge et les circuits pour ces patients”, a complété la directrice du CHM, Catherine Barbezieux.

 

Complémentarité des compétences et formations

 

En effet, les personnes fragilisées par un ou plusieurs handicaps peuvent à tout moment nécessiter des soins. “Le polyhandicap est une source de grandes difficultés, il faut prendre en compte le besoin de proximité des familles, la possibilité d’accéder à un réseau de centres de soins, la formation, les locaux, la prise en charge…”, a confirmé le président de l’association Michel Caron. “Ce qui nécessite la complémentarité des compétences et des talents entre le CHM et l’ALEFPA.” En plus de cette coopération dans la prise en charge, l’ALEFPA va proposer des actions de formation et de sensibilisation pour le personnel hospitalier. Un point non négligeable alors que cette question du handicap reste “assez peu mise en avant” dans les formations médicales.

 

Un nouveau centre de 57 places

 

Mais cette coopération constitue surtout un tremplin. Avec plus de 200 établissements dans 19 départements de France métropolitaine et d’Outre-mer, l’association élargit ainsi son palmarès et met un pied de plus dans l’océan Indien. “Il était temps que nous nous engagions à vos côtés pour répondre aux besoins de Mayotte, et nous serons là durablement”, a promis le président. Si dès cette année, une équipe mobile constituée de professionnels (infirmiers, ergothérapeute, psychomotricien, kinésithérapeute, psychologue…) va commencer l’accompagnement et la prise en charge des enfants et parents orientés par la MDPH, l’association entend surtout faire sortir de terre son propre établissement. La première pierre de ce nouveau centre, qui doit accueillir à terme 57 enfants et adolescents polyhandicapés, sera posée à Dembeni au cours du second trimestre de cette année, pour une livraison attendue début 2023, sauf aléas.

Pour Issa Issa Abdou, président du conseil de surveillance du CHM et vice-président du conseil départemental, cette signature s’inscrit pleinement dans “la compétence qui est la première du Département”. “Il y a eu la départementalisation en 2011 et le coup d’après c’était de mettre en place les dispositifs de droit commun, tout particulièrement dans ce champ du médico-social”, a précisé l’élu, qui en a profité pour rappeler les avancées réalisées au cours de cette mandature qui s’achève, comme les trois PMI inaugurées récemment. Avant d’oser un trait d’esprit, non sans un fond de vérité : “Quand je serai réélu, cela sera l’occasion de poursuivre sur cette lancée.” Le changement, c’est maintenant !

Lutte contre le cancer : Un sous-développement tumoral à Mayotte

-
lutte-contre-cancer-sous-developpement-tumoral-mayotte

Ils représente la deuxième cause de mortalité à travers l’île. Pourtant, du dépistage à la prise en charge, le traitement des cancers à Mayotte présente encore de nombreuses lacunes. Bonne nouvelle toutefois, associations et services médicaux se mobilisent de plus en plus pour pouvoir prévenir et endiguer la maladie.

Dans le monde, un homme sur cinq et une femme sur six développeront un cancer au cours de leur vie, estime Santé Publique France. En France d’ailleurs, le cancer est la première cause de mortalité chez l’homme, la deuxième chez la femme. « On estime que 3.8 millions de personnes vivent en France aujourd’hui avec un diagnostic de cancer », considère à son tour la fondation ARC pour la recherche sur le cancer. Il devient alors urgent, urgent de prévenir, de guérir, de sensibiliser, de soigner. D’autant plus dans le 101ème département, le seul du pays à ne pas être doté de son propre centre de coordination des dépistages des cancers, qui permet notamment de dégager des statistiques précises. Et en la matière, il n’est pas le seul à faire défaut sur le territoire.

À Mayotte, le cancer représente la deuxième cause de mortalité. Pourtant, aujourd’hui encore, « on n’a pas accès à toutes les thérapies localement », introduit le docteur Anne Wanquet, hématologue de formation, amenée à travailler en oncologie depuis son arrivée au CHM. À l’heure actuelle, seule la chimiothérapie peut être prodiguée sur place. Mais la chirurgie et la radiothérapie, souvent indiquées en complément, nécessitent, elles, l’évacuation des patients vers La Réunion ou la métropole. Celles-là même où sont envoyés les prélèvements biologiques, entre autres, permettant de déceler la présence de cellules cancéreuses, faute d’équipements adaptés sur place.

 

Dépistage tardif, prise en charge tardive

 

Les lacunes ne se limitent pas à la prise en charge. Elles touchent aussi le dépistage. Si « des projets sont en cours », comme le reconnaît le docteur Wanquet, le seul travail des associations, portées en tête par Rédéca, ne saurait suffire pour s’aligner au niveau métropolitain. En conséquence, l’âge recommandé du premier frottis – examen gynécologique permettant de dépister le cancer du col de l’utérus, le plus répandue chez les femmes mahoraises – a été avancé localement à 20 ans, contre 25 pour l’Hexagone.

Avant 2010, le dépistage du cancer du col était réalisé à la seule initiative des professionnels de santé ou résultait de la démarche individuelle des femmes. « Moins de 1.000 frottis étaient réalisés chaque année sur le territoire, soit chez moins de 3% des femmes âgées de 15 à 65 ans », souligne le rapport épidémiologique produit en 2017 par Santé Publique France. « Les diagnostics de cancer du col de l’utérus étaient établis à des stades très avancés, traduisant à la fois un retard important au diagnostic et à la prise en charge. » Et souvent, le stade de la maladie est tel que même en cas d’evasan, l’opération devient veine. « C’est très frappant dans le cas du cancer du col de l’utérus, une pathologie extrêmement révélatrice des inégalités sociales », explique dans les colonnes de Rse Magazine le Docteur Kouchner, gynécologue-obstétricien et cancérologue, ayant travaillé à La Réunion de 2014 à 2017. « Le plus souvent, ces femmes n’ont jamais eu de frottis de leur vie, ni tellement fait usage de préservatifs, et elles ont très peu recours à la vaccination. »

Alors, différents projets sont en cours pour tenter de rattraper le retard de Mayotte, qui dispose toutefois d’une équipe mobile de soins palliatifs et offre la possibilité d’une hospitalisation à domicile, y compris pour les patients qui n’ont pas de papier. Une aubaine, alors que seule 67,6% de la population insulaire était affiliée à la Sécurité Sociale en 2019.
« À terme, le projet serait de développer ici de la médecine nucléaire, puisque c’est un élément important dans la prise en charge diagnostique et dans le suivi des patients. Aujourd’hui on doit evasaner les patients qui ont besoin d’un scanner par exemple. Il y a aussi une intention de développer la radiologie interventionnelle, pour tout ce qui est biopsie notamment. La radiothérapie serait un énorme plus pour les patients ! », projette le Docteur Wanquet. Un défi de taille sur l’île qui représente le plus grand désert médical de France. En 2018, alors que la France hexagonale recensait 437 médecins pour 100.000 habitants, Mayotte, elle, n’en comptait que 94. Soit trois fois moins.

? Le dossier sur les cancers est à retrouver dans son intégralité dans le Mayotte Hebdo n°948 du 22 mars 2021.

 


 

Le cancer en chiffres

 

382.000 nouveaux cas de cancer estimés en France en 2018 (204.600 chez l’homme et 177.400 chez la femme).

157.400 décès par cancer estimés survenus en France en 2018 (89.600 hommes et 67.800 femmes).

45.000 décès par cancer liés au tabac.

88% de taux de survie à cinq ans pour les cancers du sein.

En 2018, d’après une étude menée dans 185 pays, « 23,4% des cas de cancer se concentrent dans le continent européen, 48,4% en Asie, 13,2% en Amérique du Nord, 7,8% en Amérique latine, 5,8% en Afrique et 1,4% en Océanie », juge la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer.

Évolution institutionnelle en Outre-mer : offrir un cadre plus adapté et plus souple

-
evolution-institutionnelle-outre-mer-offrir-cadre-plus-adapte-plus-souple

Jeudi dernier, les délégations aux Outre-mer du Sénat et de l’Assemblée nationale se sont réunies pour échanger sur l’évolution institutionnelle dans les territoires ultramarins, en présence de Stéphane Diémert, président assesseur à la Cour administrative d’appel de Paris, et de Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur de droit public à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV. Le sénateur Thani Mohamed Soilihi les a fait réagir sur le statut actuel de Mayotte et sur la manière de réduire les inégalités avec les autres collectivités et la mère patrie.

À l’aune du bilan des dix ans de la départementalisation, les délégations aux Outre-mer du Sénat et de l’Assemblée nationale ont échangé ce jeudi 18 mars sur l’évolution institutionnelle dans les territoires ultramarins. Un rendez-vous qui n’a pas manqué de faire réagir le sénateur Thani Mohamed Soilihi. « La difficulté est due à un déséquilibre commencé à la fin des années 90 entre Mayotte et son voisinnage », a introduit le parlementaire, pour qui l’évolution statutaire du 101ème département est un faux débat dans l’absolu. « Ce n’est pas l’alpha et l’omega. »

evolution-institutionnelle-outre-mer-offrir-cadre-plus-adapte-plus-souple

Selon lui, « nous nous interdisons d’aller au-delà de ce qu’ont voté les Mahorais en 2009 ». Au vu de ses caractéristiques, Mayotte n’a de département que son nom. Et est plutôt comparée à « la première collectivité unique, qui est censée exercer les compétences dévolues aux régions et départements d’Outre-mer ». Or, le terme de région prête à sourire tant les financements reçus ne sont que de la poudre de perlimpinpin compte tenu des compétences exercées.

 

Des institutions inadaptées

 

C’est tout l’objet de la discussion du jour, comme l’a rappelé Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur de droit public à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV. À savoir, ne serait-il pas souhaitable d’avoir une cadre plus souple et actualisé que l’actuel pour permettre des évolutions sans nécessairement connaître les tensions de ces dernières années ? « Des institutions inadaptées ne contribuent pas au développement économique et social des territoires », a-t-il insisté. « Je serais tenté de penser que ces débats institutionnels sont indispensables. »

D’où l’idée du toilettage prôné par le sénateur Thani Mohamed Soilihi dans sa proposition de loi ordinaire relative au Département-Région de Mayotte déposée le 21 janvier 2019 au Sénat. « L’un des aspects qui pourrait être intéressant en cas de révision institutionnelle serait la modification des procédures existantes, pas toujours simples à mettre en œuvre, pour faciliter l’adoption de ces adaptations, à identité législative plus ou moins maintenue », a précisé pour sa part Stéphane Diémert, président assesseur à la Cour administrative d’appel de Paris. « Les amendements sénatoriaux examinés en octobre dernier ne contraignent aucune collectivité à changer de statut. »

 

La crise sanitaire révélateur des inégalités

 

Le parlementaire a également profité de l’occasion pour évoquer la problématique des inégalités avec les autres collectivités et celles avec la mère patrie. « Comment pourrions-nous faire pour mieux [les] atténuer ? Pourrions-nous aller plus loin et plus rapidement avec des recours juridictionnels et des simplifications ? », a-t-il alors demandé aux deux experts. Des inégalités encore plus mises en exergue aussi bien à Mayotte qu’en Guyane en cette période de crise sanitaire. Et à cet égard, la formule d’Aristote – « la plus grande injustice est de traiter également les choses inégales » – prend ici tout son sens aux yeux de Ferdinand Mélin-Soucramanien.

Tandis que Stéphane Diémert a invité l’élu mahorais à « explorer la voie de la question prioritaire de constitutionnalité » pour savoir si le droit à l’égalité adapté de l’article 73 ou si le droit à un statut particulier de l’article 74 peuvent être invoqués au titre des droits et libertés garantis par la Constitution. Idem devant la convention européenne des droits de l’homme. « Des recours peuvent être engagés en invoquant la méconnaissance du principe d’égalité ou en tout cas d’éventuelles discriminations dans l’exercice des droits devant la Constitution que les traités internationaux garantissent. » Avant de tout simplement placer les décideurs politiques face à leurs responsabilités. « À statut constant, des progrès sérieux peuvent être encore faits, non pas pour la beauté du geste, mais pour faciliter l’exercice des droits fondamentaux des citoyens. » À commencer par l’alignement des droits sociaux, peut-être ?!

Inondations à Acoua : la générosité des donateurs a sauvé les sinistrés

-
inondations-acoua-generosite-donateurs-sauve-sinistres

Il y a tout juste un mois, le village d’Acoua faisait face à de fortes inondations qui ont tout détruit sur leur passage, laissant les habitants démunis de quasiment tous leurs biens matériels. Un élan de générosité venant de divers donateurs a permis à la mairie et au centre communal d’action sociale d’Acoua de venir en aide aux sinistrés. Autrement, la mission aurait été impossible.

Les riverains d’Acoua fortement touchés par les récentes inondations ont tout perdu, ou presque. La mairie et le centre communal d’action sociale de la ville ont dû agir en urgence pour aider la centaine de personnes dans le besoin. Très vite, les habitants de l’île ont fait preuve de solidarité. “Les aides sont venues de toutes parts. On a reçu des vêtements de particuliers, des denrées alimentaires, ils ont donné ce qu’ils avaient chez eux”, raconte Fatourani Mohamadi, directrice du CCAS d’Acoua. Certaines entreprises de Mayotte ont également fait preuve de générosité en envoyant de l’électroménager absolument nécessaire pour les sinistrés. “On leur a donné des équipements de première nécessité, comme des réfrigérateurs, des congélateurs, des lits et des matelas”, indique Fatourani Mohamadi.

Selon cette dernière, le CCAS a pour l’instant enregistré 25.000 euros de dons en électroménager venant des entreprises, mais ce chiffre n’est que provisoire puisque les donateurs continuent de se manifester. À cela s’ajoute le soutien de l’association des maires. “Le président avait annoncé une très grosse donation. On n’a pas encore le montant exact mais c’était autour de 20.000 euros”, précise Fatourani Mohamadi. Les associations ne sont pas en reste puisque nombreuses ont prêté main-forte à ceux qui ont subi les dégâts. De son côté, le centre hospitalier de Mayotte a mis en place une cellule psychologique pour que chaque personne en ressentant le besoin, puisse se confier à un professionnel.

“Sans les dons, on n’aurait pas pu autant aider les sinistrés”

La directrice du centre communal d’action sociale de la ville d’Acoua n’a pas les mots pour exprimer sa gratitude. Les donations ont permis aux familles de retrouver un semblant de vie normale. “Je ne remercierai jamais assez les donateurs parce que sans les dons, on n’aurait pas pu autant aider les sinistrés”, admet Fatourani Mohamadi. Selon elle, la solidarité mahoraise a plus que jamais été au rendez-vous. 170 familles ont pu bénéficier de cette générosité, et la distribution des biens électroménagers s’est faite sur critères sociaux. Les personnes sans emploi étaient prioritaires, mais à ce jour “toutes les familles ont au moins eu un bien électroménager”, affirme la directrice du CCAS. La ville s’est basée sur une liste de déclaration de pertes que chaque foyer a dû remplir le jour des inondations. Ceux qui ont constaté les dommages quelques jours plus tard, ont tout de même pu s’inscrire et ont bénéficié de ces dons indispensables. Concernant les denrées alimentaires, les vêtements ou encore les fournitures scolaires, un site a été ouvert pour que chacun puisse se ravitailler.

La directrice du CCAS d’Acoua souligne le comportement des habitants touchés par la catastrophe naturelle. “Ils ont presque tout perdu et pourtant, je n’ai vu aucune larme couler. Ils sont restés dignes.” Se pose désormais la question du relogement de ces personnes puisque selon Fatourani Mohamadi, pratiquement tous ont déjà été frappés par la tempête Hellen en 2014. “Une fois que l’on a géré les urgences, le relogement sera à l’ordre du jour. Pour le moment, c’est en cours de faisabilité”, évoque-t-elle. Le CCAS et la mairie acceptent encore les dons, mais ils lèvent le pied sur les vêtements puisque toutes les familles ont été généreusement servies.

 

100 plaquettes d’œufs offerts par les Jeunes agriculteurs

 

L’élan de générosité pour le village d’Acoua est loin de s’arrêter. Dernière preuve en date, l’association Jeunes agriculteurs de Mayotte a offert 100 plaquettes d’œufs au CCAS de la ville. Cette action s’inscrit dans le cadre de leur campagne nationale “Les Agriculteurs ont du cœur”. Les habitants, eux, n’ont qu’un mot à la bouche : marahaba.

Dans le nord de Mayotte, on s’organise comme on peut face aux coupures d’eau

-
nord-ile-mayotte-organise-face-coupures-eau

Certains habitants, qui ne reçoivent plus d’eau depuis plusieurs jours, doivent désormais se rendre sur l’une des cinq citernes installées par la Mahoraise des Eaux (SMAE) pour ramener des bassines jusqu’à chez eux. Ce lundi, le maire a fermé les écoles. Plusieurs pannes et casses ont été repérées tout au long du week-end, explique l’entreprise.

Finis les tours d’eau, place aux coupures d’eau ! Décidément, le sujet n’en finit pas de faire couler de l’encre, à défaut de laisser filer quelques gouttes dans les robinets. Depuis la fin de la semaine dernière, les habitants de plusieurs villages du nord (M’tsangamboua, Handrema, M’tsahara, Hamjago, M’tsamboro, M’tsangadoua) subissent des coupures à répétition. Le SMAE, qui a fini par refaire le fil par voie de communiqué ce lundi en fin de journée, parle plutôt de “perturbations (qui) se sont caractérisées suivant le village et la situation altimétrique de l’abonné par une intermittence de service, des manques de pression et pour la majorité de la population des manques d’eau assimilables à des coupures d’eau”.

Mais pour les habitants, lassés de ces interruptions intempestives, c’est du pareil au même. “Pour l’instant, nous n’avons pas d’eau depuis jeudi soir, jusqu’à hier [dimanche] 17h quand ils ont réussi à installer la citerne”, relate Mariama, une habitante du village de Hamjago. Désormais, son mari et elle se relaient pour aller remplir quelques bassines. “Il porte les sceaux jusqu’à là-bas, et moi je les monte jusqu’au deuxième étage de notre maison”, soupire cette mère de famille. Avant de relativiser : “ce week-end, on a dû récupérer l’eau de pluie…

Un autre habitant fait moins dans la dentelle. “Rien, aucune info aux particuliers ! Pas un message d’alerte par SMS ou autre ! C’est démerdez-vous !”, s’agace Bruno. “Aujourd’hui, je suis sorti, et l’eau était revenue à mon retour. Mais jusqu’à quand ? C’est comme ça depuis quatre jours, parfois ça dure des jours, des nuits entiers !

 

Casses et difficultés de remplissage

 

Dans son communiqué, la Mahoraise des Eaux date pour sa part le début des perturbations au vendredi 19 mars, quand “une double casse sur la conduite 200 mm partant du réservoir 500m3 de Dzoumogné et alimentant la bâche de reprise qui permet de remplir le réservoir Col Handrema”, a été repérée. D’après l’entreprise délégataire, les travaux ont permis de rétablir l’eau aux alentours de minuit et demi, samedi. Mais dans la journée, c’est rebelote ! Le faible débit entre Dzoumogné et Handrema rend impossible le remplissage du réservoir. “Seul le village de M’tsahara partie basse a pu bénéficier quasiment d’une alimentation normale.” Dimanche, une autre panne de la station la Poste Dzoumogné et une casse à l’entrée de M’tsangamboua entraînaient de nouvelles coupures, jusqu’à 16h. Et lundi, le remplissage Col Handrema était toujours en cours.

 

Fermeture des écoles ce lundi

 

Bref, la SMAE était sous l’eau tout le week-end… Une situation qui a conduit le maire de M’tsamboro, Laïthidine Ben Said, à prendre un arrêté dimanche soir, pour décider de la fermeture des établissements scolaires de sa commune. « Ça devient chaotique, et le pire, c’est que nous n’arrivons pas à avoir une communication de l’entreprise. Donc j’ai informé les familles que les écoles n’ouvriraient pas.” Du côté du rectorat, si l’on déplore un peu cette décision de l’édile, prise “par précaution” alors que l’eau a commencé à revenir lundi, on assure avoir mis les bouchées doubles pour pousser la Mahoraise des Eaux à régler le problème. “C’est un peu dommage, nous avions discuté avec le maire et fait tout ce qu’il fallait pour que l’entreprise rétablisse l’eau”, explique le recteur Gilles Halbout. En effet, la SMAE assure ce lundi avoir fait en sorte de “sécuriser l’alimentation en eau des usagers prioritaires (écoles, collège, lycée, PMI, CHM)”. Un indispensable, en ces temps de crise sanitaire. “Je ne sais pas si le maire va refaire un arrêté ce soir, mais tant qu’il n’y a pas d’eau, je n’envoie pas les enfants à l’école dans ces conditions”, rouspète Mariama.

Un nouveau communiqué d’information sera adressé ce mardi matin, informe de son côté l’entreprise.

Gueules d’Amour se reconstruit à petits pas

-
gueules-damour-se-reconstruit-a-petits-pas-2

Attaquée le 22 décembre dernier, l’association Gueules d’Amour a tout perdu. En plus des 15 chiens volés, les boxes pour accueillir les animaux ont été entièrement détruits. Depuis un mois, les bénévoles tentent de reconstruire, grâce aux dons.

Ils ont détruit les boxes de ce côté, et là-bas”, explique Tyler Biasini, gérant du refuge, en faisant le tour de son terrain. Sur place, trois hommes s’affairent à la reconstruction. “Il ne nous reste que la toiture à faire, c’est le plus rapide.” Si les boxes centraux sont en plein chantier, d’autres attendent encore leur tour, faute de moyens. Après l’attaque du 22 décembre dernier, aucune aide de l’État n’a été fournie au refuge.“Pourtant, on s’occupe d’un problème d’utilité publique”, tance le président de l’association.

gueules-damour-se-reconstruit-a-petits-pas-1

En effet, le nombre de chiens errants pullulent à Mayotte. À la suite de quoi, des groupes de jeunes les dressent ou les affament pour terroriser la population. “Ils les utilisent dans des cambriolages ou pour directement agresser les gens. Une dame me racontait hier que ça lui était arrivé”, souligne Tyler Biasini. Et les meutes s’attaquent même aux troupeaux ! Gnombés, chèvres et poules deviennent leurs nouvelles proies… “La semaine dernière, un agriculteur m’expliquait qu’ils avaient tué l’une de ses bêtes. Il était désespéré parce que les chiens ne mangent pas un zébu entier. C’est un manque énorme pour lui, quand on sait qu’il y a parfois pour 10.000 euros de viande.” Le plus inquiétant, selon lui ? Les événements de ce type sont de plus en plus récurrents, mais personne ne réagit.

 

Le silence des institutions

 

C’est un silence complet qui plane du côté des institutions face à la situation du refuge. Seule association gérant le problème des animaux errants sur l’île, le refuge “semble être totalement oublié”. Si Tyler Biasini multiplie les demandes auprès du Sénat, du conseil départemental et de la mairie d’Ongojou, toujours rien n’a été mis en place depuis la fin d’année dernière. Un immobilisme ambiant qui ne l’étonne plus, alors qu’il attend “un tampon” du Département depuis des mois, pour enfin alimenter le terrain en électricité.

gueules-damour-se-reconstruit-a-petits-pas-3

Heureusement, la population a réagi. Plusieurs associations ont envoyé des dons mais aussi des matériaux pour faire peau neuve. “Les gens se sentent concernés par la situation, mais on a encore besoin de subventions.” En plus des boxes à reconstruire et du système électrique à installer, l’association aimerait aménager une nouvelle clôture autour des 7.500m2 de parcs et embaucher des employés, comme un gardien. En attendant, depuis l’attaque, Tyler s’est réinstallé sur place. “Personne n’a envie de venir ici, c’est isolé, il fait noir, ça peut faire peur, donc je reste ici, comme ça il n’y a pas de problèmes.

L’homme a lancé ses derniers appels à l’aide au gouvernement et aux élus de Mayotte. Il espère, enfin, avoir une réponse. Pour le moment, le refuge s’en sort grâce aux dons, autant des particuliers que des associations.

Arrestation musclée à Combani

-
arrestation-musclee-a-combani

Lundi dernier, un homme a été arrêté dans des circonstances particulièrement rudes alors qu’il tentait d’échapper à un contrôle d’identité effectué par le groupe d’appui opérationnel (GAO), à proximité de l’école maternelle de Combani 1. La scène a marqué le voisinage ainsi que les quelques élèves qui y ont assisté. Ils racontent.

Ceux qui étaient présents décrivent la scène comme « digne d’un film d’action« . Lundi 15 mars, les forces de l’ordre ont procédé à une interpellation agitée qui s’est terminée devant l’enceinte de l’école maternelle Combani 1. Depuis la rue et les balcons adjacents, plusieurs témoins décrivent des actes de violence qui, une semaine après les faits, marquent encore leurs esprits.

L’événement commence à quelques mètres de l’établissement. « Je me rendais chez une amie lorsque j’ai vu une voiture se garer et plusieurs policiers en sortir« , introduit Chafika*. En voyant ces agents que les témoins décrivent comme des membres du GAO, un homme prend tout de suite ses jambes à son cou. « Il a dévalé la rue à toute vitesse, poursuivi par les policiers« , décrit-elle. Présents par hasard, deux livreurs de l’entreprise Kalo se lancent également dans la course pour stopper l’individu. « Le type a essayé de passer le portail de l’école maternelle mais un livreur l’a attrapé par le tee-shirt, ce qui l’a déstabilisé. Il est tombé de l’autre côté du portail la tête contre le sol. »

 

Tasé au sol, les mains attachées

 

Depuis son balcon, Charlotte* assiste à la suite des événements. « L’homme s’est retrouvé face aux policiers. Il a levé les poings pour se mettre en garde, mais ils l’ont rapidement maîtrisé en utilisant un pistolet taser. Je l’ai reconnu via le bruit de l’impulsion électrique« , rembobine-t-elle. Sa voisine Véronique* assiste également à l’arrestation depuis sa fenêtre : « Ils l’ont menotté avec un collier de serrage et maintenu au sol en appuyant sur ses épaules avec le genou. Un policier lui a demandé de se lever, mais il n’a pas bougé. Il a alors braqué son taser au niveau du visage et répété son ordre.” Au sol et menotté, l’homme est finalement « tasé au niveau de la jambe« . Il est ensuite embarqué avec un « tissu sur le visage, sûrement pour cacher son sang« , indiquent Charlotte et Véronique.

Si le sinistre spectacle capte l’attention du voisinage, des curieux sont aussi attirés au niveau de la rue. Alors qu’un automobiliste sort son téléphone, Véronique et Charlotte décrivent une tentative d’intimidation des forces de l’ordre : « C’est interdit de filmer ! Mon collègue relève ta plaque. Si des images circulent, on saura d’où elles viennent« , lance un policier avant de partir au volant de son Duster blanc banalisé.

« Maman, le policier a frappé un Monsieur »

Interrogé par la rédaction, le recteur Gilles Halbout, après s’être entretenu avec l’inspectrice de l’établissement, confirme les faits. Selon le responsable de l’académie, une enseignante aurait vu, quelques secondes durant, la scène depuis sa salle, où travaillaient les jeunes élèves d’une classe de grande section. “Elle nous a rapporté qu’aux alentours de 15h30, après la récréation, elle a entendu le grand portail du pré municipal (un petit jardin en lisière de l’école maternelle, ndlr) s’ouvrir. Elle a regardé depuis le pas de la porte de sa classe, qui longe la clôture”, déroule Gilles Halbout. “Elle a vu un individu jeté à terre très rapidement par trois personnes des forces de l’ordre, qui ont aussitôt fait repasser l’interpellé de l’autre côté du portail, vers la rue. Elle pensait être la seule à avoir vu cela.” Pourtant le soir-même, l’une de ses élèves, cinq ans, rentre chez elle pleine d’incompréhension et raconte tout à ses parents : “Maman, le policier a frappé un Monsieur !

L’enseignante pensait être la seule à avoir vu la scène, qui n’a pas duré plus de dix secondes. Si certains élèves avaient été choqués, elle les aurait pris en charge”, précise encore le recteur. “Elle a prévenu le responsable d’établissement et fera évidemment le suivi nécessaire. Mais il n’y avait aucun risque pour l’école qui est clôturée et dont le portail est fermé à clé. »

Ne reste plus, alors, que la version des forces de l’ordre. Également contactée par la rédaction pour faire la lumière sur les circonstances de l’interpellation, la police a expliqué que seule la préfecture était habilitée à s’exprimer sur ce genre de sujet. Or, celle-ci n’a pas donné suite à nos sollicitations.

* Les prénoms ont été modifiés

Vol Mayotte – métropole annulé : une partie des passagers dorment dans l’aéroport

-
vol-mayotte-metropole-annule-passagers-dorment-dans-aeroport

Jeudi soir, le vol Air Austral à destination de la métropole n’a pas pu décoller en raison d’une avarie hydraulique. Bloqués plusieurs heures dans l’avion avant de quitter l’appareil, une trentaine de passagers ont dormi dans l’enceinte de l’aéroport, en attendant leur départ le lendemain. Une situation inédite.

vol-mayotte-metropole-annule-passagers-dorment-dans-aeroportJeudi. 17h30. Yassari se pointe à l’aéroport dans l’optique de rejoindre le soir même la métropole, via une escale à Nairobi. Si l’enregistrement et le contrôle de son motif impérieux par la police aux frontières se passent sans encombre, une drôle de surprise l’attend dans l’avion. « Il s’est positionné sur la piste, prêt à décoller », rembobine le jeune homme de 26 ans. Et là, patatras, l’appareil reste cloué au sol. « Nous avons attendu 15 minutes avant que le commandant de bord annonce une panne hydraulique. » Un problème technique qui n’augure rien de bon… « Un signal électrique ne s’éteignait pas. Or sur les 787, il faut que l’ensemble des voyants soient au vert pour pouvoir partir », précise de son côté Air Austral.

Selon le voyageur, le Boeing fait alors demi-tour pour stationner sur le tarmac, le temps qu’un mécanicien intervienne. Au bout d’une heure, l’équipage décide de distribuer le repas à ses 156 passagers. « À chaque fois que le pilote prenait la parole, il précisait qu’il ne connaissait pas le délai d’immobilisation. J’ai tout de suite senti qu’on allait rester à quai », retrace le technicien en fibre-optique en Hexagone. Au terme d’un diagnostic, la compagnie aérienne se rend compte « qu’il faut changer la pièce ». Une pièce, comme bien souvent dans ce cas de figure, indisponible sur l’île aux parfums.

 

Une nuit sur des lits picots

 

Leurs espoirs douchés, les clients redescendent peu après 23h pour se diriger vers le hall principal, où le climat devient pour le moins houleux. « Tout le monde posait des questions à droite à gauche pour savoir où nous allions être logés. Mais les agents étaient débordés, ils improvisaient comme si c’était la première fois qu’un couac se produisait », relate Yassari. S’ensuit alors un long moment de flottement. « Nous avons essayé de trouver des solutions d’hébergement, mais tous les hôtels étaient complets », indique Air Austral. Si certains voyageurs décident finalement de rentrer chez eux pour y passer la nuit, d’autres se retrouvent tout simplement le bec dans l’eau, faute de solution.

Un véritable camp de fortune prend alors forme dans la salle où l’on récupère habituellement les bagages. « La Croix Rouge est venue déposer des lits picots pour une trentaine de passagers », poursuit le jeune homme, qui dans un élan de générosité offre son nid douillet à une femme enceinte le temps de la fin de l’installation. Malgré ce confort primaire, tous reçoivent un kit de première nécessité comprenant un T-shirt propre et des affaires de toilettes, avant de se voir offrir le lendemain, le petit déjeuner et le repas du midi en guise de dédommagement.

« Inadmissible et hallucinant »

Une improvisation suffisante pour faire avaler la pilule ? « C’est vraiment inadmissible et hallucinant d’avoir été traité de la sorte, surtout au vu du prix des billets ! », peste Yassari. D’autant plus que le protocole sanitaire strict pour les déplacements aériens rajoute une certaine anxiété à cette situation totalement inédite. En effet, tout voyageur doit présenter un test PCR négatif de moins de 72 heures. Heureusement, tous ont pu repartir le vendredi après-midi, à 14h30, avec cette fois une escale… à La Réunion !

Elles dénoncent le harcèlement sexuel normalisé à Mayotte

-
elles-denoncent-le-harcelement-sexuel-normalise-a-mayotte

À l’heure du mouvement Me too et Balance ton porc, le thème du harcèlement sexuel peine à se démocratiser à Mayotte. On n’en parle quasiment pas, pourtant il existe bel et bien dans la société mahoraise. Les femmes en sont les principales victimes, et très souvent elles n’osent pas en parler. Ce type de harcèlement est normalisé dans le territoire, alors que derrière se cachent des victimes qui en souffrent.

« Des collègues hommes se permettent d’avoir des comportements indécents, de faire des remarques sexuelles inappropriées. J’ai beau les remettre à leurs places, ils continuent. » Sitti ose mettre des mots sur son quotidien au travail. Un quotidien pesant, stressant et humiliant causé par certains de ses collègues qui franchissent les limites. « L’un d’eux fait tous les jours des réflexions sur la façon dont je suis habillée, que je sois en tenue traditionnelle ou en tenue moderne. Il parle tout le temps de sexe et de ma poitrine disant que j’ai une poitrine à faire réveiller les morts », raconte la jeune femme lassée par la situation. Le comportement oppressant de cet homme ne s’arrête pas aux mots puisque qu’il tente par tous les moyens d’être en contact physique avec Sitti. « Il fait semblant d’avoir besoin de quelque chose sur mon bureau pour pouvoir me toucher, ou mettre sa main sur mon épaule », selon la plaignante. Pourtant ce n’est pas faute de lui demander d’arrêter, mais l’homme en question ferait la sourde oreille. Pire, il ne comprend visiblement pas la gravité de ses actes et met en cause sa proie. « Je lui ai dit clairement que je ne suis pas intéressée et il m’a traitée de coincée. Le “non” lui donne plus de force pour répéter la même chose », constate tristement Sitti.

Malheureusement, des milliers de femmes à Mayotte sont dans la même situation qu’elle. Le harcèlement sexuel est présent sur les lieux de travail, qu’importe le secteur, mais également dans les espaces publics ou encore au sein de l’entourage de la victime. Fayna* en a fait les frais. Le comportement de certains hommes dans la rue la déstabilise. « Je sais que le harcèlement de rue existe par-tout, mais à Mayotte c’est particulier. Ici, il ne se passe un seul jour sans que l’on me fasse une re-marque sexiste, sans qu’un homme ne s’arrête en bord de route et insiste pour que je monte. Et ils ne comprennent pas quand je leur dis non », confie Fayna.

À cela s’ajoute le harcèlement issu de son cercle d’amis et collègues de travail. « Quand on connaît la personne c’est encore pire, parce qu’il n’y a plus la barrière de l’inconnu. Je ne compte plus le nombre de mes collègues qui me font des propositions indécentes alors qu’ils sont mariés ! », s’indigne-t-elle. La jeune femme dit devoir supporter également des réflexions sur ses tenues vestimentaires. « Certains pensent avoir le droit de me dire de quelle manière je dois m’habiller. Si je montre mes jambes ou mets un décolleté, je suis sujette aux regards accusateurs de certains, et au harcèlement des autres. Ils pensent que mes habits sont un appel pour venir m’embêter », souligne la jeune femme. Désormais, cette dernière s’interdit certaines tenues vestimentaires « pour éviter les problèmes », dit-elle. Elle s’est vue obligée de changer ses habitudes, et une partie de sa personnalité pour ne pas être une proie facile.

 

La normalisation du harcèlement sexuel

 

Fayna et Sitti doivent faire face à leurs bourreaux quotidiennement et doivent supporter la complicité tacite de celles et ceux qui sont censés les soutenir. « J’en ai parlé à mes collègues femmes, mais d’après elles cet homme est ainsi et il ne faut pas tout prendre à cœur. Je ne comprends pas pourquoi elles ne réagissent pas. Alors je me suis tournée vers mon patron et il m’a gentiment fait comprendre que je devais apprendre à accepter les compliments », s’insurge Sitti. Ce type de réaction n’est pas surprenant, le manque de sensibilisation en serait la principale cause selon la sociologue Maria Mroivili. « Beaucoup de femmes à Mayotte ne savent pas reconnaître le harcèlement, parce que nous vivons dans une société très orale où il n’y a pas de barrière. Il faut apprendre aux jeunes filles à faire la différence. » L’éducation doit également se faire auprès des jeunes garçons qui deviendront des hommes. À ses yeux, les hommes des îles ne font pas de distinction entre la séduction et le harcèle-ment, peu importe leur statut social. Et s’ils ne sont pas capables de reconnaître leurs fautes, il sera difficile d’éradiquer le problème.

Ce fléau serait lié au changement des mœurs. « Les anciennes générations maitrisaient l’art de cour-tiser une femme. Alors que de nos jours, la libération des mentalités sur le volet sexuel fait croire à certains que la femme peut être réduite à un objet », explique Maria Mroivili. Cette dernière a aussi constaté une forme de harcèlement dans les espaces de vie communs tels que la barge et les taxis. Ils seraient une source d’angoisse pour une majorité de femmes. « Il existe à Mayotte ce que j’appelle les taxis harceleurs. Bon nombre de chauffeurs harcèlent constamment leurs passagères. Ils font des re-marques sur leurs habits, ils demandent les numéros de téléphone ou si la personne est mariée. Et encore une fois, les autres passagers ne réagissent pas et se font complices. »

 

Le poids psychologique

 

Ce type de comportement n’est pas sans conséquences sur le moral des victimes. Fayna qui subit constamment des remarques déplacées au sein de son entourage et sur son lieu de travail finit par se remettre en question. « À un moment, j’en suis venue à me demander si le problème ne venait pas de moi. Peut-être que mon comportement était ambigu ? Peut-être étais-je trop sexy ? Je me suis même demandée si ce n’était pas moi qui les provoquais mais j’ai vite compris que le problème c’était eux », raconte la jeune femme en pleine prise de conscience. De son côté, Sitti est également passée par cette phase de questionnement, aujourd’hui elle songe à tout quitter pour ne plus subir l’acharnement dont elle fait l’objet. « C’est très pesant psychologiquement. Plus ça avance et plus j’ai envie de dé-missionner parce que je n’ai aucun soutien de mes collègues ou de ma hiérarchie. »

Pourtant, la prise de position de l’entourage est importante dans ce type de situation. Banaliser le harcèlement sexuel pèse sur l’état psychologique. « À Mayotte, on a tendance à dire que c’est de la rigolade, mais à partir du moment où la personne subit ces “blagues” ce n’est pas drôle. Elle a un sentiment de frustration et de honte, elle est complètement désarmée », prévient la sociologue Maria Mroivili. Alors la prise de conscience de toute la société est plus que nécessaire. On le sait, le harcèlement peut conduire la victime vers une profonde dépression, ou pire, elle peut agir désespérément pour mettre fin à son calvaire.

* Le prénom a été modifié

Autorité de gestion : un verre à moitié plein pour le conseil départemental sur les dix prochaines années

-
autorite-gestion-verre-moitie-plein-conseil-departemental-dix-prochaines-annees

Sujet à débat depuis que Mayotte est entrée sous le giron des régions ultrapériphériques de l’Europe (RUP), la compétence des fonds européens dans le 101ème département, aujourd’hui à la charge de la préfecture, a fait l’objet d’une nouvelle délibération au conseil départemental. À défaut de récupérer l’autorité de gestion, la collectivité et l’État se partageront le dossier dans le cadre d’un groupement d’intérêt public (GIP). De quoi, peut-être, éviter les retards accusés lors de la première programmation 2014-2020.

C’est officiel. Jeudi, le conseil départemental a voté en commission permanente la délibération relative à la convention constitutive du groupement d’intérêt public (GIP) en charge de la gestion des fonds européens pour les dix prochaines années. En clair, l’État, et donc la préfecture, autorité de gestion depuis 2017 de cette manne financière qui revient en temps normal aux départements ou régions, va partager dans le temps cette compétence avec la collectivité. “Ce qui change, c’est que nous allons devenir co-gestionnaires, et nous serons donc au cœur du dispositif des fonds européens à Mayotte : nous aurons la possibilité de voir les dossiers dès le début, et nous pourrons mieux accompagner les porteurs de projet”, souligne Mohamed Sidi, vice-président en charge des affaires européennes au conseil départemental.

autorite-gestion-verre-moitie-plein-conseil-departemental-dix-prochaines-annees

 

L’autorité de gestion, un sujet de frictions

 

Une co-gestion qui ne coulait pourtant pas de source. Preuve que le dossier est sujet à débats, parfois houleux, cette délibération devait déjà apparaître à l’ordre du jour le 26 février dernier, avant d’être décalée à une date ultérieure. Avant cela, la gestion pour le moins « magnégné » de ces fonds, par un SGAR en proie à un fort turn-over, avait fait l’objet d’un rapport au vitriol de la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC), commandé en 2019 par le préfet Dominique Sorain. Y étaient notamment pointées des lacunes en termes de ressources humaines et de compétences.

Résultat : la consommation des quelque 300 millions d’euros de la première programmation 2014-2020 a accusé un sérieux retard. Un comble quand on connaît les besoins criants du territoire pour développer ses infrastructures… et avec des conséquences bien réelles pour les Mahorais, qui ne comptent plus les projets en stand-by, comme la piste longue, ou la troisième retenue collinaire. Certes, la préfecture a depuis mis le pied à l’étrier et annonce en novembre 2020 un bilan “comparable à celui des autres régions françaises et DOM” – avec des taux de programmation au 9 novembre de 81% pour le FEDER et 90% pour le FSE.

 

Le département veut récupérer sa compétence

 

Reste que le Département et son actuel président Soibahadine Ibrahim Ramadani, ont saisi l’occasion pour monter au créneau et demander à récupérer cette compétence. Renvoyé dans les roses par le premier ministre en septembre 2019, le sujet est depuis revenu sur la table à plusieurs reprises… jusqu’à cette délibération du 18 mars 2021, donc. Que change-t-elle exactement ? “Pour les trois prochaines années, la présidence du GIP revient à l’État qui doit effectuer un travail de préfiguration et clôturer la programmation actuelle”, explique Mohamed Sidi. Pour les sept années suivantes, c’est le Département qui gère. Ce groupement se divise en 8 membres titulaires, quatre pour la collectivité et quatre pour l’État.

À défaut de transférer la compétence aux élus pour la programmation 2021-2027, déjà entamée depuis janvier, le Département et l’Àtat coupent ainsi la poire en deux. “Cela nous semble pertinent par rapport à l’actuelle situation et pour nous, c’est l’occasion de mieux travailler dans le cadre d’un transfert de l’autorité de gestion, de sorte que le Département sera mieux préparé pour la prochaine programmation”, ajoute l’élu. Une façon aussi de mutualiser les compétences et “de se doter ensemble des meilleurs éléments au bénéfice du territoire”. Dernière inconnue : l’implication de la future majorité, alors que les élections départementales de juin pourraient rebattre les cartes. “La question a bien été évoquée pendant la séance”, concède Mohamed Sidi. “Mais nous avons pris cette décision car nous estimons que c’est la bonne. Ce futur GIP aura à gérer aussi le plan de relance, et nous parlons là de 700 et quelque millions d’euros, donc il faut aller rapidement pour s’approprier ces sujets. L’intérêt général de Mayotte doit primer”, espère-t-il. Optimiste.

Beachage à M’bouini : le maire de Kani-Kéli met l’État face à ses responsabilités

-
beachage-mbouini-maire-kani-keli-etat-face-responsabilites

Mercredi, les habitants du village de M’bouini ont érigé un barrage pour empêcher les forces de l’ordre d’emmener une trentaine de clandestins, arrivés sur la plage dans la journée, au centre de rétention administratif par voie terrestre. Cet événement a débouché sur un règlement de comptes entre la préfecture et le maire de Kani-Kéli, Rachadi Abdou.

Mercredi. 17h30. Une centaine de riverains du village M’bouini érigent un barrage au niveau de l’école pour empêcher les gendarmes d’emmener par voie terrestre 34 clandestins débarqués à l’aide de deux kwassas-kwassas. Un mano-à-mano s’installe alors entre la population et les forces de l’ordre. Sur place une heure plus tard, l’adjointe de Kani-Kéli en charge des affaires sociales, Tahanlabati Tissianti Oili Ahamadi, joue les entremetteuses et négocie un dénouement pacifique avec les jeunes et les mamans du collectif de défense des intérêts de Mayotte (Codim). Un apaisement stérile qui finit par s’embraser avec l’arrivée des militaires du détachement de la Légion étrangère. « Ils ont tout défoncé sans demander la permission à qui que ce soit », s’insurge l’élue, blessée « légèrement » selon un communiqué de la préfecture au moment du franchissement par un camion. « Une barre de fer est tombée sur ma cuisse gauche et mon pied droit… » Emmenée à l’hôpital de Mramadoudou, elle en ressort groggy avec 12 jours d’incapacité temporaire de travail. Et profite de sa période de convalescence pour engager des éventuelles poursuites.

 

« Elle m’a raccroché au nez »

 

Un incident qui rajoute de l’huile sur le feu puisqu’un statu-quo finit par s’installer sur les lieux. « Les autorités trouvaient que je ne forçais pas assez la population à lever le barrage. Mais moi, je respecte ceux qui m’ont élu », défend de son côté, le maire de la commune, Rachadi Abdou. Un échange téléphonique se tient alors vers 23h avec la sous-préfète en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, Nathalie Gimonet, qui lui rappelle sa qualité d’officier de police judiciaire. Avant que la conversation ne s’envenime… « Elle m’a dit que j’allais devoir assumer les conséquences. Puis, elle a commencé à insinuer que toute ma famille hébergeait des étrangers, qu’une enquête serait ouverte et que je serais poursuivi. Ma mère, ma sœur et moi-même n’avons aucun clandestin chez nous. C’est une accusation grave ! J’ai essayé de discuter avec elle, mais elle m’a raccroché au nez », ne décolère pas le premier magistrat, face à de tels propos. Contactée, la préfecture ne souhaite pas s’exprimer en dehors des communiqués de presse officiels.

beachage-mbouini-maire-kani-keli-etat-face-responsabilites

Finalement, un retour à la normale s’opère vers 23h45. Le lendemain, ce jeudi 18 mars, la préfecture apporte donc sa version des faits concernant cette obstruction sur ses réseaux sociaux. « Si les forces avaient accédé à cette demande, un intercepteur aurait été détourné de sa mission de protection des frontières pendant plus de quatre heures. C’était autant de moyens en moins pour intercepter les kwassas », peut-on lire. « Or, la nuit dernière, les brigades nautiques de la PAF et de la gendarmerie ont intercepté trois kwassas, transportant 49 clandestins. » Une déclaration qui intervient quelques minutes après le passage au journal télévisé de 13h de Rachadi Abdou. Tandis que ce dernier reçoit dans le même temps un SMS pour le moins étonnant… « Le préfet a écouté votre intervention. Il sera vigilant à chacune de vos paroles. »

 

Un message reçu à la suite du JT

 

Face à ce message, le maire de Kani-Kéli avoue ne pas savoir «comment le prendre». «Peut-être que j’aurais dû me retenir sur certains propos», s’interroge-t-il. Ayant bien conscience de «dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas». Alors l’édile n’y va pas par quatre chemins lorsqu’il s’agit d’évoquer les rouages de l’opération Shikandra. «Si vous voulez vraiment arrêter l’arrivée massive [d’embarcations de fortune], cela ne devrait pas poser problème. L’État a une réelle responsabilité. S’il avait bien fait son boulot, nous n’arriverions pas à cette situation. Quelque chose ne marche pas dans leur dispositif», peste-t-il. Et encourage tout simplement les agents en mer «à travailler encore davantage au large» pour inciter les demi-tours ou propose, au pire, «de renforcer la présence des gendarmes sur les plages» pour favoriser les interpellations lors des beachages.

Car Rachadi Abdou ne se fait pas d’illusion sur le sort de ces personnes en situation irrégulière fraîchement arrivées sur la terre ferme. « Ils sont récupérés par des taxis mabawas, ils transitent dans des cases en tôle construites à proximité des champs avant de regagner les grandes villes. » Mais avec l’intensification des décasages, comme à Kahani, Hajangoua, Dzoumogné et Koungou, l’élu craint le pire pour sa commune. « Sans une vraie politique de relogement, toutes ces populations se déplacent de plus en plus en brousse où elles pensent que les forces de l’ordre sont moins regardantes. » Donc il n’hésite pas à mettre en garde ses propres administrés, qui auraient la fâcheuse habitude de leur prêter mains fortes. « Je leur ai rappelé mi-janvier les conséquences pénales d’un tel acte », insiste-t-il.

Loin d’être singulière, cette obstruction du mercredi 17 mars à M’bouini met en lumière le ras-le-bol généralisé des Mahorais face à ces vagues incessantes – « au moins un kwassa arrive quotidiennement ici » – de clandestins dans le Sud de l’île. Et même si « le préfet renouvelle son soutien à ses collaborateurs, aux militaires, gendarmes et policiers dont l’engagement au service de la lutte contre l’immigration clandestine et de la population est totale », la relation de confiance semble bel et bien rompue avec les habitants de Kani-Kéli, et son maire Rachadi Abdou.

Retour aux sources avec la médecine traditionnelle à Mayotte

-
retour-aux-sources-avec-medecine-traditionnelle-mayotte

Mognémali Anli est un autodidacte amoureux des plantes médicinales. Il les étudie depuis maintenant six ans et prône leurs bienfaits. Persuadé que les remèdes naturels ont encore de beaux jours sur l’île aux parfums, il est aujourd’hui une référence en matière de médecine traditionnelle à Mayotte.

C’est l’homme qui murmure à l’oreille des plantes. Mognémali Anli est à lui seul une encyclopédie de la médecine traditionnelle à Mayotte. Dans l’école primaire où il enseigne à Handrema, tous types de plantes ornent la cour de récréation. Aloe vera, curcuma, plantes aphrodisiaques… Chaque maladie trouve un remède dans cette arène aux mille et une couleurs. “Tout ce que vous voyez ici a une utilité”, annonce fièrement l’ethnobotaniste.

Mognémali Anli s’intéresse à la médecine traditionnelle depuis maintenant six ans. La médecine conventionnelle n’est qu’un lointain souvenir pour lui. « La dernière fois que j’ai pris un médicament remonte à quatre ans. J’ai supprimé la médecine conventionnelle de ma vie parce qu’il y a trop d’effets secondaires. À moins de faire un surdosage, il n’y a pas autant de risques avec les plantes”, juge-t-il. L’instituteur a enrichi ses connaissances en essayant des recettes, mais surtout en se renseignant auprès des personnes âgées qui l’entourent. “Mes recettes n’ont pas été prouvées scientifiquement, je les ai élaborées à partir de mes connaissances, et en fonction des résultats, je valide ou non”, explique-t-il.

 

retour-aux-sources-avec-medecine-traditionnelle-mayotte

Et le botaniste en herbe croule sous les demandes. Jusqu’à une dizaine par jour ! Rihana est l’une de ses fidèles clientes. Elle a recours à la médecine traditionnelle depuis maintenant deux ans, et est convaincue de son efficacité. “C’est ce que nos parents ont utilisé pendant très longtemps et ça marchait, alors pourquoi pas pour nous ? Des fois, nous soignons les gens avec des médicaments alors que nous avons des plantes à portée de mains qui sont plus efficaces”, soutient-elle. Désormais, toute sa famille est habituée aux recettes de Mognémali Anli. Rihana fait appel à lui dès que quelqu’un est malade. La mère de famille évite autant que possible la médecine conventionnelle. “Je prends rarement des médicaments, parce que j’ai des problèmes de santé et quand je vais à l’hôpital on me dit que je n’ai rien. Mognémali a su m’aider et a trouvé des remèdes à mes maux”, assure-t-elle.

 

“La médecine traditionnelle a un avenir prometteur à Mayotte”

 

Le savoir qu’il a accumulé, Mognémali Anli souhaite le transmettre à la jeune génération. Cela commence par ses élèves qu’il initie à l’étude des plantes médicinales. Si les parents étaient réticents au départ, les enfants se sont montrés très réceptifs. “Aujourd’hui, même les parents viennent me demander des remèdes naturels”, s’enorgueillit-il. Pour laisser une trace de sa connaissance, l’enseignant a aussi décidé d’écrire un livre. “J’ai recensé pas moins de 115 plantes et je détaille l’utilité et les bienfaits de chacune d’elles. Actuellement, je suis en train d’écrire un deuxième livre sur les recettes de grand-mère que je prescris.

 

 

Au fil des années, il a constaté un changement dans les habitudes de chacun. De plus en plus de personnes font appel à lui. “Les gens se sont rendus compte qu’il est important de revenir aux plantes médicinales puisque la médecine conventionnelle ne donne pas toutes les réponses. Donc je pense que la médecine traditionnelle a un avenir prometteur à Mayotte.” L’ethnobotaniste travaille en collaboration avec un médecin qui le conseille, et l’avertit sur les effets secondaires. Il fait d’ailleurs très attention car le risque zéro n’existe pas, même s’il s’agit de plantes naturelles. “Lorsque quelqu’un vient me voir, je lui demande en premier lieu s’il a un traitement. Les personnes qui ont des pathologies lourdes doivent avant tout consulter leur médecin, avant de venir chez moi. Cette médecine peut également causer des dégâts irréversibles si elle est mal utilisée”, prévient-il.

 

Un remède naturel contre le Coronavirus ?

 

L’arrivée du Coronavirus a forcément eu une influence sur les demandes faites au guérisseur. Tout le monde veut un remède contre la maladie, jusqu’à le submerger de requêtes. À raison ? Mognémali Anli botte en touche. Un rien pourrait le ranger aux côtés des fans d’hydroxychloroquine et autres Covid-organics malgaches, dont les traitements miracles ont largement défrayé la chronique… Mais l’amoureux des plantes en a sous la serpette. Il a trouvé une recette qui allège les symptômes, selon lui. “J’arrive à faire une association de plantes, au bout de trois à quatre jours la personne contaminée se sent bien”, confie-t-il, sans trop s’aventurer dans les détails. “Je ne veux pas créer de polémique ni donner le nom des plantes car cela pourrait être mal interprété”, précise-t-il en effet.

Malgré le manque de preuves scientifiques, Rihana recommande cette fameuse recette. “Mes parents avaient attrapé le virus, ils ont eu recours aux remèdes traditionnels et nous avons immédiatement vu des améliorations. Ce qu’il a prescrit contre le Covid a été très efficace. Contrairement à l’hôpital où on ne nous donne rien.” Mognémali Anli s’inscrira-t-il dans la lignée de ceux qui affirment avoir trouvé la solution contre le Coronavirus comme en Guadeloupe ou à Madagascar ? Le principal concerné répond par un sourire. Non sans fierté.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes