Pas de grand rassemblement ou de scène de liesse pour ce dixième anniversaire de la départementalisation. Mais à son échelle, la mairie de Mamoudzou a voulu marquer d’une pierre blanche cette date ô combien symbolique en mettant le conseil municipal des jeunes sur le devant de la scène, ainsi qu’une classe de CM2 de Kaweni Stade.
Place de la République. 15h. Les techniciens de la mairie de Mamoudzou procèdent aux derniers réglages avant le lancement du live Facebook pour célébrer les dix ans de la départementalisation. À l’abri des regards indiscrets, Rosemina Ali parcourt une dernière fois les grandes lignes de son speech. « J’ai appris à midi que j’allais prononcer le discours. Mes collègues ont eu trop peur », confie le sourire aux lèvres la demoiselle de 17 ans, élue au conseil municipal des jeunes depuis maintenant deux ans.
Si l’événement est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de Mayotte, la crise sanitaire empêche la population de se réunir en masse comme elle en a l’habitude lorsqu’il s’agit de rappeler son appartenance à la France. « Nous avons appris par l’arrêté du 26 mars que nous étions [malgré tout] autorisés à organiser des manifestations dans l’espace public », rembobine Fatou Chauveau, directrice de la jeunesse, de la culture et de la politique de la ville au sein de la ville chef-lieu. « Il a fallu s’organiser en deux jours… »
L’ancienne directrice de la MJC de Kawéni prend alors contact avec l’établissement scolaire de Kawéni Stade qui a bénéficié en 2019 du projet chant chorale à l’école, porté par l’inspection de l’Éducation nationale de Mamoudzou Nord. Un projet mis en suspens par le Covid-19… Une parenthèse qui n’enlève en rien le talent des élèves de la classe de CM2 D de Monsieur Moudjibou, « la première génération de la départementalisation », invités à entonner la Marseillaise en direct, après les quelques mots d’introduction du premier adjoint au maire de Mamoudzou, Dhinouraine M’Colo Mainty.
La jeunesse, la ressource première du territoire
Avant l’entrée en scène de Rosemina Ali. Plus question de se débiner ! « Je suis née sous Mayotte, collectivité territoriale française, et aujourd’hui me voilà citoyenne du 101ème département français. […] En revendiquant la départementalisation, nos aînés ont vu le moyen d’ancrer, le plus solidement possible, Mayotte au sein de la République française », déroule-t-elle, d’une voix claire, les yeux tournés vers l’objectif. Un exercice oral pour le moins stressant, tant désiré par le maire Ambdilwahedou Soumaïla, qui voulait mettre sur le devant de la scène son conseil municipal des jeunes, « les adultes responsables de demain », en cette date symbolique. « Il faut composer avec la jeunesse qui est souvent vue comme un problème alors qu’elle est la ressource première du territoire », insiste Zaidou Tavanday, le directeur de cabinet du premier magistrat.
Derrière son pupitre toujours, Rosemina Ali continue sa plaidoirie d’une main de maître. « À l’horizon des dix prochaines années, soit en 2031, notre territoire devra garantir un meilleur épanouissement de la jeunesse de Mamoudzou, une meilleure offre d’éducation des enfants, avec des possibilités d’insertion et d’entrepreneuriat pour tous », insiste en guise de conclusion celle qui aspire à jouer sa partition dans la politique locale. Pas peu fière d’avoir réussi ce pari en seulement quelques heures de préparation, la jeune femme se montre même perfectionniste. « Je trouve que j’ai un bugué sur la fin, mais le message est passé, non ?! »
Mayotte 2021 n’est certainement pas la même que Mayotte 2011. La population a nettement augmenté, une partie s’est enrichie tandis qu’une autre s’est appauvrie. Les infrastructures se sont développées, mais malgré tous ces changements, le 101ème département de France cumule un large retard qui lui vaut la triste réputation de département le plus pauvre de France.
Le nombre d’habitants à Mayotte a toujours été au cœur du débat public, avant même la départementalisation. En 2017, l’Institut national de la statistique et des études économiques a recensé 256.000 habitants sur l’île. Un comptage sous-évalué selon une majeure partie de la population, qui n’a jamais cessé de rabâcher le nombre de 400.000… « Nous ne pouvons pas combattre la croyance populaire. Cette polémique va rester en l’état. Mais il n’y a jamais eu d’éléments techniques pour contester le chiffre officiel”, relate Jamel Mekkaoui, ancien chef de l’Insee à Mayotte.
Depuis cette même année, le nombre d’habitants a augmenté, mais n’a jamais atteint le chiffre fantaisiste prôné par certains. Quatre ans plus tard, le territoire compte 289.000 administrés. “C’est une estimation fiable. Les autres chiffres sont des fakes news ! Actuellement, nous sommes en train de faire le recensement et les agents sont des Mahorais qui vont partout et même dans les bangas. S’il y a des gens qui se cachent dans les bois parce qu’ils ont peur, nous pouvons en rater une poignée mais pas 150.000”, martèle Bertrand Aumand, l’actuel responsable du service régional. Pour rappel, en 2012, la population était estimée à 212.600 âmes, ce qui représente une hausse de 3,8% par an.
Les inégalités se sont accentuées
En 2011, selon l’Insee, le PIB par habitant était de 7.222 euros, contre 9.251 euros en 2018. Le pouvoir d’achat individuel a augmenté en moyenne de plus de 3,5% durant cette période. Pour une simple et bonne raison : la création d’une multitude d’entreprises, synonyme de production de richesses. Si l’Institut n’a pas encore actualisé ces chiffres, la crise de 2018 et le Covid-19 ont de fortes chances d’impacter le monde économique. “Les nouveaux résultats risquent d’infléchir, mais c’est pareil en métropole et même en Europe », prévient Bertrand Aumand. Et pourraient ainsi rebattre les cartes du seuil de pauvreté, passé de 84% à 77% entre 2012 et 2017. “J’aurais tendance à dire que le taux de pauvreté monétaire ne devrait pas chuter, il pourrait peut-être même légèrement augmenter”, nuance le chef du service régional de l’Insee à Mayotte.
Au-delà des chiffres, son prédécesseur a observé un changement de mode de vie selon la classe sociale durant ses sept années à Mayotte. “Une partie de la population s’est enrichie, nous l’avons vu dans les budgets des familles. Cela s’est concrétisé par l’achat de voitures neuves. Quand je suis arrivé à Mayotte il y en avait très peu. Aujourd’hui, il y a un parc automobile de qualité”, rapporte Jamel Mekkaoui. Tandis que certains se sont enrichis, d’autres se sont appauvris. Pour preuve, les logements en tôles ont augmenté de 1% de 2012 à 2017, tandis que, sur la même période, le nombre de foyers n’ayant pas accès à l’eau courante n’a que très légèrement régressé (30% contre 29% cinq ans plus tard).
Bon en avant pour les infrastructures
“Mayotte est loin du compte. Elle est très loin des normes métropolitaines et même des autres territoires ultramarins, qui sont également en retard par rapport à la métropole”, souligne Jamel Mekkaoui. Malgré cela, difficile de nier le développement rapide du territoire. L’aéroport de Mayotte en est le parfait exemple : son standing actuel est à des années lumières des dernières décennies. Quant aux routes, elles étaient tout bonnement impraticables sans l’aide de gros 4×4. “Lorsque je suis arrivé en 2013, nous devions passer à côté des bosses et des trous pour rouler”, se remémore, un brin nostalgique, Jamel Mekkaoui. Même son de cloche pour Internet, avec un haut débit inexistant avant la date fatidique de la départementalisation.
Partie tout en bas de l’échelle, l’île aux parfums poursuit son bonhomme de chemin et peut envisager à son rythme un avenir prometteur. “Mayotte est un département depuis seulement 10 ans, il faut être patient. Quand nous regardons en arrière dans l’histoire, les autres départements se sont développés lentement”, tempère Bertrand Aumand. Rendez-vous dans 10 ans pour voir si les projets en cours auront tenu leurs promesses.
Devenus de simples médiateurs sociaux avec la départementalisation, les ex-juges musulmans de Mayotte œuvrent auprès de la jeunesse et lors des conflits, dans le but d’apaiser les tensions. Mais alors que Mayotte fait face à une insécurité chronique, le conseil cadial peine à retrouver son influence, surtout auprès des jeunes, plus proches de la justice de droit commun.
Cadi Ahamada Ouirdane Chamassi passe un doigt précautionneux sur le vieux document jauni qu’il vient d’extirper de l’une de ses étagères. “Là, vous voyez, c’est un acte de naissance, en date de 1967. Vous avez encore écrit “Territoire des Comores”, dessus”, lit le représentant musulman la tête perdue plusieurs années en arrière, au milieu de ces vestiges de l’Histoire. Dans ce petit local loué par le conseil départemental, à deux pas de la mairie de Bandrélé, quelques piles d’archives témoignent encore du rôle central des cadis avant le passage progressif de Mayotte au statut de département. Tout à coup, un homme fait irruption dans la pièce, des boitiers dans les mains. C’est le mécanicien qui doit s’occuper du téléphone. “Avant, les bâtiments étaient délabrés, mais compte tenu de l’importance de notre travail, nous commençons à être mieux équipés”, souligne le cadi de Bandrélé, de retour en 2021.
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Anciens juges musulmans aux fonctions administratives, civiles et religieuses, à la fois maires et notaires, en charge de l’héritage, de l’état civil, du mariage comme de la résolution des conflits, les cadis ont vu leur rôle s’effriter avec l’alignement progressif de Mayotte sur le droit commun. À leur grand dam, la départementalisation a achevé de les priver de leurs prérogatives officielles, au profit de la justice de la République, qui s’attire encore aujourd’hui la méfiance d’une partie de la population. Et dans ce tout nouveau département, où plus de la moitié des habitants ont moins de 18 ans, les cadis ont aussi perdu de leur influence auprès d’une jeunesse “en manque de repères”, estime Younoussa Abaine, le directeur de la médiation et de la cohésion sociale au conseil départemental.
“Consolider leur rôle dans la prévention éducative”
En effet, rares sont les jeunes qui voient encore le cadi comme une autorité de référence. Et si, parmi ceux que nous avons interrogés, certains regrettent ce juge de proximité qui avait le mérite de rappeler rapidement à l’ordre les délinquants dans les villages, beaucoup se contentent d’un haussement d’épaules dubitatif. “Le cadi ? On n’entend presque plus parler de lui, on voit les panneaux dans la rue. Mais c’est une autorité religieuse, cela ne peut pas fonctionner avec la laïcité ”, confie ainsi Farouk, un lycéen de Koungou. Hochements de têtes approbateurs de ses camarades .
Démodés, les cadis ? Pas de l’avis de Younoussa Abaine. “J’ai été choisi en 2016 par le président pour la mission de médiation sociale, il s’agissait d’installer un service composé des cadis et des maîtres coraniques et de consolider leur rôle dans la prévention éducative”, raconte-t-il. Car dans ce département en proie à une insécurité chronique et à une forte délinquance juvénile, redonner une place à cette autorité traditionnelle relève selon lui d’enjeux à la fois sécuritaires et institutionnels.
D’où la mise en place progressive de ce conseil cadial, consulté régulièrement par les différentes autorités de l’île, que ce soit l’agence régionale de santé, quand il s’agit de véhiculer les gestes barrières contre le coronavirus, ou encore la préfecture et le Département, quand des affrontements éclatent au sein des villages. “Si l’institution cadiale ne peut effectivement plus se prévaloir d’être une autorité juridique pour ses missions traditionnelles de médiation sociale et familiale, elle conserve une influence, un magistère moral important”, confirme le président du conseil départemental Soibahadine Ibrahim Ramadani. “L’aspiration collective des habitants à la sécurité appelle des réponses diversifiées et collectives, impliquant aussi bien les associations, les clubs que le rôle des cadis.”
Des fonctionnaires du conseil départemental
Pour qu’ils exercent au mieux leurs nouvelles fonctions, les 19 cadis de Mayotte (18 cadis et le Grand Cadi) passent désormais obligatoirement par une formation sur la laïcité, le diplôme universitaire “Valeurs de la République et religions”, délivré par le CUFR. Rémunérés entre 1.500 et 2.500 euros par le conseil départemental, ils occupent officiellement un poste de fonctionnaire, de catégorie C ou A (pour le Grand Cadi notamment), avec pour mission la médiation sociale. Par ailleurs, des conventions ont été signées entre certaines communes de l’île, comme Bandrélé, ou récemment Mamoudzou à la suite des Assises de la sécurité en novembre 2020, pour consolider leur rôle dans la prévention éducative.
“Ils nous ont pris toutes nos compétences”
“Nous travaillons de 7h à 15h30 environ, mais en réalité, notre travail n’est pas de rester dans les bureaux et nous portons un point d’honneur à être présent quand on nous appelle”, décrit le cadi Ahamada Ouirdane Chamassi. Avec son homologue de Sada, Mohamed Abdallah, ils mènent d’ailleurs des actions de sensibilisation auprès des élèves à chaque rentrée des classes un peu tendue. “Nous allons à 5h du matin aux arrêts de bus pour leur dire qu’ils doivent étudier pour leur avenir et non pas amener la bagarre à l’école”, se gargarise Mohamed Abdallah.
Même fierté du côté du cadi d’Acoua, Yahaya Lihadji, présent en octobre dernier pour calmer les tensions entre les habitants des villages de Miréréni et Combani. “Avec la départementalisation, ils nous ont pris toutes nos compétences. On nous a dit de nous contenter d’aller au travail, de dormir là, un point c’est tout. Aujourd’hui, ils voient le bénéfice du cadi”, se réjouit-il. Pour autant, l’avenir de l’institution cadiale est encore semé d’embûches. La première ? Préparer la relève. “J’ai peur que là où un cadi part à la retraite, il n’y ait pas d’embauche pour le remplacer. Certains s’occupent déjà de deux bureaux… C’est une façon de casser les cadis”, souffle Yahaya Lihadj le regard dans le vague. Comme blessé pour la seconde fois.
L’événement aurait pu sembler heureux. Pourtant, à l’heure de dresser le bilan des dix premières années du département, plusieurs figures politiques déplorent le manque de moyens de la région, un statut acquis dans le même temps, mais que Mayotte peine encore à exercer.
Alors que le département célèbre sa première décennie, l’heure n’est pas qu’à la fête et aux cotillons pour certains acteurs politiques du territoire. Car dans l’ombre du statut acquis depuis dix ans, plane celui de la région, dont Mayotte, collectivité unique, est censée, depuis lors, exercer les compétences. Une double casquette visiblement trop lourde pour le dernier né des départements français, à en croire ceux qui le représentent. Car aujourd’hui encore, les financements reçus pour servir les missions de la région sont dérisoires face aux défis sociaux auxquels sont confrontés l’île. D’où l’idée d’un toilettage institutionnel portée par le sénateur Thani Mohamed Soilihi.
“Avec le président du conseil départemental notamment, nous avons été nombreux à porter très fort ce projet”, insiste le parlementaire. “Le but que nous recherchons est qu’enfin, ce département-région ait les outils pour jouer pleinement et entièrement son rôle de chef de file de son propre développement. Le département doit donner l’impulsion sur le plan social, la région sur le plan économique. Le volet régional ne fait que de l’accompagnement, on constate que beaucoup d’efforts restent à faire. » Preuve en est, les projets d’infrastructures et de constructions piétinent, notamment sous l’effet d’une réforme foncière antérieure à l’acquisition du nouveau statut, mais qui demeure non aboutie.
“Nous avons le statut mais pas les moyens”, résume à son tour, Abdallah Hassani, autre sénateur mahorais. “Les inégalités sociales observées à Mayotte viennent en partie du fait que nous ne pouvons pas exercer les compétences régionales, sans lesquelles Mayotte ne pourra pas se développer.” Interrogé à lui aussi à ce sujet, le député Mansour Kamardine acquiesce : “Il y a un décalage considérable entre les volontés politiques qui ont fait de Mayotte un département et les moyens mobilisés pour rattraper le retard de développement de l’île.”
Définir une loi de programmation, une priorité
Une poignée de jours après l’entrée en vigueur de la départementalisation de Mayotte, Daniel Zaïdani est élu conseil général du territoire. Il assiste aux premières loges à sa transformation, qu’il a suivi depuis ses prémices. “Nous nous attendions à voir s’établir à Mayotte, de façon progressive et adaptée aux réalités du territoire, le développement connu en métropole et à La Réunion. En 2001, une loi avait été adoptée pour établir un calendrier de travail sur dix ans”, se souvient-il. “La réalité, c’est que sur les dix dernières années, cette adaptation ne s’est pas faite comme envisagée.” La progressivité, quant à elle, “n’a guère avancé ces dernières années”. Et les exemples ne manquent pas : “En 2012, nous avons instauré le RSA à l’époque où j’étais président. Entre 2012 et 2015, il est passé de 25 à 50% (du montant national, ndlr), mais depuis il n’a pas progressé en dehors de la revalorisation annuelle. Si nous regardons les dernières années, il n’y a plus rien eu de progressif dans aucun domaine : en 2018, on nous avait donné un grand rendez-vous sur le code du travail, année où il devait s’appliquer à Mayotte. Mais ça a finalement été repoussé.”
Alors, Daniel Zaïdani préconise une “loi programme”, à l’instar du député Kamardine. “Cela nous permettrait d’avoir des échéances, des rendez-vous, des dotations dans le but de respecter les engagements des uns et des autres entre Paris et Mayotte, parce qu’aujourd’hui, nous sommes trop soumis aux engagements du gouvernement, qui aujourd’hui, ne réagit pas plus qu’il n’agit.” Un point que ne manque pas de détailler le parlementaire : “Toutes les promesses qui ont été faites ont été aussitôt oubliées, la première d’entre elles étant la construction de la piste longue qui devrait être en fonction aujourd’hui, mais qui a été immédiatement oubliée après la départementalisation, puisqu’en 2013, elle a été repoussée à 2050 sans aucune explication”, rappelle Mansour Kamardine. “Je pense aussi à la promesse qui a été faite concernant l’égalité salariale, ou encore les aides sociales qui ne sont pas toutes étendues à Mayotte. Et quand elles le sont, ce n’est qu’à hauteur de 50%. Voilà le bilan que nous pouvons dresser, celui d’un territoire totalement à l’abandon.”
Alors, à la veille de cet anniversaire malgré tout historique, 54 députés, issus de sept groupes sur les neufs que compte l’assemblée nationale, ont rédigé une tribune en guise de cadeau, intitulée “Engageons-nous à parachever le processus de départementalisation entamé en 2011”. Immigration, manque d’infrastructures, insécurité grandissante, désert médical et retard dans la mise en place du droit commun, le document balaie un large champ de problématiques. Celles-là même, qui, finalement, sont pointées du doigt depuis dix ans, déjà. Mais pour l’occasion, tous les élus du territoire, ou du moins, ceux qui répondront présents, s’entretiendront avec le ministre des Outre-mer, ce mercredi, afin de dresser un bilan de la dernière décennie à l’échelle de Mayotte.
Quel bilan faites-vous de la départementalisation ?
Youssrah Mahadali, habitante de Pamandzi de 23 ans
« Malheureusement, je n’en fais pas un constat positif… Pour ma part, on nous a vendu énormément de rêves au moment où on votait, mais entre les attentes et les choses effectuées, il y a quand même un gros fossé. Autant il y a eu des avantages, la départementalisation nous a amené un petit peu le nouvel aéroport, nous a permis d’avoir des infrastructures, ou dans des communes comme Labattoir, des espaces de loisirs, qui se mettent de plus en plus en place. Et finalement, c’est toutes ces aides de l’État et de l’Europe qui sont arrivées avec la départementalisation qui ont permis ça. Je pense aussi aux logements sociaux comme on peut le voir à Mgombani ou à Pamandzi au niveau du stade. Mais encore une fois, tout ceci reste minime face à tout ce qu’il faut faire à Mayotte. On a encore cette sensation “de ne pas être légitime” en France. Nous par exemple, en tant que jeune, quand on arrive en métropole pour les études, il faut qu’on fasse une dizaine de changements au niveau des papiers parce que la sécu n’est pas reconnue à Mayotte, parce qu’ils n’ont pas accès aux impôts de nos parents, etc. C’est plein de choses qui avaient été promises avec la départementalisation comme allant vers l’amélioration, mais en fait, on y est pas du tout. »
Ali Abdou Hakim, président du comité régional de basket de Mayotte
« Au niveau juridique, Mayotte est maintenant reconnue dans les ministères et à travers toutes les fédérations. Ce qui nous permet, nous dirigeants des ligues, d’être en relation directe avec les présidents de fédération, sans avoir besoin de passer par des intermédiaires. Ce statut nous permet de faire des demandes selon nos besoins en matière de formation, d’équipements ou d’accompagnement. Il faut noter que des comités existent encore sur le territoire et dépendent des ligues de La Réunion comme le tennis ou l’athlétisme. Mais la situation tend à se développer. La départementalisation a permis à l’État d’investir dans les infrastructures sportives tels que les gymnases, les plateaux couverts ou même la piscine ainsi que d’avoir notre place aux Jeux des Îles et peut-être même de les organiser en 2027. Si Mayotte obtient l’organisation, cela permettra à l’île de s’ouvrir sur sa région mais aussi à travers le monde sportif. Le ministère des sports, à travers les fédérations, facilite l’accès à la pratique du sport. En offrant des choix tels que les compétitions, les loisirs, le sport-santé, les détections des jeunes ou même les intégrations de jeunes dans les centres de formation en métropole. La communication a aussi évolué dans le milieu sportif… mais beaucoup reste à faire. Nous pouvons encore nous améliorer dans le département avec une meilleure organisation et davantage d’accompagnements au niveau des équipements et de la pratique. Nous devons offrir à notre jeunesse les choix pratiques et un peu plus de liberté dans l’expression de jeu afin qu’ils puissent réaliser leurs rêves. Pour finir, je dirais que nous avons le statut de département, mais pas encore tous les outils qui vont avec. En tout cas pour le moment. »
Baban Chelsea Papalahi
« Le processus de la départementalisation s’étend jusqu’en 2036. Il faut encore attendre 15 ans pour avoir tout ce qui compose un département français. »
Charabou Nabaouia
« Je pense que les choses se mettent en place petit à petit, mais les mentalités restent les mêmes. »
Salima Chaambany
« Mayotte avance à petits pas malgré les difficultés rencontrées sur son chemin… Elle est abandonnée par des élus qui oublient que la population lui a donné une mission : œuvrer pour le bien-être de chacun et se battre pour la liberté, l’égalité et la fraternité. Et ça, nous sommes loin du compte avec la politique africaine du ventre ! »
Mad James
« On a endormi la population en insistant sur les avantages et non sur les inconvénients… Jacques Chirac avait vu juste en dotant l’île du statut de collectivité départementale, sans vouloir brûler les étapes. Mais bon, peut-être que cela prendra forme avec le temps. »
Fanny Omr
« 10 ans de cauchemar ! »
Matthieu Poisson
« Ce qui est triste, c’est que la très grande majorité de la population n’a pas lu le pacte de départementalisation et a voté oui, pour ensuite se plaindre de ce qui était écrit noir sur blanc (et en plusieurs langues). La départementalisation est, à mon avis, arrivée trop tôt, Mayotte n’était pas prête. Quand c’était collectivité, il y avait moins de problème. Mayotte est française pour toujours, département ou pas. »
Isabelle Gmyrek
« Je n’ai pas l’impression d’être dans un département français, tant la différence est grande. Les Mahorais n’ont pas les mêmes privilèges économiques et sociaux que les métropolitains. Comment voulez-vous que les Mahorais s’en sortent avec des loyers et des prix à la consommation presque deux fois supérieurs à ceux de métropole et des revenus deux fois inférieurs ? Pouvons-nous envisager aujourd’hui que l’ensemble des Mahorais se soumettent à la digitalisation de leurs démarches administratives et commerciales avec des capacités d’équipements aussi insuffisantes ? Près de 80% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté… Notre volonté de progresser est malheureusement très peu présente, ou bien stoppée par des autorités trop minimalistes ou égocentriques – faites le choix – alors que nous pouvons compter sur une jeunesse porteuse de savoir et de créativité. Bref, j’en passe… Il y a une multitude de freins qui empêchent Mayotte de briller ! »
Riava Cheik Afsar
« Jamais ce territoire, département ou pas, ne brillera tant que le peuple mahorais continuera de prendre l’État comorien pour son ennemi. L’idéologie issue des combats Serrer-la-main / Soroda est en train de s’essouffler, pendant que les ressortissants des Comores se trouvent au cœur des instances décisionnelles de votre collectivité. Rien de consistant ne se construira dans la haine née de la bipolarisation Mayotte-Comores. Aux nouvelles générations d’apaiser les tensions et de se réconcilier pour espérer un développement harmonieux de vos îles. »
Ambdi Gau
« En métropole, beaucoup de régions et de départements ont mis des années avant de devenir ce qu’ils sont maintenant. Regardez La Réunion, elle a mis presque 40 ans pour en arriver là. Après seulement 10 années de départementalisation, nous ne pouvons pas faire le même rattrapage que les autres. Soyons optimistes, voyons les côtés positifs. »
Said Said Alias
« Mayotte n’a de « département » que le nom, elle est toujours une collectivité unique, il ne faut pas se leurrer. Avant 2011, nous n’avions pas les mêmes problèmes, car nous n’avions ni les mêmes demandes ni les mêmes attentes. Aujourd’hui, l’État et le gouvernement doivent vraiment s’engager dans leurs missions à Mayotte, tout comme les élus locaux. »
Patou Martinez Sastre
« Mayotte n’était pas prête ! Pour y avoir vécu 6 ans avant la départementalisation et pour avoir des amis mahorais et comoriens, je trouve la situation actuelle bien triste… Le pouvoir est fautif, mais le peuple aussi ! »
Ce jeudi, tout Mayotte s’apprêtait à fêter la départementalisation à Mamoudzou. Mais à 9h15, l’élection du président du conseil général a tourné court, avec un scénario digne des plus grands films à suspens d’Hollywood. Faute de quorum, le CG n’a pas élu son nouveau président et la séance est remise à dimanche. la ministre a alors repoussé sa venue. le département est créé conformément à la loi du 3 août 2009, mais sans président.
« C’est une insulte à la population, c’est indigne de la République ! » Daniel Zaïdani et Ibrahim Aboubacar ne mâchent pas leurs mots quand, vers 9h15, Ahamed Attoumani Douchina proclame qu’en raison d’un trop faible nombre d’élus au sein de l’hémicycle Bamana, le président du CG ne peut être élu. Pourtant à 8h40, les choses s’annonçaient plutôt bien lorsque 10 élus sur 19 ont fait leur entrée dans l’hémicycle. Détendus, souriants, ils se sont installés côté gauche de l’hémicycle. Le seul qui a une feuille devant lui est Daniel Zaïdani. Il semble préparer son discours de président. Mais au fur et à mesure des minutes qui passent, toute l’assistance de l’hémicycle se demande où sont passés les élus de l’UMP.
« Il faut jouer le match et qu’ils soient déclarés forfaits », ironise Raos. À 8h55, Ahamed Attoumani Douchina fait son apparition. À 9h00, heure du début de la session, ils sont donc 11 élus dans l’hémicycle. C’est assez pour que la session se tienne et que le département soit officiellement en place, conformément à la loi, mais insuffisant pour élire le président puisqu’il faut un quorum de 2/3 des élus, soit 13 élus. L’appel effectué par Daniel Zaïdani, benjamin de l’assemblée, confirme l’absence des élus UMP, de Mirhane Ousseni, de Jacques Martial Henry et d’Issihaka Abdillah. Quelques minutes plus tard donc, après la constatation du quorum non-atteint, Ahamed Attoumani Douchina et Jean-Claude Louchet (DGS) quittent l’hémicycle. « Population de Mayotte, restez, nous allons élire symboliquement notre président et notre bureau », intiment les élus progressistes à l’assistance dans le brouhaha le plus total.
« L’UMP, c’est l’Union des mauvais perdants. Si la ministre pense venir pour saboter cette majorité, c’est raté », indique pour sa part Saïd Salimé, conseiller général de Chiconi. « Ca augure mal de l’installation du département », affirme pour sa part Elie Hoarau, député européen pour la France de l’océan Indien. Les progressistes ont trouvé suspect qu’aucun représentant de l’État ne soit présent, mais la préfecture souligne que sa présence au CG le matin n’était pas prévue.
À 9h30, Daniel Zaïdani en tant que benjamin des élus restés dans l’hémicycle et Sarah Mouhoussoune en tant que doyenne continuent l’élection, même si juridiquement elle n’est pas valide, en demandant une minute de silence pour Ahmed Madi, ancien conseiller de Bouéni décédé dans la nuit de mercredi à jeudi. Un quart d’heure plus tard, c’est sous les ovations qu’il est constitué, et la Marseillaise résonne. À la sortie de l’hémicycle, pour beaucoup de Mahorais, y compris partisans de l’UMP, c’est l’incompréhension.
« Pour cette journée historique, c’est vraiment honteux et inadmissible que les choses se soient passées ainsi », ont-ils déclaré. Il est clair qu’avec tous les yeux de la Nation rivés sur nous et un tel spectacle, les élus mahorais n’ont pas donné une belle image de Mayotte. Ce sera à eux d’expliquer leur choix à la population et de l’assumer. Dimanche, les 19 conseillers généraux sont attendus pour élire le président. Et quoi qu’il en soit, ce sera la bonne puisque l’article L 3122-1 du Code général des collectivités locales précise que même si le quorum n’est pas atteint, l’élection peut avoir lieu. Zaïdou Tavanday, l’un des élus absents, joint par téléphone a pour sa part déclaré n’avoir aucun commentaire à faire pour le moment.
Cet article a été repris tel quel dans le Mayotte Hebdo n°515 du vendredi 1er avril 2011
La réaction des politiques
Daniel Zaïdani, conseiller général MDM de Pamandzi
Je suis réellement indigné par rapport à ce qui vient de se passer. Je constate que la politique de la chaise vide est toujours d’actualité. Je constate que le jour où nous devions installer la départementalisation de Mayotte, un certain nombre d’élus ont refusé de venir siéger dans l’hémicycle afin d’installer la départementalisation souhaitée et voulue par nos parents depuis plus de 53 ans. (…) Nous n’admettrons pas qu’une minorité d’élus nous empêche de départementaliser l’île de Mayotte. Nous reviendrons dimanche, et nous installerons la départementalisation qu’ils le veuillent ou non. Je le répète, il est essentiel que l’ensemble de la population prenne conscience qu’il y a ici des gens qui sont minoritaires qui refusent de départementaliser Mayotte en présence d’Adrien Giraud, de Marcel Henry et de Zaïna Méresse. Ceci est un véritable scandale fait à la population mahoraise qui s’est battue. Pour ma part, et ce quelle que soit la majorité qui vient ici, lorsque nous sommes des élus, lorsque nous décidons de nous présenter à des élections, il est indispensable que chacun d’entre nous accepte le choix des urnes. Nous voulons départementaliser l’île, remettre en œuvre le conseil général et il y a des gens qui ne veulent pas faire cela à Mayotte. (…) C’est un scandale républicain !
Saïd Omar Oili, conseiller général de Dzaoudzi-Labattoir
Je n’ai jamais assisté à un coup d’État. Mais là, c’est la première fois que je le vis en chair et en os, et c’est inacceptable. Les urnes ont parlé. L’UMP a été battue et je ne comprends pas que des gens qui se disent républicains ne viennent pas dans la salle pour voter démocratiquement. Je trouve ça franchement scandaleux !
Mouhoutar Salim, porte-parole de l’alliance des Forces progressistes
Nous comprenons aujourd’hui que les élus de l’UMP sont de mauvais perdants, et nous comprenons aussi pourquoi il y a systématiquement des élections recommencées à Sada. (…) Nous avons notre majorité. Ils attendront 2014. Nous allons voter notre bureau, et nous n’irons pas accueillir la ministre, puisqu’elle n’a pas voulu de notre président.
Abdoulatifou Aly, député Modem de Mayotte
C’est une tentative de refus d’application de la loi républicaine. En démocratie, même si chacun est libre de faire ce qu’il envie de faire, on n’est pas libre du tout de refuser l’application de la loi. En démocratie, la liberté, c’est de justement de faire respecter la loi. Et ceux qui ont choisi de s’absenter aujourd’hui, ceux-là ne souhaitaient pas que la loi s’applique, au contraire de ceux qui sont présents. Encore une fois, chacun est libre de faire ce qu’il souhaite. La ministre est libre d’avoir les idées et les opinions que l’État a, mais ce que nous disons, c’est que l’État ne peut pas faire abstraction de la loi. La loi est au-dessus de tout le monde et personne n’est au-dessus de la loi.
Saïd Ahamadi, dit Raos, conseiller général PSM de Koungou
Je suis scandalisé. Je m’attendais à tout sauf à ça. L’UMP est pire que l’Union des Comores ! Ce sont des indépendantistes.
Michel Taillefer, président du Medef
Je suis atterré par le comportement des élus qui ne se sont pas présentés dans l’hémicycle du conseil général. C’est une insulte contre les Mahorais et la France. J’ai honte pour eux.
Mama Bolé est l’une des Chatouilleuses encore en vie de nos jours. Au commencement du combat pour Mayotte Française, la grand-mère était alors âgée d’environ une quarantaine d’années. Aujourd’hui, l’octogénaire est une ”coco” heureuse : de ses yeux, elle va bientôt assister au dénouement du combat de sa vie. Une bataille qui, malgré les années, est restée gravée à jamais dans sa mémoire.
Dans la lignée des grandes Chatouilleuses reconnues sur cette île, le nom de Sidi Echat alias Mama Bolé apparaît nulle part. L’île loue Zéna M’déré, Zakia Madi, Zaïna Méresse, Coco Djoumoi, Bouéni M’titi, Mouchoula, etc. Mais Mama Bolé, jamais. Rares sont les personnes qui la connaissent. Le docteur Martial Henry, l’un des figures historiques du combat pour Mayotte Française, compagnon de route de Younoussa Bamana et de son oncle Marcel Henry, désigne pourtant cette dame comme l’une des têtes emblématiques à l’origine du combat des Mahorais.
Une grande Chatouilleuse qui serait passée aux oubliettes ? « Mais non mes enfants, je ne suis pas une Chatouilleuse jetée aux oubliettes ! Disons que je n’ai pas beaucoup voulu faire parler de moi, car voyez-vous, je suis un instrument de Dieu, je ne raconte que des choses que mes yeux ont vues. Et sur cette histoire de « chatouille« , de mes yeux, moi Sidi Echat, je n’en ai jamais vue. Et comme souvent, vous les journalistes, vous vous intéressez principalement à ces histoires de « chatouilles« , j’ai préféré me taire, n’ayant rien à dire là-dessus », explique avec beaucoup d’humilité la vieille dame.
Elle poursuit, « du combat pour Mayotte Française, ce dont mes yeux ont souvenir, ce sont surtout les jets de cailloux, les affrontements avec des bouts de bois, les injures en tous genres… Mais les chatouilles ? Je n’en ai pas vues. Alors plutôt que de vous raconter des mensonges, je préfère vous parler des choses auxquelles j’ai assisté ». Sidi Echat est aujourd’hui âgée d’environ 85 ans. Une solide petite grand-mère qui se souvient encore parfaitement des événements qui ont bouleversé Mayotte au moment de la séparation avec les Comores.
« Face à nous se dressaient des Comoriens bien décidés à s’accaparer Mayotte »
« Ce combat, mes enfants, si nous l’avions mené principalement avec des chatouilles, croyez-moi nous aurions été battus. Face à nous se dressaient des Comoriens bien décidés à s’accaparer Mayotte et sachez que c’étaient eux qui détenaient le pouvoir, par conséquent les fusils et les grenades. Je pense que ceux ou celles qui ont étendu ce mode de combat de « chatouille » ont voulu transmettre une métaphore. Voyez-vous, comme nous n’étions pas armées par rapport à nos adversaires, souvent on y allait au culot. Il n’y avait que des femmes, les hommes eux avaient trop peur : s’ils bougeaient ils perdaient leur travail ou se retrouvaient emprisonnés. Vous voyez comment ça marche quand les femmes entrent en scène pour aller se battre ? Il y a des bousculades, des crêpages de chignons, des frottements, des cris, des youyouyous, etc. Des femmes au combat ! C’est peut-être ça qui a fait de nous des Chatouilleuses ? »
Aux balbutiements de l’indépendance des Comores, Mama Bolé, comme la plupart des femmes qui ont été à l’origine du soulèvement de Mayotte, vivait à l’extérieur de l’île. « Avec mon mari, un Grand Comorien, nous étions à Majunga. Zéna M’déré aussi vivait à Madagascar. Coco Djoumoi elle, était mariée à un Grand Comorien et habitait la Grande Comore. »
Un dicton mahorais dit : « Lorsqu’un scolopendre veut te mordre, toi qui est la cible, tu ne vois pas son arrivée. Ce sont ceux qui sont éloignés de toi qui l’aperçoivent en premier », parle en sage coco Mama Bolé. Par cette expression, la vieille dame entend que ce sont particulièrement les femmes qui évoluaient à l’extérieur de l’île qui ont, en premier lieu, senti le danger sur l’évolution des Comores et la mainmise sur Mayotte.
« Vous savez, quand les M’zungus sont à table, ils parlent beaucoup… »
« Mon mari travaillait comme boy chez un M’zungu. C’est de là que je suivais toute l’évolution politique des Comores. Vous savez, quand les M’zungus sont à table, ils parlent beaucoup… À les écouter, c’est une mine d’or d’informations. Mon mari Grand Comorien, donc fier de l’être, ne cessait de me narguer au retour du travail. Il me disait : « ça en est fini de Mayotte. Vous êtes des petits joueurs. Les grands vont prendre les responsabilités. Les administrations vont être transférées à Moroni. Bientôt Mayotte ne sera rien d’autre qu’un champ où nous irons cultiver les maniocs. Vous quitterez un à un votre petite île pour venir nous voir, nous les grands.« »
À ces mots, le cœur de Mama saignait : « C’était comme si on me transperçait la poitrine avec un couteau. À force d’entendre ces railleries, j’ai fini par déclarer : je rentre chez moi. » Mama Bolé quitta Majunga à bord du bateau « Scandinavie« . Elle fit escale trois jours à la Grande Comore. « J’ai été stupéfaite de voir tous les hommes de Labattoir à Moroni. Ça annonçait déjà la gravité des choses à Mayotte. »
Et lorsque la femme frôla enfin le sol de Dzaoudzi, un spectacle de désolation s’offrait à elle : « À Dzaoudzi, village jadis rayonnant, fierté de la présence française à Mayotte, il n’y avait plus rien. Seuls les bœufs et les moutons broutaient l’herbe, un petit garçon les nourrissait. La place du bâtiment des finances était recouverte par les mauvaises herbes. Non loin de là, des bâches couvraient des malles en bois, qui sans doute suivaient tout le reste vers la Grande Comore. Des feuilles blanches volaient partout, telles des papillons, seules empreintes des activités qu’il y eut ici jadis. »
Mama Bolé se précipita chez elle, elle y déposa ses bagages, et revint de nouveau à Dzaoudzi nostalgique. « J’y suis revenue chaque jour que Dieu fit mes chers enfants, pour constater encore et encore l’étendue des dégâts. Je râlais ! À longueur de journée. Les policiers Chaduli et Yahaya, toujours postés là, me prenaient sans doute pour une folle : cette Ma Kouraïchia n’a rien d’autre à faire de ses journées à part venir tous les jours râler ici. », s’intriguaient les agents.
Bientôt, les verbiages de Mama Bolé eurent un premier écho : « Je me suis mise certains habitants de Labattoir à dos. Ils me traitaient de vantarde car je disais : si ce genre de chose était arrivée à Madagascar, jamais les Malgaches ne se seraient laissés faire comme ça. Ils seraient partis demander des comptes à leur gouvernement. Les gens qui étaient contre moi, disaient : voilà, madame a voyagé un peu et ça y est, elle se prend pour madame je sais tout. » Puis enfin le jour de la reconnaissance arriva : « Une délégation venant de Pamandzi est venue me chercher : « viens avec nous, tu es appelée chez Coco Madi.« »
« Pour calmer vos ardeurs, il faudrait vous mettre du gingembre et du piment dans les foufounes… »
« J’avoue que là, je faisais moins la fière. Quand je suis arrivée chez cette dame, le jardin entier était rempli de femmes. Mon cœur battait très fort, je me disais : Echat dans quel pétrin tu t’es encore fourrée ? Mais toute cette délégation de femmes présentes dans cette cour espérait au final la même chose que moi : lancer un cri de revendication contre le gouvernement comorien. Nous nous sommes saluées et ensemble nous prenions l’engagement de nous soulever et amener nos revendications jusque dans les oreilles qu’il fallait. »
Ahmed Sabili, alors député représentant Mayotte à l’assemblée comorienne, était justement à Mayotte. Les femmes marchèrent à sa rencontre. « On lui a demandé d’agir, mais comme nous n’étions que des femmes, il s’est moqué complètement de nos revendications. Il nous riait au nez, en nous disant : « je ne peux pas vous épouser toutes. Je n’aurais pas assez de pain pour vous, prenez du manioc amer. Et bientôt, pour calmer vos ardeurs, il faudra vous mettre du gingembre et du piment dans les foufounes…« »
Inutile de décrire la colère qui s’empara alors des femmes. Le mouvement s’est amplifié soudainement. Les bouénis de Labattoir ont rejoint définitivement celles de Pamandzi, la révolte a ainsi pris forme. « On ne le laissa plus jamais tranquille. À chacun de ses pas, nous étions derrière lui. Mais vous savez, avec du recul je crois que ce jeu l’arrangeait bien. Comme par hasard, nous étions toujours prévenues des moindres de ses faits et gestes. Je me demande s’il ne s’est pas servi de nous, pour alimenter la tension entre Mayotte et les Comores ? », analyse avec du recul la Chatouilleuse.
L’affaire finit tout de même par arriver aux oreilles du gouvernement comorien. Said Mohammed Cheikh, le président du conseil de gouvernement, décide lui-même de se précipiter à Mayotte pour régler le problème. « C’est à ce moment-là que Zéna M’déré, la mère de ce combat, est sortie réellement de l’ombre. Vous savez, depuis toujours les foundis disaient que le combat de Mayotte serait conduit par une femme, mais jusqu’à ce fameux jour Dieu avait gardé cette femme en secret. Said Mohamed Cheikh arriva à Mayotte un lundi. Dimanche, nous nous sommes réunies et chacune se demandait qui allait oser l’affronter. Aujourd’hui encore, je me questionne sur moi. Aurai-je osé ou non affronter Cheikh ? C’était un grand homme, un président, tu n’avances pas vers lui si tu n’as pas d’arguments solides. » Coco Moirangué, l’une des femmes, recommanda alors Zéna M’déré. C’est donc ce fameux dimanche qui marqua l’entrée en scène dans la politique de la matriarche du combat pour Mayotte Française. « Zéna M’déré souffrait depuis un moment de maux de tête accentués par des douleurs terribles aux yeux. Elle avait prévu de se rendre à Anjouan. Là-bas, il y avait des guérisseurs réputés qui auraient pu l’aider », se souvient Mama Bolé.
Mais l’histoire en a décidé autrement : « Malgré sa souffrance, elle a accepté de nous suivre pour aller parler avec Cheikh. Le lundi, lorsque ce dernier est arrivé, Zéna M’déré l’a affronté droit dans les yeux. Que Dieu est grand, sa maladie s’était envolée. » La foule constituée uniquement de femmes s’était rassemblée sur l’actuel quartier Zardéni, l’emplacement où se trouvent les locaux de Mayotte Première.
« Avant, c’était là où se rendaient les députés, les ministres. Cheikh était protégé par des policiers, entouré par ses ministres et députés. Malgré notre nombre, nous ne sommes pas parvenues à en découdre avec lui ce jour-là. Il nous a dit : « revenez demain à 9h. » Une petite délégation s’est tout de même déplacée l’après-midi pour essayer encore, et là on a compris que même le lendemain il n’avait pas l’intention de nous recevoir. »
« Ma Fatima Soumkodzée versa les premières gouttes de sang au nom du combat pour Mayotte française »
« Cheikh avait semble-t-il un début de mal de tête, causé par nos chamailleries du matin », expliquait son entourage. Ce début de malaise ne refoula nullement les actions des Petites-Terriennes. « Le mardi matin, nous nous rassemblions en masse et réclamions coûte que coûte de le voir. Il a fini par accepter, mais ne voulait discuter qu’avec Zéna M’déré. » Hors de question, défendaient les femmes, qui craignaient des dessous de table. « Nous savions que si elle rentrait seule, ils allaient sans aucun doute lui proposer de l’argent, pour acheter son silence, c’était leur façon de faire. Soit on rentrait toutes, soit rien ! »
Un début de mouvement commença alors, « on s’accrochait comme on pouvait à Zéna M’déré. Ça tirait de tous les cotés. Les policiers tentaient de la faire rentrer et nous, nous essayions de la faire sortir. Et c’est là que quelqu’un, une voix sortie de nulle part a lancé : Ahhh Chaduli ! Tu frappes Coco Djoumoi ! À cet instant précis mes enfants ! Même les pèlerins à Minat ne pouvaient avoir la force qui s’était emparée de nous. Nous avons bondi sur les cailloux qui traînaient dans les parages… ».
L’affrontement débuta. Dans l’agitation, Ma Fatima Soumkodzée versa les premières gouttes de sang pour le combat de Mayotte Française. « J’ignore comment c’est arrivé, on l’a juste vue saigner de la tête. Nous avions cassé des vitres, piétiné des gens. Said Mohamed Cheikh a été insulté comme jamais il ne le fut de toute sa vie. Il tentait de nous calmer en répétant : « mes sœurs, nous pouvons trouver un arrangement ». Mais il était trop tard… Nous répondions : « tu pilles Mayotte, tu n’as aucune considération pour nous, tu ne seras jamais notre frère, tu n’es rien d’autre qu’un voleur.« »
Cet événement, gravé à jamais dans la mémoire de Mama Bolé, marqua l’entrée en scène des Chatouilleuses… Ce jour-là, les policiers réussirent à évacuer Saïd Mohamed Cheikh qui quitta Mayotte, selon la tradition orale, recouvert d’un drap, tellement l’homme se serait senti humilié par le comportement des Mahoraises. Jusqu’à sa mort le 16 mars 1970 à Antananarivo, le président du conseil du gouvernement ne remit plus jamais les pieds à Mayotte. Le mouvement des femmes de la Petite-Terre prenait quant à lui un nouvel élan, bientôt des actions de ce type se répétèrent sur toute l’île.
Cet article a été repris tel quel dans le Mayotte Hebdo n°515 du vendredi 1er avril 2011
La départementalisation de Mayotte n’aurait sans doute jamais vu le jour sans la hargne des Mahoraises : Zéna M’déré, Zaïna Méresse, Coco Djoumoi, Mouchoula, Echa Sidi et des centaines d’autres. Beaucoup de ces femmes sont aujourd’hui mortes, certaines, pour la plupart octogénaires, voient enfin leur rêve s’accomplir. Elles sont allées à contre-courant de l’histoire, et pourtant elles continuent à revivre à travers elle. En 1987, les cinq ”Chatouilleuses” cités plus haut ont accordé une interview au magazine Jana na léo, dirigé par Hélène Mac Luckie. Retour sur les traces d’un combat, au féminin.
Les prémices de ce combat ont incontestablement débuté en 1958. L’ensemble comorien : Mayotte, Mohéli, Anjouan et la Grande Comore se voit doté par la France d’un embryon d’exécutif sous forme d’un conseil de gouvernement. L’archipel bénéficie alors d’une autonomie de gestion qui correspond dans les faits à un début d’autonomie interne. Élection d’un président : Saïd Mohammed Cheikh, l’homme qui est à l’origine du mouvement d’émancipation des îles. Il est de Grande Comore. Il n’est donc pas sentimentalement attaché à Mayotte et il se persuade très vite que le maintien de l’administration centrale sur l’îlot de Dzaoudzi est une impossibilité dans l’optique d’un territoire moderne. La France approuve.
Les ennuis commencent pour Mayotte… En 1962, le siège de l’administration comorienne et des services français sont donc transférés à Moroni. Désespoir et fureur des Mahorais, « parce qu’il était président, M. Auriol n’a pas fait transférer la capitale de la France en Haute-Garonne, et M. Coty n’est pas allé s’installer au Havre », déclarent des Mahorais, propos repris par le Figaro du 27 juin 1975. Quoi qu’il en soit, en 1966, c’est terminé. Les derniers grands services ont quitté Mayotte. L’île s’endort… Sans crédits pour investir. Sans lumière après minuit. Sans vraie route. Avec une adduction d’eau rudimentaire… Les Mahorais qui pensaient disposer d’un droit d’antériorité concédé par l’histoire, étant Français depuis 1841, bien avant les autres îles, se retrouvent à la fois lâchés, ulcérés et surtout appauvris.
Coco Djoumoi
« On a commencé à s’occuper de politique parce que les hommes qui réclamaient n’obtenaient jamais rien. C’était la misère, tout le monde souffrait, les femmes, les enfants, les hommes. Mayotte régressait. Ça ne fait pas plaisir de voir son pays en pleine décadence ! »
Zéna M’déré
« Le départ de la capitale à Moroni était catastrophique pour Mayotte. À l’hôpital pas de nivaquine, pas d’infirmier véritable. Pas de riz, pas de sucre, pas de savon dans le commerce. Il n’y avait plus rien ! Nous nous disions : « si cela continue nous allons tous mourir !« »
Dans les souvenirs des cinq Chatouilleuses, les premières femmes à avoir milité étaient Soua Saïdi, Zoubadi Abdou, Coco Madi, entre autres. Ces jeunes femmes d’antan se réunissaient quotidiennement pour parler de leur avenir.
« Des ministres, des membres du gouvernement, toutes sortes de notables censés s’occuper de nos affaires venaient régulièrement à Mayotte, jusqu’à 3 ou 4 fois par semaine. Cependant, comme il ne se passait rien ici, que nos revendications ne trouvaient pas écho, nous nous demandions : que viennent-ils faire ici ? Ces gens ne voulaient pas nous aider, ils coupaient les bourses d’études à nos enfants qui ne pouvaient pas partir en Métropole. Ils nous « assénaient des coups de marteaux » pour nous achever ! Nous, nous voulions les empêcher de venir nous narguer. Nous n’osions pas frapper des personnalités… Nous étions à la recherche d’une solution qui nous éviterait des sanctions de la justice. C’est ainsi que peu à peu, entre sérieux et plaisanterie, l’idée a germé et s’est affirmée : « on va les chatouiller ». Ils ne vont plus venir ! Aucune peine de prison n’était prévue contre la chatouille. »
Echa Sidi
« Les Comores nous avaient pris tous les bureaux, beaucoup d’hommes étaient partis, alors il fallait agir ! Les villageoises se voyaient en situation difficile et elles se sont mises en action pour défendre les intérêts de Mayotte. »
La grossièreté du député Ahmed Sabili, qui avait répondu ainsi aux femmes : « Bientôt, pour calmer vos ardeurs, il faudra vous mettre du gingembre et du piment dans la chouchoune ! », provoqua une vague de protestations.
Ces déclarations ont choqué à un tel point les femmes de Labattoir et M’tsapéré que le mécontentement se propagea sur toute l’île. Ces femmes ont alors formé, avec des centaines d’autres dans chaque village, le commando des « Chatouilleuses ».
Zaïna Méresse
« Le premier homme qu’on a chatouillé ? C’était un homme originaire de Mtsamiouli… Ah ! Son nom est Mohamed Dahalane. Il est mort à présent. On ne savait pas de quoi il était ministre, la seule chose qui comptait, c’était son appartenance au gouvernement. Nous étions à Pamandzi. Chacune à nos activités quotidiennes. Nous avions convenu d’un cri de ralliement… Un youyou modulé qui ne ressemble pas à celui des fêtes villageoises. Une espèce de cri d’oiseau. Les femmes, en entendant le cri, devaient le reproduire à leur tour et sortir des maisons. En un rien de temps, toutes celles de Pamandzi se dirigeaient vers la rue du Commerce. Mohamed Dahalani marchait seul. Il se baladait. Les premières arrivées l’entourent à 3 ou 4, sans animosité. Elles commencent à se plaindre en douceur. Pourquoi ne vous occupez-vous pas de Mayotte ? Pas de goudron… Pas d’école… Pas de travail… Pas d’électricité… Rien de rien ! Pourquoi Mayotte ne compte-telle pas ? etc… Dix, quinze, vingt femmes arrivaient. On commençait à le toucher, à le complimenter : « Belle cravate ! Beau cheveux !… » Soudain, l’une d’entre nous commence la chatouille sur son côté droit. Très vite il se tord. On le déshabille : sa veste lui est ôtée et on le chatouille de plus belle. Bientôt il n’arrivait plus à respirer… Pendant ce temps, des gens qui ne partageaient pas nos idées, des « Serrer-la main« , étaient partis à bicyclette prévenir la gendarmerie. Il me semble que le commandant du peloton se nommait Béton. Monsieur Béton. Quand il est arrivé, le ministre était seul, écroulé dans la poussière. Un peu remis, assis dans la Jeep, il a dit qu’il ne savait pas qui étaient ces femmes qui l’avaient agressé. Les gendarmes l’ont ramené à la résidence. Le lendemain, il a pris l’avion pour Moroni et là-bas a tout raconté à ses amis, ses collaborateurs. Eh bien ceux-ci se sont moqués de lui. Des femmes ? Des chatouilleuses ? Ridicule ! Nous, nous ne nous serions pas fait avoir ! Le malheureux avait beau affirmer qu’elles étaient au moins trente, chacun a décidé de tenter l’aventure. C’est ainsi que le second est arrivé. Il avait pris la précaution de se balader avec 3 ou 4 amis, des Grands Comoriens. Déjà dans tous les quartiers le hululement caractéristique avait ameuté les femmes. Rapidement nous étions une dizaine près d’eux, psalmodiant le leitmotiv : « Pourquoi venez-vous ici alors que vous ne nous aidez pas ? » « Repartez chez vous ! » L’un d’entre eux nous a répondu : « Qu’est-ce que vous pouvez contre nous ? » Hop ! En un clin d’œil ces messieurs n’avaient plus de vestes ni de chemises et gigotaient entre nos mains. Dès qu’ils se sont mis à suffoquer, les femmes ont dit : Attention, ils vont mourir ! Nous nous sommes dispersées, et les avons laissés dans la poussière. »
Selon les « Chatouilleuses », beaucoup d’hommes du gouvernement sont venus à Mayotte goûter à leurs chatouilles. Ces élus ne voulaient pas croire à l’efficacité de ces assauts tant qu’ils ne leur étaient rien arrivés. L’un des derniers dirigeants à avoir été chatouillé est l’ancien ministre et député Ahmed Sabili. Lorsqu’une petite délégation de femmes est allée lui faire part des difficultés que rencontrait Mayotte, l’homme les aurait insultées.
« Il a affirmé que nous n’étions motivée que par notre excitation sexuelle, que Mayotte ne nous intéressait pas vraiment, que nous n’avions qu’à nous arranger ensemble, devenir des gouines. Notre fureur était sans égal ! Le jour de son départ pour Moroni, toutes les femmes étaient rassemblées à l’aéroport. Pas 20 ou 30, mais plus d’une centaine. L’aéroport était barricadé. Il y avait un gendarme m’zungu plutôt balèze. « Madame Méresse« , me dit-il, « faites partir les femmes !« . « Cent femmes ! Je ne peux pas, je ne peux pas… » Hop, on l’a chatouillé et nous sommes toutes rentrées en courant. Des gendarmes en Jeep gardaient l’avion. Prises de frénésie vengeresse, les femmes ont sauté par-dessus les voitures et enfin attrapé Ahmed Sabili qui était déjà sur la passerelle. Elles ont pu arracher un seul côté de ses vêtements : une manche, une jambe de pantalon, une chaussure, son chapeau. Les femmes criaient : « Mais tu es Mahorais ! Reste à Mayotte ! Lutte avec nous ! C’est pour ça qu’on a déchiré ses habits en deux : un morceau à Moroni, un morceau à Mayotte, comme la mentalité de cet homme !… » Après cela, Ahmed Sabili est resté 6 années sans revenir à Mayotte. »
À cet époque, déclare Madame Méresse, les femmes avaient du caractère. Elles disaient « allons » et c’était parti. Jusqu’en 1975, ces femmes affirment avoir chatouillé même des Mahorais comme elles. Mais aussi des Anjouanais qui vivaient à Labattoir depuis 20 ans et qui avaient commencé à parler contre Mayotte.
« Ah, il fallait voir Mouchoula et Coco Djoumoi dans ces moments là ! Mouchala était alors mariée à un Anjouanais. Cet homme n’a cessé d’aller en prison à cause de nos activités et Mouchoula avec. Les gendarmes venaient questionner dans les familles, ils nous demandaient sévèrement : « Vous avez chatouillé ? » « Non, non, ce n’était pas moi, je n’étais pas là. » Personne ne nous a jamais pris en flagrant délit. Et pourtant les gendarmes étaient du côté des Comoriens. Je rappelle que c’étaient les Comores qui gouvernaient au temps de l’autonomie interne. Le pouvoir était chez eux là-bas, reconnu par la France… Nous voulons le département pour être libre, je ne cesserai de le répéter. La France est l’un des pays les plus libres du monde, nous ne serons jamais Comoriens. Ici on peut discuter, ici on peut parler. Vous voyez leurs élections à nos voisins : tout le monde veut le pouvoir. Nous, nous voulons être libres. »
Cet article a été repris tel quel dans le Mayotte Hebdo n°515 du vendredi 1er avril 2011
On nous avait promis une fête pour ce 31 mars 2011 et bien il n’en a rien été. Ceux qui n’ont pas pu se rendre à Mamoudzou, ceux qui étaient au travail n’ont rien raté, les autres sont frustrés. La fête est reportée à ce dimanche.
Ça devait être la journée des Mahorais et Mahoraises. Tôt ce matin, à travers toute l’île, les femmes se sont vêtues de leurs plus beaux salouvas choisis pour l’occasion. Les unes avaient un châle bleu, le haut blanc et le salouva rouge, d’autres sont toutes de rouge vêtues, de blanc ou de bleu. En chemin, on croisait certaines avec les mêmes salouvas. Dans les taxis, on ne parlait que de ça : la départementalisation de l’île, l’arrivée de la ministre Marie-Luce Penchard, l’élection du président du conseil général de ce tout nouveau département… L’heure était à la fête. « Ca fait si longtemps qu’on l’attend ce département », déclare une femme… et patatras.
La fête, attendue depuis des dizaines d’années, est gâchée. L’élection du président n’a pas lieu et il faut tout reporter à dimanche. On en oublie presque que cela ne change rien et qu’on est officiellement le 101ème département de France, le 5ème Département d’Outre-mer. Sauf que sans un président au conseil général, la ministre Marie-Luce Penchard a préféré reporter à dimanche sa venue à Mayotte. Les visages sont fermés à l’annonce de cette nouvelle : « C’est vrai ça ? Je me disais que j’allais faire la fête après, mais elle ne vient vraiment plus… » Non, elle ne vient pas la ministre…
Sur le parvis du front de mer, là où siège le comité du tourisme, cette même place qui devait être inaugurée ce jour et changer de nom pour s’appeler « La place du 101ème département », les podiums sont prêts, les drapeaux tricolores et européens virevoltent au vent. On attendait jusqu’à 30.000 personnes, hommes, enfants et surtout des femmes. Mais la nouvelle est partie comme une trainée de poudre. Environ un millier de personnes tout au plus sont là, la police vérifie les dernières mesures de sécurité, mais l’ambiance n’y est plus. Il va falloir se préparer à nouveau pour dimanche. Et d’ici là que les passions retombent et que l’esprit de la fête revienne.
Certains chantent mais le cœur n’y est pas. Sur l’ancienne place du marché, les chapiteaux sont dressés, mais le maoulida shengué prévu est reporté aussi, et plus tôt que prévu le parvis du comité du tourisme se vide… Les gens rentrent chez eux avec une frustration et une amertume certaine. Il
va falloir se remobiliser pour faire la fête dimanche, et célébrer comme il se doit ce nouveau département.
Cet article a été repris tel quel dans le Mayotte Hebdo n°515 du vendredi 1er avril 2011
La réaction de la population
Madame Mdzadzé
C’est spectaculaire ! On observe, on regarde, mais franchement on ne comprend pas, rien de rien, mais bon, peut-être que ce sont des stratégies. En tout cas, on est encore sous le choc, voilà !
Hassani Abdallah
Ce n’est pas normal ! Ce n’est pas républicain. On a jamais vu ça depuis les années 80, jamais ! Qu’on ne soit pas une majorité, c’est normal parce qu’il y a un choix à faire. Ça ne doit pas se faire comme ça !
Hanima Ibrahima, maire de Chirongui
Il est fort dommage de voir les élus convoquer la population pour venir élire le président du conseil général et s’absenter, humilier la population ainsi. Ce sont des conseillers généraux qui vont devoir gérer le territoire pendant trois ans ? Comment la population peut accepter cela ? Comment on peut humilier à ce point, rabaisser à ce point la population mahoraise ?
Youssouf Bouchourani, UMP
On s’attendait à connaitre le nom du président – je n’ai pas tout bien saisi -, mais à ce qu’il paraît certains élus ne se seraient pas présentés à l’assemblée, par conséquent il n’y avait pas suffisamment de monde pour voter. Il y avait 11 conseillers, ils devaient être 13, le vote est reporté.
Maoulicharia Ridjali, enseignant Labattoir 4
J’ai laissé ma maison vide pour venir connaître le nom du nouveau président et voilà, une fois ici j’apprends de la bouche du président sortant que les votes sont reportés. Tous les Mahorais sont extrêmement déçus, voire dégoutés. Certains sont venus de très loin, des quatre coins de l’île. Il y a beaucoup de tension ici, les gens sont en colère, sans compter sans doute tous ceux qui sont devant leur télé.
Une mama de Passamainty
Je me suis déplacée exprès pour le maoulida shengué, mais j’attends de savoir ce qui se passe. Je n’aimerais pas être venue jusqu’ici et pas voir de fête, ça serait vraiment dommage et ça donnerait une très mauvaise image de Mayotte. Laissez-nous quand même faire la fête !
Hamide Attoumane, Kani-Kéli
Moi, ce que je veux, c’est la départementalisation de Mayotte. Dites-nous quand nous devons revenir pour la fête et je reviens, c’est tout ce qui compte pour moi.
Une mama de Bandrélé
Ce qui se passe aujourd’hui c’est simple. Celui qui a déjà bien mangé ne veut pas donner l’opportunité aux autres de manger aussi… Quand le combat de Mayotte a commencé, je n’étais même pas encore mariée. Je voyais ma mère souffrir, ma famille toute entière. Nous nous sommes battus pour nos enfants et aujourd’hui que c’est à eux d’en profiter, certains le leur interdisent. Les élus seuls sont responsables de cet état. En particulier un élu qui achète les votes au lieu de laisser s’exprimer la démocratie.
Lima Wild
Ces élus ont des raisons d’agir ainsi. Mais on les a élus, on a considéré qu’ils étaient responsables, alors il faudrait qu’ils prennent leurs responsabilités. Pour la première journée de la départementalisation, ils ont brillé par leurs gestes. Cette journée symbolique restera dans les annales. Vu ce qui s’est passé aujourd’hui, ça promet pour l’avenir !
Haladi Toihibou, Acoua
Personne ne s’attendait à ça, c’est plus une tristesse qu’une fête. Les leaders politiques ont gâché la fête. Ils essayent de faire de la politique, mais ce n’est pas encore ça, il devrait revoir leur méthode.
Méla Mahamda, Tsingoni
Les choses auraient du bien se passer aujourd’hui, au final vous voyez… Aujourd’hui, les élus se disputent entre eux, et c’est encore une fois nous, le petit peuple, qui payons les pots cassés. Il fut un temps où ils se sont embrouillés entre eux en France métropolitaine, aujourd’hui ça se passe ici. Nous ne pouvons qu’être inquiets. Sachez les élus que la voix que vous représentez est la voix du peuple. C’est nous, les citoyens, qui vous ont mis à vos places. C’est notre voix que vous devez faire entendre et non la vôtre. C’est nous qui décidons de votre sort. Nous attendons dans trois ans et nous ne réélirons aucun d’entre vous.
Wahab Manroufou, Kani-Kéli
Je suis abattu car ce département était attendu depuis si longtemps, presque 50 ans. Certains de nos élus ne sont pas allés jusqu’au bout du souhait des Mahorais, c’est triste. Une deuxième chose m’attriste, c’est ce qui s’est passé après. Ceux qui se sont présentés ont procédé à un vote symbolique. Ils ont pris le benjamin de l’assemblée pour le nommer président du conseil général. Je sais que Zaïdani est un jeune bien diplômé, mais je crains qu’il ne soit rien d’autre qu’une marionnette de Giraud. Ce n’est pas sérieux tout ça.
Anrfati, Koungou
Les choses se sont très mal passées. Nous ne pouvons qu’être déçus. Les élus qui ne sont pas venus auraient dû respecter la population et venir quand même, pour une bonne ou une mauvaise chose, c’est ainsi, ils auraient dû venir, c’est tout. C’est un département gâché ! Mais malgré tout, pour la prochaine fête je serai au rendez-vous.
Ousseni Moina
Peu importe ce qui s’est passé aujourd’hui, je ne peux qu’être heureuse. Auparavant, nos parents nous confiaient les enfants à garder pendant qu’eux allaient lutter pour ce combat de Mayotte française, tout ça pour un avenir meilleur. Même si je suis un peu inquiète parce que je ne comprends pas tout sur ce qui s’est passé aujourd’hui, je ne peux qu’être heureuse d’avoir vu la départementalisation. Pour le reste, nous continuons à prier Dieu pour que la paix et le calme reviennent et que toute l’île puisse savourer comme il se doit la départementalisation.
En devenant français en 1841, les Mahorais ont trouvé la garantie durable de leurs libertés. En 1958, la constitution française, en distinguant les départements d’Outre-mer des territoires d’Outre-mer, a promis les premiers à l’intégration dans l’ensemble français et les seconds à l’indépendance ou à une large autonomie. Aussitôt, la population mahoraise assemblée en congrès à Tzoundzou I, a créé l’union pour la défense des intérêts de Mayotte (U.D.I.M) devenue le Mouvement Populaire Mahorais (M.P.M). Dès lors, malgré toutes les pressions, tous les efforts, et toutes les exactions, les Mahorais ont demandé de façon constante, claire et quasi-unanime la départementalisation de leur île. La légitimité de cette revendication a toujours été reconnue par les autorités françaises, puisque la loi du 24 décembre 1976, qui créait le statut de collectivité territoriale de Mayotte, annonçait déjà cette possibilité. Depuis 1976 et après plusieurs reports (1979, 1984, 1986) de la consultation de la population, le gouvernement a finalement accepté aux vœux des Mahorais. Ainsi 95 % des Mahorais ont confirmé le choix du département, lors de la consultation du 29 mars 2009. Le 31 mars 2011, Mayotte devenait le 101ème département français et le 5ème département d’Outre-mer de la France. Ce territoire est certes le plus jeune des départements français, mais il est celui qui se réclame de la plus longue histoire et de la plus grande tradition militante en faveur de ce statut.
Traduite en termes individuels, cette revendication collective des Mahorais s’analyse, comme une volonté des Mahorais de demeurer français et d’échapper aux destins des Comores indépendantes. Ils veulent être Français simplement et complètement. C’est aussi leur droit à la liberté – « nous voulons être Français pour être libre », scandaient les Mahorais en 1974 – que les Mahorais ont voulu protéger en devenant français. Cependant, il reste que la devise républicaine n’est pas divisible et que, Mayotte étant française, il faudra bien la lui appliquer intégralement l’égalité sociale. Et enfin, ils veulent garantir le développement de leur île grâce à la solidarité de l’État, de l’Europe par l’intervention des fonds européens ainsi que le respect de l’identité mahoraise et la personnalité de Mayotte. Ces objectifs sont tellement proches de la devise républicaine de liberté, égalité et fraternité, dont il serait la concrétisation à Mayotte, que la France s’honorerait en respectant ses propres principes.
Il est évident que l’expectative statutaire qu’a connu Mayotte avant la départementalisation, a permis de faire durer les inégalités les moins fondées. Les attentes de la population étaient essentiellement contenues dans cette réponse extrêmement laconique qu’on peut résume de la façon suivante : « vous n’êtes pas encore un département … ». Et dès que Mayotte a accédé au statut de département, il n’était plus possible d’opposer aux revendications des Mahorais. Depuis cette date, il y a une libération de la parole à Mayotte. Cependant, dix ans plus tard, il est évident que les attentes de la population sont loin d’être satisfaites. Et la vie de l’île est marquée par un climat social lourd, renforcé par un contexte démographique dynamique et singulier – population très jeune, forte pression migratoire de population étrangère. Des niveaux de développement économique et de ressources qui sont très en retrait par rapport à la métropole – chômage très élevé, forte précarité.
Tandis que les autorités nationales et départementales n’ont pu redonner de l’espoir aux Mahorais, qui désespèrent de voir arriver les changements positifs promis que devrait induire l’évolution statutaire de leur île. Nombreuses ont été pendant ces dix derniers années, les crises sociales et les grèves dans les secteurs publics et privés qui se durcissaient sur un fond démographique qui constitue au-delà des discours officiels, un décor désormais permanent. Les Mahorais n’ont pas cessé d’une part, de protester contre la cherté de la vie en 2011, la crise de l’eau en 2017, l’insécurité et l’immigration clandestine en 2018 et d’autre part, de revendiquer la refonte du mode de gouvernance locale avec davantage d’autonomie et la mise en place des certaines conventions collectives dans les entreprises.
Et Mayotte offre encore aujourd’hui des conditions insuffisantes de salubrité pour ses habitants : 29% des ménages n’ont pas accès à l’eau, le prix de l’eau est toujours aussi cher, l’assainissement, la collecte et le traitement des déchets ne sont pas suffisamment organisés. Le désenclavement de l’île disait-on. La piste longue est reportée sine die, le billet d’avion est toujours aussi cher. Intervention directe d’EDF avait-on promis, est abandonné. Le désenclavement terrestre avec les routes et surtout avec le projet du contournement du grand Mamoudzou. Et enfin, ces dix années de statut départemental, n’ont pas permis d’apporter aux familles mahoraises l’alignement de leurs droits sociaux sur ceux des autres familles françaises, de généraliser les crèches et les cantines qui les libèreraient et leur permettraient de travailler, de donner à Mayotte les aides au logement.
Cependant deux évènements ont marqué sur un plan administratif les dix ans de la départementalisation. La transformation du vice-rectorat de Mayotte, en un rectorat de plein exercice. Il s’agit d’un service déconcentré du ministère de l’Éducation ationale, et du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, qui cumule les missions d’un rectorat et d’une inspection académique dans un département qui connaît un développement démographique rapide. Cette création a été votée à l’Assemblée nationale le 15 février 2019, lors de l’examen du projet de loi « pour une école de la confiance« .
La création d’une ARS de plein exercice, le 1er janvier 2020 au terme d’un long processus de préfiguration. Jusqu’à cette date, Mayotte dépendait de l’ARS de l’océan Ibdien, basée à La Réunion. Mais à l’issue du mouvement social qui avait paralysé l’île pendant plus de deux mois en 2018, le premier ministre Édouard Philippe, avait accédé en avril 2018, à l’une des demandes de la population d’avoir une ARS de plein exercice.
Il s’agit pour l’île aux parfums d’une évolution institutionnelle importante permettant de recueillir sur le terrain, les premiers fruits d’une lutte acharnée pour une départementalisation toujours en devenir. Pour nous il faut réfléchir sur un véritable projet de développement économique, social et culturel, remettant Mayotte sur les voies de la prospérité mais aussi de l’égalité sociale et de la responsabilité locale. D’autant plus qu’avec la départementalisation et l’intégration progressive des Mahorais dans le droit commun, il était attendu une grande visibilité des élus dans la prise des décisions locales. Dans encore bien des domaines ayant trait à des problèmes de proximité, c’est toujours le préfet qui est visible.
Du 22 mars au 6 avril se déroule l’élection syndicale des entreprises de moins de 11 salariés. L’opportunité pour les salariés d’être défendus aux Prud’hommes, conseil qui doit voir le jour au 1er janvier 2022, d’améliorer leur condition de travail et de favoriser le dialogue social au niveau des branches professionnelles. Explications avec David Touzel, le directeur adjoint de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Dieccte), responsable du pôle politique du travail.
Flash Infos : Une semaine après le début de l’élection syndicale des entreprises de moins de 11 salariés, quels sont vos premiers retours ?
David Touzel : Chaque soir, nous sommes tenus informés de l’évolution du nombre de votants. Vendredi dernier, le taux de participation était encore assez faible : 1.25% au niveau national, contre 1.08% à Mayotte. Néanmoins, le territoire se situe dans la fourchette haute par rapport aux autres départements-régions d’Outre-mer. Cette élection concerne tous les salariés des très petites entreprises mais aussi ceux qui travaillent chez les particuliers, notamment les femmes de ménage et les gardes d’enfants, soit un total 2.700 inscrits. Les seuls qui ne votent pas sont ceux du secteur agricole car ils participent à l’élection de la chambre d’agriculture. À titre de comparaison, il y a quatre ans, nous avions eu un taux de participation de l’ordre de 5% à Mayotte et de 7 à 8% à l’échelle nationale.
Il existe deux manières de voter. Soit en renvoyant son bulletin de vote par courrier d’ici le 6 avril, en sachant que les membres du bureau de dépouillement national doivent recevoir le bulletin avant le 12 avril. Donc il ne faut pas traîner ! Soit en passant par le site election-tpe.travail.gouv.fr. Cela prend quelques minutes et c’est très facile d’utilisation. Pour les salariés qui rencontrent des difficultés numériques, ils peuvent directement se présenter à la Dieccte où un poste leur sera mis à disposition.
FI : Pourquoi est-ce si important pour les salariés des TPE de prendre part à cette élection ? Concrètement, qu’est-ce que cela va changer à leur quotidien ?
D. T. : À Mayotte encore plus qu’ailleurs, l’enjeu de cette élection est très important pour trois raisons. Premièrement, elle va servir pour la désignation des conseillers prud’hommes, qui doivent être mis en place sur le territoire à partir du 1er janvier 2022. Avant le renouvellement général prévu en 2023 auquel le 101ème département va participer. Or, à cette occasion, le taux d’audience à l’élection TPE en cours va être pris en compte pour désigner les conseillers prud’hommes. C’est primordial car ce sont des juges salariés locaux qui sont désignés. Jusqu’à présent, nous avions un tribunal du travail pour gérer les litiges. Dans le monde du travail, le conseil des prud’hommes est une juridiction énormément saisie.
Deuxièmement, elle va grandement jouer dans la négociation des conventions collectives. Encore une fois, le taux d’audience sera pris en compte pour déterminer la représentativité des syndicats dans la branche professionnelle, les seuls habilités à négocier localement, dans le BTP ou l’hôtellerie-restauration par exemple. Cette élection est d’autant plus importante que la convention collective de branche est le seul moyen pour les salariés des TPE d’obtenir des conditions de travail plus favorables. En temps normal, la négociation syndicale n’existe pas ou très peu dans les entreprises de moins de 11 employés car elle n’est pas prévue par la loi.
Troisièmement, elle va permettre la mise en place de commissions paritaires régionales interprofessionnelles, composées de dix représentants salariés et de dix représentants employeurs à Mayotte. Leurs objectifs consistent à donner des conseils et des positionnements en termes de droit du travail, d’emploi, etc. Et ainsi résoudre un différend entre les deux parties, sans forcément passer par la case prud’hommes.
FI : Pouvons-nous dire que Mayotte rentre un peu plus dans le droit commun avec cette élection syndicale de 2021 ?
D. T. : Le tribunal du travail relevait de l’ancien code… Avec les prud’hommes, le modèle de justice français pour le contentieux du contrat de travail, il y aura une parité employeur-salarié. À ce niveau-là, Mayotte va rentrer un peu plus dans le droit commun ! D’où le travail en amont pour trouver les locaux adaptés et former les conseillers prud’hommes. Nous essayons de les préparer au mieux à ces fonctions qui les attendent et qui était une demande très forte des partenaires sociaux. Pour que les organisations syndicales puissent défendre leurs droits, il faut que les salariés des TPE se mobilisent en masse et leur apportent une légitimité.
Depuis janvier, plusieurs ressortissants mahorais sont bloqués aux Comores. Si un bateau est affrété tous les lundis en direction de Mayotte, peu d’élus ont la possibilité d’embarquer. Qu’ils soient français ou bénéficiaires d’un titre de séjour, le résultat est le même : la liste est longue. Créé lors du premier confinement, le collectif des Mahorais du Monde tente de leur venir en aide en faisant jouer ses contacts.
« À la base, je suis venu ici pour faire mon passeport dans le but de pouvoir continuer mes études en métropole… Mais depuis janvier, je suis coincé », souffle, complètement déboussolé, Fayad. Âgé d’à peine 18 ans, le jeune homme se retrouve seul à Anjouan, une partie de l’archipel des Comores qu’il ne connaît presque pas. Si le reste de sa famille possède des papiers français, l’étudiant ne bénéficie que d’un titre de séjour. Raison pour laquelle il a dû rejoindre l’île voisine dans l’espoir de détricoter sa situation administrative.
Deux mois après son départ du 101ème département, Fayad panique. La faim et surtout la peur s’installent. S’il a pu être hébergé durant quelques semaines, il a aussi passé plusieurs nuits dehors… « Le mois de ramadan arrive, j’ai peur de rester sur place au cours de cette période. » Ses mots sont forts et sa détresse immense. « J’ai fait tout ce qu’on m’a demandé : je suis allé m’inscrire au consulat [pour rentrer] et mes parents sont allés à la préfecture à Mayotte. Je vais même voir les bateaux qui partent tous les lundis, mais à chaque fois, on me dit que je ne suis pas sur la liste. » Désespéré, Fayad se sent totalement oublié par l’État. Au point de se demander comment un jeune de son âge peut être laissé à l’abandon, sans aucune aide, ni indication. À ses côtés, dans la même galère, se trouvent une mère et son enfant « malade » ainsi que des dizaines d’autres personnes.
Un collectif au service des ressortissants
C’est dans l’optique de venir en aide à ces oubliés de la France que voit le jour le collectif des Mahorais du Monde en mars 2020. « C’est la deuxième fois que ça arrive cette année », peste Nassem Zidini, porte-parole du collectif. Pas moins de 500 ressortissants mahorais avaient déjà été coincés aux Comores lors du premier confinement. Et cette fois encore, la décision de fermer les frontières est tombée comme un cheveu sur la soupe. Bloquant du jour au lendemain « une centaine de résidents mahorais » à Anjouan, mais aussi à Moroni. Et si chaque lundi, un bateau largue les amarres en direction de l’île aux parfums, il ne transporte à son bord qu’une quarantaine de personnes. « L’ambassade les envoie s’enregistrer au consulat, mais leur demande reste sans réponse », dévoile Nassem Zidini.
Une procédure aussi lourde qu’aléatoire, révélatrice de l’imbroglio diplomatique entre les deux pays. « Si tu ne connais pas les bonnes personnes, si tu ne sais pas écrire français, t’es bloqué. C’est hyper discriminatoire ! » Exemple la semaine dernière pour faire rapatrier une mère de famille bloquée à Anjouan. L’association a dû faire appel à « ses contacts ». En l’occurrence, le député Mansour Kamardine, qui a fait pression pour faire bouger les lignes. « Apparemment, c’est la préfecture de Mayotte qui décide de qui peut monter ou non dans les bateaux au départ des Comores, donc là on a eu de la chance, mais là-bas, il reste des gens qui sont totalement en droit de venir. »
Le collectif Mahorais du Monde souhaite aider d’autres ressortissants, mais se heurte à de nombreux obstacles. Compliqué dans ces conditions d’obtenir tous les papiers nécessaires mais aussi de communiquer avec les autorités compétentes. Nassem Zidini appelle toute personne se trouvant dans cette situation à le contacter, en attendant que la préfecture lève enfin le voile sur ce qu’il se passe sur place.
Si l’autorité du canal (SCA) a annoncé la reprise du trafic lundi en milieu d’après-midi, l’immobilisation de quelque 400 navires des deux côtés de cet axe stratégique pendant près d’une semaine pourrait rallonger les délais de livraison à Mayotte, alors que la période de jeûne doit débuter à la mi-avril.
Il a bougé ! Ce lundi matin, un communiqué de l’Autorité du canal de Suez (SCA) annonçait la bonne nouvelle : l’”Ever Given”, gigantesque porte-containeur bloqué depuis près d’une semaine en travers de ce couloir artificiel égyptien, “a été rétabli à 80% dans la bonne direction”. En milieu d’après-midi, le trafic a pu reprendre. Mais la bataille n’est pas gagnée pour autant et les observateurs du monde entier ont encore le nez scotché sur les sites de suivi du trafic maritime en temps réel. “J’étais sur MarineTraffic ce [lundi] matin, et on voit bien les embouteillages, donc oui, je pense qu’il y aura une dizaine ou une quinzaine de jours de retard”, évalue Marc-Antoine Moles, le président du syndicat des transitaires de Mayotte.
Un coup d’œil sur MarineTraffic ou VesselFinder suffit en effet à comprendre l’ampleur de la tâche qui attend encore les autorités égyptiennes. Car le bâtiment, d’une longueur de 400 mètres, a barré la route à quelque 400 navires, coincés des deux côtés de ce passage stratégique qui voit défiler environ 10% du commerce maritime mondial, entre la mer Rouge et la mer Méditerranée. Le président de l’Autorité du canal Osama Rabie a précisé que le canal fonctionnera 24 heures sur 24. Il faudra trois jours et demi environ pour désembouteiller ce goulot de 193,3 km de long.
La France métropolitaine fournit 54% des achats mahorais
Or, le canal de Suez est aussi stratégique pour Mayotte, qui dépend à 54% de la France, tandis que les marchandises en provenance de l’Union européenne, hors métropole, représentent 12,7% du total des importations (chiffres de 2017). “Mayotte sera touchée, c’est sûr !”, confirme Nass Mlanao, le directeur d’exploitation de Sodifram. “On parle de 10% du trafic mondial qui passe par le canal de Suez, mais pour la région océan Indien/canal du Mozambique, je pense que c’est plus de la moitié”, décrit ce responsable de grande distribution.
Mis à part les importations en provenance de l’Asie, la grande majorité des produits que l’on retrouve à Mayotte transitent par ce bras de mer au nord. Seuls les produits dits ultra frais, comme le fromage ou les yaourts, prennent la voie des airs, ce qui représente 5% des produits vendus par l’enseigne. “Prenez les bananes vertes, très demandées pendant le ramadan : la production locale ne suffit pas, et l’un des premiers producteurs c’est la Côte d’Ivoire, en Afrique de l’ouest. Eh bien, les bananes, elles vont d’abord au Havre avant de redescendre par le canal de Suez”, déroule Nass Mlanao.
Une tuile de plus pour les importateurs
Diable ! Va-t-on se retrouver avec des bananes pourries pour le ramadan ? “C’est un risque”, confie le directeur d’exploitation, alors que la période de jeûne doit débuter cette année le 12 avril prochain. Pour autant, cette crise au canal de Suez n’est qu’un obstacle de plus pour les importateurs de l’île aux parfums, habitués à gérer des logistiques complexes. “Vous savez, à Mayotte on a toujours du retard, alors là, il n’y a pas mort d’homme non plus”, nuance avec philosophie le transitaire Marc-Antoine Moles. En effet, s’il faut sur le papier quatre semaines pour voguer entre Le Havre et Longoni, dans la pratique, ce délai s’étale souvent jusqu’à trois mois. En cause : les transbordements, du nom de cette logistique qui consiste à décharger les conteneurs dans un premier port, pour les acheminer vers le lagon dans de plus petits bateaux, des “feeders”. Ce qui peut d’ailleurs expliquer l’arrivée de produits plus très frais sur les étagères… Alors gare aux dates de péremption dans les semaines à venir (encore plus que d’habitude) !
Des ses propres mots, Isma Kidza est un “fou de la photo”. Autodidacte qui s’affranchit des règles de la photographie, ce quadragénaire capte chaque instant comme si c’était le dernier pour lui. Passionné depuis plus de 25 ans, il s’est donné corps et âme à l’univers de la photo sans jamais cesser d’innover dans son travail.
Casquette vissée sur sa tête et sac accroché sur le dos, Isma Kidza passerait presque inaperçu dans la rue. Presque, car un objet attire souvent l’attention. Toujours à portée de main, son appareil photo lui permet de capturer l’instant présent, sans filtre. “Ce que j’aime le plus, c’est le street-art, parce que j’immortalise des scènes de vie spontanées et concrètes. Il n’y a pas de mise en scène”, explique Isma. Des enfants dans la mer, des sportifs en pleine action, ou encore des femmes assises en plein bavardage, le photographe a l’art de rendre chaque moment magique. “Si la plupart des gens utilisent des mots pour s’exprimer, j’utilise la photo pour faire passer des messages. Chacune d’elles a une signification particulière”, souligne-t-il.
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La flamme de la passion fait briller les yeux de Isma Kidza dès qu’il parle de photographie. Un sujet de conversation qu’il pourrait évoquer durant des heures sans s’arrêter. Pourtant, pendant ses jeunes années, rien ne le prédestinait à être le talentueux photographe d’aujourd’hui. “Cuisinier de profession, j’ai commencé à prendre en photo mes plats dans l’idée de publier un livre culinaire”, rembobine-t-il. De fil en aiguille, le goût de la photo prend le dessus sur la gastronomie et le fait sortir de sa cuisine pour aller photographier tout ce qui attire son regard dans la rue. Si le street-art est son domaine de prédilection, l’artiste fait également des séances photos millimétrées et scénarisées mettant en avant les traditions de Mayotte et de l’Union des Comores. Ainsi, il travaille beaucoup avec le tanimalandi, une poudre blanche utilisée lors des rituels pour évoquer les djinn (esprits).
Mais sa récente découverte est le light painting, une technique de prise de vue pour capter la lumière. Un procédé que Isma Kidza est le seul à utiliser dans l’archipel. “Je voulais changer de style et ne pas faire comme tout le monde, parce que les photos de couchers de soleil et de dauphins on en a plein. J’ai donc regardé quelques tutos et je me suis lancé.” Peu importe les règles de cadrage et de composition, l’autodidacte se forme, seul, sur le tas, au détour de conseils dénichés à droite à gauche. Une manière de rendre ses photos si particulières.
La photo, une addiction
Passionné depuis plus de 25 ans, Isma Kidza n’a pas honte d’avouer sa période de dérive, durant laquelle la photographie ne le motivait plus. “J’étais jeune et je me suis laissé entraîné dans l’alcool. Cela fait maintenant 13 ans que j’ai arrêté de boire, 13 ans que je me saoule avec des shoots photos”, ironise-t-il. Devenu une référence en la matière à Mayotte, le quadragénaire aime vivre dans l’ombre. Son exposition médiatique, il la doit à ses pairs qui l’ont poussé à dévoiler son talent aux yeux du grand public. “Je publie ce que je fais sur les réseaux sociaux, il m’arrive de faire quelques expositions, mais je suis de nature timide alors je n’aime pas trop me montrer.”
Isma Kidza ne vit pas de sa passion, mais il se dévoue corps et âme pour toucher les gens au-delà des frontières mahoraises. “J’échange avec les photographes de l’océan Indien. J’estime que l’art n’a pas de frontières. À travers mes photos, il n’y a pas de différence entre Mayotte et les Comores par exemple. La politique n’a pas sa place dans mon travail”, prévient-il. La célébrité ? Très peu pour lui ! Idem pour la recherche de likes “car on finit par ne pas faire ce qu’on veut mais ce que les autres attendent juste pour leur plaire”. Alors il préfère continuer à travailler dans son coin, et à conseiller les plus jeunes qui veulent se lancer. À l’image de sa fille de 12 ans qui partage la même passion. En bon professeur, il lui apprend tous les rouages de la photographie qu’elle maîtrise déjà comme un chef !
Alors que deux opérations loi Élan aux quartiers Cétam et la Vigie se heurtent au refus de propriétaires privés, la présidente du collectif des citoyens de Mayotte 2018 s’est rendue en Petite-Terre pour obtenir des garanties de la mairie de Dzaoudzi-Labattoir. Une mobilisation qui illustre le ras-le-bol d’une partie de la population, prête à “prendre son destin en main”.
Le collectif des citoyens de Mayotte 2018 s’est rendu ce vendredi en Petite-Terre, direction l’hôtel de ville de Dzaoudzi-Labattoir. Objectif : obtenir des réponses de la mairie au sujet des deux opérations de destructions de cases en tôle qui doivent se tenir dans un peu plus de deux semaines, à Cétam et à la Vigie. “Ce sont deux quartiers sensibles, informels, il n’y a pas eu une journée sans violences depuis plusieurs mois et au moment de passer aux démolitions, il y a un couac !”, s’agace Safina Soula Abdallah, la présidente du collectif.
Tristement célèbres depuis les violents affrontements de janvier dernier, qui avaient provoqué la mort de trois personnes, ces deux quartiers étaient visés par des arrêtés loi Élan en date respectivement des 3 et 19 février 2021. Seulement voilà : les périmètres définis pour ces deux opérations ont visiblement été tracés un peu à la hâte… et ont intégré quelques parcelles privées, à côté de celles appartenant à l’État ou au conseil départemental. Or dans les deux cas, les propriétaires ont refusé la destruction des cases bâties sur leurs terrains. Ce qui a conduit, pour l’opération Cétam, à établir un nouveau périmètre, rempli de trous, par un nouvel arrêté en date du 19 mars 2021. Quant à celle de la Vigie, elle est tout bonnement annulée.
Le rôle de la mairie en question
“Ils se sont rendus compte qu’il y avait aussi des propriétaires fantômes, mais ces gens-là ne sont même pas sur le territoire, ce sont des marchands de sommeil qui se permettent d’envoyer un courrier pour empêcher la procédure de démolition !”, dénonce encore Safina Soula Abdallah. Pour tenter de faire bouger les lignes, la présidente du collectif a donc sollicité une entrevue avec le maire de Dzaoudzi-Labattoir, car “nous pensions qu’il était derrière tout cela, qu’il manipulait ces mêmes personnes (les propriétaires, ndlr) à des fins électorales.” Le principal concerné étant absent du territoire, c’est finalement avec son premier adjoint que les membres du collectif 2018 ont pu s’entretenir.
“Ils avaient vraisemblablement eu des informations d’un autre collectif de Labattoir, comme quoi nous aurions incité certains propriétaires à refuser de voir les habitations détruites, ce qui n’est pas vrai”, confirme Mikidache Houmadi, contacté par Flash Infos. “Nous avons longuement échangé et je leur ai surtout expliqué que nous intervenions en tant que médiateurs et accompagnateurs des services de l’État sur ces opérations. Mais en aucun cas nous ne sommes acteurs”, développe le premier adjoint à la mairie de Dzaoudzi. En effet, les terrains concernés n’appartiennent pas à la mairie, même si ses services sont présents aux réunions préparatoires. “Il y a un autre élément que j’ai porté à la connaissance des gens du collectif, c’est le chiffre de 800 personnes à reloger avec ces opérations loi Elan”, chiffre qui a notamment été évoqué pendant l’une de ces réunions, explique-t-il. Dans les deux arrêtés préfectoraux des 3 et 19 février, les enquêtes recensaient à l’époque 258 personnes pour le quartier Cetam, et 285 personnes pour la Vigie. “Nous n’avons pas ces logements en Petite-Terre”, pointe du doigt Mikidache Houmadi. “Chacun doit prendre ses responsabilités, mais nous n’allons pas nous substituer aux obligations de l’État.”
Les menaces fusent
De son côté, le préfet de Mayotte Jean-François Colombet avait bien tenté de convaincre les propriétaires récalcitrants, assurant qu’il “ne manquerait pas de communiquer leurs noms prénoms et adresse à Monsieur le directeur régional des Finances publiques pour qu’il s’intéresse aux revenus qui viennent de ces parcelles.” Une menace à peine dissimulée qui n’aura donc pas porté ses fruits, au grand dam d’une partie de la population. “Nous demandons à la préfecture, aux services de la gendarmerie ou de la police de mener l’enquête pour identifier réellement qui sont ces marchands de sommeil”, réitère Safina Soula Abdallah. Qui n’hésite pas à faire un parallèle avec d’autres événements récents, comme cette manifestation à Tsimkoura contre la présence d’étrangers en situation irrégulière, ou encore cette affiche des habitants de Bouéni, menaçant ces mêmes ESI d’une expulsion, le 9 avril prochain. “La population a pris en main son destin”, avertit-elle.
Protéger les tortues plus que jamais, c’était le mot d’ordre pour les acteurs compétents en la matière. Ils ont redoublé de vigilance pour éviter un scénario catastrophe à l’image du premier confinement. Les résultats sont là, les chiffres parlent d’eux-mêmes, les tortues de l’île ont évité le pire.
Le premier confinement a été particulièrement meurtrier pour les tortues de Mayotte. Les associations et organismes habilités à les protéger n’avaient pas pu mener à bien leur mission, alors il était primordial de ne pas répéter les mêmes erreurs lors du deuxième confinement. “Les deux périodes ne sont pas comparables, nous avons eu plus de flexibilité cette fois-ci, ce qui nous a permis d’optimiser les missions de surveillance”, se réjouit Cléa Arsciaud, animatrice au Réseau d’échouage mahorais de mammifères marins et de tortues marines (REMMAT). Les acteurs locaux sont restés mobilisés, le réseau enregistre 225 actions de surveillance et de suivis des cas de braconnage depuis fin janvier 2021, réparties sur les endroits stratégiques de l’île.
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À titre d’exemple, “l’association les Naturalistes de Mayotte a assuré une présence régulière tous les week-ends, du vendredi au dimanche, sur les différents sites de pontes sensibles du secteur de Saziley”, précise le REMMAT. Même son de cloche depuis le début de l’année pour la police intercommunale de l’environnement du sud de Mayotte (CCSud) qui “a également apporté sa contribution en réalisant près de 7 actions de lutte anti-braconnage de nuit des plages de ponte du sud de l’île”, souligne le réseau. Fortement critiqué par l’ONG Sea Shepherd pour son laxisme, le conseil départemental a lui aussi mis les bouchées doubles pendant ces cinq semaines de confinement. Les gardes “ont effectué 36 actions de surveillance nocturne et diurne à Moya et huit soirées aux Charifou ou Gouéla, ainsi que neuf surveillances diurnes aux Charifou et autant sur le secteur Bouéni. Depuis janvier, les agents ont effectué un total de 95 surveillances nocturnes et 342 inspections diurnes sur les plages de Moya, Charifou et secteur Bouéni”, annonce le REMMAT.
4 braconniers interpellés et condamnés
La gendarmerie maritime n’a pas été en reste et a participé à lutte contre le braconnage en réalisant huit patrouilles de nuit en mer dans le secteur de Saziley et Dapani. “Elle a permis, avec l’association Oulanga Na Nyamba, l’interpellation à terre de deux braconniers sur la plage Aéroport Est Océan,” souligne le REMMAT. Les malfrats avaient en leur possession 20 kilos de viande de tortue. Les sanctions juridiques ne se sont pas faites attendre puisque l’un d’eux a été condamné à “six mois de prison ferme et deux mois de sursis sans mandat de dépôt, avec une peine aménageable. Il devra s’acquitter de 1.000 euros au titre du préjudice moral et de 400 euros de frais de procédure par associations.” Son complice s’en est sorti avec “six mois d’emprisonnement avec mandat de dépôt et au versement de 500 euros par associations et 500 euros pour frais de procédure pour chaque partie civile, soit 1.500 euros.” De son côté, le service départemental de l’Office français de la biodiversité a pu appréhender deux braconniers.
Certaines tortues n’ont pas pu échapper au braconnage, mais nombreuses sont celles qui ont été sauvées, parfois de justesse, à l’exemple d’une tortue verte qui a été retrouvée retournée sur le dos “par des braconniers prévoyant de revenir la chercher plus tard”, affirme le REMMAT. Fort heureusement, l’association des Naturalistes de Mayotte a pu agir à temps. Une chose est sûre, malgré la surveillance intensifiée et régulière, les braconniers n’ont pas l’intention de s’arrêter.
Dans le cadre de la semaine des mathématiques, l’école de Cavani Stade a organisé vendredi matin plusieurs ateliers ludiques pour sensibiliser ses élèves à cette discipline et la remettre au cœur de l’apprentissage. Les enseignants suivent également une formation sur cinq ans pour approfondir leurs connaissances et favoriser l’éclosion d’une culture scientifique. Immersion.
« À ça, j’suis un peu fort ! » Sourire en coin, Fakri laisse filer à tout berzingue sa voiturette en forme d’abeille. Debout, les bras croisés, Mouhamadilhad regarde du coin de l’œil l’élève des CE2 Frangipaniers, concentré sur le parcours de son bolide. « En cours, on travaille souvent le quadrillage. Là, ils appliquent de manière ludique ce qui a été vu », souffle-t-il derrière son masque, avant d’avertir une jeune fille. « Attention, n’oublie pas d’effacer l’ancien programme sinon ça va faire n’importe quoi. »
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De l’autre côté de l’établissement, Oumaycha et Roukia, toutes les deux en classe de CM2 Mars se retrouvent nez à nez avec six de leurs camarades. « Vous avez deux bouteilles vides de trois et cinq litres avec lesquelles vous devez remplir un récipient de quatre litres. Comment vous vous y prenez ? », leur demandent-elles d’une seule et même voix, sous la supervision de Mohamed. Face à cette colle, la bande se gratte la tête devant le défi du vendeur de pétrole.
Un rapport de 21 mesures à appliquer
Non non, ce n’est pas la kermesse de l’école de Cavani Stade, mais une matinée organisée par les enseignants à l’occasion de la semaine des mathématiques, organisée dans une quarantaine d’établissements. Pas moins de huit ateliers se dressent aux quatre coins de la cour de récréation en ce vendredi 26 mars. « On saute et on compte deux par deux. Quand on arrive à dix, on a gagné ! », explique d’un air malicieux, Angelina en CP Orange, au recteur Gilles Halbout, convaincu de devoir « réconcilier les jeunes et les parents avec les maths », grâce à l’application des 21 mesures issues du rapport de Cédric Villani, mathématicien et député de l’Essonne, et Charles Torossian, inspecteur général de l’Éducation nationale, remis en février 2018. « À mon époque, c’était surtout un outil de sélection. Aujourd’hui, c’est vu comme une barrière plutôt qu’un épanouissement… »
Et visiblement, l’opération séduction fonctionne à merveille au vu de l’engouement des enfants ce jour-là. « Nous posons des problèmes, nous essayons de les conceptualiser, de les modéliser et de voir comment à partir d’une question ouverte non travaillée en classe, nous arrivons à développer une stratégie, à retrouver des concepts appris en cours mais aussi à le faire par tâtonnement, comme pour l’exercice du triangle magique », décrypte le responsable de l’académie de Mayotte. Une nouvelle manière de procéder qui semble porter ses fruits. Sans le savoir, les élèves révisent les fondamentaux.
Former tous les enseignants en cinq ans
Cette stratégie nationale consiste également à redonner goût aux mathématiques aux enseignants du 1er degré, qui pour bon nombre d’entre eux, viennent d’une licence littéraire. « Parfois, ils n’ont pas assez de connaissances, voire même des blocages. » Face à ce constat, un plan de formation a été mis en place dans toutes les académies, y compris dans le 101ème département, à travers un travail « en constellation » et un apprentissage « par les pairs et les descendants ». Un objectif à réaliser en cinq ans qui exige « un investissement massif pour assurer les remplacements ».
Actoibi Laza, le directeur de l’école de Cavani Stade, voit en cet événement l’opportunité de « créer un lien entre la pause méridienne et la classe ». Son souhait ? « Que les animateurs de la ville s’en emparent pour qu’ils puissent exploiter ces jeux à des fins pédagogiques, dans une dynamique de continuité. » D’ici là, le rectorat compte à son niveau partager les bonnes pratiques du jour et les répandre dans les autres établissements scolaires de l’île aux parfums. Quoi de mieux pour clôturer cette matinée qu’un exercice de calcul mental grandeur nature pour déterminer celles et ceux qui participeront à la finale départementale au mois de juin !
Alors que la seconde vague s’estompe doucement, la directrice de l’agence régionale de santé aimerait accélérer le rythme de vaccination. Un enjeu de santé publique, avec l’approche du ramadan, et au vu de la situation dégradée à La Réunion.
C’est une première et cela se passera à Mayotte. Samedi 3 avril, les quatre centres de vaccination du 101ème département accueilleront toutes les personnes âgées de plus de 18 ans qui souhaitent se faire vacciner contre le Covid-19, sans critère de profession ou de comorbidité. Une stratégie qui va au devant de celle impulsée au niveau national, toujours ciblée sur les publics prioritaires, par tranches d’âge et facteurs de risques.
“Nous souhaitons faire cette grosse opération, car nous sentons une demande pour ouvrir les centres le samedi, pour les gens qui ne peuvent pas se rendre disponibles la semaine”, explique Dominique Voynet, la directrice de l’agence régionale de santé (ARS), qui organisait une conférence de presse ce jeudi. “Nous allons proposer cela pour les plus de 40 ans voire toute personne se présentant et qui a plus de 18 ans”, précise-t-elle. À noter que pour les candidats ayant déjà contracté le coronavirus, un délai de trois mois est préconisé avant l’injection, et une seule piqûre suffit. Par ailleurs, s’il est demandé pour des questions pratiques de se présenter muni de sa carte vitale, “la vaccination n’est en aucun cas réservée aux assurés”. “L’immunité collective ne dépend pas de si la personne a des papiers ou non”, insiste l’ancienne ministre.
Trop peu de candidats à la vaccination
Le but de la manœuvre est clair : écouler les doses de Pfizer/BioNTech, qui reste le seul vaccin utilisé sur l’île. “Nous avons beaucoup de vaccins en stock, et si nous ne les consommons pas, on ne nous en enverra plus”, prévient Dominique Voynet, qui reconnaît un résultat moins satisfaisant qu’espéré, depuis l’arrivée du super-congélateur et le lancement de la campagne le 25 janvier dernier. Et ce, alors même que Mayotte a déjà bénéficié de règles assouplies par rapport aux autres départements français, compte tenu des spécificités locales. Ainsi depuis déjà plusieurs semaines, les plus de 60 ans avec ou sans comorbidité peuvent prétendre à la vaccination, contre 70 ans au niveau national ; et certains professionnels indispensables du fait de l’isolement du territoire, comme les agents de l’aéroport, du port, ou ceux en charge de la gestion de l’eau, ont été intégrés aux populations cibles, dans le cas de Mayotte.
Malgré cela, moins de 10% de la population à vacciner a reçu la première injection. Dans le détail, 13.533 personnes ont reçu la première dose, et 4.234 la seconde. “Il faudrait arriver à 30.000 dans les meilleurs délais.” Une lenteur qui s’explique notamment par les rumeurs qui circulent et que l’ARS tente constamment de démentir. Comme cette idée que le vaccin provoque la maladie. À ce sujet, la directrice de l’autorité sanitaire rappelle que si une suspicion d’incident survient, un dossier de pharmacovigilance est immédiatement transmis. À ce jour, seuls deux cas ont fait l’objet d’un tel rapport. “Le bénéfice est très supérieur au risque”, résume Dominique Voynet.
Atteindre l’immunité collective ?
Or l’enjeu de la vaccination reste de taille à Mayotte, alors que le ramadan approche et que La Réunion connaît une nouvelle flambée épidémique. L’ARS envisage de rapatrier certains patients mahorais, pour libérer des lits sur l’île Bourbon. Un geste de solidarité, alors que de notre côté de l’océan Indien, les remous de la seconde vague continuent à s’estomper. Le taux d’incidence est repassé sous le seuil d’alerte, avec 94,8 cas pour 100.000 habitants, de même que le taux de positivité des tests, avec 7,5%, ce qui confirme cette tendance épidémique favorable (sans cet indicateur, l’analyse pourrait être biaisée, car la baisse du taux d’incidence pourrait aussi simplement s’expliquer par la baisse du nombre de tests effectués). La crise passée, l’ARS va par ailleurs lancer une étude de séroprévalence pour déterminer la progression de l’immunité collective à Mayotte.
De son côté, le centre hospitalier retrouve aussi progressivement son organisation classique. Un tiers des effectifs du service de santé des armées s’est envolé, de même que l’Élément de sécurité civile rapide d’intervention médicale (ESCRIM), qui laisse derrière lui l’hôpital de Pamandzi, partiellement en service. Pour l’instant, seule reste ouverte la permanence de soins au rez-de-chaussée, le temps de finir les travaux et d’inaugurer officiellement l’établissement, entièrement équipé cette fois-ci, au mois de mai.
Alors que les polémiques enflent sur les réseaux sociaux à la suite des images de baignades dans la retenue collinaire de Dzoumogné, Pierre Tremble, le responsable du service santé environnement de l’agence régionale de santé, revient pour Flash Infos sur les dispositifs mis en place pour garantir la qualité de l’eau.
Flash Infos : Une image a circulé ce week-end sur les réseaux sociaux : on y voit des gens se baigner, faire leur lessive, dans la retenue collinaire de Dzoumogné. La photo interroge : comment garantit-on la qualité de cette eau, par quelles étapes passe-t-elle avant d’arriver dans les robinets ?
Pierre Tremble : Effectivement, les retenues collinaires ne sont pas des sites autorisés à la baignade car ces sites ne sont pas aménagés pour cette activité, qui peut donc être dangereuse. De plus, ces retenues étant des captages d’eaux destinées à alimenter les usines de potabilisation, elles doivent être protégées des détériorations éventuelles qui pourraient survenir sur les ouvrages et les équipements, et préservées du déversement d’éventuels produits polluants qui pourraient nuire à la qualité de l’eau.
Les eaux des retenues, dites brutes – c’est-à-dire avant traitement – sont captées puis acheminées via des canalisations et des pompes jusqu’aux usines de traitement, chargées de rendre ces eaux potables. Tout d’abord, l’eau passe par des grilles qui retiennent les gros éléments ou déchets, puis celle-ci passe par un étape de floculation/décantation afin de regrouper les impuretés et les matières en suspension en « paquets » pour les retirer plus facilement. Les eaux sont ensuite filtrées afin de retenir les petits éléments pouvant encore être présents. Enfin, les eaux sont désinfectées par chloration, ce qui permet d’éliminer les bactéries et autres micro-organismes, afin de garantir que l’eau soit potable jusqu’au robinet du consommateur.
Dans le but de garantir la qualité de l’eau, les personnes responsables de la production et de la distribution de l’eau (PRPDE), à savoir le SMEAM et la SMAE à Mayotte, ainsi que le service santé environnement de l’ARS réalisent de nombreux prélèvements d’eau toute au long de l’année, à la ressource, en sortie des usines, sur les réservoirs d’eau mais aussi directement à la sortie du robinet des consommateurs. Ces prélèvements sont transportés et analysés par des laboratoires à Mayotte, à La Réunion et en métropole, afin de s’assurer que les limites de qualité de l’eau respectent la réglementation. En cas d’anomalies, des mesures correctives immédiates sont mises en place (adaptation des traitements) et des contrôles sont effectués afin de s’assurer du retour à la normale de la situation et du respect des limites de qualité d’eau. En cas de doute ou de risques particuliers, la PRPDE et/ou l’ARS peuvent réaliser à tout moment des contrôles et des analyses supplémentaires. C’est notamment ce qui a été mis en place lors des épisodes de coupures d’eau. Ce sont ainsi 750 prélèvements qui ont été réalisés par le service santé environnement de l’ARS en 2020 et près de 26.000 paramètres qui ont été analysés en laboratoires.
FI : Outre les baignades, y a-t-il toujours des risques de contamination des retenues collinaires ? Et si oui, quels sont-ils ?
P. T. : Il peut malheureusement toujours y avoir des risques de contamination de l’eau, que l’origine soit humaine – on parle alors d’origine anthropique – ou bien d’origine naturelle ou environnementale, lorsque les polluants sont d’ores et déjà présents dans le milieu naturel à proximité des captages d’eau. Il existe plusieurs types de contaminations susceptibles de nuire à la qualité de l’eau : risques chimiques, biochimiques ou bactériologiques. Par exemple, des risques de contamination bactériologiques par des écoulements d’eaux usées, de pollution chimique du fait d’un écoulement d’hydrocarbures à proximité du captage d’eau, ou encore des risques biochimiques du fait d’apports en azote ou phosphore susceptibles de favoriser la prolifération de cyanobactéries.
Outre les prélèvements d’eau destinés à être analysés en laboratoire, les équipes des PRPDE et des préleveurs de l’ARS réalisent aussi des mesures « terrains » et des contrôles visuels, olfactifs, voire gustatifs directement auprès des ressources d’eaux brutes et des eaux traitées.
FI : Avant cela, il y a eu une alerte à Musical plage, qui a été interdite pour cause de contamination. Comment l’ARS s’en est-elle rendue compte ? D’où vient le problème, et comment a-t-il été résolu ?
P. T. : La cellule Eaux de Loisirs de l’ARS Mayotte réalise pour le compte des communes des prélèvements et des analyses de l’eau des sites de baignades déclarés et ce, tous les mois de l’année. L’ARS travaille avec le Laboratoire Vétérinaire et d’Analyses Départemental – LVAD – de Mayotte. Plusieurs paramètres physico-chimiques sont contrôlés ainsi que les paramètres bactériens comme les entérocoques ou escherichia coli.
Dans le cas de Musicale Plage, il a été retrouvé la présence de bactéries à un niveau supérieur aux limites fixées par la réglementation. Nous avons donc demandé à la commune de fermer le site de baignade afin d’éviter tout risque sanitaire pour la population, ce qui a été fait par arrêté municipal. Nous avons procédé à un nouveau contrôle de la qualité de l’eau. L’analyse ayant révélé une qualité d’eau compatible avec la baignade, celle-ci a été de nouveau autorisée. L’origine de la contamination temporaire du site de baignade est probablement en lien avec de fortes pluies les jours précédant le contrôle, qui ont lessivé les sols et entraîné des matières contaminées jusqu’au site de baignade. C’est la raison pour laquelle la baignade est fortement déconseillée pendant au moins trois jours après un épisode de fortes pluies.
Les pollutions des sites de baignades peuvent aussi avoir d’autres origines, comme les déjections d’animaux, les déchets, ou le déversement d’eaux usées à proximité des sites de baignades.
FI : Et là encore, comment fonctionne le travail d’analyse, quelles sont les étapes pour tester l’eau ?
P. T. : Le contrôle sanitaire des eaux de baignade est essentiel, mais il ne peut pas tout voir. Les communes sont compétentes pour procéder régulièrement à des inspections notamment visuelles des sites de baignade. C’est à ce moment-là que peuvent être décelées les sources de pollution comme un déversement d’eaux usées par exemple. Il est du rôle des communes de faire cesser ou de supprimer ces sources de pollution. Les équipes de préleveurs et de techniciens à l’ARS remontent aussi aux communes les informations constatées lors des contrôles des sites de baignades.
Enfin, l’ARS travaille avec les communes sur la réalisation de « profils de vulnérabilité » sur l’ensemble des sites de baignades. Ce document réglementaire, qui doit être mis à jour régulièrement, identifie, analyse et propose des solutions afin d’éviter la dégradation de la qualité de l’eau des sites de baignades. Cette année, l’ARS accompagnera financièrement et techniquement les communes volontaires pour remettre à jour ces profils de vulnérabilité, et permettre que les plages de Mayotte puissent continuer à accueillir les habitants et les touristes dans les meilleures conditions possibles.
Mis en liquidation en 2014, le syndicat mixte d’investissement pour l’aménagement de Mayotte existe toujours bel et bien. Depuis six ans, il s’acharne à trouver des consensus auprès des 17 communes et du Département pour transférer tous les biens et les terrains à son actif. Pas une mince affaire alors qu’un nouveau président doit être élu ce vendredi pour mener à bien cette mission complexe.
En liquidation par arrêté préfectoral à la suite des délibérations des collectivités membres en octobre 2014, le syndicat mixte d’investissement pour l’aménagement de Mayotte a toujours un genou debout. Ce vendredi après-midi, il doit d’ailleurs élire son nouveau président qui prendra la relève d’Hidaya Mahafidou. Ce jeudi est ainsi l’occasion de dresser le bilan de la dernière mandature.
Six années de dur labeur qui ne permettent toujours pas de faire disparaître définitivement le SMIAM de la sphère politique après sa création en 1979. Une raison simple justifie ce parcours semé d’embûches. « Il faut démystifier cette affaire, une liquidation peut prendre dix ans », prévient Chanoor Cassam, le directeur vacataire. Pour mener à bien cette mission, les deux survivants se basent sur le principe de la territorialisation, à savoir que les communes récupèrent la propriété de l’ensemble des équipements sur leur territoire. Le transfert de patrimoine, comprenant 172 écoles et 60 équipements sportifs, acte ainsi la première tranche en janvier 2019.
Sans unanimité, tout capote
Restent les cas jugés complexes, comme les bâtis sur les propriétés privées, les terrains nus du SMIAM et les autres actifs immobiliers. Une deuxième tranche beaucoup plus délicate à valider. À cause notamment du siège du syndicat. Bâtiment qui abrite celui de la Cadema. « Mamoudzou a décidé de le laisser au Département, mais les élections municipales de juillet dernier ont rebattu toutes les cartes. Certains nouveaux maires, que nous avons appelés vendredi dernier, ont quelques observations sur ce transfert… Or, si nous n’avons pas l’unanimité du comité syndical, tout capote ! » Un autre exemple, avec l’école de Chiconi située face à la pharmacie Souimanga, vient démontrer la complexité de ces négociations. L’établissement scolaire est géré par la commune mais il est situé sur le cadastre de Sada. La solution dans ce cas de figure ? « La transférer à la communauté de communes du Centre-Ouest. » Encore faut-il que les deux maires soient déjà d’accord…
Pour la troisième tranche, qui regroupe les actifs financiers, le conseil départemental souhaite récupérer les actions de la SIM. En ce qui concerne le transfert de la trésorerie, qui s’élève aujourd’hui à 8.5 millions d’euros, Hidaya Mahafidou et Chanoor Cassam proposent « d’indexer les montants aux surfaces privées à régulariser pour indemniser les communes concernées ».
Avec un total de 564 biens et terrains recensés pour une valeur de bâti estimée à 61 millions d’euros et une valeur foncière de l’ordre de 362 millions d’euros, le SMIAM est assis sur une belle mine d’or. Et cette nouvelle élection pourrait donner quelques sueurs froides au nouvel élu. D’autant que ceux qui s’apprêtent à passer la main estiment une fin de liquidation d’ici « un à quatre ans ». Bonne chance !
Si ce plan du gouvernement pour réformer l’hôpital public n’a pas eu le même retentissement médiatique qu’au niveau national, le département et ses soignants ont, eux aussi, bénéficié de ses retombées. De quoi faire un pied de nez à l’idée que l’île aux parfums est toujours sous-dotée.
Ce nom a fait couler beaucoup d’encre de l’autre côté du globe, mais beaucoup moins à Mayotte. Plusieurs explications possibles à cela. L’on pourra citer par exemple le fait que le 101ème département a été moins touché par la première vague de Covid-19 que d’autres régions de France métropolitaine. Ou encore que le centre hospitalier de Mayotte (CHM) est le seul établissement non soumis à la tarification à l’activité, ce mode de financement très critiqué qui a, selon ses détracteurs, plongé l’hôpital public dans une course à la rentabilité perverse, en attribuant la dotation des établissements en fonction des actes réalisés. Sans parler des primes destinées à rendre Mayotte plus attractive pour le personnel soignant.
Quoi qu’il en soit le Ségur de la santé trouve des déclinaisons dans le 101ème département. À l’origine, cette vaste consultation lancée au moment de la première vague en France devait permettre d’apporter des solutions face aux fragilités du système de santé que la crise Covid a fait éclater au grand jour. Conclu en juillet 2020, ce plan du gouvernement s’articule autour de plusieurs volets, de la revalorisation du statut, des conditions de travail et de rémunération des personnels de santé hospitaliers médicaux et paramédicaux, à l’ouverture de nouveaux lits en passant par la formation et le recrutement de 15.000 agents. En tout, le gouvernement a notamment annoncé 19 milliards d’euros d’investissement dans le système de santé pour améliorer la prise en charge des patients et le quotidien des soignants.
Plus 183 euros nets mensuels pour le personnel paramédical
Voilà pour les grandes lignes. Concrètement, à Mayotte, ce sont 2.457 personnels paramédicaux qui ont pu bénéficier d’une revalorisation de salaire de 183 euros nets mensuels, et 118 médecins qui ont obtenu l’indemnité d’engagement de service public exclusif (IESPE) les engageant à rester au moins trois ans à leur poste à l’hôpital, sans consultation privée. Et plus de 200 médecins vont voir leur salaire revalorisé avec la création de deux échelons supplémentaires en fin de carrière. L’attribution des investissements pour les hôpitaux va aussi évoluer, ce qui permettra notamment pour les agences régionales de santé d’instruire et de valider directement les dossiers pour des crédits de moins de 150.000 euros.
60 millions d’euros pour Mayotte
Quant à l’enveloppe de 19 milliards d’euros, Mayotte n’est pas en reste avec 26 millions dédiés au désendettement, et 33 millions pour les investissements. De jolis coups de pouce, alors que le 101ème département a déjà pu bénéficier d’aides de la part de l’État, comme les 176 millions d’euros octroyés pour le deuxième hôpital ou encore les 2,4 millions obtenus en fin d’année dans le cadre du Covid. En clair, “Mayotte a été très bien aidée”, conclut Dominique Voynet, la directrice de l’ARS. De quoi avancer sur les futurs chantiers, comme le deuxième hôpital, le développement de la médecine de ville générale ou spécialisée, la modernisation des protections maternelles et infantiles (PMI), ou encore la formation des infirmiers et sage-femmes sur le territoire… Les idées ne manquent pas !