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Six artisans d’art récompensés à Mayotte pour leur savoir-faire

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Ce jeudi 8 avril, la chambre des métiers et de l’artisanat organisait à l’hôtel consulaire la troisième cérémonie de remise de titres à six « artisans d’art » dans le cadre de la 15ème édition des journées européennes des métiers d’art qui se déroulent du 6 au 11 avril. Brodeuse, photographe, tourneuse sur bois, styliste modéliste, bijoutier, marqueteur, autant de métiers mis en lumière au cours de la matinée.

Crise sanitaire oblige, la troisième remise de titres d’artisans d’art s’est déroulée en catimini, « dans le respect d’une jauge de 30% de la capacité d’accueil de cette salle », ce jeudi 8 avril à l’hôtel consulaire. Pas question pour autant de passer à côté de cet événement ô combien important pour le 101ème département qui ne compte qu’un seul métier officiellement reconnu sur le territoire.

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La raison qui explique ce chiffre dérisoire ? Les conditions particulières à l’obtention de cette reconnaissance… « L’artisanat d’art n’est ni un statut juridique ni une activité proprement dit ni l’une des familles de métiers qui regroupent 1.3 million d’entreprises artisanales dans notre pays, à savoir l’alimentation, la fabrication, le bâtiment et les services », a introduit Jean-Denis Larroze, le secrétaire général de la chambre des métiers et de l’artisanat. En effet, il s’agit purement et simplement d’une reconnaissance professionnelle définie par trois critères, à savoir la mise en œuvre de savoir-faire complexes pour transformer la matière, la production d’objets uniques ou de petites séries qui présentent un caractère artistique ou encore la maîtrise du métier dans sa globalité.

 

Structurer ce secteur d’activité

 

À Mayotte, « un certain nombre d’entre eux ont une activité informelle, pour ne pas dire la plupart, soit par choix, soit parce qu’ils estiment ne pas pouvoir vivre de leur art », a précisé Salim Soumaila, le président de l’institution. «Malgré nos efforts, il reste difficile de les intégrer dans un cadre formel, d’autant plus que de nombreux organisateurs de manifestations, y compris publics, ne sont pas regardant sur leur situation, bien au contraire.»

Alors pour structurer le secteur d’artisanat d’art, il est essentiel que toutes les entités – Europe, État et conseil départemental – participent à cette démarche. Y compris les municipalités que la CMA compte bien solliciter pour qu’elles soutiennent financièrement à son développement, « en participant par exemple à la prise en charge partielle du coût salarial d’un apprenti de plus de 25 ans de la commune, en complément des aides de l’État ». Avant d’adresser un clin d’œil au président de l’association des maires, Madi Madi Souf, qui devrait accueillir, selon Salim Soumaila, « cette proposition avec bienveillance et intérêt » et être « notre porte-parole efficace et passionné auprès de ses collègues ».

L’attribution de six titres d’artisans d’art à des « petits entrepreneurs » était donc une première pierre à l’édifice de cet enjeu majeur pour la valorisation du territoire. « À Mayotte, on est capable de… », a assuré Jean-Denis Larroze, avant de présenter un par un les lauréats du jour.

 

Halima Andjilani, brodeuse

Domaine : textile
six-artisans-art-recompenses-mayotte-savoir-faireNée à Bouéni en 1976, Halima Andjilani débute son activité en octobre 1997, date à laquelle elle s’est inscrite au répertoire des métiers pour l’activité broderie. Brodeuse à l’aiguille, même si elle utilise par ailleurs d’autres techniques comme le point Richelieu, avec lequel elle réalise des récélés qui font aussi sa renommée, l’artisane située à M’Bouanatsa crée des motifs à plat ou en relief sur des tissus variés. « Je travaille environ cinq heures par jour et par terre », a-t-elle lâché comme anecdote au moment de recevoir, avec une certaine émotion, son titre.

 

Abdullah Ali Mari, photographe technicien

Domaine : papier, graphisme et impression
six-artisans-art-recompenses-mayotte-savoir-faireNé en 1969 à Sada, Abdullah Ali Mari est le créateur en janvier 2013 de la SARL Photo Concept, installée rue du commerce. Titulaire d’une licence en arts plastiques délivrée par l’université Rennes 2, il n’hésite pas à participer avec succès à de nombreuses sessions de formation organisées par le centre de formation Nikon. Il réalise la prise de vue, le développement et le tirage argentique ou le tirage numérique pigmentaire, et maîtrise des techniques d’impression qui lui permettent de proposer un support adapté qui peut comporter différents aspects de surface, et de finition comme le contrecollage et la vitrification. Il intervient aussi sur des photographies grand format et de très haute définition, tout en ayant su se diversifier, notamment dans la vente d’accessoires et la création d’objets publicitaires personnalisés, plus communément appelés « goodies ». « La photographie rentre dans l’art, c’est aussi de la recherche », a-t-il martelé lors de la cérémonie.

 

Marlène Fraytag, brodeuse sur bois

Domaine : ameublement et décoration
six-artisans-art-recompenses-mayotte-savoir-faireOriginaire d’Avignon, Marlène Fraytag exerce depuis 2013 l’activité générique de fabrication d’objets en bois et de bijoux dans l’entreprise individuelle Touch’du bois, qu’elle a reprise cette même année à son créateur, Claude Barthois. Pour ses objets, elle utilise en grande partie la technique du tournage sur bois, qui lui permet de façonner la matière à l’aide d’un tour en la creusant et en l’affinant, pour en extraire des pièces aussi diverses que variées telles que des plateaux, des sculptures, des toupies, des boîtes ou des stylos. Marlène Fraytag est également la membre fondatrice de la maison artisanale de Mayotte, créée avec l’appui du service de développement économique de la CMA et dont le magasin de vente se situe devant le 5/5. À ses yeux, chaque jour est un éternel recommencement pour « progresser dans notre métier ».

 

Ali Assani M’Colo, marqueteur

Domaine : ameublement et décoration
six-artisans-art-recompenses-mayotte-savoir-faireNé à Nosy Bé en 1969, Ali Assani M’Colo commence son activité en juillet 1994 d’une façon bien curieuse. Soucieux de s’intégrer dans l’économie formelle, il se déclare dans le domaine de la vannerie et la transformation de bambous locaux. Dans le cadre de la structuration du secteur des métiers d’art, le service de développement économique de la CMA s’aperçoit rapidement de l’écart entre l’activité déclarée et la réalité de son art, que l’on peut assimiler pour de nombreux produits à de la marqueterie. Selon les critères officiels, le marqueteur réalise des compositions pour orner meubles ou objets ou pour créer des tableaux. Il découpe des plaçages naturels ou teintés et assemble les pièces avec de la colle chaude avant de les mettre sous presse pour les coller sur leur support. Dans le cas d’Ali Assani M’Colo, il s’agit des coques du fruit du baobab.

 

Moinécha Hariti, styliste modéliste

Domaine : mode et accessoires
six-artisans-art-recompenses-mayotte-savoir-faireSi Moinécha Hariti inscrit son atelier de couture sous le nom de Hariti Mod et Art au répertoire des métiers en février 2005, la Petite-Terrienne ne débute son activité que deux mois plus tard, le 1er avril. Cette couturière dite flou, en raison de son expérience et de ses 16 années de carrières, réalise des créations souples dans des étoffes fluides et maîtrise toutes les étapes de la fabrication (patron, coupe, bâti, assemblage, couture et finition). Après le moulage sur mannequin, elle indique sur la toile l’emplacement des découpes et des pinces et règle l’aplomb… « Au fil des années, je me suis spécialisée dans le mariage », précise celle qui est à l’origine de la coopérative des couturières de Mayotte. Son leitmotiv ? « Dans un vêtement, je mets toute mon âme ! »

 

Farsi Said Madi, bijoutier

Domaine : bijouterie, joaillerie, orfèvrerie et horlogerie
six-artisans-art-recompenses-mayotte-savoir-faireNé à Sada en 1960, Farsi Said Madi crée sa bijouterie Temple D’or le 7 décembre 1994 dans sa commune de naissance, après être parti se former à La Réunion. Il utilise la fonte à la cire perdue, la soudure ou le martelage pour mettre en forme le bijou avant d’en réaliser les finitions. Membre de la récente coopérative des bijoutiers de Mayotte, le doyen des artisans d’art participe à l’évolution de la profession, avec la mise en place du poinçonnage et de la tenue des registres réglementaires.

30 logements témoins livrés pour des familles décasées à Majicavo

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Après un peu plus d’un an de travaux, des maisons témoins ont été inaugurées ce jeudi. Elles devront accueillir dans les jours qui viennent plusieurs familles délogées il y a deux ans d’habitats insalubres construits en haut de ce talus, sur la commune de Koungou. Une opération qui s’inscrit dans le cadre d’une politique ambitieuse de lutte contre l’habitat indigne dans le 101ème département.

À l’endroit, à l’envers, dans un sens puis l’autre… Rien n’y fait ! Les mains tremblantes du petit homme de 80 ans ne parviennent pas à déverrouiller la porte de sa future nouvelle demeure. “Vous voulez que je vous aide, Monsieur ?”, lui glisse avec bienveillance le préfet Jean-François Colombet, reconverti le temps d’une visite en agent immobilier enchanté d’avoir conclu une nouvelle vente. “C’est la mauvaise clé !”, s’écrie-t-on alors, sous les rires amusés de la foule entassée pour assister à ce moment symbolique. Ouf, la porte de devant est ouverte et tout ce beau monde finit tant bien que mal par s’engouffrer dans la petite maison, correcte et fonctionnelle : une salle de bain et une cuisine équipée, une salle à vivre et même un deuxième étage pour la chambre avec vue sur le lagon. La classe !

Ce jeudi avait lieu l’inauguration en grande pompe des premières maisons témoins de l’opération de résorption d’habitat insalubre (RHI) expérimentale. En tout, ce sont trente logements de ce type qui doivent être livrés dans quelques jours pour des familles décasées qui vivaient sur cette butte en haut de Majicavo-Dubaï. “Nous, ville de Koungou, voulions démontrer que le bidonville n’est pas une fatalité et que des solutions existent. Ici même, il y a moins de deux ans, des maisons menaçaient de glisser sur le talus”, a rappelé le maire de Koungou Assani Saindou Bamcolo. Il aura fallu un peu plus d’une année pour livrer ce chantier démarré en janvier 2019. “C’est dans votre commune que le renouvellement urbain va le plus vite et le plus loin, nous arrivons à consommer les crédits alors qu’ailleurs, les choses sont plus lentes à se mettre en place”, a d’ailleurs salué le préfet à l’attention de l’élu, immédiatement suivi par une salve d’applaudissements.

 

Un reste à charge de 100 euros

 

L’objectif de l’opération, menée en lien avec la commune de Koungou, mais aussi la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL), la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS née récemment de la fusion DIECCTE/DJSCS), le conseil départemental et les services de l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) : livrer vite et bien, à un moindre coût (39.000 euros) des logements dignes, isolés, avec accès à l’eau et l’électricité. “Vous voyez ce toit ? On a mis un revêtement spécial, qui évite de faire chauffer la pièce”, indique-t-on. Et c’est vrai qu’il fait plutôt frais ! Les nouveaux locataires, comblés, enchaînent les “maharaba” et même une prière. Locataires, car le montage repose sur un dispositif d’intermédiation locative géré par SOLIHA et la fondation Abbé Pierre. À terme, le reste à charge pour les familles s’élèvera à une centaine d’euros seulement. “Nous allons être très compétitifs avec le marché du banga”, s’est enorgueilli Jean-François Colombet.

 

Équilibre et effacement des bidonvilles

 

Des constructions qui s’inscrivent selon le délégué du gouvernement dans une politique volontariste de lutte contre l’habitat insalubre. “Depuis août, nous nous sommes engagés dans un plan ambitieux pour détruire 600 à 700 cases dans lesquelles vivent des gens de façon indigne”, a-t-il souligné. Or, pour reloger les familles ainsi délogées, les solutions en matière de logements font toujours défaut sur le territoire. Et la volonté de la SIM de construire 500 logements sociaux par an ne pourra pas suffir à “couvrir l’ensemble des besoins avec le développement que nous connaissons”. Ces constructions expérimentales et reproductibles apportent donc une première pierre à l’édifice. “Je trouve que cette opération incarne l’équilibre que nous mettons en place sur l’effacement des bidonvilles”, a fait valoir le locataire de la Case Rocher.

Un équilibre bien fragile, surtout au vu du rythme rapide et de l’ampleur des destructions… Sur le terrain inauguré ce jeudi vivaient auparavant une cinquantaine de familles dans des cases en tôle. Parmi elles, les trente heureuses élues qui vont recevoir les clés de leur nouveau logement en dur ont été accompagnées pendant toute la durée du chantier par l’association Acfav et dans les logements temporaires de Hamachaka. Les vingt restantes étaient soit en situation irrégulière ou bien ont trouvé des solutions de relogement par elles-mêmes.

Depuis le 1er janvier, 496 cases ont déjà été détruites grâce aux arrêtés loi Elan publiés par la préfecture. Le dernier, en date du 2 avril 2021, prévoit la démolition d’une cinquantaine de cases dans un mois et huit jours, à Miréréni, sur un terrain de la commune de Chirongui. But de la manœuvre : construire (enfin !) un terrain de football, dans les cartons depuis 2005. Il pourra accueillir 22 joueurs. Sauf crise sanitaire majeure.

Premier jour de grève pour les syndicats de l’agence régionale de santé de Mayotte

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Ce jeudi 8 avril marquait le premier jour de grève des syndicats de l’agence régionale de santé de Mayotte. Depuis sa création le 1er janvier 2020, c’est la deuxième fois que les syndicats se mettent en grève, signe selon eux, que de nombreux dysfonctionnements existent. Ils réclament une ARS de plein exercice dans les règles de l’art.

Les tensions subsistent au sein de l’institution de santé. Alors que les syndicats prônent une agence régionale de santé de plein exercice, digne de ce nom pour le département, la direction ne semble pas aller tout à fait dans le même sens. “À Mayotte, on est déjà en retard ! Si on souhaitait se séparer de l’ARS Réunion, c‘était pour mettre en place un système adapté ici”, peste Kamaldine Dahalani, représentant du personnel pour la CFDT. Ambiance… Et aux yeux des manifestants du jour, le compte n’y est pas depuis le passage sous ce régime tant désiré le 1er janvier 2020. Les syndicats réclament un plan régional de santé précis qui “définira l’avenir et les projets à mettre en place au niveau des infrastructures, de la e-santé, etc”.

L’une des priorités évoquées ? La formation de personnels soignants directement sur place. Mais les agents de l’ARS ont le sentiment de parler dans le vide face à une hiérarchie peu l’écoute. “On fait appel aux evasan alors que c’est supposé être uniquement un moyen de soulager les services… Nous on a toujours besoin d’être soulagés”, décrit Kamaldine. Concernant le supposé désert médical que les agents constatent, ils demandent la mise en place d’un organigramme clair, créé spécifiquement pour Mayotte. Une demande réitérée depuis des mois. En vain.

 

Un manque de communication interne

 

Il faut le vivre pour comprendre ce qu’il se passe”, explique Anchya Bamana. “La gestion du personnel n’est pas digne d’une institution de cette ampleur.” Les syndicats font remonter un manque de communication interne, voire sa totale absence, alors qu’ils jugent être les mieux placés pour analyser la situation sur l’île, travaillant au quotidien avec les problématiques du territoire. Selon Kamaldine Dahalani, “le dialogue n’existe pas, la direction méprise les gens, elle veut imposer au lieu de parler du dialogue social. Les collègues sont en souffrance mais ils ont peur de parler”. Le système serait selon eux politique et non pas administratif.

C’est ce manque d’écoute qui les pousse à planter le piquet de grève. Pour que la population s’empare de la question et réalise qu’une ARS de plein exercice en bonne et due forme sur le territoire serait un plus pour Mayotte, et ses habitants. Kamaldine prend l’exemple de l’e-santé, sur lequel beaucoup a été investi lorsque le 101ème département dépendait encore de la tutelle de l’île voisine. Toujours selon les syndicats, la direction de l’ARS souhaiterait que La Réunion soit en charge de ce dossier, alors que les agents mahorais ont peur que l’histoire se réitère et que rien ne soit fait. “L’État a donné les moyens de le faire mais rien ne bouge.” La goutte d’eau qui fait déborder le vase visiblement…

On se bat pour que Mayotte puisse commencer à construire un système de santé digne”, termine le représentant du personnel. Jointe par téléphone, l’ARS n’a pour l’instant pas souhaité réagir. Un commentaire qui pourrait s’expliquer en raison de l’absence de la directrice générale de l’institution sanitaire, Dominique Voynet, en déplacement jusqu’à lundi prochain.

Attaque au commissariat de Mamoudzou : pas de lien avec une entreprise terroriste à ce stade de l’enquête

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Le mis en cause, un Palestinien isolé et marginalisé a été placé en détention provisoire. Une information judiciaire est ouverte pour tentative de meurtre.

Fausse alarte. L’attaque ce mardi d’un fonctionnaire de police au commissariat de Mamoudzou par un homme qui avait crié “Allah Akbar” n’est pas en lien avec une entreprise terroriste. L’auteur, un Palestinien isolé arrivé sur le territoire depuis la métropole en 2020, n’a pas non plus revendiqué d’appartenance à un groupe terroriste. C’est du moins ce qui ressort de l’enquête judiciaire, menée “en liens étroits” avec le parquet national anti-terroriste “qui n’entend pas se saisir de l’affaire”, a annoncé le procureur de la République Yann Le Bris lors d’une conférence de presse jeudi soir.

Une interrogation persistante demeure sur l’intention au moment du passage à l’acte”, a expliqué le magistrat du parquet. C’est-à-dire si les coups portés constituent une violence aggravée sur personne dépositaire de l’autorité publique avec arme et dans une enceinte administrative, un délit puni de 7 ans de réclusion, ou une tentative de meurtre avec intention de tuer, où la peine maximale est de trente ans de prison. Une information judiciaire a donc été ouverte pour tentative de meurtre et fait l’objet d’une enquête avec un juge d’instruction de Mayotte. En attendant, l’individu a été mis en examen et placé en détention provisoire.

 

Un homme “en voie de clochardisation”

 

L’homme, qui avait demandé l’asile en France métropolitaine en 2014, était arrivé à Mayotte à la demande d’un ami qui lui avait proposé un emploi et lui avait payé le billet d’avion. “Le profil psychologique de cette personne étant incompatible avec le poste, l’employeur avait mis fin au contrat de travail”, a retracé le procureur. L’individu, qui était inconnu de la justice, sauf pour des faits mineurs sans condamnation, s’est alors retrouvé isolé. Avant son passage à l’acte, il vivait seul dans un banga, en totale marginalisation, avec “un environnement amical extrêmement pauvre”, et même “en voie de clochardisation« . “C’est dans ce contexte social que les faits s’inscrivent.” Il vivait de plus comme une persécution son absence de droit à l’allocation chômage.

Le jour des faits, “il a décidé de faire parler de lui”. Il se rend d’abord devant La Poste, et un restaurant où il hésite à commettre des violences, avant de se raviser et d’atterrir au commissariat. Là encore dans une logique d’attirer l’attention sur lui, pour obtenir son droit au chômage, au point même de pouvoir y perdre la vie. L’expertise psychiatrique menée au moment de sa garde à vue n’a pas permis d’identifier de maladie mentale, ni même d’altération du discernement. Et s’il a crié les mots “Allah Akbar”, l’homme n’a aucun moment revendiqué une participation à un djihad.

En ce qui concerne la victime, elle est ressortie du CHM avec quelques blessures liées à sa chute et une incapacité temporaire de travail de 8 jours, en plus du choc psychologique lié à l’attaque.

Victime des violences à Koungou fin février, Claude le « miraculé » raconte

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Locataire de la résidence Oungou Manga à Koungou depuis 2016, Claude a vécu un véritable cauchemar le 26 février. Pris à partie par une bande de jeunes, l’enseignant a tenté de leur faire barrage dans son habitation avant d’être roué de coups par les assaillants. Plus d’un mois après les faits, il revient sur cet incident « exceptionnel » et la manière dont il se reconstruit. Témoignage.

« Mon œil ? Non, non ça ne remonte pas à ce jour-là ! Je me suis fait piquer par une bête en scooter hier [mardi 6 mars]. » Situé à quelques pas devant le portail, « de nouveau fonctionnel », de la résidence Oungou Manga à Koungou, Claude revient sur les lieux de l’incident pour la deuxième fois depuis le cauchemardesque 26 février. Date de la spectaculaire attaque à l’encontre des habitants par une bande de jeunes issus du désormais ancien quartier Jamaïque. « En un peu de plus de quatre ans, je n’ai vécu qu’une seule tentative de cambriolage. Je me sentais relativement en sécurité… »

Tout commence vers 10h quand la troupe d’assaillants fracasse une flopée de portes d’entrées dans le but de vandaliser les logements SIM. La sienne, « blindée », résiste aux innombrables coups de barre de fer, de hache et de chombo. « Ils avaient tout un arsenal », se remémore le sexagénaire. Une heure plus tard, un peloton de gendarmerie débarque tambour battant pour restaurer le calme. Au détour d’une apparente accalmie, certains résidents en profitent pour prendre la poudre d’escampette. Pas Claude, seul locataire dans son habitation. « J’étais bloqué à l’intérieur car la serrure avait fini par sauter », retrace-t-il, comme s’il revivait cet « événement exceptionnel ».

« J’étais KO debout »

À peine le temps de reprendre ses esprits que la fronde repart de plus belle en fin d’après-midi, quelques minutes seulement après le départ des militaires. « Stressé », « apeuré », l’enseignant se barricade avec « une machine à laver ». Dans son combiné, il prie les forces de l’ordre de revenir à toute vitesse et de lui porter secours. « Je pensais réellement que j’allais y passer ! » La course contre la montre débute. Résister à tout prix. Mais au même moment, une brèche se forme… « Un jeune a fini par rentrer et m’a roué de coups. » Poussé par un instinct de survie, Claude réplique et fonce dans le tas – « une bonne dizaine d’individus » – pour s’extirper du piège dressé face à lui et atteindre la passerelle devant son logement, synonyme de liberté. « Puis un autre m’a attrapé et a eu tout le loisir de me tabasser. J’étais KO debout mais je ne devais pas mettre un genou par terre. »

Encore sonné moralement, ses souvenirs s’emmêlent. Seule certitude à ce moment-là ? « Il faisait nuit. J’étais pieds nus et j’avais les vêtements en lambeaux. » Échappé de ce guet-apens, le professeur de mathématiques fonce se cacher à l’autre bout du parking. Où un voisin lui ouvre l’accès à sa demeure, après moult pourparlers. Finalement, la cavalerie rapplique et l’exfiltre avec un véhicule blindé sur la place de la commune pour être pris en charge par les pompiers. Direction le centre hospitalier de Mayotte. Verdict : le nez cassé, le visage ensanglanté et quelques blessures de défense. Et dix jours d’incapacité temporaire de travail. « Je me considère comme un grand miraculé », admet-il en toute humilité.

 

Soutien du rectorat et de ses collègues

 

Dès le dimanche matin, il reçoit quelques mots « réconfortants » de la part d’un conseiller du recteur et du directeur du cabinet. Vient alors la question du relogement. « Le rectorat m’a proposé d’aller à l’hôtel Trévani, mais je voulais quitter la zone et retourner sur Mamoudzou pour me rapprocher de mon lieu de travail. Sauf que tous les établissements étaient complets avec les renforts de la réserve sanitaire. » Face à ce manque d’options, Claude prolonge la colocation durant deux semaines chez l’un de ses collègues, qui l’a accueilli le soir-même à sa sortie de l’hôpital, le temps de se retourner.

« J’ai évidemment déménagé, je n’ai pas attendu les propositions de la SIM. » Depuis, le Malgache d’origine vit à Kawéni, à cinq minutes du lycée des Lumières. Et retombe petit à petit sur ses pattes grâce à l’aide « surprise » de son proviseur adjoint pour la réception de mobilier gracieusement offert par près d’une dizaine d’entreprises et au soutien financier des autres enseignants. « Ce sont toutes ces personnes qui m’ont fait tenir et qui m’ont convaincu de rester. » Mais sa reconstruction n’est pas un long fleuve tranquille. « Je ne connaissais pas les démarches à réaliser pour le dépôt de plainte et l’assurance habitation », dit-il au moment d’arrêter le facteur pour savoir s’il a reçu du courrier.

Cinq semaines et quelques séances « qui n’ont rien changé » avec la psychologue de son établissement scolaire plus tard, Claude ressasse cette expérience avec philosophie. « Ce n’est pas ça qui va me faire quitter Mayotte. Ce n’est pas à ma personne qu’ils en voulaient. Je ne suis qu’un dommage collatéral d’un fait. » Avant de remonter sur son scooter et de regarder s’éloigner son ancienne maison sur laquelle sont encore visibles les stigmates de cette atroce journée. Tel un nouveau départ.

“Il s’est coupé le doigt tout seul” : deux hommes devant le tribunal pour une violente altercation devant le Barfly

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Attaqué au chumbo, un client du Barfly s’est retourné contre son agresseur en lui assénant plusieurs coups de couteau. Un revirement qui ne coche pas les cases de la légitime défense… Les deux prévenus ont écopé de peines de prison avec sursis.

Ils avaient croisé le fer, ou plutôt le couteau et le coupe-coupe il y a trois ans à la sortie de Barfly. Ce mercredi, deux hommes étaient entendus au tribunal correctionnel de Mamoudzou, tous deux dans le rôle à la fois de victimes et de prévenus. L’un pour violence suivie d’incapacité n’excédant pas huit jours avec usage d’une arme et en état d’ivresse manifeste ; l’autre pour violence suivie de mutilation ou infirmité permanente. Car c’est là que la lame blesse : le premier y aura perdu une phalange…

Le drame remonte au 15 avril 2018. Cette nuit-là, Monsieur I. profite d’une soirée dansante avec sa femme et l’une de ses amies, au Barfly donc. L’alcool coule à flots, jusqu’à ce que les dames décident de rentrer. Monsieur I. les suit à quelques minutes d’intervalle, mais quand il arrive sur le parking, le mari trouve un homme en train de tenter de forcer sa voiture. Alors qu’il s’interpose, un troisième individu surgit de nulle part, armé d’une machette. “Tu fais le beau parce que tu es avec deux femmes”, lui aurait lancé Monsieur M., le deuxième prévenu du jour, avant de lui asséner un premier coup de chumbo au visage. À un doigt près ! “Si je n’avais pas mis ma main, je ne serais pas devant vous aujourd’hui”, retrace Monsieur I., la voix tremblante face aux juges. Une version corroborée par les témoignages de sa femme et son amie. Il finira avec 21 jours d’incapacité temporaire de travail.

 

Cinq plaies en retour

 

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Aveuglé par la rage et le sang, l’homme désormais amputé se met à poursuivre son agresseur. À terre, Monsieur M. prend plusieurs coups de couteau : il finira avec 5 plaies, dont l’une assez profonde au thorax qui nécessitera des points de suture et une ITT de 8 jours. Seule l’intervention d’un tiers, un ami présent à la soirée, parviendra à arrêter l’homme au couteau, en jetant son arme à la mer. Une lame dont on ne parvient pas trop à déterminer la provenance, tant les explications du prévenu restent vagues à la barre. Lui prétend l’avoir ramassé après avoir reçu le coup de machette, alors que l’une des témoins a expliqué en audition qu’il l’avait “dès le départ”. Mais à part ce léger flou, Monsieur I. ne nie pas les faits : “je me suis senti en danger, j’essayais de me défendre (…), ce n’était pas mon intention de le blesser, j’avais peur”, répète-t-il inlassablement trois ans après les faits.

 

Coupe-coupe contre couteau

 

Du côté de la partie adverse, le discours n’est pas le même. “D’après ce que j’ai entendu, il s’est coupé le doigt tout seul”, fait valoir le plus rondelet des deux hommes, quand vient son tour d’expliquer le déroulé des événements. “Je vois trois personnes, et l’un avec un couteau, je lui dis : ‘‘on a tous un couteau, lâche ton couteau’’ et donc je suis allé cherché un coupe-coupe.” “C’est votre manière de résoudre les conflits ?”, tance la présidente. Mais ni cette pique ni les suivantes n’inciteront le bonhomme à reconnaître une responsabilité dans la mutilation de son coprévenu. Une position qui ne lui attirera pas les faveurs du tribunal : l’homme écope de trois ans de prison dont deux avec sursis probatoire de deux ans – l’année de prison ferme pouvant être aménagée. Monsieur I. quant à lui s’en sortira avec 10 mois de prison avec sursis. Les deux s’étant constitués parties civiles, ils se doivent respectivement : 5.000 euros pour le préjudice moral et 10.000 euros pour le préjudice physique de Monsieur I. ; et 1.500 euros pour le préjudice moral et la même somme pour le préjudice physique de Monsieur M. Le parquet avait requis 12 mois de prison ferme pour le premier et quatre ans dont trois avec sursis probatoire pour le second. “Il a quand même perdu un doigt, c’est la sanction la plus grave”, a souligné la procureure. Coupé dans le vif.

La cadence s’accélère pour l’insertion par l’activité économique à Mayotte

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L’insertion par l’activité économique à Mayotte prend une toute autre tournure cette année. Le budget a été multiplié par 2,5 et le nombre de structures pouvant en bénéficier a augmenté de 35%. L’objectif est d’utiliser cet argent à bon escient. Et pour cela, l’État pourra compter sur des projets innovants et engagés.

9,6 millions d’euros ! C’est le montant du budget annuel 2021 alloué aux structures d’insertion par l’activité économique (SIAE). Contre 3,7 millions d’euros un an plus tôt. « C’est une augmentation substantielle et sans précédent. Les fonds ont été multipliés par 2,5, soit une hausse de 250% », se réjouit le préfet de Mayotte. Il faudra désormais con-sommer cette somme puisque l’effort financier du gouvernement sur l’insertion par l’activité économique est inédite. Pour y arriver, 19 structures ont répondu à l’appel. Soit cinq de plus par rapport l’année dernière. Elles pourront bénéficier de cet somme pour aider les personnes sans emploi ni formation à s’insérer dans la société.

La subvention de l’État sera uniquement dédiée à l’aide aux postes. Autrement dit, elle permettra de rémunérer les femmes et hommes en insertion qui pratiqueront une activité professionnelle dans l’une de ces 19 structures. Et pour que l’aspect financier ne soit pas un frein au développement de ces SIAE, la préfecture a mis les bouchées les doubles. « À la différence de la métropole, nous avons obtenu du gouvernement un régime particulier. Les structures qui ont demandé les fonds seront payées tout de suite. Nous allons gagner entre cinq et six mois par rapport à l’Hexagone », annonce Jean-François Colombet. Toutes les structures ne seront pas dotées de la même manière, le budget sera attribué en fonction des projets et du nombre de personnes qui seront prises en charge par chaque structure.

 

RTME (Régie du territoire maesha espoir)

 

cadence-accelere-insertion-activite-economique-mayotte-RTMEBasée à Acoua, la Régie du territoire maesha espoir depuis 2010. Présidée par Djabari Madi, l’association caractérise l’engagement des femmes au foyer qui ne cherchent qu’à arrondir leurs fins de mois. Pour cela, elles préparent des plats et les vendent, principalement dans les établissements scolaires. « Quotidiennement, nous distribuons 180 plats dans les écoles. Mais nous ne pouvons répondre à plus de demandes parce que nous devons développer notre coin cuisine pour satisfaire le territoire », précise le responsable de la structure. En plus des plats, la RTME a deux autres activités principales. L’une d’elles est la transformation des produits agricoles. Si au début, les femmes se contentaient de faire simplement des jus, aujourd’hui « elles sont capables de produire plus de 500 kilos de farine de manioc par jour », expose fièrement Djabari Madi. Et l’association met un point d’honneur à ne travailler qu’avec les agriculteurs de l’île pour avoir une visibilité sur la traçabilité des produits utilisés. Autre corde à son arc ? La médiation environnementale. Elle sensibilise la population et embellit les quartiers en commençant par les nettoyages. Le public visé par la RTME est principalement composé de femmes d’un certain âge, mais elle veut désormais mettre l’accent sur les jeunes. L’objectif : Les insérer dans le vie professionnelle à travers ces différentes activités. « Nous faisons aux alentours de 30 à 40% de sortie positive, ce sont des personnes qui ont trouvé un travail ailleurs », indique Djabari Madi. Mais cela freine l’activité économique de l’association, car elle doit sans cesse former de nouvelles personnes. Le prix à payer.

 

Le garage solidaire de Koungou

 

cadence-accelere-insertion-activite-economique-mayotte-garage-solidaireC’est une activité innovante qui n’existe nulle part à Mayotte. Le centre communal d’action sociale de Koungou souhaite mettre fin aux garages informels et en parallèle faire disparaître toutes les carcasses de voitures qui jonchent les rues de la commune. Pour cela, il a crée le garage solidaire. « Nous voulons proposer un atelier chantier d’insertion pour insérer les personnes en situation régulière afin qu’elles aient un garage formel, dans le respect des normes, parce que très souvent, elles sont découragées par les démarches administratives », dévoile Aly Mohamed, à la tête du projet. L’autre but : inciter les jeunes à s’intéresser aux différents métiers qui existent dans un garage. « Pour commencer, nous allons accompagner 12 personnes en insertion à intégrer les garages partenaires. Ces jeunes seront formés et pourront par la suite accéder à des postes à l’extérieur », détaille Aly Mohamed. Le projet porté par le CCAS de Koungou devrait se réaliser en 2022.

 

Wenka Culture

 

cadence-accelere-insertion-activite-economique-mayotte-wenka-cultureÀ ses débuts, l’association Wenka culture située à Kaweni avait une activité principale : faire nettoyer les rues par les jeunes de Kaweni pour éviter l’oisiveté. Aujourd’hui, la structure s’étend sur quatre activités principales. « Nous avons un atelier chantier d’insertion sur la propreté urbaine, un sur les métiers de développement durable, un autre sur l’espace vert et un autre sur la poterie », précise Omar Said, directeur de Wenka culture. L’association regroupe 40 salariés, 25 jeunes sur le terrain et 15 permanents qui accompagnent les stagiaires vers une inclusion économique et sociale. Mais le directeur se trouve confronté à la lenteur administrative, qui freine l’activité de l’association. « Il y a beaucoup de couacs administratifs, une lenteur sur les traitements des dossiers qui ralentissent le paiement et ça met à mal nos structures », dénonce Omar Said. À cela s’ajoute les charges qu’elles doivent payer alors qu’ailleurs en France, ce n’est pas forcément le cas. « Les structures comme les nôtres payent les mêmes charges sociales qu’une entre-prise classique alors que nous sommes censés faire du social. Nos confrères qui ont les mêmes structures à La Réunion sont exonérés de charges, et les postes d’encadrement sont cofinancés », souligne le directeur de Wenka Culture. Cette aide de l’État n’est donc pas négligeable, mais elle reste encore insuffisante au vue des besoins des structures.

 

Nayma

 

cadence-accelere-insertion-activite-economique-mayotte-NaymaSur le marché des structures d’insertion par l’activité économique depuis 2020, l’association Nayma nourrit déjà de grandes ambitions. Sa mission principale consiste à valoriser le cycle de l’eau. « Nous allons commencer par nettoyer les rivières et les mangroves. Puis nous allons planter de la végétation pour restaurer ces endroits. Dans un second temps, nous irons jusque dans le lagon », explique Roukia Lahadji, présidente de l’association. Pour préserver cette denrée rare, l’ancienne marie de Chirongui s’entourera de 200 jeunes seulement pour cette année 2021. Un chiffre qui devrait rapidement augmenter. Ils seront encadrés par 44 professionnels, allant de l’infirmier et l’assistante sociale en passant par l’encadrant technique. « Il y aura au moins 50% de jeunes, 30% de femmes, 10% de personnes en situation de handicap. Nous voulons les sauver de l’insécurité et les aider à s’insérer dans la vie professionnelle », selon Roukia Lahadji. Et tout débutera par l’obtention du permis de conduire : chaque jeune sera accompagné dans cette démarche afin de faciliter la mobilité.

Habitat indigne : Au quartier Cetam, une démolition de cases en tôle à l’abri des regards et sur le terrain d’un propriétaire hospitalisé

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Des employés surveillent les engins de chantier pendant la destruction des cases en tôle.

Ce mardi, les derniers occupants des parcelles visées par un arrêté de destruction loi Elan au quartier Cetam, en Petite-Terre, ont dû quitter les lieux. Parmi les décasés, la femme d’un propriétaire souffrant, et qui avait refusé l’intervention sur son terrain.

Il est loin le temps où toutes les caméras pouvaient gambader gaiement au milieu des tractopelles, main dans la main avec les équipes de la préfecture venues admirer le travail. Depuis l’opération de destruction de cases en tôle de Kahani, en novembre 2020, qui a lancé le top départ d’un calendrier rythmé de démolitions dites “loi Élan » à Mayotte, les choses ont en effet bien changé. Le souvenir tendu des violences à Koungou, peut-être ? Ou encore celui de Dzoumogné, en février dernier, quand la destruction illégale de la maison d’une famille propriétaire du terrain avait conduit le tribunal administratif de Mayotte à ordonner à la préfecture de reloger les victimes dans un délai de 48 heures et à défaut sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard…

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À droite du panneau “Impasse Mnagoche”, les cases construites sur le terrain de Monsieur T. sont en train d’être rasées.

Toujours est-il que ce mardi, en Petite-Terre, les gendarmes postés tout autour du quartier Cetam veillaient au grain. La consigne ? Refuser le passage à tout le monde – sauf exception dont Flash Infos n’a pas pu bénéficier : “Les médias ne sont pas autorisés, adressez-vous au service communication de la préfecture pour des informations.” Seule Mayotte la 1ère et Kwézi seront parvenues à grappiller cinq minutes d’images à une bonne distance de sécurité des habitants délogés, sous le regard vigilant des gendarmes. Il faut dire que l’opération du quartier Cetam a déjà fait couler un peu d’encre.

 

Le couac des propriétaires

 

Souvenons-nous : le premier arrêté préfectoral du 3 février avait malencontreusement intégré des terrains appartenant à des propriétaires privés. Certains d’entre eux avaient donc déposé une requête devant le tribunal administratif. Le temps que celui-là rende sa décision, le 30 mars dernier, la préfecture avait rapidement corrigé le tir en publiant un autre arrêté le 19 mars, avec un nouveau plan de la parcelle à la clé. Parsemé de trous, là où les propriétaires avaient refusé l’opération, donc. Mais la “détermination” du préfet Jean-François Colombet à raser les bangas du quartier Cetam restait “entière”, comme le rapportaient nos confrères de France Mayotte Matin vendredi dernier.

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Madame T. et ses enfants regardent les gendarmes, qui bloquent les accès principaux au terrain duquel ils ont été chassés tôt ce mardi matin.

Ainsi soit-il ! Ce mardi matin, comme prévu, les bulldozers ont donc fait vrombir leurs moteurs au-dessus des tôles froissées, sur les parcelles encore en vert d’après le plan de l’arrêté préfectoral. Le hic ? C’est que l’un des propriétaires, un certain Monsieur T., hospitalisé en métropole, a refusé la démolition des cases sur son terrain, pourtant marqué en vert sur cette même carte. “Démolir les cases, je ne voulais pas en entendre parler ! Mais mon fils ne voulait pas que j’aie une autre femme et il est venu pour dire qu’il fallait quand même détruire”, hoquete-il au téléphone entre deux grosses quintes de toux.

 

Une affaire de famille

 

Deux courriers ont en effet été envoyés à la suite de l’arrêté préfectoral. Un premier, signé de la main de Monsieur T. en date du 8 mars informe le maire de Dzaoudzi-Labattoir de son refus de voir les cases de sa parcelle rasées. Un second, envoyé le 31 mars au préfet de Mayotte, annule la première missive et autorise “la démolition de casses (sic) en tôle”. “Mais en comparant les deux, il y a eu une falsification de la signature”, signale Maître Saïd Khaled, l’avocat du plaignant, qui assure en avoir informé la préfecture. Une requête en référé a par ailleurs été envoyée au tribunal administratif vendredi. “S’ils décident de démolir, ils feront comme à Dzoumogné où une famille a vu son banga démoli alors qu’ils sont propriétaires. C’est une politique du spectacle”, dénonce-t-il.

 

48 cases détruites à l’abri des regards

 

Un spectacle à huis clos tout du moins. “Les gendarmes sont venus vers 4h du matin, ils nous ont foutu à la porte ! Sans même nous laisser le temps de prendre nos affaires”, soupire l’un des décasés. “Il y a les cahiers et les cartables des enfants, qui ne sont pas même pas allés à l’école”, renchérit sa sœur. Regroupés sur le bord d’une route, ils sont une dizaine à attendre rageusement le départ des engins. Dans le petit groupe, la femme de Monsieur T. qui enchaîne les cigarettes comme pour évacuer le stress. “Les gendarmes, ils sont venus dire hier qu’ils allaient détruire, peu importe ce que disait l’avocat”, déplore cette mère de cinq enfants. “Ils mettent les gens dehors, ils proposent des hébergements pour 21 jours, mais après, on va aller où ?” Un discours qui résonne aussi chez sa voisine, Daoulati, commerçante sur le même terrain. “Ma boutique elle n’est pas clandestine, je paie 365 euros par mois pour mon prêt et en une après-midi, je dois débarrasser mon entreprise, ma vie ! On a récupéré ce qu’on pouvait”, souffle-t-elle.

En tout, 48 cases ont été détruites ce mardi, d’après la préfecture. 32 personnes ont accepté les propositions d’hébergement d’urgence, et 37 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés en marge de l’opération. À noter que selon l’attestation de l’Acfav jointe à l’arrêté du 19 mars, 258 occupants avaient été enquêtés par les services de l’association d’aide aux victimes, dont 241 avaient accepté les solutions proposées. Quant aux propriétaires privés, le préfet de Mayotte a confirmé sa volonté de les traduire en justice pour “lutter contre ceux qui depuis de longues années tirent profit de l’habitat indigne”. Cette opération “répond également au cycle de violences de la fin du mois de janvier 2021 au cours duquel trois homicides ont été perpétrés, comme à l’agression au couteau d’un jeune laissé pour mort, début mars 2021”, précise par ailleurs le communiqué, en référence aux violents affrontements entre bandes rivales des quartiers Cétam et la Vigie. “Ils disent qu’ils luttent contre les délinquants, mais en France, quand il y a des crimes, est-ce qu’ils vont détruire les bâtiments ?”, s’énerve Daoulati. “Ce n’est pas la loi de la France. C’est la loi de Mayotte.

Sapeurs-pompiers : Prise de commandement du colonel Olivier Neis ; des discours, des hommages et des gestes barrières

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Ce mardi matin se déroulait sur le parvis de la place de République à Mamoudzou la cérémonie de prise de commandement du service départemental d’incendie et de secours par le colonel hors classe Olivier Neis. L’occasion pour lui de s’exprimer pour la première fois publiquement, entouré d’une centaine de sapeurs-pompiers, et de prendre part à une série d’hommages. Un retour en grâce pour celui qui a déjà exercé sur le territoire pendant huit ans.

Parvis de la place de la République. 9h. « Officiers, sous-officiers, gradés et sapeurs du corps départemental des sapeurs-pompiers de Mayotte, vous reconnaîtrez désormais comme chef le colonel hors classe Olivier Neis, ici présent, et vous lui obéirez en tout ce qu’il vous commandera pour le bien du service, dans l’observation des lois, l’exécution des règlements et le succès des missions qui vous sont confiées. » Un mois après sa prise de fonction, le nouveau directeur du SDIS a officiellement été intronisé ce mardi 6 mars au cours d’une cérémonie pour le moins tambourinante. Devant un parterre de personnalités, cette première manifestation en milieu public depuis plus d’un an a démontré l’importance de cette passation de pouvoir. Synonyme de renouveau après les déboires vécus durant de longs mois avec le colonel Fabrice Terrien, dont le nom n’aura pas été cité une seule fois.

Au cours d’un protocole respecté à la lettre, Olivier Neis a mené d’une main de maître une série de remises de médailles pour ancienneté, de lettres de félicitations et de décorations pour service rendu. Mais c’est vraisemblablement son discours qui a marqué ce rassemblement de son empreinte. À l’instar des mots « honneur » et « fierté » employés dès le début de son allocution. « Appliquons avec bravoure la devise qui coule dans nos veines : sauver au péril ! Pour ce faire, devant ce drapeau qui est porteur de valeurs républicaines nationales, par la liberté, l’égalité et la fraternité, mais aussi départementales, au travers de cette belle devise qui est Ra Hachiri, nous devons vous assurer de notre plein engagement au service de l’ordre, dans le respect des droits et des devoirs qui sont les nôtres », a-t-il martelé face à une centaine de ses collaborateurs, continuellement attentifs au maintien de la distanciation physique. « Je me porte garant de notre capacité à porter une réponse en tout temps, tout lieu. Soyez convaincus de notre capacité technique et matérielle, de notre volonté de servir, de notre fierté du travail accompli. »

« Votre responsabilité est grande »

Est ensuite venu le tour du préfet, Jean-François Colombet, de prendre la parole pour accueillir en bonne et due forme celui qui avait déjà exercé le poste de directeur adjoint à Mayotte de 2008 à 2016. « Vous avez fait le choix de revenir dans ce territoire. Votre grande connaissance est une chance pour le SDIS », s’est réjoui le délégué du gouvernement. Avant de lui évoquer les attentes placées en lui : « Mon colonel, votre responsabilité est grande. Celle de conduire ces hommes et ces femmes valeureux, courageux, formés, déterminés, sur le chemin toujours plus exigeant de la plus grande efficacité. »

Mais il a surtout profité de l’occasion pour adresser sa « gratitude » et sa « reconnaissance » aux soldats du feu. « En effectuant des tests de dépistage, en épaulant le CHM dans l’organisation des evasan, ou en participant en lien avec l’ARS à la campagne de vaccination, vous vous affirmez comme des acteurs indispensables de la gestion de la crise sanitaire. Vous êtes à votre place ! » Un message réconfortant à l’égard de celles et ceux qui mènent leur « action dans des conditions difficiles, que nul n’ignore ici ». En référence aux agressions et aux caillassages dont ils font régulièrement l’objet dans l’exercice de leur fonction. « Ces faits méprisables sont inacceptables. »

Alors pour définitivement mettre tout le monde dans le même rang et en ordre de marche, Jean-François Colombet a tenu à les féliciter sur un ton emphatique qui n’est pas sans rappeler le “projet” d’un certain Emmanuel Macron. « Sapeurs-pompiers, merci ! Merci de la qualité des services rendus à la population mahoraise. Vous pouvez être fiers de vous, vous qui êtes comme l’a dit le président de la République, l’un des plus beaux visages de la France. Officiers, sous-officiers, gradés, sapeurs-pompiers de Mayotte… relevez la tête ! Soyez fiers… de l’uniforme… que vous portez, vous le méritez ! » De quoi redonner du baume au cœur à l’ensemble d’une profession pas toujours considérée à sa juste valeur.

 

Retour sur la création du service départemental d’incendie et de secours

 

Que de chemin parcouru depuis l’apparition du service incendie en 1988. Tout s’accélère en 2007, lorsque Saïd Omar Oili, alors président du conseil général, décide de transformer le service territorial d’incendie et de secours en un service incendie et secours. Pour cela, il faut « passer par la création d’un corps transitoire, reprendre l’ensemble des formations et demander aux agents de passer des tests et examens » pour constituer « la base du corps départemental du service d’incendie de Mayotte en 2008 », a retracé Olivier Neis. Avant que celui-ci ne devienne officiellement un établissement public administratif à la fin de l’année 2011.

Entre 2008 et 2012, les sapeurs-pompiers voient leurs conditions de travail s’améliorer avec l’ouverture des casernes de Longoni, d’Acoua, de Kahani et de Chirongui. Les présidents successifs de la collectivité, Ahamed Attoumani Douchina et Daniel Zaïdani, oeuvrent pour l’acquisition et la régularisation des actes de propriété des terrains, la mise à disposition de moyens (humains et financiers), les programmes de formation, l’organisation des concours nationaux sur Mayotte et la préfiguration du SDIS, qui devient officiel le 31 juillet 2014. Depuis cette date, l’état-major se situe au centre Kinga et un nouveau bâtiment doit sortir de terre en Petite-Terre d’ici peu. Plus jeune SDIS de France, Mayotte n’a pour autant aucune raison de rougir de ses cousins métropolitains et ultramarins.

Fonds européens : Groupement d’intérêt public, un essai à transformer pour le Département de Mayotte

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Après plusieurs stipulations et polémiques, le Département et l’État ont finalement signé la nouvelle convention du groupement d’intérêt public « L’Europe à Mayotte » pour la période 2021-2027. Contrairement à l’ancien programme où la préfecture avait l’entière autorité des fonds européens, celui-ci sera géré à parts égales entre les deux autorités, dans l’optique de faire émerger des jeunes cadres mahorais.

« C’est un pas historique et nous nous rendrons compte très vite de l’efficacité de ce que nous proposons. » Jean-François Colombet, préfet de Mayotte, ne tarit pas d’éloges concernant la nouvelle convention du groupement d’intérêt public (GIP). Ce pas historique est dû au changement tant attendu sur la gestion des fonds européens. Si durant le premier programme, de 2014 à 2020, l’État était la seule autorité de gestion, désormais, il partagera cette responsabilité avec le Département pour la période allant de 2021 à 2027, au rythme de trois ans pour chacun. « Cette nouvelle formule du GIP nous garantit une parité 50/50 avec l’État. Les décisions les plus importantes seront prises à la majorité des deux tiers. Et nous, nous veillerons à ce que la présidence soit bien alternée afin que nous l’assurions pour la période 2024-2027 », précise Soibahadine Ramadani, le président de la collectivité.

Ce partenariat est nécessaire puisqu’il s’agit en réalité d’une transition, ou plutôt d’un essai pour le Département. « L’objectif est de mieux préparer le conseil départemental à ce qui arrivera de façon inévitable à la fin du programme, c’est-à-dire le transfert de l’autorité de gestion comme cela s’est passé dans les régions en métropole », précise le préfet de l’île aux parfums. Et si certaines langues se sont déliées, pointant du doigt la présence de la préfecture dans ce nouveau programme, Jean-François Colombet assure que cette nouvelle formule « a séduit le gouvernement ». Elle serait la clé pour entraîner le Département à gérer de façon autonome les fonds européens.

 

Des cadres mahorais aux commandes du GIP

 

Le directeur de ce nouveau groupement d’intérêt public s’appelle Ali Soula, un Mahorais, magnat de la finance, qui travaille actuellement à Bercy. Il a été recruté pour ses compétences mais également pour son attache avec Mayotte. « Nous tenons absolument à ce qu’il y ait des jeunes cadres mahorais compétents qui viennent rejoindre ce GIP », lance le préfet. Et pour cause, si le territoire a formé des jeunes cadres mahorais, notamment à La Réunion, il est grand temps pour eux de servir leur île. « Nous les avions envoyés en immersion ailleurs, alors cette nouvelle formule de GIP va nous permettre de mettre à profit les compétences acquises », souligne le président du Département. Une cinquantaine d’agents composeront l’équipe du groupement d’intérêt public, dont une trentaine mis à disposition par l’État et le conseil départemental.

Les deux autorités veulent faire taire les polémiques et insistent sur la bonne entente entre elles. « C’est avec des relations apaisées et sures que nous pouvons faire avancer ce pays », rappelle Soibahadine Ramadani. Et Jean-François Colombet d’ajouter : « Le préfet autorité de gestion, il peut faire tout un tas de choses tout seul, mais ça n’a pas d’intérêt. Nous étions déjà très proches pour de nombreux projets, mais là nous allons les institutionnaliser. » Le budget annuel de ce nouveau programme est estimé à 6 millions d’euros. Il sera en partie financé par l’Union européenne d’une part et l’État et le Département à parts égales d’autre part.

SMAE/SMEAM : Des coupures d’eau liées au système de distribution

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Un point sur la situation de l’eau s’est tenu aujourd’hui entre la Société mahoraise des Eaux (SMAE), le syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte (Smeam) et différentes associations ce mardi 6 avril. Malgré le remplissage des retenues collinaires, les coupures d’eau ne se sont pas arrêtées. Les habitants étaient donc dans l’incompréhension depuis un mois. Éléments de réponse.

La fin des problèmes de ressources en eau à Mayotte ? C’est l’annonce ce mardi 6 avril de la Société mahoraise des Eaux. Pour autant, la trop faible capacité du système de distribution pour la demande galopante en eau de l’île entraîne toujours des coupures intempestives. Face à des ouvrages structurants trop peu efficients, ces arrêts momentanés doivent permettre aux techniciens de régler les problèmes sur les canaux de transfert d’eau, comme la réparation de tuyaux endommagés.

« La situation l’exige, la qualité de l’eau doit être préservée sur la quantité, en tout temps », indique pour sa part l’agence régionale de santé, présente elle aussi lors de cette rencontre. Sauf que la multiplication du nombre de lave-vaisselles et de machines à laver n’arrange rien aux affaires des autorités compétentes. Autre épine dans le pied : des fuites de plus en plus nombreuses, qui seraient à l’origine de la perte de 25% de l’eau sur Mayotte. Pour y remédier, la SMAE assure que des agents formés patrouillent aux quatre coins de l’île pour les identifier et qu’une « campagne massive de recherche de fuite serait lancée » incessamment sous peu. Seul lot de consolation : dix forages supplémentaires doivent voir le jour d’ici 2025, ainsi qu’une nouvelle usine de dessalement. De quoi consolider la production sur le territoire.

 

Une communication à perfectionner

 

Voilà pour la partie technique. Mais cela n’excuse pas tout ! Dans ces conditions, les associations pointent du doigt l’absence de communication vis-à-vis de ces coupures. Exemple le jour du Miradj durant lequel les habitants de Mamoudzou et de Petite-Terre ont été privés d’eau toute l’après-midi, sans avoir été prévenus au préalable. Conséquence : de nombreuses familles se sont retrouvés le bec dans l’eau… Alors qu’elles avaient prévu de cuisiner pour l’occasion. Le syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte se met actuellement en relation avec les mairies des communes dans le but de prévenir en amont les populations concernées.

 

Des factures au cas par cas

 

Reste la question des factures salées… De nombreux abonnés constatent une explosion des montants prélevés : d’une vingtaine d’euros en temps normal, celles-ci s’élèvent désormais à près de 300 euros ! Pour calmer la fronde qui sévit quotidiennement sur les réseaux sociaux, la SMAE et le Smeam se tiennent prêts à recevoir les principaux concernés pour étudier leur dossier au cas par cas. Seule réponse apportée ce mardi ? Ces augmentations pourraient être liées à des fuites sur le réseau, comme citées plus haut, mais aussi à des problématiques non généralisées.

Pour y pallier, le syndicat rappelle la mise en place de chèques-eau pour permettre aux foyers les plus précaires de régler leur consommation abusive. Bémol, la majorité des bénéficiaires n’y auraient pas accès pour des raisons administratives. Revient alors la lourde tâche aux centres communaux d’action sociale de les recenser et de faire le nécessaire. Un mode opératoire qui risque de faire grincer quelques dents…

Avec Imani, la société civile s’engage pour les élections départementales

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Un nouveau mouvement politique vient de faire son apparition dans le paysage mahorais. Fondé par des habitants engagés dans la vie associative et issus de la société civile, Imani compte présenter quatre candidats dans deux cantons de Mamoudzou lors des prochaines élections départementales. Présentation de ses membres et de ses cinq propositions basées sur l’empathie et l’espérance.

« Nous avons envie d’apporter un nouveau visage dans la politique mahoraise. » La voix quelque peu tremblante, Sara Cordji joue la carte de l’empathie et de l’espérance. Deux sentiments symbolisés par Imani, le nom du tout récent mouvement dont elle est la présidente. À l’heure où les candidats aux élections départementales, maintenues mardi dernier au mois de juin, sortent peu à peu du bois, la cinquantenaire et trois autres membres à l’origine du projet ne dérogent pas à la règle.

Pas de strass ni de paillettes en ce jour de présentation, ce vendredi 2 avril. Mais plutôt une volonté commune de se dévoiler aux yeux du grand public. Novices dans le milieu, ils ne le sont en aucun cas au sein du tissu associatif, d’où ils tirent leur « humilité » et leurs « expériences » dans le seul but de « retrouver notre qualité de vie » et de « donner un nouvel élan à Mayotte ». En lice dans les cantons de Mamoudzou 2 et 3, le quatuor se concentre sur des propositions « réalistes », présentées par Guillaume Jaouen, un mzungu installé sur l’île aux parfums depuis maintenant dix ans. Un détail assez rare sur le territoire pour être signalé.

 

Un campus universitaire au golf de Combani

 

Dans l’espoir de conquérir les électeurs, Imani donne sa « priorité » à la jeunesse. Avec comme point d’orgue de créer une université de plein exercice et surtout un campus universitaire de 10.000 à 20.000 étudiants en lieu et place du « golf de Combani ». Mais aussi une école régionale du spectacle vivant et un pôle espoir pour le sport de haut niveau. Si la formation sur le 101ème département lui semble indispensable, la bande veut également soutenir les parcours en apprentissage à l’extérieur du territoire, qui allient « mobilité » et « efficacité ».

Poussés par leurs valeurs, Sara Cordji, Zaïtoune Anli Daoudou, Faissoil Ali Abdallah et Guillaume Jaouen veulent replacer l’humain au cœur des débats. Pour cela, ils comptent engager une action en justice contre l’État pour « revendiquer l’égalité républicaine », comme ont pu le faire plusieurs maires de Seine-Saint-Denis en 2018. « Ils ont été discriminés comme nous en termes de politiques publiques. » Toujours sur le vivre ensemble, les quatres candidats aspirent à allouer des budgets participatifs de proximité dans les quartiers, à hauteur de 50 euros par habitant. L’idée ? « Impliquer le collectif à se saisir des sujets. »

Concernant l’emploi, le nerf de la guerre, le mouvement souhaite développer des « stratégies de filières » dans l’agriculture, la pêche, l’agroalimentaire, la santé, l’action sociale… Mais aussi former et accompagner l’insertion des jeunes dans le BTP, l’éco-tourisme, le transport. Comment ? En se rapprochant de la banque européenne d’investissement pour créer un fonds souverain régional en soutien des secteurs stratégiques à fort potentiel et aux domaines d’innovation comme la cosmétique, l’aquaculture, l’informatique et l’énergie. Sans oublier la possibilité de « rentrer dans le capital » de certaines entreprises pour insuffler une nouvelle dynamique économique qui répond aux besoins de la population.

 

Des navettes gratuites durant la journée

 

Sensibles à la protection de l’environnement, les membres d’Imani veulent profiter de la manne financière mise à disposition par « l’Europe dans la transition énergétique » pour déployer une reconquête forestière et accroître une autonomie alimentaire. Sans oublier d’éliminer durablement les déchets grâce à une politique incitative à la collecte et au tri. « En échange de tant de kilos, nous donnerons autant », imagine en exemple Guillaume Jaouen. Et ce n’est pas tout. Pour réduire l’empreinte carbone et les temps de trajet quotidien, tous planchent sur une série de « solutions terrestres et maritimes d’ici 18 mois », financées par le versement mobilité transport, une taxe payée par les entreprises de plus de dix salariés. « Les bus scolaires sont disponibles durant les heures creuses. Pourquoi ne pas mettre en place des navettes gratuites ? »

Dans la lignée des autres thématiques, la nouveauté reste de mise quant à la gouvernance du Département. Avec en tête de liste, le recours au référendum local pour associer les citoyens dans les actions et les décisions de la collectivité. Ou encore, la volonté de confier la présidence de la commission des finances à un élu d’opposition. Autant de propositions qui pourraient mettre un coup de pied dans la fourmilière, dans un territoire où la sphère politique se montre instable et peu souvent contrainte aux yeux des électeurs. Dans tous les cas, il faudra trouver un terrain d’entente avec les autres élus en cas d’élection. « Nous n’avons que des partenaires potentiels », admettent-ils, en toute simplicité. Advienne que pourra.

Avec Tchak_en_vrac, Youssrah veut “resensibiliser la jeunesse mahoraise à l’information”

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Tchak_en_vrac, c’est le nom que Youssrah a décidé de donner à son projet. Ce n’est pas un restaurant, non, mais un jeune média mahorais, présent sur les réseaux sociaux. C’est en mêlant deux histoires d’amour, celle avec son île et celle avec les médias qu’elle a eu l’idée de lancer ce projet.

tchak-en-vrac-youssrah-veut-resensibiliser-jeunesse-mahoraise-information« À la base ce qu’on voulait vraiment, c’est resensibiliser la jeunesse mahoraise à l’information. Ici, à part le journal de Mayotte 1ère, on a rien sur les réseaux », explique-t-elle. C’est en partant de ce constat qu’elle a décidé de réunir des jeunes journalistes mahorais, finissant prochainement leurs études, pour monter un média qui ressemble à la jeunesse de l’île. « On est une petite équipe, pour le moment tout le monde n’est pas ici, mais j’essaie de les inciter à rentrer », sourit-elle. L’idée du nom lui est venue comme une évidence : « Ici, quand on partage des tchaks, c’est un peu le seul moment où il n’y a pas de barrière, on peut parler de ce qu’on veut. Et c’est cet esprit que je veux donner à Tchak. » Son objectif ? Aborder tous les sujets, par le biais de la jeunesse, même ceux qui font mals ou qui sont parfois tabous, notamment à Mayotte.

Rentrée en octobre en octobre dernier après avoir obtenu un master en journalisme, Youssrah souhaitait rentrer pour se reconnecter avec sa famille. Cinq ans après son départ du 101ème département, elle ne pensait pas s’y plaire autant, à nouveau. D’autant plus que la crise sanitaire actuelle ne permet pas de dénicher un travail aussi facilement… « Dans ma promo de 30, il y en a que quatre qui sont en poste aujourd’hui, les autres sont en recherche d’emploi. » Et si Tchak_en_vrac a commencé sur un coup de tête, le projet pourrait finalement s’inscrire sur la durée.

 

Un projet qui pourrait s’élargir

 

« On ne pensait pas que l’engouement prendrait si vite, c’est vrai qu’on a rapidement eu pas mal d’abonnés sur Instagram et ça faisait plaisir », concède, ravie, Youssrah, qui avoue ne pas dormir beaucoup en raison de l’attente grandissante des followers. Le risque, maintenant, est que le projet s’essouffle, mais la jeune fille semble déterminée et prête à professionnaliser Tchak_en_vrac. « Si un jour, on avait un Tchak dans chacun des Dom-Tom, ce serait génial », imagine-t-elle. Pour le moment, Youssrah espère juste pouvoir s’investir à 100% dans son projet et réussir à en faire un passage clé pour les étudiants mahorais. Elle pense même aux étudiants encore en cours, qui pourraient écrire pour le futur site. « Tous ceux qui sont motivés sont les bienvenus, on prendra le temps de relire avec ceux qui ont un peu plus d’expérience. »

La jeune fille est en tout cas ravie de l’effervescence autour du projet, et cela la motive encore plus. « On reçoit plein de messages d’encouragements, les gens réagissent à notre contenu, on voit qu’il y a vraiment des choses à faire dans notre branche. »

Concours : Les 48h Smartphone, les grands gagnants dévoilés

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Organisé par le centre universitaire de formation et de recherche, en partenariat avec l’association « Sur les pas d’Albert Londres », le rectorat de l’île, Planète Jeunes Reporters et la direction des affaires culturelles de Mayotte, le concours demandait aux participants de réaliser entièrement un reportage sur un Smartphone en seulement 48 heures. L’exercice n’a pas été facile, mais beaucoup ont relevé le défi. Vendredi 2 avril, au CUFR, on découvrait les 14 films en compétition, les 3 autres hors compétition, mais surtout les grands gagnants.

L’attente a été plus longue que prévu pour les participants du concours « Les 48h Smart-phone ». Si la cérémonie de remise de prix aurait dû se dérouler plus tôt, la crise sanitaire a quelque peu bousculé le calendrier. Elle a finalement eu lieu plus de six mois après le lancement de la compétition. Cette première édition à Mayotte – la deuxième au niveau national – a rassemblé 17 films, 14 en compétition et 3 hors compétition. Composé d’une journaliste, d’un responsable du pôle culture du centre universitaire de formation et de recherche (CUFR), ou encore des représentants de l’association « Sur les pas d’Albert Londres » basée à Vichy, le jury a décerné quatre prix : deux mentions spéciales du jury et deux grand prix du jury, pour les sections « lycées et collèges » et « tout public ».

concours-48h-smartphone-gagnants-devoiles-Certains se sont démarqués par la qualité de leurs reportages tant sur le fond que sur forme, à l’instar de deux lycéennes de Chirongui en collaboration avec leur professeur Cyril Castelitti. Elles ont pointé du doigt les pesticides, souvent mal utilisés, qui se trou-vent dans les aliments à Mayotte. Nasrine, l’une des membres de l’équipe, a tout donné pour ce projet. « Je m’attendais à gagner parce que j’avais décidé de participer au con-cours pour réussir », précise-t-elle. Alors que sa coéquipière Asma était moins confiante. « Quand j’ai vu les vidéos des autres concurrents, je me suis dit que nous n’avions pas nos chances. » Les filles ont finalement réussi à séduire le jury puisqu’elles ont obtenu le plus grand prix dans leur catégorie.

 

De futurs cinéastes et journalistes

 

concours-48h-smartphone-gagnants-devoiles-Un autre groupe d’élèves a également attiré l’attention des jurés. Scolarisés au lycée des Lumières à Mamoudzou Nord, où ils suivent l’option cinéma-audiovisuel, Nima-Salma, Léanne et Tsontso ont reçu la mention spéciale du jury. Même s’ils ont démontré leur sa-voir-faire dans leur film sur le sport au lycée, ils ont aussi dû faire face à la réalité du terrain. « La principale difficulté a été la spontanéité car nous avions seulement 48h et nous ne pouvions pas prévenir nos intervenants à l’avance », raconte Nima-Salma. Mais le groupe n’a jamais songé à abandonner. « Nous avons voulu participer pour l’expérience, pour dire que nous avons participé à au moins un concours à Mayotte », ajoute sa camarade Léanne.

La quasi totalité de ces jeunes ont un rapport particulier avec la vidéo : certains veulent travailler dans le cinéma, d’autres dans le journalisme. Le concours « Les 48h Smart-phone » était donc un exercice pratique qui a conforté leurs choix d’avenir.

 

Nima-Salma, 17 ans

De la photo à la vidéo il n’y a qu’un pas

concours-48h-smartphone-gagnants-devoiles-Du haut de ses 17 ans, Nima-Salma sait exactement dans quel domaine elle veut travailler plus tard. « J’aimerais être réalisatrice ou scénariste », indique-t-elle d’emblée. Le cinéma est plus qu’une passion, elle veut en faire son métier. Pourtant, la lycéenne se pré-destinait à autre chose. « Au départ, mon premier amour était la photographie, puis au fur et à mesure, je me suis passionnée pour la vidéo », relate Nima-Salma. C’est donc tout naturellement qu’elle s’est inscrite en section cinéma au lycée des Lumières. L’adolescente souhaite poursuivre ses études supérieures dans ce domaine en intégrant une licence audiovisuelle parcours cinéma. Pour l’heure, elle se consacre aux vidéos qu’elle fait au lycée puisqu’il lui est difficile d’en faire en dehors, par manque de matériel. Nima-Salma déborde d’imagination et elle veut pouvoir l’exprimer. « Ce que j’aime dans la vidéo, c’est le fait d’écrire et de réaliser mon propre projet », précise-t-elle. Participer aux 48h Smartphone était donc une évidence pour elle. Le concours et la consécration qu’elle a eue marque le début d’une longue carrière pour elle.

 

Léanne, 18 ans

Tout pour le cinéma

concours-48h-smartphone-gagnants-devoiles-Léanne fait partie des lauréats qui ont reçu le prix mention spéciale du jury. La vidéo est tout ce qui l’importe depuis des années. « Je filme depuis toute petite. Avec mes frères et sœurs, nous réalisions des films », raconte-t-elle. Aujourd’hui, elle filme tout ce qui attire son regard. « J’ai la chance d’avoir le matériel pour pouvoir m’entraîner en dehors du lycée, alors j’en profite », sourit-elle. Si ses parents étaient réticents au début, « ce n’est pas forcément ce qu’ils voulaient que je fasse », ils ont désormais accepté le choix de leur fille et l’encouragent même à aller plus loin. Son rêve ? Évoluer dans le cinéma en tant que cadreuse. Raison pour laquelle elle a voulu s’inscrire en section cinéma au lycée des Lumières. Après son baccalauréat, elle compte bien continuer sur cette lancée.

 

Nasrine, 18 ans

Future journaliste

concours-48h-smartphone-gagnants-devoiles-Grande timide, Nasrine n’est à l’aise que lorsqu’elle parle de vidéo. Elle est attirée par ce média depuis qu’elle a 11 ans. « C’est ma passion, j’aime ça et ça ne s’explique pas », souligne-t-elle. La lycéenne en classe de terminale au lycée Tani Malandi à Chirongui souhaite devenir journaliste dans l’audiovisuelle. En attendant d’intégrer une école de journalisme, elle s’essaye au métier par ses propres moyens. « J’aime bien regarder la chaîne Arte et ensuite, j’essaye de reproduire la même chose. Je m’entraîne à faire des reportages avec mon portable, je filme et fais le montage toute seule », dit-elle fièrement. Et son acharnement a payé puisque Nasrine et sa camarade ont remporté le prix du jury, soit la plus grande récompense, dans la catégorie lycées et collèges. Cette consécration encourage la jeune fille à poursuivre son rêve pour ensuite être utile à son île. « Nos professeurs nous disent souvent que nous sommes l’avenir de Mayotte et que nous devons la développer. Alors après mes études, je veux revenir travailler à Mayotte parce que c’est chez moi », affirme-t-elle, les yeux remplis d’espoir.

 

Asma, 19 ans

La vidéo, un simple passe-temps

concours-48h-smartphone-gagnants-devoiles-Participer au concours 48h Smartphone était un challenge pour Asma, car cette dernière n’a jamais réalisé de vidéo sous forme de reportage. « Il m’arrive de me filmer, ou de filmer les paysages que je vois, mais ça ne va plus loin », avoue-t-elle. Le domaine de la vidéo ne l’attire pas spécialement, elle aimerait plutôt se consacrer à l’audio. « Je veux être journaliste, mais ce que j’aime le plus ce sont les podcasts », indique-t-elle. Cela ne l’a pas empêchée de s’investir complètement dans le reportage qu’elle a réalisé avec sa camarade Nasrine et son professeur. « J’ai bien aimé ce nouvel exercice parce qu’avec la vidéo, nous pouvons exprimer ce que nous ressentons sous différents angles », reconnaît Asma. Après ce projet, la jeune femme entrouvre les portes du journalisme audiovisuel, augmentant ainsi ses opportunités.

Départementalisation : Après l’annonce d’une loi Mayotte pour l’égalité sociale, le MEDEF pose ses conditions

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À l’occasion des dix ans de la départementalisation, le ministre Sébastien Lecornu a annoncé une consultation express des forces vives, élus, acteurs associatifs et économiques de l’île aux parfums pour une nouvelle loi, avant la fin du quinquennat. Objectif : accélérer l’entrée de Mayotte dans le droit commun, et la convergence des droits pour les Mahorais, toujours lésés par rapport à leurs voisins de La Réunion ou de la métropole. La présidente du MEDEF, Carla Baltus, fait le point sur les propositions de l’organisation patronale.

Flash Infos : Le ministre Sébastien Lecornu veut lancer une consultation des “forces vives” et un projet de loi Mayotte pour le 14 juillet prochain. Quelles propositions le MEDEF Mayotte va-t-il faire ?

departementalisation-annonce-loi-mayotte-egalite-sociale-medef-conditionsCarla Baltus : Au niveau des entreprises, ce qui nous préoccupe au MEDEF concerne surtout l’évolution des charges. L’échéance de 2036 est considérée comme trop tardive aujourd’hui. Sur le principe, nous ne nous opposerons pas à l’évolution de la convergence à Mayotte. Mais je pense qu’il faut faire attention à l’équilibre pour les entreprises. Ce que nous prônons en premier lieu, c’est une étude d’impact concernant l’application du code de sécurité sociale. Nous avons voulu l’application du code du travail en 2018, qui a été faite rapidement, sans préparation suffisante, ce qui a créé beaucoup de frustrations. Certains éléments avaient échappé aux syndicats, qui reviennent dans le débat aujourd’hui : je pense principalement au SMIG, qui évolue mais n’est toujours pas au niveau des attentes ni de ce qui était convenu. Donc une étude d’impact me semble indispensable cette fois-ci, pour voir l’évolution et la capacité des entreprises à supporter la hausse des charges si le calendrier est revu. Ensuite, qui dit augmentation de charges dit aussi augmentation des exonérations, qui ne sont pas non plus au niveau de ce qu’on peut obtenir au niveau national. Nous demanderons à ce que cela soit fait en parallèle. Enfin, l’autre point qui me paraît indispensable, c’est le maintien du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) jusqu’à cette nouvelle date, qui pourrait être approchée. En effet, les seules exonérations ne pourront suffire pour permettre aux entreprises de tenir le coup.

FI : Le ministre a notamment évoqué “l’accélération de la départementalisation afin d’améliorer la vie des Mahoraises et des Mahorais et de converger vers une égalité sociale réelle”. Est-elle vraiment envisageable avant 2036 selon vous ?

C. B. : Nous pouvons avancer le calendrier, mais encore une fois, avec de la visibilité et en accompagnant tout le monde, pour permettre à toutes les entreprises d’être dans les clous et éviter la concurrence déloyale. Car si nous demandons aux entreprises un tel effort sur les charges, peut-être que les grands groupes ou ceux qui viennent de l’extérieur pourront le supporter. Mais pas sûre que les petites entreprises puissent suivre… Le risque, c’est de créer plus de travail au noir, et des inégalités ! Mais encore une fois, cette convergence, nous la comprenons. L’autre partie que je souhaitais aborder, c’est d’ailleurs la convergence des minima sociaux. Celle-ci n’est pas liée à la contribution des entreprises, elle touche au porte-monnaie de l’État et de la collectivité. Aujourd’hui, le RSA est encore pris en charge par l’État mais un jour cela reviendra au Département. Là encore, il faut pouvoir anticiper. Et pour les minima sociaux, il y a urgence ! En effet, nombreux sont les Mahorais qui quittent Mayotte car ils n’ont pas de perspective d’emploi et un RSA inférieur de 50% à ce qui se pratique en métropole. Même chose pour l’ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées), pour les retraites, ce sont des dispositifs qui doivent rapidement être alignés au niveau national à mon sens. Ce calendrier peut être avancé plus facilement que celui des charges. Ce serait en plus une façon de montrer l’exemple et de créer du pouvoir d’achat !

FI : Que pensez-vous de l’argument de “l’appel d’air” et du renforcement de l’immigration clandestine avec cette convergence sociale ?

C. B. : Je vous citerais un exemple que j’ai déjà donné : la Guyane, qui est censée avoir une frontière encore plus perméable que celle de Mayotte a un RSA à 100%. Cela n’empêche pas les gens de venir. D’autant que ce n’est pas pour cette raison que nous ne pouvons pas avoir malgré tout des dispositions dérogatoires. Nous le voyons pour les allocations familiales, certains assurés qui ont des cartes de séjour doivent justifier de 15 ans de présence régulière quand c’est cinq ans ailleurs. Pour moi, il s’agit d’un faux débat. Ou bien il faudrait livrer les mêmes arguments aux Guyanais ! Non, nous ne devons pas retirer un droit sous ce prétexte-là.

FI : D’une manière générale, comment accueillez-vous cette annonce d’une nouvelle loi pour Mayotte, sachant qu’il y a déjà eu le plan de convergence, ou encore la loi pour l’égalité réelle Outre-mer en 2017 ?

CB : Si nous avons des calendriers, de nouvelles choses concrètes, c’est tant mieux ! Cela a été perçu comme un cadeau pour les Mahorais car nous fêtons les 10 ans de la départementalisation. Il s’en sont passées des choses en dix ans, nous avons vu les effets les plus drastiques, notamment du côté fiscal, et maintenant les Mahorais ont hâte aussi de voir le positif. Pas que les impératifs, mais aussi tous ces droits, et ces minima sociaux que le statut de département a à offrir. Il y a aussi un côté rassurant, qui marque cette appartenance à la République. C’est toujours important d’être rassuré, quand nous voyons que Mayotte est encore et toujours réclamée… Donc cette annonce rassure Mayotte, rassure les élus, et cela montre aussi que Mayotte n’est plus oubliée. C’est un département, et, de plus en plus, un département comme un autre.

Pour Christophe Fontfreyde, directeur du Parc naturel marin, la mayonnaise commence à prendre

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Le Parc naturel marin de Mayotte vient de vivre une année pour le moins particulière. Si la crise sanitaire a sensiblement retardé certaines de ses actions, de nombreux projets d’envergure doivent voir le jour en 2021. De bonnes augures pour le directeur, Christophe Fontfreyde, qui a le sentiment que les mentalités à l’égard de la protection de l’environnement commencent à changer.

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Flash Infos : Quel bilan faites-vous de l’année écoulée et des deux confinements qui en ont découlé sur votre quotidien ?

Christophe Fontfreyde : C’est assez contrasté ! 2020 était l’année durant laquelle nous devions renforcer notre présence sur le terrain. L’annonce du premier confinement a eu deux conséquences directes : la première est que nous n’avons pas pu sortir pendant deux mois, la seconde est que nous n’avons pas pu accueillir un certain nombre d’experts pour réaliser des suivis très spécialisés. Mais nous en avons profité pour engager tout un travail administratif et avancer sur un tas de sujets en concertation. Si nous n’avons pas recensé de différences mesurables sur l’état du corail et le nombre de poissons, il y a bel et bien eu un effet négatif sur le braconnage des tortues marines, avec des dizaines de cas répertoriés en Petite-Terre. La période a définitivement favorisé cette activité illégale.

A contrario, lors du deuxième confinement, nous avons obtenu des autorisations de sortie dès le début, ce qui nous a permis d’assurer un suivi hebdomadaire de toutes les plages de Petite-Terre, avec des équipes de huit personnes. Paradoxalement, nos bateaux sont sortis encore plus que d’habitude et ont permis d’intervenir sur quelques cas de braconnage à la pêche.

En résumé, l’action du Parc naturel marin a été impactée, nous ne rattraperons évidemment pas le temps perdu… Mais nous avons limité la casse.

FI : Quelques jours avant l’annonce du premier confinement, vous aviez réceptionné votre nouveau bateau. Qu’a-t-il changé dans votre manière de travailler sur le lagon ?

C. F. : Il a bien navigué depuis, grâce notamment à un poste supplémentaire déployé par l’office français de la biodiversité. Nous avons dorénavant toujours deux bateaux en activité (selon le rapport d’activités 2020, le Parc a engagé 160 jours de présence en mer). Ce renforcement des moyens nautiques nous a permis d’être beaucoup plus présents sur le lagon et d’accroître le nombre de procédures et de confiscations de barques. Mais attention, cela ne veut pas dire que les actes de braconnage se sont multipliés mais plutôt que les braconniers passent plus difficilement entre les mailles du filet.

L’objectif d’un Parc naturel marin consiste avant tout à expliquer à la population les règles indispensables pour préserver la biodiversité, et leur sens. Nous devons aussi mieux comprendre le rôle du corail, des mangroves, des populations de tortues, d’oiseaux, de baleines… Les habitants de Mayotte ont tendance à oublier à quel point notre lagon est exceptionnel. Après, nous avons quand même un volet répressif, qui n’est pas notre préférence, à destination de ceux que nous n’arrivons pas à convaincre.

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FI : Depuis dimanche dernier, la baie de M’Zouazia est fermée à la pêche à pied. Quelles sont les raisons qui ont poussé à prendre cette mesure drastique ?

C. F. : Tout d’abord, il faut signaler que cette mesure est à l’initiative des pêcheuses de M’Zouazia. La présidente de l’association des pêcheurs à pied m’a contacté pour m’alerter sur la réduction de la taille des poulpes et sur l’affluence massive d’habitants sur le platier. Avec l’association, qui s’est rapprochée de la commune de Bouéni et de sa police municipale, de l’intercommunalité du Sud et de sa police de l’environnement, des affaires maritimes et de la gendarmerie, nous avons discuté de la durée, qui s’est arrêtée à trois mois, et de la zone, qui a été élargie pour intégrer une partie où les pêcheurs arrivaient. Le Parc assure le suivi scientifique de l’opération et l’un de nos bateaux se rendra sur place une fois par semaine pour s’assurer que l’arrêté préfectoral d’interdiction est bien respecté.

La fermeture temporaire est une méthode qui a fait ses preuves dans le passé. Il y a trois ou quatre ans, nous avions par exemple observé un doublement de la taille des poulpes. L’idée est de dire qu’il s’agit d’un modèle à suivre, puisqu’il permet de protéger, de laisser respirer le platier, de réduire le piétinement et d’augmenter les rendements des pêcheurs et la taille des poulpes pêchés sur une année. Notre travail est de porter un message et de faire changer les mentalités, sans taper sur les doigts. Nous interviendrons également dans les établissements scolaires de la zone pour sensibiliser les enfants et à travers eux leurs parents.

FI : Parmi vos projets en 2021, deux ont attiré notre attention : le lancement de l’élaboration d’un modèle de courantologie et l’expérimentation de la pose de filets de récupération des déchets. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

C. F. : Ces choix sont stratégiques sur le long terme pour le Parc. Le premier est extrêmement important en termes d’aménagement puisque nous allons fournir des données aux cabinets d’études, aux collectivités et aux scientifiques sur l’action des courants dans le lagon, sur le devenir des déversements, sur le déplacement des larves de poissons, etc… Le but est de produire des scénarios d’impact sur le lagon de futurs aménagements pour en réduire les conséquences. L’artificialisation des sols lorsqu’elle est inévitable et la construction indispensable des établissements scolaires par exemple pourront être conçus en limitant ses impacts sur le lagon.Ce modèle vient en complément d’un autre projet, la cartographie des habitats du lagon. Désormais, nous aurons à la fois la photographie de l’habitat corallien et celle des courants d’eau pour faire le lien entre les aménagements et la vie marine. Il s’agit là d’un outil pour le développement durable de Mayotte.

Le second vient d’un constat de l’observatoire des déchets du Parc. Nous ne pouvons pas améliorer la qualité de l’eau du lagon sans travailler avec les organisations à terre. Quand nous allons chercher un par un les déchets au fond de l’océan, il est déjà trop tard ! L’insalubrité sur les plages a un impact non négligeable sur la micro-faune, le corail et les tortues… Le système de récupération par filets semble alors intéressant pour quantifier ce qui se déverse. Nous discutons, en ce moment même, avec les communes littorales pour connaître celles qui sont intéressées.

Nous avons déjà présélectionné trois sites pilotes pour des raisons de faisabilité technique. Mais nous souhaitons monter jusqu’à 15 ou 20 filets sur le court terme, avec en ligne de mire de réduire l’arrivée de ses déchets dans le lagon. Nous partons sur un budget d’un million d’euros, financé par le Plan de Relance. La concertation sera fondamentale, tout comme les partenariats avec les associations environnementales, les syndicats, les collectivités et les professionnels. Au Parc, nous n’avons pas la compétence pour ramasser les déchets en grande quantité… De ce fait, que ferons-nous lorsque les filets seront pleins ? Qui s’en chargera ? Cela reste à déterminer sachant que nous avons par exemple peur qu’en début de saison des pluies, ils se remplissent à vitesse grand V.

FI : Selon vous, que manque-t-il à Mayotte pour que la préservation de l’environnement rentre définitivement dans les mœurs ?

C. F. : L’un de nos objectifs est le développement durable. Dans ces conditions, comment permettre à la population l’accès à certains besoins primaires, tels que la nourriture et l’eau, tout en préservant l’environnement. C’est ce que nous appelons la pyramide de Maslow en sociologie. Nous essayons de proposer des solutions, comme l’accroissement de la pêche hors du lagon, qui permettent le développement sans tout casser dans le lagon. Après, il faut encore et toujours adapter les politiques publiques nationales aux réalités locales !

De manière plus générale, mon sentiment est que la prise de conscience est en train de frémir. Aux quatre coins de l’île, des habitants prennent des initiatives, des associations se créent, des enseignants en parlent à leurs élèves. Nous sommes encore dans la phase de pré-montage de la mayonnaise. Notre mission est d’aider les bonnes volontés en partant du terrain, de les rencontrer pour nouer des partenariats dans le but de monter ensemble des projets adaptés. À nous de consolider cette étape pour avoir des fondations solides et construire une feuille de route globale d’ici deux ou trois ans.

Solidarité : Des élèves mettent du baume au cœur des professionnels de santé

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Le centre hospitalier de Mayotte a pu bénéficier d’une bouffée d’oxygène ce jeudi matin. Les élèves en classe de première Accueil au lycée des Lumières ont apporté le petit-déjeuner aux personnels soignants en guise de remerciement pour leur dévouement durant la crise sani-taire.

Vêtues d’un salouva identique, les 22 élèves en classe de première Accueil au lycée des Lumières font leur entrée au CHM au rythme des chants traditionnels. Dans leurs bras, des cartons de nour-riture : jus, compotes, gâteaux etc. Tous les ingrédients nécessaires pour composer un bon petit-déjeuner. Une action qui sonne comme une évidence pour cette classe de première, à l’origine du projet. “Si nous sommes là aujourd’hui, c’est pour vous montrer à quel point nous sommes recon-naissants pour tout ce que vous avez fait durant la crise sanitaire. Vous avez soigné des vies au prix des vôtres et nous ne pouvons que vous remercier pour ça”, explique Bezouky Innarah, l’une des élèves, aux principaux concernés.

Après quelques mots du recteur, Gilles Halbout, venu les féliciter de vive voix, et du directeur des affaires médicales du CHM, Guy Allouard, la distribution des 162 collations aux personnels soi-gnants peut débuter. “Nous pensions que nous n’aurions pas droit d’aller partout, mais c’est une bonne chose si elles peuvent remettre elles-mêmes les caisses”, se réjouit Véronique Thiebaut, l’enseignante référante qui coordonne l’évènement. Pas moins de dix services, de la maternité au laboratoire en passant par la pédiatrie, reçoivent cette visite inattendue. Le corps enseignant, qui accompagne les lycéennes, se met volontairement en retrait afin de les laisser mener la danse. Et le constat est sans équivoque : elles se débrouillent comme des professionnelles.

“Le lycée n’apprend pas qu’à lire et à écrire”

Pensé et suggéré par les élèves, ce projet a pour unique but d’apporter une attention à ceux qui se sont retrouvés en première ligne durant de longs mois. “Cette action entre complètement dans leur cursus. Les valeurs que nous faisons passer au lycée sont le respect et la solidarité au sein des classes mais aussi à l’extérieur”, détaille Véronique Thiebaut. Et la leçon semble être assimilée. “Le lycée n’apprend pas qu’à lire et à écrire, notre lycée nous a inculqué des valeurs comme la solidarité et la fraternité et c’est ce qu’e nous partageons aujourd’hui avec vous”, précise, non sans un brin d’émotion, Bezouky Innarah.

Et c’est avec joie que l’hôpital accepte ce partage. En raison d’une deuxième vague particulière-ment rude, les soignants se sentent exténués et commencent à peine à retrouver un rythme plus ou moins normal. “Accueillir ces élèves permet de baisser la pression. Le quotidien de l’hôpital est assez lourd, stressant, et cela permet de voir autre chose. Leur présence prouve que la crise est en train de passer, maintenant nous allons pouvoir souffler. Ils sont le rayon de soleil dont nous avions besoin”, sourit Guy Allouard, le directeur des affaires médicales au CHM.

Impliquées dans l’organisation de cet évènement du début à la fin, les jeunes filles se montrent “très responsables et autonomes”, souligne leur professeure. En plus des petits-déjeuners, des mots de remerciements complètent chacune des caisses. Rien n’a été laissé au hasard. “Nous nous sommes données à fond. Pour nous, c’est un honneur de les servir. Je suis sûre que notre geste les a touchés”, assure Fayka, une autre étudiante. Si les sourires affichés sur les visages des soignants est un indice, alors on peut assurer sans prendre de risque qu’ils ont été marqués par cet élan de générosité.

Départementalisation : Le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu annonce un projet de loi spécifique à Mayotte pour juillet

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À l’occasion du dixième anniversaire de la départementalisation, le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, a annoncé aux élus et représentants de Mayotte sa volonté de mener une concertation rapide, dans le but d’aboutir à un projet de loi le 14 juillet prochain.

Comme un cadeau d’anniversaire. Le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu, réuni en visioconférence mercredi soir avec les élus de Mayotte à l’occasion des dix ans de la départementalisation, a annoncé une consultation de “l’ensemble des forces vives” afin de proposer une loi de programmation spécifique à Mayotte, selon un calendrier préétabli. “Nous allons ouvrir un temps de concertation important mais rapide dans lequel nous allons donner la parole à l’ensemble des Mahoraises et des Mahorais, aux élus locaux, aux responsables économiques et sociaux”, a précisé le locataire de la rue Oudinot, dans une vidéo postée ce jeudi sur son compte Twitter.

 

Un calendrier serré

 

Rendu des copies ? Le 14 juillet, pour un autre anniversaire républicain, la fête nationale. Le projet a pour objectifs d’accélérer la départementalisation, le développement de l’île et surtout la convergence avec les autres DOM et la métropole, pour enfin “converger vers une égalité sociale réelle”, répondant par là à une demande forte de la population. Du 1er avril au 1er juin, les maires, les élus, les candidats, les associations et les forces vives sont invités à participer à cette consultation. À mi-parcours, au mois de mai, une visioconférence sera organisée avec les élus et les acteurs du monde économique et social tandis qu’un questionnaire sera mis en ligne sur le site Internet du ministère des Outre-mer. Une fois l’architecture du projet de loi ficelée, le ministre entend bien le présenter en conseil des ministres avant la fin du quinquennat.

Quatre pistes sont d’ores-et-déjà posées sur la table : le renforcement du rôle régalien de l’État, “en travaillant aux causes mêmes des flux migratoires” ; la convergence sociale “pour qu’il y ait à Mayotte les mêmes droits que pour un autre département français” ; le développement pour faire face à la démographie galopante de l’île, mais aussi aux enjeux environnementaux ; et l’évolution du fonctionnement de la collectivité, qui “n’a pas les moyens financiers de son statut ni même son organisation électorale”. “La départementalisation, cela ne veut pas dire l’uniformisation de la manière d’y travailler”, a insisté Sébastien Lecornu.

 

Des demandes déjà formulées par les élus

 

Une démarche plutôt bien accueillie par les élus, dont plusieurs s’étaient d’ailleurs déjà fait l’écho de ces chantiers indispensables pour Mayotte, notamment dans nos colonnes à la veille du 31 mars. “Le but que nous recherchons est qu’enfin, ce département-région ait les outils pour jouer pleinement et entièrement son rôle de chef de file de son propre développement”, avait par exemple exprimé le sénateur Thani Mohamed Soilihi en référence à ce toilettage institutionnel. Côté convergence des droits, les voix en faveur d’un alignement ne manquent pas non plus. “En 2012, nous avons instauré le RSA à l’époque où j’étais président. Entre 2012 et 2015, il est passé de 25 à 50% (du montant national, ndlr), mais depuis il n’a pas progressé en dehors de la revalorisation annuelle”, soulignait ainsi l’élu et ex-président du conseil départemental Daniel Zaïdani, qui appelait justement de ses voeux une “loi programme”.

 

Donner la voix aux Mahorais

 

Je veux saluer cette annonce, je m’en réjouis, car pendant les quarante années qui nous précèdent, c’était l’État qui nous a toujours dit ce qui était bon pour nous. Et aujourd’hui, les Mahorais sont face au mur, donc les orientations n’étaient peut-être pas les bonnes”, commente le député Mansour Kamardine, qui indique avoir déjà envoyé ses propositions. Il faut dire que les élus ont eu l’occasion à maintes reprises de noircir quelques pages à l’attention du gouvernement. La dernière en date remonte au mois de décembre 2020, quand ils ont adressé par courrier au ministre des Outre-mer leur position commune pour le projet de loi portant décentralisation, déconcentration, différenciation et décomplexification. Sans parler du plan de convergence de 2018, ou encore de la loi pour l’égalité réelle Outre-mer de 2017… “Cette loi est en inadéquation avec le territoire car Mayotte est loin des standards des autres DOM ! (…) Quant au plan de convergence, il n’a de convergence que le nom ! Il ne mentionne aucune mesure concrète pour construire le département de demain”, s’exclame le parlementaire, en rappelant les nombreux chantiers prioritaires que sont les routes, la piste longue, le port, l’université de plein exercice, l’assainissement…

Dans ses propositions, Mansour Kamardine évoque lui aussi “l’urgence” de l’égalité sociale. “Je pense que d’ici 2025, nous pouvons aligner les cotisations patronales, sans que cela pèse sur l’économie, c’est un argument fallacieux, de même que l’appel d’air : ce que nous demandons c’est le même niveau d’allocations ici qu’à La Réunion ou en métropole, cela ne modifie pas le régime d’accession à ces prestations !”, déroule-t-il. Sur l’évolution de la collectivité, l’élu est plus mitigé : “oui à une modification du mode de scrutin pour intégrer un mode de scrutin régional”, mais gare aux champs de compétences. “Sur le principe d’une extension des compétences, je dirais oui, mais il faut d’abord que l’État accepte de mettre à niveau ces domaines-là”, à savoir les routes nationales, les lycées et collèges et l’université. Il ne faudrait pas que le conseil départemental se retrouve du jour au lendemain à tout gérer sans les lignes budgétaires correspondantes… Enfin, Mansour Kamardine espère obtenir “la reconnaissance de la francité de Mayotte à l’international”. Pour qu’à un prochain sommet de l’ONU, une délégation de Mahorais vienne expliquer à la communauté mondiale que “nous avons fait un choix libre”. Une bonne fois pour toutes !

Direction territoriale de la police nationale : Laurent Simonin : “Mayotte est un challenge professionnel”

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Son arrivée à Mayotte n’est pas passée inaperçue. Laurent Simonin succède à Jean-Marie Cavier à la tête de la direction territoriale de la police nationale, après avoir passé une grande partie de sa carrière en région parisienne, à des postes à haute responsabilité. Mayotte était comme une évidence pour celui qui a une carrière remplie de moments marquants.

Il attendait cette nomination depuis longtemps, il l’a enfin obtenue ! Laurent Simonin a quitté la ville de Dreux pour ce petit bout de France, perdu dans l’océan Indien. “C’est la troisième fois que j’essaye de venir ici”, annonce le nouveau directeur territorial de la police nationale à Mayotte. Et si le 101ème département lui tenait tant à cœur, c’est parce qu’il représente un “challenge professionnel” pour celui qui a passé pratiquement toute sa carrière à Paris et en région parisienne. Des années en plein cœur de la capitale durant lesquelles il a tout vu, ou presque, et surtout occupé des postes stratégiques comme celui de responsable de l’ordre public dans la ville Lumière et dans le département de Seine-Saint-Denis.

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Au cours de sa vie professionnelle déjà bien remplie, il s’est notamment occupé des manifestations revendicatives et des voyages des chefs d’État français et étrangers. Mais parmi tous ces souvenirs, un évènement l’a particulièrement marqué… “Lors des attentats du 13 novembre au Stade de France, j’étais en charge des lieux”, se rappelle-t-il. Sur l’île aux parfums, Laurent Simonin compte bien se servir de son expérience dans des villes connues pour le trafic important de stupéfiants pour lutter contre ce fléau. “Les techniques d’enquête que nous pouvons mettre en place peuvent être adaptées ici, parce que c’est une criminalité organisée au même titre que les réseaux de passeurs qui existent pour faire entrer à Mayotte les personnes en situation irrégulière”, explique-t-il.

 

Améliorer la communication des unités et conquérir les territoires difficiles

 

Dès sa prise de fonction lundi dernier, Laurent Simonin a tenu à connaître immédiatement ses équipes et leurs méthodes de travail. Parti en mission avec elles, de nuit comme de jour, il se dit agréablement surpris. “Les fonctionnaires sont extrêmement motivés. J’ai été bluffé par le niveau d’implication des adjoints de sécurité. Ceux que j’ai pu voir en métropole n’étaient pas aussi impliqués et n’avaient pas tout le savoir-faire que j’ai pu voir ici”, souligne-t-il. Le nouveau directeur territorial de la police nationale souhaite tout naturellement maintenir ce niveau d’exigence et améliorer les échanges d’informations entre les unités. “L’idée c’est que tout le monde soit au courant des faits de délinquance, que l’on arrive à avoir une bonne communication des personnes qui sont recherchées”, précise-t-il.

S’il sait d’emblée qu’il ne fera pas de grandes révolutions au sein de la DTPN, Laurent Simonin, aspire particulièrement à « regagner » les territoires devenus compliqués. “Nous allons essayer d’avoir une occupation assez méthodique. En général, quand nous avons des difficultés dans un secteur, nous y retournons le lendemain, le surlendemain…” Sans trop en dévoiler pour garder un coup d’avance sur les malfrats.

 

Les attentes des syndicats face à la limitation de ses compétences

 

Autre priorité depuis son débarquement dans le 101ème département ? Rencontrer les syndicats, qui espèrent le voir à la hauteur de son prédécesseur, Jean-Marie Cavier. “Nous voulons qu’il soit capable de s’inscrire dans la dynamique mahoraise avec les Mahorais”, indique Bacar Attoumani, secrétaire départemental du syndicat Alliance Police Nationale 976. Cela passe notamment par le recrutement de policiers mahorais pour “une meilleure représentativité de la population dans la police, dans toutes les catégories”, ajoute le syndicaliste. Requête à laquelle le directeur territorial de la police nationale n’a pas de réponse satisfaisante à donner pour l’instant. “Je suis quelqu’un de très pragmatique et j’utiliserai tous les leviers pour essayer d’avoir une stabilisation des effectifs, voire une augmentation. Mais la décision ne me revient pas”, confie-t-il.

Du côté d’Alternative Police, le délégué départemental demande plus de moyens. “Nous avons eu des arrivées d’effectifs, de véhicules, du renouvellement de matériel. Nous espérons que Monsieur Simonin continuera dans la lancée de Monsieur Cavier,”, indique Aldric Jamey. Et là encore, Laurent Simonin prend des pincettes car“ce sont des arbitrages nationaux, je ne suis pas la personne qui décide in fine”, avertit-il. Une chose est sûre, tous s’accordent à dire que la protection des policiers est primordiale. Ils doivent maintenant mettre en place une stratégie commune pour l’assurer.

 


 

50 postes de service civique à pourvoir dans la police nationale

 

Le ministère de l’Intérieur a annoncé la semaine dernière son nouveau “Plan 10.000 jeunes”, s’engageant à les accompagner dans leurs études et leur insertion dans la vie professionnelle. Ce programme est destiné à la population en difficulté à la suite des confinements. “Il propose des stages et des offres d’emplois aidés pour les jeunes, essentiellement étudiants ou en difficultés économiques et sociales”, précise Thierry Lizola, brigadier en charge du bureau partenariat et prévention à Mayotte. Sur le territoire, cela se concrétisera par 50 postes de service civique en police nationale, 30 stagiaires en classe de troisième et 60 pour le lycée. Il s’agira de stages de découverte qui permettront aux jeunes de se familiariser avec les différents métiers de la police nationale. Les jeunes intéressés peuvent envoyer leur candidature à l’adresse e-mail suivante : plan10000@mayotte.pref.gouv.fr

Mais il ne faut pas traîner, les places sont très convoitées : huit contrats ont déjà été attribués à l’arrivée du nouveau directeur territorial de la police nationale. Et si les jeunes sont aussi motivés pour intégrer ce service civique c’est parce qu’il leur ouvre les portes du monde du travail. “Certains sont dans une démarche de demande d’emploi, d’autres ont intégré les entreprises de sécurité et puis quelques-uns sont dans la police nationale. Nous avons deux gardiens de la paix et cinq adjoints de sécurité et deux attendent leur incorporation dans une école de police. 25% des jeunes ont trouvé un emploi à temps plein”, énumère Thierry Lizola. La grande majorité des autres ont repris leurs études. Au-delà de l’insertion professionnelle, le service civique leur apprend à être des citoyens en leur rappelant leurs droits et devoirs. Leur mission est d’une grande aide pour la police nationale puisque ces jeunes sont souvent aux abords des établissements scolaires dans le but d’assurer l’ordre public. “Leur présence a beaucoup apaisé les choses, pas forcément sur les actes les plus graves, mais elle tempère les ardeurs du socle bas de la délinquance”, insiste Laurent Simonin.

Recours à la prostitution de mineurs : éducateur à Mlézi Maore, il écope d’un an de prison ferme

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Un homme a écopé de trois ans de prison dont deux avec sursis dans une affaire de prostitution impliquant quatre mineures. Le prévenu, qui travaille auprès des jeunes dans un foyer, a prétendu méconnaître l’âge des plaignantes.

Votre employeur sait que vous êtes visé par cette procédure ?” Hochement de tête négatif, suivi d’un grommellement à peine audible. « Ça ne devrait plus tarder…”, cingle du tac au tac un curieux, assis sur un banc reculé de la salle d’audience, en relevant un œil sarcastique vers le prévenu. Dans le mille : une bonne heure plus tard ce mercredi, le tribunal correctionnel de Mamoudzou condamne à trois ans de prison dont deux avec sursis un homme pour recours à la prostitution de quatre mineures, âgées de 14 à 16 ans. Le prévenu, qui, ironie du sort, travaille aussi comme éducateur dans un foyer pour jeunes de l’association Mlézi Maoré, a interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs pendant dix ans.

L’affaire éclate en août 2019. Un assistant social du collège de M’Tsangamouji apprend d’une jeune fille qu’elle et trois de ses amies, toutes les quatre en situation de fugue ou d’errance, ont logé pendant un temps dans une maison à Tsararano, où elles ont eu des relations consenties avec le propriétaire contre de l’argent. Face à leur refus de réitérer ces rapports, les mineures auraient été mises à la porte. C’est dans un banga à Sada, que l’agent de M’Tsangamouji retrouve le groupe des quatre, visiblement “livrées à elles-mêmes”. À l’issue de leur audition, elles seront finalement placées en famille d’accueil.

 

Un premier rapport contre 50 euros

 

Quelques semaines en arrière, la première de la bande, âgée de 16 ans, croise la route de cet éducateur alors qu’elle lève le pouce entre Combani et Passamaïnty. Abandonnée par son père à l’âge de huit ans, frappée par son beau-père à 14, violée, la jeune fille qui alterne entre la rue et le domicile de son copain depuis 2018 n’en est pas à sa première infortune. Alors, quand le conducteur, derrière le volant de sa voiture, lui propose un rapport sexuel, une fois, puis deux, moyennant “tout ce qu’elle veut”, l’adolescente finit par accepter. Bilan des courses : 50 euros, rapporte la présidente à l’audience en lisant son audition. À noter que ni les plaignantes ni l’administrateur ad hoc de l’aide sociale à l’enfance (ASE) n’étaient présents ce mercredi, ce qui aurait pu motiver le renvoi, comme l’avait d’ailleurs souligné le ministère public en début d’audience.

Deuxième rencontre, quelques temps après, toujours en stop. Alors qu’elle n’a nulle part où dormir, l’homme la ramène dans cette maison de Tsararano et lui laisse 100 euros, car il part en voyage. À son retour, quelle n’est pas sa surprise quand il la retrouve flanquée de ses trois camarades, elles aussi en errance. D’après le prévenu, les quatre refusent de partir. Les auditions des plaignantes livrent toutefois une autre version. “Il nous a réunies et il nous a demandé à toutes les quatre de coucher avec lui”, déclare l’une des plus âgées. Si elles refusent les parties à plusieurs, toutes confirment avoir eu au moins une relation consentie à tour de rôle avec le quadragénaire. “J’ai accepté car je voulais de l’argent, les autres filles attendaient dehors sur la terrasse”, relate un deuxième témoignage, qui confirme les sommes d’argent reçues en retour, comme pour ses amies.

“De l’aide pour acheter des couches”

J’ai couché avec la première, mais les autres il n’y a pas eu d’échange”, se défend gauchement le prévenu en référence aux relations tarifées dont on l’accuse. Et encore, pour la première, “elle m’a demandé de l’aide pour acheter des couches à sa fille”. “Avoir un rapport sexuel, c’est de l’aide pour vous ?”, tance la magistrate. “Donner de l’argent, oui c’est de l’aide”, baragouine l’homme d’un air naïf, qui assure par ailleurs n’avoir pas connaissance de l’âge véritable des jeunes filles. Certaines disaient avoir des enfants, plaide-t-il. Ce qui n’est pas, malheureusement pour lui, gage de majorité, surtout à Mayotte…

Ce qu’il regrette aujourd’hui ? N’avoir pas cherché à vérifier leurs dates de naissance, explique-t-il aux juges. Un détail, qui peut coûter cher en effet ! Si le fait d’accepter des relations sexuelles d’un prostitué en contrepartie d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage est puni de 1.500 euros d’amende, la loi prévoit entre trois et sept ans d’emprisonnement et jusqu’à 100.000 euros d’amende dès lors que le prostitué est mineur. Et le tribunal ne marche pas avec l’apparente ignorance du prévenu, censé travailler quotidiennement auprès de jeunes mineurs, dans un foyer de Mlézi…

En vous écoutant, j’ai senti des certitudes avant même l’audience que Monsieur était déjà coupable. (…) Comment peut-on juger une personne s’il n’y a pas de contradiction, alors que de la confrontation jaillit l’étincelle de la vérité ?”, lâche Maître Kamardine, avant de rappeler un précédent encore sensible, celui de l’affaire d’Outreau, fiasco judiciaire des années 2000 qui avait conduit à la détention provisoire, puis à l’acquittement de treize accusés. Mais ses tentatives de prouver la sincérité de son client ne suffiront pas à convaincre le tribunal qui ira dans le sens des réquisitions du parquet.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes