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Branchements frauduleux : EDM tente d’obtenir réparation devant le tribunal

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Les communes de Tsingoni, M'tsangamouji et Acoua ont été privées d'électricité, ce mercredi 4 janvier.

Deux affaires de rétrocession ont conduit Électricité de Mayotte à poursuivre des particuliers, soupçonnés d’avoir volé de l’énergie. Des comportements dangereux qui exposent les fraudeurs à des peines pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende. Mais le tribunal a prononcé la relaxe, faute de pouvoir attribuer formellement le délit à chacun des prévenus.

branchements-frauduleux-edm-reparation-tribunal (2)La pratique est courante à Mayotte. D’après l’enquête sur le logement menée par l’INSEE en 2017, un foyer sur quatre fait l’objet d’une rétrocession d’énergie électrique. Soit plus de 16.000 cas de revente ou fourniture gratuite estimés ! Mais si la magouille est bien connue, elle n’en demeure pas moins interdite, car très dangereuse. C’est pour cette raison que EDM a décidé de poursuivre deux particuliers, qui étaient attendus (l’un était non-comparant) ce mercredi au tribunal pour vol d’électricité et abus de confiance. Dans les deux affaires, assez similaires, les faits sont simples : à partir d’un compteur électrique, les mis en cause alimentaient plusieurs foyers environnants.

Le premier dossier a toutefois donné un peu plus de fil à retordre aux magistrats, et le prévenu était venu accompagné de son avocat Maître Nadjim Ahamada pour sa défense. Les faits qui lui sont reprochés s’étalent sur plusieurs années, entre janvier 2018 et juin 2020. Entre ces deux dates, trois procès verbaux sont réalisés par des agents assermentés d’EDM. Lors du premier contrôle, l’électricien constate en effet que le compteur a été trafiqué. Au lieu des 15 ampères prévus par l’abonnement, la famille consomme en réalité le double d’énergie ! “Ma tante a pris l’électricité, on ne savait pas qu’on ne pouvait pas donner, même à sa propre famille”, reconnaît le prévenu, qui assure avoir régularisé sa situation illico presto… Avant de déménager dans une résidence indépendante de la maison familiale. À ce moment-là, le jeune homme a payé son amende et résilié son contrat, selon ses dires.

 

EDM veut sensibiliser la population

 

Quelle n’est alors pas sa surprise, quand il apprend que la manipulation a continué : lors du deuxième contrôle, les agents notent que le compteur fournit encore de l’énergie aux quatre habitations à proximité. “Je ne comprends pas, l’abonnement je l’avais arrêté, je ne sais pas comment elle a fait pour le rouvrir”, réitère ce technicien de profession, bien embêté de voir que c’est encore son nom qui apparaît sur le contrat. Bis repetita un an plus tard : mais cette fois-ci, la famille s’est même branchée directement sur le réseau pour utiliser l’électricité sans payer, le compteur étant depuis inactif !

Si l’homme joue aujourd’hui les blanches colombes, Maître Souhaïli, avocat d’EDM, rappelle qu’un constat réalisé sur son nouveau logement, en plus de faire figurer le nom du prévenu accolé aux deux adresses, montre “lui aussi des choses illicites”. Autant d’éléments qui poussent EDM à poursuivre le titulaire du compte. “L’électricité, c’est quelque chose de dangereux, et EDM fait tout pour éviter un drame. EDM veut que la population soit sensibilisée”, fait valoir l’avocat, qui évalue les dommages et intérêts de son client à 6.192,80 euros au total, dont il faut retirer quelque 5.000 euros déjà régularisé par l’abonné frauduleux.

 

140 incendies chaque année

 

EDM demande aussi 5.000 euros au titre du préjudice moral – même somme pour le deuxième dossier, où le prévenu ne s’est pas présenté à l’audience – et 1.500 pour les frais de justice. Les réquisitions du procureur iront dans le sens d’une condamnation, avec 1.000 euros d’amende assortie d’un sursis. “Sur ce territoire avec une forte immigration clandestine, on a des gens qui distribuent de l’électricité dans tous ces bangas, et EDM a donc décidé de faire le choix de taper sur les personnes qui volent ; mais dans le lot, il y a des gens qui sont pris dans la charrette, et à qui on a volé de l’électricité ”, défend Maître Ahamada. C’est bon pour cette fois ! Le tribunal décide finalement de relaxer son client, pour défaut d’imputabilité. En espérant que cette mésaventure judiciaire suffise à décourager les petits arrangements entre voisins…

Pour rappel, les branchements sauvages peuvent provoquer des incidents graves, comme des brûlures, des électrocutions, ou bien des incendies. Chaque année, près de 140 habitations sont concernées, estime EDM sur son site Internet. En 2019, un homme de 27 ans était décédé après une électrocution sur le toit de sa maison à Kawéni, où les cas de rétrocessions sont encore une triste réalité.

De la promo “Valmy” aux “rodéos” lyonnais, qui est Thierry Suquet, le futur préfet de Mayotte ?

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La nouvelle est tombée en conseil des ministres ce mercredi 23 juin 2021. Jean-François Colombet quitte Mayotte après deux ans, direction le Doubs. Il sera remplacé par Thierry Suquet, délégué au préfet du Rhône pour la défense et la sécurité. Des dossiers qui risquent bien de faire écho à ses missions mahoraises.

Il a côtoyé un certain Bruno Le Maire sur les bancs de l’École nationale d’administration (ENA), dans la fameuse promotion “Valmy” (1998) et il sera bientôt le nouveau préfet de Mayotte – la date de son arrivée n’est pas encore connue. Thierry Suquet, préfet délégué à la défense et la sécurité dans le Rhône, a été nommé ce mercredi 23 juin 2021 en conseil des ministres. Il remplacera ainsi Jean-François Colombet, qui s’envole pour le Doubs après ses deux ans de loyaux services dans le 101ème département.

Né le 10 avril 1960 à Constantine, en Algérie, Thierry Suquet a intégré l’ENA en 1996, après un début de carrière dans les collectivités territoriales. Il a notamment été « secrétaire général de la mairie d’Ollainville, directeur adjoint de l’office public d’habitation à loyer modéré (OPHLM) de Montereau-Fault-Yonne, directeur de l’antenne sud du comité de développement économique de l’Essonne, chef du bureau de la fiscalité locale à la direction générale des collectivités locales, sous-préfet de Lannion, secrétaire général de la préfecture de la Gironde », précise le communiqué du ministère des Outre-mer. Une carrière d’administrateur donc, pour celui qui a aussi occupé le poste de secrétaire général du Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie. Et c’est à peu près tout, à en croire son curriculum vitae, pour ses expériences ultramarines.

 

Violences urbaines et crise sanitaire

 

Nommé il y a moins d’un an dans le Rhône, le délégué pour la défense et la sécurité a eu l’occasion de gérer des dossiers allant des rodéos sauvages à Lyon, cette pratique de la motocross dite “en Y” – qui n’est d’ailleurs pas complètement étrangère à nos contrées -, à des tags menaçant de mort la police, en passant par la gestion sanitaire du centre de rétention administrative (CRA) ou encore des violences urbaines. À titre d’exemple, en mars de cette année, 13 voitures avaient été incendiées à Rillieux-la-Pape, commune du nord de la métropole lyonnaise après des affrontements dans un autre quartier de la ville. Gageons que le nouveau délégué du gouvernement a donc un peu de bouteille pour gérer les nombreux dossiers sensibles de l’île aux parfums !

Pour l’instant, sa feuille de route s’inscrit dans la continuité des actions menées par Jean-François Colombet, à savoir : poursuivre le processus mis en place dans le cadre du projet de « Loi Mayotte » ; la lutte contre l’immigration illégale ; la protection des Mahoraises et des Mahorais. Il devra ainsi “accompagner les prochaines étapes du développement du plus jeune département français”, souligne le ministère. Sébastien Lecornu “salue le travail effectué par Jean-François Colombet, depuis juillet 2019, notamment dans la lutte contre l’immigration illégale, les habitats insalubres, plus récemment lors des consultations citoyennes mises en place pour l’élaboration de la « Loi Mayotte » mais aussi pour sa gestion de la crise sanitaire”.

Le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, a lui aussi tenu à remercier le préfet « sortant » avec lequel « nous avons noué des relations cordiales et pu travailler dans un esprit républicain et dans le respect des prérogatives de chacun sur de très nombreux dossiers, souvent complexes. Pour le chef d’un exécutif, le préfet est un interlocuteur essentiel, il incarne l’État en « Région » et ces deux années n’ont pas manqué de chantiers ou de dossiers d’ampleur, de la piste longue aux transports scolaires, en passant par les questions de sécurité ou de lutte contre l’immigration clandestine. Je veux souligner plus particulièrement le rôle majeur du préfet, délégué du gouvernement, dans la gestion de la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19 ou dans la lutte contre l’habitat illégal« .

Soibahadine Ibrahim Ramadani : « Nous n’avons pas à rougir de ce qui a été fait pour Mayotte »

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À trois jours du second tour des élections départementales, synonyme de la fin de son mandat, le président du Département, Soibahadine Ibrahim Ramadani, a accepté de revenir en exclusivité pour Flash Infos sur le scrutin actuel, sur son bilan et plus largement sur sa carrière politique. Et d’adresser un message fort à la jeunesse mahoraise. Entretien.

Flash Infos : Vous entamez votre dernière semaine comme président du conseil départemental. Comment l’appréhendez-vous ? Allez-vous garder votre rythme de croisière quotidien ? Ou bien allez-vous plutôt profiter de vos derniers instants en faisant le tour des services pour remercier individuellement les agents ?

Soibahadine Ibrahim Ramadani : J’ai dit lors de mes vœux que je comptais bien exercer mes fonctions jusqu’au dernier jour de la mandature, ainsi que le prévoient les textes et comme j’en ai pris l’engagement. J’ai adressé des remerciements particuliers aux élus, de tous horizons, lors de la dernière commission permanente du 25 mai dernier. Et j’ai organisé une petite réception, simple et émouvante, pour remercier les agents du conseil départemental de leur investissement le 27 juin dernier. Je réponds aux sollicitations des uns et des autres et j’exerce mes prérogatives liées à mes fonctions jusqu’au dernier jour, le 1er juillet, où sera installé(e) celui ou celle qui me succédera. Je m’entretiendrai bien entendu avec le futur président une fois celui-ci connu, soucieux d’une passation républicaine et sereine à l’image de ce mandat.

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FI : Vos collègues de la majorité actuelle qui se sont représentés ont connu des résultats divers : Issa Issa Abdou et Ben Issa Ousseni sont en ballotage favorable tandis que Fatima Souffou et Mariame Said ont pris la porte. Quel regard portez-vous sur ce premier tour ? Est-ce selon vous un désaveu de votre mandature ou l’émergence de candidats plus en phase avec la réalité du terrain ?

S. I. R. : Le scrutin départemental n’est pas un scrutin de liste. Chaque binôme porte une réalité et une identité bien spécifiques sur des territoires distincts. Il n’y a pas, comme aux municipales, un chef de file commun et cela rend difficile une analyse globale. Il faut regarder canton par canton. Ben Issa Ousseni, Issa Issa Abdou et Ali Debré Combo sont qualifiés et dans des ballottages favorables. Je pense que les candidats de la majorité ont plutôt bien défendu leurs candidatures et je n’ai entendu, de la part d’aucun candidat, de désaveu du bilan de cette mandature, même s’il est logique qu’il y ait des propositions différentes, des critiques et des impatiences. Au terme d’un mandat de six ans, marqué, qui plus est, par deux ans de crise sanitaire, il n’est pas forcément si simple de faire face à des candidats qui n’ont pas nécessairement « gouverné ».

FI : Sur le canton de Dzaoudzi-Labattoir, on a vu l’émergence et la victoire d’un duo jeune et novice en politique. Comment expliquer ce choix ?

S. I. R. : Il s’agissait d’un duel qui annonçait forcément (ou presque) des vainqueurs au premier tour. J’observe que Fatima Souffou, qui fut ma 1ère vice-présidente, et son colistier ont mieux que résisté. Je félicite le binôme Ali Omar et Maymounati Moussa Ahamadi pour leur succès et leur entrée au sein de la future assemblée départementale. L’aspiration au renouvellement est une chose tout à fait légitime dans notre processus démocratique.

FI : En parlant de jeunesse justement, celle-ci semble s’être complètement désintéressée de la politique et des urnes. Comment analysez-vous ce boycott sachant que le département est le jeune de France ?

soibahadine-ibrahim-ramadani-interview (1)S. I. R. : La participation électorale est déjà bien supérieure à Mayotte de ce qu’elle est en France métropolitaine, pour des élections locales et nous devons nous en féliciter. S’agissant des jeunes, ce phénomène de fossé qui s’établit entre la jeune génération et le monde politique n’est, pour le coup, pas spécifique à notre territoire. Et nous voyons que la présence de jeunes candidats ne suffit pas nécessairement à dynamiser la participation de ces mêmes jeunes. C’est un phénomène qui nécessite un travail dans la durée pour construire une offre de réponses plus fortes encore aux questions qui préoccupent les jeunes comme l’emploi, l’habitat, l’insertion, la culture, le sport… Mais je vois aussi tous les jours de jeunes mahorais qui s’investissent autrement, et souvent brillamment, dans de multiples disciplines et c’est aussi quelque chose d’important. Cessons de voir la jeunesse comme un problème alors que c’est une richesse….

FI : Au cours de votre mandat, nous retiendrons deux points positifs : le dégagement de bénéfices et la réduction des effectifs. Des choix politiques qui ne sont peut-être pas assez spectaculaires aux yeux des administrés. Quel bilan tirez-vous de ces six années ? Et si vous pouviez revenir en arrière, que changeriez-vous ? Regrettez-vous par exemple le fait de ne pas vous être déplacé plus régulièrement et d’être plus visible aux yeux de la population, laissant ce champ d’action à vos vice-présidents ?

S. I. R. : C’est une question qui nécessiterait une réponse longue ! Vous parlez du redressement des finances, de la réduction des effectifs, mais on pourrait ajouter aisément le déploiement de la coopération régionale, la normalisation des relations avec l’État, la montée en compétence des services et des directions départementales… La réorganisation des services, la gestion des prestations sociales avec le régime indemnitaire, les tickets restaurants (3.000 bénéficiaires), l’indexation salariale passée de 20 à 40%, les mutuelles pour tous, sont à souligner.

Le conseil départemental s’est aussi tenu aux côtés des communes, des intercommunalités et de leurs élus, pour la réalisation de leurs projets : l’effort financier exceptionnel consenti de 2015 à 2020 s’est élevé à près de 106 millions d’euros ! C’est aussi un mandat dont chacun doit mesurer qu’il jette les bases de l’avenir, qu’il s’agisse des grands projets (Jeux des Îles 2027, réseau ferré, piste longue, coopération internationale, schéma d’aménagement régional…) mais aussi de la vie quotidienne – les PMI, la MDPH, les routes en sont un bon exemple. Un chiffre : 95% des routes, soit 140 km, sont en bon état. Les transports scolaires ont été juridiquement sécurisés. La collectivité a débloqué une enveloppe de 80 millions d’investissement pour la piste longue et les travaux du quai n°1 du port de Longoni sont engagés. Alors, oui, nous avons un bilan, oui, je ne suis pas un homme d’esbroufe, mais je crois que nous n’avons pas à rougir de ce qui a été fait pour Mayotte et sa population. Et si c’était à refaire, peut-être que nous renforcerions davantage la pédagogie et l’explication !

FI : Vous mettez un terme à une carrière politique de plus de 20 ans. Que retiendrez-vous de toutes ces années ? Et surtout qu’aimeriez-vous que la population retienne de votre engagement pour Mayotte ?

S. I. R. : Je ne suis pas fasciné par la trace ou l’empreinte que je laisse, je n’ai pas cette prétention. Nous sommes de passage ! Ce qui a guidé tout mon engagement, c’est d’agir pour le développement dont Mayotte a besoin, d’essayer de trouver des réponses aux attentes des Mahorais. Il me semble que c’est le sens de tout engagement politique ou citoyen. Comme président du SMIAM (syndicat mixte d’investissement pour l’aménagement de Mayotte), j’ai ainsi contribué à la construction de 400 salles de classes, à la réhabilitation d’écoles, ou à la création d’équipements sportifs (plateaux polyvalents).

Et en tant que sénateur, j’ai notamment œuvré pour le déplafonnement des allocations familiales, l’extension à Mayotte de l’allocation de rentrée scolaire et pour l’intervention de l’ANRU (agence nationale pour la rénovation urbaine) au bénéfice de la restructuration du quartier de M’Gombani à Mamoudzou. Mais, plus largement, défendre les valeurs qui nous sont chères, comme la solidarité et l’équité, agir pour la convergence des droits, porter les enjeux liés au positionnement de Mayotte… Voilà rapidement ce qui m’a mobilisé tout au long de mes différents mandats.

FI : Avec votre expérience, comment imaginez-vous Mayotte dans 10, 20, 30 ans ? Que faudrait-il faire pour que Mayotte puisse définitivement prendre son envol et soit respectée à sa juste valeur par Paris ?

S. I. R. : Des progrès se sont faits tous les jours. La voix de Mayotte est désormais mieux entendue, même s’il reste beaucoup à faire pour tendre vers l’égalité réelle. La future loi Mayotte marquera, je l’espère, de nouvelles avancées. Dans la contribution du conseil départemental à ce texte, la vision que je propose s’articule en trois volets : le traitement des sujets nécessitant rattrapage sur une période de 10 ans, la projection du territoire à l’échelle de 30 ans, soit la période du prochain schéma d’aménagement régional (SAR) de Mayotte et deux sujets « focus » de préoccupation, à savoir la jeunesse et la protection civile.

Au titre du renforcement des capacités institutionnelles et financières du Département, il conviendrait d’achever et de parfaire le processus institutionnel engagé depuis (les lois de 2009, 2010 et le référendum de 2009) pour aboutir au statut de collectivité unique siégeant en configuration régionale et départementale et de donner ainsi à cette institution tous les leviers nécessaires à son développement. Dans le schéma d’aménagement régional, nous dessinons les grandes lignes d’un développement à 30 ans et c’est important, car demain se joue vraiment aujourd’hui ! Un point me semble important pour ne pas dire essentiel : aucun véritable développement ne pourra se faire sans une sécurité retrouvée. Nos efforts doivent converger en ce sens.

FI : Dernière question : comment allez-vous occuper vos journées une fois cette page de votre vie tournée ?

S. I. R. : La vie ne s’arrête pas avec l’engagement politique, fort heureusement. D’autres manières de rester actifs existent, dans les associations par exemple. Pour l’heure, j’aspire à retrouver le chemin d’une vie familiale bien méritée.

Les instruments traditionnels de Mayotte mis à l’honneur par les CM2 de Mongomé

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Depuis le mois de mars, les élèves de CM2 de l’école primaire Mongomé à Pamandzi travaillent sur un projet de valorisation du patrimoine immatériel mahorais pensé par le musée de Mayotte. Au programme : création d’un film d’animation sur les instruments traditionnels de l’île aux parfums.

C’est une course contre la montre dans laquelle s’est lancé le musée de Mayotte pour inventorier et préserver la culture musicale mahoraise de l’île. “Il y a urgence ! Beaucoup de choses sont en train de disparaître, nous nous devons de continuer à mettre en avant ces richesses culturelles”, confie Nathalie Vlody, la chargée de la valorisation du patrimoine immatériel du musée. Avec le lancement du projet “Les instruments traditionnels de Mayotte”, l’objectif est simple : créer un outil de transmission permettant de présenter au grand public les instruments de musique typiques du 101ème département. Pour cela, le musée a travaillé en lien avec la société mahoraise Anteou studio graphique. Celle-ci a réalisé les images du futur court-métrage animé et la classe de Lisette, institutrice de CM2 à l’école primaire de Mongomé, a travaillé à l’élaboration du script, des voix off et des génériques.

 

En studio à la rentrée prochaine

 

Très fiers de leur travail, les élèves de primaire ont exposé le projet avec beaucoup de sérieux et de précisions. “À partir des croquis et du scénario que nous a présenté le musée, nous avons rédigé les dialogues et choisi les chansons du film d’animation. À la rentrée prochaine, nous irons en studio pour nous enregistrer et prêter nos voix aux personnages”, détaille Ilyana. De plus, en s’appuyant sur le script rédigé en classe, les futurs collégiens ont réalisé avec la directrice de leur école une pièce de théâtre sur la même thématique. L’occasion pour eux de monter sur les planches devant leurs familles, de chanter, mais aussi de mettre en lumière des instruments traditionnels. “Je savais déjà jouer de la musique et ce projet m’a permis d’accompagner mes camarades au Fumba et au Kayamba”, raconte Nia, ravie de pouvoir mettre en avant la culture musicale de son île.

 

Un projet made in Mayotte

 

Pour toucher le cœur des Mahorais, rien n’a été laissé au hasard. La musique du générique en shimaoré a été soigneusement choisie par les enfants. “Les paroles signifient : Vous qui avez appelé, nous sommes là aujourd’hui, venez on va jouer pour calmer les cœurs, nous qui savons bien jouer, nous qui savons bien danser, nous allons vous montrer”, récite avec beaucoup d’assurance Radhua, l’une des autres élèves de CM2. Une introduction poétique à la musique mahoraise qui annonce une histoire accessible aux petits comme aux grands où un jeune mahorais se laisse guider par la mascotte du Musée de Mayotte, Ankil, vers une découverte des instruments de musique traditionnels. Aujourd’hui, le musée espère que la vidéo sera largement diffusée, dès sa sortie en début d’année 2022, par les institutions à Mayotte et partout ailleurs pour diffuser la culture musicale mahoraise au-delà des mers.

Opérationnels depuis le 15 juin, les sauveteurs en mer ont besoin de votre soutien à Mayotte

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En sommeil depuis 2018 en raison de l’absence de moyen nautique, l’antenne locale de la société nationale du sauvetage en mer (SNSM) a reçu en janvier dernier une nouvelle embarcation semi-rigide. Après quatre mois de formation, une équipe d’astreinte d’une quinzaine de bénévoles peut désormais être sollicitée depuis le 15 juin par le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage. Prochaine mission : réunir les fonds nécessaires pour boucler un budget annuel de fonctionnement de l’ordre de 50.000 euros.

« Nous avons tablé sur un budget annuel de fonctionnement de l’ordre de 50.000 euros pour assurer nos missions en toute sécurité. » Un énième casse-tête pour le président de l’antenne locale de la société nationale du sauvetage en mer (SNSM), Frédéric Niewiadomski, après celui du non-remplacement du navire de secours, Haraka, qui avait empêché les marins sauveteurs de participer aux recherches à la suite de la disparition en jet-ski de l’humoriste Khams le 13 juin 2020. Sorti de l’eau, inanimé, le lendemain par un groupe de pêcheurs…

Un an plus tard, presque jour pour jour, les bénévoles peuvent de nouveau être sollicités par le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) de La Réunion pour se rendre à un point spécifique du lagon, grâce à leur bateau flambant neuf, baptisé Tamani et réceptionné fin janvier. Un semi-rigide de 9.30 mètres de long, équipé de deux moteurs Mercury de 300 chevaux, capable de se projeter jusqu’à 30 milles nautiques et de recevoir jusqu’à 22 personnes. « Nous ne pouvions pas lancer d’appel aux dons puisque l’association était en sommeil jusqu’au 15 juin dernier, date à laquelle la station a été jugée apte par les autorités », retrace Romain Prenveille, le secrétaire de la structure depuis le mois de mai. Reste maintenant à convaincre les mécènes de mettre à la main au portefeuille, en attendant de solliciter des aides auprès de la future majorité du conseil départemental. Le nerf de la guerre, sachant qu’à peine 1% des utilisateurs du lagon font un don aux sauveteurs. Et qu’aucun prestataire ne cotise !

 

À la recherche d’un local… En vain

 

Une fois cette manne financière en poche, l’idée serait surtout de louer un local pour entreposer le matériel et surtout être au plus proche de l’embarcation, amarrée à proximité du quai Ballou. Mais la tâche s’annonce rude, car les places sont chères sur Petite-Terre… « Nous sommes toujours en recherche. Nous n’avons, pour l’instant, qu’une seule offre en cours de négociation ! Dzaoudzi, ce n’est pas grand, donc ce n’est pas évident de trouver l’emplacement idoine », dévoile le marin en service à la base navale. L’autre objectif de ce futur QG ? Pouvoir y dispenser des formations internes, comme l’apprentissage du remorquage, mais aussi d’éviter d’avoir à s’envoler jusqu’à Saint-Nazaire pour être habilité nageur, chef de bord ou équipier de pont.

Courant mars, huit d’entre eux ont suivi une session intensive de dix jours à Mayotte et ont obtenu leurs qualifications. Deux mois plus tard, ils ont même pris part à un exercice pratique en lien avec l’aéroport, qui consistait en un chargement de trois radeaux de survie à livrer sur zone en cas de crash aérien. Sans oublier « l’entraînement permanent » et « les deux à trois sorties hebdomadaires pour apprendre à travailler ensemble », précise le trentenaire. Et depuis une semaine, une équipe d’astreinte, composée au minimum de quatre bénévoles, est désormais sur le qui-vive 24 heures sur 24 « pour se rendre à un point spécifique » en cas d’alerte. « Nous n’avons pas encore eu de déclenchement opérationnel. Il faut s’en réjouir, cela veut dire que tout se passe bien en mer », poursuit Romain Prenveille, qui rappelle l’engagement associatif « de manière permanente » pour la quarantaine de membres de la SNSM. « Nous avons tous un métier, c’est en plus de nos vies professionnelle et personnelle. Soit nous sommes conventionnées avec les patrons pour nous absenter dans le cadre de ces missions, soit nous les réalisons sur nos temps de repos. » En 2017, pas moins de 180 personnes, dont huit réanimées, ont été secourues sur un total de 71 interventions.

Larissa Salim Bé : « Je suis arrivée sereine le soir de l’élection »

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On ne la présente plus, Larissa Salim Bé, Miss Excellence France 2021, fait la fierté des Mahorais. Elle qui a réussi là où beaucoup ont échoué. Elle est la première mahoraise à décrocher le titre national d’un concours de beauté. Après l’effervescence de son retour sur son île natale et dans son village de Poroani, elle revient pour Flash Infos sur cette folle aventure, son couronnement et nous dévoile ses ambitions.

Flash Infos : Comment s’est passé le retour à la maison ?

Larissa Salim Bé : J’étais tellement heureuse de retrouver ma famille ! Ma mère a pleuré, j’étais émue. Ma famille m’a tout de suite dit qu’elle était fière de moi et elle veut que j’aille encore plus loin.

FI : Vous étiez en compétition avec 21 autres candidates, de quelle manière avez-vous vécu cette expérience ?

L. S. B. : Au début, j’avais peur parce que les filles sont toutes magnifiques. Mais nous avons passé toutes nos journées ensemble pendant dix jours, nous avons appris à nous connaître, nous avons crée des liens, et ça allait mieux. Je n’avais même plus le temps d’y penser parce que nous avions un programme bien chargé. Les répétitions occupaient une grande partie de nos journées, de 9h à 18h. Puis de 19h à 21h, nous faisions les sorties.

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FI : La cérémonie est arrivée rapidement. Quel était votre état d’esprit ce soir là ?

L. S. B. : Je suis arrivée tranquille et sereine le soir de l’élection. Ceci dit, je ne pensais pas faire partie des deux dernières finalistes. Quand le présentateur a annoncé que j’étais la nouvelle Miss Excellence, j’ai immédiatement pensé à Némati Toumbou Dani et à Moidj Abasse (respectivement présidente et directrice du comité Miss Excellence Mayotte) parce qu’elles attendaient ça depuis longtemps. Elles se sont données à fond pendant toute mon année pour m’emmener là où je suis.
J’appréhendais cependant une chose : le jury de présélection ! Nous devions passer devant lui deux jours avant le jour J. Tous les partenaires étaient en face de nous, il ne fallait vraiment pas se louper… Nous avons commencé à défiler toutes ensemble, ensuite une par une, puis chacune s’est présentée. Nous avons ensuite répondu à leurs questions, ils voulaient mieux nous connaître. Les jurés m’ont demandée comment se passe le Covid à Mayotte, puis ils m’ont interrogée sur mes futurs projets. Je leur ai parlé de mon projet de fondation…

FI : En quoi consiste-t-il ?

L. S. B. : Je travaille dans l’éducation et avec les jeunes. Je me rends compte qu’il ne faut pas les lâcher, je souhaite donc créer une fondation pour accompagner ces jeunes et ne pas les abandonner dans l’oisiveté. Toutes les familles ne peuvent pas se permettre de payer des assistants scolaires pour accompagner leurs enfants dans leurs études alors je veux faciliter l’éducation des plus jeunes parce qu’ils sont l’avenir de Mayotte et de la France.

FI : Comment va se dérouler votre année de Miss Excellence France ?

L. S. B. : Pour l’instant, rien n’est défini ! Je reste ambassadrice de Mayotte et je dois continuer à promouvoir mon île. Je dois donc garder un pied ici et un autre en métropole parce que je dois aussi couronner toutes les futures Miss Excellence des régions de France. Je ne sais pas comment nous allons nous ranger, mais nous ferons en sorte pour que ça marche. Nous attendons aussi que le programme du comité national arrive, parce que je dois faire des interventions, honorer des invitations dans des salons et rencontrer la presse nationale aussi.

FI : Quelle est votre stratégie pour concilier votre nouveau rôle de Miss Excellence France et votre travail ?

L. S. B. : J’ai pris des congés. Mes employeurs ont toujours été conciliants. Ils connais-sent mon titre, tant que nous les prévenons de ce que je dois faire, ils ne disent jamais non. Le matin, je suis à la mairie de Chirongui et l’après-midi à Sada dans une association qui s’occupe d’enfants. Je fais du soutien scolaire et je veux continuer à le faire.

FI : Vous sentez-vous prête à participer aux concours de beauté internationaux ?

L. S. B. : Je me sens prête à concourir aux élections prévues aux niveaux européen et international, même si je vais encore avoir besoin de préparation. Le tout est de rester soi-même ! Je vais garder le même état d’esprit que lors de la compétition nationale, et après nous verrons ce que ça donnera.

FI : Qu’avez-vous à dire aux détracteurs des concours de beauté qui estiment que c’est dégradant pour l’image de la femme ?

L. S. B. : Nous ne pouvons pas toujours faire l’unanimité. C’est leur opinion, mais pour moi, le plus important est de mettre en valeur sa région. Qu’importe le domaine : qu’il s’agisse d’un concours de science, de beauté, de culture… Le résultat est le même ! De plus, de nos jours, les concours de beauté ne jugent pas que le physique. On nous fait faire des tests de culture générale. Les jurés s’intéressent aussi à notre façon de parler, ils s’assurent que nous soyons capables de réfléchir, de raisonner sur tout. Tout ceci est la preuve que nous nous intéressons aussi à ce qu’il y a dans nos têtes. C’est dommage que certains ne voient que la beauté physique alors qu’il y a plein de critères derrière.

FI : Avez-vous déjà songé à ce que vous allez faire une fois que votre année de règne sera terminée ?

L. S. B. : Je resterai dans le comité Miss Excellence Mayotte parce que Miss un jour, Miss toujours ! (rires) Je me suis reconnue dans cette famille et j’ai envie d’être présente pour les futures Miss, tout comme le comité a été là pour moi. Et je compte également mener à bien mon projet de fondation.

CUFR : la laïcité à l’honneur avec le DU Valeurs de la République et Religions

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Samedi 11 juin 2021, 29 étudiants de la promotion 2020-2021 se sont vu remettre leur diplôme universitaire Valeurs de la République et Religions. L’occasion pour le doyen de la faculté de rappeler l’importance de cette formation, en particulier sur le territoire de l’île aux parfums.

C’est une mission bien spéciale qui incombe à Frantz Thille, le responsable du diplôme universitaire Valeurs de la République et Religions. “Ce DU est né en 2015 d’une demande institutionnelle pour former les aumôniers à la suite des attentats de Charlie Hebdo”, explique l’enseignant à la faculté de Dembéni. “Aujourd’hui, nous accueillons des étudiants de tous les horizons, désireux d’améliorer leurs compétences dans le milieu professionnel mais aussi leur connaissance de la laïcité”, précise-t-il.

Au menu : 140 heures de cours, trois blocs de compétences et un diplôme à la clé, voilà les éléments qui composent le DU Valeurs de la République et Religions. Cette année, la formation accueillait 29 élèves. Parmi eux, des cadres, des maires ou encore des professeurs, tous de retour sur les bancs de la fac ou plutôt derrière leur écran d’ordinateur pour assister aux cours des huit intervenants du DU. En effet, le cycle 2020-2021 s’est principalement déroulé en distanciel, crise sanitaire oblige. Mais ce n’est que partie remise ! Dès l’année prochaine, les étudiants pourront suivre la formation en “hybride” avec des cours dispensés au centre universitaire de formation et de recherche (CUFR) mais aussi accessibles en visioconférence sur Zoom.

 

Les grandes thématiques

 

La formation se compose de trois blocs de compétences. Le diplôme universitaire comprend l’ensemble de ces trois unités et la formation complète comprend neuf modules” détaille Frantz Thille. Première thématique : “Sciences des religions”. Un bloc de compétence qui comprend un module “Histoire religieuse de la France”, un autre intitulé “Sociologie des religions” et enfin un dernier nommé “Approche culturelle des religions”. Deuxième thématique : “Droit et religions”. Dans ce package de 60 heures de formation, les étudiants abordent les institutions de la République française, la laïcité et les religions, leurs aspects théoriques et leur analyse pratique, mais aussi les libertés fondamentales ainsi que le droit des religions et enfin le droit privé et public. Dernier bloc et non des moindres, l’“approche de la radicalité”. Une thématique qui brasse large, des “dérives sectaires et indicateurs de basculement” à la “géopolitique du Moyen-Orient et du djihad global”. Des sujets qui s’inscrivent parfois cruellement dans l’actualité, jusque chez nos voisins du Mozambique…

 

Objectifs et inscriptions

 

Bref, ce DU a de quoi attirer les curieux, et Frantz Thille espère bien accueillir cette année de nouveaux étudiants désireux d’en apprendre davantage sur la question religieuse en France. “Ce diplôme universitaire est ouvert à tous”, insiste le responsable. Aucune condition de diplôme n’est en effet exigée pour l’inscription, qui se déroule à la fin du mois d’août pour une rentrée début octobre. “Nous souhaitons toucher un public divers. Le DU nous permet de montrer à chacun que la laïcité est avant tout protectrice.

Et les étudiants fraîchement diplômés le savent bien désormais. “J’ai suivi cette formation avant tout car je trouvais que les enseignements proposés étaient très intéressants. Cela m’a permis de mieux appréhender la question religieuse dans le cadre de mon travail au contact du public mais aussi, de mener un débat nourri d’arguments historiques, juridiques, géopolitiques ou encore sociologiques. Je me suis rendu compte que personne ne sait réellement définir la laïcité. Ce diplôme universitaire m’a apporté un niveau de connaissance élevé que je pourrais mettre à profit dans le domaine professionnel« , rapporte par exemple un fonctionnaire de police, ravi de repartir avec son DU en poche. Même son de cloche pour une autre étudiante, enseignante dans le 101ème département. “Je me suis rendue compte du poids de la religion dans l’éducation à Mayotte. Cette formation m’a permis d’appréhender la religion de manière profane et de l’expliciter.

Issihaka Abdillah : « Le paysage politique mahorais est encore très incertain »

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À l’annonce des résultats du scrutin pour ce premier tour des élections départementales, certains candidats de l’île étaient déjà en train de nouer les alliances pour le second tour. Il n’y a plus de temps à perdre, les jours sont comptés. Ceux qui ont été portés par leurs partisans doivent non seulement redoubler d’efforts pour séduire d’avantage d’électeurs, mais ils doivent aussi trouver les bons arguments pour que les autres binômes perdants de leur canton les soutiennent. Les coalitions qui se forment dans l’ombre détermineront probablement le paysage politique mahorais le dimanche 27 juin. Mais pour l’heure, selon l’analyste politique et observateur de la société mahoraise Issihaka Abdillah, les dés sont lacnés mais rien n’est joué.

Flash Infos : À Mayotte, le taux de participation pour ces dernières élections est à 63,26% alors qu’au niveau national, le taux d’abstention est à plus de 66%. Comment expliquer cette différence ?

Issihaka Abdillah : Ici, la population se mobilise davantage parce que l’élection cantonale est une élection de proximité. Nous sommes dans un petit territoire, et nous faisons mieux campagne qu’en métropole parce que les gens se connaissent d’avantage. C’est une élection assez importante qui rythme la vie des habitants, de la société, alors qu’en Hexagone, nous parlons surtout de la politique du gouvernement plutôt que de la politique des élus locaux. Compte tenu de notre éloignement, le conseil départemental reste une institution importante, il est considéré comme un gouvernement. Par conséquent, les gens sont beaucoup plus attentifs à l’action du Département qu’à celle du gouvernement.

FI : À l’issue de ce premier tour, certains candidats très connus et médiatisés ne sont pas passés, à l’instar d’Anchya Bamana ou Fatima Souffou. Pour quelles raisons selon vous ?

I. A. : Les deux grandes formations politiques, le MDM et le LR, sont divisées, et à l’intérieur de ces divisions, il y a des dissidences, des exclusions. Chez Les Républicains, Anchya Bamana en a fait les frais. Je crois que s’il n’y avait pas eu autant de divisions dans ce parti, il aurait gagné beaucoup plus de cantons. Mais c’est la même chose pour le MDM. Ces divisions n’ont pas aidé les électeurs et je crois même que nous aurions pu avoir un taux de participation plus important s’il n’y avait pas toutes ces divergences politiques. S’agissant des élus sortants, comme Fatima Souffou ou Raïssa Andhum, elles sont victimes de ce qu’a été la gouvernance de l’équipe sortante du conseil départemental. La mission était plus compliquée pour Fatima Souffou qui était en face des candidats de l’homme de Dzaoudzi-Labattoir, le faiseur de roi, Saïd Omar Oili. Il faut toujours compter avec lui, donc cela s’annonçait déjà difficile pour elle malgré la qualité des deux binômes. Saïd Omar Oili a pesé extrêmement sur ces votes dans ce canton de Dzaoudzi-Labattoir.

D’un autre côté, à Pamandzi, nous avons Daniel Zaïdani qui s’en sort honorablement parce qu’il a été fidèle jusqu’au bout avec son binôme Soihirat El Hadad. C’est une leçon de fidélité politique que ce binôme a donné à l’ensemble du territoire. Malgré les difficultés, ils sont restés fidèles et les résultats sont là. Si dans les autres cantons, les binômes avaient pris la peine de se reconduire ensemble, les résultats auraient été différents. Mais le fait de défaire les anciens binômes a lassé les électeurs. C’est une leçon que les futures formations politiques doivent retenir dans l’avenir.

FI : Dans le canton de Sada, Mansour Kamardine et sa binôme arrivent en tête de justesse, ils n’ont pas été encensés massivement comme on l’avait pensé. Doivent-ils s’inquiéter ?

I. A. : Je pense que les électeurs n’ont pas compris la mesure des enjeux qui viennent. C’est la première fois qu’un parlementaire en exercice s’essaye à une élection locale et les gens n’ont pas l’habitude. Ils ont hiérarchisé les mandats et c’est la raison pour laquelle ils n’ont pas voté massivement pour Mansour Kamardine. Les gens pensent qu’être député est plus prestigieux que d’être conseiller départemental alors que le député lui-même a placé le développement de Mayotte en priorité dans sa démarche d’être élu au conseil départemental. En métropole, cela se fait aussi, nous avons de grands élus nationaux, des hommes et femmes d’État qui font le choix d’êtres des élus locaux, à l’instar de Valérie Pecresse, Xavier Bertrand, et même de l’ancien premier ministre Édouard Philippe. Mansour Kamardine a eu un mandat de député formidable, avec des positions qui ont plu aux Mahorais, mais il a compris que pour mettre en musique ses idées, il doit se placer au niveau du territoire. Les électeurs n’ont pas saisi cette opportunité alors que c’est un parlementaire qui connait les rouages du gouvernement, il peut mettre en pratique tout ce qu’il a développé en tant que député. Le développement du territoire ne se fait pas à Paris… À Paris, nous faisons les lois et à Mayotte, nous développons le territoire. Les enjeux se jouent au niveau des régions et c’est là où le député doit être capable de l’expliquer pour l’entre deux tours.

Je pense qu’il a affaire à un binôme bien organisé qui a fait une campagne de qualité, mais le fait que les gens aient mis Mansour Kamardine en tête signifie qu’ils croient en son projet. Je ne porte aucun jugement, mais le LR officiel est l’unique parti à avoir un programme territorial, c’est une formation politique bien organisée aussi, mais encore faut-il qu’elle soit capable de convaincre.

FI : Les pronostics disent qu’Anchya Bamana sera celle qui départagera les deux binômes du canton de Sada. A-t-elle réellement le poids politique nécessaire pour cela ?

I. A. : Si Anchya Bamana s’est présentée, c’est parce qu’elle n’adhère pas forcément à la politique de Mansour Kamardine, mais en même temps elle n’adhère pas non plus à la ligne de Mariam Said Kalam. De plus, nous oublions une chose. Qui soutient Mariam Said Kalam ? C’est le maire actuel de Sada, qui a battu Anchya Bamana aux dernières municipales. Les deux binômes de Sada qui vont au second tour devront chercher les électeurs individuellement. Mais actuellement, je suis incapable de vous dire qui aura le report le plus important en termes de voix. Dans tous les cas, je ne vois pas Anchya Bamana prendre position pour l’un ou l’autre.

Dans ce canton, il y a plusieurs arbitres et énormément d’incertitudes, parce que la demi-sœur d’Anchya, Rahamatou Bamana, était aussi en lice. Il y a trois mois, cette dernière était pressentie pour être la candidate de Roukia Lahadji et à la dernière minute, elle a été remplacée par Mariam Said Kalame. J’attends de voir la position de Rahamatou Bamana…

FI : Selon vos propos, nous avons l’impression que pour l’instant le paysage politique de Mayotte est loin d’être défini…

I. A. : C’est même la seule certitude pour l’instant. Le paysage politique mahorais est encore très incertain. Les candidats LR pourraient attirer des dissidents du MDM, mais rien n’est sûr. Quoi qu’il en soit, il y a un arbitre dans tout Mayotte qui est bien défini et il s’appelle Saïd Omar Oili. La formation politique qui voudra être en tête devra s’allier avec lui.

FI : À Mamoudzou, les LR sont en tête sur deux des trois cantons et se hissent à la deuxième place à Mamoudzou 3. Est-ce dû à Ambdilwahedou Soumaila, l’actuel maire, qui est de la même couleur politique ?

I. A. : Effectivement, il y a une dynamique qui s’est créée derrière cette élection municipale. À Mamoudzou 1, Jacques Martial Henry et Enly Mahamoudou seront les arbitres de ce canton. S’agissant de Mamoudzou 2, l’arbitre sera Mohamed Hamissi, mais la situation est tendue d’autant plus que le taux de participation n’y est pas très fort. À Mamoudzou 3, les LR ne sont pas en tête, mais les résultats sont très serrés. C’est Mamoudzou village qui va faire la différence parce que Sidi Nadjayedine et Ali Debré Combo sont tous les deux issus de Kaweni et chacun a fait le plein de voix dans son village. Les jeux vont se jouer entre les partisans de Saoudat Abdou et Hélène Pollozec qui sont de Mamoudzou village. Cela ne sera pas facile parce qu’elles sont des candidates de qualité, elles ne sont pas là pour faire de la figuration.

 

Maymounati Moussa Ahamadi et Omar Ali, grands gagnants de Dzaoudzi-Labattoir

 

issihaka-abdillah-paysage-politique-mahorais-incertainLe territoire de Dzaoudzi-Labattoir se démarque une nouvelle fois des autres. Lors des élections municipales, la commune était la seule à élire son maire dès le premier tour du scrutin. Pour ces cantonales, les électeurs ont d’ores et déjà choisi leurs conseillers départementaux et Maymounati Moussa Ahamadi et Omar Ali sont les grands gagnants. Pourtant, selon les principaux concernés, le doute était présent jusqu’au dernier moment. « Comme toute élection, nous ne nous attendons jamais au meilleur, nous nous préparons toujours au pire pour ensuite pallier à toutes situations. Nous avions en face de nous un mastodonte, des personnes qui avaient de l’expérience », rappelle Maymounati Moussa Ahamadi. Mais derrière eux, se cache l’homme fort de Dzaoudzi-Labattoir, Saïd Omar Oili, un maire et un homme politique très apprécié dans sa commune. Selon la nouvelle conseillère départementale de Dzaoudzi-Labattoir, leur victoire est également due au besoin de changement des habitants. « Mayotte est le territoire le plus pauvre de France, il est donc important de faire une fracture qui marque un changement réel et véritable pour créer de l’emploi. Cela permettra au social et à l’économie de s’épanouir », détaille-t-elle. Les petits protégés de Saïd Omar Oili voient grand, mais affirment ne pas songer à la présidence du conseil départemental. « Tout le monde est obnubilé par cela, mais nous ne visons pas le siège de président du Département pour l’instant. Nous visons plutôt un projet commun qui est de faire présider Mayotte à travers des idées stratégiques », indique Maymounati Moussa Ahamadi. Alors que tous les candidats des autres cantons sont plongés dans les négociations du second tour, les nouveaux élus départementaux de Dzaoudzi-Labattoir affinent leur ligne de conduite. « La priorité réside en un diagnostique rapidement. Cette semaine, nous allons déjà établir notre façon de voir les choses, et définir un lien stratégique de façon à travailler avec le prochain exécutif du Département. Ensuite, une fois qu’il sera en place, il faudra immédiatement se mettre au travail. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps. Nous avons des plans d’actions à court, moyen et long termes. Tout ce qui peut être fait dans l’immédiat, nous le ferons ! Et il ne faut pas non plus que le moyen terme devienne trop long », conclut Maymounati Moussa Ahamadi, prête à rentrer dans l’arène ou plutôt l’hémicycle, le couteau entre les dents.

Medef : Carla Baltus et sa liste reconduites à l’unanimité à Mayotte

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Sans surprise, la présidente sortante du Medef Mayotte a été réélue par les adhérents du syndicat patronal. Elle repart donc pour un mandat de trois ans, qui veut s’inscrire dans la continuité. L’équipe entend aussi surveiller de près l’évolution de la loi de programmation pour Mayotte, qui devrait accélérer la convergence des droits sociaux.

On ne change pas une équipe qui gagne ? C’est visiblement l’avis des adhérents du Medef Mayotte, réunis ce lundi au lycée des Lumières de Kawéni pour leur assemblée générale. À l’unanimité des voix, les patrons ont réélu la présidente sortante Carlo Baltus et sa liste de 14 chefs d’entreprises, pour un nouveau mandat de trois ans. L’entrepreneure aux mille casquettes, dont la société de bus Carla Mayotte Transports Baltus, n’a pas caché son émotion, même si l’effet de surprise était mesuré puisque seule sa liste se présentait. “C’est une émotion de voir comment tout se passe si vite en trois ans. Déjà 11 ans que j’ai intégré le Medef, et 25 ans que je suis venue à Mayotte. Mayotte est une terre d’opportunités”, a-t-elle salué, tout sourire entre les colliers de fleurs et les applaudissements de ses pairs.

Parmi les futurs défis de cette nouvelle mandature, la poursuite de l’accompagnement des adhérents, le renforcement des échanges interrégionaux avec un regard en direction du canal du Mozambique et des projets gaziers et bien sûr la loi Mayotte qui risque de rebattre les cartes pour les entreprises. “Nous ne pouvons pas échapper à la convergence nationale et sociale. L’évolution du SMIG non plus. Le préfet nous a clairement confirmé, 2036, il faut oublier, le calendrier sera avancé”, a pointé du doigt la présidente. “Il faudra que nous soyons présents pour défendre les intérêts de nos entreprises, que nous soyons vigilants et force de propositions”.

 

Maintenir le CICE

 

Parmi ces propositions, un certain nombre sont déjà sur la table. Comme le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), cet avantage fiscal pour les entreprises, supprimé à l’échelle nationale en 2019, et qu’il s’agit de maintenir encore un peu pour l’île aux parfums, selon Carla Baltus. “Il faut tout faire pour le garder le plus longtemps possible. Après, des dispositifs existent, nous proposons par exemple le déploiement de LODEOM renforcé”, a-t-elle défendu, en référence à cette exonération qui bénéficie aux employeurs en Outre-mer, hors Mayotte, mise en place à la suite de la suppression du CICE.

Les autres combats de la femme d’affaires ? Le statut des travailleurs indépendants – “on ne peut pas nous laisser sans droit, ce n’est pas possible” – mais aussi les retraites, un autre enjeu de taille du 101ème département, confronté à un chômage de masse qui touche beaucoup les jeunes. La crise sanitaire qui n’a pas épargné le territoire depuis mars 2020 a enfin ajouté son grain de sel, et le Medef Mayotte entend suivre avec attention l’évolution du Plan de relance et du PGE (prêt garanti par l’État), notamment. “Nous en avons profité, maintenant il faut commencer à rembourser et dans certains cas où c’est compliqué, il faudra que ce PGE soit transformé en subventions ou bien prévoir une période plus longue pour le remboursement.” Sans quoi la capacité à investir et à recruter des entreprises pourrait bien en pâtir.

 

Les impayés, le sujet qui fâche

 

Quid des délais de paiement des factures ?”, a alpagué l’une des adhérentes. C’est aujourd’hui un secret de polichinelle, les collectivités accusent de sérieux retards dans le versement de leur dû, une fois les chantiers terminés. Le syndicat des eaux n’est pas en reste avec des dizaines de millions d’euros d’impayés qui font jaser le monde économique mahorais depuis plusieurs mois. “Cela découle de l’absence de fonds, nous avons l’illustration avec le syndicat des eaux. Pourtant il y a eu une subvention de 15 millions d’euros du conseil départemental, mais malgré cette délibération, il y a un blocage avec certains administrateurs”, a déploré Damien Rietsch, vice-président du Medef Mayotte.

Problème, les marges de manœuvre face à ces situations jugées “inadmissibles” par l’assistace, sont maigres. “C’est encore plus vrai pour les anciens, vous savez. On nous parle de Plan de relance mais parfois nous avons des difficultés à cause de ces arriérés et face à des marchés sérieux, nous n’avons plus la force”, a surenchéri Carla Baltus. Et les coups de pouce ponctuels de l’État ne suffiront pas à changer cet état de fait. “Tout cet argent que l’on nous donne, il faut garder à l’esprit que nous allons devoir le rembourser. Donc maintenant ce qu’il nous faut, c’est de l’activité.” Murmure d’approbation dans l’auditoire.

Abstention à Paris, renouvellement à Mayotte

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Au centre du jeu politico-médiatique, le chef de l’État, Emmanuel Macron, doit scruter les élections départementales et régionales avec une attention particulière. C’est un test pour le scrutin présidentiel qui aura lieu dans un an, en juin 2022 probablement. Or, les résultats ne sont pas bons, toutes tendances politiques confondues.

Une débâcle apparaît dès le premier tour des régionales pour les nombreux ministres candidats. Une quinzaine était en lice dans la bataille, mais les Français ont préféré leurs concurrents dans l’intégralité des régions, particulièrement en Île-de-France. Les grosses pointures affichent tous des scores médiocres, voire très mauvais dans certains cas, en dessous de 10% des votes. Si les membres du gouvernement n’ont pas été en réussite, le parti présidentiel a lui aussi souffert, ne recueillant que 10,6% des suffrages au niveau national, loin derrière LR (28,4%), le RN (19,2%), le PS (15,8%) ou les écologistes (13,2%). La droite est donc en position de force, LREM essuie un camouflet. Chez les LR, le désaveu n’est pas moins cinglant, ce qui donne une indication de l’impopularité des partis politiques, désormais réelle. La légende d’une désaffection des citoyens pour les joutes cède le pas à la réalité !

Le parti de Marie Le Pen, également présidentiable, n’arrive en tête qu’en Paca, mais il a peu de chance de remporter la région. La formation s’estime la principale victime de l’abstention. Au terme d’une campagne pourtant dominée par les questions sécuritaires, le réveil est brutal pour toutes les grandes figures. Le président de la France Insoumise (FI), Jean-Luc Mélenchon, ne décolère pas sur le recul du devoir civique en France métropolitaine : « Une démocratie sans électeurs, ce n’est plus vraiment une démocratie », déclare-t-il, parlant de « refus de vote », de « grève des urnes ». Selon lui, le gouvernement a une responsabilité éminente dans ce « désert électoral », dû à une carence de fonctionnement de l’État actuel, laminé par des décisions successives qui écornent les libertés individuelles et collectives.

 

Le bon exemple mahorais

 

À hauteur de 60%, le record d’abstention est battu, plus de la moitié des électeurs ont boudé les urnes, une première dans la Vème République. Pour expliquer cette fâcheuse tendance, la presse nationale a pointé du doigt deux bouleversements majeurs, à savoir l’influence des réseaux sociaux et la possibilité de mesurer en continue l’audience de ce qui est publié par les sondages d’opinion. Dans les milieux intellectuels, certains observateurs ne pensent pas toutefois que cette double bascule soit nécessairement génératrice du « désarroi abstentionniste ». Autant dire que la colère, perceptible sur Internet, ne mobilise pas pour les élections régionales.

Qu’en est-il à Mayotte ? Les électeurs et électrices semblent donner l’exemple, avec un taux de participation qui passe de 53% lors du dernier scrutin, en 2015, à 60% en 2021, soit 7 points de plus. Contrairement aux pronostics, le mauvais bilan de la départementalisation n’a pas eu d’impact sur la volonté des électeurs de contribuer à changer les choses par le vote, dans une société minée par de nombreuses crises : économique, sociale, sanitaire et sécuritaire. Le découragement présumé n’a pas eu lieu. La vieille génération, plus politisée, qui vote traditionnellement par fidélité, a rempli son devoir, soit directement dans l’isoloir, soit par procuration.

Au regard des chiffres officiels publiés par la préfecture, le scrutin est à l’image du dynamisme de la jeunesse mahoraise, laquelle représente 60% de la population. La tranche d’âge la plus nombreuse, entre 18 et 30 ans, a manifesté le désir d’imposer ses vues aux aînés. Certains vieux routiers ont d’ailleurs disparu de la scène, emmurés dans le silence à l’heure de la retraite politique. C’est le cas du président du conseil départemental, qui ne se représentait pas dans son canton de Chiconi. Idem pour son prédécesseur, Ahmed Attoumani Douchina, absent dans la circonscription de Bouéni. À Mamoudzou 2, Chihaboudine Ben Youssouf a choisi de soutenir un poulain qui a fait un score honorable.

 

Une nouvelle génération au pouvoir

 

Ces désistements montrent que le changement du personnel politique est à l’œuvre, des élus plus en phase avec les nécessités de leur époque moderne dessinent la nouvelle carte électorale. Excepté le repêchage du député Mansour Kamardine dans le canton de Sada-Chirongui, une nouvelle génération arrive au pouvoir pour parachever le combat de la départementalisation. C’est le principal enseignement qui se dégage du scrutin.

Cette évolution tant attendue est également perceptible au niveau des résultats du premier tour. Le binôme qui l’emporte à Labattoir en est l’exemple parfait. Les autres connaîtront leur sort dimanche prochain, à la suite de négociations de ralliement entre plusieurs formations très localisées. Les partis classiques (LR, MDM, Modem et ce qu’il reste du PS) sont menacés par des compromis difficiles à conclure dans un contexte de défiance envers leurs dirigeants. Les alliances risquent d’être fatales aux candidats sortants. Il est donc présomptueux, à ce stade, de dire qui sera le prochain président du Département, et quel parti sera en position de force pour constituer une majorité de gouvernance pour les six ans à venir.

Après plus d’un an d’absence, les cafés Naturalistes signent leur grand retour à Mayotte

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Crise sanitaire oblige, les Naturalistes de Mayotte ont dû mettre en stand-by leurs conférences mensuelles, qui signent leur retour ce mardi 22 juin au pôle culturel de Chirongui. Le thème évoqué sera celui de la flore mahoraise, un patrimoine à la fois méconnu et menacé. Pour marquer ce come-back d’une pierre blanche, le président de l’association, Michel Charpentier, rappelle l’importance de l’environnement sur un territoire comme l’île aux parfums.

Des récits sur l’histoire environnementale de Mayotte, des débats, des questions-réponses… Oui, les cafés naturalistes signent bel et bien leur retour sur le devant de la scène ce mardi 22 juin à partir de 18h. Exit la Croisette et son spot idyllique en bordure de mer, place au pôle culturel de Chirongui, dont « la salle est davantage propice » à ce type de rencontre selon Michel Charpentier, le président de l’association. Une adresse « plus calme et adaptée pour diffuser des images en diaporama » qui repose toutefois sur quelques incertitudes. « Nous allons tester… Nous verrons pour proposer les deux lieux à l’avenir si nous n’arrivons pas à drainer suffisamment le nord de l’île. »

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Reste donc à croiser les doigts pour que le sujet retenu parle au public. À savoir, la flore mahoraise, un patrimoine méconnu et menacé. « Nous avions l’intention d’en parler depuis un certain temps car le couple qui travaille là-dessus quitte Mayotte courant juillet. » Le hasard du calendrier fait bien les choses, dans un sens. Pour tenter de séduire les curieux de ce rendez-vous mensuel, toutes les attentes reposent donc sur les épaules et le talent oratoire d’Annick Fabre et de Bernard Roche.

 

Une flore en voie de disparition

 

Mais revenons-en à nos moutons. Que dire sur ce thème ? Tout d’abord que la flore mahoraise recense environ 1.400 espèces identifiées ! Dont un nombre relativement important d’indigènes. Pour bien comprendre, il faut savoir « qu’elles sont arrivées ici par leur propre moyen, soit par le vent, soit avec les animaux comme les oiseaux ». Et comme l’île aux parfums est unique en son genre, elle concentre un taux d’indigénat bien supérieur aux autres îles de la région, « même de La Réunion », compte tenu de sa superficie.

Ce choix est loin d’être anodin pour Michel Charpentier. « Vous avez entendu parlé de la régression de la biodiversité, cela la touche particulièrement en raison du défrichement et de la déforestation », rappelle celui qui est dévoué depuis des années à la cause environnementale sur le territoire. « À notre sens, il faut arriver à la protéger d’une manière ou d’une autre. […] Le risque est la disparition des végétations naturelles (flore mahoraise indigène) au profit des espaces cultivées (bananes ou maniocs). »

 

Une urbanisation au détriment des espaces naturels

 

Si le président des Naturalistes a bien conscience de l’importance de l’agriculture dans le 101ème département dans le but de « nourrir le pays », il alerte sur le « contexte démographique énorme » qui grignote toujours plus de terrain pour « construire des équipements collectifs », « avoir des ressources » et « s’installer ». Hors de question pour Michel Charpentier de regarder sans bouger ou interpeller la population. « Tout cela va se faire au détriment des espaces naturels qui sont extrêmement riches au regard de ce que nous trouvons dans l’océan Indien. » D’où vraisemblablement sa volonté de faire signer aux candidats aux élections du conseil départemental la charte d’engagement en faveur de l’environnement dévoilée la semaine dernière. Qui n’a jusqu’à présent pas encore reçu l’effet escompté…

Le cabinet mahorais de conseil au service de l’entrepreneuriat féminin depuis 20 ans

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Le 15 juin dernier, le cabinet mahorais de conseil soufflait ses vingt bougies. L’occasion pour sa fondatrice et gérante, Sanya Youssouf, de rappeler son combat pour le développement de l’entrepreneuriat féminin à Mayotte.

Lorsque le cabinet a été créé en 2001, l’objectif était d’offrir aux entrepreneurs la possibilité de restructurer leurs entreprises et de les accompagner dans leur gestion administrative, sociale et comptable.” Fondatrice et gérante de la société, Sanya Youssouf regarde dans le rétroviseur avec une certaine nostalgie. Une idée de départ qui a bien évolué au cours de ces deux décennies… “En 2009, la cabinet a obtenu la labellisation nationale dans le cadre du dispositif Nacre (Nouvel accompagnement à la création ou la reprise d’entreprise) afin de soutenir les porteurs de projets dans leur démarche de création. Enfin, depuis 2016, nous accompagnons les porteurs de projet demandeurs d’emplois dans le cadre du fonds social européen”, retrace-t-elle, sans buter sur les années passées.

 

800 entreprises et 500 porteurs de projet

 

Depuis la création du cabinet mahorais de conseil, celui-ci a accompagné entre 700 et 800 entreprises mais aussi et surtout plus de 500 porteurs de projet. Parmi ces derniers, 40% d’entre eux étaient des femmes. “En créant leurs entreprises, elles ont créé leur propre emploi ainsi que bien d’autres, ce qui n’est pas négligeable à Mayotte. Il est important de rappeler que ces femmes contribuent énormément au développement de l’île”, affirme fièrement Sanya Youssouf, comme si elle s’en faisait la porte-parole.

Son cabinet de conseil mène au quotidien des actions de sensibilisation auprès des femmes pour promouvoir l’entrepreneuriat. “Nous organisons des réunions d’informations, nous travaillons avec des instituts d’accompagnement, nous essayons d’aider les femmes dans les difficultés qu’elles peuvent rencontrer en se lançant dans un projet entrepreneurial. » Les dispositifs étatiques et européens permettent notamment aux personnes souhaitant démarrer leur activité de bénéficier d’aides et de formations.

 

Des compétences de haut niveau au service du territoire

 

Aujourd’hui, Sanya Youssouf se réjouit de voir des jeunes diplômés entreprendre à Mayotte. “Je rencontre des jeunes femmes avec des formations de haut niveau qui souhaitent créer des activités structurantes pour le territoire. Nous avons besoin de ce potentiel, besoin de diversifier les secteurs d’activités.” Avant de revenir sur une anecdote qui l’a profondément marquée. “Un jour, quelqu’un a dit que la relance de l’économie à Mayotte se ferait avec les femmes et j’en suis persuadée ! Nous devons montrer notre combativité et ne pas avoir peur de nous lancer.

Pas rassasiée pour un sou, Sanya Youssouf analyse avec sobriété tout le chemin parcouru depuis 2001. Sa plus grande fierté, elle, reste indélébile : “C’est lorsque certains des projets que j’ai vu naître sont lauréats lors de concours.” Un message d’espoir et de détermination pour toutes les femmes désireuses de construire un avenir meilleur pour leur île.

Participation, victoire, second tour… les premiers enseignements du scrutin à Mayotte

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Le premier tour des élections a déjà livré ses premières leçons et surtout dévoilé les visages de deux conseillers départementaux à Dzaoudzi, avec le binôme gagnant de Maymounati Moussa Ahamadi et Ali Omar. Pour les 12 autres cantons, il faudra attendre dimanche prochain pour connaître l’issue du scrutin, même si plusieurs figures commencent à émerger.

C’est l’heure de renouveler les 26 conseillers du Département ! Ce dimanche, les Mahoraises et les Mahorais étaient appelés aux urnes pour choisir les binômes qui devront les représenter pour les six prochaines années. Pour cette élection au scrutin binominal mixte majoritaire à deux tours, pas moins de 74 binômes se présentaient dans les 13 cantons. Et à Mayotte, qui a fêté cette année les dix ans de la départementalisation, cette élection revêt une importance particulière.

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Participation stable à 17h

 

Premier élément de preuve : l’intérêt porté par la population, qui s’est traduit par une participation plutôt stable. À 12h, 22,34% des électeurs étaient venus glisser leur enveloppe dans la fente, et à 17h, une heure avant la fermeture des bureaux de vote, ce taux était monté à 50,20%, légèrement en dessous du niveau des élections de 2015 (50,76%). À noter que cette tendance locale est complètement à rebours du scrutin national, marqué par une abstention record : plus de 66% des électeurs ont boudé les urnes, en hausse de 16 points par rapport à 2015 !

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Un binôme victorieux

 

L’autre information à retenir à l’issue de ce premier round : la victoire sur le canton Dzaoudzi Labattoir de Maymounati Moussa Ahamadi, la directrice de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (CRESS), qui faisait équipe avec Ali Omar. Élu sous l’étiquette Nema, le binôme, soutenu par le maire de Dzaoudzi Saïd Omar Oili, a obtenu 53,8% des suffrages, évinçant ainsi de la course la conseillère sortante Fatima Souffou alliée à l’ancien édile Mohamadi Bacari Mcolo (46,2%). Ce résultat définitif dès le premier tour était attendu, dans la mesure où seuls ces deux binômes se présentaient dans ce canton de Petite-Terre.

 

Mansour Kamardine en tête à Sada

 

Scènes de liesse d’un côté du lagon, semi-victoires de l’autre : en cette soirée électorale, les yeux se sont aussi tournés vers Sada, fief du député Les Républicains (LR) Mansour Kamardine qui n’a pas caché ses ambitions en annonçant sa volonté d’occuper le siège de président du conseil départemental. Il n’y est pas encore, mais les premiers résultats le placent déjà en bonne posture pour le second tour avec 27,90% des voix. Quelques points derrière, le binôme composé de Mohamed Abdou et Mariam Saïd Kalame se maintient avec 26,83% des votes. L’ancienne maire Anchya Bamana arrive en troisième position avec 17,62% des voix. Parmi les autres figures attendues lors de ces élections, l’ancien président du conseil départemental Daniel Zaïdani (MDM) qui arrive en tête dans le canton de Pamandzi avec 49,48% des voix, devant Mohamed Ali Hamid, président de la chambre de commerce et d’industrie (35,87%). Et à Dembéni, le conseiller sortant Issa Issa Abdou obtient lui aussi le meilleur score avec 45,63% des suffrages.

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Enfin du côté de la commune chef-lieu, le match est serré. À Mamoudzou 1, le suspens est total, où quatre binômes recueillent chacun plus de 15% des voix. Farianti M’Dallah et El Anrif Hassani (divers centre) caracollent en tête avec 32,21% des suffrages. Les Républicains mènent quant à eux la danse dans le canton 2 grâce au duo Zaidou Tavanday et Zakia Mambo, avec 39,28% des voix devant Laini Abdallah-Boina et Elyassir Manroufou (34,35%). Enfin, à Mamoudzou 3, pas moins de dix listes se présentaient et les premiers résultats plaçaient en pôle position Nadjayedine Sidi et Hélène Pollozec, candidats investis par le parti Le Rassemblement présidé par l’ancien maire de Mamoudzou Mohamed Majani. Issu de l’acuelle mandature, Ali Debré Combo (LR) arrive deuxième, confirmant une tendance générale sur ces élections plutôt favorable au parti de droite. Même s’il faudra attendre le second tour et le jeu des alliances pour faire émerger une majorité.

Des personnes radiées des listes électorales à Mayotte sans aucune explication

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Le tribunal judiciaire de Mamoudzou était également pris d’assaut en ce jour de scrutin. Une centaine de personnes radiées des listes électorales se sont rendues sur place pour trouver une explication logique à ce problème et surtout trouver une solution afin d’accomplir leur devoir civique.

La situation est désormais prévisible à Mayotte. À chaque période électorale son lot d’irrégularités ! Les départementales de cette année ne font pas exception. De nombreuses personnes ont été radiées des listes, à leur grande surprise. Habitant de Ouangani, Bacar Maoulida en est le parfait exemple. « Je suis parti voter ce matin et j’ai découvert que je ne figure plus sur les listes électorales. Je ne comprends pas parce que lors des municipales, j’ai pu voter sans problème et aujourd’hui, je découvre par hasard que je ne peux plus le faire », s’indigne le sexagénaire. Il juge la situation inadmissible et a décidé de faire le déplacement depuis son village de Barakani dans le canton de Ouangani jusqu’à Mamoudzou pour trouver une solution. Mais arrivé sur place, il doit attendre plusieurs heures avant de régler son problème.

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Au total, 120, requêtes ont été receptionnées par le tribunal judiciaire pour des raisons similaires, selon les agents de l’instance. Certains sont arrivés à la première heure, à l’instar d’Ewan Bazil, un habitant de Bandrélé. « Je suis là depuis 7h du matin… », souffle l’homme de 19 ans. Ce dernier avait pensé avoir anticipé, mais il se retrouve dans une situation qu’il n’avait clairement pas prévue. « Je m’étais inscrit sur la liste électorale. Il y a une semaine, on m’a fait savoir que je ne figure pas sur la liste. J’ai donc déposé mon dossier au tribunal depuis quelques jours et aujourd’hui, les agents d’ici me disent qu’ils ne le trouvent pas », s’indigne-t-il. Le jeune adulte se voit donc obligé de monter un nouveau dossier à la dernière minute. Une imbroglio qui oblige ses proches à prendre la route depuis son lieu de résidence pour lui apporter les documents nécessaires.

D’autres ont tout bonnement été changés de canton ! « Moi je vote à Passamaïnty habituellement et aujourd’hui on m’a dit que je devais aller voter à M’tsapéré », raconte une dame à sa voisine de siège. Passamaïnty faisant partie du canton de Mamoudzou 1 et M’tsapéré de Mamoudzou 2, la situation en interroge plus d’un. Mais cette dame n’est pas un cas isolé, au tribunal ce dimanche 20 juin… Les électeurs des trois circonscriptions de Mamoudzou sont les principaux concernés par ce changement inattendu de canton.

 

Des primo-votants majoritaires

 

La plupart des personnes présentes au tribunal ce jour-là sont des primo-votants. Âgés de 18 et 19 ans, ils mettent un point d’honneur à accomplir leur devoir civique. « Je fais tout pour pouvoir voter aujourd’hui parce que c’est la première fois pour moi et j’estime que c’est un devoir. En tant que citoyen, je suis obligé de le faire », s’impatiente Ewan Bazil de Bandrélé. Mais d’autres semblent moins sensibles par le sens de la citoyenneté et font le déplacement jusqu’à Kawéni avec une idée bien précise derrière la tête. « Je suis là pour rectifier ma situation », affirme dans un premier temps une jeune fille âgée de 18 ans. Avant de dévoiler les raisons exactes qui la poussent à absolument déposer son bulletin dans l’urne. « Je dois trouver une solution afin de voter pour la personne que l’on nous a demandés de soutenir… » Déroutant !

Dans une course électorale où tous les coups sont permis officieusement, les stratagèmes sont légions pour obtenir le maximum de voix. Derrière la détermination de ces jeunes se cache plutôt celle des candidats qui espèrent tous avoir une place au conseil départemental.

Le jeu de la drague électorale à Mayotte

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À Mayotte comme dans les autres départements, les campagnes politiques sont des périodes riches en événements. Mais loin des meetings classiques que l’on peut voir en métropole, les candidats de Mayotte frôlent « la drague électorale ». Zoom sur ces éléments de campagne.

« On va faire un vrai voulé aujourd’hui », lance Nadjib*, un carton de 8.5 à la main. Il est 11h, une dizaine de jeunes garçons sont installés à leur spot, dans les rues de M’gombani. Au-delà d’un carton de bières, on leur a posé de la viande et des cuisses de poulet. Le seul repas de la journée pour plusieurs d’entre eux. « Ceux qui veulent se faire élire nous posent ça le matin, c’est comme ça ici, et avec ça ils arrivent à avoir plein de jeunes derrière eux », soupire Rayan*, en ouvrant la première canette. Mais ce matin, parmi ces jeunes, seuls trois sont majeurs, et l’un d’entre eux a déjà prévu de ne pas voter. « À chaque fois qu’il y a les élections on les voit, mais dès que c’est fini, il n’y a plus personne », explique Nadjib, c’est d’ailleurs pour ça que lui ne votera pas. Le schéma se répète élection après élection et pourtant, rien ne change pour eux. « Ils disent tous qu’ils vont nous aider quand ils seront élus et pourtant, on galère toujours. » Comme ces jeunes, des dizaines et des dizaines de groupes se font approcher par des candidats qui espèrent obtenir le maximum de voix sur l’île. Un combat qui semble perdu d’avance chez certains, mais peut être le début d’une volonté d’engagement pour d’autres. Un engagement qui reste superficiel, ne se basant pas sur des idées, mais sur celui qui aura le plus donné. À manger, une voiture, de la peinture pour la maison, la drague électorale s’habille différemment pour s’adapter aux besoins des votants.

« Meeting ou concert ? »

Quelques heures après le lancement du fameux voulé, le groupe de jeunes voit l’installation d’un podium devant la MJC de M’gombani. Des chaises par dizaines y sont aussi installées. Barrières, décorations en masse, les jeunes rient à gorge déployée. « Meeting ou concert aujourd’hui ? », demande Amir*, comme si toute cette campagne n’était qu’un jeu à leurs yeux. « Dimanche dernier, ils avaient même ramené Walter, comme si ceux qui écoutent Vibes sont ceux qui votent », se désespère Nadjib. Toutefois, le groupe comprend cette façon de faire. « Ma mère, si un candidat lui donne quelque chose, elle votera pour lui. La politique ça l’intéresse pas mais elle se dira qu’il mérite, comme il lui a donné », soutient Ahmed*, qui, du haut de ses 18 ans, s’apprête à voter pour la toute première fois. S’il a choisi son candidat, il ne dira pas qui est l’heureux élu. « Ce n’est pas ceux qui nous donnent des bières en tout cas. » Il commence par sourire puis se désole de la situation. « Là ils font des meetings, on dirait des soirées, on ne sait même pas ce qu’ils vont faire pour nous après. Ils sont juste contents parce qu’il y a du monde. » Le jeune homme déplore cette situation qu’il voit depuis des années. « À 13 ans j’étais déjà bourré avec les bières des élus, pourtant aujourd’hui je ne vote pas pour eux », conclut-il, visiblement excédé par le phénomène.

 

L’amour par porte-à-porte

 

La drague électorale ne s’arrête pas là. Mayotte étant une petite île où « tout le monde se connaît », les candidats prennent le temps de faire du porte-à-porte pour se présenter aux familles. Mais loin de présenter leur programme lors de ces tournées, ils viennent se présenter en tant que personne. « Il y en a un qui est venu chez ma mère hier et elle était presque honorée de le recevoir et je suis sûr qu’elle va voter pour lui », craint Rayan, conscient que ce n’est pas comme ça que les conditions de vie vont s’améliorer pour les habitants du territoire. Ce porte-à-porte est d’autant plus important pour les candidats cette année, puisqu’ils ont dû faire face à des restrictions en termes de meeting, au vu de la situation sanitaire. Toutefois, le fond des programmes ne semble pas avoir été plus creusé que les années précédentes, comme si l’ensemble des Mahorais votent plus pour un candidat… que pour ses idées.

* Les prénoms ont été modifiés.

Sénateur Thani Mohamed Soilihi : “Ni le département et encore moins la région n’ont été aboutis”

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Le toilettage institutionnel est l’un de ses fers de lance. Car, depuis sa départementalisation, la collectivité unique de Mayotte doit également exercer des compétences régionales, mais sans recevoir les dotations prévues à cet effet. Une ambivalence qui, selon le sénateur Thani Mohamed Soilihi (LREM), expliquerait le retard de l’île dans plusieurs volets.

Mayotte Hebdo : En 2019, vous présentiez vos travaux sur l’évolution institutionnelle de Mayotte devant le conseil départemental. Pourquoi une réforme en la matière est-elle nécessaire selon vous ?

Thani Mohamed Soilihi : Sur le papier, Mayotte est un département-région, ou en d’autres termes, une collectivité unique, et c’est la première du genre ! C’est une création faite sous la présidence de Sarkozy, qui envisageait une réforme des collectivités afin de faire disparaître l’échelon départemental, mais il n’a pas pu le faire avant la fin de son mandat.

Mayotte est le seul département français dans le secteur du canal du Mozambique, alors il fallait naturellement lui adjoindre une région. Mais le choix a été fait de ne pas faire comme à La Réunion, où il y a une région d’un côté et un département de l’autre, mais plutôt de faire une seule et même collectivité au sein de laquelle seraient exercées les compétences des deux collectivités, donc à la fois départementales et régionales. Et c’est toujours le cas aujourd’hui, du moins sur le papier. C’est d’ailleurs à cette question que les Mahorais avaient répondu “Oui” à plus de 95% : “Voulez-vous que la collectivité de Mayotte devienne un département d’Outre-mer qui exerce à la fois les compétences dévolues aux DOM et celles dévolue aux régions d’Outre-mer ?”. Mais dans les faits, ni le département et encore moins la région n’ont été aboutis.

Les compétences régionales n’ont été exercées qu’au fur et à mesure : tout ce qui concerne l’ARS, Pôle Emploi, les constructions scolaires du secondaire, tous ces champs de compétence en principe exercés par la région ne reçoivent pas à Mayotte les dotations automatiques qui vont avec. Les dotations sont calculées au prorata de la population, qu’il s’agisse de la commune, de l’intercommunalité, du département ou de la région. Pour Mayotte, il n’y a pas de dotations régionales dévolues à un budget chaque année. La seule chose qui est prévue c’est que les compétences effectives, comme celles citées plus tôt, font l’objet d’un accompagnement par l’État. Pour les constructions scolaires par exemple, ce sont des fonds débloqués spécifiquement par Paris. Mais cette situation ne peut pas être satisfaisante : tous les ménages privés ont besoin de savoir de quelle somme ils disposent chaque mois, alors quand vous êtes une région, que vous êtes censés chapeauter le département, et que vous ne savez pas de quel budget vous disposez à l’année, ça pose un sérieux problème. Du coup, on se retrouve chaque année à mendier en quelque sorte pour que chaque projet aboutisse. Ce qui est dramatique, c’est que cette mendicité est valable aussi pour les autres collectivités. Aujourd’hui, les maires qui ont des projets, qui veulent par exemple refaire la peinture dans leur commune, sont obligés d’aller demander des bouts de financement par-ci par-là.

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MH : Pourquoi, alors, votre projet de loi de toilettage institutionnel n’a-t-il jamais abouti ?

T. M. S. : Il n’a jamais été discuté ni à l’Assemblée, ni au Sénat. C’est un projet qui a fait l’objet de travaux dirigés par le président Soibahadine Ibrahim Ramadani avant d’être confié aux parlementaires. Moi j’étais celui qui m’en suis saisi et qui, à l’appui de ces travaux, a préparé et déposé deux propositions de loi au Sénat. Mais ils n’ont jamais fait l’objet de discussions parce que l’idée était qu’il y ait des échanges entre les collectivités, le département, les parlementaires et l’État pour déterminer ce qui était faisable ou non, ou ce qui devait attendre. Mais il n’y a pas eu d’unanimité auprès des parlementaires pour faire avancer ces propositions de loi. Or, sur ce genre de question, il faut être unanimement d’accord, on ne peut pas se permettre de ne pas avoir d’accord sur quelque chose d’aussi important et d’aussi structurant pour le département. D’ailleurs, en 2014, à la demande du président Zaïdani, il y avait eu un projet similaire, où il avait demandé aux parlementaires de changer le mode de scrutin et d’augmenter le nombre d’élus de la collectivité et je m’étais emparé du sujet de la même manière, j’avais préparé une proposition de loi et la commission des lois du Sénat avait commencé à l’examiner mais pendant l’examen, d’autres élus mahorais, dont Soibahadine qui était devenu président du conseil départemental entre temps, avaient écrit au président de la commission pour dire qu’il fallait stopper ce projet parce que Mayotte n’était pas encore prête.

MH : Aujourd’hui encore, nombre de figures politiques locales s’opposent à ce toilettage…

T. M. S. : Je ne l’explique pas. Je crois qu’avec une telle réforme, on aurait pu voir plus clair dans les projections politiques de Mayotte puisque le changement du mode de scrutin départemental aurait fait qu’au lieu de se pointer devant les électeurs avec 13 binômes, on se présenterait avec des listes, comme pour les élections municipales, avec un programme et une gouvernance annoncée. Alors que là, une fois le président élu, il faut élire les conseillers départementaux puis se réunir, dans un troisième temps, pour former une majorité et s’accorder dans un quatrième temps pour définir un programme politique à mener. Ce qui me semble complètement absurde puisque cela ne donne pas un cap clair dès le départ et ne permet pas non plus d’avoir des compétences et des dotations claires. Tout ça est de nature à handicaper le département, voire même à faire dépendre plus qu’il n’en faut les élus locaux de l’État. À Mayotte, les élus du département dépendent excessivement de l’État et du préfet à cause de ça !

Pour les constructions scolaires par exemple, une dotation est prévue dans le cadre du plan de convergence à hauteur de 500 millions d’euros sur trois ans. Mais pour d’autres projets ou secteurs, c’est exclusivement à la demande, donc il faut lancer un appel à projet pour obtenir des dotations de la préfecture. Donc ça n’a rien d’étonnant de voir que les choses mettent parfois du temps à avancer… Cela féodalise les élus vis-à-vis du préfet. Pour moi, une bonne partie du retard de l’île est dû à ça.

MH : En ce sens, un tel projet de loi n’est-il pas susceptible d’éloigner davantage Mayotte de Paris en termes de gouvernance, comme certains le craignent ?

T.M. S. : Mayotte est liée à la France par la Constitution et par la volonté des Mahorais. Et rien de ce qui n’était proposé dans le toilettage institutionnel ne remettait cela en cause. Il ne s’agit pas de toucher au statut de Mayotte, puisqu’on ne peut pas le faire sans passer par la voie d’un référendum.

On n’était pas obligé de tout garder dans le projet de toilettage, mais si déjà on changeait le mode de scrutin et qu’on augmentait le nombre d’élus, ils seraient suffisamment nombreux pour s’occuper des compétences départementales et régionales… C’était d’ailleurs le projet du président Zaïdani, qui projetait de passer de 26 à 39 conseillers départementaux. Cela peut paraître beaucoup aux yeux de certains, mais ça ne l’est pas lorsqu’on regarde dans les autres collectivités. En Guyane, collectivité unique où le nombre d’habitants est similaire à celui de Mayotte, il y a 51 élus… Je ne vois pas où est le risque ou le danger pour notre territoire. Ce que je déplore, c’est qu’on ne fait pas les choix minimaux qui permettraient à cette île d’avoir un cap clair et d’avoir une projection cohérente et précise.

J’espère que les prochains élus départementaux vont très rapidement faire ce travail d’évolution institutionnelle et que pour la prochaine élection, on n’aura plus un processus en trois ou quatre temps. Cela permettra aux prochains candidats de se préparer à former des listes et un programme. Aujourd’hui, les binômes proposent des programmes que je trouve très bien mais qui ne sont pensés qu’à l’échelle de leur canton. Cela revient à imaginer la même piscine départementale pour chacun de ces cantons… Ce sont souvent les mêmes programmes démultipliés sur les 13 circonscriptions, ce n’est pas cohérent, alors que chaque liste, chaque groupe devrait réfléchir pour l’île entière, mais avec le système actuel on se l’interdit. À titre d’exemple, les candidats de Sada n’échangent pas avec les candidats de M’tsamboro, même s’ils sont du même parti…

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Une charte d’engagement destinée aux candidats des départementales pour agir dès demain

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À la veille des élections départementales, l’association Nayma a souhaité rappeler ce jeudi 17 juin aux candidats l’importance de la question environnementale sur l’île aux parfums, mais aussi leur permettre de s’engager pour cette cause via une charte.

Dans le 101ème département, l’enjeu environnemental est loin de faire partie des priorités. Alors pour tenter de changer les mentalités des prochains élus de la collectivité, plusieurs acteurs associatifs (Nayma, Oulanga Na Nyamba, Yes We Can Nette, Les Naturalistes, Mayotte Nature Environnement, Régie de territoire de Tsingoni ou encore Tifaki Hazi) ont décidé de se réunir autour de la table et de tirer, ensemble, la sonnette d’alarme. Comment ? En paraphant ce jeudi 17 juin la première charte d’engagement en faveur de l’environnement des candidats aux élections du conseil départemental. “Il est urgent d’agir. Le Département a vocation à donner un coup de pouce à l’environnement”, insiste Emmanuelle Martin, la vice-présidente de l’association Nayma. Avant de faire un appel de pied en cette période électorale. “Nous invitons [ceux] qui le souhaitent à nous contacter pour [la] signer et ainsi placer l’environnement comme objectif du territoire pour les six ans à venir.

 

Protéger ce qu’il reste à protéger

 

Pour les signataires de cette charte, il est important de rappeler aux prétendants qui souhaitent siéger dans l’hémicycle que la protection de l’environnement doit se traduire dans les politiques publiques. “Il y a plein de questions prioritaires à Mayotte. Mais il est clair que si nous continuons dans la dynamique qui est en cours en ce qui concerne l’environnement, la situation pourrait devenir critique à l’horizon de dix ans” , déplore Michel Charpentier, le président des Naturalistes de Mayotte. “Des solutions existent ! Nous nous devons de protéger ce qu’il reste à protéger tant qu’il est encore temps. Plus nous attendrons, plus cela va nous coûter cher de sauver ce qui peut l’être

 

Rétablir le cycle de l’eau

 

Pour cet habitué du territoire, les hommes et femmes politiques ne devraient plus prendre à la légère les questions environnementales car la mauvaise gestion des ressources entraîne de multiples répercussions que ce soit sur le plan écologique, sanitaire ou encore économique. “Pour planter un hectare de padza, cela coûte 250.000 euros. Il serait plus pertinent d’investir cet argent dans la formation et la sensibilisation des agriculteurs à la préservation des sols et à l’agriculture raisonnée. Nous rétablirions alors le cycle de l’eau qui infiltrerait à nouveau les sols et serait disponible dans les nappes phréatiques”, relate-t-il en bon professeur.

 

Concilier développement et préservation de l’environnement

 

Les présidents des associations environnementales réunis le 17 juin rappellent que lorsque l’on se tourne vers un développement durable, l’aménagement n’est pas incompatible avec la préservation de l’environnement. “Les politiques ne doivent pas nous voir comme un frein à leur projets. Nous pouvons être là pour les conseiller ou les accompagner dans les concertations sur des projets. Notre objectif n’est pas de mettre la nature sous cloche, mais de voir se développer des aménagements qui concilient nature, humain et activité économique. Il y a des territoires qui y arrivent très bien, je ne vois pas pourquoi Mayotte n’y arriverait pas”, affirme Emmanuelle Martin, la vice-présidente de l’association Nayma. Reste à savoir si cette charte fera réellement bouger les lignes ou si elle ne sera qu’un nouveau coup d’épée dans l’eau…

➡️ VOIR LA CHARTE D’ENGAGEMENT EN FAVEUR DEL’ENVIRONNEMENT

Zena Airlines : les chiffres et les raisons d’y croire

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Depuis plus de six mois, les frères Novou dévoilent petit à petit leur stratégie dans l’optique de lancer officiellement leur compagnie aérienne locale au premier semestre 2022. La présentation de ce jeudi 17 juin, en collaboration avec Airbus Consulting, vient apporter de nouveaux éclaircissements sur la fiabilité et la nécessité du projet.

Sur le tarmac, prêt à décoller ! S’il fallait faire une métaphore pour résumer le projet de la compagnie aérienne Zena Airlines, ce serait bien celle-là. Et ce n’est pas l’étude sur les opportunités de développement de la desserte aérienne à Mayotte, présentée en complément de celle du conseil départemental de novembre dernier par Airbus Consulting ce jeudi 17 juin, qui fera penser le contraire. L’idée ? « Identifier et illustrer statistiquement les marchés repoussés à plusieurs années. »

Des chiffres, ce n’est pas ce qu’il manque lorsqu’il s’agit de démontrer par A + B le besoin essentiel pour le 101ème département de jouir d’une entreprise de transport aérien locale. Et ce, pour plusieurs raisons. Premier enseignement : le nombre de déplacements par résident mahorais est inférieur au produit intérieur brut par habitant. « La desserte est contrainte et de moins bonne qualité », joue carte sur table Clélia Giry pour le compte du mastodonte toulousain. En 2019, les autres DROM-COM avaient une propension à voyager en moyenne deux fois plus élevée (1.55) qu’à Mayotte (0.75). À titre d’exemple, Mayotte se situe au même niveau que la République de Guinée…

À elle-seule, la métropole concentre 35% du trafic au départ de Mayotte. Sauf qu’un passager sur deux effectue une correspondance pour s’y rendre. Un « indicateur fort », synonyme d’une « demande insatisfaite » et de « marchés sous-desservis », précise Gabriel Hanot. Il n’est pas question ici de sortir « l’excuse » de la longueur de la piste, qui n’est pas « pertinente », puisque les compagnies aériennes actuelles effectuent toutes une escale technique pour rejoindre l’Hexagone, ce qui s’apparente à un vol direct.

 

Une desserte instable

 

Non, la véritable explication consiste simplement à dire que l’île aux parfums est moins bien reliée que de nombreux territoires ultramarins et destinations voisines, tant en termes de sièges offerts (60.000 par an) qu’en nombre d’opérateurs directs (un seul avec Air Austral contre « cinq dans les Caraïbes »). « Le nombre de sièges s’améliore, mais il est en dent de scie car la desserte n’est pas stable », continue le consultant senior. À ce jour, les frères Novou aspirent à doubler ce nombre et ainsi faciliter l’augmentation des déplacements vers la l’Hexagone. « Les compagnies qui n’ont pas de lien avec Mayotte obéissent à leur propre stratégie de réseau. » Ces fluctuations se démontrent avec les choix de XL Airways et Corsair, revenue sur le territoire en décembre dernier pour cette dernière après deux ans d’arrêt.

Conséquence : en l’absence de concurrence stable, les tarifs explosent. Le prix au kilomètre s’élève à 0.072 euros pour les passagers du 101ème département, contre 0.051 euros pour ceux des autres DROM-COM. En proie à une situation de monopole, Nouméa vit le même cas de figure que Dzaoudzi. Mais l’exemple récent de la Polynésie française vient prouver que l’arrivée d’une nouvelle compagnie aérienne sur le marché peut rebattre les cartes ! « À partir de 2018, le prix des billets d’avion a chuté de 41%, passant de 1.097 euros à 645 euros », rappelle Clélia Giry. Depuis, le nombre de touristes a grimpé de 20% sur cette destination. « Ce même scénario est attendu ici. »

Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, on peut également s’attendre « à une forte stimulation du fret aérien, qui contribue à l’équilibre financier ». Une manière de « diversifier ses sources de revenu à hauteur de 10% du chiffre d’affaires total ». À l’heure actuelle, Mayotte comptabilise 120 tonnes transportées pour 10.000 habitants, contre 310 dans les autres territoires ultramarins. Un écart considérable sachant toutes les peines encourues de ce côté-là en temps normal et plus particulièrement durant la crise sanitaire. Or, il existe « une forte demande du marché cargo dans la région Grand Sud de La Réunion qui souhaite exporter un grand nombre de fruits et légumes », confie Régis Novou. D’où la volonté d’ouvrir une ligne avec l’aéroport de Pierrefonds, qui possède un fort potentiel de croissance.

Indépendamment de toutes ces annonces, l’impact de Zena Airlines peut s’avérer tout aussi positif pour les porte-monnaies du département. « Un billet à 740 euros, acheté auprès d’une compagnie aérienne locale, aura 312 euros de retombées pour l’économie mahoraise », indique la consultante d’Airbus Consulting. Même son de cloche concernant l’emploi. L’étude table sur près de 800 embauches : 100 directes, 160 indirectes, 119 induites et 397 catalytiques dans le secteur du tourisme. « Le développement du transport aérien va participer au développement de toute l’île », conclut Julien Novou, qui espère voir l’offre hôtelière suivre. Avec un envol prévu au premier semestre 2022, ça décoiffe déjà dans toutes les têtes !

 

Zena Airlines, une entreprise éco-responsable

 

Le transport aérien au service de l’environnement. L’image peut prêter à sourire et pourtant c’est bel et bien le désir des frères Novou. « Si une entreprise de premier plan ne prend pas en main cette problématique, qui le fera ? Les institutions ne suffisent pas », insiste Régis, qui apporte une attention toute particulière à cette cause. Ainsi, la compagnie souhaite fédérer la population aux enjeux environnementaux en lien avec le tissu associatif et créer un service de système de management à l’environnement directement rattaché à la direction générale. Mais surtout, elle compte mettre en place des suivis éco-responsables des partenaires, mener des politiques d’actions en local et à l’international – « dans la forêt du Gabon ou en Amazonie par exemple » – et intégrer la norme ISO 14001 sous trois ans, qui « oblige l’entreprise à toujours s’améliorer ». Si en plus de permettre aux Mahorais de voyager plus sereinement, Zena Airlines s’engage de manière pérenne sur le chemin de l’environnement, elle risque de convraince les derniers sceptiques au projet.

 

Quels avions pour la compagnie aérienne ?

 

« Nous sommes encore au stade des demi-finales », sourit Régis Novou. Quatre avions sont encore en lice. Le A330 et le B787 présentent « les mêmes avantages et inconvénients ». Ainsi, il faudrait retirer quelques sièges pour voler en direct vers Mayotte et réaliser une escale vers la métropole. Le B737 et le A321 ont un rayon d’action beaucoup plus restreint et exigent des escales à l’aller et au retour. Toutefois, « les coûts d’utilisation sont plus faibles puisqu’ils demandent moins de carburant et de personnel naviguant ». À l’heure actuelle, aucune décision n’est arrêtée. « Un appareil d’avant crise Covid nous revient désormais au prix de trois », souligne Julien Novou. Une option reste définitivement sur la touche : Zena Airlines ne volera pas avec des avions neufs, en raison d’un carnet de commande saturé jusqu’en 2027. La compagnie aérienne procédera à du leasing.

Sensibiliser sur la gestion durable des mangroves, la priorité de l’UICN

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Samedi dernier, acteurs associatifs et institutionnels étaient réunis dans les locaux de la communauté de communes du Sud à Bandrélé pour une matinée au cœur des mangroves mahoraises et leurs enjeux.

Chaussez vos bottes en caoutchouc, c’est parti pour découvrir la mangrove ! Après une visite ce samedi 12 juin à Bandrélé, place à une session d’échanges et de sensibilisation organisée dans les locaux de la communauté de communes du Sud dans le but d’évoquer la gestion durable des 735 hectares de biome. À Mayotte, cet écosystème gigantesque abrite pas moins de 7 espèces de palétuviers, 58 de poissons, 43 d’oiseaux, 15 de crabes et 2 de chauve-souris. Un petit monde qui vit entre terre et mer et qui évolue au gré des marées.

Sauf que cet habitat unique subit de nombreuses pressions sur les rives qu’il occupe ! Pression démographique, agriculture, aléas météorologiques… Autant d’attaques extérieures qui mettent à mal l’équilibre fragile de ce milieu. Par le biais d’actions de sensibilisation, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et les acteurs environnementaux de Mayotte espèrent pouvoir sauvegarder cette forêt en péril.

 

Protéger, préserver, restaurer

 

Essentielle à l’équilibre du lagon, la mangrove a de nombreuses fonctions. Primo, elle comporte un intérêt majeur vis-à-vis de la biodiversité, en particulier en matière de ressource halieutique. Deuxio, elle sert de pouponnière aux poissons mais aussi de lieu de vie aux tortues juvéniles. Terzio, elle protège la côte des intempéries et des marées. Par ailleurs, elle constitue un puit de carbone, stocké majoritairement dans l’humus des sols. Et par dessus tout, elle offre aussi une ressource économique pour les communautés locales. C’est pourquoi aujourd’hui, des institutions comme l’UICN mettent en avant sa protection, sa préservation et sa restauration.

Premier pas de la restauration de mangrove avec le diagnostic. L’objectif ? Étudier en profondeur cet écosystème de marais maritime afin de le comprendre. Tout d’abord, il faut établir l’origine de la perturbation ou de la dégradation, se demander si celle-ci est irréversible, définir les objectifs de la restauration mais aussi le degré d’implication des acteurs locaux ou encore les conditions du milieu. « Lorsque nous avons établi un constat et qu’une restauration de la mangrove est possible, nous sommes face à deux solution : la colonisation naturelle ou la plantation de palétuviers”, dévoile Grégoire Savourey, chargé de mission biodiversité de l’océan Indien à l’UICN de Mayotte.

 

La colonisation naturelle privilégiée

 

Avant de rentrer plus en détails sur ces deux approches. “La priorité est toujours donnée à la colonisation naturelle. Nous apportons des aménagements aux sites afin de restaurer l’hydrologie et l’hydrodynamique de ceux-ci pour permettre à la mangrove de prospérer à nouveau. Nous préconisons cette méthode car nous ne ferons jamais mieux que la nature. En revanche, quand celle-ci échoue nous devons nous tourner vers la plantation de palétuviers pour restaurer la forêt. Pour cela, il faut choisir, collecter et stocker les propagules*. Il faut ensuite les mettre en pépinière puis les planter”, précise-t-il. Seul souci : l’intervention humaine se révèle être une option à la fois coûteuse et contraignante. Pour la simple et bonne raison que les pépinières doivent être mises en place directement à l’intérieur de la mangrove…

Peu importe la démarche employée, l’association Nayma, le groupe d’actions locales de l’Ouest et du Grand Sud ou encore l’UICN prônent coûte que coûte une gestion durable des mangroves mahoraises afin de préserver le patrimoine naturel de l’île aux parfums.

*Élément pluricellulaire permettant à une plante de se reproduire.

Les personnels de l’ARS et du CHM en grève… encore une fois

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On ne compte plus le nombre de grèves menées par les personnels de l’agence régionale de santé et ceux du centre hospitalier de Mayotte. Ce jeudi matin, la CFDT était une nouvelle fois à la tête d’une manifestation qui incluait certains agents du CHM et de l’ARS. Leurs revendications restent quasiment inchangées au fil des mouvements, mais la communication semble rompue avec les directions.

Ils étaient une petite vingtaine à avoir répondu à l’appel de la CFDT. Les personnels du CHM et de l’ARS seraient-ils lassés par ces manifestations à répétition ? Une chose est sûre, ceux qui étaient présents étaient déterminés à se faire entendre. Après avoir campé sur la place de la République puis tourné autour du rond-point Zéna M’déré à Mamoudzou, les grévistes ont marché jusqu’à l’ARS de Mayotte, banderoles au poing. « Nous n’avons pas de revendications salariales. Elles sont plutôt liées aux conditions de travail, aux infrastructures nécessaires pour mieux accueillir la population, ou encore aux formations médicales et paramédicales », insiste le secrétaire général de la CFDT Mayotte, Ousseni Balahachi, selon lequel cette grève est faite au nom de tous les habitants de l’île.

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Des revendications qui ne diffèrent d’ailleurs pas beaucoup de celles réclamées lors des précédents mouvements. Et se résument en tout et pour tout en cinq demandes formulées à l’ARS. Parmi elles, un organigramme “digne d’une ARS de plein exercice”, la finalisation de l’intégration des agents de l’ARS, et la formation des personnels de santé. Du côté du CHM, les requêtes sont plus nombreuses. Douze pour être exact. La CFDT souhaite la planification des travaux d’extension du CHM et du deuxième hôpital, le maintien du service de la médecine à Pamandzi, ou encore la réalisation des travaux d’urgence, pour ne citer qu’eux.

Le pire, selon Ousseni Balahachi ? La souffrance dans laquelle cravachent les personnels du CHM et de l’ARS à cause de la surcharge de travail. « En radiologie, il devrait y avoir un effectif de 18 personnes alors qu’ils ne sont que 9 et bientôt ils passeront à 7. Il n’y a plus d’ophtalmologue au service d’ophtalmologie, et ils sont en train de démanteler le service de psychiatrie. Pensez-vous vraiment qu’on peut se permettre de ne pas avoir de service de psychiatrie à Mayotte ? », martèle le secrétaire général de la CFDT. S’ils ne sont pas entendus par les directions tour à tour pointées du doigt, ce dernier l’assure, les conséquences se feront rapidement ressentir auprès des malades. « Dans toute cette histoire, il va avoir des victimes », redoute-t-il.

 

Dialogue rompu ?

 

Prêts à en découdre, les grévistes se sont donc dirigés jusqu’à l’agence régionale de santé, et l’accueil qui leur a été réservé n’a pas été des plus cordial. À leur arrivée, une horde de policiers étaient postés devant l’entrée pour les empêcher de pénétrer dans l’enceinte. « Maintenant, ce sont les policiers qui assurent l’intérim de la direction de l’ARS ! », persifle Ousseni Balahachi, quelque peu agacé. Les manifestants avaient espéré être accueillis par Dominique Voynet pour entamer des négociations, mais cette dernière a préféré s’abstenir. Agacée, elle aussi ? Malgré nos tentatives répétées, la directrice de l’ARS Mayotte n’a jamais donné suite à nos sollicitations. Le groupe de grévistes ne s’est pas rendu à l’hôpital, mais selon le CHM, la direction aurait tenté des négociations. « Le directeur est en déplacement en dehors du territoire. Les syndicats ont refusé de parler avec celui qui le remplace. Ils ne veulent négocier qu’avec le directeur alors il fera une réponse à son retour la semaine prochaine », assure le service de communication de l’établissement.

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L’absence de dialogue avec les deux directions pousse la CFDT à renouveler le mouvement de grève. Un préavis sera déposé pour une manifestation le jeudi 24 juin. « Cela ne nous fait pas plaisir de manifester constamment, mais leur politique est basée sur des promesses qui ne voient jamais le jour », soutient Ousseni Balahachi. Il ne perd pas espoir, ses collègues et lui feront tout pour obtenir gain de cause. Mais pour cela, ils admettent avoir besoin d’une mobilisation plus massive et générale. La CFDT appelle toute la population et tous les professionnels de santé libéraux à rejoindre le mouvement. Peut-être arriveront-ils à se faire entendre…

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes