La fin de l’année scolaire approche et une grande partie des élèves de terminale savent désormais vers quelles études supérieures ils vont s’orienter. Cette année, deux jeunes mahorais font partie des heureux et rares lycéens admis à Sciences Po. Farouk Kourati du lycée des Lumières et Oumaya Abdallah du lycée Younoussa Bamana se préparent à entrer dans un monde qu’ils n’imaginaient même pas il y a encore quelques mois.
Farouk Kourati se souvient exactement du jour et de l’heure à laquelle il a reçu la bonne nouvelle. Sciences Po, il en rêvait. Il a tenté sa chance sans jamais songer à faire partie des heureux élus. Alors, lorsqu’il reçoit la notification de Parcoursup le 2 juin à 6h du matin, il a du mal à réaliser. « J’étais content, mais dans un premier temps, je ne me rendais pas compte de l’ampleur que cela représentait. Je l’ai annoncé à mes parents qui étaient très contents aussi. Quand je suis arrivé au lycée, j’ai reçu les félicitations des proviseurs et des professeurs. C’est en voyant leurs réactions que j’ai compris qu’il s’agissait d’une nouvelle importante pour moi-même, mais aussi pour mon établissement et Mayotte », raconte le jeune homme, encore nostalgique.
Sciences Po était son premier vœu sur Parcoursup, mais Farouk Kourati s’était déjà préparé à ne pas être admis. « J’avais en tête que l’échec faisait partie du jeu et j’envisageais aussi d’aller en prépa. Pour moi, Sciences Po n’était pas une fin en soi, mais plutôt un moyen d’atteindre mes objectifs », précise le lycéen, qui va poursuivre ses études à Reims. Par la suite, le jeune homme a pour ambition de passer les concours de la haute fonction publique. D’ailleurs, il s’y prépare depuis son année de première en ayant choisi des spécialités orientées vers les sciences politiques et la géopolitique. Farouk Kourati est conscient de tout le travail qui l’attend, mais il se dit motivé et il est même prêt à sacrifier ses loisirs durant ses études pour y arriver.
L’élève du lycée des Lumières n’est pas le seul Mahorais à avoir été accepté à Sciences Po pour la prochaine rentrée scolaire. Scolarisée au lycée Younoussa Bamana, Oumaya Abdallah fait également la fierté de ses professeurs et de sa famille. Ce sont eux qui l’ont poussée à passer les concours pour la prestigieuse école. « J’avais énormément de doutes parce que je savais que pour être admis à Sciences Po, il fallait d’excellentes notes, et moi je suis autour de 16-17 de moyenne », avoue-t-elle. Malgré ses doutes, la jeune fille réussit la phase d’admissibilité et s’envole pour l’île de La Réunion afin de passer son oral. « J’étais la seule Mahoraise et j’avais peur de ne pas être prise. Je me disais que ma candidature serait moins intéressante », raconte-t-elle. Ce ne fut pas le cas puisqu’elle passe toutes les étapes avec succès. Aujourd’hui, Oumaya Abdallah n’a plus de doutes et voit encore plus grand. « J’envisage d’intégrer l’Ena par la suite ou faire un master en affaires internationales ou relations internationales pour travailler dans le milieu de la diplomatie », espère celle qui va prendre la direction de Bordeaux dans un premier temps.
Des rêves et de grandes ambitions pour Mayotte
Les deux élèves sont conscients de tout l’engouement autour d’eux. Ils représentent l’espoir d’une jeunesse qui contribuera au développement du département et prennent déjà leur mission à cœur. « Je suis engagée dans la vie associative depuis le collège. Je suis membre d’une association sportive et éducative à Doujani et je fais aussi partie du jeune club des Naturalistes de Mayotte. J’ai participé au concours des jeunes ambassadeurs de Mayotte, dont je fais désormais partie », précise Oumaya Abdallah, qui compte continuer à faire briller son île natale au-delà de ses frontières. « Je vais parler de Mayotte à travers les associations dans lesquelles je devrai m’engager. Tout ce que je vais acquérir en métropole et à l’étranger me permettra de contribuer au développement de Mayotte », assure la lycéenne pour encore quelques semaines.
Idem pour Farouk Kourati, très engagé dans la vie associative. Ce critère est d’ailleurs une obligation pour être accepté à Sciences Po. Le jeune homme profite de l’occasion pour faire passer un message à la jeunesse du territoire. « Ici, il y a une vision qui nous mène à nous autocensurer parce qu’on nous dit qu’on n’a pas le niveau exigé pour les écoles prestigieuses et on se dit que finalement on ne peut pas. Les adultes nous disent parfois de ne pas nous aventurer dans ces choix parce qu’on va échouer. Ils en font une réalité alors qu’à Mayotte il y a pleins de jeunes talentueux », relate l’adolescent, qui a une vision très lucide sur les clichés attribués à la jeunesse mahoraise. « Rien ne me prédestinait à postuler pour Sciences Po, et pourtant je l’ai fait et j’ai été accepté. Je suis convaincu que les futures générations pourront davantage accéder à ce type d’écoles et aller plus loin que ça. Il faut tenter sa chance et ne jamais douter ! », lance le futur étudiant. Finalement, nos jeunes mahorais ont aussi des têtes bien faites et savent nous faire rêver.
Montées dès 4h du matin par les populations de plusieurs villages, des barricades ont bloqué de nombreux automobilistes sur le chemin du travail toute la journée de lundi. En parallèle de cette mobilisation, une réunion avait lieu avec les élus de la communauté de communes du centre-ouest (3CO), mais les collectifs de citoyens n’ont pas obtenu les garanties espérées.
Journée noire sur les routes de Mayotte. Ce lundi, le centre de l’île a été partiellement bloqué par au moins six barrages à Combani, Coconi, Sada, Miréréni, Tsingoni et Tahiti plage. Dès 4h du matin, les images des files de voiture à l’arrêt devant des monticules de pneus, troncs d’arbre et autres branchages ont fait le tour des réseaux sociaux. À l’initiative de cette opération de grande ampleur, la mobilisation de la population des différents villages du centre, Combani, Chiconi, Sada ou encore Ouangani, soutenue par les collectifs de citoyens. Tous sont excédés par l’insécurité qui gangrène le territoire et qui a, une fois de plus, provoqué la mort d’un homme samedi, à Combani.
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“Apparemment leurs revendications c’est plus de sécurité. Les barrages sont coordonnés par le collectif de citoyens et une dame avait l’air de dire que c’était illimité…”, témoigne un automobiliste qui s’est retrouvé bloqué au carrefour Bamana à Sada, en milieu de journée. D’après nos différents interlocuteurs, seuls les médecins, infirmiers libéraux, et pompiers étaient autorisés à passer. Sur les coups de 16h-17h, néanmoins, les obstacles avaient été dégagés du bitume, d’après la gendarmerie. “Nous voulions des garanties juridiques et la présence du préfet, du procureur et des quatre parlementaires”, explique plus en détails Safina Soula, la présidente du Collectif de défense des intérêts de Mayotte (CODIM), qui a assisté à une réunion à Tsingoni avec les cinq maires de la communautés de communes du centre-ouest (3CO) ainsi que son président.
“Du mépris total”
“Nous n’avons pas eu ce que nous avions demandé, donc nous avons quitté la salle. Résultat, ils envoient les gendarmes sur les barrages, c’est du mépris total !”, s’insurge la militante. D’après les participants à la réunion, le préfet était en effet absent du territoire et le procureur de la République, occupé par les investigations autour de l’homicide survenu samedi, n’était pas non plus en mesure d’y assister. Pour l’instant, aucune nouvelle rencontre n’est prévue au calendrier. Et les barrages ? “On ne sait pas encore, je ne peux pas vous dire”, botte en touche Safina Soula.
Mais avec ce dialogue au point mort, les bambous pourraient bien y perdre encore quelques plumes ! “Le collectif voulait des garanties du procureur sur la réponse de la justice et les condamnations des jeunes”, affirme Ibrahim Said Maanrifa, le président de la 3CO. À ces revendications s’ajoutent aussi la destruction de quartiers informels à Kahani, Combani, Tsingoni, une meilleure réponse face à l’hébergement illégal et la lutte contre l’immigration clandestine. “Nous avons toujours demandé à ce que les maires soient consultés pour les demandes de titres de séjour car ils savent ce qu’il se passe dans leur commune”, abonde l’élu de l’interco, qui déplore le manque de concertation entre tous les maillons de la chaîne. Et de rappeler que “la sécurité des biens et des personnes sont des compétences régaliennes”.
Transporteurs au point mort
Bref, la semaine s’annonce encore chargée. D’autant que de leurs côtés, les chauffeurs de bus réunis dès 7h ce lundi à Longoni entendent bien continuer à exercer leur droit de retrait. Dans ce climat tendu, difficile d’imaginer les élèves appréhender sereinement les examens de fin d’année…“Ils prennent l’excuse des examens pour lever les barrages, mais on sait tous que les transports scolaires sont arrêtés !”, dénonce la présidente du CODIM. À quand le téléphérique ?
Créée le 24 mai 2020, l’association Hyperbole porte un projet qui vise à accompagner les jeunes en errance à Mayotte via une équipe mobile de précarité infanto juvénile, sans marcher sur les plates-bande des structures existantes. Lors de sa venue il y a quelques jours sur l’île aux parfums, le président fondateur Patrick Tite a échangé avec Mlézi Maoré, la protection judiciaire de la jeunesse, le rectorat, le Département et un certain nombre d’associations. Entretien.
Flash Infos : Quelle est la genèse de votre association Hyperbole ?
Patrick Tite : Tout a commencé pendant le premier confinement ! Dans ce contexte de crise, j’ai regardé de très près la situation de Mayotte et j’ai vu les chiffres augmenter de manière vertigineuse. Cela a été l’élément déclencheur dans la mise en œuvre d’une idée concrète. J’ai monté autour de moi une équipe solide et sérieuse autour du sujet de l’accompagnement des jeunes en errance. J’ai ensuite informé les autorités de la création de l’association Hyperbole le 24 mai 2020 avant de venir la présenter sur place au mois de septembre, à l’époque où il y avait des affrontements inter-villages. La question sur toutes les lèvres était alors la lutte contre la délinquance…
Il a fallu mûrir un projet, d’où la mise en place d’un équipe mobile de précarité infanto juvénile, qui s’appuie sur le modèle des équipes de précarité déjà existantes, qui ont un versant plutôt psy, et sur les maraudes sociales. Mais pour répondre aux besoins de Mayotte, il faut réunir à la fois des éducateurs et des acteurs sociaux, mais aussi et surtout des infirmiers, un psychologue, un médecin et un médecin psychiatre pour que toutes les corps de métier soient représentés. Nous le voyons bien : visuellement parlant, les enfants en errance, qui ne sont pas encore insérés dans des circuits d’aide ou de droits communs, ne sont pas en bonne santé physique ou psychique ! Le premier niveau d’intervention de l’association pourrait être celui-là. À mon sens, il n’existe pas de dispositif équivalent en métropole, avec une palette aussi large d’acteurs. À ce jour, nous sommes encore porteur de projet.
FI : D’où votre déplacement sur Mayotte il y a de cela quelques jours pour rencontrer les potentiels partenaires financiers et opérationnels et ainsi éviter de vous mettre des bâtons dans les roues.
P. T. : C’était effectivement tout l’enjeu de ces rencontres ! À savoir monter des partenariats financiers pour faire valider le projet et le présenter aux acteurs opérationnels dans le but de voir comment nous pouvions nous articuler afin de ne pas marcher sur les plates-bandes des uns et des autres. Avec Dahalani M’Houmadi, le directeur général de Mlézi Maoré, nous avons immédiatement convenu qu’il y avait de la place pour plusieurs acteurs sur le territoire. D’ailleurs, nous pensons qu’il serait intéressant de travailler avec la maison des adolescents, la maison de santé mentale, le service des mineurs non accompagnés, même si ce n’est pas l’unique cible, mais aussi les points accueil écoute jeunes pour celles et ceux que nous allons rencontrer et accompagner dans l’espace public.
Une chose est sure : mieux vaut être trop que pas assez ! L’idée est d’identifier le champ d’actions de chacun sans superposer des couches au mille-feuille d’acteurs. À nous, l’association Hyperbole, de trouver un espace qui n’est pas encore occupé. Comme je le disais, il n’y a aucune équipe pluridisciplinaire travaillant dans cet axe de polycompétence, qui va au-devant de ces jeunes pour diagnostiquer et répondre aux problématiques. Ce projet est au carrefour du sanitaire, du médico-social et du social. En clair, il est au carrefour des politiques publiques concernant ces différents domaines ! Et c’est là toute la complexité puisqu’il faut obtenir l’adhésion tous les acteurs – agence régionale de santé, Département et État – et les faire dialoguer.
FI : Au-delà de votre échange avec Mlézi Maoré, vous avez également rencontré le recteur, Gilles Halbout, le directeur de la protection judiciaire de la jeunesse, Hugues Makengo, et des représentants du monde associatif. Qu’est-il ressorti de vos différents entretiens ?
P. T. : Ils ont tous bien vu un intérêt à notre projet qui peut croiser leur périmètre d’intervention ! Avec Gilles Halbout, nous avons évoqué le décrochage scolaire mais aussi le nécessaire accrochage à l’institution (scolarisation) pour les très nombreux jeunes en situation d’errance. Sans oublier l’accompagnement (par des formes d’engagement) vers les dispositifs d’insertion sociale et professionnelle pour les plus grands. Il a été particulièrement sensibile à la tranche d’âge des 14-15 ans, en situation de décrochage ou de rupture Dans la nouvelle organisation de l’État, le recteur est le patron des politiques en lien avec la jeunesse.
Avec Hugues Makengo, nous avons discuté de ces jeunes (dont certains pourraient poser des actes délictueux) pour avoir une meilleur approche de la prévention de la délinquance. Aborder la prise en charge des enfants et adolescents en errance et envisager les axes de réponses correspondant aux besoins non couverts, c’est poser, dans le même temps, les jalons d’une collaboration autant souhaitable que pertinente.
J’ai aussi eu l’occasion de rencontrer des représentants de l’association Espoir et réussite de Doujani, qui œuvre au sein du quartier du même nom avec qui nous avons abordé la lutte contre l’exclusion et l’illettrisme, l’aide à la parentalité, l’éducation à l’environnement et à la santé. École des parents, chantiers d’insertion, école de civisme à destination des jeunes en vue de la transmission des valeurs, du sens des devoirs et de la connaissance des risques, et préparation du certificat de formation générale sont au menu de leurs multiples activités. Nous nous sommes projetés sur les articulations possibles entre l’équipe mobile de précarité infanto juvénile et leur offre de service. Avec le centre de ressource de la politique de la ville basé à M’Gombani, en charge de la cohésion sociale et de la réduction contre les inégalités, les échanges ont également été de qualité.
Le problème à Mayotte n’est pas simplement le manque d’acteurs, mais la qualité des portages de projet. Le secteur gagne à se professionnaliser. Nous n’en sommes, dans le fond qu’au début de l’action sociale, au regard des chantiers à mener !
FI : Justement en parlant d’action sociale, vous avez participé aux travaux d’élaboration du futur schéma départemental de protection de l’enfance de Mayotte pour la période 2022-2027. Comment la collectivité a-t-elle accueilli votre projet ?
P. T. : Il m’a semblé que le Département a cerné la vraie plus-value de notre projet et de ses possibilités de contribution au diagnostic territorial, avec l’apport de données quantitatives et qualitatives. Le conseil départemental évaolue dans le bon sens et est en train d’endosser son rôle de chef de file par rapport à l’aide sociale à l’enfance. Rappelez-vous dans les années 2014-2015, il ne voulait pas construire de structures pour ne pas créer d’appel d’air…
Ma présence aux travaux d’élaboration du schéma départemental de protection de l’enfance m’a permis de mesure l’ampleur de ce qui est à faire. J’ai été heureux de présenter le projet d’équipe mobile de précarité infanto juvénile au directeur de la protection de l’enfance. Nous tablons sur une équipe de cinq professionnels avec une montée progressive des effectifs. Nous nous mettons ordre de marche de façon à déclencher la phase opérationnelle une fois le projet validé. J’espère avoir des réponses du Département d’ici la fin de l’année, même pour une expérimentation.
À mes yeux, Mayotte est un territoire où la République n’a pas encore tenu tous ses engagements. Hyperbole veut apporter une contribution significative au développement de l’île, en oeuvrant notamment aux questions de la prévention ! Nous ne voulons pas jouer les « pompiers de service » mais œuvre durablement à la résolution des problèmes. Si nous ne prenons pas en charge les jeunes en errance dans l’espace public, ils vont faire d’autres rencontres et s’inscrire durablement dans une logique d’exclusion
« Hyperbole ne fera de l’ombre à personne »
Pas de doute, la venue prochaine de l’association Hyperbole sur le territoire est accueillie avec enthousiasme. « Aucun souci », affirme Dahalani, M’houmadi, le directeur général de Mlézi Maoré, qui assure qu’il y a de « la place pour que d’autres acteurs développent des activités ». Et selon lui, la démarche d’aller se présenter aux autorités institionnelles est la « bonne » avant de démarrer. « Nous allons voir comment cela va se passer dans les semaines et les mois à venir. »
Avec sa caquette de délégué régional de la convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE), il invite même Patrick Tite à venir s’installer durablement sur le 101ème département « pour être au plus près des sujets qui le préoccupent pour les mener de front ». À ce sujet, l’association pourra travailler de concert avec les médiateurs citoyens de Mlézi Maoré qui vont à la rencontre de la population pour la sensibiliser, recueillir sa parole et l’orienter. « Il a beaucoup d’énergie à mettre au profit des Mahorais. »
L’entente entre les deux structures pourrait s’avérer fructueuse dans un avenir proche selon Dahalani M’Houmadi. « Les besoins sont tellements importants… Hyperbole ne fera de l’ombre à personne ! Au contraire, elle viendra renforcer des actions déjà en place et apporter un regard différent. » De bon augure pour l’avenir des jeunes en errance.
Dimanche 13 juin, une quarantaine de professionnels de santé de Mayotte ont cosigné une lettre ouverte à destination des candidats des élections cantonales 2021 afin de les alerter sur le contexte sanitaire de l’île.
Interpeller les autorités sur la situation sanitaire, voilà l’objectif de la lettre ouverte signée par une quarantaine de soignants aux quatre coins de l’île. En période de crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus, les soignants s’interrogent quant à la prise en charge et au traitement des autres pathologies sur l’île aux parfums. “Alors que tous les efforts sont exclusivement concentrés sur la vaccination anti-covid, (…) qui s’occupe de la Santé, avec un grand S ?”, écrivent les professionnels.
Un problème généralisé dans le domaine de la santé
Car les dysfonctionnements dans le domaine médical sont légions, s’inquiète ainsi l’un des cosignataire du courrier. “Ce que nous pointons du doigt c’est un ensemble de choses. Ce qu’il est important de relever c’est la problématique générale à laquelle nous sommes confrontés dans le domaine du soin à Mayotte. Les soignants ont tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises. Ils ne portent aucune accusation dans cette lettre, ils espèrent simplement pouvoir être entendus”, précise-t-il.
Comme exposé dans la lettre, le désert médical “se creuse” à Mayotte. Les spécialistes quittent le territoire et peinent à être remplacés. Les services publics sont saturés et beaucoup rencontrent de graves difficultés de fonctionnement. Les travailleurs libéraux, quant à eux, n’ont pas la capacité de pallier les manques de moyens des hôpitaux et constatent une dégradation de certains patients souffrants de pathologies chroniques, faute de suivi. Par ailleurs, l’accès aux soins en dehors du territoire mahorais pose également problème car “entravé par les motifs impérieux et l’obligation vaccinale anti-covid, mesures profondément discriminatoires imposées à la population de Mayotte”.
Les maladies psychiatriques grandes oubliées du territoire
Pire encore, la psychiatrie est au bord du gouffre. “Les candidats évoquent souvent la santé de manière générale mais quid de la santé mentale des Mahorais ?”, interpelle Ismaël El Habib, infirmier libéral et vice-président de l’Urps (union régionale des professionnels de santé) océan Indien. “Avec le départ des psychiatres du CMP (centre médico-psychologique, ndrl), ce sont des milliers de patients qui vont se retrouver sans suivi. Le problème est non seulement sanitaire mais aussi sécuritaire car ces malades sont très instables. En tant que soignants, nous dialoguons au quotidien avec les médecins pour réajuster les traitements. Sans eux, nous ne pouvons rien faire. Notre rôle est de constater et d’apporter des soins, mais nous ne pouvons pas diagnostiquer ou encore moins prendre la responsabilité de modifier les traitements”, poursuit le soignant.
Un avis partagé par Allaoui Saindou, lui aussi infirmier libéral et président du SNIIL (syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux). “Il est primordial que l’unité de psychiatrie soit rouverte afin que les patients puissent bénéficier d’une prise en charge adaptée. Dans le cabinet infirmier où je travaille, nous accueillons des patients de psychiatrie depuis toujours mais aujourd’hui, nous sommes très inquiets quant à leur suivi. Nous espérons que cette lettre permettra d’alerter les autorités compétentes et que celles-ci prennent connaissance de la situation.”
Une bouteille lancée à la mer
Le contexte n’est d’ailleurs pas anodin, en pleine période de campagne électorale et alors que les élections départementales approchent à vitesse grand V. Par le biais de cette lettre ouverte, les soignants souhaitent aujourd’hui une réponse des instances de santé et une prise en considération des élus. “Nous vous prions, chères candidates, chers candidats, de prêter oreille aux maux et aux besoins de santé des Mahorais, tafadali, car si nous ne réagissons pas rapidement, notre île court à la catastrophe sanitaire réelle.” Un appel au débat et à la réflexion afin de penser ensemble le système de santé mahorais de demain.
La chanteuse Zily revient sur le devant de la scène avec son nouveau projet intitulé « Karibu Hangu » qui marquera certainement sa carrière. Sa chanson et son clip « Tsika » donnent le la en s’inscrivant dans un nouveau registre musical. L’objectif pour Zily est de viser un public plus jeune tout en s’exportant à l’international.
C’est un clip haut en couleurs que propose Zily. « Tsika » plonge pleinement les spectateurs dans la culture mahoraise. Tenues et danses traditionnelles, clin d’œil à Younoussa Bamana et à Zéna M’déré, ou encore paysages typiques mahorais… Zily fait découvrir l’île aux parfums sous toutes ses formes. Les paroles de la chanson « Tsika » sont tout aussi engagées puisque la chanteuse parle d’une tendre enfance durant laquelle Inter-net n’existait pas encore. « J’ai voulu raconter cette enfance joviale des années 80 que tous les Mahorais ont connu, la simplicité de la vie. Rappeler qu’on peut s’amuser simple-ment avec ce qui nous entoure, la vie n’est pas que sur les réseaux sociaux même si je n’ai rien contre », se souvient Zily. Dans son clip, on retrouve une ribambelle d’enfants qui jouent et qui dansent sans se soucier du monde qui les entoure. Si l’artiste se lance aussi dans quelques pas de danse, ce sont surtout ses tenues judicieusement choisies qui marquent les esprits de part leurs couleurs et leur extravagance, sans jamais oublier le rappel de Mayotte.
Ce n’est certainement pas par hasard que toute l’équipe de Zily a décidé de sortir en premier la chanson Tsika. L’objectif ? Toucher un public plus jeune à travers une chanson plus dansante. Grande interprète de chants traditionnels, Zily s’aventure dans des sonorités différentes, mais il est hors de question pour elle d’oublier ses origines. « Je vise un public jeune et je ne pouvais pas continuer à ne faire que des chansons traditionnelles. J’essaye de changer de registre mais attention je n’arrête pas complètement les chansons traditionnelles. Je vais juste mieux structurer mon travail pour pouvoir tout proposer. Dans la chanson Tsika, on entend d’ailleurs les instruments du mbwi », précise la chanteuse, qui utilise des airs et des techniques vocales acquises avec les mamans.
Connue et aimée dans son registre traditionnelle, cela n’a pas été facile pour Zily de franchir le pas et de changer d’univers musical. « Ça n’a pas été évident d’oser proposer autre chose, mais j’ai confiance en mon public et je pense que le message est très bien passé, même s’il est vrai que les fans étaient surpris parce qu’ils ne s’attendaient pas du tout à ça », affirme l’interprète, en activité depuis 2014.. Une appréhension rapidement dissipée après avoir pris conscience de tout l’engouement autour de sa chanson. En dix jours, le clip avoisine déjà les 190.000 vues.
Une carrière à l’international
Non seulement Zily vise un public plus jeune, mais elle souhaite également s’exporter à l’international. Tanzanie, Nigéria, Sénégal, États-Unis et bien plus… La chanteuse voit grand et rien ne l’arrête. « Aujourd’hui, si on peut écouter des chansons de tous ces pays à Mayotte alors je pense que là-bas aussi, ils peuvent écouter les nôtres et découvrir la langue mahoraise et notre culture », argumente-t-elle. Pour y arriver, elle n’a qu’une seule stratégie : le travail. Ainsi, elle a également décidé de s’entourer de professionnels, à l’instar du réalisateur et chorégraphe du clip, Karlos Da Silva, qui ont collaboré avec des artistes français adulés par le grand public. « J’ai élaboré ce projet avec un grand compositeur qui s’appelle Stillnass. Il a travaillé avec les grands comme Maitre Gims, Tayc, Say’z. J’ai voulu que ça soit lui parce qu’il est de la région et il a compris ma démarche », souligne Zily, surnommée La Diva.
Cette nouvelle ère lui permettra également de se professionnaliser. Car pour l’heure, elle ne vit pas pleinement de sa musique… La raison selon elle ? « Chez nous, les gens ne considèrent pas l’art comme un métier, parce que jusqu’à maintenant l’art est vu comme une normalité à Mayotte. Il est normal de danser et chanter dans notre culture. Mais je ne perds pas espoir parce qu’il y a un travail qui est fait et qui continue à être fait. Et je con-seille à tous ceux qui veulent s’engager dans la musique de ne pas se décourager. », martèle Zily, qui compte bien inverser la tendance dans un avenir proche malgré les difficultés propres au 101ème département.
Son message d’espoir s’adresse également à sa propre personne, elle qui a essuyé une polémique avant même la sortie de son dernier clip. En effet, la municipalité de Tsingoni, dont elle est originaire, a accordé une subvention de 24.000 euros à sa maison de disque pour son projet Karibu Hangu et certains ne l’ont pas vu d’un bon œil. « Je comprends parfaitement l’inquiétude des gens. Ils n’étaient pas informés, et personne ne m’a posé la question. Mais le maire de Tsingoni a tenu à nous accompagner dans mon projet parce que le clip Tsika met énormément en valeur la commune. Je le remercie pour ça et je souhaite que son équipe et lui continuent à accompagner beaucoup d’artistes, y compris moi avec mon projet », décrit Zily. Malgré la polémique, l’artiste a bon espoir d’être une nouvelle fois soutenue dans le futur car elle estime mettre en valeur Mayotte de manière générale et, Tsingoni en particulier.
Pris à partie par une bande d’individus, un jeune homme originaire des Comores est décédé ce samedi, dans un nouvel épisode de violences qui a aussi ciblé les lycéens et un contrôleur de bus. En réaction, les transporteurs scolaires ont déposé un droit de retrait, effectif dès ce lundi.
Le compteur s’affole. Entre Combani et Miréréni, la violence semble être montée d’un cran avec l’agression mortelle ce samedi d’un automobiliste. Prise à partie par une bande d’individus et poignardée, la victime, un homme d’une trentaine d’années originaire des Comores, a tenté de s’enfuir avant de succomber à ses blessures. “Peu de temps après ce premier acte, un lycéen puis un agent des transports scolaires ont été agressés, blessés et pris en charge par les services de secours”, a indiqué la préfecture en fin de journée.
Les faits se sont déroulés entre 4h et 6h du matin samedi, à l’heure où des élèves attendaient encore leur bus pour se rendre dans leurs établissements scolaires. “On peut dire qu’il y a un lien. Après avoir commis ce meurtre, les mêmes auteurs ont agressé les lycéens qui attendaient leur bus et le contrôleur qui était là à veiller sur les lieux”, rouspète Anli Djoumoi Siaka, le délégué Force ouvrière (FO) Transports. Face à l’agression de leur collègue, les transporteurs scolaires ont décidé de déposer un droit de retrait collectif illimité, qui commence dès ce lundi et doit se poursuivre jusqu’à la rentrée 2021-2022, le 23 août prochain. De quoi pousser les parents à “prendre leurs responsabilités”. “Ils devront emmener eux-mêmes leurs enfants, qui doivent pour certains passer des examens, à l’école. Ils sentiront ainsi nos souffrances quotidiennes sur le réseau”, ajoute le représentant syndical qui demande notamment que les auteurs de caillassages, les parents ou les élèves qui dégradent les bus soient identifiés et paient la facture.
Pas d’interpellation à ce stade
“J’invite à la prudence sur le détail des faits puisque nous n’avons pas entendu de témoin direct et nous n’avons pas non plus interpellé les auteurs”, tempère toutefois le procureur de la République, Yann le Bris. “Il n’est pas exclu que les autres agressions soient liées mais il faut pour cela que les services de gendarmerie poursuivent leurs investigations.” À l’heure où nous écrivons ces lignes, les enquêteurs n’avaient entendu aucun témoin direct de l’agression mortelle de l’automobiliste. Aucun auteur n’a par ailleurs été interpellé. Le parquet confirme néanmoins l’âge de la victime, née en 1995, et son origine comorienne.
Sécurisation de la zone
A-t-elle été la cible d’un règlement de comptes ou s’est-elle simplement retrouvée au mauvais endroit, au mauvais moment ? Il reviendra à l’enquête d’apporter des réponses à ces questions. En attendant, cette zone “sensible” a fait l’objet d’un important dispositif de gendarmerie, à la fois pour “procéder aux investigations mais également pour sécuriser et pacifier les deux villages de Combani et Miréréni de manière à éviter que nous ayons à faire à de nouvelles violences ou représailles”, précise la gendarmerie qui invite “toute personne ayant des éléments à nous les communiquer et à ne pas s’enfermer dans le mutisme par crainte de représailles”. Dimanche, le calme semblait revenu dans la commune. Mais l’absence de bus dès ce matin risque bien de faire voler en éclat ce vernis si fragile…
La situation est arrivée à un point de non retour au centre hospitalier de Mayotte. Le service de psychiatrie ne tient plus qu’à un fil. Depuis plusieurs mois, les infirmiers en psychiatrie, les psychologues et les médecins psychiatres démissionnent un à un du CHM. Ils se sentent lésés et incompris par la direction de l’hôpital. Actuellement, il ne reste plus aucun psychiatre titulaire, une situation qui inquiète les infirmiers libéraux. Ces derniers qui suivent les patients à domicile, redoutent le pire.
« Le service de psychiatrie était l’un des plus dynamiques du CHM », regrette ce professionnel de santé qui a démissionné du centre hospitalier de Mayotte et qui a souhaité garder l’anonymat. Il se souvient avec amertume l’époque où le service psychiatrie tenait encore debout grâce à des médecins, des infirmiers et des psychologues. Depuis la fin du mois de mai, la réalité est différente au sein de l’établissement. Toute l’équipe qui assurait le service a démissionné, ne supportant plus le manque de considération de leur hiérarchie. La situation s’est dégradée petit à petit, pour arriver à un point de non retour et le mal ne date pas d’hier. « On a écrit et monté des projets pour faire de la santé communautaire, pour faire de la consultation pour les adolescents, ou encore un nouveau centre médico-psychologique (CMP) en Petite-Terre. L’ARS avait validé tous ces projets et en 2019, bizarrement au moment des recrutements le CHM n’a recruté personne », raconte le professionnel de santé. Les équipes qui avaient travaillé sur ces dossiers sont déçues, découragées et les infirmiers et psychologues commencent à partir petit à petit.
La crise sanitaire en 2020 a remué le couteau dans la plaie. Les médecins se voient obligés d’annuler toutes les consultations faites dans les différents CMP de l’île. « Les familles se sont retrouvées sans rien, ou bien obligées de venir à Mamoudzou donc on en a perdu beaucoup. Les infirmiers et psychologues ont été davantage déçus de ce qu’il se passait au CHM et ont continué à partir. Et aucun recrutement n’a été fait pour remplacer ces postes vacants », continue le démissionnaire. À ce moment-là, il reste encore les médecins psychiatres qui veulent y croire, mais lorsque les activités reprennent à l’hôpital, une grande partie du service psychiatrie reste fermée.
Les professionnels de santé ne comprennent pas cette décision et alertent leur direction. « C’est remonté jusqu’à l’agence régionale de santé, mais rien n’a été fait pour soutenir les équipes », assure notre interlocuteur. Petit à petit, l’hôpital se voit obligé de fermer certains services. « On a été très choqués que le CHM puisse valider la fermeture de quasi-ment un service entier, sans rien proposer, et sans communiquer. Suite à cela, les quatre derniers médecins qui restaient avec l’espoir que ça bouge, sont tous partis à la fin du mois de mai », déplore le professionnel. Les trois CMP éparpillés sur les quatre coins de l’île, et le service d’urgences psychiatriques ne sont plus en activité. Actuellement, seuls les quelques lits d’hospitalisation sont encore ouverts.
Une réserve sanitaire pour freiner l’hémorragie
Dans le numéro du Flash Infos du 3 juin, le directeur par intérim du centre hospitalier de Mayotte admettait à demi-mot la situation critique au sein de la structure de l’établissement. « En psychiatrie, il ne reste plus qu’une seule psychiatre pour assurer le service. On est, par conséquent, obligés de réduire la voilure sur cette offre de soins, à sa-voir la santé mentale, le temps de trouver de nouveaux professionnels », relatait alors Christophe Blanchard.
La direction a alors trouvé une alternative à court terme… « J’étais en ligne avec le directeur de l’établissement public de santé mentale de La Réunion pour savoir s’il pouvait nous envoyer en rotation des missionnaires sur des durées assez courtes. Idem avec les associations et les groupements en métropole », annonçait le responsable. Le CHM porte ses espoirs sur la réserve sanitaire qui vient pallier le manque de spécialistes psy. Leur présence permet de maintenir les lits d’hospitalisation, mais cette alternative est décriée par ceux qui ont travaillé au service psychiatrie pendant des années. « Quand la réserve sanitaire partira dans quelques semaines, je ne suis pas sûre que les lits d’hospitalisation puissent tenir », redoute le professionnel de santé.
Des conséquences désastreuses sur les patients
Le départ de tous les psychiatres du service hospitalier de Mayotte a des conséquences alarmantes sur les patients. La situation inquiète particulièrement les infirmiers libéraux qui s’occupent d’eux. « Le CHM n’a pas été capable d’anticiper les départs et on se dirige doucement vers une crise. Les gens schizophrènes vont se retrouver sans traitement, sans suivi, alors que ce sont des personnes difficiles à traiter parce qu’elles sont constamment dans le refus », redoute Jean Meunier, infirmier libéral. Les personnes atteintes de maladies psy doivent suivre des traitements parfois lourds, et les ordonnances ne peuvent être délivrées que par un psychiatre.
Pour le moment, les médecins qui ont démissionné ont pris la précaution d’en prescrire pour les six prochains mois, mais cette solution n’est pas vue d’un bon œil par les infirmiers libéraux. « L’état de santé d’un patient psychiatrique peut varier du jour au lendemain. Les ordonnances ne sont jamais définitives. Les infirmiers doivent signaler la nécessité de réajuster le traitement au médecin psychiatre et c’est ce dernier qui modifie l’ordonnance. Aujourd’hui, ça ne peut plus se faire », explique Ismael El Habib, représentant des infirmiers libéraux de Mayotte à l’Union régionale des professionnels de santé (URPS).
Par conséquent, qu’importe l’état d’amélioration ou d’aggravation du patient, il continuera à avoir le même dosage. « J’ai déjà des retours de collègues qui disent que la situation commence à s’aggraver, il y a des patients qui décompensent et ils n’ont aucun recours pour les retenir chimiquement (traitement médicamenteux). Ces patients vont empirer, certains deviennent agressifs. Ça peut péter à tout moment », prévient Ismael El Habib. Les infirmiers ont des limites, ces malades et leurs familles se retrouvent donc livrés à eux-mêmes. Sans traitement adapté ou en l’absence totale de médicaments, ils deviennent dangereux et les effets secondaires peuvent être désastreux. « Ma principale crainte c’est que ces gens retournent à nouveau à leurs béquilles artificielles qui sont les drogues et l’alcool et cela va entraîner des aggravations sévères de leur état avec des passages à l’acte violents », appréhende Jean Meunier. L’heure est grave, la psychiatrie à Mayotte est en décompensation et a besoin de psys.
Le syndicat des Jeunes Agriculteurs de Mayotte tenait un séminaire ce samedi 12 juin au lycée des Lumières de Kawéni. Deux grands thèmes ont été abordés lors de tables rondes : comment installer plus d’agriculteurs de manière pérenne sur l’Île et comment avoir des produits locaux de qualité et à des prix accessibles pour tous. Un constat flagrant en ressort : la filière a besoin de se structurer.
« Depuis des années, on nous répète qu’il faut développer l’installation des jeunes, mais depuis 2014 seulement cinq ont été installés ! Qu’est-ce qui bloque ? », s’écris Hichak, un exploitant agricole de l’île aux parfums. En effet, s’il semble évident pour les acteurs de la filière que l’installation et le suivi post installation soient facilités pour les jeunes agriculteurs qui souhaiteraient démarrer une exploitation sur Mayotte, les moyens ne sont pas mis en place, ni par l’État ni par le Département.
Face à ce constat, les différentes instances du territoire présentes à ce séminaire organisé ce samedi 12 juin par les Jeunes Agriculteurs ont tenté de se défendre. Papa-Maciré Diop, chargé d’opération chez Epfam, a assuré « que les choses commencent à bouger » et que « tout devrait commencer à se débloquer ». Mais les exploitants restent sceptiques, après des années de promesse sans réels changements visibles pour eux. Les structures sont toutefois de plus en plus nombreuses à proposer des formations dans le secteur agricole. Un bac professionnel et même un BTS sont désormais accessibles. Patrick Gauthier, directeur du CFA, a souligné le fait qu’un nouveau Brevet Professionnel exploitation serait disponible. Un diplôme qui se prépare en 11 mois de formation, durant laquelle les jeunes viennent avec leur projet de développement et travaille sur du concret, afin de pouvoir développer leur exploitation au plus vite.
La structuration de la filière comme clé pour l’avenir
« On a le devoir de faire sourire les gens. Je suis installé depuis 23 ans et c’est très dur. Il n’y a pas d’instances publiques, on a un lourd problème foncier et depuis la départementalisation, on nous a fait croire que ce serait plus facile alors que non », constate un exploitant, visiblement ému. Et alors qu’il s’égosille dans le micro, ses yeux brillent et ses paroles transpirent l’amour qu’il porte à son métier. Soumaila Moeve, président des JA de Mayotte, et Michel Dusom, vice-président, hochent la tête, en guise d’acquiessement. Les choses doivent bouger, et vite ! Une structuration du secteur est nécessaire, surtout que les services de restauration scolaires doivent prochainement sortir de terre et que les agriculteurs du 101ème département seront naturellement sollicités pour répondre à ce nouveau besoin en nourriture.
Pour produire une alimentation de qualité en grande quantité, les Jeunes Agriculteurs soutiennent la création de coopératives dans différents secteurs, à l’instar d’Uzuri Wa Diza, présidée par Boinaïdi Abdallah. Une coopérative qui a vu le jour en 2018 et qui regroupe les exploitants de lait de Mayotte. Pendant deux ans, ils ont fait face à de nombreuses difficultés financières, mais ils avaient besoin de se regrouper pour s’en sortir, notamment pour lutter contre la vente informelle. En 2020, les membres de la coopérative ont pu commencer à vendre leurs produits, après avoir fait importer du matériel adapté à leurs nouveaux besoins. La création de coopératives pourrait donc être la solution aux difficultés du secteur agricole sur l’île dans l’optique de structurer la filière : de la production à la commercialisation.
Un groupe de bénévoles s’est rendu avec “Give a smile” dans les hauteurs de Passamaïnty ce dimanche. Objectif, donner quelques vêtements. Et distribuer des sourires.
Niels farfouille dans les sacs Baobab, avant d’extirper un tout petit body blanc et rose. “C’est fille ça !” À côté de l’âge, “3 mois”, une étiquette indique le nom de son ancienne propriétaire. “Oh, ça, c’était à ma petite cousine !”, répond Ali de l’autre côté des paquets. Ce dimanche, un petit groupe d’une dizaine de bénévoles a grimpé les hauteurs de Passamaïnty pour donner des vêtements aux familles les plus démunies. Une action qui a mis du baume au cœur, et pas seulement aux volontaires du dimanche, nostalgiques. À l’origine de cette opération, le collectif “Give a smile”, un groupe non subventionné lancé par Djounaïdi Ali Mouigni, un Mahorais qui travaille dans le social et ancien jeune ambassadeur aux droits de l’enfant (JADE), toujours très impliqué dans cette mission. Sur sa page Facebook, une phrase résume l’ambition de sa petite asso : “un simple geste peut être à l’origine d’un grand sourire”.
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Et des sourires, il y en a eus ce dimanche alors que les participants ont dévoilé aux heureux bénéficiaires le contenu de leurs paquets. “C’est des cadeaux ?”, lance un petit garçon avant de s’enfuir dans le dédale terreux du quartier informel. Peut-être pas par milliers, mais au moins une bonne dizaine de sacs rouges, en effet, remplis de bodys pour bébés, robes, pantalons et masques en tissu. Et même des soins pour la peau, apportés par Lidie, jeune entrepreneure qui a lancé sa marque de cosmétiques naturels L.O.A Cosmétique. “On pense rarement à donner aux femmes de quoi prendre soin d’elles”, explique la bénévole.
Tout le monde peut contribuer
Pour mener à bien cette action, l’équipe s’est déjà rendue sur place quelques semaines auparavant afin de recenser les besoins des familles. “On cible un quartier, on va repérer, on toque à toutes les portes et si les gens ont besoin, on récupère leurs noms, le nombre d’enfants, leurs âges et un numéro de téléphone”, déroule Sailat, en inscrivant dans un petit carnet une nouvelle bénéficiaire arrivée sur ces entrefaites. En tout ce dimanche, une dizaine de foyers ont pu recevoir les précieux habits. De quoi habiller les nouveaux nés… et même ceux en chemin ! “Le zéro mois, c’est à peine porté deux semaines, que ce soit ici ou en métropole, on les aurait donnés”, explique Niels, jeune papa qui a contribué à la collecte.
Tout le monde peut ainsi mettre la main à la pâte, en donnant ou en portant ! Et Djounaïdi, le fondateur, met un point d’honneur à ne pas rentrer dans les carcans associatifs traditionnels. D’où sa volonté de ne pas prendre de subventions ou de dons d’argent. “On leur donne des vêtements et ça répond à un vrai besoin”, explique celui qui veut montrer la possibilité pour tous de contribuer, sans conditions de ressource, d’âge, de profession, d’origine… “Je ne pensais pas à l’importance de distribuer, avant j’avais déjà donné à la Croix rouge des choses comme ça, mais là c’est différent, de faire soi-même la distribution”, souligne Ali. Le sourire jusqu’aux oreilles.
Ce jeudi 10 juin était synonyme de grève nationale pour les psychologues. À Mayotte, qui en comptabilise une trentaine, ils subissent le même sort qu’en métropole. Se sentant dénigrés par le gouvernement après l’annonce de nouvelles réglementations en réponse à la crise sanitaire et presque délaissés sur le plan salarial, les professionnels de la santé mentale ont donné de la voix pour interpeller les habitants et les autorités et dénoncer la précarisation de leur profession.
« Psychologues maltraités, patients en danger », entonne à l’unisson la quinzaine de professionnels, réunie ce jeudi matin au rond-point de la barge. Comme dans le reste de la France, les psychologues de Mayotte expriment en chœur leur colère face à la précarisation de leur métier. « Il y a un projet de remboursement des consultations psychologiques en libéral, ce qui n’est pas inintéressant… Le problème ? C’est la forme que cela va prendre », s’inquiète Faïne, psychologue libérale, venue dès 8h du matin pour partager sa frustration avec quelques-uns de ses collègues de la profession sur le territoire. En effet, les psychologues libéraux considèrent que les nouvelles mesures du gouvernement menacent de plus en plus leurs pratiques.
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Et aux yeux de Faïne, plusieurs réglementations risquent de leur compliquer la tâche. Comme le fait que les consultations soient uniquement possibles sur prescription médicale, ce qui donne davantage de travail aux médecins généralistes… Qui ne savent pas toujours bien orienter les patients lorsqu’il s’agit d’un suivi psychologique. « Certains attendent des mois avant de nous appeler, alors s’ils doivent passer par une tierse personne, ils n’arriveront jamais jusqu’à nous », regrette pour sa part Maureen. Autre crainte pointée du doigt ? Les grilles tarifaires proposées par l’exécutif : 22 euros remboursés pour trente minutes de séance et 30 euros pour une heure. Des tarifs qui ne permettraient pas à ces professionnels de la santé mentale de rentrer dans leurs frais. À ce rythme-là, les conséquences pourraient être terribles ! « Si nous nous alignons sur leurs propositions, nous allons devoir fermer nos cabinets », peste encore la jeune femme.
Des problématiques méconnues du public
Si les psychologues en grève cherchent à attirer l’attention de l’agence régionale de santé, ils souhaitent aussi révéler leur situation au grand public. Sur tous les fronts durant la crise sanitaire, en raison de l’accompagnement de davantage de personnes angoissées qu’à l’accoutumée, ils se sentent littéralement oubliés par les fameuses conclusions du Ségur de la santé présentées par le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, le 21 juillet 2020, à l’instar des sages-femmes qui ont elles aussi manifesté dans les rues de Mamoudzou le 5 mai dernier.
« Écoutez-nous comme on vous écoute », scandent-ils ce jeudi, comme pour faire bourdonner l’oreille des passants. Armé de tracts, le groupe détaille par écrit les dernières mesures prises par la majorité présidentielle et évoque avec les plus curieux la précarisation grandissante du métier de psychologue libéral. Au détriment d’un renforcement des structures d’accompagnement déjà existantes, comme les centres médico-psychologiques ou les services psychiatriques intra-hospitaliers. Installés ensuite au milieu du rond-point de la barge, ils prennent la direction de la préfecture de Grande-Terre. Sur le chemin, les professionnels de la santé mentale chantent à tue-tête leurs slogans. Une manière de faire réagir les uns et les autres, tel un cri de désespoir tant la population mahoraise ne semble pas prendre conscience de l’importance de leur champ d’actions…
Des problématiques propres à l’île aux parfums
Car oui, si les nouvelles réglementations concernent l’intégralité des psychologues du territoire français, les professionnels de Mayotte défendent aussi leurs propres revendications. « Comme dans tous les domaines de santé ici, il y a un énorme besoin et nous manquons de moyens humains », se désole Faïne. Selon elle, ce vide est en grande partie responsable du turn-over… Pour preuve, peu de spécialistes décident de rester sur place, découragés face au manque à combler. « Quand sur un suivi de deux ans, les patients rencontrent trois ou quatre psys différents, c’est loin d’être optimal », met-elle en lumière.
Les conditions dans lesquelles doivent travailler les psychologues sont donc difficiles à assumer pour eux, aussi bien mentalement que financièrement, mais surtout, elles ont un grand impact sur les patients, dont le suivi perd en qualité. Pour toutes ces raisons, ces professionnel de la santé mentale auraient souhaité être consultés avant l’annonce des mesures qui sont vues comme « un coup de com’ » plutôt qu’une réelle avancée pour leur spécialité. « Je ne m’en sortirai pas », confie, désespérée, une psychologue clinicienne…
L’entrepreneur et agriculteur, qui a notamment lancé le label Greenfish, et porte-parole du MDM, se présente aux côtés de Fahina Ibouroi dans le canton Mamoudzou 2, Cavani-Mtsapéré. Leur programme ambitieux entend repenser la structuration de Mayotte pour développer l’économie et faire rayonner le 101ème département dans la région. Entretien.
Flash Infos : Vous vous présentez pour ces élections sous l’étiquette du parti MDM, parti historique de Mayotte mais qui connaît des dissidences… Dans quelle mouvance vous inscrivez-vous ?
Hakim Nouridine : Je suis le candidat qui a reçu l’investiture, avec l’autorisation d’utiliser le logo pour la campagne. L’éclatement est dans l’air du temps, nous avons le même phénomène chez Les Républicains. C’est le reflet d’une société qui évolue, avec des partis qui ne sont pas toujours en phase avec certaines réalités, et avec une jeunesse qui s’interroge et qui a besoin d’être considérée. Il faut dire aussi qu’il y a parfois une mainmise des partis politiques par des anciens accumulateurs de mandats qui ne veulent pas céder la place… C’est un peu ce qui m’arrive aujourd’hui, j’ai dû me battre pour l’investiture. Celui avec qui je devais travailler, l’un des plus anciens leaders du parti, le sénateur Hassani Abdallah, a préféré soutenir la candidature d’Elyassir Manroufou, qui n’a pas fait le même combat ou qui n’a pas eu le même parcours politique que moi. Je suis dans ce parti depuis quatre générations, avec mon arrière grand-père, mon père, ma mère. J’ai été sur des listes d’élections municipales et j’ai été suppléant aux élections législatives de 2012 avec le candidat MDM. Et j’ai un passé de militant politique très actif, j’ai fait partie des cadres du MDM. Bref, il y a un long combat politique derrière. Même si c’est ma première élection comme candidat !
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FI : Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans cette campagne des élections départementales ?
H. N. : Les enjeux de Mayotte ! La Mayotte de demain ne peut pas se construire dans la vision actuelle. Les politiques publiques sont complètement en décalage avec les réalités modernes, tant sur le plan environnemental que sur la culture ou sur l’économie. Selon moi, il faut apporter un autre regard. Et ce regard ne peut venir que d’une personne qui a un parcours comme le mien, c’est-à-dire qui est issue du secteur privé, du monde économique, et qui va pouvoir bouleverser ces dogmatismes. La plupart des élus de Mayotte ou des candidats sont issus de l’administration, ce sont des enseignants, des fonctionnaires… Ils ne sont pas en phase avec ces réalités. Mayotte aujourd’hui, c’est 60% de la population qui doit trouver un travail. On ne peut espérer tous les recruter au sein des collectivités locales. Il faut voir plus large, avec une politique mahoraise qui doit être en phase avec la région. Car lorsqu’une sécheresse frappe le sud de Madagascar, c’est aussi Mayotte qui paie les pots cassés. Je pense qu’il faut une maîtrise des ressources naturelles avec des politiques communes, partagées avec la région. Fers de lance de cette politique, le port de Longoni et l’aéroport de Dzaoudzi doivent jouer leur vrai rôle de hub économique régional. Mayotte est européenne, et nous avons ici les moyens d’avoir une politique beaucoup plus osée et dynamique qu’aujourd’hui.
Et cela concerne aussi la jeunesse. Elle doit être formée pour pouvoir affronter les défis en matière de création d’emploi et de lutte contre la pauvreté dans la région. Cette jeunesse doit comprendre qu’elle hérite de cette culture française et européenne mais qu’elle a aussi une culture régionale. Pas que mahoraise. Nos jeunes doivent être en mesure d’aller travailler au Mozambique, à Madagascar, aux Seychelles et aussi en Europe, qui fait face au vieillissement de sa population. Ce sont tous ces défis qui m’ont poussé à me porter candidat, avec le parcours personnel atypique qui est le mien.
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FI : Justement, qu’est-ce qui, dans votre parcours, vous donne les clés pour relever ces défis ?
H. N. : D’abord, je tiens à rappeler que mon grand-père paternel était l’un des co-fondateurs de la première coopérative agricole mahoraise, c’était un combattant qui a beaucoup œuvré pour la qualité de la vanille, pour améliorer le café, l’ylang-ylang. Et c’est un personnage qui a compté dans l’histoire du combat de Mayotte française. C’est donc un héritage politique et économique très important. Sans compter cette culture commerciale, issue de ma famille paternelle, des marchands d’épices venus de Madagascar. En tant que fils de gendarme, j’ai aussi été élevé dans la discipline du travail et le respect des valeurs. Pour moi, l’élu de demain doit être celui qui respecte l’héritage mais qui a aussi cet amour pour la terre et de ce qui a fait de l’économie de Mayotte une économie florissante. Je suis moi-même agriculteur, il ne faut pas l’oublier ! J’ai fondé le label Greenfish, le premier label agroalimentaire dans l’océan Indien, et je porte ainsi les valeurs françaises et mahoraises dans le monde. J’ai participé à deux salons de l’agriculture à Paris pour promouvoir les produits mahorais mais aussi ceux de Madagascar car j’y travaille dans le cadre de la coopération décentralisée, justement avec le soutien de l’Europe qui participe activement au développement de l’agroalimentaire malgache.
FI : Vous avez aussi une autre casquette, dans le domaine du transport.
H. N. : Tout à fait, je suis issu de l’industrie automobile, mon premier métier. J’ai travaillé avec le groupe Nel pour mettre en place la licence Ford. Nous nous sommes battus pour créer la concession et développer les premiers contrats d’objectif pour que la marque soit ancrée à Mayotte. C’était un grand défi, car il s’agissait du premier constructeur étranger à s’installer ici. Mon combat a aussi concerné le développement du transport à Mayotte avec l’installation du constructeur allemand Mercedes via son département bus. C’est donc ce regard d’industriel qui me permet aujourd’hui d’intégrer dans ma vision politique une vraie organisation des modèles économiques et de structuration des filières. Deux impondérables pour le développement de Mayotte, croyez-moi ! Cette mise en place des chaînes de valeur, c’est ce que j’ai vécu dans l’automobile et c’est ce qui doit se faire dans les autres filières. Prenez le développement de l’agroalimentaire en Afrique : c’est ce qui marche ailleurs et cela peut marcher à Mayotte.
FI : Par où comptez-vous commencer cette structuration économique ?
H. N. : Cela ne peut se faire qu’en ayant un regard sur la maîtrise des ressources. Et quand je dis ressources, je pense aussi à la jeunesse, qui doit être formée, aux femmes à qui l’on doit libérer du temps pour qu’elles puissent travailler. Il faut organiser la garde d’enfants et le périscolaire dans le département, c’est indispensable. Et il faut s’occuper des jeunes, je le répète, pour qu’ils puissent être mieux formés, mais avoir aussi des diplômes qui leur permettent d’aller au-delà de Mayotte. On peut envisager des formations complétées par des modules à l’étranger, dans la région ou ailleurs, pour qu’ils intègrent les réalités du numérique, de la mondialisation, des marchés, de la concurrence, sans oublier la maîtrise des langues étrangères.
Au niveau des ressources naturelles, il y a aussi bien sûr la problématique de l’eau. À mon sens, cela nous ramène à la politique environnementale de l’habitat : par exemple, comment faire pour utiliser ces eaux de pluie ? Peut-être devrions-nous redéfinir le logement type mahorais et le logement social pour en faire un logement écologique. Il ne faut pas oublier que Mayotte doit construire 500 logements par an. Nous n’avons pas de carrière ici, allons-nous devoir détériorer l’environnement pour atteindre cet objectif ? Il faut se projeter vers des solutions plus écologiques.
FI : Que proposez-vous pour faire évoluer ce logement type mahorais ?
H. N. : Pour moi, cela passe par le choix des matériaux. Le bois, le bambou, la brique de terre… Il est important que nous fassions aujourd’hui des choix stratégiques. Un modèle économique ne peut pas se construire sans choisir l’énergie c’est pour cette raison que la maîtrise des ressources est une clé du développement du territoire.
FI : Vous le disiez, il faut construire 500 logements par an à Mayotte, sans compter les autres constructions. Or, le foncier est rare. On sait que certains terrains du conseil départemental sont souvent indisponibles car occupés par des habitats informels. Quelle doit être la politique du Département à ce sujet, selon vous ?
H. N. : Il faut s’appuyer sur l’existant. Beaucoup de logements mahorais se sont construits à la hâte, sans permis de construire, au-delà du respect des règles d’urbanisme. Le plus urgent, et le plus simple, serait d’accompagner ces familles pour pouvoir reconstruire ces logements dans de meilleures conditions et intégrer dans ces constructions des logements sociaux. Cela peut se faire en appui des collectivités locales. De cette manière, nous gérons le problème du foncier tout en adoptant un urbanisme plus cohérent. Quitte à même dégager de l’espace pour les parkings ! C’est un autre sujet clé, nous ne pouvons pas développer ce canton sans stationnement. Très rapidement, il va falloir en venir aux immeubles parkings dans les prochaines années, et pas dans dix ans de préférence. Par ailleurs, je pense que ces constructions se doivent d’intégrer la problématique de l’insécurité dès leurs prémices. Les politiques publiques d’aménagement ne s’en saisissent pas assez à mon sens. C’est indispensable, quand on construit des écoles, des lycées, des logements ou encore des zones d’activité, de montrer ce que l’on apporte comme garanties. Regardez le Mozambique et son projet gazier, rattrapé par l’insécurité ! Je suis opérateur économique à Madagascar et dans les accords cadre il n’y a rien sur ce sujet. Or, c’est un vrai problème à Mayotte. Nous ne pouvons pas être attractifs, développer le territoire sans offrir de sécurité. Dans mon programme, je m’engage à avoir des spécialistes pour accompagner les porteurs de projet sur cette question. Par exemple, un chef d’entreprise qui souhaite construire une usine de poissons à Doujani : ce quartier connaît beaucoup de délinquance, nous pouvons donc imaginer apporter, en plus de financement, des conseils, de l’éclairage public, une meilleure accessibilité… Je pense qu’il faut imaginer la sécurité avant de mettre en place les investissements. On le voit, sans cela, dès que l’on construit des gymnases, des MJC, les collectivités sont très vite rattrapées par cette réalité.
FI : Vous parlez de définir le modèle économique du territoire, d’accompagner la structuration des filières, de faire du port et de l’aéroport des hubs pour la région. Quel regard portez-vous sur le projet de compagnie aérienne Zéna, qui espérait obtenir le soutien du conseil départemental ? Est-ce un projet que vous soutiendrez si vous êtes élu ?
H. N. : Ce projet-là reflète les attentes de la jeunesse mahoraise. Je l’encourage, bien sûr. Mon seul regret : qu’il n’y en ait pas d’autres. C’est dommage tant pour les transports que pour les autres secteurs. Je ne peux pas accepter qu’au XXIe siècle, nous ayons un seul projet de compagnie aérienne. Cela fait dix ans que Mayotte est département, nous sommes de plus en plus amenés à voyager. Je soutiendrai ce projet mais je ne pense pas que la concurrence se limite à une compagnie. Nous avons tellement espéré d’Ewa… Est-ce que cette nouvelle compagnie ne risque pas d’être rattrapée par la triste réalité de la rentabilité ? Il faut qu’il y ait plus de projets, et que nous les accompagnons au niveau du Département. Je me suis retrouvé seul concessionnaire pendant 11 ans et je n’étais pas accompagné. Je suis sûr que bien d’autres projets comme celui-là prennent la poussière, faute de soutien. Cela montre le désengagement des élus.
FI : Vous vous présentez sur le canton Mamoudzou 2 Cavani-Mtsapéré : une zone qui ne connaît que trop bien les problématiques d’engorgement de la commune chef-lieu. Que proposez-vous pour la mobilité des Mahoraises et des Mahorais ?
H. N. : En tant que constructeur et ayant aussi une vraie fibre écologique, je suis favorable à tout projet pour désengorger les routes de Mayotte… à condition de ne pas défigurer l’environnement ! Je crois beaucoup dans le projet de ligne maritime et ayant participé au concours innovation de l’ADIM l’année dernière, je sais que les idées ne manquent pas pour encourager les nouvelles mobilités. Mais encore une fois, il faut voir cela de façon globale. Je pense qu’il faut faire en sorte que tout le personnel du Département qui travaille à Mamoudzou n’ait pas besoin de venir sur place. Il faut aussi encourager rapidement le transport collectif et cela peut se faire très facilement, par exemple en permettant aux transporteurs scolaires qui n’exploitent pas les bus toute la journée, de récupérer ces employés. On peut aussi imaginer une solution de ramassage via les comités d’entreprise. Je pense que les ménages mahorais peuvent y être sensibles, dans la mesure où une voiture représente quand même 500 ou 600 euros de crédit par mois…
FI : Quid du Caribus, qui peine à se mettre en route ?
H. N. : Le bus de demain, ce n’est pas le Caribus. Ne vous méprenez pas, je suis pour ce projet ! Mais le Caribus est malheureusement déjà dépassé. On n’a pas réfléchi à l’énergie, et le gasoil cela ne peut pas être l’énergie de demain. Il faut aussi prendre en compte le confort, le gabarit… Nous sommes sur un territoire étroit, je suis constructeur, je sais que des solutions existent, et sont adaptées au territoire, à condition de réorganiser la filière correctement.
FI : Si vous êtes élu, comptez-vous briguer le poste de président du conseil départemental ?
H. N. : Avec un programme aussi osé, je ne peux que dire “oui”. Je ne vois pas comment cette politique de rupture peut se mettre en place sans le soutien de la majorité. Je pense avoir fait mes preuves, et je me battrai en tout cas pour que ce projet-là, qui va au-delà d’un projet cantonal, c’est un projet territorial, soit porté par une très grande majorité. Nous avons travaillé sur dix mesures chocs avec un programme axé autour de trois points : l’attractivité, la maîtrise des ressources et Mayotte comme hub de la région (port et aéroport). Ces mesures chocs sont destinées à la jeunesse. Je pense par exemple au festival international food & fun en Islande, auquel je voudrais faire participer les jeunes du lycée de Kawéni, pour qu’ils soient confrontés à la réalité et aux enjeux de ce métier. Nous pouvons aussi négocier une coopération régionale avec les Seychelles, nous l’avions fait par le passé, le gouvernement seychellois était favorable à l’idée d’accueillir dix jeunes mahorais. En échange, les Seychelles pourraient profiter de la francophonie, et Mayotte pourrait ainsi assumer ce rôle dans la région. Parmi les mesures phares, je voudrais aussi mentionner l’ouverture dès 2022 de la maison de Mayotte à Bruxelles, pour que les entrepreneurs aient un interlocuteur en Europe et ne se retrouvent pas frappés de plein fouet par les réglementations européennes. Je vous parlais de rupture : je pense qu’il est temps de se remettre en question aujourd’hui et de comprendre comment le monde tourne aujourd’hui. Car il ne tourne pas à la vitesse de Mayotte.
Structurer la chaîne : démonstration des hauteurs de Cavani au rond-point Baobab
Au milieu du chemin terreux, deux jambes dépassent du bas de caisse d’un van. Les outils du mécano, une batterie et des boulons jonchent le sol à côté des tâches d’huile tandis que deux jeunes observent la scène avec attention. C’est déjà le deuxième garagiste du genre, croisé en moins de dix minutes dans ce quartier sur les hauteurs de Cavani. “Ça, c’est le garage mahorais classique. Il n’y a aucune structure, mais cela répond à une demande”, analyse Hakim Nouridine, venu à la rencontre des habitants ce mercredi. “Dans ces activités informelles, vous allez parfois retrouver des jeunes avec un CAP ou un bac pro mécanique. Mais il n’y a pas de place pour eux dans les entreprises, alors ils viennent là”. Hochements de tête des principaux concernés, des élèves du lycée Bamana. “C’est le reflet d’un développement économique à deux vitesses. Ils viennent du lycée des Lumières et quand ils rentrent chez eux, ici, ils n’ont pas l’eau, pas l’électricité”, déplore encore le candidat du canton Mamoudzou 2. Selon lui, le développement économique à Cavani-Mtsapéré ne peut se résumer à la zone Baobab. “Il faut définir une politique économique avec des filières et des chaînes de valeur complètes : c’est la même chose avec les pêcheurs de Mtsapéré, il ne suffit pas de remplacer leurs barques pour les rendre conformes aux normes européennes, il faut aussi construire un hangar à proximité pour qu’ils puissent entretenir leur outil de travail, etc.” Et il faut agir vite, selon lui, car “nous avons toute une batterie de normes européennes qui sont en train de se mettre en place”. Pas question pour autant de laisser l’économie informelle se faire happer par ce rouleau compresseur. “Les femmes qui vendent en bord de route, par exemple : ce sont de vraies commerçantes, avec un talent pour la négociation, et nous pourrions nous appuyer sur le réseau des Douka bé pour les intégrer et créer de l’emploi”, déroule-t-il.
L’entrepreneur, qui s’est lancé pour ces élections départementales sous l’étiquette MDM, met en avant sa vision globale pour le développement de Mayotte, qui prend en compte l’amont comme l’aval. “Tout ce qui se passe ici a des impacts écologiques, environnementaux sur la zone en contrebas, nous ne pouvons pas l’ignorer si nous souhaitons vraiment développer le territoire”, insiste-t-il, en s’arrêtant à côté des déchets qui pourrissent sous les bananiers. Une logique que le candidat entend bien appliquer à tous les aspects de la vie mahoraise : structuration des filières, débouchés pour les jeunes, sauvegarde de l’environnement… “Ramasser c’est bien, mais sans sensibilisation, c’est de l’argent jeté par les fenêtres !”, résume-t-il.
Invité dans l’émission « Bonjour Chez Vous ! » de la chaîne Public Sénat ce mercredi 9 juin, le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu est revenu sur les dernières mesures sanitaires pour voyager dans et depuis les territoires ultramarins et a également donné quelques indications complémentaires sur le projet de loi Mayotte.
Ce mercredi matin, Sébastien Lecornu, le ministre des Outre-mer, est intervenu dans l’émission « Bonjour Chez Vous ! » de la chaîne Public Sénat. Il a dans un premier temps brassé largement la situation épidémique « inégale » depuis le début de la crise sanitaire dans les territoires concernées. « C’est toujours un peu désagréable pour nos concitoyens ultramarins de voir que dans l’Hexagone parfois nous déconfinons pendant que nous prenons des mesures de restriction [chez eux] et vice-versa », a-t-il introduit. La raison de ces deux poids deux mesures ? La circulation plus ou moins rapide au cours des derniers mois des variants brésilien et sud-africain, qui peuvent rapidement provoquer des tensions hospitalières.
D’où la mise en place d’une procédure progressive des levées des motifs impérieux. Une décision pas du tout au goût du député LR Mansour Kamardine comme l’a rappelé Patrick Roger, journaliste politique au Monde. En effet, le parlementaire a accusé Sébastien Lecornu « de tenir les Mahorais comme des chiens en laisse et de les enfermer en cage ». Réponse de l’intéressé ? « J’ai de l’amitié pour [lui], mais il y a des mots qu’il ne faut pas employer. Je sais que nous sommes en campagne électorale et qu’il faut dire des choses fortes pour se faire entendre. C’est sûrement cela… À l’inverse, nous dirions aussi que nous ne protégeons pas les Mahoraises et les Mahorais », a-t-il rétorqué. Et de pointer du doigt celles et ceux qui tiennent ou ont tenu un double discours concernant l’envoi tardif des vaccins d’un côté et l’absence d’appel à la vaccination de l’autre. Idem au sujet de l’instauration et du maintien des mesures de restriction. « Je pense qu’il ne faut pas faire de politique avec cette crise sanitaire », a martelé le ministre des Outre-mer, avant de rappeler les heures sombres de Mayotte en tout début d’année.
Un retard que « j’ai du mal à accepter »
Car c’est bien là le problème, à Mayotte comme dans les autres territoires ultramarins : la campagne de vaccination n’avance guère assez vite au goût du gouvernement. Pour Sébastien Lecornu, le remède magique pour entrevoir un retour normal de toutes les libertés de circulation reste « le vaccin ». « Il y a les bras pour piquer, parce que le personnel soignant est complètement engagé. Pardon d’être très direct, mais ce qui manque [aujourd’hui] ce sont les bras à piquer ! Nous avons un retard que j’ai du mal à accepter : quand nous voyons les pays du monde dans lesquels les gens n’ont pas la chance d’accéder à un système de soins ou à des stocks de vaccin et que nous, nous pouvons le faire, je me dis qu’il y a quelque chose de dommage », a-t-il rappelé. Et le 101ème département ne déroge pas à cette pique. Entre le 25 janvier et le 8 juin, l’agence régionale de santé a comptabilisé 52.308 injections et 19.487 personnes vaccinées. Des chiffres trop peu élevés alors que la campagne est ouverte aux plus de 16 ans depuis le mois de mai…
Alors pour inciter les habitants à passer à l’acte, l’exécutif joue la carte de la carotte. Entre Mayotte, La Réunion et la métropole, les voyageurs vaccinés (schéma vaccinal complet) sont notamment dispensés d’auto-isolement et de motifs impérieux depuis le 9 juin. Mais pas de tests PCR ou antigéniques car « la géographie des territoires d’Outre-mer les met au contact de pays dans la zone qui peuvent toujours nous exposer aux variants ». « C’est notre capacité à détecter si les gens sont malades ou pas et à séquencer ensuite les tests positifs », a précisé Sébastien Lecornu, qui table, grâce à cela, sur une reprise de l’activité touristique.
Un retour devant les acteurs mahorais
Autre sujet évoqué ? La loi Mayotte, annoncée par le ministre des Outre-mer lui-même à l’occasion des dix ans de la départementalisation. Après un mois de consultations publiques, les différentes propositions de la population se trouvent sur le bureau du locataire de la rue Oudinot. « L’idée est de retourner devant les acteurs mahorais pour faire un premier retour, d’essayer de tracer l’architecture d’un projet de loi et de le co-construire », a-t-il détaillé. Mais cette prochaine venue est également une manière pour lui d’adresser un tacle à ses détracteurs. En ligne de mire : le Rassemblement national. « Souvent, Madame Le Pen prend en otage Mayotte sur Twitter, à la fois en se servant de ce qu’il se passe à Mayotte pour [mettre en garde] les Français de l’Hexagone et en même temps, en faisant croire aux Mahoraises et Mahorais qu’elle les protège. Evidemment, c’est absolument faux ! Je préfère une méthode beaucoup plus pragmatique, et très respectueuse, dans laquelle nous réaffirmons que Mayotte c’est la France, que nous sommes fiers qu’elle soit française. Donc là aussi, pas d’ambiguïté sur ce point. » Selon des sources concordantes, Sébastien Lecornu devrait poser pied sur l’île aux parfums les 6 et 7 juillet prochains. Quelques jours seulement après la tenue des élections départementales. Coïncidence politique ? Pas sûr puisqu’il compte présenter l’élaboration du projet de loi d’ici à septembre.
La scénographe Clara Walter en compagnie du jeune danseur Lilcé
La compagnie Kazyadance de Petite-Terre organise une semaine de spectacles dès samedi et jusqu’au 19 juin. Ces derniers porteront principalement autour de la danse contemporaine, mais pas uniquement. Théâtre, musique et marionnettes seront également au rendez-vous afin d’offrir à la population mahoraise une semaine de magie en présence d’artistes africains, métropolitains et, bien sûr, mahorais !
« Il ne s’agit pas d’un festival, mais plutôt d’un moment d’échanges entre artistes », prévient d’entrée de jeu Djodjo Kazadi, le directeur artistique de la compagnie Kazyadance, basée au lieu-dit Le Royaume des Fleurs, en face du restaurant Le Faré en Petite-Terre. En effet, la plupart des spectacles qui seront présentés au cours de la semaine du 12 au 19 juin 2021 seront des restitutions d’ateliers effectués avec de jeunes danseurs locaux. Il s’agit du travail réalisé dans le cadre d’un projet porté par la compagnie depuis plusieurs années, qui s’intitule « le laboratoire artistique ». La première session a été portée par le danseur mahorais Jeff Ridjali il y a trois ans. Depuis, la compagnie invite régulièrement des danseurs venus de l’extérieur afin d’ouvrir de nouvelles perspectives aux jeunes danseurs. Se concentrant d’abord sur la région océan Indien, Djodjo Kazadi n’a pas hésité ensuite à faire venir des danseurs contemporains africains, profitant du dispositif « Africa 2020 » lancé par Emmanuel Macron pour mettre en valeur les artistes de ce continent en France.
Androa Mindré Kolo (à g.), performer et plasticien de RDC, est l’un des 4 artistes africains invités par le directeur artistique Djodjo Kazadi (à d.).
Covid oblige, le dispositif « Africa 2020 » ne porte plus très bien son nom puisqu’il a été reporté jusqu’à la fin de l’année 2021. Il a toutefois finalement pu voir le jour et c’est tout ce qui compte. Combinant habilement ce dispositif et le projet du « laboratoire artistique », la compagnie Kazyadance a invité successivement quatre artistes africains pour travailler avec ses jeunes danseurs. Tous revenus à Mayotte à l’occasion de Trépidanses, ils vont montrer au public un aperçu du travail réalisé sur l’île aux parfums. Les jeunes danseurs mahorais seront bien évidemment les « stars » de ces restitutions d’ateliers, traduisant à travers leur corps l’univers de ces chorégraphes et/ou plasticiens.
Un melting-pot d’arts, d’univers et de cultures
La grande ambition de la compagnie Kazyandance est de susciter des vocations artistiques chez « la jeunesse abandonnée » de Mayotte. C’est la raison pour laquelle elle travaille principalement dans le quartier défavorisé de La Vigie en Petite-Terre. Elle souhaite offrir des perspectives aux jeunes qui en manquent cruellement à l’heure actuelle sur l’île. Constatant chez eux une forte appétence pour la danse en général, elle leur propose de canaliser leur talent, voire même de le professionnaliser via les fameux ateliers du « laboratoire artistique ». « Il fallait dans un premier temps que ces jeunes connaissent leurs racines. C’est pourquoi la première session a été réalisée par Jeff Ridjali », précise Djodjo Kazadi. Ont ensuite été invités des danseurs venus de Madagascar, de La Réunion, des Comores et dernièrement d’Afrique. Androa Mindre Kolo de la République Démocratique du Congo, Gervais Tomadiatunga du Congo Brazzaville, Idio Chichava du Mozambique et Nadège Amétogbé du Togo donneront ainsi un aperçu de leur univers via les jeunes danseurs locaux au cours de Trépidanses.
Ce n’est cependant là que l’un des aspects de l’événement. Ce dernier est en effet d’une richesse artistique extrême puisque d’autres spectacles viendront se greffer à ce socle. Ainsi, la scénographe métropolitaine Clara Walter a également été invitée pour coordonner l’événement. Un ballet de performance autour de sa scénographie traversera aussi les différents espaces scéniques du Royaume des Fleurs. Par ailleurs, les musiciens mahorais Bodo et Baco se livreront à des concerts avec leurs guests et la compagnie Stratagème donnera un spectacle de marionnettes.
Bref, il y en aura véritablement pour tous les goûts et tous les âges au cours de cette semaine de folie artistique qui commence dès samedi ! Sans être un « festival professionnel » au sens propre du terme, ce sera néanmoins un festival de disciplines artistiques et de cultures différentes avec l’expression corporelle pour fil rouge. Lilcé, jeune danseur mahorais formé par Kazyadance nous donnera le mot de la fin : « La rencontre avec Djodjo m’a ouvert les yeux sur ce que j’étais capable de réaliser au travers de la danse. Il m’a montré que je pouvais en faire mon métier alors que jusqu’à présent il ne s’agissait que d’une passion dont j’ignorais pouvoir vivre un jour. À présent, je souhaite devenir professeur de danse. » Espérons que tous les autres jeunes danseurs de Mayotte suivent un chemin aussi prometteur !
Depuis une semaine, EDM réalise un essai bio-liquide sur l’un de ses moteurs. Moins polluant, l’huile de colza pourrait dans un avenir proche remplacer de manière pérenne le gasoil pour la production de l’électricité sur l’île aux parfums. Immersion dans la centrale des Badamiers.
Casque blanc vissé sur le crâne et bouchons dans les oreilles, Anrifou Attoumani dandine sa tête au bruit fracassant des moteurs de la centrale des Badamiers mise en service en 1987. Après un rapide tour du voisinnage pour présenter un container isotank et les réservoirs de stockage, le chef de section maintenance pénètre dans la chambre forte d’EDM sur Petite-Terre, surveillée scrupuleusement depuis la salle de commande où un agent suit le niveau de consommation et celui des cuves. En plein cœur de ce réacteur électrique, un grand panneau d’affichage indique fièrement « Essai bio-liquide sur l’un des moteurs de l’Électricité de Mayotte ». L’essence même de cette visite privilégiée.
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Il faut dire que le projet ne date pas d’hier. À peine en poste, le directeur général Claude Hartmann propose de ancer ce pari fou, sur un territoire qui se repose à 95% sur les énergies fossiles. Nous y voilà ! Depuis le mercredi 2 juin et pour une durée d’un mois, le groupe G6, un 6R32 du constructeur Wärtsilä pour les spécialistes, tourne à l’huile de colza. « Le moteur gasoil a basculé sans tousser », ironise le responsable. « En neuf mois, nous sommes passés d’une idée à une réalisation. C’est une première dans l’océan Indien. »
264 tonnes acheminées
Le choix du colza est, quant à lui, tout sauf anodin. Il respecte la norme européenne EN 14214 et la directive européenne RED II. « Le bio répond à ces deux critères », assure Echat Nourdine, la cheffe du projet, entre deux diapositives. Et surtout, la plante à fleurs jaunes a « un cycle de culture d’un an » et ne nécessite pas de « labour pour favoriser la bioversité ». Après le pressage et le conditionnement en métropole, il a fallu acheminer les 264 tonnes d’esters méthyliques d’huiles végétales, soit l’équivalent de 307 mètres cubes, jusqu’à Mayotte pour mener à bien cette expérience… Pour cela, EDM a pu compter sur son fidèle partenaire, à savoir Total qui a géré l’approvisionnement et la logistique.
Du positif et du négatif
À ce jour, les premiers résultats s’avèrent d’ores et déjà concluants. « Nous allons effectuer un prélèvement d’huile pour analyser la dégradation des pièces et les traces d’étain », précise Echat Nourdine, au moment de montrer à l’assemblée des flacons jaunâtres. Point positif ? Le gain en émissions de dioxyde de carbone. De quoi envoyer aux oubliettes les quelque 150.000 tonnes de CO2 rejetées dans l’atmosphère annuellement. « Le bio-liquide n’émet quasiment pas de gaz à effet de serre », se réjouit Claude Hartmann. Aspect négatif ? Le plus faible pouvoir calorifique inférieur (PCI) du bio-liquide représente une augmentation de la matière première de l’ordre de 13%. « Il faut 216 grammes de gasoil pour produire un kilowattheure, contre 245 grammes d’huile de colza », détaille la cheffe de projet. Sans compter le prix d’achat qui s’avère un peu plus élevé sur le papier. Toutefois, une nuance reste à préciser : « En nous basant sur les textes, nous ne paierons plus de taxe carbone. »
Objectif 100% d’ici 2028
Reste à transformer l’essai dans l’espoir de décarboniser totalement l’électricité du 101ème département. Inscrite dans le projet de plan pluriannuel de l’énergie 2019-2023 et 2024-2028, la conversion à 100% à l’huile de colza des deux centrales pourrait devenir réalité à court terme : 2023 pour les Badamiers et 2025 pour Longoni, en raison des coûts (nouvelles infrastructures stockages et pipelines principalement). « Ce serait une bonne nouvelle pour Mayotte, cela voudrait dire que ça bouge », se prend à rêver Claude Hartmann. Seul bémol : ce n’est pas EDM mais l’État qui a la main sur ce type de décision. « La question de ce changement pérenne va être administrative et non pas technique. » Peu importe, en bon chef de centrale des Badamiers, Houmadi Ousseni Ali s’y voit déjà et envisage l’avenir d’un bon œil. « Nous nous préparons », admet-il, en ne lâchant pas des yeux les écrans de contrôle. De bonne augure pour la suite alors que EDM recense une croissance annuelle de consommation de 3%.
La Chambre de commerce et d’industrie accuse le patron de Kwezi et un prestataire, usager du port de plaisance, de diffamation pour des propos tenus en décembre 2017 et février 2018. L’établissement qui gère le port de plaisance demande 10.001 euros pour son préjudice moral. Le tribunal doit rendre sa décision mercredi prochain.
On pourrait croire que l’eau a coulé sous les ponts, surtout depuis que la Chambre de commerce et d’industrie de Mayotte a remporté, en bonne et due forme, le marché pour la gestion du port de plaisance de Mamoudzou, en février dernier. Que nenni ! Ce mercredi s’ouvrait au tribunal correctionnel le procès en diffamation qui oppose la CCI, partie civile dans le dossier, à Patrick Millan, directeur de Kwezi FM et Patrick Varela, usager du port – qui détient aujourd’hui le catamaran Éole 1er. La pomme de la discorde ? Des faits de diffamation, datant de décembre 2017 et février 2018.
À l’époque, Patrick Varela, qui offrait déjà des prestations sur le lagon via ses quatre bateaux, s’était rendu à deux reprises sur le plateau de Kwezi FM pour dénoncer une situation jugée “inacceptable”. Tarifs “illégaux” et exorbitants, pas d’investissement dans l’infrastructure, apparemment vétuste, absence de sanitaires corrects, voire même menaces contre les usagers… Pire, la CCI, gestionnaire du port depuis sa création en 1995, ne disposait en réalité plus de contrat : sa DSP (délégation de service public), ayant pris fin en 2011, faisait l’objet chaque année de petits avenants d’un an – huit, tout de même ! – dans l’attente d’un nouvel appel d’offres. Bref, la tempête faisait rage, et ce, jusque dans les studios de Kwezi. Problème pour Patrick Millan : diffusées en direct, ces émissions “Temps de parole” ont par la suite été mises en ligne, et c’est notamment pour cette raison que le patron de la chaîne est poursuivi dans cette affaire.
“Personne ne viendra m’attaquer”
Parmi les 15 passages balancés sur la toile et qui ont fait l’objet d’une poursuite, l’on retrouve ainsi pêle-mêle : “on ne peut pas laisser des gens comme ça, ce sont des voyous”, “c’est avenant, sur avenant, c’est un délit de favoritisme entre le conseil départemental et la CCI”, “pour moi, ce n’est pas nous les voleurs, les 690.000 euros en trois ans, on ne sait pas où ils sont passés”, “ils rackettent et menacent les gens”, ou encore, “on peut venir m’attaquer, mais personne ne viendra m’attaquer, vous le savez…”
Manque de pot, la CCI a bien décidé d’engager des poursuites, qui ont donc abouti ce mercredi à une audience en correctionnelle. Maître Benoît Derieux, conseil de l’établissement délégataire, a rassemblé six imputations distinctes, pouvant relever de la diffamation : le délit de favoritisme ; les infractions supposées ; l’absence de prestation en échange du paiement des redevances ; la mise en danger de la vie d’autrui par l’état du ponton ; le “racket”, des plaisanciers ; et la “gestion erratique” du personnel. Et la Chambre d’argumenter, comme elle l’avait d’ailleurs déjà fait par le passé, que les avenants successifs ne permettaient pas des investissements d’envergure, ou encore qu’une poignée de prestataires refusaient de payer la redevance. “Si le fait de venir demander à M. Varela de payer sa redevance s’apparente à du racket, Monsieur a un problème de vocabulaire”, raille l’avocat, qui demande 10.000 euros au capitaine d’Eole 1er et un euro symbolique ainsi que la suppression des vidéos en ce qui concerne Patrick Millan.
Des tarifs “entachés d’illégalité”
À charge désormais pour l’intéressé d’apporter les preuves de ce qu’il a avancé… Une mission ardue, qui plus est quand les accusations formulées sont parfois graves. Mais le prévenu n’en démord pas : “Je n’ai aucune animosité contre la CCI, mais quand je vois des gens qui sont malhonnêtes…”, commence à se défendre le chef d’entreprise, les bras tannés par des années de soleil et d’écume. “C’est inadmissible, c’est un comportement de voyou, je ne sais même pas si voyou est le bon terme, mais c’est inacceptable”, réitère-t-il à la barre. “Mais est-ce qu’il y a eu une condamnation pénale, par exemple pour le délit de favoritisme, le détournement de fonds, la mise en danger de la vie d’autrui ?…”, l’interroge le président. Il aura fallu une courte suspension d’audience pour s’en assurer : un employé du port a en effet écopé de 5.000 euros d’amende pour abus de confiance… au préjudice de la CCI. “Cela ne rend pas la CCI auteure ou complice de ces faits-là”, balaie Maître Derieux.
Top départ
Maître Nadjim Ahamada pour la défense de Patrick Millan aura bien tenté de plaider la prescription, et Maître Yanis Souhaïli, le conseil de Patrick Varela, son rôle de lanceur d’alerte… Difficile de prouver chacune des six imputations proférées. Et ce, malgré une note de l’avocat de la CCI lui-même reconnaissant des tarifs “entachés d’illégalité”, différentes attestations des plaisanciers, ou encore les huit années qu’il aura fallu au conseil départemental pour renouveler l’appel d’offres. “Vous avez compris, quelle est la limite entre la liberté d’expression et la diffamation ?”, a demandé un assesseur au prévenu. “Si, j’ai compris qu’en gros, il faut se taire”, lâche Patrick Varela avec amertume. L’affaire est mise en délibéré et le verdict doit être rendu mercredi prochain. En attendant, le prestataire ne cache pas ses velléités de départ. “Je quitte Mayotte parce qu’on m’a écrasé, on m’a affaibli.” Hissez la grand-voile ! Heureusement que le capitaine n’a vendu que trois de ses quatre bateaux…
Abdullah Mikidadi est un candidat qui n’a pas froid aux yeux. Il se présente dans le canton de M’tsamboro dans le seul objectif d’être le nouveau président du Département. Candidat sans étiquette, il s’inscrit dans la mouvance « Mouvement pour le développement du canton de M’tsamboro » avec son binôme Antufiya Hamidi. Il promet notamment d’attribuer à Mayotte toutes ses compétences régionales pour un réel développement économique.
Flash Infos : Pour quelles raisons vous présentez-vous à ces élections cantonales ?
Abdullah Mikidadi : Ce n’est pas la première fois que je me présente à des élections locales. Je me suis présenté aux municipales de 2008 et de 2014. Cette fois-ci, je suis candidat aux cantonales car j’ai l’intention d’aller plus loin et de briguer la présidence de la prochaine mandature du conseil départemental. J’estime que Mayotte traverse une crise institutionnelle. L’île n’a pas pu avoir toutes ses compétences, une partie a été confisquée par l’État. Mayotte est un DROM (département et région d’Outre-mer) mais en réalité il manque le R. Il faut que nous ayons deux chambres : une départementale et une régionale. Le conseil départemental a une compétence sociale. La région a une compétence de développement économique. Ce que nous n’avons pas ! Donc il faut commencer par là. Il faut que l’État nous rende les compétences qu’il nous a confisquées. Et tout transfert de compétences est accompagné par les moyens, c’est la loi. Il faut simplement faire appliquer les lois et c’est le rôle des élus, notamment du président du Département, de sonner l’alarme.
FI : Estimez-vous donc que si cela n’a pas été fait c’est par manque de volonté politique ?
A. M. : Par manque de volonté politique oui, et surtout pas manque de courage des élus locaux ! Si nous ne réclamons pas notre dû, quelqu’un qui n’a pas l’habitude de payer ses dettes ne le fera pas. Nous avons absolument besoin de cette compétence régionale pour le développement de Mayotte. Je vous donne un exemple : aujourd’hui, nous sommes en train de créer le « Grand Paris ». Est-ce que ce Grand Paris est porté par un Département en particulier ? Non ! C’est la région Île-de-France qui le développe. C’est la même chose pour Mayotte, il faut que nous nous dotions de la région pour développer l’économie de Mayotte. Il faut mettre les choses dans l’ordre.
FI : Comment pouvez-vous nous garantir que vous allez mettre les choses dans l’ordre si vous êtes élus ?
A. M. : Une fois élu, je remettrai en cause le GIP et dirai à l’État que nous voulons être une région à part entière. Au moment de la départementalisation, ils ont fait une expérience à Mayotte sur l’assemblée unique. Ils ont mis une assemblée à compétences régionales et départementales. Force est de constater que cela n’a pas fonctionné. Au lieu de rectifier le tir, on nous le laisse. Il faut absolument enlever cette assemblée unique et faire comme dans les autres territoires. C’est ce que je vais demander en premier lieu. Puisque cela fonctionne ailleurs, cela fonctionnera chez nous. Aujourd’hui, nous nous trouvons avec une préfecture qui est la plus puissante de France. C’est une réalité et cela ne doit plus durer.
FI : Dans votre profession de foi, vous parlez de Mayotte dans sa globalité mais jamais de votre canton alors que pour siéger au Département, il faut d’abord être élu dans son canton. Est-ce réellement une bonne stratégie ?
A.M : Pour quelqu’un qui aspire à être président du Département, j’étais obligé d’aller dans ce sens-là. Je ne veux pas botter en touche mon canton, mais il y a tellement à faire au niveau départemental ! Lorsque les choses seront en règle au niveau du territoire, à ce moment-là tous les projets découleront dans tous les cantons. Concernant mon canton, il est la porte d’entrée pour l’Afrique et l’Arabie. Un port maritime est donc indispensable à M’tsamboro. Je vais dans le sens du désenclavement pour développer le tourisme, et le port de M’tsamboro est essentiel pour cela. Nous ne sommes qu’à 70 kilomètres d’Anjouan : en deux heures de temps, nous pouvons y passer le week-end. Dar Es Salam est à 400 kilomètres, en cinq heures, nous y sommes en bateau. Nous avons donc besoin d’un port. De manière générale, le Nord doit être développé parce qu’il est complètement oublié. Vous avez vu le plan de relance ? Il n’y a aucun projet pour cette partie de l’île alors que le développement doit être équilibré partout.
FI : Vous briguez déjà la présidence du Département, n’êtes-vous pas en train de mettre la charrue avant les bœufs ?
A. M. : Non, parce que depuis Monsieur Bamana, la présidence s’est toujours jouée à la roulette russe… Certains se sont retrouvés « président » sans l’avoir demandé. Cela été le cas de Said Omar Oili, qui voulait juste être vice-président. Vous avez vu les conséquences…. Quand vous n’avez pas préparé les orientations du pays et que vous n’avez pas eu le temps d’établir un vrai cabinet digne de ce nom qui va vous accompagner pour atteindre vos objectifs, rien ne va ! Cela a été la même chose pour Monsieur Douchna et Monsieur Zaïdani. Pour ce dernier son poste s’est carrément joué dans la cuisine de la maman de Roukia Lahadji. Je vous assure, je connais bien le dossier. Donc si le destin de notre île se joue comme cela, ne vous étonnez pas après du résultat. Il faut donc se préparer en avance et mettre des orientations pour être à la hauteur de cette tâche et de ce grand défi qui nous attend. On ne s’y prépare pas au dernier moment.
FI : Êtes-vous sûr que les alliances politiques vous permettront d’accéder à la présidence du Département ?
A. M. : J’en appelle à la responsabilité de chacun. Aujourd’hui, Mayotte est à genou. La population va donner une mandature de six ans pour avoir une équipe compétente, capable de relever le défi. Il faut que les futurs élus comprennent cela et ne votent pas par copinage. Nous ne pouvons pas mettre n’importe qui à la présidence et passer encore six ans à se demander s’il y a un pilote dans l’avion. Nous voulons faire une rupture avec le passé. La prochaine mandature doit être une nouvelle ère pour Mayotte !
FI : Vous évoquez également la création d’un nouvel aéroport en Grande-Terre. Le foncier étant un problème sur le territoire, où le placerez-vous ?
A. M. : Deux études ont été réalisées : l’une à Bandrélé, l’autre à Majicavo. Les deux ont été validées à l’époque mais ont ensuite été mises à l’écart. Je ne dis pas qu’il faut fermer l’aéroport de Petite-Terre, au contraire. Il servira pour les vols de moins de trois heures. Mais il faut faire un grand aéroport en Grande-Terre, ce qui permettra d’avoir une synergie entre les deux aéroports. Le nouvel aéroport favorisera la concurrence et d’autres compagnies viendront. À Mayotte, il n’y a pas de tourisme parce que nous n’avons pas réussi le désenclavement. La ligne Mayotte-Paris est trop chère parce qu’il y a les lobbies réunionnais. Les Réunionnais sont conscients des avantages géographiques de Mayotte et de la beauté de notre lagon. Nous pouvons facilement leur faire concurrence sur le domaine du tourisme. Quand le billet Mayotte-Paris sera à 300 euros, nous pourrons enfin parler de tourisme.
Ce mercredi 9 juin à Kwalé avait lieu la finale du concours d’éloquence. Les 18 finalistes se sont réunis tôt le matin pour s’entraîner avant d’entamer la dernière ligne droite. Contrairement à la dernière édition, celle de cette année marque l’entrée en scène des collégiens, invités eux aussi à s’exprimer.
Mercredi, 8h. Les 18 finalistes du concours d’éloquence se retrouvent dans l’amphithéâtre du collège de Kwalé. Scolarisés à Dembéni, Majicavo, Sada, Kahani ou encore Petite-Terre, ils viennent défendre les couleurs de leurs écoles. Position, gestuelle, portée de la voix… Jusqu’à la dernière minute, les élèves passent au crible les ultimes détails avec leurs enseignants, reconvertis en coachs pour l’occasion. Le stress monte d’un cran ! Débarque alors la présentatrice, sûre d’elle et vêtue de bleu, pour lancer officiellement la cérémonie. Plus moyen de faire marche arrière.
Les premiers affrontements commencent avec les collégiens, invités à participer cette année. Sur scène, ils sont deux par thématique. L’un doit défendre le oui, l’autre le non. Les textes sont percutants : les sujets d’actualité, le Covid, l’amour, le monde d’après… Chacun leur tour, ils prennent d’assaut l’espace, sous les yeux fiers de leurs professeurs. Présent pour l’événement, le recteur se montre tout bonnement subjugué par la qualité des pitchs. « Tous les candidats sont impressionnants », déclare Gilles Halbout, entre deux prestations. Puis vient le tour des lycéens. À ce moment-là, ils troquent leur costume d’élèves pour prendre celui de jeunes hommes et de jeunes femmes. L’objectif, coûte que coûte ? Faire passer des messages et convaincre le jury !
Mina Chamouine, alias Black Panther
Les six finalistes du lycée doivent incarner ou définir une personne. Qu’elle soit réelle ou fictive, vivante ou décédée, masculine ou féminine. Certains partent dans l’espace, avec Thomas Pesquet, tandis que d’autres creusent derrière l’image d’intellectuel de Voltaire. Grande gagnante du concours d’éloquence 2021, Mina Chamouine se voit attribuer le personnage de Black Panther, incarné par le prince T’Challa du Wakanda, une nation africaine technologiquement très avancée, et créé par l’univers cinématrographique Marvel. « Ce n’est pas seulement un super héros, c’est un symbole », énonce-t-elle.
Pour obtenir la plus haute marche du podium, pas besoin de parler très fort ou de faire des mises en scène extravagantes. La jeune fille marque notamment les esprits en soulevant l’une de ses caractéristiques, à savoir sa couleur de peau, une grande première pour un super-héro. Et surtout une représentation forte aux yeux des enfants noirs. Selon elle, le réduire à « juste un super-héros » est un manque de respect à l’art et le catalogue à une simple distraction alors qu’il peut être bien plus que cela… Un discours touchant qui fait mouche auprès des membres du jury !
Une réussite à tous les niveaux
Dans la salle, l’ambiance est à la fête. Tour à tour, les amis respectifs des participants font du bruit en guise de soutien à leur camarade. Une fois les prestations terminées, les jeunes tombent sous les louanges du public pour leur implication et le lourd travail fourni dans le but d’arriver à un tel résultat. « Vous pouvez prétendre à des concours d’éloquence au niveau national », leur glisse Alba, journaliste à Mayotte la 1ère et membre du jury. De quoi mettre des sourires sur les visages de ces courageux collégiens et lycéens, qu’ils repartent ou non avec un collier à fleurs, symbole de leur victoire.
C’est un combat que mènent les fervents défenseurs du shimaoré et du kibushi depuis des années. L’enseignement des langues mahoraises à l’école n’est plus qu’un rêve. Le Département, le rectorat, le CUFR et l’association Shimé ont signé une convention régissant les règles à suivre pour que les élèves du premier degré puissent apprendre ces langues régionales dans les établissements scolaires.
Dans la salle DRH du conseil départemental, le recteur annonce la couleur. « Jéjé, wa fétché ! » Des mots shimaoré prononcés ce mardi matin par Gilles Halbout comme pour poser le contexte de sa venue. Réunis autour de la même table, le représentant de l’académie, le président du Département, celui de l’association Shimé et le directeur ad-joint du centre universitaire de formation et de recherche (CUFR) s’apprêtent à signer une convention historique pour l’île. Désormais, le shimaoré et le kibushi, les deux langues régionales du territoire, pourront être enseignées de manière formelle dans les écoles du premier degré de Mayotte.
Une première victoire pour Rastami Spelo, président de l’association Shimé, qui n’a ja-mais cessé de prôner la valorisation de ces deux langues. « J’y ai toujours cru… L’État a mis fin aux inégalités en reconnaissant nos langues régionales. Je vais me battre encore et encore pour l’acceptation du shimaoré et du kibushi à l’école laïque de notre République », prévient-il à l’assemblée et notamment aux autres signataires de la convention. Malgré cette avancée inédite pour l’apprentissage du shimaoré et du kibushi, Rastami Spelo reste sur ses gardes. Selon lui « en France la manière de faire est de discourir, donner tout ce qu’il faut et ne pas faire ». Mais il n’a pas l’intention de baisser les bras après plus de 20 ans de combat.
Son association qui a longtemps été soutenue par la collectivité pourra désormais compter également sur le soutien de l’Éducation nationale. Cette nouvelle étape peut être franchie grâce à la réunion de nouvelles conditions. « On ne peut pas apprendre une langue sans avoir réfléchi à la manière de l’écrire et la parler correctement. C’est désormais possible avec tout le travail qui a été fait par le conseil départemental, les associations et les chercheurs qui ont travaillé à la formalisation de ces langues régionales », décline Gilles Halbout. Cela est également rendu possible depuis la promulgation de la loi du 21 mai 2021 qui reconnaît, protège et promeut les langues régionales.
Formation obligatoire des enseignants
La signature de la convention n’est que le début d’un long processus pour que tous les enfants puissent apprendre le shimaoré et le kibushi à l’école. Avant d’arriver à cette ultime étape, il faut en premier lieu former les enseignants. Parler une langue est une chose, mais maîtriser tous ses rouages et pouvoir la transmettre en est une autre. De plus, un certain nombre d’enseignants de l’île n’en parlent aucune des deux, il est donc primordial de les former. « Il faut qu’on ait des formateurs aguerris et qu’on soit carrés sur les règles grammaticales et orthographiques… Il y a un travail sur le long terme à faire et nous aurons besoin des associations, pour que tous nos enseignants s’acculturent avec ces langues et qu’un très grand nombre d’entre eux puissent les enseigner », explique le recteur de Mayotte.
Et cela passera notamment par le centre universitaire de formation et de recherche de Dembeni qui devra préparer les futurs professeurs des écoles. « Dès l’année prochaine, en septembre, on va réfléchir à l’introduction de modules d’initiation des langues régionales dans nos maquettes à destination des enseignants du premier degré dans un premier temps », annonce Abal Kassim Cheik Ahmed, directeur adjoint de l’établissement. Il faudra donc attendre encore quelques années avant que l’enseignement du shimaoré et du kibushi se fasse à grande échelle. Pour l’heure, l’Éducation nationale mènera des expériences dès la rentrée scolaire de 2021. « Pour amplifier tout cela, il nous faut du matériel pédagogique, des manuels et tout cela va prendre un peu de temps. Notre objectif est de commencer par les petites classes et que l’on puisse continuer dans le second de-gré comme cela se fait dans les autres établissements du territoire national », souhaite Gilles Halbout.
Un travail de longue haleine
Quelques enseignants pratiquent déjà le bilinguisme dans certaines écoles de l’île, mais ces cas sont anecdotiques. Les élèves de Mayotte n’apprendront pas les deux langues régionales du jour au lendemain, car elles manquent encore une certaine structure. La graphie du shimaoré et du kibushi a été adoptée il y a tout juste un an, après de longues années de débat. Mais il ne s’agissait que de la partie émergée de l’iceberg. « Beaucoup rester à faire, il convient notamment de continuer à œuvrer pour [leur] codification en les dotant d’une orthographe et d’une grammaire officielle », précise Soibahadine Ibrahim Ramadani. Et pour y parvenir, lors de la dernière commission permanente du conseil départemental, le président a proposé la création de l’institut des langues et de civilisation de Mayotte. « Il assumera la mission d’académie des langues et fixera ainsi les normes régissant les langues mahoraises », précise le responsable de la collectivité pour encore quelques jours. Gare à ceux qui écorcheront d’une manière ou d’une autre le shimaoré et le kibushi !
L’association Coup de Pouce mène des actions de nettoyage sur l’île depuis six mois. Ce mardi 8 juin et pour la troisième fois, c’est la plage de l’étoile qui a été choisie. Encore une fois, petits et grands se sont réunis pour nettoyer et rendre à leur île sa beauté.
« Je comprends pas pourquoi les gens jettent tout ça », soupire Faidati, du haut de ses 11 ans, en ramassant un pantalon rempli de sable sur la plage de l’étoile. Âgés de 8 à 15 ans, ils sont une vingtaine de jeunes à être venus prêter main forte à l’action de Coup de Pouce. « C’est important pour moi de les éduquer sur les questions environnementales », explique Ziko, l’animateur à l’initiative de ce nettoyage pour le compte de l’association de Kawéni. Si les trois premiers mois ont été consacrés à la prévention dans le but d’aller au devant des habitants, les trois suivants ont permis de passer la seconde. « Il n’en reste plus que trois ! », s’exclame Ziko, visiblement fier d’avoir pu monter une action d’une telle ampleur avec une trentaine de personnes chaque semaine.
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La jeunesse au cœur de l’action
Par groupe de deux, les jeunes attrapent un sac poubelle et commencent le ramassage. Armés de gants, ils récupèrent tout ce qu’ils trouvent sur leur chemin ! Cannettes, sacs de riz, vêtements, pièces de moto… Rien ne leur échappe. Sourire aux lèvres, tous sont ravis de participer à une action mettant en valeur leur île. Inscrits à l’école associative de Coup de Pouce, les enfants et les adolescents du jour vivent cet événement comme une sortie scolaire. « Pendant le goûter, certains d’entre eux jettent encore les emballages… Je leur explique que s’ils font ça, nos actions sont inutiles ! Petit à petit, cela commence à rentrer dans leurs têtes », détaille Ziko en bon pédagogue. Si quelques-uns comprennent le message et font désormais très attention au recyclage, d’autres gardent toutefois leurs mauvaises habitudes.
La sensibilisation avant tout
Mais une autre frustration guette les membres de l’association. En effet, le ramassage des sacs poubelles, offerts par la municipalité, laisse parfois à désirer. Conséquence : les déchets jonchent les bords de la route pendant plusieurs jours… « Dans certains quartiers, comme dans les hauts de Kawéni ou de Majikavo, il n’y a pas de route pour que les camions puissent y accéder. Du coup, les habitants laissent leurs poubelles dehors », constate Ziko. Raison de plus pour avertir la population et lui parler de ces actions écologiques. « Cette après-midi, on va aller faire le tour du quartier, pour expliquer aux gens ce qu’on a fait. » Aux yeux de l’animateur, l’éducation représente un volet tout aussi important que le nettoyage en lui-même. Sans toutefois oublier de remercier ses petits bras pour la mission accomplie. « On a ramassé 11 sachets ! », s’écrient d’une seule et même voix Famidati et Kalatoun, heureuses du travail fourni dans la matinée.
Des actions de nettoyage certes, mais qui mettent du baume au cœur aux participants et aux personnes qui viennent profiter de ces endroits, notamment les plages. Si les déchets continuent de s’accumuler, de plus en plus de jeunes se sentent concernés par les questions environnementales. Une première bataille de gagnée pour l’association Coup de Pouce !
Du haut de ses 45 ans, Fatima Tricoire a un parcours de vie des plus atypiques. À la suite d’une maladie rare et invalidante diagnostiquée à 37 ans, la Mahoraise fonde RNS coaching et vient d’inaugurer la Maison du Second Souffle à Paris pour proposer des ateliers aux plus démunis. Entretien.
Flash Infos : Le week-end dernier, vous avez inauguré la Maison du Second Souffle, qui vient en complément de votre société dénommée RNS Coaching. Quel est le concept de votre projet ?
Fatima Tricoire : Cela fait trois ans que j’ai ouvert mon cabinet à Neuilly-sur-Seine, où j’apporte principalement mon expertise à des cadres supérieurs qui traversent des grands défis, qu’ils soient d’ordre personnel, professionnel ou social. À travers ce public, l’objectif est d’attirer des entreprises pour les sensibiliser sur le handicap invisible. Avec la Maison du Second Souffle, un projet accompagné par le président de l’association des directeurs des organismes de mutualité francophone, Bruno Huss, qui en est aussi le parrain, je fonctionne avec des partenaires pour la subventionner et accueillir d’autres intervenants sans que les bénéficiaires n’aient à payer les ateliers. Cela marche comme du mécénat !
C’est un lieu que je loue une fois par mois pendant deux heures. Aujourd’hui, je cible le 93 car c’est là je réside et surtout là où des branches de la population sont oubliés, ce que l’on appelle les classes d’en bas. À titre d’exemple, lorsque je me rends dans les entreprises, de nombreux salariés m’accostent, notamment les femmes de ménage, pour me dire qu’elles n’osent pas parler de leur malaise. Ce sont ces personnes oubliées à qui s’adresse la Maison du Second Souffle. À termes, l’idée serait de réussir à essaimer ce type de maison un peu partout en France.
FI : Ce projet est intervenu à la suite d’une maladie rare et invalidante que l’on vous a diagnostiqué à 37 ans….
F. T. : Mon arrêt maladie a durée presque 14 mois ! Pendant la convalescence, je me suis retrouvée seule face à mes problèmes, même si heureusement j’étais entourée de mes proches. Mais je n’avais plus du tout de vie sociale ou professionnelle. Je me suis complètement renfermée dans ma maladie et me suis retrouvée en complet décalage avec le monde extérieur que l’on ne comprend plus. Cela a été une épreuve catastrophique… Au cours de ma cours réinsertion professionnelle, j’avais du mal à retrouver ma place, je ne parlais plus le même langage que mes collègues. Il y avait comme une cassure : les ambitions d’antan ne l’étaient plus. Cela a suscité une frustration incroyable, qui a provoqué des rechutes.
Suite à cela, je suis allée voir des psychologues. C’était la descente aux enfers… Jusqu’au jour où j’ai rencontre cette thérapeute qui m’a proposé du coaching et qui m’a rendu mon pouvoir. En d’autres termes, je suis redevenue actrice de ma vie ! J’ai alors décidé de me former et de me certifier dans la santé mentale, physique et sociale. J’ai suivi un parcours à l’institut Curry à Paris qui avait mis en place des ateliers à destination de personnes qui sortaient de la maladie.
Mais le coaching a un prix : il fallait compter 100 euros par semaine pendant trois mois ! Je me suis alors promis que quand je serais plus à l’aise avec RNS Coaching, je souhaitais créer un lieu chaleureux et ludique pour parler de la vulnérabilité et de la résilience. C’est désormais chose faite (rires).
FI : Vous avez quitté Mayotte très jeune, à l’âge de 19 ans pour poursuivre vos études. Or, de nombreux étudiants mahorais subissent une forme de stress et de dépression à ce moment-là et peuvent avoir besoin de coaching en raison de l’éloignement avec leur île natale. Cette Maison du Second Souffle pourrait-elle par exemple en accueillir certains ? Mais aussi s’exporter directement dans le 101ème département ?
F. T. : Complètement ! J’ai souhaité solliciter des partenaires à Mayotte par le passé, mais je ne savais pas à quelles portes toquer. Personne n’a pas pris la mesure de ce que le coaching pouvait apporter aux étudiants… Je suis alors rentrée en contact avec Bruno Huss, qui travaille beaucoup avec la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress) de Mayotte, pour venir en aide aux jeunes, notamment sur Marseille où l’on touche des compatriotes comoriens et mahorais. La Maison est ouverte à tous ! Je peux organiser des ateliers spécifiques, que ce soit pour les Mahorais ou les autres habitants de l’Outre-mer. J’avais eu l’occasion d’être sollicitée par la délégation de Mayotte à Paris pour évoquer RNS Coaching à l’occasion de la journée de la femme, mais une semaine plus tard, on rentrait en plein Covid-19… Cela a mis un petit coup de frein à une éventuelle collaboration.
Mais je me déplacerai volontiers dans le 101ème département. Je suis ouverte à toutes propositions à partir du moment où j’accompagne et aide untel ou untel à aller mieux. Je demande juste que les choses soient bien organisées. Mon frère qui vit toujours sur le territoire m’a dit de rentrer en contact avec différents partenaires sur place, mais je n’ai pas encore eu le temps en raison de l’inauguration. Désormais, j’ai le temps de me consacrer à tous les projets qui pourront m’être proposés. Une femme m’a également appelé pour avoir plus d’informations sur la Maison du Second Souffle qu’elle aimerait mettre en place à Mayotte. Très bien, mais je souhaiterais garder la main, car j’ai tout de même une formation spécifique. Dans tous les cas, j’attends avec impatience de servir mon île !
Vous pouvez contacter Fatima Tricoire par téléphone au 06.09.33.93.11 ou par email contact@rns-coaching.fr ou en vous rendant directement sur son site Internet rns-coaching.fr