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Issihaka Abdillah : « Le paysage politique mahorais est encore très incertain »

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À l’annonce des résultats du scrutin pour ce premier tour des élections départementales, certains candidats de l’île étaient déjà en train de nouer les alliances pour le second tour. Il n’y a plus de temps à perdre, les jours sont comptés. Ceux qui ont été portés par leurs partisans doivent non seulement redoubler d’efforts pour séduire d’avantage d’électeurs, mais ils doivent aussi trouver les bons arguments pour que les autres binômes perdants de leur canton les soutiennent. Les coalitions qui se forment dans l’ombre détermineront probablement le paysage politique mahorais le dimanche 27 juin. Mais pour l’heure, selon l’analyste politique et observateur de la société mahoraise Issihaka Abdillah, les dés sont lacnés mais rien n’est joué.

Flash Infos : À Mayotte, le taux de participation pour ces dernières élections est à 63,26% alors qu’au niveau national, le taux d’abstention est à plus de 66%. Comment expliquer cette différence ?

Issihaka Abdillah : Ici, la population se mobilise davantage parce que l’élection cantonale est une élection de proximité. Nous sommes dans un petit territoire, et nous faisons mieux campagne qu’en métropole parce que les gens se connaissent d’avantage. C’est une élection assez importante qui rythme la vie des habitants, de la société, alors qu’en Hexagone, nous parlons surtout de la politique du gouvernement plutôt que de la politique des élus locaux. Compte tenu de notre éloignement, le conseil départemental reste une institution importante, il est considéré comme un gouvernement. Par conséquent, les gens sont beaucoup plus attentifs à l’action du Département qu’à celle du gouvernement.

FI : À l’issue de ce premier tour, certains candidats très connus et médiatisés ne sont pas passés, à l’instar d’Anchya Bamana ou Fatima Souffou. Pour quelles raisons selon vous ?

I. A. : Les deux grandes formations politiques, le MDM et le LR, sont divisées, et à l’intérieur de ces divisions, il y a des dissidences, des exclusions. Chez Les Républicains, Anchya Bamana en a fait les frais. Je crois que s’il n’y avait pas eu autant de divisions dans ce parti, il aurait gagné beaucoup plus de cantons. Mais c’est la même chose pour le MDM. Ces divisions n’ont pas aidé les électeurs et je crois même que nous aurions pu avoir un taux de participation plus important s’il n’y avait pas toutes ces divergences politiques. S’agissant des élus sortants, comme Fatima Souffou ou Raïssa Andhum, elles sont victimes de ce qu’a été la gouvernance de l’équipe sortante du conseil départemental. La mission était plus compliquée pour Fatima Souffou qui était en face des candidats de l’homme de Dzaoudzi-Labattoir, le faiseur de roi, Saïd Omar Oili. Il faut toujours compter avec lui, donc cela s’annonçait déjà difficile pour elle malgré la qualité des deux binômes. Saïd Omar Oili a pesé extrêmement sur ces votes dans ce canton de Dzaoudzi-Labattoir.

D’un autre côté, à Pamandzi, nous avons Daniel Zaïdani qui s’en sort honorablement parce qu’il a été fidèle jusqu’au bout avec son binôme Soihirat El Hadad. C’est une leçon de fidélité politique que ce binôme a donné à l’ensemble du territoire. Malgré les difficultés, ils sont restés fidèles et les résultats sont là. Si dans les autres cantons, les binômes avaient pris la peine de se reconduire ensemble, les résultats auraient été différents. Mais le fait de défaire les anciens binômes a lassé les électeurs. C’est une leçon que les futures formations politiques doivent retenir dans l’avenir.

FI : Dans le canton de Sada, Mansour Kamardine et sa binôme arrivent en tête de justesse, ils n’ont pas été encensés massivement comme on l’avait pensé. Doivent-ils s’inquiéter ?

I. A. : Je pense que les électeurs n’ont pas compris la mesure des enjeux qui viennent. C’est la première fois qu’un parlementaire en exercice s’essaye à une élection locale et les gens n’ont pas l’habitude. Ils ont hiérarchisé les mandats et c’est la raison pour laquelle ils n’ont pas voté massivement pour Mansour Kamardine. Les gens pensent qu’être député est plus prestigieux que d’être conseiller départemental alors que le député lui-même a placé le développement de Mayotte en priorité dans sa démarche d’être élu au conseil départemental. En métropole, cela se fait aussi, nous avons de grands élus nationaux, des hommes et femmes d’État qui font le choix d’êtres des élus locaux, à l’instar de Valérie Pecresse, Xavier Bertrand, et même de l’ancien premier ministre Édouard Philippe. Mansour Kamardine a eu un mandat de député formidable, avec des positions qui ont plu aux Mahorais, mais il a compris que pour mettre en musique ses idées, il doit se placer au niveau du territoire. Les électeurs n’ont pas saisi cette opportunité alors que c’est un parlementaire qui connait les rouages du gouvernement, il peut mettre en pratique tout ce qu’il a développé en tant que député. Le développement du territoire ne se fait pas à Paris… À Paris, nous faisons les lois et à Mayotte, nous développons le territoire. Les enjeux se jouent au niveau des régions et c’est là où le député doit être capable de l’expliquer pour l’entre deux tours.

Je pense qu’il a affaire à un binôme bien organisé qui a fait une campagne de qualité, mais le fait que les gens aient mis Mansour Kamardine en tête signifie qu’ils croient en son projet. Je ne porte aucun jugement, mais le LR officiel est l’unique parti à avoir un programme territorial, c’est une formation politique bien organisée aussi, mais encore faut-il qu’elle soit capable de convaincre.

FI : Les pronostics disent qu’Anchya Bamana sera celle qui départagera les deux binômes du canton de Sada. A-t-elle réellement le poids politique nécessaire pour cela ?

I. A. : Si Anchya Bamana s’est présentée, c’est parce qu’elle n’adhère pas forcément à la politique de Mansour Kamardine, mais en même temps elle n’adhère pas non plus à la ligne de Mariam Said Kalam. De plus, nous oublions une chose. Qui soutient Mariam Said Kalam ? C’est le maire actuel de Sada, qui a battu Anchya Bamana aux dernières municipales. Les deux binômes de Sada qui vont au second tour devront chercher les électeurs individuellement. Mais actuellement, je suis incapable de vous dire qui aura le report le plus important en termes de voix. Dans tous les cas, je ne vois pas Anchya Bamana prendre position pour l’un ou l’autre.

Dans ce canton, il y a plusieurs arbitres et énormément d’incertitudes, parce que la demi-sœur d’Anchya, Rahamatou Bamana, était aussi en lice. Il y a trois mois, cette dernière était pressentie pour être la candidate de Roukia Lahadji et à la dernière minute, elle a été remplacée par Mariam Said Kalame. J’attends de voir la position de Rahamatou Bamana…

FI : Selon vos propos, nous avons l’impression que pour l’instant le paysage politique de Mayotte est loin d’être défini…

I. A. : C’est même la seule certitude pour l’instant. Le paysage politique mahorais est encore très incertain. Les candidats LR pourraient attirer des dissidents du MDM, mais rien n’est sûr. Quoi qu’il en soit, il y a un arbitre dans tout Mayotte qui est bien défini et il s’appelle Saïd Omar Oili. La formation politique qui voudra être en tête devra s’allier avec lui.

FI : À Mamoudzou, les LR sont en tête sur deux des trois cantons et se hissent à la deuxième place à Mamoudzou 3. Est-ce dû à Ambdilwahedou Soumaila, l’actuel maire, qui est de la même couleur politique ?

I. A. : Effectivement, il y a une dynamique qui s’est créée derrière cette élection municipale. À Mamoudzou 1, Jacques Martial Henry et Enly Mahamoudou seront les arbitres de ce canton. S’agissant de Mamoudzou 2, l’arbitre sera Mohamed Hamissi, mais la situation est tendue d’autant plus que le taux de participation n’y est pas très fort. À Mamoudzou 3, les LR ne sont pas en tête, mais les résultats sont très serrés. C’est Mamoudzou village qui va faire la différence parce que Sidi Nadjayedine et Ali Debré Combo sont tous les deux issus de Kaweni et chacun a fait le plein de voix dans son village. Les jeux vont se jouer entre les partisans de Saoudat Abdou et Hélène Pollozec qui sont de Mamoudzou village. Cela ne sera pas facile parce qu’elles sont des candidates de qualité, elles ne sont pas là pour faire de la figuration.

 

Maymounati Moussa Ahamadi et Omar Ali, grands gagnants de Dzaoudzi-Labattoir

 

issihaka-abdillah-paysage-politique-mahorais-incertainLe territoire de Dzaoudzi-Labattoir se démarque une nouvelle fois des autres. Lors des élections municipales, la commune était la seule à élire son maire dès le premier tour du scrutin. Pour ces cantonales, les électeurs ont d’ores et déjà choisi leurs conseillers départementaux et Maymounati Moussa Ahamadi et Omar Ali sont les grands gagnants. Pourtant, selon les principaux concernés, le doute était présent jusqu’au dernier moment. « Comme toute élection, nous ne nous attendons jamais au meilleur, nous nous préparons toujours au pire pour ensuite pallier à toutes situations. Nous avions en face de nous un mastodonte, des personnes qui avaient de l’expérience », rappelle Maymounati Moussa Ahamadi. Mais derrière eux, se cache l’homme fort de Dzaoudzi-Labattoir, Saïd Omar Oili, un maire et un homme politique très apprécié dans sa commune. Selon la nouvelle conseillère départementale de Dzaoudzi-Labattoir, leur victoire est également due au besoin de changement des habitants. « Mayotte est le territoire le plus pauvre de France, il est donc important de faire une fracture qui marque un changement réel et véritable pour créer de l’emploi. Cela permettra au social et à l’économie de s’épanouir », détaille-t-elle. Les petits protégés de Saïd Omar Oili voient grand, mais affirment ne pas songer à la présidence du conseil départemental. « Tout le monde est obnubilé par cela, mais nous ne visons pas le siège de président du Département pour l’instant. Nous visons plutôt un projet commun qui est de faire présider Mayotte à travers des idées stratégiques », indique Maymounati Moussa Ahamadi. Alors que tous les candidats des autres cantons sont plongés dans les négociations du second tour, les nouveaux élus départementaux de Dzaoudzi-Labattoir affinent leur ligne de conduite. « La priorité réside en un diagnostique rapidement. Cette semaine, nous allons déjà établir notre façon de voir les choses, et définir un lien stratégique de façon à travailler avec le prochain exécutif du Département. Ensuite, une fois qu’il sera en place, il faudra immédiatement se mettre au travail. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps. Nous avons des plans d’actions à court, moyen et long termes. Tout ce qui peut être fait dans l’immédiat, nous le ferons ! Et il ne faut pas non plus que le moyen terme devienne trop long », conclut Maymounati Moussa Ahamadi, prête à rentrer dans l’arène ou plutôt l’hémicycle, le couteau entre les dents.

Medef : Carla Baltus et sa liste reconduites à l’unanimité à Mayotte

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Sans surprise, la présidente sortante du Medef Mayotte a été réélue par les adhérents du syndicat patronal. Elle repart donc pour un mandat de trois ans, qui veut s’inscrire dans la continuité. L’équipe entend aussi surveiller de près l’évolution de la loi de programmation pour Mayotte, qui devrait accélérer la convergence des droits sociaux.

On ne change pas une équipe qui gagne ? C’est visiblement l’avis des adhérents du Medef Mayotte, réunis ce lundi au lycée des Lumières de Kawéni pour leur assemblée générale. À l’unanimité des voix, les patrons ont réélu la présidente sortante Carlo Baltus et sa liste de 14 chefs d’entreprises, pour un nouveau mandat de trois ans. L’entrepreneure aux mille casquettes, dont la société de bus Carla Mayotte Transports Baltus, n’a pas caché son émotion, même si l’effet de surprise était mesuré puisque seule sa liste se présentait. “C’est une émotion de voir comment tout se passe si vite en trois ans. Déjà 11 ans que j’ai intégré le Medef, et 25 ans que je suis venue à Mayotte. Mayotte est une terre d’opportunités”, a-t-elle salué, tout sourire entre les colliers de fleurs et les applaudissements de ses pairs.

Parmi les futurs défis de cette nouvelle mandature, la poursuite de l’accompagnement des adhérents, le renforcement des échanges interrégionaux avec un regard en direction du canal du Mozambique et des projets gaziers et bien sûr la loi Mayotte qui risque de rebattre les cartes pour les entreprises. “Nous ne pouvons pas échapper à la convergence nationale et sociale. L’évolution du SMIG non plus. Le préfet nous a clairement confirmé, 2036, il faut oublier, le calendrier sera avancé”, a pointé du doigt la présidente. “Il faudra que nous soyons présents pour défendre les intérêts de nos entreprises, que nous soyons vigilants et force de propositions”.

 

Maintenir le CICE

 

Parmi ces propositions, un certain nombre sont déjà sur la table. Comme le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), cet avantage fiscal pour les entreprises, supprimé à l’échelle nationale en 2019, et qu’il s’agit de maintenir encore un peu pour l’île aux parfums, selon Carla Baltus. “Il faut tout faire pour le garder le plus longtemps possible. Après, des dispositifs existent, nous proposons par exemple le déploiement de LODEOM renforcé”, a-t-elle défendu, en référence à cette exonération qui bénéficie aux employeurs en Outre-mer, hors Mayotte, mise en place à la suite de la suppression du CICE.

Les autres combats de la femme d’affaires ? Le statut des travailleurs indépendants – “on ne peut pas nous laisser sans droit, ce n’est pas possible” – mais aussi les retraites, un autre enjeu de taille du 101ème département, confronté à un chômage de masse qui touche beaucoup les jeunes. La crise sanitaire qui n’a pas épargné le territoire depuis mars 2020 a enfin ajouté son grain de sel, et le Medef Mayotte entend suivre avec attention l’évolution du Plan de relance et du PGE (prêt garanti par l’État), notamment. “Nous en avons profité, maintenant il faut commencer à rembourser et dans certains cas où c’est compliqué, il faudra que ce PGE soit transformé en subventions ou bien prévoir une période plus longue pour le remboursement.” Sans quoi la capacité à investir et à recruter des entreprises pourrait bien en pâtir.

 

Les impayés, le sujet qui fâche

 

Quid des délais de paiement des factures ?”, a alpagué l’une des adhérentes. C’est aujourd’hui un secret de polichinelle, les collectivités accusent de sérieux retards dans le versement de leur dû, une fois les chantiers terminés. Le syndicat des eaux n’est pas en reste avec des dizaines de millions d’euros d’impayés qui font jaser le monde économique mahorais depuis plusieurs mois. “Cela découle de l’absence de fonds, nous avons l’illustration avec le syndicat des eaux. Pourtant il y a eu une subvention de 15 millions d’euros du conseil départemental, mais malgré cette délibération, il y a un blocage avec certains administrateurs”, a déploré Damien Rietsch, vice-président du Medef Mayotte.

Problème, les marges de manœuvre face à ces situations jugées “inadmissibles” par l’assistace, sont maigres. “C’est encore plus vrai pour les anciens, vous savez. On nous parle de Plan de relance mais parfois nous avons des difficultés à cause de ces arriérés et face à des marchés sérieux, nous n’avons plus la force”, a surenchéri Carla Baltus. Et les coups de pouce ponctuels de l’État ne suffiront pas à changer cet état de fait. “Tout cet argent que l’on nous donne, il faut garder à l’esprit que nous allons devoir le rembourser. Donc maintenant ce qu’il nous faut, c’est de l’activité.” Murmure d’approbation dans l’auditoire.

Abstention à Paris, renouvellement à Mayotte

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Au centre du jeu politico-médiatique, le chef de l’État, Emmanuel Macron, doit scruter les élections départementales et régionales avec une attention particulière. C’est un test pour le scrutin présidentiel qui aura lieu dans un an, en juin 2022 probablement. Or, les résultats ne sont pas bons, toutes tendances politiques confondues.

Une débâcle apparaît dès le premier tour des régionales pour les nombreux ministres candidats. Une quinzaine était en lice dans la bataille, mais les Français ont préféré leurs concurrents dans l’intégralité des régions, particulièrement en Île-de-France. Les grosses pointures affichent tous des scores médiocres, voire très mauvais dans certains cas, en dessous de 10% des votes. Si les membres du gouvernement n’ont pas été en réussite, le parti présidentiel a lui aussi souffert, ne recueillant que 10,6% des suffrages au niveau national, loin derrière LR (28,4%), le RN (19,2%), le PS (15,8%) ou les écologistes (13,2%). La droite est donc en position de force, LREM essuie un camouflet. Chez les LR, le désaveu n’est pas moins cinglant, ce qui donne une indication de l’impopularité des partis politiques, désormais réelle. La légende d’une désaffection des citoyens pour les joutes cède le pas à la réalité !

Le parti de Marie Le Pen, également présidentiable, n’arrive en tête qu’en Paca, mais il a peu de chance de remporter la région. La formation s’estime la principale victime de l’abstention. Au terme d’une campagne pourtant dominée par les questions sécuritaires, le réveil est brutal pour toutes les grandes figures. Le président de la France Insoumise (FI), Jean-Luc Mélenchon, ne décolère pas sur le recul du devoir civique en France métropolitaine : « Une démocratie sans électeurs, ce n’est plus vraiment une démocratie », déclare-t-il, parlant de « refus de vote », de « grève des urnes ». Selon lui, le gouvernement a une responsabilité éminente dans ce « désert électoral », dû à une carence de fonctionnement de l’État actuel, laminé par des décisions successives qui écornent les libertés individuelles et collectives.

 

Le bon exemple mahorais

 

À hauteur de 60%, le record d’abstention est battu, plus de la moitié des électeurs ont boudé les urnes, une première dans la Vème République. Pour expliquer cette fâcheuse tendance, la presse nationale a pointé du doigt deux bouleversements majeurs, à savoir l’influence des réseaux sociaux et la possibilité de mesurer en continue l’audience de ce qui est publié par les sondages d’opinion. Dans les milieux intellectuels, certains observateurs ne pensent pas toutefois que cette double bascule soit nécessairement génératrice du « désarroi abstentionniste ». Autant dire que la colère, perceptible sur Internet, ne mobilise pas pour les élections régionales.

Qu’en est-il à Mayotte ? Les électeurs et électrices semblent donner l’exemple, avec un taux de participation qui passe de 53% lors du dernier scrutin, en 2015, à 60% en 2021, soit 7 points de plus. Contrairement aux pronostics, le mauvais bilan de la départementalisation n’a pas eu d’impact sur la volonté des électeurs de contribuer à changer les choses par le vote, dans une société minée par de nombreuses crises : économique, sociale, sanitaire et sécuritaire. Le découragement présumé n’a pas eu lieu. La vieille génération, plus politisée, qui vote traditionnellement par fidélité, a rempli son devoir, soit directement dans l’isoloir, soit par procuration.

Au regard des chiffres officiels publiés par la préfecture, le scrutin est à l’image du dynamisme de la jeunesse mahoraise, laquelle représente 60% de la population. La tranche d’âge la plus nombreuse, entre 18 et 30 ans, a manifesté le désir d’imposer ses vues aux aînés. Certains vieux routiers ont d’ailleurs disparu de la scène, emmurés dans le silence à l’heure de la retraite politique. C’est le cas du président du conseil départemental, qui ne se représentait pas dans son canton de Chiconi. Idem pour son prédécesseur, Ahmed Attoumani Douchina, absent dans la circonscription de Bouéni. À Mamoudzou 2, Chihaboudine Ben Youssouf a choisi de soutenir un poulain qui a fait un score honorable.

 

Une nouvelle génération au pouvoir

 

Ces désistements montrent que le changement du personnel politique est à l’œuvre, des élus plus en phase avec les nécessités de leur époque moderne dessinent la nouvelle carte électorale. Excepté le repêchage du député Mansour Kamardine dans le canton de Sada-Chirongui, une nouvelle génération arrive au pouvoir pour parachever le combat de la départementalisation. C’est le principal enseignement qui se dégage du scrutin.

Cette évolution tant attendue est également perceptible au niveau des résultats du premier tour. Le binôme qui l’emporte à Labattoir en est l’exemple parfait. Les autres connaîtront leur sort dimanche prochain, à la suite de négociations de ralliement entre plusieurs formations très localisées. Les partis classiques (LR, MDM, Modem et ce qu’il reste du PS) sont menacés par des compromis difficiles à conclure dans un contexte de défiance envers leurs dirigeants. Les alliances risquent d’être fatales aux candidats sortants. Il est donc présomptueux, à ce stade, de dire qui sera le prochain président du Département, et quel parti sera en position de force pour constituer une majorité de gouvernance pour les six ans à venir.

Après plus d’un an d’absence, les cafés Naturalistes signent leur grand retour à Mayotte

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Crise sanitaire oblige, les Naturalistes de Mayotte ont dû mettre en stand-by leurs conférences mensuelles, qui signent leur retour ce mardi 22 juin au pôle culturel de Chirongui. Le thème évoqué sera celui de la flore mahoraise, un patrimoine à la fois méconnu et menacé. Pour marquer ce come-back d’une pierre blanche, le président de l’association, Michel Charpentier, rappelle l’importance de l’environnement sur un territoire comme l’île aux parfums.

Des récits sur l’histoire environnementale de Mayotte, des débats, des questions-réponses… Oui, les cafés naturalistes signent bel et bien leur retour sur le devant de la scène ce mardi 22 juin à partir de 18h. Exit la Croisette et son spot idyllique en bordure de mer, place au pôle culturel de Chirongui, dont « la salle est davantage propice » à ce type de rencontre selon Michel Charpentier, le président de l’association. Une adresse « plus calme et adaptée pour diffuser des images en diaporama » qui repose toutefois sur quelques incertitudes. « Nous allons tester… Nous verrons pour proposer les deux lieux à l’avenir si nous n’arrivons pas à drainer suffisamment le nord de l’île. »

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Reste donc à croiser les doigts pour que le sujet retenu parle au public. À savoir, la flore mahoraise, un patrimoine méconnu et menacé. « Nous avions l’intention d’en parler depuis un certain temps car le couple qui travaille là-dessus quitte Mayotte courant juillet. » Le hasard du calendrier fait bien les choses, dans un sens. Pour tenter de séduire les curieux de ce rendez-vous mensuel, toutes les attentes reposent donc sur les épaules et le talent oratoire d’Annick Fabre et de Bernard Roche.

 

Une flore en voie de disparition

 

Mais revenons-en à nos moutons. Que dire sur ce thème ? Tout d’abord que la flore mahoraise recense environ 1.400 espèces identifiées ! Dont un nombre relativement important d’indigènes. Pour bien comprendre, il faut savoir « qu’elles sont arrivées ici par leur propre moyen, soit par le vent, soit avec les animaux comme les oiseaux ». Et comme l’île aux parfums est unique en son genre, elle concentre un taux d’indigénat bien supérieur aux autres îles de la région, « même de La Réunion », compte tenu de sa superficie.

Ce choix est loin d’être anodin pour Michel Charpentier. « Vous avez entendu parlé de la régression de la biodiversité, cela la touche particulièrement en raison du défrichement et de la déforestation », rappelle celui qui est dévoué depuis des années à la cause environnementale sur le territoire. « À notre sens, il faut arriver à la protéger d’une manière ou d’une autre. […] Le risque est la disparition des végétations naturelles (flore mahoraise indigène) au profit des espaces cultivées (bananes ou maniocs). »

 

Une urbanisation au détriment des espaces naturels

 

Si le président des Naturalistes a bien conscience de l’importance de l’agriculture dans le 101ème département dans le but de « nourrir le pays », il alerte sur le « contexte démographique énorme » qui grignote toujours plus de terrain pour « construire des équipements collectifs », « avoir des ressources » et « s’installer ». Hors de question pour Michel Charpentier de regarder sans bouger ou interpeller la population. « Tout cela va se faire au détriment des espaces naturels qui sont extrêmement riches au regard de ce que nous trouvons dans l’océan Indien. » D’où vraisemblablement sa volonté de faire signer aux candidats aux élections du conseil départemental la charte d’engagement en faveur de l’environnement dévoilée la semaine dernière. Qui n’a jusqu’à présent pas encore reçu l’effet escompté…

Le cabinet mahorais de conseil au service de l’entrepreneuriat féminin depuis 20 ans

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Le 15 juin dernier, le cabinet mahorais de conseil soufflait ses vingt bougies. L’occasion pour sa fondatrice et gérante, Sanya Youssouf, de rappeler son combat pour le développement de l’entrepreneuriat féminin à Mayotte.

Lorsque le cabinet a été créé en 2001, l’objectif était d’offrir aux entrepreneurs la possibilité de restructurer leurs entreprises et de les accompagner dans leur gestion administrative, sociale et comptable.” Fondatrice et gérante de la société, Sanya Youssouf regarde dans le rétroviseur avec une certaine nostalgie. Une idée de départ qui a bien évolué au cours de ces deux décennies… “En 2009, la cabinet a obtenu la labellisation nationale dans le cadre du dispositif Nacre (Nouvel accompagnement à la création ou la reprise d’entreprise) afin de soutenir les porteurs de projets dans leur démarche de création. Enfin, depuis 2016, nous accompagnons les porteurs de projet demandeurs d’emplois dans le cadre du fonds social européen”, retrace-t-elle, sans buter sur les années passées.

 

800 entreprises et 500 porteurs de projet

 

Depuis la création du cabinet mahorais de conseil, celui-ci a accompagné entre 700 et 800 entreprises mais aussi et surtout plus de 500 porteurs de projet. Parmi ces derniers, 40% d’entre eux étaient des femmes. “En créant leurs entreprises, elles ont créé leur propre emploi ainsi que bien d’autres, ce qui n’est pas négligeable à Mayotte. Il est important de rappeler que ces femmes contribuent énormément au développement de l’île”, affirme fièrement Sanya Youssouf, comme si elle s’en faisait la porte-parole.

Son cabinet de conseil mène au quotidien des actions de sensibilisation auprès des femmes pour promouvoir l’entrepreneuriat. “Nous organisons des réunions d’informations, nous travaillons avec des instituts d’accompagnement, nous essayons d’aider les femmes dans les difficultés qu’elles peuvent rencontrer en se lançant dans un projet entrepreneurial. » Les dispositifs étatiques et européens permettent notamment aux personnes souhaitant démarrer leur activité de bénéficier d’aides et de formations.

 

Des compétences de haut niveau au service du territoire

 

Aujourd’hui, Sanya Youssouf se réjouit de voir des jeunes diplômés entreprendre à Mayotte. “Je rencontre des jeunes femmes avec des formations de haut niveau qui souhaitent créer des activités structurantes pour le territoire. Nous avons besoin de ce potentiel, besoin de diversifier les secteurs d’activités.” Avant de revenir sur une anecdote qui l’a profondément marquée. “Un jour, quelqu’un a dit que la relance de l’économie à Mayotte se ferait avec les femmes et j’en suis persuadée ! Nous devons montrer notre combativité et ne pas avoir peur de nous lancer.

Pas rassasiée pour un sou, Sanya Youssouf analyse avec sobriété tout le chemin parcouru depuis 2001. Sa plus grande fierté, elle, reste indélébile : “C’est lorsque certains des projets que j’ai vu naître sont lauréats lors de concours.” Un message d’espoir et de détermination pour toutes les femmes désireuses de construire un avenir meilleur pour leur île.

Participation, victoire, second tour… les premiers enseignements du scrutin à Mayotte

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Le premier tour des élections a déjà livré ses premières leçons et surtout dévoilé les visages de deux conseillers départementaux à Dzaoudzi, avec le binôme gagnant de Maymounati Moussa Ahamadi et Ali Omar. Pour les 12 autres cantons, il faudra attendre dimanche prochain pour connaître l’issue du scrutin, même si plusieurs figures commencent à émerger.

C’est l’heure de renouveler les 26 conseillers du Département ! Ce dimanche, les Mahoraises et les Mahorais étaient appelés aux urnes pour choisir les binômes qui devront les représenter pour les six prochaines années. Pour cette élection au scrutin binominal mixte majoritaire à deux tours, pas moins de 74 binômes se présentaient dans les 13 cantons. Et à Mayotte, qui a fêté cette année les dix ans de la départementalisation, cette élection revêt une importance particulière.

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Participation stable à 17h

 

Premier élément de preuve : l’intérêt porté par la population, qui s’est traduit par une participation plutôt stable. À 12h, 22,34% des électeurs étaient venus glisser leur enveloppe dans la fente, et à 17h, une heure avant la fermeture des bureaux de vote, ce taux était monté à 50,20%, légèrement en dessous du niveau des élections de 2015 (50,76%). À noter que cette tendance locale est complètement à rebours du scrutin national, marqué par une abstention record : plus de 66% des électeurs ont boudé les urnes, en hausse de 16 points par rapport à 2015 !

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Un binôme victorieux

 

L’autre information à retenir à l’issue de ce premier round : la victoire sur le canton Dzaoudzi Labattoir de Maymounati Moussa Ahamadi, la directrice de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (CRESS), qui faisait équipe avec Ali Omar. Élu sous l’étiquette Nema, le binôme, soutenu par le maire de Dzaoudzi Saïd Omar Oili, a obtenu 53,8% des suffrages, évinçant ainsi de la course la conseillère sortante Fatima Souffou alliée à l’ancien édile Mohamadi Bacari Mcolo (46,2%). Ce résultat définitif dès le premier tour était attendu, dans la mesure où seuls ces deux binômes se présentaient dans ce canton de Petite-Terre.

 

Mansour Kamardine en tête à Sada

 

Scènes de liesse d’un côté du lagon, semi-victoires de l’autre : en cette soirée électorale, les yeux se sont aussi tournés vers Sada, fief du député Les Républicains (LR) Mansour Kamardine qui n’a pas caché ses ambitions en annonçant sa volonté d’occuper le siège de président du conseil départemental. Il n’y est pas encore, mais les premiers résultats le placent déjà en bonne posture pour le second tour avec 27,90% des voix. Quelques points derrière, le binôme composé de Mohamed Abdou et Mariam Saïd Kalame se maintient avec 26,83% des votes. L’ancienne maire Anchya Bamana arrive en troisième position avec 17,62% des voix. Parmi les autres figures attendues lors de ces élections, l’ancien président du conseil départemental Daniel Zaïdani (MDM) qui arrive en tête dans le canton de Pamandzi avec 49,48% des voix, devant Mohamed Ali Hamid, président de la chambre de commerce et d’industrie (35,87%). Et à Dembéni, le conseiller sortant Issa Issa Abdou obtient lui aussi le meilleur score avec 45,63% des suffrages.

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Enfin du côté de la commune chef-lieu, le match est serré. À Mamoudzou 1, le suspens est total, où quatre binômes recueillent chacun plus de 15% des voix. Farianti M’Dallah et El Anrif Hassani (divers centre) caracollent en tête avec 32,21% des suffrages. Les Républicains mènent quant à eux la danse dans le canton 2 grâce au duo Zaidou Tavanday et Zakia Mambo, avec 39,28% des voix devant Laini Abdallah-Boina et Elyassir Manroufou (34,35%). Enfin, à Mamoudzou 3, pas moins de dix listes se présentaient et les premiers résultats plaçaient en pôle position Nadjayedine Sidi et Hélène Pollozec, candidats investis par le parti Le Rassemblement présidé par l’ancien maire de Mamoudzou Mohamed Majani. Issu de l’acuelle mandature, Ali Debré Combo (LR) arrive deuxième, confirmant une tendance générale sur ces élections plutôt favorable au parti de droite. Même s’il faudra attendre le second tour et le jeu des alliances pour faire émerger une majorité.

Des personnes radiées des listes électorales à Mayotte sans aucune explication

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Le tribunal judiciaire de Mamoudzou était également pris d’assaut en ce jour de scrutin. Une centaine de personnes radiées des listes électorales se sont rendues sur place pour trouver une explication logique à ce problème et surtout trouver une solution afin d’accomplir leur devoir civique.

La situation est désormais prévisible à Mayotte. À chaque période électorale son lot d’irrégularités ! Les départementales de cette année ne font pas exception. De nombreuses personnes ont été radiées des listes, à leur grande surprise. Habitant de Ouangani, Bacar Maoulida en est le parfait exemple. « Je suis parti voter ce matin et j’ai découvert que je ne figure plus sur les listes électorales. Je ne comprends pas parce que lors des municipales, j’ai pu voter sans problème et aujourd’hui, je découvre par hasard que je ne peux plus le faire », s’indigne le sexagénaire. Il juge la situation inadmissible et a décidé de faire le déplacement depuis son village de Barakani dans le canton de Ouangani jusqu’à Mamoudzou pour trouver une solution. Mais arrivé sur place, il doit attendre plusieurs heures avant de régler son problème.

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Au total, 120, requêtes ont été receptionnées par le tribunal judiciaire pour des raisons similaires, selon les agents de l’instance. Certains sont arrivés à la première heure, à l’instar d’Ewan Bazil, un habitant de Bandrélé. « Je suis là depuis 7h du matin… », souffle l’homme de 19 ans. Ce dernier avait pensé avoir anticipé, mais il se retrouve dans une situation qu’il n’avait clairement pas prévue. « Je m’étais inscrit sur la liste électorale. Il y a une semaine, on m’a fait savoir que je ne figure pas sur la liste. J’ai donc déposé mon dossier au tribunal depuis quelques jours et aujourd’hui, les agents d’ici me disent qu’ils ne le trouvent pas », s’indigne-t-il. Le jeune adulte se voit donc obligé de monter un nouveau dossier à la dernière minute. Une imbroglio qui oblige ses proches à prendre la route depuis son lieu de résidence pour lui apporter les documents nécessaires.

D’autres ont tout bonnement été changés de canton ! « Moi je vote à Passamaïnty habituellement et aujourd’hui on m’a dit que je devais aller voter à M’tsapéré », raconte une dame à sa voisine de siège. Passamaïnty faisant partie du canton de Mamoudzou 1 et M’tsapéré de Mamoudzou 2, la situation en interroge plus d’un. Mais cette dame n’est pas un cas isolé, au tribunal ce dimanche 20 juin… Les électeurs des trois circonscriptions de Mamoudzou sont les principaux concernés par ce changement inattendu de canton.

 

Des primo-votants majoritaires

 

La plupart des personnes présentes au tribunal ce jour-là sont des primo-votants. Âgés de 18 et 19 ans, ils mettent un point d’honneur à accomplir leur devoir civique. « Je fais tout pour pouvoir voter aujourd’hui parce que c’est la première fois pour moi et j’estime que c’est un devoir. En tant que citoyen, je suis obligé de le faire », s’impatiente Ewan Bazil de Bandrélé. Mais d’autres semblent moins sensibles par le sens de la citoyenneté et font le déplacement jusqu’à Kawéni avec une idée bien précise derrière la tête. « Je suis là pour rectifier ma situation », affirme dans un premier temps une jeune fille âgée de 18 ans. Avant de dévoiler les raisons exactes qui la poussent à absolument déposer son bulletin dans l’urne. « Je dois trouver une solution afin de voter pour la personne que l’on nous a demandés de soutenir… » Déroutant !

Dans une course électorale où tous les coups sont permis officieusement, les stratagèmes sont légions pour obtenir le maximum de voix. Derrière la détermination de ces jeunes se cache plutôt celle des candidats qui espèrent tous avoir une place au conseil départemental.

Le jeu de la drague électorale à Mayotte

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À Mayotte comme dans les autres départements, les campagnes politiques sont des périodes riches en événements. Mais loin des meetings classiques que l’on peut voir en métropole, les candidats de Mayotte frôlent « la drague électorale ». Zoom sur ces éléments de campagne.

« On va faire un vrai voulé aujourd’hui », lance Nadjib*, un carton de 8.5 à la main. Il est 11h, une dizaine de jeunes garçons sont installés à leur spot, dans les rues de M’gombani. Au-delà d’un carton de bières, on leur a posé de la viande et des cuisses de poulet. Le seul repas de la journée pour plusieurs d’entre eux. « Ceux qui veulent se faire élire nous posent ça le matin, c’est comme ça ici, et avec ça ils arrivent à avoir plein de jeunes derrière eux », soupire Rayan*, en ouvrant la première canette. Mais ce matin, parmi ces jeunes, seuls trois sont majeurs, et l’un d’entre eux a déjà prévu de ne pas voter. « À chaque fois qu’il y a les élections on les voit, mais dès que c’est fini, il n’y a plus personne », explique Nadjib, c’est d’ailleurs pour ça que lui ne votera pas. Le schéma se répète élection après élection et pourtant, rien ne change pour eux. « Ils disent tous qu’ils vont nous aider quand ils seront élus et pourtant, on galère toujours. » Comme ces jeunes, des dizaines et des dizaines de groupes se font approcher par des candidats qui espèrent obtenir le maximum de voix sur l’île. Un combat qui semble perdu d’avance chez certains, mais peut être le début d’une volonté d’engagement pour d’autres. Un engagement qui reste superficiel, ne se basant pas sur des idées, mais sur celui qui aura le plus donné. À manger, une voiture, de la peinture pour la maison, la drague électorale s’habille différemment pour s’adapter aux besoins des votants.

« Meeting ou concert ? »

Quelques heures après le lancement du fameux voulé, le groupe de jeunes voit l’installation d’un podium devant la MJC de M’gombani. Des chaises par dizaines y sont aussi installées. Barrières, décorations en masse, les jeunes rient à gorge déployée. « Meeting ou concert aujourd’hui ? », demande Amir*, comme si toute cette campagne n’était qu’un jeu à leurs yeux. « Dimanche dernier, ils avaient même ramené Walter, comme si ceux qui écoutent Vibes sont ceux qui votent », se désespère Nadjib. Toutefois, le groupe comprend cette façon de faire. « Ma mère, si un candidat lui donne quelque chose, elle votera pour lui. La politique ça l’intéresse pas mais elle se dira qu’il mérite, comme il lui a donné », soutient Ahmed*, qui, du haut de ses 18 ans, s’apprête à voter pour la toute première fois. S’il a choisi son candidat, il ne dira pas qui est l’heureux élu. « Ce n’est pas ceux qui nous donnent des bières en tout cas. » Il commence par sourire puis se désole de la situation. « Là ils font des meetings, on dirait des soirées, on ne sait même pas ce qu’ils vont faire pour nous après. Ils sont juste contents parce qu’il y a du monde. » Le jeune homme déplore cette situation qu’il voit depuis des années. « À 13 ans j’étais déjà bourré avec les bières des élus, pourtant aujourd’hui je ne vote pas pour eux », conclut-il, visiblement excédé par le phénomène.

 

L’amour par porte-à-porte

 

La drague électorale ne s’arrête pas là. Mayotte étant une petite île où « tout le monde se connaît », les candidats prennent le temps de faire du porte-à-porte pour se présenter aux familles. Mais loin de présenter leur programme lors de ces tournées, ils viennent se présenter en tant que personne. « Il y en a un qui est venu chez ma mère hier et elle était presque honorée de le recevoir et je suis sûr qu’elle va voter pour lui », craint Rayan, conscient que ce n’est pas comme ça que les conditions de vie vont s’améliorer pour les habitants du territoire. Ce porte-à-porte est d’autant plus important pour les candidats cette année, puisqu’ils ont dû faire face à des restrictions en termes de meeting, au vu de la situation sanitaire. Toutefois, le fond des programmes ne semble pas avoir été plus creusé que les années précédentes, comme si l’ensemble des Mahorais votent plus pour un candidat… que pour ses idées.

* Les prénoms ont été modifiés.

Sénateur Thani Mohamed Soilihi : “Ni le département et encore moins la région n’ont été aboutis”

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Le toilettage institutionnel est l’un de ses fers de lance. Car, depuis sa départementalisation, la collectivité unique de Mayotte doit également exercer des compétences régionales, mais sans recevoir les dotations prévues à cet effet. Une ambivalence qui, selon le sénateur Thani Mohamed Soilihi (LREM), expliquerait le retard de l’île dans plusieurs volets.

Mayotte Hebdo : En 2019, vous présentiez vos travaux sur l’évolution institutionnelle de Mayotte devant le conseil départemental. Pourquoi une réforme en la matière est-elle nécessaire selon vous ?

Thani Mohamed Soilihi : Sur le papier, Mayotte est un département-région, ou en d’autres termes, une collectivité unique, et c’est la première du genre ! C’est une création faite sous la présidence de Sarkozy, qui envisageait une réforme des collectivités afin de faire disparaître l’échelon départemental, mais il n’a pas pu le faire avant la fin de son mandat.

Mayotte est le seul département français dans le secteur du canal du Mozambique, alors il fallait naturellement lui adjoindre une région. Mais le choix a été fait de ne pas faire comme à La Réunion, où il y a une région d’un côté et un département de l’autre, mais plutôt de faire une seule et même collectivité au sein de laquelle seraient exercées les compétences des deux collectivités, donc à la fois départementales et régionales. Et c’est toujours le cas aujourd’hui, du moins sur le papier. C’est d’ailleurs à cette question que les Mahorais avaient répondu “Oui” à plus de 95% : “Voulez-vous que la collectivité de Mayotte devienne un département d’Outre-mer qui exerce à la fois les compétences dévolues aux DOM et celles dévolue aux régions d’Outre-mer ?”. Mais dans les faits, ni le département et encore moins la région n’ont été aboutis.

Les compétences régionales n’ont été exercées qu’au fur et à mesure : tout ce qui concerne l’ARS, Pôle Emploi, les constructions scolaires du secondaire, tous ces champs de compétence en principe exercés par la région ne reçoivent pas à Mayotte les dotations automatiques qui vont avec. Les dotations sont calculées au prorata de la population, qu’il s’agisse de la commune, de l’intercommunalité, du département ou de la région. Pour Mayotte, il n’y a pas de dotations régionales dévolues à un budget chaque année. La seule chose qui est prévue c’est que les compétences effectives, comme celles citées plus tôt, font l’objet d’un accompagnement par l’État. Pour les constructions scolaires par exemple, ce sont des fonds débloqués spécifiquement par Paris. Mais cette situation ne peut pas être satisfaisante : tous les ménages privés ont besoin de savoir de quelle somme ils disposent chaque mois, alors quand vous êtes une région, que vous êtes censés chapeauter le département, et que vous ne savez pas de quel budget vous disposez à l’année, ça pose un sérieux problème. Du coup, on se retrouve chaque année à mendier en quelque sorte pour que chaque projet aboutisse. Ce qui est dramatique, c’est que cette mendicité est valable aussi pour les autres collectivités. Aujourd’hui, les maires qui ont des projets, qui veulent par exemple refaire la peinture dans leur commune, sont obligés d’aller demander des bouts de financement par-ci par-là.

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MH : Pourquoi, alors, votre projet de loi de toilettage institutionnel n’a-t-il jamais abouti ?

T. M. S. : Il n’a jamais été discuté ni à l’Assemblée, ni au Sénat. C’est un projet qui a fait l’objet de travaux dirigés par le président Soibahadine Ibrahim Ramadani avant d’être confié aux parlementaires. Moi j’étais celui qui m’en suis saisi et qui, à l’appui de ces travaux, a préparé et déposé deux propositions de loi au Sénat. Mais ils n’ont jamais fait l’objet de discussions parce que l’idée était qu’il y ait des échanges entre les collectivités, le département, les parlementaires et l’État pour déterminer ce qui était faisable ou non, ou ce qui devait attendre. Mais il n’y a pas eu d’unanimité auprès des parlementaires pour faire avancer ces propositions de loi. Or, sur ce genre de question, il faut être unanimement d’accord, on ne peut pas se permettre de ne pas avoir d’accord sur quelque chose d’aussi important et d’aussi structurant pour le département. D’ailleurs, en 2014, à la demande du président Zaïdani, il y avait eu un projet similaire, où il avait demandé aux parlementaires de changer le mode de scrutin et d’augmenter le nombre d’élus de la collectivité et je m’étais emparé du sujet de la même manière, j’avais préparé une proposition de loi et la commission des lois du Sénat avait commencé à l’examiner mais pendant l’examen, d’autres élus mahorais, dont Soibahadine qui était devenu président du conseil départemental entre temps, avaient écrit au président de la commission pour dire qu’il fallait stopper ce projet parce que Mayotte n’était pas encore prête.

MH : Aujourd’hui encore, nombre de figures politiques locales s’opposent à ce toilettage…

T. M. S. : Je ne l’explique pas. Je crois qu’avec une telle réforme, on aurait pu voir plus clair dans les projections politiques de Mayotte puisque le changement du mode de scrutin départemental aurait fait qu’au lieu de se pointer devant les électeurs avec 13 binômes, on se présenterait avec des listes, comme pour les élections municipales, avec un programme et une gouvernance annoncée. Alors que là, une fois le président élu, il faut élire les conseillers départementaux puis se réunir, dans un troisième temps, pour former une majorité et s’accorder dans un quatrième temps pour définir un programme politique à mener. Ce qui me semble complètement absurde puisque cela ne donne pas un cap clair dès le départ et ne permet pas non plus d’avoir des compétences et des dotations claires. Tout ça est de nature à handicaper le département, voire même à faire dépendre plus qu’il n’en faut les élus locaux de l’État. À Mayotte, les élus du département dépendent excessivement de l’État et du préfet à cause de ça !

Pour les constructions scolaires par exemple, une dotation est prévue dans le cadre du plan de convergence à hauteur de 500 millions d’euros sur trois ans. Mais pour d’autres projets ou secteurs, c’est exclusivement à la demande, donc il faut lancer un appel à projet pour obtenir des dotations de la préfecture. Donc ça n’a rien d’étonnant de voir que les choses mettent parfois du temps à avancer… Cela féodalise les élus vis-à-vis du préfet. Pour moi, une bonne partie du retard de l’île est dû à ça.

MH : En ce sens, un tel projet de loi n’est-il pas susceptible d’éloigner davantage Mayotte de Paris en termes de gouvernance, comme certains le craignent ?

T.M. S. : Mayotte est liée à la France par la Constitution et par la volonté des Mahorais. Et rien de ce qui n’était proposé dans le toilettage institutionnel ne remettait cela en cause. Il ne s’agit pas de toucher au statut de Mayotte, puisqu’on ne peut pas le faire sans passer par la voie d’un référendum.

On n’était pas obligé de tout garder dans le projet de toilettage, mais si déjà on changeait le mode de scrutin et qu’on augmentait le nombre d’élus, ils seraient suffisamment nombreux pour s’occuper des compétences départementales et régionales… C’était d’ailleurs le projet du président Zaïdani, qui projetait de passer de 26 à 39 conseillers départementaux. Cela peut paraître beaucoup aux yeux de certains, mais ça ne l’est pas lorsqu’on regarde dans les autres collectivités. En Guyane, collectivité unique où le nombre d’habitants est similaire à celui de Mayotte, il y a 51 élus… Je ne vois pas où est le risque ou le danger pour notre territoire. Ce que je déplore, c’est qu’on ne fait pas les choix minimaux qui permettraient à cette île d’avoir un cap clair et d’avoir une projection cohérente et précise.

J’espère que les prochains élus départementaux vont très rapidement faire ce travail d’évolution institutionnelle et que pour la prochaine élection, on n’aura plus un processus en trois ou quatre temps. Cela permettra aux prochains candidats de se préparer à former des listes et un programme. Aujourd’hui, les binômes proposent des programmes que je trouve très bien mais qui ne sont pensés qu’à l’échelle de leur canton. Cela revient à imaginer la même piscine départementale pour chacun de ces cantons… Ce sont souvent les mêmes programmes démultipliés sur les 13 circonscriptions, ce n’est pas cohérent, alors que chaque liste, chaque groupe devrait réfléchir pour l’île entière, mais avec le système actuel on se l’interdit. À titre d’exemple, les candidats de Sada n’échangent pas avec les candidats de M’tsamboro, même s’ils sont du même parti…

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Une charte d’engagement destinée aux candidats des départementales pour agir dès demain

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À la veille des élections départementales, l’association Nayma a souhaité rappeler ce jeudi 17 juin aux candidats l’importance de la question environnementale sur l’île aux parfums, mais aussi leur permettre de s’engager pour cette cause via une charte.

Dans le 101ème département, l’enjeu environnemental est loin de faire partie des priorités. Alors pour tenter de changer les mentalités des prochains élus de la collectivité, plusieurs acteurs associatifs (Nayma, Oulanga Na Nyamba, Yes We Can Nette, Les Naturalistes, Mayotte Nature Environnement, Régie de territoire de Tsingoni ou encore Tifaki Hazi) ont décidé de se réunir autour de la table et de tirer, ensemble, la sonnette d’alarme. Comment ? En paraphant ce jeudi 17 juin la première charte d’engagement en faveur de l’environnement des candidats aux élections du conseil départemental. “Il est urgent d’agir. Le Département a vocation à donner un coup de pouce à l’environnement”, insiste Emmanuelle Martin, la vice-présidente de l’association Nayma. Avant de faire un appel de pied en cette période électorale. “Nous invitons [ceux] qui le souhaitent à nous contacter pour [la] signer et ainsi placer l’environnement comme objectif du territoire pour les six ans à venir.

 

Protéger ce qu’il reste à protéger

 

Pour les signataires de cette charte, il est important de rappeler aux prétendants qui souhaitent siéger dans l’hémicycle que la protection de l’environnement doit se traduire dans les politiques publiques. “Il y a plein de questions prioritaires à Mayotte. Mais il est clair que si nous continuons dans la dynamique qui est en cours en ce qui concerne l’environnement, la situation pourrait devenir critique à l’horizon de dix ans” , déplore Michel Charpentier, le président des Naturalistes de Mayotte. “Des solutions existent ! Nous nous devons de protéger ce qu’il reste à protéger tant qu’il est encore temps. Plus nous attendrons, plus cela va nous coûter cher de sauver ce qui peut l’être

 

Rétablir le cycle de l’eau

 

Pour cet habitué du territoire, les hommes et femmes politiques ne devraient plus prendre à la légère les questions environnementales car la mauvaise gestion des ressources entraîne de multiples répercussions que ce soit sur le plan écologique, sanitaire ou encore économique. “Pour planter un hectare de padza, cela coûte 250.000 euros. Il serait plus pertinent d’investir cet argent dans la formation et la sensibilisation des agriculteurs à la préservation des sols et à l’agriculture raisonnée. Nous rétablirions alors le cycle de l’eau qui infiltrerait à nouveau les sols et serait disponible dans les nappes phréatiques”, relate-t-il en bon professeur.

 

Concilier développement et préservation de l’environnement

 

Les présidents des associations environnementales réunis le 17 juin rappellent que lorsque l’on se tourne vers un développement durable, l’aménagement n’est pas incompatible avec la préservation de l’environnement. “Les politiques ne doivent pas nous voir comme un frein à leur projets. Nous pouvons être là pour les conseiller ou les accompagner dans les concertations sur des projets. Notre objectif n’est pas de mettre la nature sous cloche, mais de voir se développer des aménagements qui concilient nature, humain et activité économique. Il y a des territoires qui y arrivent très bien, je ne vois pas pourquoi Mayotte n’y arriverait pas”, affirme Emmanuelle Martin, la vice-présidente de l’association Nayma. Reste à savoir si cette charte fera réellement bouger les lignes ou si elle ne sera qu’un nouveau coup d’épée dans l’eau…

➡️ VOIR LA CHARTE D’ENGAGEMENT EN FAVEUR DEL’ENVIRONNEMENT

Zena Airlines : les chiffres et les raisons d’y croire

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Depuis plus de six mois, les frères Novou dévoilent petit à petit leur stratégie dans l’optique de lancer officiellement leur compagnie aérienne locale au premier semestre 2022. La présentation de ce jeudi 17 juin, en collaboration avec Airbus Consulting, vient apporter de nouveaux éclaircissements sur la fiabilité et la nécessité du projet.

Sur le tarmac, prêt à décoller ! S’il fallait faire une métaphore pour résumer le projet de la compagnie aérienne Zena Airlines, ce serait bien celle-là. Et ce n’est pas l’étude sur les opportunités de développement de la desserte aérienne à Mayotte, présentée en complément de celle du conseil départemental de novembre dernier par Airbus Consulting ce jeudi 17 juin, qui fera penser le contraire. L’idée ? « Identifier et illustrer statistiquement les marchés repoussés à plusieurs années. »

Des chiffres, ce n’est pas ce qu’il manque lorsqu’il s’agit de démontrer par A + B le besoin essentiel pour le 101ème département de jouir d’une entreprise de transport aérien locale. Et ce, pour plusieurs raisons. Premier enseignement : le nombre de déplacements par résident mahorais est inférieur au produit intérieur brut par habitant. « La desserte est contrainte et de moins bonne qualité », joue carte sur table Clélia Giry pour le compte du mastodonte toulousain. En 2019, les autres DROM-COM avaient une propension à voyager en moyenne deux fois plus élevée (1.55) qu’à Mayotte (0.75). À titre d’exemple, Mayotte se situe au même niveau que la République de Guinée…

À elle-seule, la métropole concentre 35% du trafic au départ de Mayotte. Sauf qu’un passager sur deux effectue une correspondance pour s’y rendre. Un « indicateur fort », synonyme d’une « demande insatisfaite » et de « marchés sous-desservis », précise Gabriel Hanot. Il n’est pas question ici de sortir « l’excuse » de la longueur de la piste, qui n’est pas « pertinente », puisque les compagnies aériennes actuelles effectuent toutes une escale technique pour rejoindre l’Hexagone, ce qui s’apparente à un vol direct.

 

Une desserte instable

 

Non, la véritable explication consiste simplement à dire que l’île aux parfums est moins bien reliée que de nombreux territoires ultramarins et destinations voisines, tant en termes de sièges offerts (60.000 par an) qu’en nombre d’opérateurs directs (un seul avec Air Austral contre « cinq dans les Caraïbes »). « Le nombre de sièges s’améliore, mais il est en dent de scie car la desserte n’est pas stable », continue le consultant senior. À ce jour, les frères Novou aspirent à doubler ce nombre et ainsi faciliter l’augmentation des déplacements vers la l’Hexagone. « Les compagnies qui n’ont pas de lien avec Mayotte obéissent à leur propre stratégie de réseau. » Ces fluctuations se démontrent avec les choix de XL Airways et Corsair, revenue sur le territoire en décembre dernier pour cette dernière après deux ans d’arrêt.

Conséquence : en l’absence de concurrence stable, les tarifs explosent. Le prix au kilomètre s’élève à 0.072 euros pour les passagers du 101ème département, contre 0.051 euros pour ceux des autres DROM-COM. En proie à une situation de monopole, Nouméa vit le même cas de figure que Dzaoudzi. Mais l’exemple récent de la Polynésie française vient prouver que l’arrivée d’une nouvelle compagnie aérienne sur le marché peut rebattre les cartes ! « À partir de 2018, le prix des billets d’avion a chuté de 41%, passant de 1.097 euros à 645 euros », rappelle Clélia Giry. Depuis, le nombre de touristes a grimpé de 20% sur cette destination. « Ce même scénario est attendu ici. »

Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, on peut également s’attendre « à une forte stimulation du fret aérien, qui contribue à l’équilibre financier ». Une manière de « diversifier ses sources de revenu à hauteur de 10% du chiffre d’affaires total ». À l’heure actuelle, Mayotte comptabilise 120 tonnes transportées pour 10.000 habitants, contre 310 dans les autres territoires ultramarins. Un écart considérable sachant toutes les peines encourues de ce côté-là en temps normal et plus particulièrement durant la crise sanitaire. Or, il existe « une forte demande du marché cargo dans la région Grand Sud de La Réunion qui souhaite exporter un grand nombre de fruits et légumes », confie Régis Novou. D’où la volonté d’ouvrir une ligne avec l’aéroport de Pierrefonds, qui possède un fort potentiel de croissance.

Indépendamment de toutes ces annonces, l’impact de Zena Airlines peut s’avérer tout aussi positif pour les porte-monnaies du département. « Un billet à 740 euros, acheté auprès d’une compagnie aérienne locale, aura 312 euros de retombées pour l’économie mahoraise », indique la consultante d’Airbus Consulting. Même son de cloche concernant l’emploi. L’étude table sur près de 800 embauches : 100 directes, 160 indirectes, 119 induites et 397 catalytiques dans le secteur du tourisme. « Le développement du transport aérien va participer au développement de toute l’île », conclut Julien Novou, qui espère voir l’offre hôtelière suivre. Avec un envol prévu au premier semestre 2022, ça décoiffe déjà dans toutes les têtes !

 

Zena Airlines, une entreprise éco-responsable

 

Le transport aérien au service de l’environnement. L’image peut prêter à sourire et pourtant c’est bel et bien le désir des frères Novou. « Si une entreprise de premier plan ne prend pas en main cette problématique, qui le fera ? Les institutions ne suffisent pas », insiste Régis, qui apporte une attention toute particulière à cette cause. Ainsi, la compagnie souhaite fédérer la population aux enjeux environnementaux en lien avec le tissu associatif et créer un service de système de management à l’environnement directement rattaché à la direction générale. Mais surtout, elle compte mettre en place des suivis éco-responsables des partenaires, mener des politiques d’actions en local et à l’international – « dans la forêt du Gabon ou en Amazonie par exemple » – et intégrer la norme ISO 14001 sous trois ans, qui « oblige l’entreprise à toujours s’améliorer ». Si en plus de permettre aux Mahorais de voyager plus sereinement, Zena Airlines s’engage de manière pérenne sur le chemin de l’environnement, elle risque de convraince les derniers sceptiques au projet.

 

Quels avions pour la compagnie aérienne ?

 

« Nous sommes encore au stade des demi-finales », sourit Régis Novou. Quatre avions sont encore en lice. Le A330 et le B787 présentent « les mêmes avantages et inconvénients ». Ainsi, il faudrait retirer quelques sièges pour voler en direct vers Mayotte et réaliser une escale vers la métropole. Le B737 et le A321 ont un rayon d’action beaucoup plus restreint et exigent des escales à l’aller et au retour. Toutefois, « les coûts d’utilisation sont plus faibles puisqu’ils demandent moins de carburant et de personnel naviguant ». À l’heure actuelle, aucune décision n’est arrêtée. « Un appareil d’avant crise Covid nous revient désormais au prix de trois », souligne Julien Novou. Une option reste définitivement sur la touche : Zena Airlines ne volera pas avec des avions neufs, en raison d’un carnet de commande saturé jusqu’en 2027. La compagnie aérienne procédera à du leasing.

Sensibiliser sur la gestion durable des mangroves, la priorité de l’UICN

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Samedi dernier, acteurs associatifs et institutionnels étaient réunis dans les locaux de la communauté de communes du Sud à Bandrélé pour une matinée au cœur des mangroves mahoraises et leurs enjeux.

Chaussez vos bottes en caoutchouc, c’est parti pour découvrir la mangrove ! Après une visite ce samedi 12 juin à Bandrélé, place à une session d’échanges et de sensibilisation organisée dans les locaux de la communauté de communes du Sud dans le but d’évoquer la gestion durable des 735 hectares de biome. À Mayotte, cet écosystème gigantesque abrite pas moins de 7 espèces de palétuviers, 58 de poissons, 43 d’oiseaux, 15 de crabes et 2 de chauve-souris. Un petit monde qui vit entre terre et mer et qui évolue au gré des marées.

Sauf que cet habitat unique subit de nombreuses pressions sur les rives qu’il occupe ! Pression démographique, agriculture, aléas météorologiques… Autant d’attaques extérieures qui mettent à mal l’équilibre fragile de ce milieu. Par le biais d’actions de sensibilisation, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et les acteurs environnementaux de Mayotte espèrent pouvoir sauvegarder cette forêt en péril.

 

Protéger, préserver, restaurer

 

Essentielle à l’équilibre du lagon, la mangrove a de nombreuses fonctions. Primo, elle comporte un intérêt majeur vis-à-vis de la biodiversité, en particulier en matière de ressource halieutique. Deuxio, elle sert de pouponnière aux poissons mais aussi de lieu de vie aux tortues juvéniles. Terzio, elle protège la côte des intempéries et des marées. Par ailleurs, elle constitue un puit de carbone, stocké majoritairement dans l’humus des sols. Et par dessus tout, elle offre aussi une ressource économique pour les communautés locales. C’est pourquoi aujourd’hui, des institutions comme l’UICN mettent en avant sa protection, sa préservation et sa restauration.

Premier pas de la restauration de mangrove avec le diagnostic. L’objectif ? Étudier en profondeur cet écosystème de marais maritime afin de le comprendre. Tout d’abord, il faut établir l’origine de la perturbation ou de la dégradation, se demander si celle-ci est irréversible, définir les objectifs de la restauration mais aussi le degré d’implication des acteurs locaux ou encore les conditions du milieu. « Lorsque nous avons établi un constat et qu’une restauration de la mangrove est possible, nous sommes face à deux solution : la colonisation naturelle ou la plantation de palétuviers”, dévoile Grégoire Savourey, chargé de mission biodiversité de l’océan Indien à l’UICN de Mayotte.

 

La colonisation naturelle privilégiée

 

Avant de rentrer plus en détails sur ces deux approches. “La priorité est toujours donnée à la colonisation naturelle. Nous apportons des aménagements aux sites afin de restaurer l’hydrologie et l’hydrodynamique de ceux-ci pour permettre à la mangrove de prospérer à nouveau. Nous préconisons cette méthode car nous ne ferons jamais mieux que la nature. En revanche, quand celle-ci échoue nous devons nous tourner vers la plantation de palétuviers pour restaurer la forêt. Pour cela, il faut choisir, collecter et stocker les propagules*. Il faut ensuite les mettre en pépinière puis les planter”, précise-t-il. Seul souci : l’intervention humaine se révèle être une option à la fois coûteuse et contraignante. Pour la simple et bonne raison que les pépinières doivent être mises en place directement à l’intérieur de la mangrove…

Peu importe la démarche employée, l’association Nayma, le groupe d’actions locales de l’Ouest et du Grand Sud ou encore l’UICN prônent coûte que coûte une gestion durable des mangroves mahoraises afin de préserver le patrimoine naturel de l’île aux parfums.

*Élément pluricellulaire permettant à une plante de se reproduire.

Les personnels de l’ARS et du CHM en grève… encore une fois

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On ne compte plus le nombre de grèves menées par les personnels de l’agence régionale de santé et ceux du centre hospitalier de Mayotte. Ce jeudi matin, la CFDT était une nouvelle fois à la tête d’une manifestation qui incluait certains agents du CHM et de l’ARS. Leurs revendications restent quasiment inchangées au fil des mouvements, mais la communication semble rompue avec les directions.

Ils étaient une petite vingtaine à avoir répondu à l’appel de la CFDT. Les personnels du CHM et de l’ARS seraient-ils lassés par ces manifestations à répétition ? Une chose est sûre, ceux qui étaient présents étaient déterminés à se faire entendre. Après avoir campé sur la place de la République puis tourné autour du rond-point Zéna M’déré à Mamoudzou, les grévistes ont marché jusqu’à l’ARS de Mayotte, banderoles au poing. « Nous n’avons pas de revendications salariales. Elles sont plutôt liées aux conditions de travail, aux infrastructures nécessaires pour mieux accueillir la population, ou encore aux formations médicales et paramédicales », insiste le secrétaire général de la CFDT Mayotte, Ousseni Balahachi, selon lequel cette grève est faite au nom de tous les habitants de l’île.

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Des revendications qui ne diffèrent d’ailleurs pas beaucoup de celles réclamées lors des précédents mouvements. Et se résument en tout et pour tout en cinq demandes formulées à l’ARS. Parmi elles, un organigramme “digne d’une ARS de plein exercice”, la finalisation de l’intégration des agents de l’ARS, et la formation des personnels de santé. Du côté du CHM, les requêtes sont plus nombreuses. Douze pour être exact. La CFDT souhaite la planification des travaux d’extension du CHM et du deuxième hôpital, le maintien du service de la médecine à Pamandzi, ou encore la réalisation des travaux d’urgence, pour ne citer qu’eux.

Le pire, selon Ousseni Balahachi ? La souffrance dans laquelle cravachent les personnels du CHM et de l’ARS à cause de la surcharge de travail. « En radiologie, il devrait y avoir un effectif de 18 personnes alors qu’ils ne sont que 9 et bientôt ils passeront à 7. Il n’y a plus d’ophtalmologue au service d’ophtalmologie, et ils sont en train de démanteler le service de psychiatrie. Pensez-vous vraiment qu’on peut se permettre de ne pas avoir de service de psychiatrie à Mayotte ? », martèle le secrétaire général de la CFDT. S’ils ne sont pas entendus par les directions tour à tour pointées du doigt, ce dernier l’assure, les conséquences se feront rapidement ressentir auprès des malades. « Dans toute cette histoire, il va avoir des victimes », redoute-t-il.

 

Dialogue rompu ?

 

Prêts à en découdre, les grévistes se sont donc dirigés jusqu’à l’agence régionale de santé, et l’accueil qui leur a été réservé n’a pas été des plus cordial. À leur arrivée, une horde de policiers étaient postés devant l’entrée pour les empêcher de pénétrer dans l’enceinte. « Maintenant, ce sont les policiers qui assurent l’intérim de la direction de l’ARS ! », persifle Ousseni Balahachi, quelque peu agacé. Les manifestants avaient espéré être accueillis par Dominique Voynet pour entamer des négociations, mais cette dernière a préféré s’abstenir. Agacée, elle aussi ? Malgré nos tentatives répétées, la directrice de l’ARS Mayotte n’a jamais donné suite à nos sollicitations. Le groupe de grévistes ne s’est pas rendu à l’hôpital, mais selon le CHM, la direction aurait tenté des négociations. « Le directeur est en déplacement en dehors du territoire. Les syndicats ont refusé de parler avec celui qui le remplace. Ils ne veulent négocier qu’avec le directeur alors il fera une réponse à son retour la semaine prochaine », assure le service de communication de l’établissement.

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L’absence de dialogue avec les deux directions pousse la CFDT à renouveler le mouvement de grève. Un préavis sera déposé pour une manifestation le jeudi 24 juin. « Cela ne nous fait pas plaisir de manifester constamment, mais leur politique est basée sur des promesses qui ne voient jamais le jour », soutient Ousseni Balahachi. Il ne perd pas espoir, ses collègues et lui feront tout pour obtenir gain de cause. Mais pour cela, ils admettent avoir besoin d’une mobilisation plus massive et générale. La CFDT appelle toute la population et tous les professionnels de santé libéraux à rejoindre le mouvement. Peut-être arriveront-ils à se faire entendre…

Fin de mandature : Soibahadine Ibrahim Ramadani fait ses adieux aux agents

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Le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, a prononcé son dernier discours aux côtés de Larissa Salim Bé, la nouvelle Miss Excellence 2021, fierté locale et nationale. L’occasion pour l’homme politique de finir son mandat… en beauté !

Un p’tit discours et puis s’en va ! Le président du conseil départemental a tenu à clôturer ses six années de mandature par une dernière cérémonie dans les jardins de l’établissement. “Un moment convivial”, a-t-il précisé à la tribune, prêt à distiller ses ultimes traits d’esprit, sous les rires amusés de l’audience. À sa droite tout au long de la manœuvre, une Larissa Salime Bé non moins adoubée par la foule, laquelle a rythmé les clins d’œil du président de salves d’applaudissements comblés. En matière de remerciements, la Miss Excellence France, devenue étendard local, n’était d’ailleurs pas en reste. “Avec votre sourire légendaire qu’on ne voit pas (rires), vos dents éclatantes de blancheur, votre visage d’ange, vous êtes l’embellie qu’attendait le ciel mahorais, qui, ce samedi-là, était terne, assombri par le crime à Combani, les agressions et caillassages à Miréréni”, a flatté Soibahadine Ibrahim Ramadani, en tournant ses yeux malicieux vers la reine de beauté, que l’on imaginait un peu rougissante sous son masque.

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Bien sûr, l’assistance n’était pas réunie ce jour-là pour assister (uniquement) à cette scène de balcon. À trois jours des élections départementales qui pourraient bien rebattre les cartes dans l’hémicycle Younoussa Bamana, le président pour encore quelques instants souhaitait surtout adresser ses remerciements aux agents. “Je tenais à organiser ce moment convivial pour vous remercier et saluer tout le travail accompli au service de notre beau pays, de notre belle île de Mayotte et de ses habitants”, a-t-il introduit. Avec une traduction concrète : depuis 2017, 597 employés du Département ont reçu une distinction, associée d’une prime, pour une enveloppe globale de 422.000 euros.

 

5.611 régularisations foncières en six ans

 

Et Soibahadine Ibrahim Ramadani de rappeler les “efforts consentis pour mettre en œuvre notre ambitieux plan de mandature”. Le chef de la majorité a en effet profité de cette dernière occasion pour défendre son bilan. Le nombre de délibérations adoptées, d’abord, passé de 254 en 2015, à 461 en 2019 (et 382 en 2020, année marquée par le Covid-19). L’autre fierté de la mandature ? Les régularisations foncières, 5.611 en six ans, “un exploit quand l’on connaît la complexité et la lourdeur de la procédure”.

Ces années à la tête de la collectivité ont aussi permis de réorganiser les services. En resserrant son organigramme, en limitant le nombre de directions, en améliorant les procédures de recrutement, le conseil départemental a su “maîtriser (sa) masse salariale” sans pour autant rogner sur le social. Tickets de restauration passés à 9 euros au 1er janvier 2021, prise en charge de la mutuelle santé des agents depuis 2018 à hauteur de 150 euros par mois, plan de formation triennal pour favoriser la montée en compétence et la professionnalisation… Une politique qui s’est traduite, d’après le président, par une réduction des effectifs, de 3.215 agents en 2015 à 2.273 en 2020, assortie d’une augmentation des cadres de catégorie A, passés à 510 aujourd’hui, contre 373 en 2015. Enfin, le recrutement de huit ingénieurs pour les services techniques est venu renforcer les 20 projets de la mandature, comme la cité administrative ou les équipements sportifs.

 

Réduction du train de vie et vie politique

 

Un bilan dans le vert, en somme ! De quoi satisfaire la Chambre régionale des comptes (cette fois), laquelle on le sait, n’a pas manqué d’épingler par le passé la gestion parfois débonnaire des comptes publics et des ressources humaines dans le jeune département… Encore en 2018, les Sages déploraient des charges du personnel très dynamiques, saupoudrées d’un “absentéisme injustifié”. “Les frais de mission, qui ont atteint deux millions d’euros en 2014, ne correspondent pas aux textes en vigueur. L’attribution des véhicules et des logements de fonction n’est pas contrôlée”, soulignaient les magistrats. Loin d’occulter le sujet, le président sortant – qui a, faut-il le rappeler, succédé à Daniel Zaïdani en 2015 – a soulevé “les efforts sur la réduction du train de vie du conseil départemental, en nombre de véhicules, téléphonie, photocopies, voyages”. Battement de cils à destination des Sages (cette fois)… ou dernière taquinerie au candidat du canton de Pamandzi ? Avec Soibahadine, qui sait ?

Miss Excellence France 2021, Larissa Salim Bé a ramené la couronne à la maison

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Son retour à Mayotte était très attendu. Larissa Salim Bé, fraîchement élue Miss Excellence France 2021, est rentrée sur son île natale ce mercredi 16 juin. L’accueil qui lui a été réservé a été à la hauteur de son exploit lors du concours de beauté national. Les plus curieux ont fait le déplacement pour espérer l’approcher quelques secondes.

Tout Mayotte en rêvait, Larissa Salim Bé l’a fait ! Elle est entrée dans l’histoire des concours de beauté en étant la première mahoraise à remporter une couronne au niveau national. Elle le savait, elle devait partager son titre avec tous les Mahorais. « La couronne est pour nous, elle est pour Mayotte ! » a-t-elle lancé, devant la foule venue l’acclamer ce mercredi 16 juin sur la place de la République à Mamoudzou. La reine de beauté a reçu un accueil des plus chaleureux depuis l’aéroport jusqu’à son village natal de Poroani.

Vêtue de sa robe rouge, tirée à quatre épingles et la couronne visée sur sa tête, Larissa Salim Bé a pris le temps d’échanger quelques mots et de faire quelques selfies avec ceux qui ont pu l’approcher. Si la fatigue s’est par moment fait sentir sur son visage, celle-ci est rapidement effacée par son sourire. Miss Excellence France 2021 fait désormais la fierté de tous les Mahorais, et plus particulièrement de son comité de Mayotte qui l’a portée jusqu’au plus haut sommet du concours. « Ça n’a pas été facile parce que la France a de très belles femmes, mais nous l’avons fait ensemble ! » assure Némati Toumbou Dani, présidente du comité Miss Excellence Mayotte.

Le maire de Mamoudzou a également fait le déplacement jusqu’à la place de la République pour féliciter en personne la nouvelle Miss Excellence France. Lui aussi portait fièrement son écharpe. « J’ai voulu venir féliciter notre Miss Excellence. Sa victoire est un honneur pour Mayotte. En la félicitant, je félicite l’ensemble des jeunes femmes mahoraises. Je les encourage à investir ce champs de la beauté », a indiqué le maire avant de poser fièrement à côté de la reine de beauté.

« Elle sortait du lot »

La jeune femme, qui a fêté ses 23 ans la veille de son élection, a été choisie parmi 22 autres candidates. Son parcours en a surpris plus d’un, mais certainement pas son entourage qui la suit depuis l’année dernière. « Larissa est rayonnante, toujours souriante. Elle a une joie de vivre qui a fait la différence pendant l’intégration. Elle sortait du lot, elle a été remarquée par les partenaires qui suivent les candidates pendant les dix jours de préparation », s’est enthousiasmé Moidjouma Abasse, la directrice du comité Miss Excellence Mayotte. De son côté, la jeune femme a encore les yeux qui brillent. Elle était confiante, mais elle n’avait jamais imaginé aller aussi loin. « Je ne m’attendais pas à gagner, mais je m’étais préparée pour accéder au moins au podium. J’ai eu plus que ça donc forcément je suis la plus heureuse », a-t-elle confié.

Larissa Salim Bé a tenu à rentrer chez elle en guise de remerciement pour tous les Mahorais qui l’ont soutenue. Ce retour aux sources lui permettra également de faire le plein d’énergie avant de repartir pour l’Hexagone. « Maintenant, elle sera prise en charge par le comité national de Miss Excellence, ce n’est plus de notre ressort. Ça va être compliqué parce qu’on laisse un peu notre bébé, mais on ne l’abandonne pas, on va la suivre », a assuré Moidjouma Abbasse. Employée dans son village de Poroani, la jeune lauréate devra faire des concessions. Une chose est sure : elle souhaite garder son poste car elle le sait, le rêve ne sera pas éternel… Elle devra donc trouver un compromis pour pouvoir assurer son nouveau rôle de Miss Excellence France et garder son emploi !

Chimique : la justice se penche sur un réseau de 20 dealers démantelé en 2016

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Un dossier tentaculaire était jugé ce mercredi au tribunal correctionnel. Au total, 20 prévenus sont accusés d’avoir vendu de la chimique entre 2015 et 2016, à l’époque où cette drogue faisait ses premières victimes à Mayotte. L’affaire a été mise en délibéré.

C’était un sacré coup de filet. En 2016, après un an d’écoutes téléphoniques, d’enquête, de recoupement d’informations, la gendarmerie avait mis la main sur un réseau tentaculaire de trafic de stupéfiants, en l’occurrence, deux drogues aujourd’hui bien connues à Mayotte pour leurs effets délétères : la chimique et la mangrove. Au total, 20 individus avaient été interpellés pour avoir vendu ces produits à au moins 1.200 clients identifiés. Plus de cinq ans après les faits, le tribunal correctionnel se penchait ce mercredi sur le cas de ces prévenus, dont quatre étaient présents à l’audience.

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Surprise : contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas le chef de trafic de stupéfiants en tant que tel qui a été retenu, un crime ou délit – selon le rôle dans le trafic et son envergure – dont la peine maximale peut être la réclusion criminelle à perpétuité, mais plutôt celui de “provocation à l’usage ou au trafic de stupéfiants ou de substances présentées comme telles”. Les auteurs de ce genre d’infractions encourent des peines bien plus légères, allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende.

 

Une drogue dangereuse, recensée il y a peu

 

La raison de ce subterfuge ? L’absence de la chimique, à l’époque des faits, dans la liste des stupéfiants recensés. Aujourd’hui en France, quelque 200 substances psychoactives y figurent. Or, en 2015, il s’agissait d’un “produit un peu nouveau”, souligne le procureur de la République. “Malheureusement, le législateur a un train de retard, car les chimistes sont malins, ils savent qu’il y a une liste donc ils font des ajustements dans leur laboratoire pour modifier très légèrement leur produit, de sorte qu’il n’apparaît plus”, développe-t-il.

Ce qui n’empêche pas la substance d’être particulièrement toxique. Et les années passant, Mayotte en a d’ailleurs fait l’amer constat. Pour rappel, la chimique se présente sous la forme de tabac imprégné d’alcool à 70 degrés, ou dans du rhum dans lequel on a préalablement mélangé une poudre blanche. La mangrove, quant à elle, est obtenue grâce à une algue présente à Mayotte qui permettait à l’époque de pêcher en empoisonnant le poisson. Une fois fumés, ces produits entraînent des effets proches de la MDMA ou des amphétamines, assortis d’une très forte addiction. Ils conduisent parfois à des états amorphes ou “zombies”, voire même à des comportements violents et agressifs. À l’époque des faits, le centre d’addictologie du CHM relevait d’ailleurs un nombre exponentiel de cas d’usage de chimique. Et aujourd’hui encore, le parquet doit régulièrement traiter des dossiers dans lesquels les mis en cause sont des consommateurs de cette drogue de synthèse.

Mais revenons-en aux faits. Tout commence en juillet 2015, quand la gendarmerie réalise dans le cadre d’une enquête de flagrance une saisie de 99 doses d’un produit testé à l’origine sur des kits de cannabis. Envoyés pour analyse, les échantillons s’avèrent contenir deux molécules, dont l’une a déjà été impliquée dans le décès d’un consommateur auparavant. Grâce à la mise sur écoute de plusieurs lignes téléphoniques, les enquêteurs vont commencer à dévoiler la toile de cet important réseau.

 

Un business en or

 

Rapidement l’une des “boss” du trafic, surnommée “Tina”, semble sortir du lot, même si d’autres maillons de la chaîne seront à leur tour identifiés comme des chefs lors des auditions. Avec son mari, elle est suspectée d’acheminer les produits nécessaires depuis l’Angleterre et de confectionner la chimique chez elle. C’est à son domicile qu’elle reçoit aussi les revendeurs, au moins 13 permanents, qu’elle surnomme ses “boutiques”. Ses sbires étaient chargés de se procurer les paquets de tabac, de préférence 100% naturel et de la marque “Domingo”, au Jumbo Score. Elle leur vendait alors au minimum 10 paquets au prix de 50 euros, qu’ils se chargeaient d’écouler dans les rues de Mayotte, à Passamaïnty, Dzoumogné, Koungou, Mtsapéré… Un business juteux, qui aurait permis au couple de chimistes amateurs de se forger une jolie petite fortune de 500.000 euros !

Du côté des 19 revendeurs, le degré d’implication comme le chiffre d’affaires semblent être plus variables. Certains déclarent aux enquêteurs avoir réalisé jusqu’à 3.000 euros par jour, pour subvenir aux besoins de leur famille… D’autres font valoir un usage avant tout personnel, et des ventes censées permettre d’assouvir leur manque. “J’étais devenu un zombie”, souffle l’un des prévenus entendus ce mercredi à la barre. La plupart des mis en cause ont en effet touché au moins une fois à cette drogue, que l’un d’eux a de lui-même associé à “un poison”. “Continuer à vendre la mort, si la chimique est un “poison” pour subvenir aux besoins de ses enfants, vous comprenez que c’est difficile à entendre”, lance le président.

 

Jusqu’à deux ans de prison requis

 

Seul l’un des prévenus dénote un peu. De retour à Mayotte après un long séjour en métropole, le bonhomme semble avoir été le dindon de la farce. Et c’est un différend avec son père, consommateur notoire de chimique, qui l’aurait plongé dans cette affaire contre son gré. “À cause de lui, je n’ai jamais fumé, je n’ai jamais vendu à qui que ce soit. Il m’a donné 2.000 euros pour passer commande en métropole, mais je ne l’ai pas fait”, se défend-il face aux juges.

Une justification et surtout un manque de preuves pour caractériser l’infraction, qui conduiront le procureur à requérir pour lui la relaxe. Perçue comme la “baronne” du réseau, malgré la défense de son avocat Maître Bazzanella qui tentera de faire valoir son profil de toxicomane avant tout, “une femme fragile, dépressive”, Tina, ne bénéficiera pas de cette clémence. Le parquet requiert contre elle la peine la plus lourde, deux ans de prison avec un an de sursis probatoire assorti d’une obligation de soins, de formation, de travail, et une amende de 10.000 euros. Pour les autres, ce sera entre un an et 15 mois de prison et des amendes entre 2.000 et 15.000 euros. L’affaire a été mise en délibéré, et le tribunal devrait rendre sa décision courant juillet.

Inauguration de la nouvelle borne EDM au marché couvert de Mamoudzou

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Mercredi 16 juin avait lieu l’inauguration de la toute nouvelle borne de paiement express d’EDM en plein cœur du marché couvert de la ville de Mamoudzou. La cinquième de ce genre sur la dizaine de bornes qui seront déployées dans les prochains mois aux quatre coins de l’île aux parfums.

Fini les galères ! Pour régler leurs factures d’électricité en temps et en heure, les habitants de Mamoudzou pourront dès à présent se rendre à la nouvelle borne, située en plein cœur du marché couvert. Plus besoin de se déplacer jusqu’à Kaweni et de subir les embouteillages et l’attente au guichet. Avec les bornes de paiement de la société d’électricité mahoraise, les nombreux clients verront le règlement de leurs redevances facilité.

“Favoriser l’autonomie et une meilleure inclusion sociale”

Sur place le matin-même pour prendre part à cette inauguration, le maire Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, a profité de l’occasion pour rappeler les avantages de cette innovation pour ses administrés. “EDM s’est engagée de manière forte pour le confort des Mahorais. L’entreprise a apporté des outils nécessaires à la vie des habitants au plus près de leur habitation et de leur lieu de travail. Je suis heureux d’inaugurer cette borne qui permettra de favoriser l’autonomie et une meilleure inclusion sociale”, a-t-il déclaré avec enthousiasme.

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Un avis partagé par le directeur général d’EDM, Claude Hartmann, qui s’est félicité de la mise en place de cette cinquième borne. Un dispositif qui permettra de fluidifier le paiement mais pas seulement. “EDM est au service des Mahorais. Les bornes permettront de désengorger les guichets du site de Kawéni. Nous pourrons alors mieux conseiller et recevoir les clients qui le souhaitent”, a-t-il affirmé dans la foulée.

 

Les acteurs du projet au rendez-vous

 

La Chambre de commerce et d’industrie et le conseil départemental ont également œuvré à la naissance de ce projet. “Ce dispositif traduit parfaitement le slogan d’EDM qui est Notre énergie à votre service. Le déploiement de ces bornes permettra aux Mahorais en tout point du territoire de ne pas être obligés de se déplacer”, s’est félicité Issa Abdillah, le représentant du président de la collectivité. Avant de se réjouir de l’amélioration des services rendus aux citoyens : “Il a également un aspect social important. Il donnera la possibilité de sensibiliser et d’accompagner les citoyens pour que le changement ne soit pas subi mais maîtrisé.”

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Lever de rideau sur la borne

 

1,2,3 et ça y est la borne est inaugurée. Après les discours, place à la mise en fonction de ladite machine. Le chef de projet de la borne de paiement, Nassim Said, réalise une démonstration devant le premier magistrat, très attentif à la présentation. Une bonne nouvelle également pour les petits commerçants du marché couvert de Mamoudzou qui espèrent surfer sur la vague et attirer de nouveaux clients. Des bornes de paiement aux multiples facettes qui ne tarderont pas à fleurir sur tout le territoire dans les mois à venir.

Meilleure nutrition et activités sportives, la nouvelle vie de 15 mamans de Bandrélé

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Les 12 étudiants du BTS économie sociale familiale du lycée de Bandrélé ont réalisé un projet intitulé « Bien manger, bien bouger » à destination de 15 mamans de la commune. Ce mercredi 16 juin a été l’occasion de revenir sur l’action de sensibilisation ainsi que sur le bilan des ateliers culinaires et des activités sportives. Ambiance festive assurée par les participantes qui en redemandent.

Portable pointé en direction du tableau, Thaandhati ne cache pas sa joie depuis le troisième rang. Des « youyou, youyou, youyou » résonnent dans la salle. Sa manière à elle de remercier les 12 élèves du BTS économie sociale familiale du lycée polyvalent de Bandrélé postés en rang d’oignon devant elle. Derrière son large sourire communicatif, la mère de famille exulte en compagnie des 14 autres mamans de la commune. « Merci d’avoir pensé à nous », lâche-t-elle, la gorge un peu nouée et les yeux presque humides, lorsque Naïza lui demande de se joindre à ses côtés.

Cette rencontre intergénérationnelle remonte à 2019 lorsque l’équipe pédagogique décide de répondre à l’appel à projets intitulé « Bien manger, bien bouger » de l’agence régionale de santé (ARS) et de la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF) pour mener des actions nutritionnelles s’inscrivant dans le quatrième programme national nutrition santé. Après un petit retard à l’allumage en raison de la crise sanitaire, le dispositif débute réellement durant cette année scolaire.

Avec l’aide du centre communal d’action sociale, les étudiants identifient leur cible : des bénéficiaires en situation de précarité pour partager de la sensibilisation nutritionnelle sous forme ludique (pyramide alimentaire et assiette équilibrée), des ateliers culinaires et des activités sportives. « Nous nous sommes adaptés à leurs pathologies, nous avions des fiches spécifiques pour chacune d’elles », dévoilent, d’une seule et même voix, Naïda et Bachiroudine, respectivement âgés de 24 et 22 ans.

« Elles commencent à voir le changement »

Et le film retraçant les différentes actions du projet démontre bien l’ambiance de la cérémonie de ce mercredi 16 juin. Les rires fusent dans toute la salle à la diffusion des images, et plus particulièrement lors du passage des séances de fitness. « Au début, elles avaient du mal, elles n’arrivaient pas à toucher leurs chevilles », avoue Naïda. Un lointain souvenir, notamment grâce aux exercices de souplesse réalisés par « Monsieur Maou » de l’association Sport et Loisirs, qui reçoit un tonnerre d’applaudissements. « Elles peuvent tout reproduire à la maison, elles n’ont pas d’excuse », se permet le coach, quelques secondes avant de se faire alpaguer par trois mamans, désireuses d’immortaliser ces retrouvailles. Quelques semaines après la fin du projet, la rigueur est toujours de mise selon Naïza puisque certaines mères de famille se retrouvent encore aujourd’hui pour déambuler ensemble dans les rues de Bandrélé. « Elles commencent à voir le changement au niveau de leur corps. »

Même accueil pour « Madame Estelle », la diététicienne. Au menu des cours dispensés dans la cuisine familiale de l’établissement scolaire : un gratin de papaye verte, des rochers au coco, des sablés à la cannelle, du pilao au poulet, du kakamkou avec du riz jaune aux légumes ou encore du jus maison sans sucre ajouté… « Elles transmettent nos conseils dans leur entourage », se satisfait Bachiroudine, alias le chef cuisto de la bande d’étudiants. L’objectif de la démarche : diminuer les nutriments et privilégier la cuisson à l’eau pour jouir d’une bonne alimentation, trop souvent riche en glucides à Mayotte !

 

Un suivi avec les autres promotions

 

Contrat rempli pour les 2ème année de BTS économie sociale familiale. « En plus, ce projet, qui rentre dans le cadre de notre formation, nous a permis de mettre en pratique nos compétences théoriques », poursuit le jeune homme. Et pour s’assurer que ces bons plans perdurent dans le temps, toutes les mamans reçoivent un livret nutritionnel ainsi qu’une paire de chaussures de sport. De quoi ravir Hairati, qui s’imagine maintenant « apprendre à lire et à parler français ».

Mais surtout, Thaandhati espère « un suivi avec les autres promotions » pour que d’autres femmes comme elle puissent bénéficier de telles actions. « Pas de problème, mais il faut qu’il y ait une interaction », lui répond le proviseur, Joseph Buisan. Pas totalement convaincue, la mère de famille se précipite vers le recteur, Gilles Halbout, à la fin de la cérémonie pour échanger quelques mots en shimaoré. Avant de lui tomber dans les bras et de lui offrir une accolade et même une embrassade, illustrée par une trace de rouge aux lèvres sur le masque blanc du responsable de l’académie. Toute en vivacité !

Feuille de route : dans les coulisses des négociations entre le rectorat et le SNUIPP-FSU

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Après la présentation de la feuille de route locale à la suite du Grenelle de l’éducation qui s’est tenu en fin d’année dernière, le SNUipp-FSU a maintenu son appel à la grève ce mardi 15 juin. Flash Infos a pu, exceptionnellement, prendre part à la réunion d’échanges entre le recteur, Gilles Halbout, et les quatre représentants de l’organisation syndicale. Immersion.

Mardi, 9h30. Devant le cabinet du recteur, l’ambiance est bon enfant entre les quatre représentants du SNUipp-FSU. « Ma fille, Mirana Tle, a cru que j’étais à l’origine des barrages de ce matin », raconte hilare Rivomalala Rakotondravelo, le secrétaire départemental de l’organisation syndicale des enseignants du premier degré. Assis sur leur siège en face de lui, Moinecha Said, Anssiffoudine Port Said et Zaidou Ousseni, ses trois compères, pouffent de rire en guise de réponse. Une anecdote pas si anodine, qui rappelle l’engagement du leader dans les blocages de 2018. Car pour lui, la bataille est quotidienne lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts des Mahorais, et plus particulièrement ceux des instituteurs. Une franche camaraderie qui risque bien de se dissiper d’une minute à l’autre, une fois la visioconférence du responsable de l’académie terminée.

10h. Toute la bande pénètre dans le bureau de Gilles Halbout, entouré de Régine Vigier, directrice académique adjointe des services de l’Éducation nationale, et de Sébastien Bernard, directeur des ressources humaines. L’objet de la réunion ? Évoquer la feuille de route pour le 101ème département à la suite du Grenelle de l’éducation qui s’est tenu en fin d’année dernière. « On a pris en compte vos remarques, notamment sur les AED (assistants d’éducation) qui n’étaient pas dans le document initial. On a simplement rajouté deux-trois paragraphes positifs supplémentaires », attaque d’emblée le recteur. Derrière son masque, le chef de file de l’instance syndicale, plus connu sous le nom de Rivo, acquiesce timidement. « Il y a des éléments de nos revendications. »

 

Les tickets restos de la discorde

 

Mais une première « polémique » tombe rapidement sur le coin de la table : les tickets restaurants, qui ne sont pas inscrits dans le dossier validé par l’administration centrale. « Personne ne [les] a évoqués lors du comité technique paritaire », s’étonne le responsable de l’académie. Réponse du représentant syndical : « On en a parlé dès votre arrivée [en juillet 2019, ndlr]. » Un imbroglio vite mis au placard par Gilles Halbout, bien décidé à ne pas perdre de temps sur ce non-sujet. « On peut [les] mettre en place immédiatement, on est d’accord et on va le faire ! » Reste encore à réfléchir à son instauration. De ce côté-là, le rectorat a sa petite idée. « Il faut nous affranchir de l’histoire de revenu, mais plutôt nous concentrer sur les écoles qui ont des difficultés de recrutement », propose Sébastien Bernard, dans l’optique d’un consensus.

Mais revenons à nos moutons. La rencontre du jour consiste surtout à évoquer le calendrier de mise en application des mesures prises, qui pour certaines d’entre elles « auront besoin d’un ajustement réglementaire ou législatif », comme le stipule le recteur. À l’instar de l’indemnité de sujétion géographique (ISG) pour les nouveaux titulaires. Quid alors de la hausse de l’indexation des salaires ou encore du versement d’une indemnité spécifique qui tient compte des difficultés de travail dans le département ? « Des éclaircissements pourraient être apportés d’ici la fin de l’année », envisage, avec un certain optimisme, Gilles Halbout.

 

L’évolution des REP+ gelée en 2021

 

En revanche, le classement de l’ensemble du département en REP+ provoque davantage de remous. « Seules les écoles maternelles ou élémentaires de Kahani, de Tsararano, de Dembéni et de Ouangani basculent dans le projet », s’insurge Rivo, qui a fait de ce combat son cheval de bataille. « Elles n’étaient pas référencées, il s’agit d’une régularisation », répond du tac au tac Régine Vigier. Mayotte comptabilise 188 établissements du premier degré dans ce dispositif, qui concerne les quartiers ou les secteurs isolés connaissant les plus grandes concentrations de difficultés sociales avec des incidences fortes sur la réussite scolaire.

De quoi provoquer la colère vive de Zaidou Ousseni : « Donc on n’en est pas encore là ? » Sauf que cette décision ne revient pas au rectorat directement. « Le ministère a gelé l’évolution des REP+ sur tout le territoire national. Mais on se prépare pour la réforme de 2022, sinon on va reproduire les mêmes erreurs que par le passé », tempère Gilles Halbout, pour calmer les ardeurs de son interlocuteur. En attendant, l’académie fait le forcing pour que cinq secteurs de l’île – Koungou, Passamaïnty, Dzoumogné, Acoua et Kahani – puissent intégrer l’expérimentation sur l’accompagnement académique spécifique en 2021.

 

Les contractuels, le nerf de la guerre

 

Autre point qui tient particulièrement à cœur au secrétaire départemental du SNUipp-FSU ? La titularisation des contractuels par voie de concours. « Moi aussi », lui assure le recteur. Sauf qu’une vingtaine d’instituteurs, dotés d’un simple baccalauréat, possèdent un contrat précaire depuis bon nombre d’années. « Ils sont pénalisés par rapport aux jeunes qui ont un bagage bien plus important », regrette Anssiffoudine Port Said. Si Gilles Halbout rappelle l’augmentation du contingent pour les concours internes, il promet de regarder de plus près cette ineptie.

Sans oublier l’égalité de traitement pour tous les néo-contractuels. « On combat le décalage entre ceux qui arrivent sur le territoire et ceux qui y vivent », s’époumone Rivo. Avec la mise en place du concours interne de recrutement de professeurs des écoles depuis 2017, le primaire recense davantage d’enseignants locaux, qui ne sont, de fait, pas éligibles à la prime d’installation, équivalente à cinq mois de salaire. Hasard ou non, le 1er degré ne recense que 20% de contractuels, contre 51% dans le second degré. « On fait face à une urgence dans les collèges et les lycées », rétorque le recteur. « Vous, vous avez une position, d’autres organisations syndicales en ont une autre. Nous, on a tranché ! Mais il faut effectivement une convergence… » À savoir quand cette « discrimination », selon les mots du SNUipp-FSU, prendra fin.

11h. Le débat tantôt cordial tantôt houleux entre les deux parties prend fin. « Il y a des éléments qui vont dans le bon sens. Mais on devait en avoir le cœur net pour ne pas nous faire endormir », lâche Rivo à la sortie, avant d’aller débriefer avec les quelques enseignants postés devant le rectorat. Quoi qu’il en soit, toute la troupe promet de suivre avec attention l’évolution cinétique et temporelle de cette feuille de route. Et espère des avancées concrètes par rapport à leurs remarques d’ici la fin de l’année scolaire, lors du prochain comité technique paritaire.

Entre les barrages et le retrait des transporteurs, une première semaine agitée pour les épreuves du baccalauréat à Mayotte

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Le mouvement de mobilisation entamé ce lundi à la suite de l’agression mortelle d’un individu samedi à Combani arrive en pleine période d’examen. Mais des solutions émergent au cas par cas, pour permettre aux élèves et aux professeurs de rejoindre leurs établissements.

Blocus, jour 2. Ce mardi matin, les automobilistes sont à nouveau tombés nez à nez avec des barrages, cette fois-ci érigés dans le centre à Combani et Ongojou, mais aussi dans le sud au carrefour Nguzi ou encore à Bouyouni, au nord. “La population du sud s’est réunie par solidarité avec celle de Combani”, explique Safina Soula Abdallah, la représentante du collectif pour la défense des intérêts de Mayotte (CODIM), qui soutient le mouvement. Même son de cloche à Longoni, où les transporteurs scolaires ont eux aussi maintenu leur droit de retrait, malgré une réunion tenue la veille avec le rectorat, la préfecture et le conseil départemental. “Rien n’a abouti et il n’y a pas eu de nouvelle proposition pour améliorer les conditions de travail ou apporter les garanties juridiques et sociales que nous attendons. Les 256 transporteurs ne circulent pas”, confirme Anli Djoumoi (Siaka), délégué Force ouvrière.

Bref, c’est donc dans ce climat tendu que se déroulent les épreuves du baccalauréat depuis lundi. Les oraux de Français ont commencé, tandis que les écrits de Philosophie et les épreuves anticipées de Français se tiennent jeudi. Un contexte difficile pour les élèves et leurs professeurs, déjà éprouvés par une année chamboulée à cause de la crise sanitaire. “Je n’ai même pas pu me rendre au lycée de Chirongui, et aujourd’hui non plus visiblement…”, raconte un enseignant du lycée professionnel, dont les élèves sont censés passer leurs épreuves de Français et d’Histoire-Géographie ce jour et vendredi. Sans parler des élèves en stage depuis lundi. “L’absence de transport en commun et les barrages successifs rendent ces événements incertains… Dans l’attente d’une décision du rectorat, nous faisons ce que nous pouvons. Nous accueillerons les élèves qui pourront venir au lycée comme c’est le cas à Sada aujourd’hui”, poursuit le professeur.

 

Taxis et minibus pour les élèves

 

Mot d’ordre du côté de l’académie : la débrouille et le cas par cas, du moins pour l’instant. “Nous sommes en lien avec les directeurs d’établissement et la consigne donnée, c’est que quelle que soit la formule, nous appuyons les initiatives, nous finançons”, expose le recteur Gilles Halbout. C’est ainsi que des établissements, comme le lycée de Sada, ont obtenu de mobiliser des véhicules pour accompagner les élèves les plus démunis. La ville de Chiconi a mis en place dès ce mardi des minibus au départ de Sohoa, de Chiconi, de Sicotram et de Coconi pour aider les lycéens à passer leurs épreuves du bac. “Nous encourageons les familles qui en ont les moyens de déposer leurs enfants car il s’agit d’une solution alternative qui ne peut se substituer au transport scolaire”, précise la ville sur sa page Facebook. D’après le recteur, une “petite moitié de lycée”, ont eu recours à ces solutions de rafistolage. “Cela pourra se généraliser, en fonction de la demande.

 

Vers l’apaisement ?

 

Pour autant, entre la nouvelle formule du baccalauréat et les ajustements liés au Covid-19, les impacts restent pour l’instant mesurés. En effet, plus de 70% de la note est obtenue cette année via le contrôle continu. Et même sans la pandémie, les épreuves censées être réalisées en présentiel auraient dû avoir lieu en mars. “Il y a eu quelques absences pour les admissibles au concours de proviseur des écoles qui passent leurs oraux en ce moment, et aussi pour les épreuves de Français, où il manquait des professeurs ou des élèves… C’est un peu embêtant mais nous pouvons reprogrammer d’autres dates d’oraux”, assure Gilles Halbout, qui “espère une reprise progressive des transports” et “salue la grande implication des chauffeurs”.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes