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À Sada, les terrasses se mettent au vert

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Depuis six mois, Mako a transformé sa terrasse en potager. Aidée par l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte et le centre communal d’action sociale de Sada, l’assistante maternelle de profession est devenue jardinière amateure. Une opportunité de consommer des produits locaux et de saison, sans pesticides.

Tous les jours, de bonne heure et de bonne humeur, Mako se rend sur sa terrasse. “Je prends plaisir à monter de bon matin à 5h. Je reste sur mon toit quarante-cinq minutes à une heure pour m’occuper de mes plantations”, confie la jardinière en herbe. Dans les bacs en bois, tomates et salades poussent sous le soleil de Sada. “J’avais déjà cette idée d’utiliser ma terrasse comme potager”, confie Mako. Avant d’ajouter : « j’avais parlé de cela à mes amis et mes voisins et par le bouche à oreille, les salariés de l’Epfam sont venus à ma rencontre pour me proposer de participer au projet d’expérimentation des toitures végétalisées.

Une véritable opportunité pour l’assistante maternelle qui se dit ravie des conseils et du suivi que la structure lui a apporté. “J’ai été très bien accompagnée par Claire Colliaux qui est chargée de mission agriculture urbaine. Nos échanges étaient aisés et les choses se sont mises en place facilement”, confie la jardinière. En rejoignant ce programme, Mako a pu bénéficier d’une aide à l’installation de son jardin potager grâce à des aménagements financés par l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte, la préfecture, le conseil départemental, l’Union européenne, Leader France et le groupe d’actions locales Ouest Grand Sud de Mayotte. Bacs de jardinage, filets de protection, étanchéité du toit terrasse, accès et sécurisation de celui-ci, mais aussi installation d’une citerne de récupération des eaux de pluies ou encore financement d’un appareil de mesure de l’hygrométrie, autant d’outils que Mako et deux autres familles sadoises participantes au projet ont pu recevoir.

Un espace d’expérimentation

C’est une arlésienne : le foncier est rare à Mayotte. En utilisant les toits terrasses comme lieu de production d’une agriculture vivrière, l’Epfam fait le pari d’apporter plus de “vert” en ville. En se lançant dans ce projet, les jardiniers amateurs ont accepté de réaliser un suivi précis pendant trois ans de leurs récoltes, de noter leurs quantités ou encore de faire état des maladies que les plantes peuvent attraper. Sur leurs terrasses, des bacs de différentes formes et contenances accueillent les légumes. Certains sont au soleil, d’autres à l’ombre et jour après jour, leurs propriétaires analysent la productivité de ceux-ci. De quoi réaliser un véritable guide sur l’agriculture urbaine qui pourra par la suite servir aux Mahorais souhaitant tenter l’expérience.

Un travail d’équipe

Au départ, tout est parti d’une mésaventure qui est arrivée à Mako ou plus précisément à ses lapins. “Ma fille s’est rendue au marché pour acheter de la salade pour ses lapins. Lorsqu’elle a donné cette salade soit disant bio à ses animaux, ils sont morts et l’eau dans laquelle nous avons rincé la salade ensuite afin de vérifier ce qui avait pu les tuer était orange !”, s’exclame la mère de famille. Un épisode qu’elle n’est pas prête d’oublier et qui lui a donné l’envie de cultiver ses propres légumes. Aujourd’hui, les tomates qu’elle consomme au quotidien et dont les enfants qu’elle garde raffolent, poussent sans aucun intrant. De l’eau, de la terre, du soleil et c’est tout !

Plantés dans des bacs confectionnés par des jeunes en insertion du centre communal d’action sociale de Sada, les cultures fleurissent sous le regard attentif de la maîtresse de maison. “Je n’avais jamais fait d’agriculture avant. J’ai d’abord commencé par planter des fleurs pour égailler ma cour et aujourd’hui, je plante toujours plus d’essences différentes. J’ai également suivi avec le programme de l’Epfam trois demi-journées de formation avec un intervenant du CFPPA (centre de formation professionnelle et de promotion agricole) de Coconi”, confie l’assistante maternelle. À l’heure actuelle, Mako récolte trois kilos de tomates cerises par jour ! De quoi rassasier toute la famille mais aussi les voisins et les curieux qu’elle invite avec grand plaisir à faire visiter son potager.

Installation de cinq nouveaux magistrats au tribunal judiciaire de Mamoudzou

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Le tribunal judiciaire de Mamoudzou fait sa rentrée. Ce jeudi 30 septembre, cinq nouveaux magistrats ont été présentés au sein de l’établissement. Ils viennent renforcer l’effectif, mais malgré cette arrivée, l’équipe de magistrats n’est toujours pas au complet à Mayotte.

Parés de leur robe traditionnellement noire et de leur ceinture moirée bleue, les cinq nouveaux magistrats écoutent attentivement le discours de bienvenue du président du tribunal judiciaire de Mamoudzou, Laurent Ben Kemoun. L’un d’eux est affecté au parquet pour épauler le procureur de la République et ses substituts. Les quatre autres sont des magistrats du siège, en d’autres termes, ce sont les juges classiques. Ils viennent renforcer l’équipe de la magistrature de la juridiction qui compte au total quatre juges au parquet plus le procureur et seize au siège.

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Cependant, l’arrivée de nouvelles troupes ne comble pas le manque de personnel. « Ces effectifs ne sont bien évidemment pas suffisants, il faudrait au moins que nous soyons au complet… Mais il manque un poste au siège et un autre au parquet », indique Laurent Ben Kemoun. Cette problématique en emmène une autre puisque les postes vacants ne facilitent pas les missions des juges qui sont déjà submergés par la charge de travail. « Je peux comprendre ceux qui disent que les délais des affaires sont longs. Mais nous faisons un énorme travail pour réduire ce temps, surtout en matière correctionnel et à l’état civil où nous travaillons pour rebooster le service », ajoute le président du tribunal. Un discours à l’opposé de celui du procureur de la République, Yann Le Bris, qui estime que le temps d’attente n’est pas plus long à Mayotte qu’ailleurs. « Ici, vous êtes jugés dans un délai de trois mois, ce sont des délais tout à fait raisonnables, ils sont même très courts par rapport à ceux que nous pouvons trouver en métropole. »

Mayotte, la meilleure école

Julie Vignard, juge au siège pénale et coordinatrice du tribunal de police, a fait le choix de quitter quinze ans de vie professionnelle à Paris et en région parisienne pour Mayotte. Elle a fréquenté les grands établissements tels que le tribunal judiciaire de Bobigny, elle a été directrice de détention stagiaire au centre pénitentiaire de Fresnes et conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation au sein de la maison d’arrêt de Fleury-Merogis ou encore celle de Nanterre. « Je suis venue à Mayotte pour le challenge. Je voulais avoir une expérience qui est presque de l’ordre d’une expérience à l’étranger en étant à Mayotte », confie-t-elle. Le département est surtout une occasion pour la juge et ses collègues d’accélérer leurs carrières. « Ici, tout va plus vite qu’en métropole, on nous confie des responsabilités plus rapidement, ce qui n’est pas pour me déplaire », sourit-elle. Même son de cloche pour Max Goldminc, magistrat au parquet. Pour lui, le territoire mahorais « est la meilleure école parce que c’est peut-être la plus difficile des tribunaux de France ». « Mon espoir c’est que quand je quitterai le parquet de Mamoudzou, je sois devenu tout terrain », ajoute-t-il.

Cela fait maintenant un mois que ces représentants de la justice ont pris leurs fonctions sur l’île, et ils ont déjà relevé les spécificités mahoraises avec lesquelles ils doivent composer. Des particularités bien loin de leurs habitudes métropolitaines. « Ici, nous voyons des contentieux comme le braconnage de tortues que nous n’avons pas à Paris. Et puis, il y des choses plus folkloriques que nous mettent en avant les justiciables comme les envoutements et les djinns », raconte Julie Vignard. La barrière de la langue et la compréhension du système judiciaire français peuvent être un frein pour ces magistrats qui entament leur première expérience dans un territoire partagé entre deux cultures. « Nous avons une population pénale qui est pour une large partie étrangère. Au-delà de nationalité, je parle en termes de culture et d’appréhension de la justice. Nous ne sommes pas toujours sûrs que les justiciables ont bien conscience de l’endroit où ils se trouvent et de la raison pour laquelle ils sont là », souligne Max Goldminc.

Des projets structurants

Cette rentrée des magistrats est l’occasion pour le tribunal judiciaire d’afficher ses objectifs. La réduction des délais de jugements fait ainsi partie des priorités. « Nous devons également sortir le maximum d’affaires aux assises et arriver à les traiter malgré notre sous-effectif. Nous allons aussi continuer la rénovation des locaux car nous en avons bien besoin », affirme Laurent Ben Kemoun. D’autres projets sont en cours, notamment la médecine légale qui est en phase de construction depuis plusieurs mois. L’objectif est d’améliorer les conditions d’accueil de toutes les victimes dans les services de soin pour qu’elles soient reçues « avec dignité, professionnalisme et rapidité », renchérit le procureur. « Nous avons obtenu à ce titre, en deux étapes au mois de mai et en septembre de cette année, l’équivalent de presque deux millions d’euros pour mettre en place un institut médico-légal en concertation avec le CHM et l’ARS », annonce Yann Le Bris. Des projets et des nouveaux arrivants qui donnent un second souffle au système judiciaire à Mayotte.

Hawa : « Si nous arrivons à mettre deux personnes dans un seul et même véhicule, ce serait déjà une belle victoire ! »

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Ce vendredi 1er octobre prend effet l’arrêté de voirie du 17 septembre portant circulation alternée à Mamoudzou ainsi que l’interdiction de déplacement de tous les véhicules âgés de plus de 15 ans. Pour Bruno Brouard-Foster, le directeur d’Hawa Mayotte, l’association agréée de surveillance de la qualité de l’air sur le 101ème département, il s’agit d’une mesure forte qui devrait permettre de réduire les émissions de particules fines. Entretien.

Flash Infos : Comment avez-vous accueilli les deux mesures du maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, à savoir la mise en place d’une circulation alternée les lundis et mardis pour les usagers extérieurs à la ville chef-lieu et l’interdiction de déplacement des véhicules de plus de 15 ans ?

Bruno Brouard-Foster : J’avais été contacté pour participer à la conférence de presse du vendredi 17 septembre au cours de laquelle j’ai été amené à prendre la parole pour répondre aux questions des journalistes. J’ai été surpris de cette annonce, car je n’étais pas du tout averti ! J’ai informé l’auditoire qu’il s’agissait de mesures fortes, qui sont en principe décidées par les préfectures lors de dépassement de seuil de pollution. En tant qu’association agréée de surveillance de la qualité de l’air sur Mayotte, nous les soutenons, même si nous n’avons pas été consultés sur l’arrêté. Nous avons simplement fourni les mesures à la communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou et à la ville chef-lieu.

FI : Sur le principe, vous êtes donc conquis par cette décision…

B. B-F. : La démarche des plaques paires et impaires, ça ne se fait plus. C’est un peu old school… Depuis, il y a ce que nous appelons la vignette Crit’Air, mise en place par le ministère de la Transition écologique. N’importe quel automobiliste peut la réclamer ! Cela permet de gérer les véhicules plus ou moins polluants, en fonction du type de carburant utilisé et des caractéristiques du constructeur. Après, si l’arrêté est bien appliqué et respecté, cela voudra dire qu’il y aura moitié moins de voitures, donc cela va forcément diminuer par deux les émissions : c’est mathématique.

À Mayotte, nous savons que les véhicules neufs ne sont pas très entretenus et dégagent rapidement de la fumée toxique. Donc imaginez les plus anciens, qui sont dans un sale état et qui auraient sans aucun doute des vignettes 4 ou 5. Pour la qualité de l’air, c’est une action qui va sur le principe permettre de réduire la pollution sur les axes routiers. Alors oui effectivement, cela a un impact pour l’économie, mais à un moment donné il faut savoir prendre des décisions impopulaires !

FI : Jusqu’à quel niveau, pouvons-nous envisager une amélioration de la qualité de l’air ?

B. B-F. : Nous avons une station de surveillance à Kawéni Nord qui se situe entre Imprimah et EDM. Nous allons pouvoir mesurer concrètement s’il y a une diminution ou non de la pollution. Lors du premier confinement en mars 2020, nous avons pu noter au cours des trois premières semaines, quand aucune voiture ne circulait, un abaissement de l’ordre de 30% des particules fines PM10. Il faut savoir qu’entre Koungou et Passamaïnty, nous consommons deux fois plus que la normale en raison des embouteillages, soit 13 ou 14 litres au 100… Sans compter la climatisation.

FI : À Mayotte, le défi de la pollution semble perdu d’avance entre le retard des politiques publiques et les habitudes.

B. B-F. : Nous demandons de réaliser en 10 ans ce qui a été accompli en 50 ans en Hexagone. Pour rappel, le covoiturage a mis 30 ans à se mettre en place… Ici, nous vivons à 100 à l’heure la surconsommation. De ce côté-là, nous ne pouvons pas demander aux Mahorais de tout abandonner du jour au lendemain. En sachant que seulement 25% des foyers ont une voiture, contre 80% à La Réunion. Il faut savoir que Mayotte est l’un des départements dans lequel nous marchons le plus. Nous ne sommes pas encore dans la phase de mutualisation des moyens comme en métropole.

Quelles solutions s’offrent à nous alors ? Au Japon par exemple, le prix des contrôles techniques est tellement prohibitif que les habitants préfèrent changer de voiture. À Mayotte, il faudrait dans un premier temps qu’ils soient bien réalisés et respectés… Et ensuite que des contrôles de pollution soient réalisés. En soi, cette interdiction sur les véhicules de plus de 15 ans va surtout toucher de plein fouet une population qui n’est pas aisée et qui n’a pas forcément la possibilité d’investir dans du neuf. Mais ce qui pêche avant tout sur le territoire, c’est le manque d’espace pour construire de nouvelles routes… Alors si nous arrivons à mettre deux personnes dans un seul et même véhicule, ce serait déjà une belle victoire !

Avec les décasages, des parcours scolaires chamboulés à Mayotte

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Depuis maintenant un an, la préfecture de Mayotte s’est lancée dans une nouvelle mission de destruction des habitats informels dans le cadre de la loi Elan. 955 habitations ont été détruites depuis le début de l’année. Des centaines de familles se sont retrouvées démunies, sans aucune solution pérenne de relogement. Parmi elles, des enfants scolarisés qui doivent jongler entre les décasages et leur scolarité. Une partie d’entre eux est suivie par les autorités, mais le système n’est pas sans failles.

Démolir les cases en tôles et proposer des hébergements d’urgence, telle est la politique du gouvernement depuis un an à Mayotte. Rien qu’en 2021, les services de l’État recensent pas moins de 955 habitations détruites ! Et au moins autant de familles désemparées… Conséquence : « énormément d’enfants ont été déscolarisés à la suite de ces opérations », dénonce Pauline Le Liard, chargée de projet régional à la Cimade. Difficile dans ce marasme de quantifier l’adverbe « énormément » puisque ni le rectorat ni la préfecture, et encore moins les associations partenaires, ne sont en mesure de communiquer les statistiques sur le nombre d’enfants scolarisés qui ont été relogés, expulsés ou qui ont tout bonnement disparu avec leurs parents. Personne ne peut non plus informer sur le nombre d’élèves qui ont pu poursuivre leur scolarité, et encore moins ceux qui ont eu une année scolaire interrompue ou perturbée.

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Pourtant, un dispositif de suivi existe bel et bien pour assurer la continuité de la scolarisation de ces enfants qui ont perdu leurs maisons. « Normalement, le service de la cohésion sociale fait une enquête avant le décasage auprès des familles pour voir qui a des enfants et où ils sont scolarisés. Les conclusions nous sont envoyées quand l’enfant ou la famille est relogée autre part. Cette procédure nous permet d’anticiper la scolarisation », défend le recteur Gilles Halbout. Mais tout ne se passe pas toujours comme prévu… En effet, certaines familles refusent les propositions de relogement. Ce qui complique considérablement la tâche des institutions ! « Les familles refusent ces lieux puisqu’ils ne sont pas du tout adaptés à la composition familiale du ménage ni au lieu de scolarisation », soutient la représentante de la Cimade. Alors elles n’ont d’autre choix que de trouver des solutions par leurs propres moyens, dans l’intérêt de leur progéniture. « Ce que nous avons vu lors des précédents décasages c’est que globalement les familles trouvent toujours un point de chute pour leurs enfants pas loin », révèle le responsable de l’académie.

Le grand flou pour les enfants des familles en situation irrégulière

Mais qu’en est-il des parents qui sont en situation irrégulière et qui sont expulsés ou se sont évaporés dans la nature ? « Ceux-là, nous ne les voyons pas », admet Gilles Halbout. Pourtant avant chaque opération de destruction, l’association pour la condition féminine et l’aide aux victimes (ACFAV) mène des enquêtes sociales pour recenser le nombre de familles présentes et notamment les enfants scolarisés. Mais ces enquêtes sociales doivent être améliorées selon Lydia Barneoud, la présidente de l’association Haki Za Wanatsa, qui promeut et défend les droits de l’enfant. « Nous avons proposé en mars dernier que figurent sur les enquêtes les établissements scolaires d’origine des enfants. Cela a été confirmé récemment par la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités et cela permettra, nous l’espérons, un meilleur suivi de ces élèves par les services du rectorat. » Car pour l’instant, « c’est au petit bonheur la chance » ! « Les professeurs réalisent à travers les absences que tel élève habitait dans le quartier détruit », ajoute-t-elle. De son côté, le recteur se veut rassurant, notamment pour les parents qui sont renvoyés dans leur pays d’origine. « Actuellement, nous travaillons avec les associations dans une logique de coopération pour que quand des familles sont en irrégularité et qu’elles doivent partir, nous essayons de leur trouver un bon système éducatif là-bas. »

Absence de suivi psychologique

Quid alors du suivi psychologique ? Car le décasage est sans conteste une situation éprouvante et d’une violence mentale considérable pour les adultes, et plus encore pour les enfants. Or, ceux qui ont la chance de retrouver les bancs de l’école n’en bénéficient pas à Mayotte… « Les enseignants en parlent, mais il n’y a pas de suivi particulier », reconnaît le recteur. « Les professionnels sur le terrain nous remontent des gros soucis car des élèves arrivent traumatisés. La scolarisation va être interrompue, bafouée ou pleine d’obstacles », précise Pauline Le Liard de la Cimade. Une réalité qui n’étonne personne, mais qui doit trouver des solutions.

L’association Haki Za Wanatsa œuvre en ce sens. « Nous travaillons avec l’ensemble des partenaires pour faire en sorte de ne pas pénaliser doublement ces enfants, dont on oublie souvent que la majorité n’a rien fait d’autre que de naître au mauvais endroit. Il en va de l’ambiance en milieu scolaire, mais aussi au dehors. C’est une question d’intérêt général. En cela, permettre leur suivi effectif, au-delà d’être un devoir légal et moral, est aussi crucial, pour l’avenir de l’île », déroule Lydia Barneoud. « Nous défendons le droit des enfants à ne pas être séparés de leur famille en cas d’éloignement, et celui, s’ils ont vocation à rester, de poursuivre leur scolarité, dans les meilleures conditions possibles. Au-delà du droit, il s’agit aussi de ne pas alimenter les tensions, ce qui n’a pour seul effet que d’ajouter du chaos à la situation déjà bien complexe et éprouvante pour tous sur le territoire. » Des principes que nul n’est censé ignorer, en théorie. En pratique, partagée entre l’envie d’en finir avec les bidonvilles et le respect des droits de l’enfant, la préfecture doit encore régler sa balance pour trouver le juste milieu.

Cavale en Toyota volée de Soulou à Bouéni : jusqu’à 5 ans de prison pour une bande qui avait terrorisé des habitants de Mayotte

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Une bande comparaissait ce mercredi au tribunal pour avoir dépouillé des promeneurs à Soulou puis, quelques jours plus tard, cambriolé à deux reprises la même famille, à Bouéni, en 2016. Des faits qui rappellent les heures sombres du banditisme à Mayotte, quand les coupeurs de route s’attaquaient à la population.

Ils avaient dépouillé, volé, cambriolé et traumatisé au moins 11 victimes, entre le 17 et le 21 décembre 2016. Pire encore, au terme de cette cavale, c’est une même famille qui avait reçu la visite impromptue de la bande, deux nuits de suite… Cinq prévenus étaient appelés à comparaître ce mercredi au tribunal correctionnel de Mamoudzou, pour des faits de vol avec violence, vol ou tentative de vol par effraction, violence commise en réunion et destruction du bien d’autrui en réunion. Quatre étaient présents à l’audience, le cinquième n’ayant pas été interpellé. Et malgré de maigres tentatives d’excuses à la barre, difficilement entendables au vu de ce joli palmarès, ils ont tous écopés de peines de prison ferme, allant jusqu’à six ans pour les plus impliqués.

Leur aventure crapuleuse commence le 17 décembre, à Tsingoni, sur le chemin qui mène à la cascade de Soulou. Ils y guettent les badauds de retour de la plage. Un petit groupe finit par tomber dans leurs griffes. Sous la menace de trois individus, armés d’un bâton et de deux machettes, les promeneurs sont dépouillés, leurs sacs vidés et fouillés. L’un des agresseurs demande s’il reste du monde sur la plage, et les victimes répondent par la négative. Manque de bol, un couple arrive sur ces entrefaites… Ce qui leur vaudra de passer eux aussi à la casserole. Mais les bandits voient rouge. Pour la peine, ils gratifient l’un des membres du premier groupe d’un coup de chumbo, du plat de la lame, sur l’épaule. En tout, l’opération dure près de 30 minutes, auxquelles il faudra ajouter pour les victimes des jours d’ITT et des nuits d’angoisse, causés par le stress post-traumatique.

Course poursuite en Toyota

Sans surprise, à leur sortie de la forêt, la Toyota Corolla du groupe manque à l’appel. “Ce véhicule sera le fil rouge de cette affaire”, souligne la présidente à la lecture des faits. Car deux jours seulement après cette première exaction, les larrons récidivent à quelques kilomètres de là, dans la commune de Bouéni. Ils sont cinq désormais, parqués dans la petite Toyota volée, devant une plutôt belle bâtisse. “Vous vous êtes dits que c’était une belle maison, donc ça devait être des métropolitains et que vous alliez la cambrioler”, dénonce l’avocate des parties civiles, Me Kassurati Mattoir. Ils pénètrent à la nuit tombée dans l’habitation endormie, font leurs affaires sans bruit, mais sont finalement repérés. Pris en chasse par le fils des victimes, ils se retournent contre lui à coups de caillasses et de coups de machettes dans les vitres.

Mais ce n’est pas tout ! Le lendemain, rebelote, dans la même maison. Car la bande insatiable a avisé un petit coffre-fort dans la chambre parentale le soir du premier cambriolage. “J’ai entendu un bruit, boom ! Comme si l’on avait jeté quelque chose de lourd”, raconte la femme à la barre, qui s’est soudainement retrouvée nez à nez avec trois individus armés de couteau et de machettes, chez elle. Elle crie avant d’être saisie par le cou et menacée de mort. “J’ai supplié, ‘‘s’il-vous-plaît, ne tuez pas mon mari, tuez-moi à la place””, sanglote la victime à l’audience, encore chamboulée après cinq années de procédure. Son mari, déjà malade à l’époque, n’aura lui pas survécu assez longtemps pour témoigner à la barre. “Mon père n’est plus là, son état de santé s’est aggravé depuis ces événements”, souffle le fils endeuillé.

“Ils peuvent faire leur peine aux Comores”

Du côté des prévenus, c’est plutôt profil bas. “Si je fais le bilan des cinq années en prison, j’ai gâché ma vie et je suis le seul responsable”, tente ainsi l’un d’entre eux. Mais les quatre bougres peinent à amadouer, d’autant plus ceux qui traînent un casier judiciaire fourni… ou qui tentent d’obtenir du juge leur transfert à La Réunion ou en métropole. Mauvaise pioche selon l’avocate des parties civiles. “Je rappelle que tous ces gentils Messieurs sont en situation irrégulière sur le territoire, ils peuvent faire leur peine aux Comores, ils verront si c’est si dur, la détention à Mayotte”, raille-t-elle au moment de faire sa plaidoirie. Pas plus convaincue par leurs excuses, prononcées “parce qu’il y a des conséquences néfastes sur leur propre vie, et en niant les conséquences sur celle des victimes”.

Le parquet a requis des peines entre trois et six ans de prison. Les juges iront plus ou moins dans le même sens, en condamnant ceux ayant participé aux trois séries de faits à cinq ans d’emprisonnement, et les deux autres à respectivement 30 mois et quatre ans ferme.

Zaima Anika Anli Hely, couturière envers et contre tout

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Derrière la marque de vêtement Anika Exkiz se cache une couturière pleine de talent qui a fait le choix de poursuivre ses rêves. Zaima Anika Anli Hely est une femme mahoraise déterminée à tordre le cou aux clichés qu’il y a autour du métier de couturier. La créatrice de mode a créé son entreprise il y a moins d’un an et le succès tape déjà à sa porte.

Un rêve de petite fille que se réalise. C’est ce que vit Zaima Anika Anli Hely depuis des mois. La jeune femme mahoraise a déposé sa marque de vêtement Anika Exkiz il y a moins d’un an, et depuis son entreprise ne cesse de croître. Sollicitée de toute part, Anika vit un rêve éveillé, mais elle a dû passer par plusieurs étapes avant d’en arriver là. « Depuis toute petite, j’aimais la mode mais c’était juste une passion parce que je ne pensais pas que je pouvais en faire mon métier. Après mon bac, je me suis donc orientée vers l’architecture », raconte-t-elle. Zaima Anika Anli Hely poursuit ses études jusqu’à la cinquième année qu’elle ne valide pas. Elle essaye alors de se réorienter. Après plusieurs formations, elle décide finalement de rentrer à Mayotte et travaille un temps à La Poste. Bien loin de son premier amour : la couture.

Arrive alors soudainement le confinement du mois de mars 2020, période pendant laquelle Anika se retrouve sans emploi. « À ce moment-là, j’ai décidé de m’investir réellement dans la couture. J’ai cherché des subventions et j’ai déclaré mon entreprise en décembre 2020. » Tout s’accélère alors pour la styliste, qui est très présente sur les réseaux sociaux et qui n’hésite pas à partager ses créations. Elle est rapidement repérée pour présenter ses pièces dans des défilés de mode, notamment celui de l’élection de Miss Excellence Mayotte. La marque Anika Exkiz arrive alors à se faire une place dans le monde de la mode locale. « Je ne m’attendais pas à atteindre aussi vite le succès que j’ai maintenant ! Je pensais que ça allait prendre plus de temps, peut-être dans trois ans. Mais dès que j’ai mis les pieds à Mayotte, tout s’est accéléré », reconnaît la couturière. Cependant, le succès s’accompagne d’une certaine appréhension. « J’ai un peu peur parce que j’ai l’impression que ça va beaucoup trop vite, mais je n’ai pas le droit de reculer. »

« Pas un métier d’avenir »

Si la styliste vit aujourd’hui une véritable succès story, elle a dû batailler dur et s’affranchir des remarques des autres pour réussir. Anika a fait force de détermination pour ne pas écouter sa maman qui ne portait aucun espoir en son projet. « Ma mère ne me soutenait pas car elle n’y croyait pas », se souvient-elle. Avant de finalement réussir à lui faire changer d’avis ! « Elle est ma première source de motivation. Elle est beaucoup investie dans mon entreprise et je suis persuadée que sans elle, je ne serais pas à ce niveau-là », témoigne la créatrice. À tel point que son parcours est un exemple pour tous ceux qui veulent créer leur entreprise, mais qui se montrent encore hésitants. « Les métiers artisanaux sont souvent critiqués… Mais quand on est passionnés, il ne faut pas lâcher. On m’a toujours dit que couturière n’est pas un métier d’avenir et pourtant tout se passe bien pour moi. » Son secret ? Anika a tout simplement toqué à la porte de l’agence Créap’ Pépites, qui l’a accompagnée tout au long du processus, notamment pour les démarches administratives qui peuvent s’avérer fastidieuses.

Un style minimaliste et sophistiqué

Depuis, Anika cherche à se démarquer des autres créateurs mahorais, avec un style qu’elle définit de minimaliste et sophistiqué. « J’apporte de la pureté et du minimalisme dans la manière de s’habiller à Mayotte. Mais je mets toujours une touche locale en utilisant le tissu du nambawane », dévoile-t-elle. Sa marque de fabrique séduit et beaucoup sont prêts à payer le prix fort pour avoir une pièce de chez Anika Exkiz. Si la cheffe d’entreprise est consciente que sa gamme de prix est largement au-dessus de ce que les Mahorais dépensent en moyenne dans les vêtements, elle assume son choix. « Je me facture au juste prix. Mes clients ne sont pas des gens qui cherchent à trouver du moins cher, ils veulent une pièce qui a été créée avec passion et amour. » En plus de son atelier situé à Hamjago, la styliste veut grandir et ouvrir des magasins sur l’île « d’ici trois ans ». Il est important pour elle de développer son activité à Mayotte avant de peut-être, un jour, s’exporter à l’étranger. Et pour cela, elle a besoin de renfort. Elle est donc actuellement à la recherche d’un couturier qui pourra l’épauler dans sa conquête du monde. « Je suis prête à le ou la former parce que je suis passée par là », précise Anika. Alors si vous êtes passionné de couture et de mode, tentez votre chance !

La maison de l’entrepreneuriat, le lieu de tous les possibles pour les lycéens des Lumières

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Ouverte depuis le 20 septembre dernier, la maison de l’entrepreneuriat a été officiellement inaugurée ce mercredi au lycée des Lumières. Un lieu pour accompagner les élèves désireux de monter leur entreprise et susciter des vocations. Tous les partenaires du projet sont unanimes : le développement économique de l’île est entre les mains de la jeunesse. À elle de s’en saisir.

« Je sais vers qui me tourner si je veux monter une boîte. » Debout sur l’estrade de l’amphithéâtre du lycée des Lumières, Romain dégage un sacré self-contrôle face aux grands pontes économiques mahorais réunis ce mercredi 29 septembre à l’occasion de l’inauguration de la maison de l’entrepreneuriat. Invité à témoigner après avoir pris part à la première permanence de la Couveuse d’entreprises Oudjerebou, quelques jours plus tôt, le futur bachelier se dit « conquis » par cette rencontre même s’il n’a pas réellement pour ambition de passer le cap. À ses côtés, Zaim ressort lui aussi d’un échange constructif avec un agent de Pépite Mayotte, sur « la découverte des statuts et les aides pour financer les projets ». « Il y a des opportunités sur le territoire », lance convaincu l’étudiant en 2ème année de BTS commerce international.

L’idée de ce lieu inédit, aménagé par la classe de terminale de STD2A (sciences et technologies du design et des arts appliqués), remonte au mois de juin. Une nouvelle initiative à mettre sur le dos de Patrick Loval, le proviseur de l’établissement scolaire. « Ce qui m’importe est l’efficacité dans le travail », martèle-t-il, au moment d’inviter les enseignants à « faire vivre cette maison de l’entrepreneuriat ». Son crédo ? « Il faut que les élèves déposent leurs idées d’entreprise, le vrai pouvoir est économique. Nous devons les aider à s’en saisir. Et si nous y arrivons, nous n’aurons pas perdu notre temps. » Un discours clair, net et précis !

« Une culture à développer dès le plus jeune âge »

Ce leitmotiv est largement relayé par les partenaires présents le jour J. « Lancez-vous : l’avenir de Mayotte vous appartient » ; « Votre destin est entre vos mains, créer c’est déjà avoir une idée » ; « L’entrepreneuriat est une culture à développer dès le plus jeune âge ». Tour à tour, Wirdani Djae de l’association pour le droit à l’initiative économique (ADIE), Charaf Boina d’Oudjerebou ou encore Isabelle Chevreuil de l’association Entreprendre pour apprendre prêchent la bonne parole. Et surtout les bienfaits de ce projet qui doit permettre « d’accompagner et de susciter l’envie d’entreprendre », résume Claudine Hoareau, la coordinatrice de la maison de l’entrepreneuriat au sein du lycée des Lumières. « Vous avez un bassin régional qui vous offre d’énormes perspectives. Attendez-vous à une perpétuelle formation et ouverture d’esprit, tout en vous adaptant », prévient pour sa part Hakim Nouridine qui a notamment lancé le label Greenfish.

Ambitieuse, la démarche pourrait bien en attirer plus d’un, des simples curieux aux plus adeptes. Peu importe les raisons, les différents ateliers proposés doivent avant tout poser les graines de l’entrepreneuriat dans les têtes de la nouvelle génération. Et lui donner les clés de la réussite. « Vous êtes le visage de ceux qui ont envie d’apprendre et de s’impliquer pour le territoire », se réjouit le recteur Gilles Halbout. Pas peu fier de pouvoir compter sur un nouveau rapprochement entre l’Éducation nationale et le monde économique du 101ème département. Toujours est-il que cette maison de l’entrepreneuriat verra vraisemblablement passer entre ses murs les chefs d’entreprise de demain.

Bilan d’une nuit de tensions à Koungou : trois interpellations, la mairie incendiée… et des habitants sous le choc

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L’image symbolique de l’Hôtel de ville en feu dans la soirée de lundi illustre la violence des affrontements dans la commune du nord de l’île, après le lancement d’une nouvelle opération de décasages au lieu-dit Carobolé. Au moins 200 individus ont participé aux échauffourées, d’après le préfet.

Il est un peu avant 9h, sur la route entre Majicavo et Koungou. Les restes d’un barrage encore fumant annoncent déjà la couleur. Un peu plus loin, dans la commune, théâtre des affrontements, le désordre règne, témoin de la violence des événements : partout sur le bitume, des cailloux de la taille d’un poing, des déchets carbonisés, des bennes renversées. Et les odeurs de brûlé et de poubelles qui prennent le nez, les yeux, la gorge. Une colonne de fumée noire s’échappe des hauteurs et des restes du bidonville de Carobolé à côté de la mairie. Mais il ne s’agit plus – heureusement – du bâtiment municipal, lui aussi envahi par les flammes en milieu de soirée, lundi.

Là, c’est impressionnant parce que c’est encore humide, mais la plupart des bureaux ont été épargnés. Je pense qu’environ un tiers du bâtiment a été touché”, décrit le patron du SDIS Olivier Neis, venu constater les dégâts ce mardi. “Hop, hop, hop !”, lance le pompier à l’attention d’un élu qui vient passer une tête par la porte d’entrée. “Je n’ai pas eu de blessé pour l’instant, il ne s’agit pas d’en avoir un maintenant !”, ajoute-t-il avec un regard inquiet pour la tôle instable de la toiture. Le feu, qui a pris depuis la façade arrière de la mairie, où des véhicules ont été incendiés par les fauteurs de trouble, a rejoint le toit et s’est propagé dans un patio central à l’intérieur de la structure. Un peu plus tôt, une tentative d’incendie avait été déjouée au niveau de la police municipale, qui n’en porte pas ou peu les stigmates ce mardi.

Pour les habitants, en revanche, le traumatisme est palpable. “J’ai été attaquée devant chez moi, hier c’était le jeu du chat et de la souris, avec les gamins et les gendarmes ! Et ils sont partis chez ma collègue l’ex-femme du maire, elle n’est pas bien ! Qu’est-ce qu’elle a à voir là-dedans !”, s’étrangle entre deux sanglots une conseillère municipale, dans la petite salle de la mairie annexe de Majicavo, où s’est tenue une réunion en présence d’élus, du préfet, du procureur et du président du conseil départemental. En effet, la rumeur avait rapidement circulé hier soir que l’ex-femme du maire avait été prise pour cible.

“C’était une insurrection”

On parle d’elle, mais il a dû y en avoir beaucoup d’autres ! Il n’y avait pas de limite, ils étaient là pour détruire, pour tout casser. Je pensais avoir vu le pire, aujourd’hui j’ai vu encore pire”, abonde Thomas Lévy, qui n’a pas pu rentrer chez lui lundi soir. Coincé entre deux barrages, littéralement encerclé, cet habitant de Trévani a cru y passer et a dû être escorté par les gendarmes pour échapper aux hordes d’assaillants… jeunes comme moins jeunes. “C’était pas comme d’habitude, des adolescents. C’était une insurrection. Hier, ils n’étaient pas une quarantaine, non, je les ai eus en face de moi, c’étaient les jeunes habituels mais aussi des femmes, des hommes. Ils m’ont couru après, ils étaient 80, 100 personnes !”, décrit cet habitué des trajets mouvementés sur l’axe Koungou-Mamoudzou.

200 individus estimés, 3 interpellations

Une estimation qui semble plutôt proche de la réalité. À Koungou ce mardi matin, le préfet Thierry Suquet confirme la présence d’environ 200 personnes “au plus fort” de la soirée. “Mais ce n’est pas une manifestation comme on a pu le lire, ce sont des violences urbaines avec des poches dispersées de 40, 50 personnes”, assure-t-il. Le déroulé établi par la gendarmerie évoque “plus d’une centaine d’individus très hostiles et très mobiles” vers 19h, qui ont dressé “des barricades enflammées à différents endroits du village sur la RN1” et ont caillassé et pillé les “automobilistes, blessant deux d’entre eux”. Ce mardi matin, à l’issue des affrontements, trois mineurs avaient par ailleurs été interpellés.

On voit bien qu’on dérange. Car avec ces opérations de décasage, nous luttons aussi contre la délinquance et l’immigration clandestine. La riposte se fait donc par ces guerres de territoires, de la part des délinquants”, réagit le préfet, qui entend poursuivre le calendrier des destructions. “La seule chose que cette situation renforce, c’est ma détermination.” De son côté, le procureur a invité tous les habitants victimes à porter plainte. Au total 200 grenades lacrymogène et cinq LBD ont été lancés, et les affrontements ont mobilisé près de 66 militaires, l’hélicoptère de la gendarmerie, deux blindés et 14 personnels de la police nationale.

 

Le monde politique en émoi : florilège de Paris à Mayotte

Preuve que le sujet est éminemment politique, surtout à la veille des élections présidentielles, les communiqués, de tous bords politiques ou presque, n’ont pas tardé à fuser. Sur Twitter lundi soir, le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu a ainsi condamné “les actes de violence inadmissibles qui ont eu lieu cette nuit à Koungou à Mayotte”. “Les forces de sécurité sont déterminées à rétablir l’ordre (…). Nous continuerons à lutter contre l’habitat illégal malgré ces actions”, a-t-il assuré. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a lui aussi réagi en apportant « tout son soutien au maire et aux agents municipaux de Koungou à Mayotte. Merci aux forces de sécurité mobilisées pour rétablir l’ordre républicain ». Une heure avant, le député Les Républicains Mansour Kamardine avait lui appelé “à la plus grande fermeté face aux délinquants et à une détermination sans faille dans la reconquête des territoires perdus”. Jamais loin à la veille d’un scrutin, la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen s’est elle aussi fendue d’un tweet pour adresser son soutien “à nos compatriotes mahorais”. “Demain présidente, je ne les oublierai pas”, a-t-elle précisé. “Violence inouïe”, selon l’avocat Elad Chakrina, “attaques odieuses sur les symboles de la République”, pour Soula Said-Souffou du parti Le Temps d’Agir (LTA), “actes odieux”, juge le Rassemblement national 976, “scènes de guerre quotidienne”, dans les mots du conseiller départemental Daniel Zaïdani, ou encore “événements dramatiques” pour le président du Département Ben Issa Ousseni… Chacun y est aussi allé de sa plume dans le 101ème département, avec partout les mêmes messages de “fermeté” et appels à la “reconquête”. “Le président du Département et les élus locaux saisiront le président de la République à propos de ces évènements”, a par ailleurs annoncé le chef de l’exécutif.

Hydrothérapie : les enfants polyhandicapés refont surface

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Tous les mardis, une petite dizaine d’enfants polyhandicapés du centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) de Mlézi Maoré peuvent profiter d’une séance d’hydrothérapie sur la plage d’Iloni. L’occasion pour ces petits de 0 à 6 ans de se détendre et de barboter dans les eaux turquoises du lagon. Face à la demande, un second groupe doit voir le jour d’ici la fin de l’année.

Comme tous les mardis depuis plusieurs mois, Asma* se rend à sa séance d’hydrothérapie sur la plage d’Iloni. Pour la petite fille de cinq ans, cette baignade est un véritable bol d’air frais. “Tu nages ? Tu nages ?”, lui murmure sa mère tout sourire. Un moment de détente privilégié pour la maman et la fille. “Je pense que c’est important qu’elle participe à des activités comme celle-ci car dans l’eau, le cerveau est stimulé. Elle s’amuse et le soir quand on rentre à la maison, elle est très détendue et calme. Cela a vraiment un effet bénéfique sur elle, ça l’apaise”, raconte avec une certaine émotion Yasmina*. Comme elle, d’autres mères d’enfants en situation de handicap ainsi que des nounous participent à la session du jour aux côtés des thérapeutes du centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) de Mlézi Maoré.

Calme et douceur les maîtres mots

Pendant une heure, les enfants s’immergent dans l’eau du lagon. Certains ferment les yeux et se détendent complètement tandis que d’autres stimulés par le remous des vagues jouent avec le clapot. Un à un, les petits passent dans les bras des thérapeutes pour une séance de baignade. Tantôt avec Camille, éducatrice de jeunes enfants au sein du CAMSP, mais aussi avec Claire, ergothérapeute dans la même structure ou encore avec Alexandre, titulaire d’une licence Staps activité physique adaptée et d’un BNSSA (brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique). “Notre objectif n’est pas la rééducation, mais la détente de ces enfants polyhandicapés qui, naturellement avec l’eau, relâchent leurs muscles. Le but est de les stimuler pour garder l’autonomie et de ralentir la progression de leur maladie”, dévoile l’éducateur sportif, en même temps que de soutenir avec ses deux mains Rania*. Âgée de quatre ans, la fillette dégage un sentiment de zénitude et ne semble plus vouloir retourner sur la terre ferme. Un vrai poisson dans l’eau !

Le CAMSP au service des tout-petits

Au sein de ses deux structures situées à Mamoudzou et à Mtsangamouji, le centre d’action médico-sociale précoce suit une centaine d’enfants tout au long de l’année. « L’activité de notre structure consiste en un accompagnement des enfants de 0 à 6 ans porteurs de handicap, de retards de développement précoce, et/ou de troubles du comportement à travers un accompagnement pluridisciplinaire : ergothérapie, psychomotricité, orthophonie, accompagnement psychologique, social, éducatif », détaille Hélène Frach, la coordinatrice de la structure. Malheureusement aujourd’hui, le nombre de places est relativement limité. Conséquence : les listes d’attente s’allongent pour pouvoir participer aux séances d’hydrothérapie et plus généralement pour accéder à une prise en charge… Pour y remédier, un second groupe va voir le jour très prochainement pour permettre d’accueillir davantage de bambins. Par ailleurs, la structure souhaite également mettre en place des séances destinées aux enfants souffrant de troubles des fonctions motrices. Un projet qu’on espère voir à flot dans peu de temps.

* les prénoms ont été modifiés

Coopération régionale : Jane Jaquin, nouvelle ambassadrice de Mayotte à Zanzibar

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D’animatrice de concours de beauté à directrice de l’association Franco-Zanzibarite en Tanzanie, Jane Jaquin a un parcours professionnel éclectique. Cette touche à tout mahoraise a récemment été nommée par l’association France Volontaires pour représenter son île à Zanzibar. Sa mission consiste à favoriser les échanges entre l’île aux parfums et l’archipel tanzanien avec qui nous avons déjà plusieurs points en commun, notamment culturels.

Flash Infos : Que fait l’association Franco-Zanzibarite ?

Jane Jaquin : L’AFZ (association Franco-Zanzibarite) est une association de droit local dont la mission est de promouvoir la langue et la culture française. Elle constitue la seule implantation française dans ces domaines à Zanzibar et travaille en réseau avec les Alliances Françaises de Dar es Salaam et Arusha. Nous donnons des cours de français à tous et dans le contexte touristique de l’île, aux professionnels désireux d’accueillir les Français et de leur faire découvrir Zanzibar et sa riche culture.

FI : Quelles seront vos missions en tant qu’ambassadrice de Mayotte à travers cette association ?

J. J. : En tant que directrice de l’AFZ, sous statut de Volontariat de Solidarité Internationale (VSI), je travaille avec le conseil d’administration au développement des activités pédagogiques et culturelles. Il va de soi que ce travail en tant qu’ambassadrice de Mayotte à Zanzibar sera accompagné d’une coopération avec notre département. Ma mission ainsi que celle de mes deux autres collègues mahoraises (trois mahoraises font du VSI en Tanzanie) en Tanzanie, est de développer les échanges avec Mayotte car nous avons à apprendre des uns et des autres, aussi bien sur le point linguistique que culturel.

FI : De quelles manières allez-vous mettre en valeur Mayotte ?

J. J? : Je fais systématiquement la promotion de mon île, quel que soit l’endroit où je me trouve, même à Mayotte ! Mon premier voyage en Tanzanie était avec Ousna Attoumani, alors Miss Mayotte. Nous étions invitées en tant qu’ambassadrices de Mayotte et nous étions heureuses de promouvoir notre département qui se trouve juste à côté. À présent, à travers les activités culturelles et pédagogiques que nous organisons à l’AFZ et avec les Alliances Françaises soutenues par l’Ambassade de France en Tanzanie, nous pouvons inviter des artistes et travailler avec eux, organiser des séjours culturels et linguistiques et des événements avec Mayotte et Zanzibar, faciliter les échanges entre les acteurs souhaitant aller dans les deux pays.

Il existe de nombreuses façons de valoriser notre île et c’est tous ensemble que nous y arriverons. Voilà pourquoi il est important aussi que nous soyons présents dans la région et que nous travaillions en réseau. Mes deux collègues mahoraises et moi sommes toutes des ambassadrices de Mayotte. Notre travail et les liens que nous créons ici font partie de notre mission de promotion du département. Et nous le faisons avec le soutien du conseil départemental, par le biais du dispositifde Volontariat de Solidarité Internationale avec France Volontaires.

FI : Qu’est-ce que cela va changer pour les Mahorais ? Peut-on espérer un meilleur échange culturel et économique entre Mayotte et Zanzibar ?

J. J. : J’y compte bien ! C’est ma mission ! Ce qui va changer concrètement c’est qu’il y a désormais une présence de compatriotes de référence sur le territoire. Vous pouvez prendre contact avec nous si vous venez en vacances, si vous avez un projet d’échanges, ou pour toute autre raison. L’AFZ est ouverte à tous et nous apprécions les échanges entre nos membres et les francophones. J’ai été très émue par l’histoire d’une dame venue faire du commerce et qui s’était retrouvée seule à Zanzibar lorsque Mayotte avait été remise en confinement. Lorsque vous partez à l’étranger, il y a des petites préparations et précautions à prendre, j’espère pouvoir guider les Mahoraises et Mahorais se rendant à Zanzibar. Je tiens vraiment à rappeler que partir c’est bien, partir préparée c’est mieux !

FI : Comment Mayotte peut-elle tirer des avantages de cette coopération ?

J. J. : Mayotte a tout à tirer de cette coopération. De par notre position dans le canal du Mozambique et cette richesse culturelle et linguistique que nous partageons avec la région. Il est temps que nous soyons représentés et connus puisque nous sommes le seul département français dans le canal du Mozambique. Nous sommes riches par cette double identité, nous avons autant à offrir qu’à recevoir. Mayotte et tous les Mahorais ne peuvent que tirer profit d’une ouverture sur la région. Nous parlons très souvent de nous ouvrir à l’international : l’international, j’y suis, et c’est à une heure de vol de la maison !

FI : Pourquoi est-ce important pour vous de représenter Mayotte en Tanzanie et plus précisément à Zanzibar ?

J. J. : Cela fait presque deux ans que j’étais partie seule sur le continent africain. Chaque Mahoraise et Mahorais qui part est une porte ouverte pour faire découvrir Mayotte, que l’on connaît mal dans la région. Je veux aussi donner envie aux Mahorais de découvrir les autres territoires. Nous avons très souvent peur de partir à l’étranger. J’ai fait une première expérience, montré que cela était possible et à présent je continue la promotion de Mayotte avec un accompagnement et un encadrement qui, je l’espère, sera aussi celui de nombreuses et nombreux d’entre nous. Représenter Mayotte, en soutien avec le conseil départemental, France Volontaires et les fonds européens, est une opportunité incroyable aussi bien sur le plan professionnel que personnel. Nous avons beaucoup à découvrir sur nous à Zanzibar et en Tanzanie, berceau du peuple swahili avec lequel nous partageons une histoire, une culture et une langue.

La nouvelle version 2.0 de la course de pneus de Mayotte sur la grille de départ

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L’agence de communication Angalia et Orange ont lancé ce mardi 28 septembre la deuxième version du jeu mobile officiel Course de Pneus. Découverte de lieux emblématiques, effets spéciaux, meilleure prise en main… Les nouveautés sont légion. Les deux partenaires ont même pour ambition d’exporter leur concept dans les îles voisines et souhaitent organiser une grande finale régionale.

20.000. C’est le nombre de téléchargements en 2020 de la première version de l’application mobile Course de Pneus. Une franche réussite, qui a dépassé les espérances, mais aussi et surtout les frontières. « Le jeu s’est exporté à l’extérieur du territoire : au Brésil, en Australie, aux États-Unis… C’est un envol à l’international », se réjouit Laurent Mounier, le gérant de l’agence de communication Angalia, à l’initiative de ce virage digital avec Orange pour répondre à la crise sanitaire.

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Vu l’engouement généré, les deux partenaires reviennent pour cette nouvelle édition avec des ambitions gonflées à bloc ! Création d’un nouveau circuit, découverte de trois lieux emblématiques de l’île – la barge, la mosquée de Tsingoni et les canons de l’ancienne résidence des gouverneurs en Petite-Terre -, bande sonore réalisée par Komo… « Nous avons amélioré l’ombrage des personnages et l’interaction pour apporter plus de fluidité à l’utilisateur », précise El-Farouk Adinani, le développeur informatique de Sirel 976, particulièrement fier de rejoindre cette aventure. Et les nouveautés ne manquent pas, telles que des « jumps » à gogo, des « passages secrets »… « C’est un jeu vidéo, il faut que ça reste fun », insiste Émeric Bigot, le responsable partenariats et sponsoring chez Orange, au moment de la démo ce mardi 28 septembre.

Une rencontre océan Indien

La compétition tant attendue débute dès le 1er octobre avec la phase de qualifications. Avant les 8ème de finale regroupant les cinquante meilleurs participants, qui se départageront pour atteindre la grande finale à huit prévue le 27 novembre et diffusée en Facebook live et sur Twitch, « la plateforme incontournable du jeu vidéo ». Mais ce n’est pas tout. En parallèle, « nous allons lancer un tournoi à La Réunion et à Madagascar », dans l’espoir de faire « rencontrer les trois meilleurs joueurs des trois régions » lors d’une présentation à distance made in océan Indien. « Cela pourrait être le démarrage d’un challenge online », se met à rêver Émeric Bigot.

Pour autant, cette digitalisation ne remet pas en cause l’essence même de cet événement créé par Jack Passe en 1984 puisque quatre dates sont d’ores et déjà cochées pour relancer en présentiel les championnats intercommunaux au cours des vacances de la Toussaint. Suivis de la confrontation générale « dans un lieu fermé » le 6 novembre. « Il n’y aura pas de rallyes sur la voie publique, c’est catégorique », prévient Laurent Mounier, qui envisage « un retour à la normale fin juin ». Pas de stress donc pour ceux qui s’inquiètent de son éventuelle disparition… « L’application n’a pas vocation à remplacer la course, au contraire », rassure Émeric Bigot.

En effet, l’idée consiste avant tout à faire briller la culture mahoraise sous tous ses angles et à transmettre un message positif au plus grand nombre. Pour cela, l’e-gaming et l’e-sport peuvent être deux canaux transversaux. D’où les futures pistes de développement déjà en réflexion, comme la création de nouveaux circuits sur Dzoumogné, Sada et Petite-Terre, ou encore la mise en place d’une version internationale et multijoueurs. Avant, pourquoi pas, d’organiser un grand prix de la course de pneus à l’occasion du lancement des Jeux olympiques de 2024 à Paris.

Koungou : climat pesant lundi à Carobolé pour la destruction de 350 cases en tôle

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Très tôt lundi 27 septembre 2021, tractopelles et engins de chantier ont débuté la démolition de 350 habitations de fortune au lieu-dit Carobolé dans la commune de Koungou. Une opération prévue depuis plusieurs mois mais qui a une fois encore surpris une partie des habitants. Certains assistaient, impuissants et incrédules, à la démolition de leurs maisons.

Fumée, bris de verre et tôles froissées… Il ne reste bientôt plus rien de l’habitat illégal qui constituait le quartier de Carobolé. Assis sur un muret, à l’abri du soleil et des nuages de poussière, Soirez et ses copains contemplent ce paysage dévasté, la mine sombre. “Ça fait mal”, lance le lycéen d’une voix rauque. Ses copains du collège de Kawéni hochent la tête. Toute la bande est comme sur pause, sans autre activité ce jour-là que d’assister au spectacle funeste des tractopelles en action. En raison des barrages et de caillassages dans la commune, ils n’ont pas pu prendre les transports scolaires et se rendre à l’école. Avertis de l’opération il y a un mois de cela, ils avaient tous préparé leurs affaires à l’avance pour le grand départ. Reste aujourd’hui un sentiment d’incompréhension, teinté d’injustice. “Nous allons aller vivre chez des cousins à Koungou. Mais ce n’est pas normal qu’on casse nos maisons. Pourquoi font-ils ça ?”, interrogent-ils, l’air amer.

À la demande de la commune de Koungou, une nouvelle opération de destruction d’habitats illégaux a débuté lundi 27 septembre au lieu-dit Carobolé, sur la base d’un arrêté loi Elan publié le 21 juin dernier. Elle doit se prolonger sur plusieurs semaines. Au total, pas de moins de 350 habitations de fortune doivent être réduites à néant, d’après la préfecture, soit un peu plus que le rapport initial de la gendarmerie en juin, qui chiffrait environ 200 habitations.

955 destructions en 2021

La préfecture de Mayotte rappelle que ce nouveau décasage fait suite aux 955 destructions de logements illégaux, intervenues depuis le début de l’année 2021. “Permettre aux Mahorais d’habiter des logements dignes n’est pas négociable. Cet impératif suppose de construire et nécessite de détruire. La destruction des bidonvilles n’est pas humainement facile à faire, mais c’est une décision fondée par le droit, c’est une demande forte de la population mahoraise, c’est une exigence de sécurité publique, de salubrité et de dignité humaine. Cette politique publique doit se poursuivre”, affirme le préfet de Mayotte, Thierry Suquet. La municipalité promet pour sa part le lancement d’un important projet de construction de 500 logements sociaux, à la suite de cette intervention.

Par ailleurs, comme à chaque opération loi Elan, les occupants sont censés faire l’objet d’enquêtes sociales, effectuées par l’association pour la condition féminine et l’aide aux victimes (ACFAV), avec l’appui de la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités. Ceux-ci se voient alors proposer des solutions d’hébergement temporaire. D’après les chiffres communiqués, 282 propositions auraient déjà été acceptées. En outre, le centre communal d’action sociale (CCAS) de Koungou, la Croix-Rouge Française, les associations ACFAV et Mlézi Maoré assureront l’accompagnement des personnes qui le souhaitent dans la recherche d’hébergement et de logement.

“La commune a promis de construire des logements sociaux”

Si la promesse d’une vie plus digne à l’issue de ces opérations est louable, elle peine encore à convaincre sur place. Plusieurs témoins interrogés déplorent ainsi la faiblesse et l’inadéquation des solutions proposées. “Nous vivons un moment très triste”, confie Asma*, dont la sœur habitait le quartier. “Une association leur a donné une maison pour quelques jours à Tsoundzou, mais c’est temporaire et loin pour que les enfants puissent se rendre à l’école”, expose la riveraine. Même constat chez Mohamed, qui regarde abasourdi les bulldozers détruire son logement. “C’est une vraie maison en dur, avec six pièces. Une partie appartient à mon ex-femme et l’autre devait revenir à ma fille qui se marie bientôt. Je ne sais pas comment nous allons faire”, se désole-t-il. Sur les lieux depuis 4h du matin, il assure avoir demandé à plusieurs reprises à récupérer ses outils, encore entre les murs, en vain. “Je ne sais pas où je vais habiter. Je vis dans ce quartier depuis 1990”, soupire-t-il. “Il n’y a pas de solution à ce problème. La commune a promis de construire des logements sociaux, je serais ravi de pouvoir y habiter, mais est-ce que ce sera vraiment possible ?”, lâche-t-il, fixant au loin le tas de gravas qui fut jadis sa maison. Las, mais sans colère.

Quatre interpellations pour menaces et caillassages

Tous n’ont pas sa philosophie. Ni son discours apaisé, qui dénote avec la tension du jour, particulièrement palpable entre les engins de chantier et les camions de gendarmerie. En marge de l’opération, quatre individus ont été interpellés et placés en garde à vue ce lundi pour des menaces et des caillassages, d’après la préfecture. Par ailleurs, “plus d’une vingtaine d’étrangers en situation irrégulière ont été interpellés lors de la première journée de décasage et reconduits à la frontière”, détaille le communiqué. Un climat tendu, qui n’est pas sans rappeler le précédent de la Jamaïque, où l’interpellation d’étrangers en situation irrégulière en amont des démolitions avaient provoqué une vague de violences inouïe.

* le prénom a été modifié

Lundi noir : entre violences, droits de retrait et décasages, une éducation prise en étau

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Entre les affrontements Combani/Miréréni, la grogne des transporteurs, et l’opération de destruction de Koungou, la semaine a repris sur les chapeaux de roue. Un climat tendu dans le 101ème département qui pénalise surtout ses quelque 100.000 élèves.

Il n’y a pas un chat, ce lundi après-midi, au lycée de Kahani. La porte reste résolument fermée, décision ayant été prise par le recteur Gilles Halbout de repousser le retour des élèves à mardi. La faute, une fois de plus, de caillassages d’autobus sur l’axe Kahani-Combani. Jeudi dernier, c’étaient les élèves du lycée de Dzoumogné qui récoltaient les pierres, le tout poussant les transporteurs à annoncer un nouveau droit de retrait reconductible dès ce lundi, à peine une semaine après la signature d’un protocole pour les mêmes raisons, mardi dernier.

lundi-noir-violences-droits-retrait-decasages-education-prise-etauNous ne comptons plus le nombre de protocoles de crise qui ont été signés sans que nous ayons un apaisement de la situation, au contraire, nous assistons à un montée en puissance de la violence qui a atteint des sommets inédits”, dénonce à juste titre l’intersyndicale FO et UI CFDT, dans son communiqué, qui appelle aussi à une mobilisation le 5 octobre prochain, pour la grève nationale. Parmi leurs revendications, dans le désordre : la renégociation de l’accord de sécurité au niveau départemental, l’application dissuasive de la loi vis-à-vis des préjudiciables, la mise en œuvre de moyens régaliens pour assurer la sécurité du personnel et des usagers mais aussi une rencontre sur la sécurité avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice, le Département, les transporteurs et les organisations syndicales…

Match Miréréni/Combani, balle au centre

Conséquence de ce ras-le-bol : aucun ramassage des élèves n’a pu avoir lieu ce lundi. Sur le pont depuis 4h30 du matin, les gendarmes ont, eux, veillé au grain, notamment aux abords des abribus pour éviter tout débordement, au cas où la nouvelle du droit de retrait n’aurait pas circulé partout. Et sans surprise, leurs efforts ont dû se concentrer sur la zone Miréréni/Combani, encore le théâtre de heurts tout au long de la journée. La veille, un jeune de Miréréni avait été sévèrement blessé à la jambe et évacué au CHM, et les violences urbaines ont donc persisté ce lundi, en guise de représailles. Au niveau de la démarcation, sur le pont entre les deux villages, des déchets ont ainsi entravé la circulation des automobilistes. Une déviation a été mise en place dès 8h, pour permettre aux habitants de rejoindre Combani. Aucun automobiliste n’a été blessé ni de véhicule dégradé, d’après la gendarmerie. Les incendies de deux bangas ont pu être circonscrits par les pompiers sous la protection des forces de l’ordre.

Une nouvelle qui a d’ailleurs rapidement fait le bouche-à-oreille. “Les gens de Combani m’avaient dit qu’ils venaient, mais finalement non, apparemment il y a des trucs qui brûlent…« , souligne ainsi une parent d’élève bien informée, à peine arrivée au lycée de Kahani, où avait lieu lundi après-midi une réunion avec le rectorat pour échanger sur ce climat d’insécurité. “En revanche, ceux de Miréréni, je ne sais pas”, ajoute-t-elle, aussitôt suivie par quelques rires jaunes. “S’ils doivent passer par Combani, il y a peu de chance”, note avec justesse Rafza Youssouf Ali, la présidente de l’union départementale de la confédération syndicale des familles.

Reprise progressive à Kahani

À l’issue de cette rencontre, “nous avons rappelé certains engagements pris dans le cadre du renforcement de l’éducation prioritaire sur Dzoumogné, Kahani et le lycée du Nord”, explique le recteur Gilles Halbout. À savoir, le renforcement de moyens humains avec des personnels d’encadrement de la vie scolaire, les fonds sociaux pour les élèves, et des engagements pour les travaux d’extension et de rénovation. Cette réunion a aussi été l’occasion de rappeler la “grande fermeté” envers les fauteurs de trouble, parfois scolarisés au sein même de l’établissement. Des sanctions pourront être prises à leur encontre. La reprise, mardi, sera ainsi progressive, pour “accompagner les élèves” et aussi pour “rappeler à l’ordre”, indique le recteur. “Personne ne peut avoir une assurance totale en matière de sécurité, mais nous sommes satisfaits des engagements”, souligne Rafza Youssouf Ali, ajoutant qu’un dispositif “parents pairs”, à l’intérieur du lycée sera aussi mis en place. “Nous n’allons pas nous mettre en droit de retrait, ce serait donner encore raison aux fauteurs de troubles, alors que l’éducation a déjà du retard à Mayotte.

Dzoumogné emboîte le pas ?

En plus de la fermeture de Kahani, et du mouvement des transporteurs, un courrier d’un enseignant du lycée de Dzoumogné a lui aussi évoqué un droit de retrait, depuis le 24 septembre. “Aujourd’hui, nous avons conscience que l’Éducation nationale a fait beaucoup pour sécuriser le site, mais peut-on sécuriser un lycée situé au milieu d’un volcan ?”, interroge la missive, en listant pêle-mêle les attaques subies : agression de trois collègues et du proviseur en juin, examen passés au milieu des violences, et “depuis début septembre, tous les deux ou trois jours, des cailloux sont lancés dans la cour, mardi 14 septembre un élève a pris un coup de couteau devant le lycée, vendredi 17 septembre, vol à l’arraché du portable d’un collègue devant le lycée, mardi 21 septembre, un élève a été coursé depuis la poste et a dû se réfugier dans le collège, jeudi 23 septembre, attaque au cocktail Molotov et intrusion dans le lycée…” Bref, le vase déborde ! Pour autant, à l’issue d’une réunion du comité hygiène et sécurité lundi, le rectorat ne considère pas qu’il y ait lieu d’un droit de retrait à proprement parler, mais davantage, d’une “solidarité avec les personnels”. “Nous aiderons les collègues choqués et qui ont besoin d’aide psychologique et de réconfort”, assure Gilles Halbout.

Petite échauffourée à Bandrélé

C’est dans ce climat tendu que la rumeur d’une attaque au collège de Bandrélé a aussi circulé sur les réseaux sociaux. Avant d’être démentie plus ou moins par le responsable de l’académie en fin de journée. “Depuis quelques jours, une bande de jeunes rackettaient les élèves à la sortie de l’établissement, la gendarmerie est donc intervenue et a interpellé une partie des voyous”, rapporte-t-il. L’autre partie de la bande se serait alors échauffée, menaçant le proviseur de mort et jetant quelques cailloux.

Enfin, la fermeture des écoles de Koungou en marge de l’opération de destructions du lieu-dit Carobolé, clôt ce tableau morose pour l’éducation des jeunes Mahorais. Point de plage sous les pavés, une fois n’est pas coutume…

Le rugby, la pratique sportive qui gratte de nouveaux adeptes à Mayotte

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Priés de s’asseoir sur le banc de touche durant près d’un an et demi en raison de la crise sanitaire, les rugbymen espèrent repartir sur de bonnes bases avec le lancement des championnats seniors et de l’école de rugby ce week-end. Entre nouveau départ et continuité, le comité territorial de rugby de Mayotte veut transformer l’essai. Entretien avec Corentin Marie, agent de développement au sein de l’organisation.

Flash Infos : À quelques jours du lancement officiel de la saison 2021-2022, dans quel état d’esprit se trouve le comité territorial de rugby de Mayotte après un an et demi de crise sanitaire ?

Corentin Marie : Pendant cette année de crise, nous avons effectivement été perturbés comme tous les autres comités et ligues. Nous avions une peur bleue de perdre des joueurs en route… Heureusement, nous avons eu des présidents et des entraîneurs très engagés et investis ! Nous avons même réussi à franchir la barre des 600 licenciés. C’est une réelle satisfaction. Et le fait d’avoir pu reprendre la saison à la fin du mois de mai a redonné de l’espoir à tout le monde.

Alors, en marge du retour des premières rencontres seniors hommes et femmes et de l’école de rugby, nous avons organisé vendredi dernier un tournoi à 5 touché dans le but de mettre un coup de projecteur sur notre sport. L’idée était de rassembler toutes les catégories de plus de 14 ans autour d’un événement unique en proposant des oppositions mixtes et intergénérationnelles pour relancer l’esprit de convivialité au sein des clubs. Nous espérons que cette journée a créé du lien en vue de l’ouverture du championnat le week-end prochain. Concernant le Covid-19, même si nous ne savons pas ce qui nous attend, nous avons un protocole fédéral très strict, qui nous permet de nous adapter à toutes les mesures restrictives.

FI : Nouveauté cette année : vous mettez en place des « stages développement » durant les vacances scolaires. En quoi consistent-ils ?

C. M. : Si le comité supervise l’élite mahoraise, il se tourne également vers le développement de la pratique du rugby plus largement. Dans ce cadre-là, nous nous rapprochons des MJC, des associations, voire même des ministères, pour faire découvrir nos valeurs auprès des jeunes qui ne sont pas licenciés dans nos clubs. Nous avons débuté ces stages au cours de l’été en nouant des partenariats avec la MJC de Bouéni, l’union française des œuvres laïques d’éducation physique (UFOLEP) et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Cela a permis de faire comprendre à une centaine de jeunes qu’ils pouvaient jouer et s’amuser ensemble, sans en venir aux mains et sans se lancer de pierres, tout en faisant un sport de contact.

FI : Fin août, vous avez signé des conventions avec l’union nationale du sport scolaire (UNSS), le rectorat et le centre universitaire pour formaliser la pratique du rugby dans le milieu scolaire. Est-ce une manière de dire que Mayotte est aujourd’hui devenue une terre de rugby à part entière ?

C. M. : Nous pensons effectivement que le territoire affiche une réelle appétence pour le rugby. Les jeunes s’y intéressent de plus en plus : pas moins de 3.000 élèves en écoles primaires ont pratiqué le rugby touché l’an dernier. Lorsque nous intervenons dans les classes, ils prennent très rapidement conscience de l’esprit de camaraderie qui règne. Avec la signature de ces conventions, nous voulons aller encore plus loin, faire davantage découvrir les règles et développer les compétences des enseignants, mais aussi les classes sportives. Il y a un réel engouement ! Preuve en est, deux nouveaux clubs se sont créés au cours des deux dernières années. D’un côté, la pratique se lance doucement et se diversifie progressivement. De l’autre, le comité territorial continue de se structurer en embauchant de nouveaux salariés qui essaient de perpétuer ce qui est réalisé depuis une vingtaine d’années.

FI : Si Mayotte manque d’infrastructures de haut niveau pour former les élites de demain, vous envoyez régulièrement des joueurs vers le pôle Outre-mer à La Réunion ou vers des clubs professionnels en métropole…

C. M. : La question des infrastructures se pose forcément. À Mayotte, il n’y a aucun terrain dédié au rugby… Donc cela nous oblige à collaborer avec les autres sports pour faire entendre notre voix. Après, le principe du haut niveau consiste à recruter les joueurs de plus en plus tôt, vers 13 ou 14 ans, pour les former dans les meilleures structures. En ce sens, le pôle Outre-mer de Mayotte à La Réunion répond à ce critère. Même si cela ajoute une contrainte supplémentaire car nos joueurs se retrouvent à deux heures de vol de leur famille et ne peuvent pas rentrer tous les week-end chez eux… Toutefois, ce sacrifice porte ses fruits car nos jeunes percent chaque année. Et au moins l’un d’eux intègre un club professionnel ou semi-professionnel. Cela prouve bien qu’il y a du talent ailleurs qu’en métropole !

FI : À l’inverse, comment pouvez-vous bénéficier des talents de la métropole et de La Réunion ?

C. M. : Quand nous faisons venir quelqu’un de l’extérieur, c’est vraiment sur des sujets très spécifiques. Comme lors des derniers Jeux des Îles de l’océan Indien quand l’un des entraîneurs de l’équipe de France de moins de 18 ans était venu préparer la sélection mahoraise et lui montrer les exigences du haut niveau. Sinon, nous avons un conseiller technique qui supervise Mayotte et La Réunion. Il vient deux ou trois fois par an pour apporter son expertise et former les conseillers techniques de l’île ainsi que les adultes en formation d’éducateur et d’entraîneur.

Dans le cadre du dispositif Jeunes Talents Mahorais, l’élite mahoraise peut partir en métropole et étudier tout en pratiquant son sport de prédilection au plus haut niveau. Le Département l’aide d’un point de vue scolaire, sportif et matériel. En contrepartie, quand les jeunes rentrent à Noël et pour les grandes vacances, ils ont l’obligation de revenir transmettre leur passion et d’aider les clubs dans lesquels ils évoluaient auparavant à se développer.

Aujourd’hui, le rugby est devenu un vrai sport local ! Nous avons plus de Mahorais que de Wazungus en termes d’encadrement et de joueurs. Le comité en est très satisfait et souhaite continuer sur cette voie-là. Plus nous serons nombreux, plus nous pourrons continuer à développer la pratique sur l’île.

“On va arracher notre liberté” : de Colocs ! à la vraie vie, le combat des jeunes femmes mahoraises

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La série événement diffusée depuis le 6 septembre a suscité de vifs débats alors qu’une partie de l’opinion y voit une menace pour les traditions et la culture mahoraises. À rebours de ces critiques, certaines femmes y voient au contraire un écho à leur propre vécu. Et la fin d’un tabou.

Il est 20h et treize minutes, lundi soir, chez Cousin, à Mamoudzou. Des applaudissements retentissent au fond de la terrasse, aménagée en coin débat pour l’occasion. Le troisième épisode de la série Colocs vient de se terminer, et le petit groupe de femmes et d’hommes tapis dans la pénombre prend une seconde pour digérer ce nouveau shot d’images coup de poing. D’abord intimidées, les langues se délient une à une.“Est-ce qu’on peut avoir les épaules quand on est jeune, enfin, ce n’est pas à elle d’assumer, même si c’est une sage-femme, on peut se demander si son salaire suffit à payer à la fois son loyer, ses loisirs, et ceux de sa famille”, soulève une spectatrice, en référence au personnage de Nadjla, qui doit subvenir aux besoins de son foyer. Un homme plus âgé arrive sur ces entrefaites. “Je ne m’attendais pas à ça, j’ai pris une claque ! Vraiment, c’est courageux ce que tu fais, la thématique que tu abordes… C’est une fissure et maintenant, ça y est, c’est là”, lance-t-il à l’attention de Jacqueline Djoumoi-Guez, la réalisatrice.

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En guise de fissure, la série diffusée depuis le 6 septembre sur Mayotte la 1ère et réalisée par la directrice de Clap Productions, a surtout permis de lever le voile sur le quotidien de nombreuses Mahoraises, forcées de jongler à leur retour de métropole entre la liberté acquise de l’autre côté du globe, et les attentes d’une société qui ne les comprend pas. Un brusque retour en arrière que la réalisatrice a elle-même expérimenté, à son retour à Mayotte en 2013. “Moi aussi, quand je suis rentrée, j’ai eu le problème d’avoir un appartement, l’idée même d’évoquer le sujet c’était un problème, le fait de sortir sans être accompagné du cousin, de la petite sœur ou je ne sais qui, c’était un problème chez moi aussi”, expose Jacqueline Djoumoi-Guez, qui ne veut toutefois pas réduire sa création au seul récit autobiographique. “C’est comme à peu près toutes les femmes ici, en somme”, ajoute-t-elle.

“Ce débat n’aurait jamais eu lieu si ça avait été un homme”

Reste que mettre des images sur cette facette de la société fait l’effet d’une petite bombe. Depuis le 6 septembre, chaque diffusion apporte son lot de débats parfois virulents, surtout sur les réseaux sociaux. Manque de respect aux valeurs, à la culture, à la mère, ou encore image dévergondée de la femme… Les critiques vont bon train, au grand dam d’une partie de l’opinion, notamment féminine. Sur Instagram, une vidéo en date du 8 septembre, qui déboute ces arguments, a ainsi fait près de 30.000 vues. “Personne n’a attendu la série, on pointe juste du doigt un problème qui existe déjà (…). Ce débat n’aurait jamais eu lieu si ça avait été un homme”, dézingue Oumy, enregistrée au smartphone par Anaisse Chabouhane, l’actrice qui joue Farzati dans la série. “On va arracher notre liberté”, finit-elle au terme de cette diatribe enflammée d’une vingtaine de minutes.

Un miroir tendu à la société

Mais pourquoi ces réactions viscérales ? “À travers cette série, on tend un miroir à la société mahoraise, et on interroge la place qu’elle donne aux femmes, les préjugés, les codes induits par une culture, une tradition, qui méritent réflexions”, analyse Taslima Soulaimana, la directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui a soutenu le projet pour cette raison. “Cela choque, parce que c’est comme si on oubliait que les femmes étaient parties faire des études, qu’elles étaient toutes seules et totalement autonomes. Et quand elles reviennent, on leur redonne la même place qu’au départ, comme si on voulait occulter cette étape franchie.

Un combat d’hier et d’aujourd’hui

Et ce clash des générations ne date pas d’hier. “Il y a beaucoup de thèmes qui m’ont rappelé mon vécu, ne serait-ce que par rapport au retour au pays, au refus des parents qu’on soit plus autonome, qu’on puisse vivre toute seule sans être mariée, cette pression de la famille, de l’entourage… Ça a été un long combat que j’ai réussi à gagner grâce à un compromis : en habitant juste au-dessus de chez mon grand-frère”, raconte Nadine Hafidou, cheffe d’entreprise à Deltah, qui a notamment inspiré le personnage de Raïssa dans la série. Un combat qui s’explique aussi par la pression subie par la famille elle-même. “Je suis venue à l’avant-première avec ma mère et ça a fait tomber une barrière. On n’en avait jamais parlé avant et là elle m’a avoué qu’elle avait eu du mal avec cette période, car elle appréhendait beaucoup la pression des autres”, explique l’ingénieure.

Il y a une certaine hypocrisie, parce qu’on fait l’autruche sur des télénovelas brésiliennes ou des séries indiennes qui passent sur la 1ère et abordent souvent toutes ces petites notions… Mais on se dit que de toute façon, c’est pas nous”, analyse pour sa part une jeune diplômée de retour à Mayotte depuis quelques mois, qui a elle aussi dû batailler pour obtenir son propre appartement, malgré ses cinq années dans l’Hexagone “en totale autonomie”. “Après le visionnage du premier épisode, ma mère m’a dit ‘‘j’ai l’impression de t’entendre’’ et je lui ai répondu que je n’étais pas la seule à penser ce que je pense, à chercher un appart etc.” Un argumentaire qui a payé, puisque la jeune femme a enfin réussi à décrocher le Graal : son propre appartement. À quand la crémaillère ?

Pépinière, poulailler, ferme pédagogique, concept-store : Maoraland dévergonde le milieu

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En parallèle de son métier d’institutrice, Nasra Abdou s’est lancée dans l’agriculture en créant Maoraland à Kahani où se trouve une pépinière et un poulailler en attendant l’ouverture d’une ferme pédagogique et d’un concept-store. Preuve que ce secteur d’activité a le vent en poupe, la jeune femme de 25 ans croule sous la demande depuis son passage sur Kweli Media. Une manière pour elle de rappeler que la terre mahoraise regorge de richesses et d’opportunités.

Flash Infos : En 2019, vous avez créé Maoraland, un site agricole qui sensibilise au respect et à la protection de l’environnement. Comment et pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans cette aventure ?

Nasra Abdou : L’histoire est partie de mon père et de mon mari, qui ont la même passion : les plantes. Nous avons alors créé une pépinière, qui a immédiatement séduit la clientèle, avant de construire un poulailler. C’était compliqué au départ en raison des démarches administratives, qui prennent un temps fou. D’ailleurs, nous attendons encore certaines autorisations pour importer des plantes et des animaux qui ne sont pas sur Mayotte. C’est un frein qui demande d’avoir les reins solides… Heureusement que les retours sont positifs : j’ai plein de collègues qui veulent organiser des visites du site avec leurs élèves. Tout cet engouement autour du projet me met du baume au cœur et me donne de l’espoir pour la suite. Nous espérons par exemple recevoir le soutien du Département et d’autres collectivités pour continuer à nous développer.

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FI : Justement, vous souhaitez mener à bien deux projets d’envergure : l’ouverture d’une ferme pédagogique, en sachant que vous avez déjà deux vaches métisses charolaises et sept chèvres, et d’un concept-store. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

N. A. : Pour la ferme pédagogique, c’est un dossier très lourd à porter. Nous y tenons, mais cela reste encore assez flou… Dès que nous aurons les autorisations, nous pourrons envisager une date d’ouverture. Toujours est-il, nous allons déjà commencer avec ce que nous avons sur place. Dans l’idéal, nous aimerions ramener des autruches, des perroquets, etc. Des animaux que nous n’avons pas l’habitude de côtoyer sur l’île. Faire venir des chevaux, des zèbres et des girafes serait un rêve ! Nous espérons vraiment le concrétiser. Mais pour cela, il faut que mon mari, Manzola, suive une formation pour les accueillir.

Par rapport au concept-store, nous pensons pouvoir l’ouvrir d’ici l’été prochain. Nous allons vraisemblablement recevoir les financements de la commune de Ouangani, de mon père via son entreprise et de l’ADIE (association pour le droit à l’initiative économique, ndlr.) avant la fin de l’année. Nous allons proposer la vente de pots et d’outils pour le jardin, mais aussi des produits animaliers ainsi que des ateliers pour construire des terrariums avec les clients.

FI : Vous avez également un poulailler riche de 3.000 poules que vous importez de métropole et que vous élevez à la mahoraise. Un concept qui vous tient à cœur et surtout une démarche qui plaît à vos clients…

N. A. : Pour l’instant, nous prônons un élevage traditionnel mahorais : soit nous déplumons les poulets nous-mêmes, soit nous les vendons vivants. Tout dépend de la demande, qui commence à augmenter petit à petit, notamment le week-end ! Nous espérons pouvoir tenir ce système et ne pas tomber dans l’élevage intensif. Raison pour laquelle, nous faisons appel à un ami restaurateur pour les nourrir avec les restes du service du midi. C’est mieux de procéder de la sorte plutôt que de tout envoyer à la poubelle, non ? Sinon, nous n’hésitons pas non plus à donner nos choux et nos salades en mauvais état aux poussins. Et ça leur plaît (rires).

FI : Lors de votre intervention dans Kweli Media, vous adressez un message à la jeunesse pour leur dire de ne pas délaisser l’agriculture et de développer des produits pays. Quelle image portez-vous sur l’agriculture à Mayotte ?

N. A. : C’est super important de s’adresser à la nouvelle génération ! N’oublions jamais que la terre mahoraise regorge de richesses. Même si je suis institutrice, j’ai envie de faire quelque chose de plus naturel pour mon territoire. Cela me fait mal de voir tous ces produits importés de La Réunion et de la métropole dans les étals des magasins. Je suis trop jalouse, c’est tellement dommage, alors que nous avons du potentiel. Malheureusement, nous préférons rester les bras ballants et regarder ce qu’il se passe sous nos yeux.

Alors oui, j’essaie de porter un message qui consiste à dire qu’il ne faut pas être réfractaire aux métiers manuels malgré toute la paperasse que cela demande. Mais ça va venir, j’en suis persuadée ! Nous résumons trop souvent l’agriculture à un métier de « vieux ». Or, c’est à nous de prendre le relais, de porter les sacs de terreau, de donner à manger aux bêtes, de moderniser ce secteur d’activités… Certes, à la fin de la journée vous êtes exténué parce qu’il s’agit d’un travail harassant, mais vous êtes habité par un sentiment de fierté.

Un nouvel espace de vie pour mieux aborder la sexualité avec les Mahorais

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Ouvert à la fin de l’année 2019, l’espace de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) de Kawéni a été inauguré le vendredi 24 septembre. Géré par l’association Mlézi Maoré, l’endroit a pour mission d’informer et d’accompagner la population sur les questions de sexualité, mais également en cas de violences conjugales et sexuelles.

Situé dans une ruelle près du collège K2 et du lycée des Lumières, l’espace de vie affective, relationnelle et sexuelle, piloté par l’association Mlézi Maoré, est bien caché du regard indiscret des curieux. Cette particularité est une volonté de la part des porteurs de ce projet. « S’implanter à Kaweni, dans une rue un peu isolée, permet de maintenir l’intimité. Mais en même temps, nous ne sommes pas loin des établissements scolaires et du tribunal. C’est vraiment un lieu où nous pouvons venir en toute discrétion », indique Dahalani M’houmadi, le directeur général de Mlézi Maoré. Et de la discrétion, il en faut quand on sait qu’il est encore difficile pour une grande partie des Mahorais de parler de sexualité en toute liberté…

Cet espace de vie a pour mission de changer la donne et se présente comme un endroit où chacun peut trouver une solution à son problème. Les professionnels présents accompagnent et informent sur la contraception, les grossesses précoces, l’égalité entre les femmes et les hommes, l’identité de genre et l’orientation sexuelle, le consentement, etc. Mais une problématique semble largement se démarquer des autres. « Nous nous retrouvons monopolisés par deux demandes : 90% de mes patients sont victimes de violences sexuelles, la plus jeune a 9 ans. Les 10% restants, c’est essentiellement des violences conjugales », précise Bastien Barzack, le psychologue de l’EVARS de Mlézi Maoré. Depuis son ouverture, la structure se fait connaître petit à petit.

En 2020, à cause du confinement seules 29 personnes ont pu être accompagnées ! En 2021, le chiffre a triplé : l’équipe de cet espace de vie a suivi 87 individus de janvier à septembre. « Notre enjeu est de rendre cet endroit accessible puisque l’idée est d’avoir des lieux ressource pour la population », explique Nassim Guy, la responsable du service prévention de l’agence régionale de santé de Mayotte. Et le lieu est ouvert à tous, à partir de l’âge de six ans. L’anonymat est maintenu pour tout le monde, y compris pour les mineurs, sauf en cas de danger qui nécessite un signalement.

S’adapter au contexte mahorais

Lorsque les plus courageux osent franchir la porte de l’EVARS, ils sont pris en charge par différents professionnels qui les accompagnent tout au long du processus. Psychologue, conseillère conjugale, assistante sociale… Tous doivent s’adapter au contexte mahorais. « Nous arrivons avec notre culture métropolitaine, nous avons ce fantasme de la consultation individuelle, de rendre autonome la personne, mais en fait le groupe prime sur l’individu à Mayotte », constate le psychologue. La présence d’une professionnelle qui parle shimaoré est également primordial. « Je connais aussi la culture mahoraise donc je sais comment m’adresser aux personnes qui viennent nous voir. Je sais que certaines choses peuvent être choquantes, alors j’en parle de manière différente », explique Tanlimi Attibou, la conseillère conjugale de l’EVARS.

En France, la réglementation indique qu’il doit y avoir au moins un EVARS par département. Mayotte en compte deux, l’autre étant géré par l’ACFAV (association pour la condition féminine et aide aux victimes), mais la question de l’accessibilité reste un frein sur le territoire puisque les deux sont situés dans la commune de Mamoudzou. Pour remédier à ce problème, l’agence régionale de santé est prête à mettre la main à la poche comme elle l’a fait pour les deux premiers. « Nous sommes là pour accompagner les porteurs de projets, nous espérons que demain cela fera des bébés », lance la responsable du service prévention de l’ARS de Mayotte. En attendant, l’équipe de l’EVARS de Mlézi Maoré n’hésite pas à aller vers les habitants. « Nous menons des permanences dans l’espace public, dans des écoles, au RSMA pour pouvoir être au plus près du public », souligne le directeur général de Mlézi Maoré. Ces actions collectives ont déjà touché plus 1.100 personnes depuis le début de l’année 2021.

Comme un poisson dans l’eau avec le cercle des nageurs de Mayotte

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Vendredi dernier, le cercle des nageurs de Mayotte ouvrait à 15h un nouveau cours de natation sur la plage d’Iloni. Un rendez-vous hebdomadaire, comme il en existe déjà à Mliha, Tahiti Plage ou encore Musicale Plage. Entre l’apprentissage de la nage pour le plus grand nombre et la surveillance des baignades, les objectifs de l’association sont multiples.

Vendredi. 15h. Alors que les membres du cercle des nageurs de Mayotte installent leur matériel sur le sable noir de la plage d’Iloni, Zarianti arrive pour suivre son premier cours. “Mon souhait serait d’apprendre à nager. Nous avons un lagon magnifique et nous ne pouvons même pas en profiter !”, s’exclame-t-elle. Pour la jeune maman, savoir nager est primordial, et si elle confie ne pas avoir eu le “déclic” quand elle était enfant, elle se sent prête à 35 ans à découvrir l’aventure aquatique.

Encadrée par Alexandre, elle se jette à l’eau. “Aujourd’hui, nous allons travailler la respiration pour appréhender l’immersion, puis nous allons réaliser quelques exercices pour travailler l’équilibre dans l’eau et la flottaison, avant d’avancer et apprendre à se propulser”, explique-t-il en bon professeur. Une méthode douce, nommée méthode Catteau, qui se résume en trois étapes : le “corps flottant”, où le nageur s’équilibre en milieu aquatique et maîtrise, puis le “corps projectile”, où il apprend à glisser dans l’eau et enfin le “corps propulseur” où il faut réussir à coordonner ses mouvements et commencer à nager. Des phases primordiales avant de pouvoir prendre le large et découvrir les joies de cette discipline complète, qui développe à la fois la coordination, la force et l’endurance.

Des objectifs multiples

La natation, ce n’est plus une option ! Voilà qu’elle pourrait être la devise du cercle des nageurs de Mayotte. Le club de sport membre de la fédération française de natation compte actuellement 220 licenciés et espère accroître ce nombre pour la saison 2021-2022. La raison d’être de cette structure qui regroupe des centaines de nageurs tous les samedi à Tahiti Plage dans la commune de Sada est de développer la natation sur l’île aux parfums. “Notre objectif est multiple”, explique Hervé Ducongé, maître nageur et président de l’association. “Tout d’abord, nous voulons sécuriser la baignade et mettre de la surveillance sur les plages. Ensuite, nous voulons un apprentissage de la natation pour tous, de 4 à 100 ans, et également pour les personnes en situation de handicap. Nous souhaitons promouvoir le sport santé qui est une cause de santé publique. Développer les disciplines douces comme l’aquagym pour les personnes en surpoids mais aussi l’hydrothérapie et la rééducation. Enfin, nous voulons en faire un sport social, créer une filière économique et de l’insertion grâce à la natation.

“Bâtir une natation mahoraise”

Quatre fois par semaine, les instructeurs du cercle des nageurs retrouvent leurs élèves sur les plages pour leur apprendre à nager. Le mercredi à Mliha, le vendredi à Iloni, le samedi à Tahiti Plage et le dimanche à Musicale Plage, mais aussi via des stages pendant les vacances scolaires. Un club itinérant qui va à la rencontre des Mahorais de tous âges. “Notre but est de bâtir une natation mahoraise, avec les Mahorais, pour les Mahorais”, affirme Hervé Ducongé, sans oublier “d’aider la natation scolaire, de faire des sections sport, de former de bons sauveteurs”. En effet, le territoire ne recense qu’un trop faible nombre de maîtres nageurs… Impossible alors pour eux d’assurer dans de bonnes conditions la sécurité des plages, qui connaissent chaque année leur lot de drames. Bientôt de l’histoire ancienne ?

L’ouverture du village relais Étape Fulera de Tsoundzou II marque l’éradication des bivondilles à Mayotte

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Annoncé en grande pompe par Annick Girardin, l’ancienne ministre des Outre-mer, comme une solution de relogement temporaire aux familles décasées, le village relais de Tsoundzou II, dénommé Étape Fulera doit accueillir ses premiers locataires à partir de ce samedi. Gestionnaire du site, l’association Coallia a pour objectif d’accompagner les bénéficiaires mahorais vers la réinsertion professionnelle. Un défi de taille qui a pour vocation de se démultiplier sur le territoire, alors que les opérations de destruction de cases en tôle s’enchaînent aux quatre coins de l’île.

« George, il faut planter quelque chose ici… Des fleurs par exemple ! » À quelques minutes de la signature des conventions portant financement et occupation du village relais de Tsoundzou II, les derniers détails végétaux restent (encore) à peaufiner. Des finitions en partie cachées par l’enracinement d’un arbre du voyageur, symbolisant « la vie » et « la brièveté du parcours » des futures familles accueillies sur ce site. « Le contrat initial s’élève à six mois, renouvelable au cas par cas. Nous ne sommes pas dans la sédentarisation », prévient Éric Nicaise, le directeur régional adjoint de Coallia, l’association gestionnaire d’Étape Fulera, dont le nom fait écho au « tremplin » qui attend les bénéficiaires mahorais, triés sur le volet par le système intégré d’accueil et d’orientation et validés par la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités.

Avec déjà dix maisons livrées sur les trente-et-une prévues dans le carnet de commande, les premiers 240 futurs occupants débarquent dès ce samedi pour prendre possession de leur nouvelle habitation, « sous réserve de l’électricité ». « L’objectif est de développer ce type d’hébergement. Nous avons besoin de sas comme cette réalisation pour proposer, à ceux qui vivent dans les bidonvilles, un logement digne et un accompagnement pour leur permettre d’avoir accès à un logement social et à un certain nombre de droits », résume en quelques mots le préfet, Thierry Suquet. D’où la démultiplication de ce projet de villégiature sur Hamouro, Kawéni, Majicavo et Petite-Terre. Une possibilité offerte par le décret publié le 17 septembre dernier par les ministères des Outre-mer et du Logement « que nous espérions depuis un moment » puisque l’État finance la construction et le fonctionnement de ces villages.

Lever les freins pour insérer les habitants

Mais l’intérêt de cette politique de résorption de l’habitat insalubre repose avant tout sur la réinsertion des principaux concernés. Cela commence par lever les freins sociaux, psychologiques, sanitaires ou encore linguistiques pour les diriger par la suite vers des métiers abordables tels que la culture maraîchère ou le bâtiment. « Tout est lié ! Aucun domaine n’est plus important qu’un autre », insiste Éric Nicaise, pour qui la réussite de ce challenge passe par la présence d’une équipe pluridisciplinaire composée de professionnels spécialisés et par l’étroite collaboration avec les institutions et le tissu associatif. « Si nous agissons de façon séquentielle, il nous faudrait des années… Or, nous ne les avons pas. »

Reste que les places sont chères au vu des opérations de destruction de cases en tôle qui pullulent aux quatre coins de l’île, à l’instar de celle organisée en début de semaine prochaine sur le quartier Caro Boina à Koungou. D’où l’engagement moral signé avec Coallia. « Les familles qui vont arriver n’ont pas de ressources pour la plupart. […] Si elles ne jouent pas le jeu, nous n’allons pas perdre notre temps ! D’autres attendent devant la porte… », déroule encore le directeur régional adjoint. Avant de dévoiler la méthode de travail de l’association : « Nous sommes là pour donner un cadre et partager des valeurs, même si nous allons faire en fonction des spécificités mahoraises. »

Ambitieux, ce projet vacille tout naturellement entre attentes et espérances. « Il faut réussir cette implantation », martèle le délégué du gouvernement, conscient de l’enjeu suscité. Convaincu, un éducateur donne même rendez-vous d’ici quelques mois pour découvrir les potagers individuels et les jardins fleuris partagés. Synonyme de nouveau départ pour les passagers d’Étape Fulera.

Avec l’agriculture syntropique, le savoir pousse et les mentalités changent à Coconi

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Dans le cadre de la formation Concevoir son projet et son système agricole avec la permaculture et l’agroforesterie successionnelle, les intervenants Steven Werner et Romain Criquet de l’association Cultures Permanentes présentaient ce jeudi 23 septembre au lycée de Coconi les principes de l’agriculture syntropique. Un modèle qui a fait ses preuves en Afrique de l’Ouest et qu’ils espèrent voir se développer sur l’île aux parfums.

L’agroforesterie successionnelle et l’agriculture syntropique… Deux gros mots bien compliqués à prononcer pour un rapport à la terre pourtant si simple. “Notre objectif est de recréer un écosystème que l’on retrouve dans la nature. Des cultures plantées sur différentes strates et qui reconstituent à échelle réduite le modèle d’une forêt”, dévoilent Steven Werner et Romain Criquet, les deux intervenants de l’association Cultures Permanentes. Longtemps à Mayotte, le modèle du jardin était roi mais, avec l’arrivée de la monoculture, plus rapide et plus productive, l’agriculture traditionnelle a pris un coup dans l’aile.

Ainsi, avec la formation Concevoir son projet et son système agricole avec la permaculture et l’agroforesterie successionnelle dispensée ce jeudi 23 septembre, les deux formateurs, souhaitent montrer que le lopin de terre imaginé hier n’avait rien d’idiot, au contraire, et qu’il est également possible de le perfectionner. “Nous avons mis en place sur une parcelle expérimentale du lycée de Coconi un projet d’intensification agroécologique du jardin mahorais. Nous avons planté sur un même terrain diverses espèces que nous retrouvons sur l’île tout en veillant à ce qu’elles se complètent et se succèdent afin de tirer au mieux profit les unes des autres.” Alors que l’agroforesterie se définit comme un mode d’exploitation agricole qui associe la plantation d’arbres ou d’arbustes à des cultures, l’agriculture syntropique se base quant à elle sur le processus naturel de la régénération des écosystèmes dans le but d’y introduire des espèces comestibles et commercialisables. Le principe étant de remettre les plantes dans les conditions de lumière et de fertilité qu’elles auraient dans leur milieu naturel !

L’agriculture, c’est pas sorcier

Autre grand principe agricole prôné par les deux intervenant ? La couverture des sols. “D’après des recherches sur comment le sol fonctionne, il en est ressorti que celui-ci a besoin d’être couvert. La matière organique comme les feuilles, les branches, les écorces, permet de protéger le sol du soleil, de la pluie, du vent… De plus, cela permet aussi de garder l’humidité et la vie dans le sol”, détaille Steven Werner. Tout l’objectif de cette après-midi ouverte à un large public mais aussi de la formation de deux semaines proposée aux agriculteurs par le centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) est de faire changer les mentalités.

Habituellement, les agriculteurs ne taillent leurs arbres que pour utiliser les feuilles comme fourrage ou brûlent tout simplement les branchages qui les encombrent. Dans un modèle d’agriculture syntropique, les plantes sont régulièrement taillées et les feuillages utilisés pour couvrir les pieds des diverses plantations permettant ainsi d’apporter un engrais naturel sans intrants chimiques. “Les deux tiers des plantes sont ici pour être taillées et créer de la biomasse”, affirme Romain Criquet en désignant la parcelle expérimentale. Un bon moyen d’économiser la ressource en eau et de bannir les engrais nocifs pour la nature et les consommateurs.

Pour Assane Ediamine, cette formation a été une révélation. “J’ai appris un nouveau modèle de culture. En 25 ans de vie, je n’ai jamais vu ça… C’est vraiment super ! Je vais passer le message à ma famille et à mes proches et adapter cela à mon exploitation.” Le jeune sadois ne tarit pas d’éloges sur ces deux semaines au sein du CFPPA. Il projette déjà de réaménager sa parcelle de vanille en fonction des principes appris aux côtés de Steven et Romain. “Les cours théoriques et pratiques que nous dispensons permettent à chacun d’expérimenter nos méthodes. Nous gardons également des temps de débat pour pouvoir adapter au mieux ce modèle au territoire de Mayotte”, précise Steven Werner. Une formation complète et appréciée qui laissera l’imagination des élèves bourgeonner avant d’appliquer ces principes sur leurs terres.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes