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L’édition se met à la page à Mayotte

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Du 2 au 5 novembre prochains, les ateliers « Création et développement de Maisons d’édition à Mayotte”, mis en place par l’agence régionale du livre et de la lecture (ARLL) et la direction des affaires culturelles (DAC), accueilleront un large public afin de discuter de l’avenir de l’édition dans le 101ème département français. Le projet a pour but d’informer, d’échanger, d’identifier et de mettre en relation les divers acteurs du livre sur l’île, mais aussi des intervenants venus de métropole et de tout l’océan Indien.

edition-se-met-a-la-page-mayottePlurilinguisme, insularité, prédominance de la culture orale… À Mayotte, le secteur du livre reste encore très étroit. Alors qu’en France métropolitaine, on trouve une librairie pour 20.000 habitants. On n’en dénombre que trois dans le 101ème département, soit cinq fois moins que dans le reste de l’Hexagone. Si des maisons d’édition sont nées et continuent à vivre sur l’île, le secteur tend encore à se développer et à se structurer. Le marché du livre et de la lecture serait pourtant selon, Bruno Lacrampe, conseiller livre et lecture, archives, médias, langue française et langues de France à la direction des affaires culturelles (DAC) de Mayotte, en pleine expansion.

D’après nos derniers rapports, les trois libraires de l’île auraient généré un chiffre d’affaires de 1.5 à 2 millions d’euros sur l’année 2021”, précise-t-il. Un chiffre encourageant qui montre un engouement croissant pour la lecture sur l’île aux parfums. “Aujourd’hui, le public que nous croisons en librairie est en train de s’élargir. Nous savons que la population mahoraise est composée à plus de 50% de jeunes qui sont initiés à la lecture dès l’école. Certains parents ont alors pris conscience de l’importance de celle-ci dans l’éveil et l’éducation de leurs enfants et achètent des ouvrages”, détaille le conseiller livre et lecture de la DAC.

Développer des structures locales

Par le biais des quatre jours d’ateliers programmés du 2 au 5 novembre prochains, l’agence régionale du livre et de la lecture et la direction des affaires culturelles espèrent créer un espace d’échanges et de débats pour penser au mieux l’avenir de ce secteur sur le territoire. Pour cela, des professionnels de l’édition feront le déplacement afin de partager avec les acteurs mahorais. Venus de Madagascar, de l’île Maurice, mais aussi de France métropolitaine, ils partageront leurs expériences et leurs compétences. “Le but est de créer un dialogue. Voir ce qui se fait ailleurs et penser au mieux un modèle qui puisse s’adapter aux enjeux de Mayotte”, explique Isaure de Lignerolles, la directrice de l’agence régionale du livre et de la lecture.

Auteurs, acteurs de la chaîne du livre, membres du conseil départemental, de la CRESS (chambre régionale de l’économie sociale et solidaire) ou encore de la préfecture sont d’ores et déjà inscrits aux ateliers. Un public varié que Raphaël Thierry, agent littéraire au sein de l’agence Astier-Pécher, se réjouit de rencontrer. “J’ai pu travailler dans le secteur du livre dans la région de l’océan Indien et des Caraïbes, mais je ne me suis jamais rendu à Mayotte. Ces ateliers seront l’occasion de croiser les connaissances des intervenants extérieurs et des acteurs locaux afin de réfléchir à la meilleure façon de penser l’édition à Mayotte”, précise le Lyonnais. En effet, les coûts de production et de transport s’avèrent être de véritables freins au développement de ce secteur sur l’île aux parfums. De plus, les professionnels souhaitent mettre en avant l’édition en langues régionales, à l’instar du shimaoré et du kibushi. Ceci permettrait alors de mettre en avant la formidable diversité culturelle du territoire. Un défi de taille et un avenir éditorial qui reste encore à écrire !

Le retour des gilets jaunes dans le quartier de la Convalescence à Mamoudzou

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Ce sont des femmes et des hommes exténués par la montée de la délinquance qui se sont réunis ce dimanche matin à la Convalescence. Une trentaine d’habitants de ce quartier situé dans les hauteurs de Mamoudzou a décidé de prendre les choses en main afin d’éradiquer les actes de vandalisme récurrents depuis plusieurs mois. Pour cela, le retour des gilets jaunes semble nécessaire à la cause.

Agressions, cambriolages, incivilités… Il ne fait plus bon vivre dans le quartier de la Convalescence à Mamoudzou. Les résidents manifestent un réel ras-le-bol et ne se sentent plus en sécurité, y compris au sein de leurs propres domiciles. « Depuis quelques mois, on voit des chiens errants, il y a de plus en plus de cambriolages, les voitures sont cassées. Pour ma part, on m’a vandalisée à plusieurs reprises et je dois constamment réparer », dénonce Sanya Youssouf, habitante du quartier depuis plus de 30 ans. Une insécurité qui a des répercussions sur le vivre-ensemble des voisins. « L’ambiance ici est catastrophique, nous ne pouvons plus rester dehors et discuter entre amis. Nous devons toujours nous enfermer chez nous parce que nous avons peur de nous faire agresser », affirme Djadoul Daoud, un jeune du quartier.

Pourtant, il fût un temps où la zone en question était synonyme de bien-être et d’apaisement puisque chacun pouvait vaquer à ses occupations sans crainte de recevoir un jet de pierre, de se faire arracher son sac ou encore d’être cambriolé. « J’habite à la Convalescence depuis 1990. Avant, nous pouvions même dormir les portes ouvertes, nous ne risquions rien », déclare Sanya Youssouf.« L’insécurité a fait son entrée dans ce quartier au début des années 2010, comme sur l’ensemble du territoire de Mayotte. Les agressions se sont multipliées jusqu’en 2018, » lors de la création d’un comité de médiation de sages et de prévention de la délinquance qui a pris l’appellation de gilets jaunes. Chaharoumani Chamassi, président de l’association « 2 mains pour les enfants », en était à l’origine. « J’avais réussi à rassembler 35 associations de la commune de Mamoudzou. Nous avions des bénévoles qui faisaient de la prévention de la délinquance et cela avait permis d’atténuer cette vague de violence », raconte-t-il. Une version confirmée par les habitants du quartier, mais les gilets jaunes ont fini par disparaitre du paysage pour diverses raisons et les malfaiteurs ont aussitôt refait surface.

Le retour des gilets jaunes

À l’issue de la réunion des résidents du quartier de la Convalescence de ce dimanche matin, la décision a été prise ressusciter le comité de médiation de sages et de prévention de la délinquance et par la même occasion les gilets jaunes. « Nous voulons mettre en place ce comité pour surveiller. Les bénévoles feront ce qu’on appelle ORA c’est-à-dire observer, renseigner, alerter. Nous n’allons pas lutter contre la délinquance car il s’agit d’une mission régalienne de l’État, nous nous sommes là pour la prévention. Nous devons faire en sorte pour que les jeunes ne basculent pas vers la délinquance », argumente Chaharoumani Chamassi. Une initiative grandement appréciée par tous les participants qui espèrent retrouver un semblant de vie normale.

Le président de l’association « 2 mains pour les enfants » souhaite rassembler au moins cinquante personnes pour constituer un groupe de bénévoles. Et pouvoir mettre en place les gilets jaunes d’ici la semaine prochaine. « Ce qui m’inquiète un peu c’est l’application sur le terrain. Il ne faut pas être violent. Nous ne sommes pas là pour faire le travail de la police et de la gendarmerie, nous voulons faire de la prévention », insiste-t-il. Un rappel indispensable dans ce contexte où chacun est tenté de se faire justice soi-même.

22 projets pour 3 lauréats lors du 1er start-up week-end à Mayotte

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Du 14 au 16 octobre avait lieu la deuxième édition du concours d’innovation de l’agence de développement et d’innovation de Mayotte (ADIM) ainsi que la première édition de start-up week-end Mayotte organisée par le groupement des entreprises mahoraises des technologies, de l’information et de la communication (GEMTIC). Deux événements que les structures organisatrices ont décidé de mutualiser afin de créer une édition unique au pôle d’excellence rurale (PER) de Coconi.

22 porteurs de projets, 8 coachs, 6 projets, 3 lauréats… Voilà qui résume bien les 54 dernières heures des startupers rassemblés au pôle d’excellence rurale de Coconi. “Notre but ici est de détecter et de soutenir les meilleurs projets à caractère innovant grâce à une aide financière et à un accompagnement adapté”, explique la présidente de l’ADIM Zamimou Ahamadi. “Mayotte est une terre d’innovation, d’opportunités pour les porteurs de projets et c’est ensemble que nous réussirons.” Le 101ème département français connaît une forte croissance économique en grande partie soutenue par les programmes de rattrapage des retards structurels du territoire qui doivent satisfaire des standards nationaux et européens.

Jua School, le premier prix du jury

Tout a commencé jeudi dernier. Abdallah Hachim a poussé les portes du pôle d’excellence rurale avec le projet d’une plateforme numérique de soutien scolaire. Deux jours plus tard, il est reparti la tête pleine de conseils et de belles rencontres mais aussi avec le premier prix et un chèque de 25.000 euros pour enfin réaliser son rêve. “J’ai lancé mon activité en février 2021. Mon entreprise de soutien scolaire regroupe une vingtaine de prestataires de service issus de tous les domaines et titulaires d’un bac +2 au minimum. Leur rôle est d’offrir aux élèves un accompagnement scolaire de qualité”, affirme le futur professeur de mathématiques. Dès le début de cette aventure entrepreneuriale, il ambitionnait de mettre en place une plateforme de soutien en ligne afin de mettre en lien des élèves et des professeurs de Mayotte, de La Réunion ou encore de métropole. “Grâce aux compétences que j’ai acquises durant le startup week-end et à ce premier prix, je vais enfin pouvoir lancer la plateforme en ligne”, se réjouit le startuper.

54 heures de travail d’équipe

Le start-up week-end a permis de mettre en avant des projets entrepreneuriaux pensés à Mayotte et surtout pour Mayotte. “J’ai été ravie de travailler avec l’ensemble des six projets. Tous les startupers étaient très investis et ont réussi en 54 heures à capter tous les enjeux”, confie Gaëlle Biguet, directrice du centre d’affaires de Mayotte. Un sentiment partagé par l’ensemble des coachs, issus d’entreprises mahoraises, de la CCI ou encore du CUFR, et des jurés qui ont été ébahis face à la qualité des projets présentés. Éducation, santé et environnement.. Les sujets visaient l’excellence et l’innovation pour un territoire en pleine construction.

Jeudi, les porteurs de projets ont présenté chacun leur tour 22 idées entrepreneuriales. Pendant une heure, ils ont été mis en situation et ont tenté de vendre de manière fictive aux autres startupers leur projet. Au final, six projets ont été retenus et des équipes se sont créées autour de ceux-ci. Parmi les trois équipes lauréates, certains entrepreneurs ne se connaissaient pas avant de participer à l’expérience et se sont réjouits de pouvoir lancer ensemble leur activité. Une expérience riche en émotion et en créativité qui s’est terminée samedi après-midi avec beaucoup de larmes de joie.

Constructions scolaires dans le 1er degré : cinq experts pour enclencher la remontada

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Ce vendredi 15 octobre, la préfecture, le rectorat, l’association des maires et l’agence française de développement ont paraphé une convention quadripartite portant sur l’accompagnement des communes dans la construction et la rénovation d’équipements scolaires du premier degré. Grâce à la mise à disposition d’ici la fin de l’année de cinq ingénieurs, les signataires espèrent franchir une nouvelle étape dans le but de remporter ce match mal engagé jusqu’à présent.

Face à la démographie galopante, Mayotte affûte sa tactique dans un match jusqu’alors à sens unique. Au bout duquel, le coup de sifflet final doit coïncider avec la scolarisation de tous les enfants dès l’école primaire, dont beaucoup trop regardent encore leurs camarades depuis le haut des tribunes. Un challenge de taille qui exige un travail d’équipe sans précédent. « Cette convention [quadripartite] fixe les règles du jeu collectif entre nous », image Charles Trottmann, le directeur du département trois océans de l’agence française de développement. C’est l’état d’esprit affiché lors de la signature ce vendredi 15 octobre du partenariat portant sur l’accompagnement des communes dans la construction et la rénovation d’équipements scolaires du premier degré.

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En capitaine modèle, le recteur Gilles Halbout remobilise d’entrée ses coéquipiers. « Nos préoccupations sont tournées vers les rentrées prochaines, avec 3.000 élèves supplémentaires à scolariser chaque année. » Une opposition déséquilibrée tant le déficit physique à combler – 500 nouvelles classes à sortir de terre au cours des cinq prochaines années et autant à réhabiliter – semble pour le moment insurmontable. « Nous manquons d’ingenierie pour répondre aux problèmes de masse auxquels nous sommes confrontés », résume en conférence de presse Thierry Suquet, le préfet du 101ème département. Qui voit en ce dispositif « une étape supplémentaire » pour réussir une remontada éducative.

Un appui d’ingénierie spécifique aux maires

Doivent entrer en jeu d’ici fin 2021, pour deux ans et demi, cinq experts recrutés par l’AFD. Un projet évalué à 1.5 million d’euros qui consiste à apporter « un appui d’ingenierie spécifique aux maires », dévoile Charles Trottmann. Mais aussi à faire sauter le « verrou » ressenti du côté des services techniques des collectivités. « Nos techniciens ont d’autres bâtiments en gestion, donc cela peut retarder certains projets », concède pour sa défense Madi Madi Souf, le président de l’association des maires. Indépendamment de cet accompagnement, l’idée est donc de les former et de les faire monter en compétences.

En ce sens, le responsable de l’académie loue les vertus de cette convention, qui va « nous donner un nouveau souffle » et « avoir un effet transformant rapide et visible ». Pas question pour autant de laisser les pouvoirs publics sur le banc des remplaçants. « L’enjeu de la décision politique et de la maîtrise d’ouvrage peut être séparé. Nous sommes dans l’addition, personne n’est perdant dans ce schéma-là », affirme le délégué du gouvernement, convaincu que ce réajustement tactique va contrecarrer les mauvaises surprises rencontrées à la veille de chaque rentrée scolaire. « Nous sommes tous concernés, il est important que nous soyons tous autour de la table et que nous nous concertions régulièrement pour prioriser les besoins », prévient Gilles Halbout. Histoire de ne pas finir hors-jeu…

Hommage à Samuel Paty : à Mayotte, une violence d’un autre type

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Pour honorer la mémoire du professeur d’Histoire-Géographie tué le 16 octobre 2020 après avoir montré des caricatures de Charlie Hebdo pendant un cours, les académies organisaient vendredi une commémoration et une minute de silence. Le rectorat de Mayotte a répondu présent. Mais si les élèves du 101ème département ne connaissent que trop bien la violence, les enjeux d’un tel attentat terroriste ne sont pas exactement les mêmes de ce côté du globe.

Je vous demande d’observer une minute de silence pour rendre hommage à un professeur d’Histoire-Géo, assassiné à 47 ans pour avoir enseigné nos valeurs et la liberté d’expression.” Les élèves obtempèrent sans rechigner. Les derniers mots du recteur de Mayotte résonnent dans le préau du lycée Younoussa Bamana, subitement plongé dans un silence respectueux. Mais la consigne à peine levée, voilà que le brouhaha repart de plus belle. C’est sans compter l’arrivée sur le tard d’un caméraman… “Attendez, on le refait s’il-vous-plaît !”, intime le proviseur à la foule indisciplinée.

Ce vendredi 15 octobre 2021, ce ne sont donc pas une mais presque deux minutes que les quelques élèves du lycée Younoussa Bamana présents auront passé la bouche close. Conformément à la volonté du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, l’académie de Mayotte organisait une commémoration en hommage à Samuel Paty. Le professeur au collège de Conflans-Sainte-Honorine avait été assassiné par un terroriste islamiste le 16 octobre 2020, il y a presque un an. En pleine période de la Toussaint, le rectorat a opté pour cette séquence vendredi dans les établissements ouverts dans le cadre du dispositif des “Vacances apprenantes”. Un autre hommage sera rendu lors de la semaine de rentrée, le 25 octobre 2021.

30 référents pour former les 8.000 personnels

L’occasion pour le recteur de rappeler l’engagement de son ministère depuis le tragique événement. “Ce qui a changé, c’est notre détermination renforcée autour du carré régalien”, souligne Gilles Halbout, en référence à cette organisation des ressources pour chaque académie, censée améliorer la réponse publique dans quatre domaines stratégiques : la protection et la promotion des valeurs de la République, la lutte contre les communautarismes, la lutte contre le harcèlement/cyberharcèlement et la lutte contre les violences scolaires. “Un point qui nous concerne particulièrement à Mayotte, ce sont les violences. Notre vigilance est renforcée autour du soutien aux enseignants et de la prévention”, insiste le responsable.

Pour répondre aux exigences de ce “carré régalien”, un programme de formation “pyramidale” a été mis en place au niveau national. “Sur notre académie, une trentaine de référents valeurs de la République sont en train d’être formés”, précise-t-il. Ces premiers de cordée seront ensuite chargés de former à leur tour leurs collègues. Un dispositif qui s’étalera “sur trois ou quatre ans”, puisqu’il s’agira de transmettre leurs savoirs aux quelque 8.000 personnels de l’Académie.

“Moi, si j’étais professeur…”

Pour les élèves réunis ce vendredi, cette journée visait aussi à travailler sur ces enjeux de citoyenneté, au travers d’ateliers pédagogiques sur l’esprit critique, la tolérance, la laïcité, ou encore le rôle d’un professeur au sein de la société. Dans une salle de classe, une vingtaine de lycéens, d’âge et de niveaux variés, étaient par exemple invités à se mettre dans les bottes d’un enseignant. “Moi, si j’étais professeure, je ferais en sorte que chaque élève de la classe se sente à sa place”, lit à haute voix l’une des élèves. “Moi si j’étais professeur, je serai prof d’histoire comme Monsieur Diop, je ne l’ai jamais eu avant, mais aujourd’hui après son discours, j’ai compris qu’il a un grand respect pour son métier et un grand sens de l’honneur”, lui emboîte le pas un autre de ses camarades, un peu intimidé par cette soudaine attention.

Miki, Momix… et Hamada

Et Samuel Paty dans tout cela ? L’un comme l’autre secoue la tête. Avant cette journée, le nom du professeur val d’oisien n’était pas arrivé jusqu’à leurs oreilles. “Maintenant, je crois que j’ai compris, c’est un prof, il faisait son travail, et il a dessiné le prophète et il y a des gens qui l’ont dénoncé à des terroristes et ils l’ont tué… C’est ça ?”, récite l’air concentré le jeune homme, guettant un signe d’approbation. “Oui, ça me choque”, hésite-t-il encore. Visiblement un peu éloigné de ces problématiques hexagonales, le garçon est plus bavard quand il s’agit d’évoquer les violences à Mayotte. « Ça ça me choque ! Parce qu’ils ont tué un de mes camarades. C’était cette année. Hamada, à Mtsapéré”, déverse-t-il un peu plus véhément.

Interrogé à ce sujet, le proviseur de l’établissement confirme que le jeune tué lors des affrontements à Bonovo la semaine dernière suivait bien sa scolarité au lycée Younoussa Bamana. En avril dernier, déjà, le meurtre d’un élève à quelques rues de là avait endeuillé tout l’établissement. “On avait fait la marche blanche, des cellules psychologiques, des séances de parole… Mais c’est vrai qu’on est un peu démuni face à ces violences. Ce n’est pas notre métier”, soupire-t-il.

Le directeur général de LADOM en visite au RSMA pour la formation et l’emploi des jeunes de Mayotte

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L’agence de l’Outre-mer pour la mobilité et le Service militaire adapté ont renouvelé un protocole d’accord le 14 septembre dernier. Pour l’occasion, le directeur général de LADOM Florus Nestar était en déplacement au régiment de Mayotte ce jeudi, pour signer la déclinaison territoriale de cette convention. Un partenariat clé pour le 101ème département, dont le taux de chômage avoisine toujours les 30%.

Mayotte a “ouvert le feu”, pour reprendre l’expression du directeur général de L’agence de l’Outre-mer pour la mobilité (LADOM). Florus Nestar est en visite de deux jours sur le territoire, dans le cadre du renouvellement d’un partenariat avec le Service militaire adapté (SMA). Signé le 14 septembre dernier sous l’impulsion du ministre Sébastien Lecornu, ce partenariat national – dont la première mouture remonte à 2017 – doit être décliné dans les Outre-mer, sous la forme d’un protocole territorial propre à chacun. Après l’île au lagon, le directeur général poursuivra ainsi son tour des territoires ultramarins.

Mais c’est à Mayotte qu’il a choisi de poser ses bagages en premier. “Quand on connaît l’importance du chômage ici, nous avons un effort particulier à faire pour accompagner les Mahorais dans cette quête de compétences vers l’emploi”, explique Florus Nestar, à l’occasion de la signature de la convention au Régiment du service militaire adapté de Mayotte (RSMA), ce jeudi.

Assurer l’insertion professionnelle des jeunes

Le but du protocole d’accord : mieux assurer la coordination des missions réalisées par LADOM et le régiment, et ainsi favoriser l’insertion professionnelle des jeunes de Mayotte. “À chaque fois que je suis dans les Outre-mer, je ne rate pas l’étape du RSMA…et pas que pour le déjeuner”, plaisante le directeur général dans un clin d’œil respectueux à son partenaire renouvelé. “Ce partenariat est robuste car nous avons le même objectif de montée en compétences des jeunes ultramarins pour leur assurer une insertion professionnelle”, insiste-t-il.

Bien sûr, tous les jeunes qui souhaitent bénéficier de l’aide de l’agence pour leur mobilité vers une formation ne passent pas forcément par le RSMA. “Mais ceux de chez vous passent par nous pour les aider à se professionnaliser.” Une complémentarité entre les deux organes de formation, qui doit permettre “d’être plus efficaces” dans l’accompagnement des jeunes en mobilité.

Un catalogue étoffé

La nouvelle convention élargit ainsi les possibilités de déplacement pour ces candidats au départ, afin qu’ils puissent “bénéficier de la formation, là où elle se trouve”, précise Florus Nestar. Exemple : un jeune Guadeloupéen qui souhaite développer son savoir-faire dans la menuiserie pourra s’envoler pour la Guyane si elle possède le plateau technique le plus adapté. Et mieux encore, puisque LADOM étoffe aussi son catalogue à l’international, par “bassin océanique”. “L’aide à la mobilité est là lorsque sur votre territoire, vous n’avez pas trouvé votre formation, soit parce que cette formation n’existe pas, soit parce qu’elle est saturée”, rappelle le directeur. Autre bonne nouvelle : la signature d’une convention entre LADOM et Pôle emploi, qui permettra là encore de proposer davantage d’offres de formation. Le directeur général de l’agence a rendez-vous ce vendredi pour formaliser ce nouvel arsenal.

Je me réjouis de cet élargissement avec la possibilité non seulement de poursuivre cette mobilité vers la métropole, élargie avec le partenariat Pôle emploi et également élargie avec le bassin océanique qui nous permettra d’envoyer nos jeunes vers la Guyane ou la Martinique, et inversement”, salue le lieutenant-colonel Pierre-Louis Dubois, le commandant du RSMA. Sur une année pleine, en 2019, le régiment a réalisé “plus de 100 mesures de mobilité vers la métropole”, chiffre-t-il. Ce partenariat renouvelé, et étoffé, s’inscrit dans la montée en puissance du RSMA de Mayotte, qui se verra bientôt doté d’une nouvelle compagnie, annoncée en août par Sébastien Lecornu lors de sa visite ministérielle.

La nouvelle convention LADOM/SMA ouvrira 50 mesures de mobilités à destination de tous les Outre-mer. “On en prendra 49 !”, lance le lieutenant-colonel. Premier arrivé, premier servi !

Économie, surveillance maritime : les Outre-mer fragiles face aux menaces ?

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Les territoires ultramarins permettent à la France métropolitaine d’être présente dans tous les océans du monde à l’exception de l’Arctique. Alors du point de vue de la stratégie maritime nationale, que peuvent offrir les Outre-mer à la Nation ? C’est toute la question que se pose la délégation sénatoriale aux Outre-mer qui mène actuellement une étude sur le sujet. Éléments de réponse ce jeudi avec l’audition de trois spécialistes.

Sur divers points de vue, les territoires ultramarins offrent un panel d’opportunités à la France. Et les décideurs politiques basés à Paris sont bien forcés de s’intéresser aux réalités locales. Car oui, les Outre-mer concentrent 80% de la biodiversité française, « un trésor de faune et flore marine », insiste Cyrille Poirier-Coutansais, le directeur de recherches au centre d’études stratégiques de la Marine, invité à s’exprimer ce jeudi devant la délégation sénatoriale aux Outre-mer, dans le cadre de son étude sur la place des Outre-mer dans la stratégie nationale maritime. Ces territoires présentent de facto des atouts non négligeables dans les domaines de l’aquaculture, de l’algoculture et du cosmétique. Mais également des freins importants tels que les coûts de transport, la dépendance énergétique ou encore la difficulté à attirer des fonds d’investissement.

En soi, un long chemin reste encore à parcourir. Exemple avec l’aquaculture, dont la production totale est inférieure à 2.000 tonnes, alors qu’elle « peut avoir un bon succès à l’export ». Aux yeux de l’expert, le mal vient notamment de l’absence de structuration de filières « pour que cela décolle » et surtout de la mise en avant des ressources, des entreprises et des potentiels à destination des financeurs privés, qui n’ont pas pris le relais des pouvoirs publics. « Il y a un manque de connexion entre ces possibilités et les acteurs », regrette-t-il, avant de fonder quelques espoirs d’exposition grâce aux Assises économiques de l’Outre-mer organisées le 7 décembre prochain.

Les Outre-mer fragiles face aux menaces

Cette présence aux quatre coins du globe assure à la France une présence militaire sans égal ou presque, qui lui permet de contribuer « aux flux et aux partages d’informations de surveillance maritime » et de contrôler « les zones économiques exclusives » afin de protéger les ressources halieutiques. Toutefois, pour Yann Briand, l’un des membres du cabinet du chef d’état-major de la Marine au ministère des Armées, « les faits géopolitiques et l’émergence de nouvelles puissances en mer font que les Outre-mer sont assez fragiles face à ces menaces », en raison principalement d’un matériel vieillissant et pas assez nombreux pour éviter les pillages par des navires prédateurs. L’espoir d’un redressement vient peut-être des efforts financiers inédits consentis au profit des armées, notamment sur les patrouilleurs en Outre-mer.

Face à l’interrogation des sénateurs sur l’engagement discontinu, voire aléatoire, dans les territoires ultramarins, le capitaine de vaisseau se défend à l’aide d’un exemple. « Déployer en permanence une frégate de premier rang à La Réunion, dans une région assez excentrée de certaines zones de crise, c’est perdre un moyen dont nous aurions besoin en Atlantique Nord pour pister des sous-marins nucléaires russes. » Clair comme de l’eau de roche !

Avec un tel constat, comment inverser la tendance pour une meilleure prise en compte ? Le dérèglement climatique dans les bassins régionaux peut éventuellement rebattre certaines cartes. En effet, selon Mikaa Mered, un spécialiste de géopolitique de la chair Outre-mer de Sciences Po, la multiplication des risques environnementaux va « induire un besoin de la Marine nationale et de d’autres organismes de sécurité et d’assistance environnementale ». Malheureusement, les nouveaux bâtiments de soutien Outre-mer n’ont pas la capacité amphibie de ses prédécesseurs pour ravitailler les territoires en cas de catastrophes naturelles à en croire Yann Briand… Si toutes les pistes évoquées par les trois auditionnés du jour restent une manière d’éclairer les parlementaires ayant un attrait pour les Outre-mer, la décision finale sera toujours entre les mains de la sphère politique basée à Paris, où la compétition est rude pour se faire entendre.

La prodige de la République, Nasrine Wissam, au cœur du monde associatif à Mayotte

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Désignée prodige de la République au mois de mai dernier, Nasrine Wissam a été reçue par le préfet de Mayotte ce jeudi matin. Pour l’occasion, une cérémonie de récompense a été organisée pour mettre en lumière la lycéenne de 17 ans. Nasrine Wissam fait partie de la centaine de Français méritants qui sont mis à l’honneur par le ministère de l’Intérieur pour leur engagement citoyen.

Du haut de ses 17 ans, Nasrine Wissam est déjà un exemple à suivre pour les jeunes de son âge mais également pour les adultes. Elle fait partie de la centaine de citoyens français désignés « prodiges de la République » grâce à leur engagement envers la société. L’initiative de la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la citoyenneté, Marlène Schiappa, a permis de mettre en valeur ces personnes qui œuvrent dans l’ombre pour aider les autres. Nasrine Wissam est l’une d’entre elles. « Je suis fière et honorée. Je sais que je ne suis pas la seule à mériter ce prix, alors ça me touche beaucoup. »

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À Mayotte, une dizaine de noms ont été soumis au préfet pour ce titre honorifique, et c’est cette élève de terminale au lycée Younoussa Bamana qui a marqué le jury pour plusieurs raisons. « Quand elle a été choisie, elle exerçait des responsabilités au sein du conseil d’administration de son lycée, elle était vice-présidente du conseil de la vie lycéenne, elle était au service de ses camarades », retrace Thierry Suquet. Et au recteur d’ajouter : « Ce n’est pas une compétition, on n’a pas regardé qui a les meilleures notes. Nasrine n’est pas la meilleure élève, elle n’est pas non plus la plus engagée, mais c’est elle qui renvoie l’image de l’élève qui a un parcours complet. Elle a de bons résultats scolaires et elle est très engagée. »

En effet, malgré le travail colossal que peuvent demander les années passées au lycée, la jeune fille contribue au bien-être de ses camarades à travers diverses actions. Collecte de vêtements, création d’une cafétéria dans son établissement scolaire, mise en place d’une salle de jeux… Elle a déjà plus d’une corde à son arc et elle n’a pas l’intention de s’arrêter de si tôt. « Depuis le collège, je suis très engagée dans le monde associatif. J’aime créer des projets, tout organiser, alors je réfléchis à me tourner vers ça après le bac », confie Nasrine Wissam. Un engagement qu’elle devra combiner avec ses études supérieures puisque la jeune fille souhaite entamer une carrière de sage-femme ou d’obstétricienne.

500 euros offerts à l’association de son choix

La prodige de la République a été reçue à la Case Rocher par le préfet et le recteur qui lui ont remis deux récompenses. À la clé, un CD intitulé « Jours de gloire » et un chèque de 500 euros qu’elle a donné à son tour à l’association AMORS. « Je l’ai choisie parce qu’elle soutient beaucoup les personnes dans le besoin à Madagascar, notamment les enfants. Les membres suivent la scolarité de certains jeunes et leur permettent d’aller à l’école », décrit la lycéenne. De quoi s’attirer la reconnaissance du président de l’association, également invité à la cérémonie. Depuis la crise sanitaire, il leur est en effet difficile de mener à bien leurs projets. « Ce sont les cotisations qui nous permettent de faire ce que l’on fait, mais avec le Covid c’est plus difficile, alors que l’on ne peut pas arrêter d’aider », indique Benjamin Marolahy. C’est cet engagement farouche qui a poussé Nasrine Wissam a faire ce choix.

Un altruisme qui ne date pas d’hier. « Sa nomination en tant que prodige de la République ne m’étonne même pas car depuis toute petite, elle a toujours aimé aider les gens », soutient Nadia Zabibo, la mère de la récompensée du jour. Elle se dit fière de sa fille et elle sait « qu’elle ira encore plus loin parce qu’elle travaille beaucoup pour réussir ». Nasrine Wissam est devenue un exemple pour tous les jeunes de sa génération. Mais elle veille avant tout à être un bon modèle pour ses petits frères et sœurs.

Les associations et la piste longue, entre récif et remblai

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Voilà de nombreux mois que les esprits mahorais s’écharpent sur le projet de piste longue de l’aéroport international de Dzaoudzi-Pamandzi, qui serait vecteur de développement de l’île. Intégrées aux réflexions, les associations locales craignent néanmoins pour la faune et la flore du lagon… et espèrent que la justice freine l’allongement de la piste.

Si d’aucuns s’accordent à dire fièrement que Mayotte possède le plus beau lagon du monde, c’est grâce – en partie – à ses coraux. Ceux-ci jouent un « rôle primordial dans le maintien d’un littoral en bonne santé », indique une étude publié en 2005 par l’initiative française pour les récifs coralliens. Avec environ 760 hectares d’herbiers, les habitants du 101ème département français peuvent donc se targuer d’avoir une biodiversité rare à leurs pieds. Seulement, la protection de l’environnement ne peut se dérouler qu’avec le développement économique de l’île, et donc une facilitation des vols long-courrier, qui serait rendue possible par une piste longue à l’aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi.

C’est à Pamandzi, justement, que la maison du projet piste longue était inaugurée ce lundi 4 octobre, en présence notamment de Damien Cazé, directeur général de l’aviation civile (DGAC), marquant des points pour le remblai, contre le récif. Car, autre que son prix réel, cette construction qui favoriserait le tourisme, le fret, la concurrence entre les compagnies aériennes et donc la baisse des prix des billets, coûterait aussi cher à la faune et la flore du lagon. « Celles et ceux qui ont une vision plus large sont très circonspects vis-à-vis de ce projet », prévient Franck Charlier, membre de l’association Oulanga na Nyamba. « Il n’y a pas que les dugongs dans la zone ! »

Les associations dans un comité de suivi des études écologiques

Les tortues marines, notamment, mais aussi d’autres espèces, vivent grâce au milieu récifal et lagunaire de Mayotte, dont l’autorité environnementale disait en 2020 qu’il comportait « des peuplements coralliens en bonne santé et des herbiers clairsemés dont des études récentes relèvent la régression ». Cette dernière serait accentuée par la construction d’une piste longue sur le lagon mahorais, même si Christophe Masson, délégué du projet à la DGAC, assure que « dès le départ, les associations ont été associées au projet via un comité de suivi des études écologiques (CSEE). Elles nous apportent le savoir qu’elles ont sur le terrain et les espèces. Nous devons avoir une étude d’impact la plus fiable possible. Nous sommes tout à fait conscients que le projet de piste longue se trouve dans un environnement sensible ».

Lancée en septembre 2020, l’étude opérationnelle pour la piste longue privilégie ainsi le « scénario 2 », une piste convergente qui prendrait appui sur l’extrémité sud de la piste actuelle. Cette dernière aurait un impact moindre sur l’environnement, même si la végétation de la colline de Foungoujou serait rasée et que le coût de réalisation de cette seconde option, bien plus bas, est aussi un facteur primordial. Le CSEE s’est déjà réuni deux fois, en 2020 et en avril 2021, afin de mettre en place des inventaires d’espèces autour de la zone de l’aéroport, qui seront menés par les bureaux d’études Espaces et Micropoda. La troisième réunion du comité, prévue ce mardi 19 octobre, permettra sans doute aux associations locales d’en savoir plus.

Le projet de piste longue, « mort dans l’œuf » ?

En attendant, la lutte continue du côté du récif. Pour cela, les acteurs associatifs locaux peuvent compter sur un outil juridique : l’avis conforme, qui permet de bloquer un projet ayant un impact notable. Cet outil contraignant « a été mis entre les mains du Parc naturel marin en 2011 », explique Franck Charlier. « Et les probabilités pour qu’il émette un avis favorable à un projet détruisant l’environnement sont proches de zéro. » Pour le membre d’Oulanga na Nyamba, « ce projet de piste longue est mort dans l’œuf, c’est une hypocrisie. Nous sommes dans une aire marine protégée. Le gouvernement a créé un outil juridique qui se retourne contre ce projet ».

Interrogé à ce sujet, Christophe Masson préfère éluder le cas dans lequel le Parc marin émettrait un avis défavorable au projet, ou du moins, le nuancer. « Le Parc naturel marin est associé à toutes les études, et devra délivrer un avis auquel nous serons attentifs », confirme le délégué de la DGAC à Mayotte. « Un avis conforme doit être scrupuleusement respecté. Mais dans un avis, il peut y avoir des réserves, des préconisations, ce n’est jamais tout noir ou tout blanc. » C’est donc le gris qui serait à l’honneur, le même que le remblai d’une piste longue portant nombre de promesses économiques pour Mayotte. Pour la construire, il faudra cependant garder en tête le blanc, celui dont sont teintés de plus en plus de récifs coralliens du lagon.

1995, un premier allongement sans bilan

C’est l’année du premier allongement de la piste de l’aéroport de Mayotte, qui avait pour but de favoriser les vols moyen-courrier à destination de La Réunion. Poussé à 1.930 mètres, le remblai avait déjà recouvert le platier corallien au sud de Petite Terre. Dans son dernier avis, l’autorité environnementale remarque d’ailleurs que « l’allongement de la piste actuelle en 1995 a eu un impact sur l’hydrodynamique et la faune et la flore dont il conviendra de faire un bilan ».

Avec ses dix ans d’existence à Mayotte, le CUFR n’a plus rien à envier aux autres universités

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Ce mardi 12 octobre, le centre universitaire de formation et de recherche fêtait son dixième anniversaire. Une aventure au cours de laquelle les avancées ont été légion, comme la multiplication du nombre d’étudiants et d’enseignants mais aussi l’amélioration des infrastructures. Un travail colossal avant l’étape suprême : l’obtention du statut d’institut national universitaire. Entretien avec Aurélien Siri, le directeur de l’établissement.

Flash Infos : Que de chemin parcouru depuis l’annonce du décret constitutif du 12 octobre 2011… Quels chiffres vous viennent directement à l’esprit lorsque vous pensez à ce dixième anniversaire ?

Aurélien Siri : En l’espace de dix ans, nous avons tout simplement triplé les effectifs des étudiants, en passant de 600 à 1.800 élèves en 2021 ! Une croissance forte qui s’est aussi ressentie chez le personnel puisque nous sommes désormais une centaine. À titre comparatif, il n’y avait que trois enseignants-chercheurs en 2012, contre trente aujourd’hui.

L’autre chiffre qui me rend fier, ce sont les 11 diplômes nationaux préparés à Mayotte et délivrés par les universités partenaires (Aix-Marseilles, Nîmes, La Réunion, Montpellier et Montpellier 3). Imaginez, à nos débuts, nous avions des licences qui n’étaient constituées que de la première année… Depuis, il y a eu l’émergence de la formation des enseignants avec les MEEF (master de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) 1er degré en 2017 et 2nd avec deux parcours – mathématiques et lettres – lors de la dernière rentrée scolaire. Cette année, nous avons même créé une licence préparatoire au professorat des écoles, ce qui nous permet d’avoir toute la formation depuis le post-bac jusqu’au master.

FI : Avec une telle revue d’effectifs au cours de la dernière décennie, le centre universitaire a dû tout naturellement s’agrandir. Que pouvez-vous nous dire sur l’évolution immobilière ?

A. S. : Nous avons construit coup par coup, en augmentant la superficie du centre universitaire. Mais nous arrivons déjà à saturation tant les besoins sont toujours plus importants, entre la vie étudiante, la pédagogie, l’administration… Nous allons donc devoir développer les infrastructures pour apporter de meilleures conditions d’étude et de travail ! Pour cela, nous allons mobiliser les 6.4 millions d’euros prévus à cet effet dans le contrat de convergence qui vont nous permettre de bénéficier de 1.000 mètres carrés supplémentaires d’ici 2023-2024. Se posera ensuite la question du foncier. Selon le schéma directeur qui se projette sur deux horizons, 2025 et 2030, nous accueillerons 3.700 étudiants. Nous envisageons donc un second site pour développer le CUFR.

FI : L’autre volet qui démontre le dynamisme du CUFR, ce sont les appels à projets pour lesquels vous avez été retenu…

A. S. : Depuis deux ans, le CUFR répond à des appels à projets et est retenu avec succès. Exemple avec le campus connecté et le démonstrateur numérique. Dans le cadre du plan de relance, nous avons aussi reçu une dotation de 2.7 millions d’euros pour installer des panneaux photovoltaïques et rénover les façades de l’établissement dans le but de réduire la consommation d’énergie de l’ordre de 71%. Tout cela montre un dynamisme ascendant dans tous les domaines ! Le fait d’être sélectionné montre à quel point nous pouvons rivaliser avec des universités prestigieuses ultramarines et métropolitaines.

FI : Reste maintenant à transformer l’essai et à passer en une université de plein exercice.

A. S. : Cette évolution croissante va nous faire arriver à un statut d’institut national universitaire, qui nous permettra d’aboutir à un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel et délivrer nous-mêmes nos diplômes ! Cette première étape que nous envisageons avant 2025, c’est-à-dire la fin du contrat d’établissement passé entre l’État et le CUFR, est à mon goût la plus importante. Car cela signifiera que nous aurons le même statut que les autres universités. Nous pourrons alors proposer un master propre à Mayotte. Quant à l’université de plein exercice, elle n’aura pas de conséquence directe pour les étudiants ! Son intérêt est surtout d’avoir des responsabilités et des compétences élargies en interne, ce qui va exiger une réorganisation administrative des services pour répondre aux standards et une montée en compétences du personnel.

FI : Que pouvez-vous espérer pour la suite une fois que tous ces dossiers seront menés à leur terme ?

A. S. : L’objectif sera aussi de lancer une école doctorale pour enrôler des chercheurs mahorais sur le territoire qui pourront devenir maître de conférence. Il s’agit là de la deuxième étape après l’INU. Mais pour cela, il faudra posséder un laboratoire de recherche sur Mayotte. Nous sommes prêts à recruter les étudiants passés par le CUFR pour transmettre cette idée de modèle auprès de nos élèves. Il faut poursuivre dans cette voie pour en rapatrier encore davantage. La plus grosse difficulté consiste à les suivre une fois en Hexagone car nous avons peu d’indications sur ce qu’ils font. Aujourd’hui, c’est l’avenir de Mayotte qui est préparé au CUFR. Depuis 2017, nous avons formé 414 professeurs des écoles. Nous verrons dans les années à venir les effets sur la jeunesse, car ce sont des enseignants mieux armés méthodologiquement !

« La population a de plus en plus en tête que c’est un vrai sujet »

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À l’occasion de la journée internationale pour la réduction des risques de catastrophes, la plateforme d’intervention régionale de l’océan Indien (PIROI), en collaboration avec la délégation territoriale de la Croix-Rouge française, le service interministériel de défense et de protection civile (SIDPC) et Mayotte Nature Environnement, a organisé ce mercredi 13 octobre un événement de sensibilisation auprès du grand public. Une première qui doit se démultiplier dans les prochains mois.

« Quels sont les numéros de secours que tu peux contacter en cas d’urgence ? » Fascicule entre les mains, Manasse s’adresse à l’un des visiteurs, venu sur la place de la République ce mercredi 13 octobre. Le bénévole de la Croix-Rouge se charge, avec son acolyte Zaidou, de promouvoir l’animation intitulée Maore dzi pangue (Mahorais prépare toi), comparable à un jeu de l’oie. Un nom qui sonne comme tout sauf anodin en cette journée internationale pour la réduction des risques de catastrophes.

Organisatrice de l’événement dans le 101ème département en collaboration avec le service interministérielle de défense et de protection civile et Mayotte Nature Environnement, la plateforme d’intervention régionale de l’océan Indien sensibilise les curieux qui s’arrêtent au fil de la matinée. « L’idée est d’améliorer la résilience de la population à la gestion de risques », développe Thomas Gaboriau, le coordinateur local de programmes à la PIROI. Qui se mue rapidement en professeur de mathématiques pour étayer sa démonstration à l’aide d’une courbe imaginaire : « Un risque est l’aléa multiplié par la vulnérabilité. » Simple comme bonjour en soi !

Cinq risques potentiels à Mayotte

Et à Mayotte, les risques sont pléthores entre les glissements de terrain, les cyclones qui « méritent une attention toute particulière », les inondations, les séismes ou encore les tsunamis ! Dans son rapport d’activité de l’année 2020, le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) revient sur la modélisation de 60 scénarios, de la génération et la propagation des vagues de tsunamis à la submersion de la côté. À travers cette étude demandée par la direction générale de la prévention des risques du ministère de la Transition écologique, les chercheurs évaluent le rôle protecteur du récif et de la mangrove, mais aussi l’ordre de grandeur et le temps d’arrivée des vagues.

Que faire alors si l’un de ces risques se produit demain ? « En cas de tsunami, la consigne est de monter en altitude. À l’inverse, pour un cyclone, il faut se mettre à l’abri, sous une table par exemple », rappelle Thomas Gaboriau, dans un rôle d’avant-gardiste face au dérèglement climatique et à l’affaissement du territoire en raison de l’apparition du fameux volcan sous-marin en mai 2019. Suffisant pour convaincre les habitants de l’île aux parfums de s’y intéresser ? Affirmatif, à en croire le trentenaire ! « La population a de plus en plus en tête que c’est un vrai sujet. » Preuve en est lors de l’alerte cyclonique de décembre 2019, qui avait eu pour conséquence le déplacement et l’hébergement en urgence de quelque 15.000 individus.

Toujours est-il que ce rendez-vous est avant tout le top départ d’une série de sept événements de ce type dans chaque quartier d’intervention du « petit » Mamoudzou. Et marque également le début des actions de sensibilisation dans les écoles primaires à partir de la fin du mois d’octobre. « Nous allons proposer six sessions d’une heure à destination de 1.500 élèves de CM1 scolarisés en Petite-Terre et de Kawéni à Passamaïnty. » Sans oublier la formation des directeurs communaux, comme ceux de la mairie de Dzaoudzi-Labattoir dès la semaine prochaine, mais aussi des « personnes ressources » telles que les imams, les adultes relais, les leaders associatifs dans l’optique de « relayer efficacement les messages préventifs » et de « savoir mieux se préparer aux risques ». Mission accomplie.

 

Près de deux millions d’euros sur la table

Dans le cadre de ce projet, qui regroupe la prévention, la sensibilisation, la préparation et l’approche de réponse, la plateforme d’intervention régionale de l’océan Indien se déploie aussi bien à Mayotte qu’aux Comores. Les partenaires financiers – le conseil départemental, l’agence française de développement, la préfecture et l’Union européenne (FEDER-CTE) – mettent ainsi 1.8 millions d’euros sur la table, avec appui de la Croix-Rouge française, pour une série d’actions qui doivent s’étaler sur trois ans.

Pénurie de conteneurs : pas de retour à la normale avant la fin du premier trimestre 2022

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L’annonce par le PDG de CMA CGM, Rodolphe Saadé, d’une desserte hebdomadaire à compter du mois de novembre, s’apparente à une coquille vide. Selon le syndicat des transitaires de Mayotte, il n’y a que trop peu de conteneurs vides disponibles au départ de la métropole pour l’océan Indien avant début décembre. Ce stop-booking risque bien de créer des pénuries dans le 101ème département.

« Rien n’a changé, même si nous nous félicitons de retrouver des escales plus nombreuses. » À l’autre bout du combiné, le secrétaire du syndicat des transitaires, Marc-Antoine Moles, exprime sa déception à la suite de la venue du numéro 3 de CMA CGM, Ludovic Rozan, en fin de semaine dernière. « La direction n’a pas daigné nous voir ! Elle s’est simplement baladée sur les quais de Longoni vendredi matin et a rencontré Mansour Kamardine (député LR et conseiller départemental à la tête du conseil portuaire) », dit-il, face à ce mutisme et cette absence d’entretien avec sa structure et l’union maritime de Mayotte.

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Pourtant, l’optimisme était de mise avant ce déplacement puisque Rodolphe Saadé, le PDG de l’armateur français, avait annoncé le 28 septembre dernier dans un courrier adressé au parlementaire la reprise des dessertes hebdomadaires à compter du mois de novembre. Sauf que l’amont et l’aval n’ont pas le même rythme de croisière… « Effectivement, la compagnie met plus de bateaux à disposition pour récupérer les conteneurs à Jebel Ali. Mais elle manque de conteneurs vides au départ de la métropole… » Un stop-booking, dans le jargon maritime, qui doit durer jusque minimum début décembre. Alors que pour Mayotte, il en faudrait à minima 1.500 d’ici la fin de l’année.

Entre 700 et 1.400 euros supplémentaires par conteneur

Conséquence : les transitaires chargeurs au départ doivent se rabattre sur la concurrence, à savoir MSC (Mediterranean Shipping Company), qui a de son côté mis en place une peak season surcharge (PSS) sur tous les chargements depuis le 15 septembre en raison de l’importante demande sur le marché. En d’autres termes, cela correspond à une taxe de l’ordre de 700 euros pour un conteneur de 20 pieds et de 1.400 euros pour un 40 pieds. « Elle fait comme Air Austral : plus les avions sont pleins, plus il y a de de demandes, plus le montant des billets explose. »

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Sans surprise, cette politique tarifaire aura des répercussions « évidentes » sur les prix. « Plus le fret est cher, plus les produits sont chers !. » Pour faire simple : soit les clients accepteront de payer, soit ils attendront que tout rentre dans l’ordre pour passer leurs commandes. En clair, les risques de pénuries et/ou d’inflation existent bel et bien, aussi bien à Mayotte qu’à La Réunion. Et pour Marc-Antoine Moles, la situation générale ne devrait pas « se résoudre avant la fin du premier, voire le début du second trimestre 2022 ».

Déjà mise à mal par ce que l’on appelle « la vie chère », la population mahoraise se retrouve une nouvelle fois au pied du mur. Il suffit de regarder la pauvreté des étals dans les supermarchés pour envisager le pire… Comme si un parfum de crise pendait au nez du 101ème département !

Préserver le patrimoine mahorais à travers un concours d’écriture

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Le « Récit de vie », c’est ainsi que s’intitule le nouveau concours d‘écriture de l’association lire à Mayotte. Cette première édition a pour objectif de préserver les us et coutumes mahorais en les mettant à l’écrit et par la même occasion de dénicher des nouveaux talents.

Écrire encore et encore pour préserver la mémoire de Mayotte. C’est en ce sens que l’association lire à Mayotte (ALIM) lance la première édition du concours d’écriture « Récit de vie ». Il est ou-vert à tous ceux qui résident à Mayotte ou qui sont originaire de l’île et qui veulent raconter une partie de leur histoire. « Il s’agit de récits qui parlent des coutumes mahoraises, ou de personnalités connues, des évènements, ou encore du vécu de l’écrivain dans le contexte local », précise Aïcha Abdallah Ali, la présidente adjointe de l’association. Ces écrits peuvent être sous forme de témoignage, de mémoire, de roman, de nouvelle, de biographie ou encore de journal intime… « C’est très diversifié parce que l’objectif est d’accroître les pratiques d’écriture chez les écrivains », indique Aïcha Abdallah Ali.

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Les récits peuvent raconter une histoire vraie, mais les plus imaginatifs ont la possibilité de s’en-gager dans une fiction. Cerise sur le gâteau, les participants ont également la liberté de choisir leur langue de prédilection puisqu’ils peuvent rédiger en français, en shimaoré ou en kibushi. Les candidats ont jusqu’au 2 mars pour envoyer leurs manuscrits. Un jury, composé d’un auteur, d’un éditeur, d’un universitaire et d’un membre institutionnel, se réunira ensuite pour déterminer trois gagnants. Ils auront la chance de voir leurs écrits publiés par une maison d’édition locale.

Écrire pour ne pas oublier

Les écrits n’ont jamais fait partie de la culture mahoraise. Dans ce bout de terre de l’océan Indien, l’oralité est la norme depuis toujours. Les traditions se transmettent avec la parole, mais l’occidentalisation de la société mahoraise a mélangé les mœurs et certaines de l’île ont complètement disparues. ALIM souhaite sauver ce qu’il reste pour les générations à venir en enrichissant les archives de Mayotte. « Nous ne pouvons plus nous permettre de nous appuyer uniquement sur l’oral. Il est important d’écrire sur Mayotte, encore plus aujourd’hui car beaucoup de choses se perdent. N’oublions pas que les écrits restent et les paroles s’envolent », rappelle la présidente adjointe de l’association. Les manuscrits qui seront envoyés dans le cadre du concours « Récit de vie » contribueront à préserver le patrimoine mahorais et la mémoire locale.

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Des talents à faire émerger

Le dernier concours « Écrire au féminin » organisé par ALIM avait généré une soixantaine d’ouvrages. Pour l’heure, une vingtaine de candidats ont envoyé leurs textes pour cette première édition. Et l’association s’attend à en recevoir encore davantage grâce aux modalités de participation. « Maintenant, les hommes peuvent participer, ce qui n’était pas le cas avec Écrire au féminin, et nous n’avons pas de limite d’âge parce que lors du précédent concours, les très jeunes personnes nous ont offert de très beaux écrits », précise Aïcha Abdallah Ali.

Ceux qui ont peur de se lancer ou qui ont besoin d’un regard extérieur sur leurs travaux pourront participer à des ateliers d’écriture organisés par l’association à partir de la fin du mois d’octobre jusqu’à la fin de l’année. « Il y aura des écrivains qui vont aider les participants à avoir confiance en eux, à ne pas abandonner… La formation est également censée donner quelques éléments à connaître dans le travail d’écriture. » Un travail essentiel selon la présidente adjointe de l’association puisque Mayotte a des talents cachés et l’organisation des concours d’écriture permettent de les détecter. Ces écrivains en herbe qui n’osent pas se dévoiler peuvent sauter le cap puisque les manuscrits sont tous anonymes.

Facture faussement acquittée pour des subventions : deux prévenus au tribunal pour un projet d’abattoir

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Une élue du Gard et un éleveur de volailles mahorais à la barre, l’image est peu commune. Les deux étaient pourtant cités à comparaître ce mercredi au tribunal correctionnel dans une affaire de faux, escroquerie et abus de confiance.

L’abattoir est mort dans l’œuf, ou presque. De l’ambitieux projet de la SCEA La ferme de Kahani, né dans la tête d’un éleveur de volailles mahorais en 2009, ne seront sortis de terre guère plus qu’un sol et quelques parpaings. “Si, si, je vous assure, aujourd’hui il y a juste les quatre murs, toujours pas la chaîne d’abattage, il n’y a pas de chambre froide… On y est allées hier”, témoigne avec vigueur Maître Florence de Prato. Plus de dix ans après, le volumineux dossier a en revanche fini au tribunal correctionnel, sur fond d’escroquerie, faux et abus de confiance.

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Présente à l’audience ce mercredi, l’avocate au barreau de Nîmes a fait le chemin jusqu’à notre petit bout de France, pour défendre l’une de deux co-prévenus. La femme, maire d’un petit village du Gard, s’est trouvée bon gré mal gré embourbée dans cette sombre affaire. Comment diable ? En acquittant faussement la totalité d’une facture… sur laquelle sa société n’avait en réalité perçu qu’un acompte ! Ce qu’elle ignorait : le papier devait servir de preuve à un porteur de projets pour débloquer des subventions auprès de l’État et du conseil général (nous sommes alors en 2009). Au total, 62.996 euros répartis entre les deux institutions.

Le Département et l’État absents à l’audience

La première magistrate est donc poursuivie pour faux. Les faits reprochés à son co-prévenu sont plus lourds : lui doit répondre d’escroquerie pour avoir fourni le papier frauduleux en vue d’obtenir les subventions, mais aussi d’abus de confiance, car il n’aurait pas utilisé les fonds ainsi perçu pour la chaîne d’abattage, comme le prévoyaient les conventions signées avec ses financeurs. On lui reproche également d’avoir omis par la suite d’informer le conseil général et l’État de la vente des biens subventionnés à une autre société, de les avoir trompés pour obtenir la prorogation des conventions, et enfin d’avoir exercé un travail dissimulé. En 2011, se rendant compte de l’entourloupe, la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF) de Mayotte envoie un courrier au procureur, mettant alors en branle la machine judiciaire. Ironiquement, ni le Département, ni la préfecture ou l’État n’étaient représentés ce mercredi à l’audience, les deux s’étant pourtant constitués partie civile au début de l’instruction.

“Je ne pensais pas gruger l’État”

Tout commence en réalité un peu plus tôt, en 2007. La femme, salariée dans une société qui vend des abattoirs clé en mains depuis 1947, rencontre l’éleveur lors d’un salon de l’agriculture. Le Mahorais a un projet fou – “le projet d’une vie”, dira-t-il aux juges – : monter le premier outil de Mayotte. Les deux entretiennent une relation commerciale qui aboutira deux ans plus tard. Après le versement d’un acompte de quelque 10.000 euros, l’entreprise, gérée à l’époque par son mari aujourd’hui décédé, lance la production de la chaîne. “Nous avons fait une facture le 9 octobre, le matériel était commandé, il avait été fabriqué”, retrace la Gardoise de 71 ans. Mais son client insiste pour qu’elle appose la mention “acquittée” sur le papier, afin lui dit-il, de débloquer les fonds nécessaires à la banque. Elle hésite, mais finit par accepter pour rendre “service”. Un geste commercial qu’elle croyait sans conséquence. “Je ne pensais pas du tout gruger l’État en faisant cela”, souffle-t-elle, visiblement chamboulée de se retrouver ainsi devant les magistrats.

Car la femme ignore tout à ce moment-là, des subventions obtenues par l’entrepreneur. Entre-temps, le patron du poulailler a en effet signé deux conventions avec le conseil général et l’État, pour un total de 101.687 euros. Des fonds fléchés pour la chaîne d’abattage et un camion frigorifique, notamment. Les textes prévoient en outre un délai de deux ans pour débuter le chantier, ainsi que l’échelonnement des versements en fonction des travaux. Et c’est là que le bât blesse : car avec entre 1.000 et 1.500 euros de revenus issus de son activité d’éleveur, difficile de lancer seul la construction. D’où sa requête auprès de son fournisseur, pour obtenir les premiers 60.000 euros… qu’il utilise alors pour le gros œuvre et le bâtiment censé accueillir l’outil déjà fabriqué.

“La chronique d’un désastre annoncé”

Par la suite, l’étau se resserre autour du petit éleveur, qui avait sous-évalué son projet. Lequel coûterait plutôt, d’après de nouvelles estimations, autour d’1.2 million d’euros, avance-t-il à l’audience. À titre d’exemple, AVM qui produit “Mon Pouleti”, inauguré en grande pompe il y a environ un mois, avait réuni 8 millions d’euros de la part du Département et de l’Union européenne… “C’était la chronique d’un désastre annoncé cet abattoir”, raille Maître de Prato dans sa plaidoirie, qui demande notamment la relaxe de sa cliente sur la base de l’absence d’intention.

Ici, on est à Mayotte, c’est un département assez spécifique où les porteurs de projets doivent se battre avec acharnement. Le peu de financements, ce sont les subventions publiques et les banques ne veulent pas s’engager tant que les fonds ne sont pas débloqués”, argumente pour sa part Me Kassurati Mattoir, pour défendre l’éleveur. Lequel n’a “jamais utilisé ces fonds à des fins personnelles”. La procureure Sarah M’Buta a requis une amende avec sursis d’une somme symbolique de 200 euros pour la prévenue, et ne s’oppose pas à la non-inscription au bulletin numéro 2 du casier judiciaire ni à l’absence d’inéligibilité. Pour l’éleveur, ses réquisitions s’élèvent à 10.000 euros d’amende assortie d’un sursis simple à hauteur de 8.000 euros. Et il en va de même pour sa société. L’affaire a été mise en délibéré, le tribunal rendra sa décision le 10 novembre.

Vatel, l’école de l’excellence hôtelière, fait sa rentrée à Mayotte

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Après des mois de préparation et de démarches administratives, la première école Vatel de Mayotte a ouvert ses portes. Huit élèves ont fait leur rentrée cette semaine, prêts à suivre trois ans de formation intense dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration. Ce mardi matin, ils ont rencontré les gérants d’hôtels et de restaurants qui sont déjà séduits par cette promotion unique sur l’île aux parfums.

Pantalons parfaitement repassés, chemises d’un blanc immaculé, talons pour les filles, chaussures de costumes pour les garçons… La première promotion de l’école Vatel Mayotte a, semble-t-il, immédiatement assimilé la première règle à respecter dans ce secteur d’activité. À savoir de dégager une image parfaite, raison pour laquelle tous sont tirés à quatre épingles pour passer les entretiens avec dix professionnels du tourisme de l’île. Les huit étudiants admis ont échangé ce mardi matin avec restaurateurs et hôteliers dans l’optique de trouver une structure qui acceptera de les prendre en stage.

Stressés par l’enjeu, les élèves ont pourtant montré une vraie force de caractère à en croire leurs interlocuteurs, manifestement séduits par ces entretiens. « La pré-sélection est costaud. Ils s’expriment parfaitement en français et ils sont tous motivés. Je ne m’attendais pas à ça ! », admet Tedd Le Bihan, le responsable de l’hôtel Hamaha Beach. En effet, la maîtrise de la langue de Molière s’avère être l’une des conditions sine qua non pour pouvoir intégrer Vatel… Car trop souvent, « les jeunes formés dans les lycées professionnels ont du mal avec le français et ce n’est pas acceptable dans ce domaine », souligne Rania Saïd, la directrice de l’école. Âgés de 18 à 23 ans, ils ont déjà tous la fibre professionnelle malgré leur manque d’expérience dans le milieu. « Nous sommes face à une génération qui est très mûre. Elle a vraiment du potentiel, c’est-à-dire qu’elle a une capacité à évoluer. L’école a fait une sélection très qualitative », se réjouit Daniel Martial Henry, le gérant de l’hôtel-restaurant Le Diwan.

Le choix du tourisme par passion et non par défaut

Les six filles et deux garçons de Vatel Mayotte ont chacun des objectifs professionnels différents et attendent beaucoup de leur passage dans cette école. « J’ai toujours été passionnée par le tourisme, mais je ne sais pas exactement quel métier je veux faire alors j’espère que cette formation va m’éclairer dans mon parcours », souhaite Léa Youssouf, du haut de ses 18 ans, consciente de la chance et de toutes les portes qui s’ouvriront à elle, après l’obtention de son diplôme. « J’étais juste en vacances à Mayotte… Lorsque j’ai su que Vatel allait s’installer ici, je suis restée pour passer les examens de sélection car je veux être manager d’un hôtel à l’international, et je sais qu’en passant par Vatel, j’aurai plus d’opportunités par la suite », dévoile Siti Boina, 22 ans. D’ici là, il lui faudra attendre encore trois ans, voire même cinq ans si elle se lance dans le master, avant d’être embauchée.

Mais son rêve risque bien de se réaliser plus tôt que prévu puisque ses camarades et elle pourront déjà vivre une expérience à l’étranger, dans un établissement étoilé, à l’issue de cette année scolaire ! Cela leur permettra de revenir ensuite à Mayotte avec plus d’assurance dans le but de « rehausser le niveau », selon Rania Saïd. Si le 101ème département veut devenir une région touristique à la hauteur de ses espérances, les struc-tures devront trouver une main d’œuvre plus qualitative. « Cette école va tout changer : je pense que mes confrères et moi n’attendions que cela », indique pour sa part le responsable de l’hôtel Hamaha Beach, ouvert la semaine dernière du côté de Kawéni.

Des rêves brisés, faute de moyens

Mais il ne faut pas croire, la sélection pour intégrer cette nouvelle structure formatrice a été rude. Sur la cinquantaine de candidats, seulement huit ont été retenus ! Rania Saïd et son équipe ont affiné le groupe à travers des tests et des entretiens. La brigade sélectionnée représente ni plus ni moins l’élite de la jeunesse mahoraise, qui souhaite s’engager dans le milieu du tourisme. Cependant, des perles rares n’ont pas pu intégrer l’école, faute de liquidités… « Ceux-là m’ont fait beaucoup de peine parce qu’ils avaient des dossiers solides, mais ne pouvaient pas payer leurs études », regrette amèrement la directrice.

Si certains ont pensé à demander un financement auprès du conseil départemental, cette option est tout bonnement impossible. Pour la simple et bonne raison que la collectivité ne peut financer une école sur son territoire. Dans ces conditions, « si un jeune mahorais veut faire une école Vatel, il doit aller à l’extérieur pour être aidé », raconte Rania Saïd. Une politique qui n’a pas de sens à ses yeux puisque « cela coûte plus cher au Département d’envoyer un étudiant à l’étranger que de financer deux étudiants à Mayotte ». « Cela doit changer parce que je ne veux pas que cela soit une école uniquement pour ceux qui ont les moyens », prévient-elle. La balle est dans le camp des élus.

Le collectif Mayotte en SousFrance demande la levée des motifs impérieux pour tous

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Le maintien des motifs impérieux pour les personnes non vaccinées a encore du mal à passer auprès de certains. Le collectif Mayotte en SousFrance vient de saisir le tribunal administratif de La Réunion pour faire annuler ou modifier le dernier arrêté interministériel qui maintient les motifs impérieux pour les non vaccinés et supprime l’obligation de test pour ceux qui sont vaccinés.

collectif-mayotte-sousfrance-demande-levee-motifs-imperieuxLe dernier arrêté interministériel concernant les conditions de voyage entre Mayotte, La Réunion et la métropole serait-il discriminatoire ? C’est du moins ce que pense le collectif Mayotte en SousFrance. « Le gouvernement a décidé d’adapter et de simplifier le dispositif des motifs impérieux justifiant les déplacements depuis et vers les Outre-mer, ainsi que les mesures de quarantaine », peut-on lire sur le site de l’agence régionale de santé de Mayotte. Les voyageurs ayant un schéma vaccinal complet sont désormais exemptés de toute contrainte. Ils n’étaient plus soumis aux motifs impérieux depuis le 9 juin, mais désormais ils sont aussi dispensés de l’auto-isolement et ne sont plus obligés de réaliser un test avant leur départ ou à leur arrivée. Alors que les conditions pour les personnes non vaccinées restent les mêmes. Elles doivent justifier leur déplacement par un motif impérieux, présenter un test PCR ou antigénique et observer une période d’isolement de sept jours.

C’est cette différence de traitement qui indigne le collectif Mayotte en SousFrance. Il a donc écrit une lettre ouverte, le 21 septembre dernier, aux préfets de l’île aux parfums et de l’île Bourbon « pour demander la levée des motifs impérieux pour tous ou son application à tous les passagers », indique le président du collectif, Zoubert Abdourahamane. N’ayant reçu aucune réponse de la part des deux représentants du gouvernement, le collectif a saisi le tribunal administratif de La réunion en référé-liberté afin qu’il puisse trancher. « Cet arrêté est clairement discriminatoire et nous ne pouvons pas l’accepter. Nous ne pouvons pas tout exiger des voyageurs non vaccinés et rien de ceux qui le sont », poursuit-il. Si le collectif s’appuie sur la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 contre les discriminations pour avoir gain de cause, rien n’est gagné ! L’avocat réunionnais Alex Vardin avait déjà saisi le tribunal administratif de La Réunion en référé-liberté demandant la suppression de la vaccination obligatoire pour voyager sans motif impérieux. Raté ! La juridiction a rejeté sa requête le 14 juin 2021. Un refus qui ne décourage pas pour autant le collectif mahorais. « Nous restons optimistes », rassure Zoubert Abdourahamane.

« Nous ne sommes pas anti-vaccin, nous sommes anti-passe sanitaire »

Le collectif Mayotte en SousFrance rejette également toute forme d’autorité qui ressemble de près ou de loin à un passe sanitaire. « Notre collectif est le seul de Mayotte qui se positionne clairement contre le passe sanitaire. À La Réunion, nous participons aux actions anti-passe sanitaire. Nous sommes contre parce qu’il nous prive de notre liberté de choisir et de disposer de notre propre corps », explique le président du collectif. Selon ce dernier, ce dispositif est tout simple-ment discriminatoire et divise la société. Malgré sa réticence flagrante, Zoubert Abdourahamane ne souhaite en aucun cas être catalogué d’anti-vax. « Nous ne sommes pas anti-vaccin, nous sommes anti-pass sanitaire. Chacun est libre de se faire vacciner ou pas, mais personne ne doit être obligé de le faire. Et vu comment les choses se déroulent en ce moment, cela devient une obligation », affirme le président de Mayotte en SousFrance. La fin de la gratuité des tests PCR et antigénique à compter du 15 octobre renforce sa vision de la discrimination. « Le gouvernement tente par des méthodes comme celle-ci d’imposer le vaccin. Ceux qui n’ont pas les moyens de payer les tests n’auront pas le choix que de se faire vacciner », regrette Zoubert Abdourahamane. Il attend donc la décision du tribunal administratif de La Réunion pour savoir si le collectif a raison ou pas. Mais il l’assure déjà : s’il ne tranche pas en leur faveur, ils continueront le combat !

Viol sur deux mineures : un fundi pédophile devant les Assises

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En pleine campagne #Wamitoo, un procès de deux jours s’ouvrait ce mardi à la cour d’Assises pour mineurs. Un professeur à l’école coranique est accusé d’avoir violé deux enfants qu’il hébergeait pendant plusieurs années.

160.000. C’est le nombre d’enfants qui subissent chaque année des violences sexuelles, et notamment l’inceste, d’après la commission indépendante chargée de ce sujet (la CIVISE). Et parmi ces nombreuses victimes – le chiffre reste d’ailleurs une estimation – rares sont celles et ceux qui osent aller jusqu’à en parler, encore moins porter plainte. Ce mardi, à la session de cour d’Assises de Mayotte, c’est donc un peu une exception qui a été portée à l’attention des jurés. Sans pour autant que l’affaire soit, en elle-même, particulièrement exceptionnelle.

Flanqué de quelques gendarmes, un homme d’une cinquantaine d’années comparaissait pour plusieurs séries de faits de viols sur mineures de moins de 15 ans, commis entre 2009 et 2016, entre 2016 et 2018, et entre 2017 et 2018, avec pour circonstance aggravante, son autorité de droit ou de fait sur ses victimes. Une audience qui aurait dû se dérouler à huis clos, étant donné l’âge des jeunes filles au moment des faits. Mais les parties civiles n’en ont finalement pas fait la demande. Actuellement en métropole, les victimes seront entendues en visioconférence pendant les deux jours du procès.

“Un matin, je n’avais plus de culotte”

À l’époque des faits, ces deux sœurs, nées à Madagascar d’un père mahorais et d’une mère malgache, étaient hébergées chez l’accusé. “Avant la mort de mon père, il voulait que je vienne à Mayotte, sa famille a donc arrangé ma venue et je suis arrivée en septembre 2009”, explique l’une d’elle, jointe à distance. Quelques semaines plus tard, elle pose ses bagages chez sa cousine. Son mari se montre alors “gentil”, “avenant”, “il me disait bienvenue, il avait l’air content que je sois là à la maison”, déroule la femme à l’écran.

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Mais très vite, le vernis craque. “Je me suis réveillée un matin, et je n’avais plus de culotte. Je me suis dit que c’était peut-être moi qui l’avait enlevée en allant aux toilettes, mais je ne m’en souvenais pas”, retrace-t-elle. Sur le qui-vive, l’enfant se rend compte que le cauchemar se répète, nuit après nuit. “Les autres fois, je l’ai senti enlever ma culotte, mais j’avais tellement peur, je n’ai pas réagi.” Au départ, l’homme se contente d’attouchements. Mais un jour, en pleine journée, la petite fille se retrouve seule avec lui. “Il m’a appelée, et il a dit qu’il voulait faire des choses. J’ai eu peur et je suis partie, mais il s’est énervé, il est venu me chercher en me disant que je ne devais plus faire ça, qu’il allait me frapper. Alors il m’a dit de m’allonger sur le lit, d’enlever mes vêtements. Et il a commencé la pénétration”, rapporte encore froidement la victime. Elle a alors 9 ou 10 ans.

Un crime presque incestueux

Au total, la jeune femme aura subi ces supplices pendant neuf années, entre ses 8 et 17 ans. Seul son départ en métropole mettra un terme à ce calvaire. À ce moment-là, la jeune bachelière échappe d’ailleurs de justesse à son bourreau, lequel espérait l’accompagner de l’autre côté du globe… “À la fin de la garde à vue, il tenait des propos comme quoi il était amoureux d’elle”, rapporte à la barre un policier de la section recherche de Mamoudzou, qui avait rédigé le procès-verbal. “Mais au début, il disait qu’il la considérait comme sa fille, car il l’avait élevée alors qu’elle était très jeune. Elle appelait sa femme “Maman”, développe-t-il.

L’amourette vire au drame

Une seule fois, un témoin l’aura surpris, allongé sur sa proie : la sœur de cette dernière, à son tour victime de ses pulsions pédophiles, à partir de 2017. Un jour, alors que le fundi est en voyage à Madagascar, l’adolescente entame une relation avec un garçon de son âge. À son retour, son violeur voit rouge et la frappe avec sa ceinture. Sa cousine, ameutée par les éclats de voix, débarque au milieu de la scène et prend son mari entre quatre yeux. “Elle n’est pas venue me voir le soir-même, mais le lendemain. Elle m’a juste dit que j’avais un lien de parenté avec ce jeune homme”, souffle la jeune fille. Une annonce qui mettra fin à leur brève idylle…

Interrogé sur ces faits, l’accusé botte en touche. “Il y a une part de vérité et une part de mensonge”, baragouine-t-il à la barre, en avançant que la victime essaye de protéger son amoureux. Cette relation qui l’avait mis en rogne, car, argumentera-t-il, elle aurait pu avoir des conséquences sur leur réputation, le garçon étant alors “mineur” ! CQFD… À plusieurs reprises, l’homme justifiera par ailleurs ses actes par des problèmes au sein de son couple. “Ma femme a créé le problème : un jour elle me dit qu’elle va à l’aéroport chercher cette fille, mais je ne travaillais pas, je n’avais pas les moyens de l’héberger”, se défend-il.

“Ce sera ta parole contre la sienne”

Du côté de la victime, ces viols répétés laissent des traces. Elle connaît des pensées suicidaires dès la classe de Seconde. L’un de ses amis, fils de gendarme, la pousse alors à porter plainte. Mais, “ce sera ta parole contre la sienne”, la met-il en garde. Un jour, elle décide alors de lancer un enregistrement sur son téléphone portable dans lequel l’accusé lui demande à plusieurs reprises des rapports sexuels.

Ce n’est finalement qu’en 2018 qu’elle osera sauter le pas. Pourquoi un si long silence ?, interrogent tour à tour les juges et les avocats. “Il était fundi, il enseignait à l’école coranique, il était bien vu de la société”, répond-elle à chacun. “J’avais peur qu’on ne me croit pas. J’avais compris comme quoi c’était de ma faute à moi.

Le procès doit encore durer une journée. Lancée le 8 septembre dernier, une campagne de sensibilisation et de lutte contre les violences sexuelles sur mineurs est actuellement menée par différents acteurs locaux, jusqu’au 20 novembre.

Milatsika, au carrefour des cultures

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Après l’annulation de l’édition 2020 pour cause de Covid, l’historique festival Milatsika revient du 14 au 16 octobre sur le plateau de Chiconi. Une 15ème édition qui, fidèle aux premières heures de l’événement, proposera une fois encore aux Mahorais d’ouvrir leurs horizons musicaux.

Dans le paysage culturel mahorais, Milatsika est un mastodonte. Il faut dire que le festival organise cette année sa 15ème édition. Du jamais vu sur le territoire pour un événement musical. Mélange de langue mahoraise et malgache, son nom résume à lui seul la philosophie de l’organisation : “milatsika”, terme kibushi se traduisant par “besoin de nous”, et qui, à Mayotte, signifie “notre tradition”, ou “notre culture”. De quoi symboliser le caractère cosmopolite de l’île, et des populations qui la peuplent.

Quand on va au Milatsika, toutes les catégories d’âge et d’origine y sont représentées : il y a des occidentaux, des Mahorais, des Malgaches, des Comoriens, des familles, des jeunes, des moins jeunes…”, sourit Del Zid, organisateur de la première heure. Preuve qu’en près de 20 ans, la formule inédite du festival a su (re)trouver son public année après année. “La démarche qui le sous-tend est de dépasser l’opposition fausse entre tradition et modernité en démontrant qu’une identité doit puiser à ses racines pour se construire dans la sphère contemporaine, à la façon d’un arbre qui croît et se ramifie”, défend fermement l’organisation qui entend dépasser “les clichés folkloriques”.

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Car sur le plateau de Chiconi, où est érigé chaque année la scène du Milatsika, la musique n’est pas qu’un simple support de danse. “À Mayotte, celle que l’on écoute et connaît revêt surtout un rôle de divertissement. Notre but n’est bien évidemment pas d’empêcher les gens de danser, mais avant tout de leur montrer que la musique permet de réfléchir, de méditer, de guérir l’âme par l’art”, développe encore Del Zid. “Et je pense qu’aujourd’hui le public a compris le principe : la majorité des gens qui viennent ne connaissent pas le programme, mais ils viennent quand même parce qu’ils savent qu’ils vont découvrir quelque chose de nouveau, sortir de leur zone de confort.” Le secret de la longévité du festival reposerait-il ici ?

Non, le seul secret, c’est la persévérance, la motivation”, balaye le musicien d’un revers de la main. De quoi raviver le douloureux souvenir de l’année 2011, où le mouvement de grève qui secoue alors l’île pousse l’organisation à annuler l’événement, laissant un déficit de 40 à 50.000 euros dans les caisses de l’association Milatsika. “On a cru devoir fermer définitivement boutique à ce moment-là”, retrace Del Zid, amer. “Mais nous avions déjà une image et un honneur à conserver, que nous avons construit édition après édition.” Alors, poussés par leur passion pour la musique et ce qu’elle véhicule, les cinq membres permanents de l’organisation parviennent finalement à sortir la tête de l’eau et reviennent finalement plus forts dès l’année suivante, grâce au concours des institutions locales que sont la direction des affaires culturelles ou le Département notamment. « Économiquement, un tel événement n’est pas rentable, il faut savoir s’accrocher. Mais maintenant, on sait qu’on est très attendu chaque année, alors on ne peut plus se permettre de décevoir”, conclut le père du rendez-vous culturel.

Une programmation éclectique

Du jeudi 14 au samedi 16 octobre, des artistes de tous les horizons se succèderont sur la scène du plateau de Chirongui, afin de proposer au public mahorais une large palette sonore et culturelle.

Jeudi 14 octobre, retrouvez Sisygambis à travers une performance vidéo-musicale “De la Méditerranée à l’océan Indien”. Sisygambis traverse des territoires que réunit la musique de transe, fil conducteur du parcours, de l’Égypte à Mayotte, de Zanzibar à Madagascar, via la Tanzanie, le Kenya, les Comores, le désert d’Arabie, la Malaisie, l’Australie… Le projet artistique joue d’une interaction entre musiques traditionnelles et électroniques, images de cultures ancestrales et contemporaines, via le fil rouge de rituels rares et puissants, l’espace des paysages, les détails de la vie quotidienne, la marque des gestes, la singularité des voix ordinaires ou extraordinaires, la beauté et la présence de ces hommes et de ces femmes, à l’autre bout de notre monde commun.

Vendredi 15 octobre, la place sera faite au local Bodostyle, finaliste du concours « jeune talent SFR » en 2008, il sort sa première mixtape intitulée Maore Yatru, produite par DJ H. Après plusieurs collaborations artistiques, il sort sa deuxième mixtape en 2011 intitulée Yangou Musique (ma musique). La sortie en 2013 de son premier album Mahabari (les nouvelles) ne fait que confirmer son talent à travers des répertoires intégrés dans un registre musical qui inclut rap, reggae one drop, mgodro et sega…. Son dernier album qui s’intitule Roho, une coproduction avec le collectif DIX-15, reste un projet authentique alliant l’afrobeat, le mgodro et la musique du monde.

Il sera suivi, le même jour, du groupe Cadavreski, aux multiples influences artistiques. Du rap-à-texte au disco, en passant par la chanson, Cadavreski se joue des genres, et les concerts s’enchaînent. Les plumes, les beats et les scratchs plus aiguisés que jamais, Cadavreski parcourt le monde pour distiller sa déferlante d’énergie, de bonne humeur et d’esprit, de poésie et d’amour-toujours…

Puis, la chanteuse, bassiste et percussionniste Manou Gallo viendra offrir au public mahorais son énergie irrésistible, doublée d’une puissance remarquable, faisant sa renommée à l’international. Sa façon de jouer de la basse est si unique que même des gens comme Manu Dibango, Mamady Keita, Wyclef Jean, Marcus Miller et Lucas van Meerwijk l’ont saluée.

Le Mahorais Lathéral viendra conclure ce deuxième soir avec ses rythmes traditionnels. Lauréat du concours « 9 semaines et un jour », édition 2007, Lathéral cultive le rythme mgodro accéléré, s’accommodant d’un mélange tradition et cuivres, donnant de nouvelles sonorités. Les textes souvent incisifs de ses chansons font une analyse pertinente de la situation politique et sociale dans les îles comoriennes et celle de Mayotte en particulier, ce qui lui a inspiré l’album “Mayotte Département ?

Vendredi 16 octobre, les Mahorais du groupe Talangu viendront ouvrir le dernier soir de festivités. Originaires de Chiconi, les six musiciens de la formation, passionnés de musique et d’écriture, orientent leur création vers le hip-hop, le reggae et la pop, en y ajoutant une touche de musique traditionnelle mahoraise.

Suivra la performance du légendaire Baco et son groupe Urban Plant, grand nom de la musique locale. Une invitation au voyage, dans un univers sonore où les genres sont décomposés et reconstruits et habillés de textes conscients et profonds, portés par une voix chaude et solaire.

Puis, tout droit venus d’Angers, le duo Bonbon Vodou fera vibrer sa voix douce marquée par la culture africaine et réunionnaise. Les deux pieds dans 20 pays, le binôme joue d’instruments glanés au gré des voyages, mais aussi d’un boxon hétéroclite d’objets quotidiens.

Ensuite, place à la Réunionnaise Queen Favie et son coffre puissant et aux textes ciselés. Ses lyrics affirment un engagement de tous les instants. Queen Favie, une artiste aux influences hip-hop, reggae, soul, afro, dub et trap, élève avec elle, les femmes au rang des reines. Elle raconte leurs histoires, leur redonnant courage et espoir, avec une énergie positive qui la caractérise si bien.

Enfin, le groupe mahorais Mwalim Klan se verra confier la mission de clôturer l’événement. Son style se veut original, innovant et authentique, marqué par le reggae et le shigoma. Une formule qui séduit, puisque ceux qui se définissent comme les messagers de Jah ont déjà fait les premières parties d’Alpha Blondy, The Wailers ou encore Tiken Jah Fakoli. Rien que ça…

Violences à Koungou : 28 personnes prises en charge par la cellule psychologique de l’ARS, une première pour Mayotte

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Face à l’intensité des affrontements qui ont provoqué l’incendie de la mairie de Koungou, la préfecture de Mayotte a demandé à l’agence régionale de santé de mettre en place une cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP). Un dispositif inédit pour le département, qui court encore pendant une semaine, grâce aux renforts de La Réunion.

Les blessures ne sont pas toujours physiques. À la suite des violents affrontements qui ont conduit à l’incendie de la mairie de Koungou dans la nuit du 27 au 28 septembre, la préfecture de Mayotte a demandé à l’agence régionale de santé (ARS) de monter au pied levé une cellule d’urgence médico-psychologique. En lien avec le centre hospitalier (CHM) et l’ARS de La Réunion, la CUMP a été mise en place quelques jours plus tard, à partir du 6 octobre, pour apporter un soutien aux victimes de ces violences, une “première” pour le département, a précisé le communiqué de l’ARS.

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C’est en effet une première sur le territoire de Mayotte, et cela n’arrive pas souvent. L’objectif n’est d’ailleurs pas de le faire pour toutes les violences, mais là le préfet a jugé qu’elle était nécessaire au vu de l’intensité des événements”, explique Tanguy Cholin, chef de service adjoint de la veille et sécurité sanitaire à l’ARS de Mayotte, qui chapeaute le dispositif. Une réponse aux nombreuses atteintes portées cette nuit-là et qui ont en effet laissé des stigmates douloureux : “Des personnes ont été menacées de mort, caillassées, parfois séquestrées… Nous avons identifié un certain nombre d’acteurs directement victimes, notamment des bénévoles de la Croix Rouge, des élus et des agents de la mairie de Koungou”, déroule le pilote de l’opération.

Une cinquantaine de victimes potentielles contactées

Pour ces derniers, le choc des événements peut conduire à une détresse psychologique plus ou moins sévère. “Notre but est de prévenir l’apparition d’un stress post-traumatique et surtout son maintien dans le temps”, développe Tanguy Cholin. Troubles du sommeil, de la concentration, crises d’anxiété figurent par exemple parmi les symptômes recensés. Au total, 28 patients ont d’ores-et-déjà été pris en charge entre mercredi et vendredi dernier, et 10 à 20 consultations individuelles sont programmées cette semaine. “Une cinquantaine de personnes avaient été contactées mais n’ont pas voulu consulter, car la question de l’urgence psychologique est toujours difficile à aborder”, rapporte aussi le responsable de la veille sanitaire.

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Pour mettre tout cela sur pied, il a fallu travailler de concert avec le SAMU de Mayotte et surtout celui de La Réunion, qui a fourni un renfort de huit personnels – psychiatres, psychologues et infirmiers -, embarqués au départ de Saint-Pierre Pierrefonds dès le 5 octobre. La semaine dernière, cette première rotation a fait le travail de terrain avec un point de ralliement à la Cité des Métiers de Koungou, en face de La Poste. Objectif : repérer les situations, organiser des prises en charge groupale, et programmer des rendez-vous individuels. Les consultations en privé ont lieu toute cette semaine au CHM, avec une deuxième rotation, pilotée cette fois par une équipe de quatre personnes.

Le nécessaire renfort de La Réunion

À la fin de la semaine, le reste des troupes prendra son vol retour vers La Réunion, “car le but d’une CUMP est d’intervenir en urgence”, insiste Tanguy Cholin. Le dispositif pourrait toutefois être amené à se répéter, la situation sécuritaire de Mayotte n’étant pas franchement en voie d’apaisement… Or, le département manque toujours de personnels, preuve en est de ce renfort spécial venu de l’île Bourbon. “Effectivement, aujourd’hui, le nombre de psychiatres ne permet pas de monter une équipe entièrement dédiée pour ces événements, mais nous avons une organisation au niveau zonale Mayotte/Réunion qui nous permet d’avoir des réponses sanitaires conjointes. Après, l’objectif est notamment de monter une CUMP à Mayotte, via de nouveaux recrutements qui sont en train de se faire”, confie-t-il. Pour assurer le suivi des patients identifiés, la CUMP s’est aussi mise en lien avec d’autres acteurs de terrains, qui seront chargés de prendre la suite après son départ.

Seul bémol du dispositif : étaient spécifiquement exclus de son champ d’intervention les personnes en détresse psychologique en lien avec le fait d’avoir perdu un toit du fait du décasage. Un choix qui peut interroger au vu de la violence symbolique de ces opérations pour les habitants ainsi délogés. “L’objectif de la CUMP n’est pas la prise en charge de ces personnes (…), en revanche elle a fait le lien avec les opérateurs du territoire quand elle le pouvait, et quand la situation s’y prêtait”, confirme le chef de service adjoint. Dans les faits, la CUMP s’est retrouvée avec des demandes de relogement sur les bras…

La fête de la tortue, une vitrine exceptionnelle pour préserver l’animal à carapace à Mayotte

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Samedi dernier, l’ensemble des acteurs mahorais s’engageant dans la préservation de la tortue marine à Mayotte était présents sur le parking Tiyoni à Sada. Une journée festive, culturelle, artisanale et ludique sur le thème de l’emblématique animal à carapace.

Parapluie et bottes en caoutchouc, rien ne pouvait arrêter la deuxième fête de la tortue à Sada ! De retour dans sa commune d’origine, malgré une météo maussade, l’association Oulanga Na Nyamba et ses partenaires accueillaient le grand public au détour de stands. Ateliers de sensibilisation, jeux éducatifs, exposition photo, la tortue était partout. Petits et grands ont pu se prêter au jeu et découvrir les méthodes d’observation, les gestes du quotidien pour préserver leur habitat, mais aussi leur cycle de vie ou encore les différentes espèces qui peuplent le lagon. Financée par le parc naturel marin de Mayotte et soutenue par la ville de Sada et la 3CO, la fête de la tortue a pour objectif de contribuer à la protection du patrimoine naturel mahorais.

Les acteurs de l’île au rendez-vous

Le recteur de l’académie de Mayotte, Gilles Halbout, a salué l’implication de l’association Oulanga Na Nyamba dans la sensibilisation des jeunes de l’île. L’adjointe au maire de Sada chargée de la culture, du patrimoine et du tourisme, Sitti Said, a quant à elle rappelé l’engagement du conseil municipal dans la protection des tortues sur l’île. « L’environnement est un sujet qui nous concerne tous. Nous devons tout mettre en œuvre pour le préserver”, a affirmé l’élue. Sous leurs tentes dressées pour l’occasion, le conseil départemental, le parc naturel marin, l’office de tourisme du Centre-Ouest, les associations RandoClean et Chanfi Terra ainsi que les Naturalistes ont échangé toute la matinée avec les jeunes écoliers des établissements scolaires.

Véritable vitrine des activités mises en place par l’association Oulanga Na Nyamba (ONN), la fête de la tortue s’inscrit également dans le projet “Nia Moja” ou “objectif commun”. Celui-ci vise à former des ambassadeurs de la protection des tortues marines “dans les associations, dans les villages et parmi les acteurs communaux et économiques”, déroule la directrice, Jeanne Wagner. “Depuis 1998, l’association Oulanga Na Nyamba s’engage activement pour la protection de l’environnement, “oulanga”, et en particulier celle des tortues marines, “nyamba”. À l’origine, Oulanga Na Nyamba a été créée pour alerter la population de Mayotte sur la problématique du braconnage des tortues marines. Depuis, et grâce à de nombreuses actions de sensibilisation, nous nous impliquons pour la préservation de l’exceptionnel patrimoine naturel mahorais”, détaillent les représentants de la structure environnementale. Aujourd’hui, l’association et ses partenaires orientent leur travail sur trois axes : la sensibilisation, la protection et la connaissance. Et espèrent ainsi faire changer les mentalités et permettre aux générations futures de jouir des richesses du lagon bleu turquoise.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes