“On n’arrive plus à dormir” : le poignant appel de la famille de Steven, mort le 24 janvier, pour “rétablir la vérité”

Le 24 février, la famille de Steven, l’adolescent mort en janvier dans les violences qui ont agité la Petite-Terre pendant tout un week-end, a envoyé un puissant témoignage pour démentir certains propos relayés dans les médias à l’époque. Et rendre un dernier hommage.

Steven, il était comme mon fils. Pourquoi c’est tombé sur lui ?”, interroge inlassablement Antoinette Ernestine, la voix douce et triste. Antoinette, c’est l’aînée de cette fratrie de cinq enfants d’origine malgache. Et depuis un mois, et ce jour fatal du 24 janvier, la famille n’arrive pas à faire son deuil. Si les médias locaux se sont largement fait l’écho des événements tragiques de ce week-end de janvier, où trois personnes, un homme de 36 ans, et deux adolescents de 15 et 14 ans, ont perdu la vie à la suite d’affrontements entre bandes rivales des quartiers Cetam et de la Vigie, en Petite-Terre, les propos relayés ont parfois atteint les proches des victimes. Jusque dans leur chair. Aujourd’hui, la famille de Steven ne demande qu’une chose : “Rétablir la vérité.” “On en a besoin, on n’arrive plus à dormir”, murmure la sœur aînée.

C’est pour cette raison qu’ils ont décidé ensemble d’envoyer aux rédactions un texte vibrant pour réclamer enfin, “vérité et justice pour Steven”. “Des reportages et des articles de presse se font bien sûr l’écho de ces événements tragiques (…). Certains de ces articles nous ont choqués. Plus que cela, ils nous ont meurtris et ont ajouté de la douleur au deuil que nous vivons”, écrivent-ils dans ce plaidoyer relayé sur les réseaux sociaux. “Ne tuez pas Steven une deuxième fois, ne salissez pas sa mémoire !

 

“Je n’aurais pas confié mon enfant à un voyou”

 

Ces articles faisaient l’amalgame et la famille en parlait beaucoup. Alors là, le 24 février, pour la date anniversaire, et on a tous dit “il faut qu’on envoie quelque chose”’, retrace l’auteur de ces lignes. Plus d’une fois, l’oncle du jeune garçon l’a accueilli chez lui, en Grande-Terre, pour les week-ends ou les vacances scolaires. Serviable, discret, Steven ne rechigne pas à donner un coup de main pour garder le bébé d’un an et demi ou faire un peu de ménage. “Il n’avait rien d’un voyou ! Je n’aurais pas confié mon enfant à un voyou”, poursuit-il.

 

Un bricoleur né

 

Un portrait qui corrobore d’ailleurs celui dressé par l’un de ses amis le jour de son enterrement. “J’y crois pas ! Le petit, le génial, qui pensait qu’à s’amuser, qui cherchait jamais les embrouilles ! Il était toujours là à vouloir donner un coup de main pour réparer mon vélo…”, nous avait à l’époque confié Saïd*, un habitant de Labattoir.

C’est le réparateur de la maison !”, confirme Antoinette Ernestine. Et c’est d’ailleurs ce même caractère “bricoleur”, qui le poussera, en ce dimanche pluvieux de janvier, à affronter les trombes d’eau pour aller récupérer un escabeau près de la mosquée afin de réparer le toit de tôle du banga familial. “Il n’a pas pu récupérer l’escabeau, il a vu la bande de jeunes et il a fait demi-tour… Je ne sais pas pourquoi ils l’ont poursuivi. Il était là au mauvais endroit, au mauvais moment”, retrace sa sœur dans un souffle.

La question la taraude et revient en boucle selon elle dans le voisinage, qui connaissait Steven, le garçon calme, fan de vêtements Nike – sa sœur lui en ramenait dès qu’elle en avait l’occasion – et qui “faisait beaucoup d’effort pour réussir à l’école”. Difficile de voir en lui une “cible” impliquée dans ces rivalités de bande… Mais bien plus une victime collatérale d’un fléau qui a gangrené le quartier pendant des mois. “Il aimait Mayotte, Mayotte l’avait adopté, et il avait adopté Mayotte”, ajoute son oncle. Mais Mayotte a enterré Steven. L’enquête, elle, se poursuit pour tenter de retrouver les auteurs de ce meurtre. En tout, quatre informations judiciaires ont été ouvertes à la suite de cet épisode de violences. Depuis l’interpellation de huit leaders présumés de la bande de Gotam en date du 25 janvier – un autre avait été interpellé plus tôt, et ce chiffre a sûrement grossi aujourd’hui -, et leur placement en détention provisoire, un calme, fragile, règne sur la Petite-Terre.

*Le prénom a été modifié

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1112

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