Réouverture des vols commerciaux : « Je n’y croirai que quand je serai dans l’avion »

Après plus de deux semaines d’interruption, les vols commerciaux ont repris ce mercredi 1er janvier depuis l’aéroport Marcel Henry, à Pamandzi. Un soulagement pour celles et ceux qui attendent de retrouver leurs proches dans l’Hexagone.

“Je n’y croirai que quand je serai dans l’avion”. En ce premier jour de l’année 2025, l’aéroport Marcel Henry, à Pamandzi, est rempli. Sarah*, comme des centaines d’autres passagers, est présente ce mercredi matin pour la réouverture des vols commerciaux, interrompus depuis le passage du cyclone Chido. “Normalement je devais aller en métropole le 18 décembre, pour les fêtes. J’ai réussi à modifier mon vol pour aujourd’hui”, explique celle qui se dirige vers la Bretagne, à bord du vol commercial pour l’Hexagone d’Air Austral, qui a bien décollé à 9h55. Si cette enseignante attend de voir comment s’organise la rentrée pour prendre son billet retour, elle compte bel et bien revenir à Mayotte pour terminer l’année scolaire.

C’est également le cas de Patrick*, qui se languit de revoir ses proches avec qui il devait passer Noël avant de reprendre le travail. Ce dernier n’a pas attendu qu’Air Austral le rappelle pour modifier son billet : dès qu’il a vu que les ventes avaient rouvert pour le 1er janvier, il en a acheté un nouveau. “Ces derniers jours l’attente était un peu longue, mais on est contents que l’aéroport rouvre pour rentrer voir la famille”, indique-t-il. Pour Amine, c’est le soulagement également : jusqu’à la veille de son départ, il s’inquiétait de voir son vol annulé. “J’avais pris mes billets il y a quatre mois pour partir en vacances en Poitou-Charentes ce 1er janvier”, explique celui qui n’a donc pas eu de nouvel achat à faire. Pour d’autres personnes présentes à l’aéroport, la place dans un avion est plus incertaine. “J’essaye d’avoir un billet depuis plusieurs jours, je suis venu voir si je pouvais embarquer aujourd’hui”, raconte un homme attendant sur un des bancs de l’aéroport.  

“Il y a des contrôles partout”

Sur le point de passer la sécurité, Amine raconte que le chemin pour venir ici a été compliqué : “À la barge depuis Mamoudzou, il y avait beaucoup de monde, ce n’était pas très organisé. Puis il y a des contrôles partout”. Ce mercredi matin, sur le quai pour prendre l’amphidrome en direction de Petite-Terre, la foule et ses valises étaient agglutinées vers 7h. Si les forces de l’ordre indiquaient dans un premier temps que seuls les détenteurs de billets d’avion pouvaient embarquer, elles ont finalement laissé tomber les contrôles devant les remarques exaspérées de plusieurs habitants de Petite-Terre et le nombre de personnes voulant entrer. Pour plusieurs passagers, la suite du trajet n’a pas été de tout repos. À l’arrivée de cet amphidrome vers 7h30 au quai Issoufali, pas de taxi, tous déjà mobilisés pour les transportés de la barge précédente. Plusieurs ont alors entamé le trajet à pied.

Si les vols Air Austral pour La Réunion de 9h10 (132 places) et pour Paris de 9h55 (262 places) étaient complets, selon le chef d’escale, celui pour l’Hexagone n’était pas plein au décollage. “Il y a quelques sièges vides”, indique Patrick avant le passage de son téléphone en mode avion. Pareil du côté de la compagnie Ewa Air. Sur son premier vol au départ de Mayotte ce jour-là, celui de 9h pour Moroni aux Comores, seuls 29 passagers sont prévus à bord de l’avion pouvant transporter 64 personnes. Le directeur général de la compagnie, Amine Tadjadit, indique que certains ont pu avoir des obstacles sur le chemin pour l’aéroport, ou qu’encore les problèmes de réseaux sur l’île ont pu jouer un rôle sur ces absences. “Certains clients ne nous ont pas répondu au téléphone quand on a voulu leur annoncer que leur vol pouvait être déplacé à aujourd’hui”, souligne-t-il. En revanche, il affirme que les vols vers Mayotte depuis les destinations assurées par Ewa Air vont être pleins, ramenant les personnes bloquées en vacances aux Comores ou à Madagascar jusque-là. “Demain j’ai tout un groupe scolaire coincé à Diego, à Madagascar, qui va enfin pouvoir revenir”, donne comme exemple celui qui, ce mercredi matin, s’arrange avec plusieurs passagers pour leur trouver une place dans ses vols de la journée. 

L’option du rapatriement

Des passagers commerciaux qui s’ajoutent à ceux des rapatriements. Dans une ligne séparée, des noms sont appelés suivant une liste. C’est ce qu’ont vécu Baptiste et Anne-Sophie vendredi dernier. Ayant perdu leur maison pendant le cyclone et n’ayant pas de proches pouvant les accueillir durablement avec leur chat et leur chien, le couple a décidé d’aller quelques semaines dans l’Hexagone, le temps de se reposer et de retrouver un logement. “On a envoyé un mail à l’adresse mise en place par la préfecture pour les demandes de rapatriement”, explique Baptiste, qui a renvoyé ce même mail chaque matin à la même heure jusqu’à avoir une réponse au bout de trois jours. Encore trois jours après, on leur indique qu’ils vont pouvoir prendre l’avion le lendemain. Un soulagement pour le couple traumatisé d’avoir vu son toit s’effondrer. “On a été assez bien pris en charge par les gendarmes. On était 180 personnes dans notre vol pour La Réunion”, se souvient-il. Une fois arrivés à l’aéroport de Saint-Denis, si une cellule psychologique accueille celles et ceux qui viennent de Mayotte, les rapatriés sur l’île Bourbon doivent ensuite se débrouiller pour la suite. “Nous on a ensuite pris un vol avec Corsair pour la métropole”, indique le couple, qui compte revenir dans le département pour travailler à la reconstruction de l’île. 

Élise* elle aussi a pu bénéficier d’un rapatriement, mis en place par la préfecture de La Réunion. Cette dernière ne cache pas que c’est grâce à des amis d’amis de personnes travaillant à la préfecture de Mayotte que son nom s’est retrouvé sur la liste des appelés samedi dernier. “En parlant avec les autres passagers autour de moi, j’ai l’impression que ça fonctionnait beaucoup par réseau”, relate celle qui, une fois dans un avion pour La Réunion, déplore de voir un grand nombre de sièges vides : “On n’était seulement 62 sur notre vol.” Comme Baptiste et Anne-Sophie, Élise compte rentrer à Mayotte prochainement après avoir soufflé un peu pour réattaquer le travail de manière plus efficace : “Cela fait plusieurs années que je vis ici, je suis attachée à cette île, je ne me vois pas partir pour de bon comme ça, du jour au lendemain.”

* Les prénoms ont été modifiés.

Journaliste à Mayotte depuis septembre 2023. Passionnée par les sujets environnementaux et sociétaux. Aime autant raconter Mayotte par écrit et que par vidéo. Quand je ne suis pas en train d’écrire ou de filmer la nature, vous me trouverez dedans.

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