Initialement prévue en Petite-Terre, la piste longue a finalement été envisagée au Nord. Les études comparatives pour savoir qui de Pamandzi ou de Bouyouni M’tsangamouji verra naître le projet touchent bientôt à leurs fins. Entre impact économique, agricole ou encore environnemental, l’État devrait prendre une décision au début de l’année 2024 pour un début des travaux en 2026.
Pamandzi ou Bouyouni M’tsangamouji ? La question sera bientôt tranchée. Les études comparatives des deux options de piste longue arrivent bientôt à leur terme. “Nous sommes en train de faire l’assemblage du puzzle afin d’avoir des résultats fiables. L’étude socio-économique est en train d’être achevée, c’est là qu’on va retrouver les coûts des deux projets et les délais de réalisation”, affirme Christophe Masson, délégué de la direction du transport aérien de la Direction Générale à l’Aviation Civile (DGAC) à la piste longue, qui affirme que tous les éléments seront rassemblés d’ici la fin du mois. Huit sujets ont été étudiés à la fois dans l’optique de la réalisation d’une piste longue à Pamandzi et de celle de la construction d’un nouvel aéroport à Bouyouni M’tsangamouji.
Ce seront les comparaisons issues des résultats de ces différentes études qui permettront à l’État de faire un choix entre les deux projets en début d’année 2024, après avoir consulté les collectivités et la population. L’aspect socio-économique, environnemental, celui des risques naturels, de la desserte ou encore de la ressource en eau ont été pris en compte.
Le délégué à la piste longue insiste sur la nécessité d’effectuer ces études et d’en attendre leurs conclusions avant toute spéculation : “Il peut y avoir des préjugés faux sur certains éléments. Par exemple, beaucoup pense que s’il n’y a plus d’aéroport en Petite-Terre, il n’y aura plus de trafic sur la barge. Nos études sur la desserte montrent que c’est totalement faux : le trafic généré par l’aéroport sur la barge est d’à peine 10%. C’est pour cela qu’il est important qu’on délivre tous les résultats.”
“Emmanuel Macron s’est engagé pour une piste longue à Pamandzi”
Le projet d’une piste longue dans le but de développer le territoire de Mayotte remonte à plusieurs années. Cette infrastructure était initialement prévue à Pamandzi, avec un scénario voulant la création d’une nouvelle piste sur le lagon, s’accrochant à l’extrémité sud de la piste actuelle pour s’étendre vers le nord sur une longueur de 2.600 mètres. Mais en 2022, une nouvelle analyse des sites d’implantation a fait entrer le secteur Bouyouni M’tsangamouji dans la course. Une option qui nécessiterait la construction d’un aéroport à neuf.
“Le président Emmanuel Macron s’est engagé en octobre 2019, lors de son voyage officiel à Mayotte, à faire une piste longue à l’aéroport Marcel Henry à Pamandzi. Ce n’est pas pour qu’aujourd’hui on se retrouve à tergiverser pour faire autre chose”, insiste Maymounati Moussa Ahamadi, conseillère départementale de Dzaoudzi-Labattoir, qui tient absolument à ce que le chef de l’État tienne son engagement. Elle rappelle les investissements qui ont été faits en lien avec l’aéroport de Petite-Terre, comme l’hôtel Ibis par exemple, ou encore l’agrandissement de l’aérogare en cours. “Plusieurs entrepreneurs ont investi en lien avec le désenclavement de Mayotte, en lien avec l’aéroport. À quoi vont-ils servir si on ne fait pas la piste longue à Pamandzi ?”, interroge-t-elle.
Les retombées économiques non négligeables pour le Nord
Également sur le plan économique, le maire de M’tsangamouji, Maanrifa Ibrahima Saïd, estime que la construction d’un aéroport dans le Nord, où se trouve le port de Longoni, pourrait être un réel atout pour l’économie de l’ensemble du territoire. “Imaginez les retombées économiques qu’il peut y avoir par rapport aux investisseurs, que ce soit du point de vue portuaire ou aéroportuaire”, estime celui qui considère que cette potentielle proximité pourrait permettre le développement du commerce par exemple.
“On ne peut pas me dire qu’on est en insuffisance alimentaire, ici, à Mayotte, puis prendre son grenier pour le détruire afin de construire un aéroport”, avance Maymounati Moussa Ahamadi. En effet, pour construire un aéroport à Bouyouni M’tsangamouji, il faudrait réquisitionner une grande quantité de foncier agricole. “Je suis conscient qu’il y a des terrains agricoles qui seront impactés. Mais il va y avoir d’autres avantages pour la population au niveau des retombées économiques. Quand on veut développer un territoire, il y a des avantages et des inconvénients peu importe le site, peu importe le projet”, déclare, de son côté, Maanrifa Ibrahima Saïd.
Sur ce genre de sujet, il n’est pas forcément évident de trancher et il est nécessaire d’attendre les résultats des études. “On pressent que l’impact agricole va être plus fort sur Bouyouni M’tsangamouji, car le projet nécessite des surfaces de foncier dans un secteur agricole. Je dis bien ‘’on pressent’’ car il ne faut pas oublier que sur Pamandzi, ce n’est pas qu’une piste dans le lagon, il faut aussi des terrains pour aller chercher les matériaux, et ces terrains là sont aussi utilisés pour l’agriculture actuellement”, analyse Christophe Masson.
Une piste longue avant toutes choses
Sur d’autres thèmes, il est néanmoins plus facile de s’exprimer. “On le sait depuis le début et c’est clair, le site de Pamandzi est le plus exposé aux risques naturels. Mais ça n’est pas le seul facteur qui sera pris en compte”, précise le délégué à la piste longue. En effet, le volcan sous-marin Fani Maore menace plus fortement Petite-Terre de risques de tsunami et d’affaissement dans le lagon. “Il y a un immense corridor volcanique de plus de 2.200 volcans qui s’étend de l’archipel des Comores jusqu’à Madagascar. Vous croyez vraiment que la Grande-Terre va être épargnée s’ils entrent en éruption ?”, rétorque l’élue de Petite-Terre. Concernant l’impact environnemental du projet à Pamandzi, qui semble plus important de par le fait de devoir construire à même le lagon, Maymounati Moussa Ahamadi affirme que la technologie doit permettre de préserver la biodiversité : “En tant qu’élue, je suis soucieuse du respect de l’environnement. […] Quand on veut vraiment le protéger, on sait le faire. […] Quand on a voulu agrandir le port, on a déplacé les coraux, on ne les a pas tués. Avec les technologies que nous avons, nous savons faire.”
Si le maire Maanrifa Ibrahima Saïd aimerait évidemment qu’un aéroport soit érigé dans le Nord, il veut surtout que Mayotte soit enfin dotée de cette piste et que le choix du site ne soit pas encore repoussé après de longues années d’attente : “Le plus important, c’est que le projet de piste longue voit le jour.”