Parti mercredi depuis le port de Mutsamudu à Anjouan, le bateau Acadie avait été interdit d’accoster à Mahajanga, en respect d’une note des autorités de la Grande Ile qui ont une nouvelle fois décidé de fermer leurs frontières maritimes en raison de la résurgence du choléra à la Grande Comore. Moroni parle d’un acte inamical.
Encore une décision qui cristallise les relations entre Moroni et Antananarivo. Le 16 octobre, Madagascar a décidé sans informer le pays voisin, de fermer les frontières maritimes en raison du retour du choléra au nord de la Grande Comore. N’étant pas informées, les autorités comoriennes ont laissé un bateau partir vers la Grande Ile. Ce n’est qu’une fois sur place, que le commandant de l’Acadie apprenait l’interdiction d’accoster. Le bateau, qui avait à son bord 290 personnes, avait dû opérer un demi-tour. Le navire est arrivé dimanche, au port de Mutsamudu. Un refoulement qui n’a pas du tout plu au gouvernement comorien. « Le gouvernement comorien déplore la décision des autorités de Madagascar de suspendre unilatéralement les liaisons maritimes entre les deux pays, sous le prétexte injustifié qu’une épidémie de choléra sévirait actuellement aux Comores et ce, quatre ans après la suspension unilatérale des liaisons aériennes », a déploré le ministère des Affaires étrangères comorien, ce lundi.
Dans le même communiqué, les autorités comoriennes se posent des questions, constatant que la relation de bon voisinage n’a pas été respectée. « Le refoulement du navire battant pavillon comorien Acadie, avec plus de 280 passagers à bord, dont de nombreuses personnes en situation de vulnérabilité (malades, femmes enceintes, enfants en bas âge, etc.) fait fi, en effet, des liens d’amitié et de bon voisinage existant entre l’Union des Comores et Madagascar », poursuit la diplomatie comorienne. Présent au port de Mutsamudu, pour accueillir les passagers, le gouverneur de l’île d’Anjouan, le docteur Zaïdou Youssouf a qualifié la décision d’Antananarivo d’acte, inélégant et inamical. « Au niveau de la région, plusieurs pays voisins gèrent de façon endémique le choléra sans jamais recourir à une fermeture des frontières », a fait observer le chef de l’exécutif d’Anjouan.
Des malades, femmes enceintes
Il a souligné par ailleurs que dans la législation sanitaire internationale, le choléra n’a pas été inscrit sur la liste des maladies dont la présence dans un territoire peut conduire à la fermeture des frontières. « Même si chaque État est souverain, mais avec la relation fraternelle, le bon voisinage entre les deux pays, Madagascar aurait dû informer Moroni », estime le gouverneur. Avant que le navire n’opère un demi-tour, le consulat comorien de Mahajanga avait proposé une mise en quarantaine des passagers aux frais des autorités de Moroni, ce qui les aurait libérés de ce calvaire, mais une fin de non-recevoir lui a été opposée. Selon nos informations, le bateau Acadie transportait à son bord en partant de Mutsamudu, 295 personnes, dont quinze membres d’équipage, et treize enfants. Parmi les passagers, se trouvaient également trois femmes enceintes, cinq malades et 35 Malgaches qui se rendaient chez eux. Tout ce contingent a passé plus de trois nuits en mer. Après son retour à Moroni, Djae Mohamed a témoigné devant les médiaux sociaux, son périple. « Nous sommes partis de la Grande Comore, mardi, pour prendre le bateau à Anjouan. Une fois au large, le commandant n’a pas de suite expliqué ce qui se passait en vrai. Dans un premier temps, il a dit attendre la marée hausse avant d’accoster. Mais à 14h, il finira par tout avouer. En tout cas, l’équipage a essayé de nous nourrir matin, midi, soir. Une vedette venait nous ravitailler jusqu’à notre retour », a confié le jeune homme qui a dénoncé l’attitude des autorités de Majunga. « Nous étions prêts à payer notre mise en quarantaine. Nous ne demandions qu’une autorisation pour rejoindre la terre ferme, car nous étions épuisés », a-t-il ajouté, invitant le gouvernement comorien à offrir à ses citoyens des meilleures conditions de vie, faisant allusion aux malades qui voulaient partir se soigner à Madagascar. Selon lui, cela éviterait de tels affronts. La décision de fermer les frontières aux bateaux en provenance des Comores a été prise en conseil de ministre, le 16 octobre. Mais la presse de la Grande Ile ne l’a relayée que le lendemain. Le gouvernement d’Andry Rajoelina cite la situation épidémiologique du pays voisin pour justifier la suspension temporaire des liaisons maritimes rouvertes pourtant au fin août, après une longue fermeture qui a duré presque six mois. Le communiqué de l’exécutif repris par des titres de Madagascar précisait que les navires transportant des marchandises stratégiques allaient être autorisés. A bord de l’Acadie, il n’y avait que des passagers avons-nous appris.
Les lingots d’or ?
Des informations relayées ici et là et qui nécessiteront certainement une confirmation dans les jours à venir, laissent entendre que ce refoulement serait aussi lié à une guerre de leadership entre les deux compagnies qui desservent la Grande Ile depuis les Comores. Mais on en saura un peu plus quand le propriétaire de l’agence Acadie s’exprimera. Le gouvernement comorien, dans son communiqué de ce 21 octobre, dit s’interroger, enfin à juste titre, sur le bien-fondé d’une telle décision, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) n’ayant à ce jour déclenché aucune alerte pouvant justifier des mesures aussi drastiques et restrictives. D’autant que les passagers d’Acadie avaient tous selon une source autorisée de l’île d’Anjouan leurs carnets de vaccination du choléra. Moroni à travers le communiqué de sa diplomatie exhorte les autorités de Madagascar à reconsidérer sa position et à donner une chance au dialogue pour mettre fin à ce regrettable malentendu. Pour rappel, depuis la saisie fin décembre 2021, à l’aéroport de Moroni, de près de 49 kilogrammes d’or, que Madagascar considère provenir de son sous-sol, les relations bilatérales entre les deux pays voisins ne cessent de se tanguer.
En dépit de l’extradition des deux trafiquants malgaches présumés arrêtés aux Comores, à cette époque, en possession des lingots d’or, l’espace aérien malgache reste fermé voilà maintenant deux ans. Les passagers qui veulent se rendre à Madagascar depuis l’archipel, sont obligés de passer par Addis-Abeba ou Nairobi payant un billet exorbitant qui avoisine les 600 euros minimums.
Journaliste presse écrite basé aux #Comores. Travaille chez @alwatwancomore
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