En difficulté financière, la compagnie aérienne réunionnaise qui dessert Mayotte avait sollicité une aide pour entamer sa restructuration. La Commission européenne vient de donner son accord, ce jeudi 5 janvier. Presque 120 millions d’euros vont être injectés dans l’entreprise, tandis que 17,5 millions serviront à amortir les conséquences de la pandémie de coronavirus en 2020.
L’enveloppe va réduire la menace qui plane au-dessus de la compagnie aérienne. La Commission européenne a autorisé, ce jeudi 5 janvier, le projet de l’État français « de verser une aide à la restructuration de 119,3 millions d’euros pour permettre à la compagnie aérienne Air Austral de retrouver la viabilité ». La compagnie, qui opère notamment à Mayotte, a connu de graves difficultés financières ces dernières années. Elle a bouclé son exercice 2020-2021, fin mars 2021, sur une perte nette de 76 millions d’euros et un chiffre d’affaires en chute de 55% sur un an à 185 millions d’euros. Elle était déjà endettée fin 2021 à hauteur de 161 millions d’euros, hors prêt des actionnaires. Créée en octobre 1990 et basée à La Réunion, Air Austral opère dans tout l’océan Indien et assure les vols vers la métropole et même l’Asie avec sa flotte de huit avions. Elle employait 848 personnes fin 2021 et est détenue à 99% par une société d’économie mixte rassemblant notamment la Région (73,5%), la Caisse des dépôts (13,6%) et le Département (11,4%).
L’État ne sera pas seul à mettre la main à la poche. Outre les 55 millions d’euros de la France, la Sematra y ajoute 25 millions, dont 15 millions via la Région, cinq via le Département et cinq via la Chambre de commerce et d’industrie de La Réunion. Un consortium d’investisseurs locaux va rajouter 30 millions d’euros. Les dettes de la compagnie seront, en plus, effacées. « Ce plan permet d’assurer la pérennité de la compagnie aérienne et d’éviter ainsi sa liquidation qui porterait un préjudice considérable à La Réunion en tant que région ultrapériphérique et assistée. De plus, le financement public du plan de restructuration respecte le principe de proportionnalité, puisque le bénéficiaire contribuera à son financement par des fonds propres ou privés, il permet à la compagnie aérienne de retrouver une viabilité à long terme et affecte les échanges entre États membres que dans une mesure très limitée », estime la Commission européenne, qui encadre ce genre d’opération (voir encadré).
D’autres aides pendant le Covid
« La Commission a notamment pris en compte les mesures visant à limiter les distorsions de concurrence, à savoir : la limitation du nombre de sièges proposés par Air Austral ; une limitation du nombre de routes exploitées par la compagnie aérienne ; l’interdiction de prendre des participations dans d’autres entreprises ; et la mise en place d’accords commerciaux avec d’autres compagnies aériennes qui en font la demande. Ces mesures continueront de s’appliquer pendant toute la durée du plan de restructuration, qui s’étendra de janvier 2022 à mars 2025 », poursuit l’instance européenne.
Ce n’est pas la première fois que l’État vole au secours d’Air Austral. Le 18 janvier 2022, un prêt de vingt millions d’euros a été octroyé à la société. La compagnie avait déjà été maintes fois soutenue via des prêts garantis par l’État et un prêt direct. Au total, déjà 100 millions d’euros ont été injectés, dont 20 débloqués en août 2021, et sans compter l’aide de janvier 2022. Ce sera encore le cas cette fois-ci, puisque « la France a notifié à la Commission une mesure d’aide d’un montant de 17,5 millions d’euros destinée à indemniser Air Austral pour les dommages qu’elle a subis entre le 17 mars et le 30 juin 2020 en conséquence directe des restrictions de voyage mises en place pour limiter la propagation du coronavirus. »
Air Austral, qui a changé de PDG en juin 2022, doit maintenant tout faire pour redécoller.
Un cadre strict de la Commission européenne
L’article 107, paragraphe 3, point c), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et les lignes directrices de la Commission concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises non financières en difficulté « permettent aux États membres de soutenir les entreprises en difficulté, sous certaines conditions strictes », rappelle la Commission européenne. Ainsi, les aides au sauvetage peuvent être accordées pour une période pouvant aller jusqu’à six mois. « Au-delà de cette période, soit l’aide au sauvetage doit être remboursée, soit les États membres doivent notifier un plan de restructuration à la Commission, pour appréciation au regard des règles en matière d’aides d’État ». Elle précise que l’aide à la restructuration doit permettre « une viabilité à long terme de l’entreprise » et sans maintien de l’aide de l’État. La société elle-même doit « contribuer suffisamment aux coûts de sa restructuration ».
C’est sur la base de ce même article, mais son paragraphe 2, que l’aide compensant les pertes liées au Covid-19 a été autorisée.
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.