Zena Airlines : « Nous avons encore le temps de pouvoir voler dès cet été »

Officiellement dévoilé fin 2020, le projet Zena Airlines suit son bonhomme de chemin. Le choix du type d’avion se rapproche tandis que les tractations avec le Département pour un possible soutien financier sont toujours d’actualité. Malgré un calendrier serré, la compagnie aérienne devrait bel et bien voir le jour en 2022. Entretien avec l’ainé de la fratrie, Régis Novou.

Flash Infos : Vous vous êtes rendu à une réunion chez Airbus la semaine dernière. Quel était le but de cette visite et qu’est-il ressorti de vos échanges ?

Régis Novou : À l’origine, Airbus Consulting devait venir à Mayotte début décembre pour participer à plusieurs réunions avec le Département, mais a finalement dû annuler son déplacement. On m’a alors proposé de venir à Toulouse pour me présenter les dernières avancées par rapport aux cabines, j’étais le premier invité de l’année ! Actuellement, nous sommes dans l’organisation des galets (zones de préparation et de stockage des préparations alimentaires) et dans le choix « un peu » stratégique des sièges. Nous avons une short-list de cinq références !

Au cours d’un déjeuner de travail, nous avons également fait le point sur notre projet. Nous restons persuadés que Mayotte piétine parce que nous ne maîtrisons pas nous-même notre ciel. Si c’était le cas, ce serait beaucoup plus simple selon nos interlocuteurs, ne serait-ce qu’en termes de visibilité internationale de l’île. Nous ne nous rendons pas compte de l’impact d’une compagnie locale identitaire : nous serions alors en capacité de faire parler de nous aux quatre coins du monde !

FI : En juin dernier, vous disiez être au stade des demi-finales sur le choix des avions. Où vous situez-vous dans votre réflexion ?

R.N. : Nous sommes passés de quatre à trois avions. Nous pouvons dire que nous nous trouvons dans les prolongations de la demi-finale. Nous avons vu que les performances du B737 Max ne correspondaient pas à nos attentes puisque nous perdions 30 centimètres de chaque côté, ce qui proposait un couloir trop réduit. Les A321, 330 et 350 sont encore en lice. Comme le carnet de commandes du neuf se retrouve saturé jusqu’en 2027, nous nous orientons vers le marché de location récent.

Le A321 est un couteau-suisse très demandé en ce moment. Quand il sort, il faut savoir réagir très vite… Sauf que les cabines ne nous conviennent pas. Or, il faut compter entre trois et quatre mois pour les remplacer ! Le A350 coûte, quant à lui, plus cher, mais est vraiment spécialisé sur le long courrier. De facto : il est disproportionné pour le trafic régional. Il exige donc une maintenance plus soutenue et un changement plus régulier des pièces pour éviter les soucis techniques. Le A330 s’avère être très pertinent et est la référence la plus disponible sur le marché actuel. Toutefois, cela reste un gros appareil, qui peut poser quelques difficultés pour se rendre dans des villes de province, telles que Majunga à Madagascar. Par contre, c’est un avion adapté pour le long courrier. À l’exception près qu’il demanderait de quasi tripler l’effectif du personnel naviguant…

Pour l’heure, nous sommes en contact trois lessors, des loueurs qui régulent le marché de l’aéronautique et recevons très régulièrement des propositions. Nous attendons la bonne offre, même si la deadline se resserre… Nous n’avons pas encore de fixé la planification avec Airbus Consulting, mais il faut vraiment contracter notre flotte d’ici la fin du mois d’avril, sinon nous râtons l’été !

FI : L’autre préoccupation des six derniers mois concerne la position financière du Département que vous avez rencontré le 18 août dernier. Où en sont les pourparlers avec la collectivité ?

R.N. : Nous discutons toujours avec le Département, qui a demandé la création de la société. Julien a justement rendez-vous avec l’avocat cette semaine pour analyser la dernière version des statuts. Cela prend du temps car il faut tenir compte des desiderata des différents actionnaires : certains attendent des performances économiques, d’autres investissent pour le projet en lui-même. Raison pour laquelle nous allons proposer en premier lieu des packs standards. Toujours est-il que les statuts seront amenés à évoluer au fil du temps, notamment si le conseil départemental souhaite entrer dans le capital. Mais nous avons naturellement besoin d’une position claire à ce sujet. Quand le premier avionneur au monde insiste sur l’importance pour un territoire comme Mayotte de bénéficier d’une compagnie locale qui propose du long courrier vers l’Europe, les élus doivent être en capacité de réaliser l’opportunité stratégique qui se présente sous leurs yeux… Ce n’est pas en passant par des opérateurs non locaux que la baisse des prix des billets et du fret, qui est sous tension, sera réalisable ! Il faut une compagnie de Mayotte, proche des Mahorais afin de comprendre les enjeux de l’île et pouvoir projeter son image à l’extérieur.

FI : Depuis fin décembre, Ewa Air dessert deux fois par semaine l’aéroport de Pierrefonds à Saint-Pierre à des prix jamais pratiqués jusque-là. Quelle est votre position sur ce sujet ?

R.N. : J’ai souri ! Quand nous avions annoncé vouloir desservir Saint-Pierre, le patron d’Ewa Air a annoncé la même stratégie sur un plateau de télévision trois jours plus tard… C’était la soupe à la grimace chez les syndicats d’Air Austral qui avaient alors menacé de faire grève. Sur le coup, je me suis dit qu’il s’agissait d’une réponse précipitée et non réfléchie. Quoiqu’il en soit, Ewa Air se rend à La Réunion avec un ancien appareil d’Air Austral, qui est actionnaire majoritaire, mais aussi avec le certificat de transporteur aérien de cette même compagnie. Avec du recul, cette nouvelle est une très bonne chose car cela démontre bien qu’il y a un trafic sur Pierrefonds, même si la politique tarifaire appliquée avec un voyage sans bagage ne correspond pas selon moi aux envies des Mahorais. La question est de savoir à qui profiteront ces tarifs mis en place ?

FI : Vous aviez annoncé l’an dernier une mise en service de Zena Airlines à partir du premier semestre 2022. Comment comptez-vous tenir ce calendrier ?

R.N. : Nous sommes dans les clous ! Nous avons encore le temps de pouvoir voler dès cet été selon nos critères. Nous sommes en train de convaincre certains investisseurs de nous rejoindre plus tôt pour clôturer le budget d’1.4 million d’euros, synonyme de lancement de la demande du certificat de transporteur aérien. La seule ombre au tableau est que certains d’entre eux ont peur des éventuelles répercussions, car dans ce milieu, on peut vite vous mettre des bâtons dans les roues… Je tiens à les rassurer : la certification est une procédure réglementaire, elle sera donc obtenue sans problème !

Avec le CTA en poche, nous pouvons voler sur n’importe quelle ligne communautaire. Et si nous accusons du retard, nous pourrons tout de même louer des avions avec un équipage extérieur. Exploiter pour exploiter, nous le pourrons le faire dans tous les cas ! Mais nous souhaitons démarrer  notre aventure Zena Airlines avec nos appareils, nos numéros de billet, nos couleurs, etc. Nous souhaitons en premier pouvoir porter et promouvoir notre île. Le marché vers la métropole ne demande qu’à être développé car il a une marge très importante, avec un potentiel de 400 à 500.000 passagers par an. Le tourisme affinitaire deviendrait minoritaire au bénéfice des touristes et des voyages d’affaires. De l’argent extérieur pourrait alors être injecté directement dans l’économie locale !

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