Zena Air : « On sait ce qu’on fait, on sait où on va »

Julien et Régis Novou ont un rêve. Celui de créer leur propre compagnie aérienne pour lintérêt des Mahoraises et Mahorais. Ils en rêvent depuis 2019, mais ils étaient loin dimaginer que le chemin serait autant semé dembûches. Le projet a pris du retard, et certains se demandent sil verra réellement le jour. Oui, affirme Julien Novou, co-fondateur de la compagnie. Il répond à toutes les questions dans cette interview.

Mayotte Hebdo : Où en est le projet Zena Air à lheure actuelle ?

Julien Novou : Des personnes se sont positionnées pour la levée des fonds. Beaucoup étaient persuadées que le conseil départemental serait de la partie, la question ne se posait même pas. On leur a répondu quon était en discussion mais que les choses devraient bien se passer. Cependant, le manque de prise de position du département a fait que certains actionnaires se sont retirés. Nous avons dû continuer la levée de fonds et cela nous a fait perdre pas mal de temps. On nous a aussi demandé dattendre que le département soit prêt, cela nous a retardé mais on ne pouvait pas non plus faire la fine bouche. Et puis nous avons eu quelques décalages avec le Covid. Et ça a été beaucoup plus difficile de convaincre des actionnaires dinvestir dans le milieu qui avait le plus souffert de la crise sanitaire. Alors que ce nest pas forcément vrai chez nous car Mayotte reste une niche. Par exemple lors de la réouverture des frontières, une des premières lignes rouverte par Corsair est celle de Mayotte. Toutes les compagnies qui desservent l’île font de la marge alors quelles ont plus de difficultés sur leurs autres destinations.

M.H : Aujourdhui avez-vous les fonds nécessaires pour mener à bien le projet ?

J.N : Nous avons finalisé la première phase de notre levée de fonds et bientôt nous pourrons lancer la certification. Je ne peux pas donner de date fixe car cela ne dépend pas que de nous, mais nous sommes optimistes pour lannée 2024. Beaucoup de choses se font hors média et hors réaux sociaux. Des choses sur lesquelles nous ne pouvons pas communiquer car ça serait préjudiciable. Mais je vous assure, on avance. Il existe plusieurs phases de levée de fonds, et là nous avons récolté la somme pour la certification. Pour autant, on continue de lever des fonds. Ce nest pas un petit projet. Il est bien au dessus de nos sphères, à mon frère et moi-même. On le fait pour la population.

M.H : Est-ce que le conseil départemental de Mayotte contribue financière à ce projet ?

J.N : Pour le moment nous sommes en discussion avec eux. Nous avons monté les dossiers, ils étaient prêts. Cependant, on ne nous avait pas donné le cadre initial dans lequel on devait sinscrire. Lorsquils nous ont répondu, on devait juste finaliser notre dossier en novembre car il correspond au cadre. Nous avons pris notre temps pour être irréprochables.

M.H : Si lon comprend bien, le département ne vous soutient pas financièrement pour linstant. Êtes-vous prêts à faire des concessions afin de bénéficier de son aide ?

J.N : Pour le moment on ne nous a rien imposé. Nous sommes une entreprise privée. Si le département souhaite contribuer au capital, ça ne deviendrait pas une société publique. On ne peut rien nous imposer qui ne soit déjà inscrit dans le droit privé. Nous sommes prêts à écouter toute forme de conditions, nous sommes dans la négociation. On nest fermés à rien pour un partenariat intelligent et dans le sens des Mahorais.

M.H : Quels types davions aurez-vous chez Zena Airlines ?

J.N : On prendra des A321 Neo XLR. Cest un appareil qui est en cours de certification, et les commandes sont tellement importantes quil faudrait attendre 2028. Alors, nous allons passer par un loueur davions qui a déjà passé commande pour les obtenir. Pour autant, ils ne sont pas disponibles facilement. Pour le décollage on sera sur les A 330-200 et 300, cest notre roue de secours privilégiée pour le départ.

M.H : Quelles seront vos destinations ?

J.N : Sur le régional, on ira à La Réunion à Pierrefonds et Gillot et pour la métropole, ça sera Paris et Marseille. Il ny aura pas descale à part une escale technique avant daller en métropole.

M.H : Beaucoup de Mahorais.es supportent votre projet car ils/elles espèrent que les billets seront moins chers. Pouvez-vous assurer que chez Zena Air, les tarifs seront moins élevés que chez les autres ?

J.N : Oui on peut lassurer très facilement. Le modèle économique des compagnies qui opèrent à Mayotte ont des destinations qui ne sont pas centrées sur le marché mahorais. Elles utilisent des appareils adaptés à peu près à toutes leurs destinations. Air Austral a fait de la Réunion sa destination phare donc tout le modèle économique était basé sur cette île, ce qui a permis à la Réunion de rayonner. On va faire la même chose pour Mayotte, cest à dire trouver le modèle économique le plus adapté au territoire et à la mobilité des Mahorais. Et puis on espère attirer le maximum de touristes justement en baissant les coûts des billets et tout ce modèle économique est basé sur les restrictions opérationnelles de la piste de Mayotte. Donc nous pourrons optimiser les contraintes de Mayotte de manière à gagner le plus dargent possible tout en proposant des prix extrêmement attractifs. On peut aller jusqu’à 25 à 30% moins cher de ce qui se fait actuellement.

M.H : Vous aviez plusieurs fois annoncé la date du premier vol et il na pas eu lieu. Êtes-vous en mesure de nous donner une échéance aujourdhui ?

J.N : Ce quil sest passé cest quon avait atteint des paliers sur nos levées de fonds, mais des investisseurs se sont retirés. Certains ont pris peur du manque de position du département, dautres nous disent quils reviendront lors de la deuxième phase. Pour linstant je ne peux pas vous donner de date, je pourrai vous en dire plus fin janvier.

M.H : À part les problèmes de financement, vous faites face à quels autres obstacles ?

J.N : Pour linstant on na pas encore posé notre dossier de certification mais nous avons tout de même visité le ministère des Outre-mer et des Transports à Paris. Visiblement, ils ont été avertis de notre venue par nos futurs concurrents et pour le moment ces derniers ne disent pas beaucoup de bien de nous. Nous ne sommes pas encore réellement sur le marché et on saperçoit que la politique prend toute sa place. Et cest notre principal combat à lheure actuelle. Sur la partie financière, on peut gérer car cest notre travail, mais concernant la politique, nous ne sommes pas des politiciens donc nous sommes accompagnés pour défendre ce dossier à Mayotte et Paris car ça se passe surtout dans la capitale. Heureusement, nous sommes écoutés et entendus. Et on sait quon dérange, mais cest rassurant car si on ne dérageait pas cela voudrait dire que notre projet nest pas interessant.

M.H : Pour quelles raisons vous dérangez ?

J.N : Mayotte est une variable dajustement dans laérien pour des compagnies qui ont déjà des destinations à offrir. Si un concurrent vient sinstaller au bénéficie des Mahorais, cela signifierait moins de profit pour ceux déjà présents. Je rappelle quen 2012 il y avait beaucoup plus de compagnies quaujourdhui et chacun avait sa part du gâteau. Pourquoi aujourdhui ça ne serait pas possible ?

M.H : Êtes-vous enclins à travailler avec dautres compagnies aériennes ?

J.N : Cest une possibilité que nous avons envisagé avec des compagnies qui ne sont pas opérateurs dans locéan indien et dautres qui le sont. On nest fermés à rien tant que ça va dans le sens des Mahorais.

M.H : Vous êtes sur le projet depuis 2019, nous sommes en 2023, êtes-vous toujours motivés ?

J.N : Entre 2019 et aujourdhui, on a pleinement conscience de la portée du projet pour Mayotte, et de tout ce qui gravite autour. On a été challengés par des investisseurs qui ne sont pas à Mayotte. Nous avons les compétences pour mener à bien ce projet, on est bons, on sait ce quon fait, on sait où on va. La motivation est toujours la même.

Être actionnaire chez Zena Airlines

Les frères Novou ont encore besoin de fonds pour concrétiser Zena Air. Pour contribuer financièrement au projet, vous pouvez contacter le cabinet qui accompagne les porteurs de ce projet au 07 53 29 40 66.

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