“Wait and see” : la communauté malgache à Mayotte suspendue à l’ouverture possible des frontières avec Madagascar

À l’occasion d’une visite officielle en France, le président malgache Andry Rajoelina a annoncé l’éventualité d’une réouverture du pays en octobre, en fonction de la situation sanitaire. À Mayotte, la nouvelle fait mouche, même si l’expérience a appris à ne pas se réjouir trop vite.

La nouvelle a fait le trajet Paris-Madagascar-Mayotte en à peine quelques minutes. À l’occasion d’une visite officielle en France, le président malgache Andry Rajoelina a annoncé que “l’ouverture des frontières pourrait avoir lieu d’ici octobre, c’est-à-dire dans deux mois”. Une petite bombe à prendre avec des pincettes alors que le chef de l’État a bien pris le soin de la conditionner à la situation sanitaire dans les pays de provenance des passagers des lignes aériennes.

Prudence, donc, même si à Mayotte, où une importante diaspora malgache est installée, la nouvelle est sur toutes les lèvres. “J’ai ma famille là-bas, je construis une maison, et oui, j’aimerais bien aller voir où ça en est, car les photos ne suffisent plus. Et je ne suis pas le seul dans ce cas !”, explique Thani Youssouf, représentant de la Fédération des associations malgaches de Mayotte (FAMM). Pour lui, comme pour ses compatriotes de la Grande Île, cela fait bientôt deux ans que l’hypothèse d’un retour est repoussée à plus tard. “C’est vraiment dur pour nous, car il y a des gens qui ont leur famille, leur femme, leurs enfants là bas…” Si les transferts d’argent ont heureusement pu se poursuivre pendant la crise, rassurant ceux qui doivent subvenir depuis le 101ème département aux besoins de leur foyer, ce sont bien les liens physiques qui souffrent de cet éloignement prolongé.

aerien-frontiere-reouverture-madagascarStatu quo

Sans compter la détresse du Sud, où un épisode de sécheresse qui dure depuis quatre ans conduit la population à la famine. La Fédération s’était justement mobilisée pour venir en aide aux habitants, en faisant un appel aux dons en octobre dernier. “Le conteneur est prêt à partir, mais nous ne voulions pas l’envoyer sans nous. On sait trop bien comment se passent les choses là-bas”, précise Thani Youssouf.

Depuis, c’est un peu le statu quo. “On attend cette ouverture, mais on n’y croit pas encore. À chaque fois, on entend que ça va s’ouvrir, et il y a un variant de Covid et paf !, ça retombe à l’eau”, soupire ce retraité. En effet, depuis la fermeture officielle le 19 mars 2020, les espoirs de voir le pays ouvrir ses frontières ont été douchés à plus d’une reprise. Seule l’île de Nosy Be avait recommencé timidement à accueillir des touristes en octobre 2020, avant que le gouvernement malgache ne rétropédale en janvier, face à la résurgence de l’épidémie, notamment en France.

Or, l’Hexagone est justement frappé par la quatrième vague de Covid-19, et son variant Delta. Mercredi encore, le pays enregistrait 23.706 nouveaux cas selon Santé Publique France, une réalité qui pourrait bien rattraper Mayotte dans quelques semaines. “J’attends avec impatience la décision, mais je suis pragmatique. Je crois ce que je vois, car dans la situation actuelle, on ne sait jamais si la pandémie va s’aggraver ou non… Donc wait and see !”, souligne Ayub Ingar, le directeur général d’Ewa Air.

Ewa prête à mettre les gaz

Pour autant, la compagnie, qui dessert trois destinations sur la Grande Île, soit 60% de son trafic, attend la confirmation de la réouverture au pied levé. “Nous sommes prêts et nous pouvons reprendre rapidement le programme de vol dès la réouverture de l’espace aérien malgache. Nous ne demandons que ça !”, assure-t-il. Mais impossible de savoir dès aujourd’hui si Ewa pourra reprendre ses huit vols hebdomadaires habituels (deux pour Nosy Be, trois pour Majunga, et trois pour Diego) ou s’il faudra adapter le programme à la situation sanitaire, comme l’année dernière avec Nosy Be pour seule desserte. Ou encore s’il faudra limiter le nombre de passagers, alors que la demande risque d’être forte. “Tout le monde voudra partir, et je crains que les avions n’aient pas assez de place”, prédit déjà Thani Youssouf. La bonne nouvelle ? Tous les voyageurs dont les vols avaient été annulés avec la crise du Covid pourront repartir sans frais, sauf adaptation tarifaire en fonction de la demande, assure le directeur d’Ewa.

Les entreprises malgaches au chevet du président

Bref, le sujet est surveillé de près, tant de notre côté du bras de mer que de Madagascar, où les acteurs économiques, hôteliers, restaurateurs et acteurs du tourisme en tête font pression sur le gouvernement malgache. Car si le secteur ne pèse que 7% du PIB national, il fait vivre près d’un million de personnes, selon le Groupement des entreprises de Madagascar (Gem). Et les sociétés privées n’ont pas bénéficié de mesures de soutien comme en France…

Après sa visite au MEDEF à l’Hippodrome de Longchamp, dans le cadre de la Rencontre des Entrepreneurs Francophones (REF), qui visait notamment à inciter les patrons français à venir s’installer de notre côté du globe, Andry Rajoelina doit rencontrer le président de la République Emmanuel Macron ce vendredi. Alors peut-être apportera-t-il des précisions sur les contours qu’il compte donner à cette réouverture.

Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.

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