Présent sur le 101ème département en fin de semaine dernière, Jules Perreau, le directeur régional océan Indien de Corsair, a balayé pour Flash Infos l’actualité des derniers mois, notamment le renouvellement de la flotte de la compagnie aérienne, mais aussi et surtout le projet de coopération commerciale avec Air Austral, qui pourrait aboutir à un rapprochement capitalistique. Entretien.
Flash Infos : Un an et demi après votre retour dans l’espace aérien mahorais, quel bilan tirez-vous en quelques mots ?
Jules Perreau : Décembre 2020, déjà. Le bilan est extrêmement positif même si nous avons débarqué dans un contexte forcément compliqué, en plein Covid-19, que nous pensions sur la fin à cette époque. Un an et demi plus tard, nous sommes toujours là et nous sommes bien partis pour perdurer ! Le plan reste le même : nous renforcer autant que possible et maintenir bien entendu la destination Mayotte. Depuis 2021, l’ensemble des vols desservis par Corsair le sont par des A330néo, des appareils plus confortables avec un impact réduit sur l’environnement et surtout des plus grandes capacités de fret. Nous avons également durant ce laps de temps ouvert en juin dernier deux fréquences hebdomadaires vers Lyon et Marseille, en passant par l’île Bourbon.
Notre retour a donné un second souffle au département : l’an dernier, le trafic entre Mayotte et la Réunion a connu une augmentation de 25% en comparaison à 2019, l’année de référence. En résumé, la clientèle nous a suivi, les taux de remplissage sont satisfaisants et nous sommes donc toujours là : ce sont les trois axes à retenir !
FI : Vous l’avez dit, vous avez renouvelé la flotte avec cinq nouveaux A330neo. Cela a demandé de former les pilotes, ce qui vous a poussé à faire appel aux services de transporteurs tiers pendant plusieurs mois pour assurer la desserte aérienne entre Mayotte et La Réunion. Comment avez-vous vécu cette situation ?
J.P. : Le plan de renouvellement s’effectue en deux phases : une première qui remplace cinq appareils et qui s’est achevée il y a quelques semaines, qui avait été décidée avant le début de la crise sanitaire, et une seconde qui doit avoir lieu en 2023-2025, ce qui nous permettra de disposer d’avions d’une moyenne d’âge inférieure à trois ans. Ce qui fera de notre flotte l’une des plus récentes du monde !
Ces nouveaux avions ont été livrés durant le Covid-19, période au cours de laquelle nous avons dû baisser drastiquement nos opérations, que ce soit à Mayotte ou sur d’autres territoires de l’océan Indien. En d’autres termes, nous avons dû mettre l’activité au ralentit. De facto, les pilotes ont moins volé. Or pour qu’ils puissent continuer à opérer normalement, ils doivent pratiquer sinon ils doivent se rendre au simulateur…
En 2021, la demande est repartie très fortement sur les destinations d’Outre-mer : nous avons eu un besoin imminent de pilotes. Malheureusement, les capacités de formation et de formateur n’étaient pas aussi nombreuses… Conséquence, nous avons dû faire des choix sur le programme et affréter des compagnies aériennes pour maintenir nos engagements auprès de notre clientèle. Cela a été le cas sur Abidjan et sur Mayotte. Il ne faut pas y voir un désamour du territoire, bien au contraire ! Comme vous le savez, l’île a une piste très particulière et requiert des compétences plus importantes qu’ailleurs pour y atterrir et nécessite donc une double formation. Raison pour laquelle le 101ème département a eu une interruption propre Corsair même si nous avons maintenu nos opérations commerciales en les confiant à un transporteur tiers, comme ETF, Ewa Air ou Air Austral. L’ensemble de nos clients ont été acheminés.
Nous avons repris avec les AirbusA330 néo Corsair le 30 avril dernier. C’était important de ne pas trop tarder pour faire bénéficier de nos nouvelles cabines aux voyageurs, mais aussi pour retrouver un fret plus conséquent… Lorsque nous avons affrété des 737, nous étions très limités, alors que les A330 ramènent entre 10 et 30 tonnes à chaque dépose !
FI : Autre sujet « polémique », il a été question en août dernier d’un projet de coopération commerciale entre Corsair et Air Austral. On vous a peu entendu sur ce sujet-là, que pouvez-vous nous dire ?
J.P. : Le projet a pris forme en août 2021, en pleine crise Covid-19. L’objectif ? Consolider le transport aérien, dans un premier temps à travers une « joint-venture », et regrouper plusieurs acteurs de petites tailles afin de bénéficier de meilleures économies d’échelles et d’être plus performant. Cette coopération est vue comme importante pour nous, pour nos entreprises, mais également pour les territoires desservis car elle permet d’assurer une certaine pérennité. Pour nous, l’une des options était donc Air Austral, avec qui nous avons avancé.
Le projet a évolué au fur et à mesure des mois, pour passer d’un projet de « joint-venture » à une forme plus avancée de coopération, via un projet capitalistique. On a beaucoup entendu parler de fusion, mais ce n’est absolument pas le cas… L’idée est plutôt de procéder à un rapprochement capitalistique pour pouvoir conserver deux marques qui coexistent : Corsair et Air Austral. Aujourd’hui, le projet est toujours d’actualité, même si nous n’avons pas énormément d’éléments nouveaux à communiquer : ce n’est plus entre nos mains. Une certitude toutefois, Mayotte est depuis le début au centre des discussions et le sujet est primordial à nos yeux. Désormais, il faudra être patient pour voir quel sera la finalité du projet de rapprochement… En tout cas, nous gardons un avis favorable à une opération qui sera bénéfique pour toutes les parties prenantes, y compris les territoires ! Mais je vous le dis : rapprochement ou non, Corsair maintiendra son cap, notre route est tracée et ne changera pas. Nous continuerons notre engagement ici.
FI : En cas de rapprochement capitalistique, qu’est-ce que cela changerait pour la clientèle, notamment en termes de prix des billets ?
J.P. : L’optimisation concernerait principalement la desserte entre La Réunion et Paris. Mais la question mahoraise reste stratégique puisque nous sommes les deux seules compagnies aériennes à desservir la métropole. Lors de notre arrivée sur un territoire et cela a été le cas pour Mayotte, nous défendons toujours le principe même de la concurrence et bien souvent, nous endossons le rôle de challengeur sur les lignes en monopole. Nous sommes conscients que si demain, le client ne s’y retrouve pas dans un potentiel rapprochement, cela ouvrira la porte à de nouveaux acteurs. Nous devrons veiller à ce que le consommateur ne soit pas perdant. Mais encore une fois, tout est hypothétique à l’heure actuelle !
FI : Indépendamment de cet éventuel rapprochement avec Air Austral, quelles sont les ambitions de Corsair pour Mayotte dans la région ?
J.P. : Nous avons de très bons redémarrages chez Corsair, avec des mois de juillet et d’août qui s’annoncent plus que prometteurs. Les lignes vers Marseille et Lyon fonctionnent très bien, et nos Airbus A330néo neufs sont plébiscités. Maintenant, nous avons un objectif de prudence et de stabilité : il ne faut pas oublier que nous entrons dans une deuxième crise avec le conflit russo-ukrainien. Même si cela peut paraître loin, il a bien évidemment des impacts considérables sur le fuel… Nous nous préparons à traverser des zones de turbulences.
Pourtant, nous continuons d’avancer sur nos projets dans la zone de l’océan Indien dans lesquels Mayotte pourrait être inclue. Il est encore trop tôt pour en parler. Mais que ce soient des élargissements d’offres ou de destinations, nous ne nous fermons rien, et Mayotte bénéficiera des nouveautés que nous pourrons proposer, au même titre que La Réunion ou que Maurice.