Éternel optimiste, le directeur général délégué de la compagnie aérienne d’Ewa Air, Ayub Ingar, ne perd ni le sourire ni ses ambitions malgré l’arrêt des vols internationaux pour les deux prochaines semaines. Après une année 2020 moribonde, il se montre toutefois moins confiant quant à la clôture de l’exercice fiscal 2021, raison pour laquelle une large majorité des employés se retrouve en chômage technique. Mais il l’assure : «nous nous battrons et nous rebondirons».
Flash Infos : En raison de l’évolution sanitaire, le préfet de Mayotte, Jean-François Colombet, a décidé de suspendre dimanche dernier toutes les liaisons aériennes internationales pour une durée de 15 jours. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle désillusion alors que votre compagnie aérienne Ewa Air commençait à peine à sortir la tête de l’eau ?
Ayub Ingar : Le préfet a ses raisons. Je ne commenterai pas sa décison ! Malgré tout, je suis déçu car la compagnie a été cloué au sol une première fois entre le 19 mars et fin octobre. Mis à part quelques rapatriements (voir notre édition du 17 juin 2020), c’était le calme plat durant cette période. Puis finalement, Nosy Bé et Moroni ont décidé de rouvrir leurs frontières il y a de cela 3 mois. J’ai alors commencé à voir le bout du tunnel avant que l’aviation malgache annonce sa volonté, le 28 décembre dernier, de ne plus accueillir de passagers au départ de Mayotte. Alors qu’Ethiopan Airlines peut toujours s’y poser… Comme j’avais réalisé des vols supplémentaires durant les vacances scolaires, je ne pouvais pas, moralement, laisser en rade les voyageurs encore là-bas. L’avion est donc parti à vide 1 à 2 fois sur place pour les ramener. Avant que l’arrêté concernant la fermeture des vols internationaux ne tombe dimanche dernier et nous empêche de continuer. Depuis cette date, j’attends la suite… Je reste à la disposition des autorités pour reprendre les rapatriements, je ne peux pas le faire de mon propre chef.
FI : Vous l’avez très bien rappelé, les derniers mois ont été compliqués pour Ewa Air. Quelles seront les conséquences sur votre exercice fiscal qui doit se terminer le 31 mars prochain ?
A. I. : Effectivement, cela nous amène beaucoup de difficultés et d’incertitudes sur le plan financier. Bien évidemment, la compagnie est dans le rouge, même si je n’ai pas encore tous les indicateurs en ma possession pour pouvoir annoncer des chiffres exactes. Disons que j’essaie de limiter les frais généraux pour réduire les dépenses au jour le jour. À titre d’exemple, la trentaine de salariés était en activité partielle, à hauteur de 50%, durant la période citée précédemment. Et depuis lundi, tout le personnel est passé à 100%, sauf les mécaniciens qui restent à temps partiel pour entretenir l’avion.
FI : Si vous bénéficiez des indemnisations de l’État pour payer vos employés, vous ne pouvez pas recevoir d’aides dans le cadre de la continuité territoriale car vous n’opérez que sur des lignes internationales.
A. I. : Tout à fait, à la différence d’Air Austral, de French Bee ou d’Air France, je ne suis pas éligible à ce coup de pouce. Or, ces aides accordées par l’État aux compagnies françaises qui assurent la continuité territoriale font office de subventions. Par conséquent, j’ai sollicité l’an dernier un prêt garanti par l’État à hauteur d’1.5 million d’euros pour payer les fournisseurs et rémunérer les salariés. J’espère que d’ici 2 ou 3 semaines, les vols reprendront pour nous amener un peu d’oxygène sur notre état financier…
FI : À vous entendre, vous semblez broyer du noir. Un sentiment qui ne vous caractérise pas en temps normal. En toute objectivité, dans quel état d’esprit vous trouvez-vous actuellement ?
A. I. : J’ai déjà connu des difficultés par le passé. De manière générale, les compagnies aériennes souffrent plus que n’importe quelle activité en raison de multiples paramètres, telle qu’une guerre ou une pandémie comme c’est le cas actuellement. J’y crois, je suis de nature optimiste ! Je n’envisage pas de déposer le bilan et de mettre la clé sous la porte, cette idée ne m’effleure absolument pas l’esprit. Le personnel d’Ewa Air et moi-même nous battrons et nous rebondirons.
Cela dit, la compagnie est encore jeune, elle a pris son envol en 2013 mais n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière. Avant que cette crise ne nous tombe dessus, j’avais déjà commencé à réfléchir à l’ouverture de 2 ou 3 nouvelles lignes. Mais comme vous vous en doutez, je ne peux pas encore dévoiler mes plans (rires). Je n’en ai toujours pas discuté avec mon conseil d’administration, car je suis en train de peaufiner le dossier.
FI : Depuis le début de la crise, les autres compagnies aériennes, telles qu’Air Austral, propose des remboursements ou des avoirs à ses passagers pour qu’ils ne perdent pas leurs billets. Quelle est la stratégie d’Ewa Air de ce point de vue-là ?
A. I. : Nous serons souples avec les passagers qui sont en possession d’un billet non utilisé. Nous proposons tout naturellement des avoirs d’une durée d’un an ou des remboursements. Il suffit que les clients nous fassent la demande sur notre site internet car certains d’entre eux sont passés par des agences, donc nous n’avons pas toute la liste des voyageurs entre nos mains. Par contre, le traitement des dossiers risque de prendre un peu de temps puisque comme je vous l’ai dit, le personnel est au chômage technique. Il va leur falloir de prendre leur mal en patience.
À titre personnel, je ne souhaite qu’une chose : la reprise des vols au plus vite car nous prenons le maximum de précautions concernant le respect des consignes sanitaires. Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons débarqué 4 passagers au départ de Moroni car il y avait un doute sur leurs attestations.