Hôtel Ibis à l’aéroport de Mayotte : six ans plus tard, et d’une pierre de posée !

La société Eden Island vient de poser la première pierre de l’hôtel de l’aéroport qui vient gonfler de 80 chambres les capacités d’hébergement de touristes sur le territoire. Une étape symbolique, après un parcours semé d’embûches pour les porteurs du projet.

 “Pfff… Oh la la !” Voilà bien un soupir qui en dit long, exhalé par un Zavar Akbaraly essoré mais satisfait. Des cailloux dans ses chaussures, cet investisseur réunionnais et co-gérant d’Eden Island en a collectionnés depuis quatre ans qu’il trime sur son projet hôtelier à l’aéroport de Mayotte. Maintes fois annoncé, le complexe aura même mis en tout plus de six ans à sortir de terre, sa première évocation, par l’ancien gestionnaire de l’aérogare, la SNC Lavalin, remontant à décembre 2014.

Chinoiseries sur le nombre d’étoiles, tracasseries sur le foncier, et autres bisbilles administratives auront contribué à faire jouer les prolongations. Sans parler de la crise sanitaire, une turbulence de plus pour les porteurs du projet avant l’atterrissage. “Nous sommes arrivés début 2016, et il a déjà fallu un an et demi de lutte avec l’État pour négocier l’AOT (autorisation d’occupation temporaire) car il s’agit d’une concession aéroportuaire. Cela a été une vraie bagarre pour faire accepter que ce genre de projets nécessite une durée longue d’occupation !”, souffle l’entrepreneur chevronné.

Les deux pierres de l’Ibis

Mais le grand jour est enfin arrivé ! L’entreprise mahoraise Eden Island avait donc convié la presse et le gratin local – préfecture, élus de Petite-Terre et de Mamoudzou, direction de l’aéroport, financeurs et membres des administrations – pour la pose officielle de la première pierre. Et ce sont même deux pierres que le préfet Jean-François Colombet, Zavar Akbaraly, l’adjointe au maire de Pamandzi et un ouvrier du chantier ont placé ce mercredi matin, à une cinquantaine de mètres de l’aéroport. Deux admirables parpaings rugueux et solides, joliment fixés d’un coup de truelle par un crépi tout frais ! Et qui prendront bientôt les couleurs verdoyantes de la marque Ibis Style, signant par là le retour du géant international de l’hôtellerie Accor à Mayotte.

12 millions d’euros investis

Il faudra maintenant attendre 14 mois pour le voir s’élancer de la terre aux carlingues des avions, “16 mois maximum”, garantit Zavar Akbaraly. Soit une livraison pour fin 2021, début 2022. À terme, l’établissement proposera alors 80 chambres, trois suites, un atrium de 600m2, une salle de restauration ouverte au public, une salle de fitness et bien sûr une piscine. Le projet entend aussi être respectueux de son environnement, en suivant la charte Mayénergie sur la réduction de la consommation énergétique des bâtiments. “Cet établissement s’implante sur une île dotée d’un environnement riche, où les tortues viennent pour pondre, où la qualité de l’eau devant l’hôtel est exceptionnelle”, souligne le gérant d’Eden Island. En plus de “célébrer la star de Mayotte”, comme on peut le lire sur un panneau de présentation, l’hôtel trois étoiles permettra aussi la création de 35 emplois.

Le tout pour la coquette somme de 12 millions d’euros d’investissements répartis entre un prêt de 2.8 millions d’euros accordé par l’AFD, le même auprès de la BFC, 2.4 millions d’euros de subventions Feder, 2.3 millions de défiscalisation et 1.2 million d’euros de fonds propres. “Dans le domaine privé, nous ne pouvons pas aller au-delà de 50% de financement”, explique Yves Rajat, le directeur de l’Agence française de développement à Mayotte. “Le but de notre participation, c’était donc aussi d’avoir un effet d’entraînement sur les autres.” Un art dans lequel le financeur excelle lorsqu’il présente le parcours des frères Akbaraly, “deux enfants qui lavaient les parebrises et trente ans après, multiplient les projets d’investissements”. Un nouveau centre d’affaires à Kawéni serait d’ailleurs dans leurs cartons. “Tu permets, je fais ta pub !”, lance avec satisfaction et franche camaraderie le patron de l’AFD à son nouveau partenaire.

5 ans par projet hôtelier ?

Et il n’est pas le seul. Côté Edeis, entreprise délégataire de l’aéroport, on salue aussi le coup de pouce de ces investisseurs pour le territoire. Voire ce coup de boost : “l’arrivée de cet hôtel va permettre de créer un poumon économique sur la plateforme, et d’inciter d’autres projets à se lancer”, se réjouit son directeur Olivier Capiaux. Un enjeu non négligeable pour le développement économique du territoire, justement l’objet d’un Forum de deux jours qui se tient ce mercredi et ce jour au conseil départemental. “Je voudrais bien sûr vous dire un grand merci, Mayotte a besoin d’investisseurs pour développer des activités et une concurrence. Mayotte n’est pas un protectorat pour quelques entreprises”, salue Jean-François Colombet. Qui n’a pas hésité à tirer à boulets rouges sur les “8.000 lois et 100.000 décrets à cause desquels il faut cinq ans pour voir émerger un projet hôtelier. C’est insupportable”, cingle le délégué du gouvernement. Touché. Mais à qui jeter la pierre ?

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