Le rugby, la pratique sportive qui gratte de nouveaux adeptes à Mayotte

Priés de s’asseoir sur le banc de touche durant près d’un an et demi en raison de la crise sanitaire, les rugbymen espèrent repartir sur de bonnes bases avec le lancement des championnats seniors et de l’école de rugby ce week-end. Entre nouveau départ et continuité, le comité territorial de rugby de Mayotte veut transformer l’essai. Entretien avec Corentin Marie, agent de développement au sein de l’organisation.

Flash Infos : À quelques jours du lancement officiel de la saison 2021-2022, dans quel état d’esprit se trouve le comité territorial de rugby de Mayotte après un an et demi de crise sanitaire ?

Corentin Marie : Pendant cette année de crise, nous avons effectivement été perturbés comme tous les autres comités et ligues. Nous avions une peur bleue de perdre des joueurs en route… Heureusement, nous avons eu des présidents et des entraîneurs très engagés et investis ! Nous avons même réussi à franchir la barre des 600 licenciés. C’est une réelle satisfaction. Et le fait d’avoir pu reprendre la saison à la fin du mois de mai a redonné de l’espoir à tout le monde.

Alors, en marge du retour des premières rencontres seniors hommes et femmes et de l’école de rugby, nous avons organisé vendredi dernier un tournoi à 5 touché dans le but de mettre un coup de projecteur sur notre sport. L’idée était de rassembler toutes les catégories de plus de 14 ans autour d’un événement unique en proposant des oppositions mixtes et intergénérationnelles pour relancer l’esprit de convivialité au sein des clubs. Nous espérons que cette journée a créé du lien en vue de l’ouverture du championnat le week-end prochain. Concernant le Covid-19, même si nous ne savons pas ce qui nous attend, nous avons un protocole fédéral très strict, qui nous permet de nous adapter à toutes les mesures restrictives.

FI : Nouveauté cette année : vous mettez en place des « stages développement » durant les vacances scolaires. En quoi consistent-ils ?

C. M. : Si le comité supervise l’élite mahoraise, il se tourne également vers le développement de la pratique du rugby plus largement. Dans ce cadre-là, nous nous rapprochons des MJC, des associations, voire même des ministères, pour faire découvrir nos valeurs auprès des jeunes qui ne sont pas licenciés dans nos clubs. Nous avons débuté ces stages au cours de l’été en nouant des partenariats avec la MJC de Bouéni, l’union française des œuvres laïques d’éducation physique (UFOLEP) et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Cela a permis de faire comprendre à une centaine de jeunes qu’ils pouvaient jouer et s’amuser ensemble, sans en venir aux mains et sans se lancer de pierres, tout en faisant un sport de contact.

FI : Fin août, vous avez signé des conventions avec l’union nationale du sport scolaire (UNSS), le rectorat et le centre universitaire pour formaliser la pratique du rugby dans le milieu scolaire. Est-ce une manière de dire que Mayotte est aujourd’hui devenue une terre de rugby à part entière ?

C. M. : Nous pensons effectivement que le territoire affiche une réelle appétence pour le rugby. Les jeunes s’y intéressent de plus en plus : pas moins de 3.000 élèves en écoles primaires ont pratiqué le rugby touché l’an dernier. Lorsque nous intervenons dans les classes, ils prennent très rapidement conscience de l’esprit de camaraderie qui règne. Avec la signature de ces conventions, nous voulons aller encore plus loin, faire davantage découvrir les règles et développer les compétences des enseignants, mais aussi les classes sportives. Il y a un réel engouement ! Preuve en est, deux nouveaux clubs se sont créés au cours des deux dernières années. D’un côté, la pratique se lance doucement et se diversifie progressivement. De l’autre, le comité territorial continue de se structurer en embauchant de nouveaux salariés qui essaient de perpétuer ce qui est réalisé depuis une vingtaine d’années.

FI : Si Mayotte manque d’infrastructures de haut niveau pour former les élites de demain, vous envoyez régulièrement des joueurs vers le pôle Outre-mer à La Réunion ou vers des clubs professionnels en métropole…

C. M. : La question des infrastructures se pose forcément. À Mayotte, il n’y a aucun terrain dédié au rugby… Donc cela nous oblige à collaborer avec les autres sports pour faire entendre notre voix. Après, le principe du haut niveau consiste à recruter les joueurs de plus en plus tôt, vers 13 ou 14 ans, pour les former dans les meilleures structures. En ce sens, le pôle Outre-mer de Mayotte à La Réunion répond à ce critère. Même si cela ajoute une contrainte supplémentaire car nos joueurs se retrouvent à deux heures de vol de leur famille et ne peuvent pas rentrer tous les week-end chez eux… Toutefois, ce sacrifice porte ses fruits car nos jeunes percent chaque année. Et au moins l’un d’eux intègre un club professionnel ou semi-professionnel. Cela prouve bien qu’il y a du talent ailleurs qu’en métropole !

FI : À l’inverse, comment pouvez-vous bénéficier des talents de la métropole et de La Réunion ?

C. M. : Quand nous faisons venir quelqu’un de l’extérieur, c’est vraiment sur des sujets très spécifiques. Comme lors des derniers Jeux des Îles de l’océan Indien quand l’un des entraîneurs de l’équipe de France de moins de 18 ans était venu préparer la sélection mahoraise et lui montrer les exigences du haut niveau. Sinon, nous avons un conseiller technique qui supervise Mayotte et La Réunion. Il vient deux ou trois fois par an pour apporter son expertise et former les conseillers techniques de l’île ainsi que les adultes en formation d’éducateur et d’entraîneur.

Dans le cadre du dispositif Jeunes Talents Mahorais, l’élite mahoraise peut partir en métropole et étudier tout en pratiquant son sport de prédilection au plus haut niveau. Le Département l’aide d’un point de vue scolaire, sportif et matériel. En contrepartie, quand les jeunes rentrent à Noël et pour les grandes vacances, ils ont l’obligation de revenir transmettre leur passion et d’aider les clubs dans lesquels ils évoluaient auparavant à se développer.

Aujourd’hui, le rugby est devenu un vrai sport local ! Nous avons plus de Mahorais que de Wazungus en termes d’encadrement et de joueurs. Le comité en est très satisfait et souhaite continuer sur cette voie-là. Plus nous serons nombreux, plus nous pourrons continuer à développer la pratique sur l’île.

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