Les volleyeurs mahorais n’iront pas aux Jeux des îles de l’océan Indien

La décision a été prise, ce dimanche matin, par le comité directeur de la ligue régionale réunie à Mamoudzou. Le défaut de subventions octroyées par le Département de Mayotte en vue de préparer les athlètes mahorais en serait l’origine.

Comme un coup de massue, la nouvelle est tombée dimanche, au terme d’une réunion du comité directeur de la ligue régionale de volleyball de Mayotte, « à défaut du versement des 90.000 euros (40.000 euros en 2022 et 50.000 euros en 2023) programmés par le conseil départemental de Mayotte pour la préparation des athlètes locaux, la discipline ne sera pas représentée au sein de la délégation mahoraise aux prochains Jeux des îles de l’océan Indien », prévus à la mi-août 2023 à Madagascar. Ce sera une première depuis que notre île est admise à ces jeux. Comment en est-on arrivé à une telle extrémité ? Le président de la ligue régionale de volleyball explique qu’un contentieux de plusieurs années oppose l’organisme aux services de la jeunesse et sports (département) qui bloque le versement de subventions annuelles depuis 2016. 

Pour faire court, la ligue perçoit à cette époque une subvention départementale destinée en partie à couvrir ses frais de fonctionnement, mais également à financer la préparation des sportifs devant prendre part à « la coupe des clubs champions des îles de l’océan Indien » organisée aux Seychelles. Mais il y a un hic, Mayotte n’a pas reçu d’invitation officielle à cette compétition, par conséquent les deux clubs champions de l’île aux parfums, Zanfi de M’tsamboro (pour les garçons) et All stars de Pamandzi (pour les filles) ne pouvaient participer. À en croire l’actuel président de la ligue régionale de volleyball, Babou Aboubacar, le service départemental de la jeunesse et des sports* alors dirigé par Mohamed Abaine, ayant pour adjoint Ali Saïd Attoumani, aurait exercé d’énormes pressions sur son prédécesseur de l’époque, Mouhamadi Chébani, afin qu’il accepte de valider le déplacement hors territoire des deux clubs champions. Raison mise en avant, telle était la récompense promise par les institutions locales aux vainqueurs du championnat territorial de volleyball. L’autorisation finit par être donnée et le club féminin décida de s’envoler pour les Seychelles. Plus fine, l’équipe championne masculine, Zanfi, pris le temps de négocier des matchs amicaux à Madagascar où elle s’y est rendue quelques semaines plus tard. Au moment de rendre son bilan annuel, les justificatifs présentés pour ces deux déplacements auraient été rejetés par les services du département au motif que Mayotte n’avait pas été invitée à participer initialement. 

Pas de subventions depuis 2016

Depuis ce micmac, le torchon brûle entre les deux parties. Pour Babou Aboubacar, cette situation relèverait une seconde fois de la responsabilité de la direction départementale de la jeunesse et des sports. Une fois de plus, il indexe son ancien directeur, Mohamed Abaine, lequel aurait suggéré une modification de la présentation des dépenses effectuées par les deux clubs vainqueurs de Mayotte. Autre explication qu’il apporte, « ces déplacements aux Seychelles et à Madagascar auraient été facilités par une combinaison de liens de parenté entre différentes personnes au sein des deux équipes, mais également à l’intérieur des services du département ». Ainsi, depuis 2016, la ligue régionale de volleyball de Mayotte ne perçoit plus de subventions en provenance du conseil départemental. Même lorsqu’elle a eu à participer à des compétitions internationales, elle n’a pu préparer ses athlètes qu’avec les aides octroyées par la fédération nationale de volleyball et le service Jeunesse et Sports de l’État. D’autres voix au sein de la ligue régionale s’accordent à reconnaître que ce blocage avec le Département reposerait sur la volonté personnelle d’un seul agent très influent au sein de l’administration locale. 

Deux poids deux mesures

Ainsi en 2018, le Département aurait continué à réclamer à la ligue le remboursement de 62.800 euros. Élu à la tête de la ligue régionale de volleyball le 28 janvier 2018, Babou Aboubacar affirme avoir hérité d’une dette de 152.000€ justifiée par le non-paiement à la fédération du montant des frais de licences. La pratique ayant cours précédemment était que la ligue s’acquittait de ces frais auprès de la fédération à partir des subventions locales qu’elle percevait. Ainsi, 52.000 euros restent à payer à la fédération nationale au titre de 2021 et 32.000 euros pour 2022. Il dénonce en outre l’usage par les services du département d’un deux poids deux mesures. « En 2019, un club champion de Mayotte que je nomme X, a obtenu une subvention pour se déplacer dans l’Hexagone alors même qu’elle n’était pas officiellement invitée. Bien que la ligue ait averti le département de cette situation, le club en question a fait le voyage en métropole. Et aussi curieux que cela puisse paraître, les frais inhérents à ce voyage ont été validés par les services compétents au sein du Département de Mayotte. Ce club continue à percevoir chaque année des subventions de cette collectivité. Motus et bouche cousue. » 

Cette situation calamiteuse a conduit les responsables de la ligue à placer leur organisme en redressement judiciaire depuis octobre 2022. Une audience aurait eu lieu vendredi dernier, le président de la ligue régionale devant présenter un plan de redressement à une prochaine audience le mois prochain. Joint par nos soins, le directeur actuel du service de la Jeunesse et Sports, Abdoulkarim Bamana, dit avoir pris connaissance de ce dossier après sa récente prise de fonctions. Il reconnaît qu’une délibération du conseil départemental de Mayotte accorde bien à la ligue régionale de volleyball une subvention de 40.000 euros (2022) et 50.000 euros (2023) en vue de préparer sa participation aux Jeux des îles de l’océan Indien à Madagascar. Il précise également qu’une troisième subvention de 20.000 euros d’aide exceptionnelle est allouée à cette même ligue, mais que leur bénéfice ne peut être effective qu’à l’issue de la procédure en cours de redressement judiciaire et sous réserve que la ligue se mette en conformité avec les exigences du département.

Pour sa part le président Babou Aboubacar préfère évoquer le cas de la ligue régionale de football qui s’est vue éponger une dette de 800.000 euros par le département de Mayotte.

* Toutes les tentatives de notre rédaction pour contacter l’ancienne direction du service de la jeunesse et des sports mise en cause par les responsables actuels de la ligue régionale de volleyball sont restées vaines.

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