Dernier volet de notre interview du président du conseil départemental de Mayotte, le sport. Ben Issa Ousseni se veut confiant quant à l’organisation des Jeux des îles de l’océan Indien en 2027.
Flash Infos : Allons droit au but si vous le voulez bien, sommes-nous prêts pour accueillir les Jeux des îles de l’océan Indien en 2027 ?
Ben Issa Ousseni : Si la candidature de Mayotte est retenue, il faut avant toute chose savoir que c’est le pays hôte qui définit les disciplines (N.D.L.R. il y en aura une vingtaine à Madagascar). Effectivement, il y a un minimum à mettre en place, les cahiers des charges sont exigeants, mais nous allons pouvoir rentrer clairement dans les critères instaurés par le comité des Jeux. S’agissant de nos équipements sportifs, sachez que tous ceux qui rentrent dans le cadre de cet événement sont déjà à un niveau bien avancé. Nous sommes prêts à lancer les travaux si notre candidature est retenue. Il s’agit là d’équipements dont Mayotte en a tant besoin, donc quoi qu’il arrive, nous allons les construire. Les gymnases, la piscine olympique de Kawéni, notre jeunesse en a besoin. Le territoire en manque cruellement, donc on va les faire, Jeux des îles ou pas. Cette fois-ci, Mayotte bénéficie du soutien réel de l’État français au niveau de sa candidature et j’ai compris qu’il nous accompagnera également dans le financement de nos projets. Dans un courrier du 22 février 2023, on a reçu l’appui formel du gouvernement « pour développer les projets structurants tant dans le domaine de l’hébergement, des équipements, de la restauration, du transport, de la sécurité et de la santé… ».
Personnellement, je crois en notre capacité réelle de finir ces équipements à temps. Les études sont pratiquement terminées pour la piscine olympique, on va bientôt lancer le marché. Le permis est déjà déposé pour le gymnase de M’tsangamouji, le centre sportif de haut-niveau de Chirongui, là aussi l’opération pourra être lancée dès que nous serons certains que notre candidature est retenue, il reste juste un petit souci à régler avec le syndicat Les Eaux de Mayotte. Nous disposons déjà du dojo, de la salle polyvalente à Ouangani. Donc sur les équipements sportifs eux-mêmes, nous sommes au point. Le Département finance le stade de Tsoundzou 1 qui va accueillir les compétitions d’athlétisme et le football en complément du stade de Cavani. Et nous sommes prêts à abonder son financement. La Société immobilière de Mayotte (SIM) est prête à travailler pour nous au niveau de la construction du village olympique dès que notre candidature sera retenue. Il se situera dans le périmètre de la Cadema (communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou), celle-ci a déjà repéré le site d’accueil et se tient prête à travailler avec la SIM. Tout a été négocié, demeurent les problèmes de mobilité. C’est pour cette raison qu’il a nous a paru préférable de positionner le village olympique du côté sud de Mamoudzou pour pouvoir circuler plus facilement. En termes de lobbying, nous estimons également avoir effectué le travail, la décision interviendra très prochainement en septembre. Nous ne sommes pas seuls, d’autres territoires sont candidats, les Comores, les Maldives, donc il nous faut attendre septembre pour être fixés.
F.I. : Que pensez-vous justement de la concurrence comorienne ? Il est évoqué un financement chinois des équipements sportifs.
B.I.O. : Je vous dis une chose, je ne connais pas la candidature des Maldives parce que je n’ai jamais été dans cet archipel. En revanche, je connais bien les Comores. Si le choix du comité se fait dans la transparence absolue et l’équité totale, Mayotte a une chance réelle de l’emporter face aux Comores. Là, il s’agit d’effets d’annonces lorsque nous, nous sommes dans le concret. Quelle assurance avez-vous réellement sur la certitude du financement de ces projets par la Chine ? Et je m’interroge en contrepartie de quoi la Chine financerait l’ensemble de ces équipements. A notre niveau, toutes les études sont faites, nous sommes suffisamment avancés dans ces projets et le démarrage des constructions est imminent. Le risque pour nous de situe en termes de lobbying. Les Comores ont une certaine influence auprès de l’île Maurice et des Seychelles. Elles partagent avec Maurice la problématique des velléités séparatistes des îles voisines telle que Rodrigues. C’est pour cette raison que je dis que si tout se décide en toute transparence, Mayotte a très largement les moyens de dépasser la candidature des Comores. Nous sommes donc concentrés sur notre candidature, pas sur celle des autres.
F.I. : Concernant les Jeux 2023 à Madagascar, la ligue de volleyball annonce qu’elle ne pourra pas assurer sa présence faute de moyens financiers. Y-a-t-il un moyen pour éviter une telle situation ?
B.I.O. : C’est plus compliqué que cela ! Le problème du volleyball à Mayotte ne relève pas seulement d’une question de subventionnement. À ce jour, la ligue est en redressement, si ce n’est en liquidation judiciaire. Il appartient donc au tribunal de se prononcer là-dessus, j’ignore si c’est déjà fait ou pas. Dans l’ensemble des compétitions prévues à l’occasion de ces Jeux des îles, le volleyball en fait partie. Je rappelle qu’en décembre dernier, le conseil départemental a validé pour la ligue les subventions destinées aux clubs qui vont participer d’abord aux compétitions nationales. Et plus récemment, lors de notre dernière séance, nous avons validé pour cette même ligue des subventions en faveur de « Zanfi » notamment et d’autres, qui vont participer aux Jeux. La question est à poser différemment, sont-ils en capacité d’envoyer des athlètes ou pas ? Les subventions que nous évoquons ici seront-elles utilisées aux fins de ce rendez-vous régional ou vont-elles servir à combler le déficit structurel que connaît la ligue de volleyball ? Pour ma part, j’insiste sur le fait que ces crédits ont bien été fléchés « Jeux des îles » et j’espère que les responsables de la ligue s’inscrivent dans cette démarche-là car je me refuse à ouvrir une boîte de Pandore. Je ne peux pas accorder une mesure d’exception pour la ligue de volleyball et pas pour les autres. On a tous vu ce qui s’est passé pour la ligue d’athlétisme qui avait à un moment complètement disparu parce qu’il y a eu des problèmes similaires.
F.I. : En coupant les subventions au sport, ne craigniez-vous pas de mettre en péril les clubs sportifs mahorais qui ont des projets prévus cette année pour leurs jeunes licenciés ?
B.I.O. : Les choses ne doivent pas être présentées de cette façon. C’est un raccourci un peu rapide. Nous avons dû, exceptionnellement, cette année, renoncer aux subventions sportives compte tenu d’une situation budgétaire complexe. C’est une décision que nous n’avons pas prise de gaîté de cœur mais qui n’a pas vocation à devenir la règle. Le Conseil départemental accompagne d’ailleurs de bien des façons le mouvement sportif : la direction compte pas moins de 65 agents, nous accompagnons l’excellence sportive, nous prêtons des locaux, construisons des équipements ou avons délibéré récemment pour accorder une enveloppe de 2,4 millions pour les prochains Jeux des îles. Laisser penser que nous sacrifions la jeunesse, que nous mettons en péril les clubs, c’est faire preuve de mauvaise foi, même si encore une fois, nous aurions souhaité faire autrement. La réalité budgétaire nous rattrape et nous faisons au mieux… Chacun doit faire des efforts à tous les niveaux.
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