Si aucun comité départemental de handisport n’existe à Mayotte, le Cros espère bien pouvoir développer la pratique d’ici 2023, date des prochains Jeux des Îles de l’océan Indien. Une première réunion de travail a eu lieu en ce sens mercredi, avec les associations et les institutions. Un seul mot d’ordre : l’inclusion.
Sur les 1 350 clubs et 539 associations affiliés à la fédération française de handisport, Mayotte n’en compte pas une seule. Et pour cause, aucun comité départemental n’existe à ce jour. Pourtant, une poignée de structures sportives, mêlant notamment kayak, boxe et athlétisme, œuvrent, tout au long de l’année, pour une meilleure inclusion par l’activité physique de ces publics encore trop stigmatisés. Mais sans comité, ces acteurs peinent à se rencontrer, s’organiser et dégager une dynamique coordonnée et ne peuvent par conséquent pas représenter leur discipline en dehors du territoire. Pour répondre à cette problématique, le comité régional olympique et sportif (Cros) organisait mercredi une première réunion de travail dédiée au handisport. Plus d’une quinzaine d’associations sportives et d’institutions, déjà engagées ou intéressées par le sujet, ont répondu présentes.
« L’objectif serait, à terme, d’avoir pour la première fois un sportif mahorais en situation de handicap lors des prochaines Jeux des Îles de l’océan Indien, en 2023 », espère Manon Darcel-Droguet, chef du service sport, santé et bien-être au sein du Cros, et l’une des organisatrice de la réunion. « Mais cela ne sera pas possible tant qu’il n’y a pas de comité départemental affilié » En octobre dernier, la fédération nationale de handisport rencontrait les représentants du Cros de Mayotte. Immédiatement, le 101ème département est apparu comme un territoire à investir. « Pour nous, c’est réalisable de développer la pratique à Mayotte, il faut juste réussir à mettre en relation les partenaires qui organisent déjà des initiatives individuelles », projette encore Manon Darcel-Droguet. « Mais là-dessus, on ne s’inquiète pas : on a un tissu associatif et des éducateurs sportifs très mobilisés ici. »
Parmi les plus mobilisés, justement, le Mahorais judo jujitsu boxing club, qui accueille depuis une petite décennie des jeunes en situation de handicap, et ce dès l’âge de quatre ans. En la matière, la structure fait à Mayotte office de précurseur et compte aujourd’hui une dizaine de sportifs handicapés, sourds, trisomiques ou amputés notamment. « À chaque début de saison, ils font une démonstration lors de nos journées portes ouvertes pour leur montrer qu’ils ne doivent pas se cacher », sourit Salimou Madi Sidi. Formé en métropole, le cadre technique du club a lui-même introduit la pratique du handisport au sein de la structure mahoraise. « Le sport leur donne confiance en eux. Il leur permet de comprendre qu’ils peuvent avoir une valeur ajoutée pour la société comme n’importe qui d’autre, parce qu’ils sont tout aussi capables de réussir. Pour nous, c’est une façon de lutter contre l’isolement et de leur donner espoir. » Une volonté qui a d’ailleurs donné naissance, en 2017, au tour de Mayotte en fauteuil roulant, instigué par le docteur Léo, puis exporté à La Réunion. « C’est important de faire comprendre aux gens qu’on peut associer sport et handicap. Il faut faire changer les mentalités », défend l’organisateur de l’événement qui a pour vocation d’interpeller le grand public et les autorités, en faisant participer des personnes validés aux côtés de personnes en situation de handicap. La prochaine édition est d’ailleurs prévue pour 2021.
« Mayotte pourrait avoir des challengers »
Mais en l’absence d’un comité départemental et donc d’affiliation, les handisportifs ne peuvent pas, à Mayotte, accéder à des compétions haut-niveau en dehors des pratiques mixtes. « Pourtant, on pourrait avoir des challengers, beaucoup de jeunes ont du potentiel ici mais on ne les valorise pas »,
analyse Salimou Madi Sidi. « Pour ça, il faut que les institutions s’impliquent, ce qui nous permettrait aussi d’avoir plus de visibilité et de sensibiliser plus de monde. » En ce sens, le rectorat a déjà introduit via l’UNSS une pratique sportive partagée mêlant jeunes en situation de handicap et jeunes valides. Au total, 80 élèves ont déjà participé à des activités du genre, au sein des établissements ou autour du lagon. « On doit donner à ces jeunes les moyens de pouvoir pratiquer les mêmes sports que les autres,sans systématiquement les mettre de côté », défend Gilles Halbout, à la tête de l’académie de Mayotte. « À terme, notre objectif est de pouvoir introduire la pratique du sport pour les élèves en situation de handicap en EPS, dans le temps scolaire. Nous comptons aussi développer des actions de sensibilisation dans les établissements, et des actions de formation en direction des enseignants. » De quoi favoriser davantage l’inclusion des jeunes concernés, alors qu’à Mayotte, beaucoup reste à faire en la matière.
L’année dernière, le coureur mahorais en fauteuil, Omar Amboudi, amputé d’un membre, envisageait de concourir aux Jeux des Îles. À défaut de pouvoir représenter Mayotte dans le handisport, l’athlète avait alors pensé se présenter sous la bannière de La Réunion, où il vit désormais, tout en revenant s’entraîner ici en amont. Mais après quelques séances sur le stade de Cavani ou sur la route qui relie Dzoumogné à M’tsamboro, il comprend que sans les centres de pratiques sportives dédiés qu’il fréquente sur l’île intense, il ne pourra que trop peu développer ses performances. Finalement, il décide de rebrousser chemin et ne se présentera pas, cette année-là, au plus grand événement sportif de l’océan Indien. Mais Omar Amboudi, habitué des compétitons à La Réunion, prévoit bien de répondre présent lors de la prochaine édition, en 2023. « Je voudrais avoir la chance de pouvoir représenter Mayotte dans le handisport, mais pour l’instant, je ne vois pas comment c’est possible », souffle le coureur.
En effet, « Les infrastructures sportives sont déjà difficilement accessibles, et le sont d’autant plus pour certains sportifs en situation de handicap », relève Erwan Bouris-Humbert, éducateur au centre multisports de M’roalé, spécialisé dans le kick-boxing et qui, depuis quatre ans, organise des séances hebdomadaires de sport adapté aux handicaps physique,moteur, sensoriel, psychique et mental, pour les enfants, les adolescents et les adultes. D’où l’intérêt, là encore, de propulser la création d’un comité départemental de handisport, qui permettrait notamment de capter plus de subventions. En 2017, le secteur représentait 5% du budget annuel alloué par l’État pour le développement du sport à Mayotte – qui compte, à minima, 1 100 personnes en situation de handicap –, soit une enveloppe de 21 000 euros. En comparaison, l’île Maurice dégageait, la même année, 52 000 euros pour l’ensemble de ses quatre fédérations affiliées. Lors des JIOI de l’année passée, le pays avait même désigné comme porte-drapeau Noémi Alphonse, multiple recordwoman nationale de course en fauteuil. Le 101ème département suivra-t-il la même voie en 2023 ? C’est en tous cas ce que le Cros essayera de défendre en septembre, lors d’une prochaine rencontre avec la fédération nationale de handisport.
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