Houssame Boinali, l’acharné

Footballeur ayant grandi à Mayotte, Houssame Boinali a su faire preuve d’une abnégation sans limites pour devenir l’arrière droit du GFA Rumilly, en National 2. Combinant une routine d’entraînement quasiment ascétique à un job dans le bâtiment, le jeune homme a atteint avec son club les demi-finales de Coupe de France, il y a quelques mois.

Houssame est un garçon de l’Ouest, un vrai. Né à Mtsangamouji et ayant suivi sa formation scolaire et sportive à Tsingoni, le jeune homme partait courir avec son frère jusqu’à Mliha, de bon matin. « Pendant que tu dors, d’autres travaillent », répète cette force de la nature qui a fait du travail son mot d’ordre. Alternant entre rugby et football durant son adolescence, c’est le ballon rond qui a finalement ses faveurs, et qui voit l’attaquant de 17 ans être surclassé parmi les seniors.

houssame-boinali-acharneAprès un passage par le CREPS de Saint-Denis (Réunion), Houssame Boinali est recruté à Sainte-Marie, en Régional 1, en tant que latéral droit. « Quand Abidi Massoundi m’a appelé pour un rassemblement de la sélection mahoraise en 2015, j’ai dit que j’étais attaquant, parce que j’étais meilleur buteur à Mayotte, raconte-t-il. Mais le manque de niveau sur l’île fait que ça s’est très mal passé, et j’ai dû passer au poste de latéral droit. » À Sainte-Marie, le joueur est en concurrence avec le capitaine de l’équipe, emblématique de la sélection réunionnaise. « Le coach était emmerdé, avoue Houssame Boinali. Mais rivaliser avec lui a été une bonne chose, cette concurrence saine m’a poussé. »

D’attaquant à latéral droit

Et sa détermination paie. En 2019, Abidi Massoundi le convoque une seconde fois pour les Jeux des Îles, à Maurice : « Il m’a demandé si je postulais en tant que latéral droit cette fois, et je lui ai répondu que oui, que j’avais déconné la dernière fois », plaisante le natif de Mtsangamouji. Ce dernier est nommé meilleur latéral droit du tournoi, sous les yeux de… Toifilou Maoulida, qui lui conseille de partir en métropole. « On se parle souvent, apprécie Houssame Boinali. C’est un exemple pour nous, un grand frère qui nous a montré la voie. »

À 23 ans, le Mahorais arrive dans le froid de Rumilly, près d’Annecy. Il postule au club local, dont les dirigeants ne peuvent lui promettre que la réserve. Après avoir fini premier aux tests physiques et quelques matchs en R3, il intègre l’équipe 1, en National 3. Lors de son premier match, il est sur le banc, l’équipe perd 2-0 contre Clermont et il reste 15 minutes à jouer. L’entraîneur le fait rentrer. Lancé sur son côté droit, il centre pour une passe décisive. Rumilly égalise à la fin de la partie. Ce « match charnière » pour Houssame n’est que le début, puisqu’il est titulaire indiscutable du GFA, qui finit champion de N3 et monte en N2, la quatrième division française. L’exploit du club, qui atteint les demi-finales de Coupe de France, vient couronner une saison plus que parfaite.

« À Mayotte, ça joue ! »

Désormais, entre la naissance de son petit garçon et une saison tronquée par le Covid, le latéral droit vise le maintien pour son club, mais aussi le niveau supérieur. « Notre victoire mi-novembre en Coupe contre Annecy, premiers de National 1, a été un match référence, qui m’a prouvé que j’avais le niveau pour aller plus haut », se félicite-t-il. En attendant de le voir affronter les cadors de Ligue 2 que sont Toulouse ou Auxerre, Houssame Boinali se mobilise pour son île natale, qu’il voudrait plus concernée au sujet des infrastructures sportives.

« Il y a des jeunes footballeurs et footballeuses qui ont vraiment beaucoup de talent, à Mayotte, ça joue ! », affirme-t-il. En visite cet automne, le joueur a pu apprécier la passion et la motivation des jeunes Mahorais, auxquels il n’adresse que des encouragements : « Il n’y a que le travail qui paie, il faut s’accrocher, ne pas se dire que parce que l’on est à Mayotte, ce n’est pas possible. Même en quittant l’île, ce n’est pas parce que tu es Mahorais que tu ne peux pas y arriver. L’hygiène de vie est primordiale. Il faut bien manger, boire de l’eau, ne pas fumer et éviter les mauvaises fréquentations. Se réunir avec de mauvaises personnes ne sert à rien, ça n’est qu’une perte de temps. »

Le joueur de N2 regrette néanmoins que les infrastructures et formations mahoraises ne soient pas au niveau des jeunes. « Il n’y a pas assez de moyens humains, d’éducateurs formés, déplore-t-il. Quand j’ai été dans mon village, j’ai vu que les jeunes étaient encadrés par les mêmes personnes que moi quand j’y étais ! Et ce sont des pères de famille qui ont un travail à côté, ils ne sont pas formés, n’ont pas la pédagogie nécessaire. C’est dommage. » Autre point négatif, les infrastructures, telles que les terrains. « La Ligue mahoraise de Football fait beaucoup d’efforts, qui ne sont pas suivis par l’État ou le département, affirme Houssame Boinali. Même les municipalités ne s’occupent pas de leurs terrains, c’est aux clubs de tracer les lignes ! C’est très grave à mon sens. » De son côté, Houssame continue de travailler : « Je te laisse, je vais courir mon 10 kilomètres », dit-il en raccrochant.

Parcours

1996 : Naissance à Mtsangamouji
2015 – 2019 : US Sainte-Marie (R1 RUN)
2019 : Meilleur latéral droit des Jeux des Îles
2019 : GFA Rumilly-Vallières (N3 puis N2)
2021 : demi-finaliste de Coupe de France

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