Ce lundi après-midi, la présentation du dernier ouvrage de Kira Bacar Adacolo intitulé « Essai d’évaluation de la départementalisation de Mayotte » est intervenue quelques minutes après le décès du sénateur honoraire Marcel Henry, l’un des artisans et défenseurs du statut départemental. Malgré la tristesse générale, les invités et l’auteur ont chacun apporté leur contribution lors de ce débat.
La voix tremblante, Kira Bacar Adacolo n’en revient toujours pas : « Nous ne pouvons commencer sans avoir une pensée pour Marcel Henry ! » Prêt à présenter son dernier ouvrage intitulé « Essai d’évaluation de la départementalisation de Mayotte », l’auteur apprend par téléphone le décès du sénateur honoraire, ardent défenseur du statut départemental. « La disparition d’un très grand homme », concède-t-il avec émoi. Une tristesse partagée par Charif Said Adinani, chargé de missions au Département, dont les souvenirs remontent rapidement à la surface. Un « leader », un « visionnaire », mais aussi et surtout une « lisibilité », une « clairvoyance »… Un hommage unanime marqué par une minute de silence « en mémoire de son combat pour Mayotte française ».
Un combat pour la départementalisation, approuvée par référendum le 29 mars 2009 et obtenue officiellement le 31 mars 2011. Dix ans plus tard, Kira Bacar Adacolo propose son bilan, comme l’a demandé le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, aux élus du territoire. « J’ai souhaité apporté ma contribution », précise le politiste et le publiciste spécialisé dans l’analyse des politiques publiques institutionnelles à destination de l’auditoire réuni ce lundi après-midi au sein de l’habitat traditionnel mahorais Nyumba Shandza au parc Mpweka Dinga à Passamaïnty. Au fil des chapitres, cinq idées majeures se démarquent : dresser des propositions sur l’évolution du statut sans le remettre en cause ; mettre en exergue les difficultés économiques et sociales ; relever l’enjeu démographique et celui du flux migratoire de masse qui déséquilibre l’île ; poser comme préalable la nécessité de réformer le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; apporter une note de clarification des compétences. « Je me suis replongé dans les rapports parlementaires sur les lois organiques de 2009 et de 2010. »
« Un acte unilatéral »
Mais c’est davantage son expérience professionnelle qui donne une légitimité à ses écrits. Exemple en 2008 lorsqu’il accompagne une délégation reçue par le président de l’époque, Nicolas Sarkozy. « J’ai eu le sentiment que le pacte de la départementalisation était un acte unilatéral. » Malgré « l’entrée en vigueur du code de l’urbanisme » ou « le passage en région ultrapériphérique », Kira Bacar Adacolo n’est pas spécialement tendre avec l’État. « Nous ne savons pas dans quel agrégat financier nous devons émerger… Nous sommes calqués sur un modèle départemental, mais où sont les fonds régionaux ? », s’interroge-t-il. « La carence en termes d’infrastructures doit être palliée ! Je reste persuadé que si nous supprimons les dix ronds-points entre Passamaïnty et Majicavo et que nous les remplaçons par des feux tricolores, nous réglerons les embouteillages. »
Un moyen à ses yeux de s’attaquer aux problèmes structurels et conjoncturels, tels que le chômage. En parallèle, l’ancien directeur général des services à la mairie de Tsingoni insiste sur l’importance de prendre en charge la jeunesse. « L’éducation et la formation sont primordiaux. Sinon dans dix ans, nous serons braqués par des pistolets comme à Bogota. » Même son de cloche pour le volet social. « La progression vers le droit commun est très lente. Nous devons rapidement nous aligner sur les standards nationaux. » Au grand dam des acteurs économiques…
« Ne plus subir l’égalitarisme »
Dans l’assemblée, Alain Sarment se montre lui aussi véhément à l’égard de l’administration française, « qui fait exprès de nous déstabiliser » et « qui fait preuve de mauvaise volonté ». En ligne de mire : les conséquences de l’immigration clandestine. « Il faut l’accepter et trouver une autre stratégie », martèle le conseiller départemental sur le canton de Bandraboua. « Nous avons besoin d’un plan Marshall qui permettrait de mettre les moyens sur la table et de simplifier les lois. Nous ne pouvons plus subir de plein fouet l’égalitarisme. »
Plus retenu dans ses propos, Mohamadi Mdjassiri souhaite principalement écouter le point de vue « subjectif » de l’auteur de « Légende d’un promontoire », paru en décembre 2020. Dans l’espoir de mieux comprendre « les défaillances » des années passées et de trouver des pistes face « aux retards » accumulés. « Je suis confiant par rapport à l’avenir de Mayotte », insiste toutefois Kira Bacar Adacolo. « Depuis 1958, beaucoup a été fait, même s’il reste du chemin à parcourir. » Comme pour saluer une dernière fois le combat et la mémoire de Marcel Henry.
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.