Ouvert depuis mars 2023, le lieu d’accueil de jour de la Croix Rouge est une maison à Mamoudzou qui accueille les personnes en situation de détresse et de vulnérabilité. Son but : offrir un instant pour se reposer et les faire sentir comme chez elle.
Ce mercredi 31 juillet, Farhiya se sert un café avant d’aller le boire à l’extérieur à la lisière de la forêt. C’est son rituel. Chaque matin, vers 8 h, elle vient au lieu d’accueil de jour (LAJ) de la Croix Rouge situé route de Vahibé à Passamaïnty. Agée de 39 ans, elle a fui la Somalie pour arriver à Mayotte en janvier 2024. Désormais reconnue comme réfugiée, elle est hébergée dans les locaux de Solidarité Mayotte à proximité.
« Quand les personnes viennent ici, c’est comme si elles sont à la maison », présente Rouzouna Ahmed Abdallah, responsable du service accueil orientation et veille sociale à la Croix Rouge. Ouvert en mars 2023, ce lieu d’accueil de jour est pensé comme une maison de l’entraide et du répit destiné aux personnes à la rue, en situation de détresse ou de vulnérabilité. Il ressemble d’ailleurs à une habitation, la forêt qui l’entoure lui donne un côté paisible et reposant. L’accueil y est inconditionnel sans critère d’admission si ce n’est l’absence de comportement violent. Dans la journée, la porte reste ouverte, une affiche à l’entrée invite à prendre « un encouragement, c’est gratuit », une étiquette à déchirer où il est écrit « Crois en toi, tu y arriveras ! » ou bien « ton but approche, ne lâche pas ».
« Prendre une douche, un thé, consulter ses mails »
Le lieu est convivial, un grand canapé attend les usagers, des étagères remplies de jeux de société, une bibliothèque avec des livres pour enfants, une autre pour adultes. « Beaucoup de mamans viennent ici, elles peuvent se reposer pendant que leurs enfants jouent tranquillement », glisse la responsable. Jusqu’à trente personnes peuvent venir à la fois. Comme chez soi, « ici les personnes peuvent prendre une douche, un thé, consulter leurs mails ou se renseigner sur les démarches de France Travail ».
A l’entrée du site, se trouve la Vesti Boutique de la Croix Rouge, un bungalow rempli de vêtements d’occasion mis à la disposition des usagers. « L’autre jour, une jeune fille est venue, elle portait les mêmes vêtements depuis une semaine, nous lui en avons donné en rechange qu’elle puisse mettre après sa douche », explique la responsable de la maison.
Le LAJ est l’endroit où Farhiya se rend « quand [elle] se sent stressée », il lui offre une respiration dans son quotidien semé d’embûches. « Je n’ai pas d’argent mais ici je peux prendre un thé alors je veux remercier les équipes du LAJ », raconte-t-elle reconnaissante. Elle a quitté la Somalie où elle perdu son mari et sa sœur tués par un groupe islamiste. Arrivée à Mayotte, elle a vécu au stade Cavani comme la majorité des migrants issus de la Corne de l’Afrique ou de l’Afrique des Grands Lacs. « Là-bas, nous n’avions pas de nourriture, nous ne dormions pas, il y avait beaucoup de violence », décrit-t-elle. Depuis qu’elle connaît le LAJ, elle s’y rend régulièrement, en plus de venir pour manger un morceau, elle y apprend aussi le français lors des ateliers organisés.
Quelques minutes plus tard, Vanessa arrive dans la maison avec ses deux jumeaux de 3 ans. Elle leur sert du pain et une boisson chaude. La famille également hébergée à Solidarité Mayotte vient au quotidien « pour manger et faire des lessives », explique la maman de 26 ans.
« On vient ici pour avoir un peu de nourriture »
« Nous n’avons pas assez à manger alors on vient ici pour avoir un peu de nourriture », évoque-t-elle. Le LAJ pallie également les manquements de l’État. La famille de Vanessa a quitté le sud du Kivu en République démocratique du Congo. Arrivée à Mayotte le 13 mai 2024, elle et ses enfants ont le statut de demandeurs d’asile. Mais à Mayotte, leurs droits sont limités par rapport à la métropole. Dans l’Hexagone, si aucune place d’hébergement ne lui est proposé alors le demandeur d’asile perçoit 14,20 euros par jour. « Tandis qu’à Mayotte, le demandeur d’asile reçoit 30 euros par mois et 10 euros par mois supplémentaire par enfant », indique Rouzouna Ahmed Abdallah. Des sommes largement insuffisantes pour subvenir aux besoins de première nécessité. Pour autant, malgré les difficultés et la faim qui se manifestent, il n’est pas question de retourner dans leur pays d’origine. « Là-bas, nous avons fui des menaces et des violences. Si on retourne dans notre pays, c’est la mort », raconte la Congolaise.
Les immigrés ne sont pas l’unique public du LAJ, ce lieu pallie aussi le manque d’hébergements d’urgence. « Il arrive que le 115 ne puisse pas répondre à toutes les demandes d’hébergement. Dans ce cas, les personnes peuvent être orientées chez nous », explique la responsable de la structure. Une solution partielle car les personnes peuvent profiter du lieu jusqu’à 15 h (heure de fermeture), tandis qu’aucune autre ne leur est apportée pour qu’ils passent la nuit à l’abri. De la même façon, des personnes qui ont des problèmes psychiatriques sont accueillies sur place. Le centre hospitalier de Mayotte (CHM) ne compte que dix lits dans son unité de psychiatrie, « toutes les personnes qui en ont besoin ne peuvent pas y être prises en charge », souligne Rouzouna Ahmed Abdallah.
Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.