Avec des taux de remplissage plutôt dans le vert pour les deux retenues collinaires, le syndicat des eaux aborde cette fin de saison sèche un peu plus serein que l’année dernière. Attention toutefois, car les capacités de production sont au maximum et les bons gestes restent indispensables pour préserver la ressource.
La même réunion un an plus tôt avait donné quelques sueurs froides. Ouf ! Cette fois-ci, il semblerait que Mayotte puisse peut-être échapper aux tours d’eau, avant l’arrivée salvatrice du kashkazi. C’est en substance le message qu’a fait passer le syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte (SMEAM), lors d’une réunion d’information avec les associations familiales et la presse vendredi, qui faisait suite au comité de pilotage lundi dernier. “La situation est plus favorable, mais il ne faut pas relâcher nos efforts”, met toutefois d’emblée en garde la vice-présidente en charge de l’eau potable Aminat Hariti.
Par rapport à la même période l’année dernière, les taux de remplissage de deux retenues collinaires affichent des niveaux nettement plus satisfaisants : 79,4% pour Combani (contre 72,6% en 2020) et 89,8% pour Dzoumogné (contre 61% en 2020). Le taux de remplissage à Combani frôle même les 92% si l’on exclut du calcul la réhausse, effectuée entre l’année dernière et cette année, et qui donne justement un peu plus de marge au territoire. En effet, ce sont – en partie – les travaux pour augmenter la capacité de stockage du bassin qui avaient conduit à maintenir un niveau relativement bas en 2020. Désormais opérationnelle, cette réhausse augmente de 250.000 mètres cubes le volume d’eau que peut recevoir la retenue de Combani. “Cela représente un mois d’approvisionnement pour la population, le mois qui nous avait manqué l’année dernière”, analyse Aminat Hariti.
L’autre bonne nouvelle ? Les prévisions de Météo France, qui laissent espérer un début des recharges à partir de mi-novembre, “sauf imprévu”. Le SMEAM estime donc possible d’assurer l’approvisionnement en eau potable pendant au moins toute la saison sèche et probablement jusqu’à la jonction avec la prochaine saison des pluies.
Gare aux bactéries !
Alors, tout roule ? Pas tout à fait. “Nous sommes sauvés en termes de ressources, mais pas nécessairement en termes de production”, avertit la directrice de la SMAE, Françoise Fournial. Si les deux retenues sont au maximum de leurs capacités, une inconnue demeure quant à la qualité de l’eau, et donc la capacité réelle de production. D’autant que ces grands bassins ne viennent pas sans contraintes. Avec l’eau stagnante vient ainsi le risque de prolifération de cyanobactéries – des micro-organismes qui peuvent modifier la couleur et la surface de l’eau – qui libèrent alors des cyanotoxines, un sujet sur lequel l’agence régionale de santé (ARS) veille au grain. “En termes de qualité, il n’est pas impossible qu’on ne puisse pas utiliser toute cette eau intégralement”, explique Christophe Riegel, le responsable de la cellule eaux d’alimentation de l’ARS.
L’économie d’eau reste indispensable
Sans compter que le retour des vacanciers entraînera inévitablement de nouveaux pics de consommation. “Nous aurons du mal à absorber les pointes, et ce sont tous les petits gestes du quotidien qui vont nous permettre de garder un service constant pour tous les usagers”, souligne Françoise Fournial. Les bons réflexes : installer les kits fournis l’année dernière, éviter de surconsommer en lavant sa voiture par exemple, vérifier son compteur en cas de soupçon de fuite et faire remonter toute anomalie constatée. Sans quoi les restrictions préfectorales ne tarderont pas à tomber… et le spectre des coupures pourrait bien pointer le bout de son nez.
Bien sûr, les fuites des particuliers ne sont pas les seules à surveiller. Et justement, le SMEAM assure avoir mis les bouchées doubles depuis l’année dernière, en lançant notamment une grande campagne de recherche de fuites sur le département, qui a permis de générer des économies de 500.000 mètres cubes jour de production.
De lourds investissements à mener
Quid de l’augmentation de la population, s’est alors enquise l’une des représentantes des associations familiales. Une étude commandée par la nouvelle équipe a montré l’important retard accusé par le syndicat en termes d’investissements, et un manque d’anticipation, concède sa vice-présidente. À moyen terme, quelques travaux sont d’ores et déjà dans les tuyaux : le forage de Mirereni, dont la livraison prévue fin octobre devrait apporter quelque 400 mètres cubes d’eau par jour ; celui de Kaweni La Jolie/Béja est attendu pour septembre, et la potabilisation de Kawé 2 est en phase de lancement de la maîtrise d’oeuvre. Malgré tout, “selon le schéma directeur, et les scenarii qui intègrent l’augmentation de la population, la situation sera en tension au moins jusqu’en 2025”, reconnaît Aminat Hariti.
Le SMEAM, lourdement endetté après des années d’une gestion calamiteuse, commence à peine à sortir la tête de l’eau, grâce notamment aux 15 millions d’euros octroyés par le conseil départemental. De quoi commencer à éponger une ardoise de 35 millions d’euros. “Des travaux sont faits avec l’AFD, nous avons aussi bénéficié du plan de convergence et du plan de relance, à hauteur de 11 millions d’euros”, liste ainsi Aminat Hariti. Des coups de pouce, qui, doublés d’une réduction de la voilure sur le train de vie des élus, permettent d’envisager un peu plus sereinement l’avenir. Et regagner la confiance des entreprises ?
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.