La Ligue de l’enseignement de Mayotte organisait, ce jeudi 13 octobre, au collège de Kwalé à Tsoundzou 1, une conférence-débat sur les enjeux de l’éducation à l’alimentation pendant les différents temps scolaires et périscolaires. Membre du groupe national du conseil national de l’alimentation (CNA) au titre de la Ligue de l’enseignement, Michel Le Jeune est intervenu pour insister sur l’importance de la qualité de la restauration collective des jeunes. Entretien.
Flash Infos : Le 101ème département accuse un retard prégnant en termes de restauration scolaire. Quel est votre premier constat sur ce point-là ?
Michel Le Jeune : J’ai rencontré la même problématique lorsque je travaillais en Guyane il y a 25 ans. Vous êtes en train de vivre en accéléré ce que la métropole a progressivement vécu en 50 ans. Par exemple, il y a des départements où nous avons connu la création du dernier restaurant scolaire en 1974… Il ne faut pas croire que cela s’est fait de manière majestueuse et rapide ! Cela a mis du temps à s’installer. Après, nous pouvons naturellement comprendre l’impatience des parents à Mayotte. Mais toutes ces infrastructures ne peuvent sortir de terre en un claquement de doigts.
FI : Une enquête menée en 2018-2019 par l’agence régionale de santé (ARS) de Mayotte sur les jeunes de 10-12 ans scolarisés en 6ème met en lumière les problèmes de poids chez cette tranche d’âge et fait le lien avec la consommation alimentaire et la situation sociale (voir Flash Infos n°5311 du lundi 3 octobre).
LJ. : Il faut relativiser la place de la restauration scolaire, sans pour autant la minimiser. Une année représente 140 déjeuners, ce qui équivaut à 12% de l’alimentation annuelle d’un enfant. Certes, ce n’est pas important en volume consommé, mais sur le plan éducatif, c’est énorme dans la mesure où l’école est quasiment le seul endroit où les élèves apprennent à manger ensemble, hors du domaine familial. Cela ouvre la réflexion sur ce qu’est une alimentation saine et équilibrée parce que nous préparons des futurs adultes qui seront des futurs parents et qui peut-être auront d’autres réflexes et habitudes ! Avec l’ensemble des partenaires, il faut nous projeter à long terme, penser à une approche globale et cohérente (temps scolaire, périscolaire, accueils de loisir), et ne pas nous focaliser sur un seul point si nous voulons éviter les dérives alimentaires, la malbouffe, l’obésité, etc.
FI : Quelles sont les alternatives possibles pour faire en sorte que les élèves puissent manger à leur faim, en attendant la construction des cuisines centrales et des réfectoires ?
LJ. : Il n’y a pas de solutions miracles. Il faut bien évidemment un investissement sans faille de tous les partenaires et des engagements financiers forts pour enclencher une dynamique et avancer au plus vite. Pour un certain nombre d’enfants, la collation est le fondamental du repas quotidien. Quand nous sommes venus l’an dernier, nous avons même vu de nos propres yeux des enfants la prendre et la ramener chez eux pour la donner à leur famille. Cela démontre bien que la précarité alimentaire est bel et bien présente à Mayotte ! Alors oui, elle existe aussi en métropole, notamment dans certains quartiers urbains et milieux ruraux, mais elle est moins exacerbée et dans des proportions bien moindres.
FI : Par quels moyens pouvez-vous faire pression pour que ce dossier devienne une priorité ?
LJ. : Il faut que les politiques prennent leur part de responsabilité et que les acteurs jouent le jeu. Nous, à la Ligue de l’enseignement, nous sommes là pour accompagner le développement des compétences. Ce n’est pas la peine de faire de belles cuisines tout neuves, si le personnel n’est pas formé et à la hauteur des enjeux. Et vice-versa. En résumé, alerter reste notre meilleur moyen de pression !