Avec son association Aquatic Nage Mayotte, Alain Baron tente tant bien que mal de démocratiser la pratique de la natation. Si des formations se mettent en place pour façonner les maîtres-nageurs de demain, les projets avancent au ralenti en raison d’un manque de volonté politique. Également coordinateur du comité départemental de la fédération française de sauvetage et de secourisme, il a pour mission de développer le sauvetage sportif côtier qui doit amener la construction de postes de secours et tendre vers une professionnalisation du milieu.
Flash Infos : Alors que l’apprentissage de la natation est une priorité de l’Éducation nationale, vous avez, comme vous l’aviez annoncé dans nos colonnes en février dernier, organisé des formations pour faire monter le territoire en compétences…
Alain Baron : Tout à fait, nous avons mis en place avec le comité départemental de la fédération française de sauvetage et de secourisme des formations en mai et juin : trois ont passé avec succès le brevet de surveillant de baignade (BSS) pour pouvoir exercer dans les accueils collectifs de mineurs et cinq ont réussi le brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique (BNSSA) pour travailler dans les milieux naturels avec accès non payant. Il y a quelques jours, nous avons répondu à un appel d’offre de la délégation régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (DRAJES) pour de la pré-formation au brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS) spécialisation activités aquatiques et natation (AAN).
D’ailleurs, nous avons pu promouvoir le BNSSA, qui a été soit dit en passant réalisé en mer pour se rapprocher au plus près de la réalité du terrain, lors de l’événement Défi Glisse (le dimanche 26 juin sur la plage du Faré en Petite-Terre), une épreuve de relais des championnats du monde de sauvetage côtier, en lien avec l’équipe de water-polo de Koropa.
FI : Selon vous, y-a-t-il eu une prise conscience de la part de la population sur l’importance du savoir nager ?
A.B. : Vous savez, nous ne pouvons développer le lagon et le tourisme sans la présence de professionnels, que ce soit dans le nautique ou l’aquatique… Raison pour laquelle, nous travaillons en étroite collaboration avec l’école maritime. Le fait de disposer de postes de secours sur les plages permet de protéger l’environnement, de sécuriser le public et de proposer des activités ludiques. Toute cette stratégie a pour conséquence de réduire le nombre de vols, mais aussi celui de noyés ! Grâce au comité départemental de la fédération française de sauvetage et de secourisme, nous avançons petit à petit, mais un long chemin reste à parcourir…
FI : Indépendamment de la formation et des infrastructures, la question de l’aménagement et de la sécurisation en mer se pose également. Quelles avancées avez-vous pu noter de ce côté-là ?
A.B. : La mairie de Dzaoudzi-Labattoir avait installé des bouées de chenal au Faré. Elles sont toutes été volées… Tant que les municipalités ne mettront pas en place une surveillance digne de ce nom et qu’elles ne prendront pas d’arrêtés municipaux, nous n’avancerons pas ! À partir du moment où il y a un poste de secours, nous pouvons faire appliquer la loi et éviter tous ces excès. Il faut qu’au moins un élu mette la main à la patte pour créer un effet boule de neige auprès de ses pairs. Cela ne pourra se régler qu’à force d’en parler, pas autrement.
FI : Vous avez également comme ambition de faire venir une piscine hors sol pour les scolaires. Où en est ce projet ?
A.B. : J’avais formé deux Mahorais au BNSSA à Dzaoudzi-Labattoir. Nous devions mettre en place une école de natation pour tous les enfants de Petite-Terre cet été. Malheureusement, encore une fois, cela bloque… Ce n’est pas une question de budget puisque la mairie a reçu les fonds, mais plutôt un problème humain : visiblement un projet porté par un Blanc avec un savoir ne passe pas auprès des agents mahorais ! Je m’en fous, je n’ai rien à perdre, je n’ai aucun intérêt personnel. Ce qui est vital aujourd’hui est que tous les jeunes sachent nager. Mon contact à la municipalité est parti se faire opérer en métropole. Depuis, tout tourne au ralenti alors que de nombreuses associations me sollicitent. Après six mois d’attente pour recevoir l’affiliation, huit mois pour ouvrir un compte bancaire et dix mois pour obtenir un crédit de 10.000 euros, le projet va enfin voir le jour !
FI : Comment appréhendez-vous la rentrée scolaire ?
A.B. : Les tests réalisés cette année sont mauvais… J’ai sillonné toutes les plages où le second degré intervient. Si nous continuons en ce sens, nous n’aurons pas de nageurs pour les Jeux des îles de l’océan Indien en 2027 ! Il faut savoir dire la vérité aux responsable, les chiffres parlent d’eux-mêmes : nous n’avons que 30% de réussite sur des activités de natation dans le 1er degré. Nous ne donnons pas les moyens aux enfants de s’en sortir. Il existe une mauvaise volonté de part et d’autre. Sans parler des conditions de travail des maîtres-nageurs qui sont soumis à plusieurs problématiques telles que l’hébergement, le transport, le salaire. J’ai tenté à maintes reprises de les évoquer, mais chacun tire la couverture sur soi. Il y a un manque criant d’humilité !