Le diagnostic socio-démographique, obligatoire pour les centres communaux d’action sociale (CCAS), a été restitué au conseil départemental de Mayotte, devant les acteurs de terrain, ce mercredi 9 octobre. Si certains chiffres sont connus, ils permettront de mettre en place actions et dispositifs, pour améliorer la vie communale des Mahorais. Même si certaines réalités sont difficilement quantifiables.
L’hémicycle Bamana s’est rempli petit à petit, ce mercredi matin. Autour de la table, sont réunis, des représentants de centres communales d’action sociale (CCAS), le président de l’Union départementale des associations familiales (Udaf) Nizary Ali, et sa directrice Enrafati Djihadi, le président de l’Union départementale des CCAS (UDCCAS) Salim Saïd, des partenaires sociaux ainsi que Henry Guéry, directeur au bureau d’études Compas. Le but, présenter l’analyse des besoins sociaux (ABS) à Mayotte, qui est un diagnostic socio-démographique que tout CCAS doit effectuer en début de mandature. Mais avec la crise sanitaire, puis les barrages et la crise de l’eau, l’ABS n’est dévoilé que ce mercredi 9 octobre. Onze* des 17 CCAS de l’île ont fait appel à Compas pour recueillir les attentes et besoins de la population mahoraise et des usagers des CCAS. Au total, 2.900 personnes ont été interrogées. Grâce à des questionnaires, leur profil, leur condition de vie, leurs demandes ont été passés au crible, autour de quatre thématiques : les recours aux CCAS, aux services sociaux ; le logement et la mobilité, l’emploi et les revenus ; et la santé. « On ne peut pas caler une politique publique si on ne connaît pas son environnement social », clarifie Salim Saïd, lors de l’ouverture de la réunion. Et l’échantillon utilisé de 2.900 personnes permet de dresser certaines tendances et d’en confirmer d’autres. Une large majorité de la population connaît les CCAS, mais seuls 30% les ont déjà sollicités.
Les demandes formulées sont claires : plus d’aire de jeux et de jardins publics dans leurs communes, ainsi que des parkings, des crèches… Concernant le volet logement et mobilité, 71 % vivent dans une maison en dur, mais de nombreux déclarent des problèmes d’insalubrité, de raccordement ou de loyers élevés, même si une moitié est propriétaire de son logement. Et surtout, près de 30% des personnes interrogées se disent insatisfaites de leurs logements. Et les difficultés à se déplacer sont aussi mises en évidence par les résultats. La moitié des sondés se déplacent en taxi, et 41% estiment pénible de se déplacer dans l’île en l’absence d’un véhicule personnel ou face au manque de transport en commun, mais aussi à cause d’un manque de moyens. Car 36% des personnes vivent dans un foyer sans revenus et 23% dans un foyer avec moins de 500 euros par mois. Une précarité qui touche particulièrement les familles avec enfants. Une situation qui se répercute aussi sur le volet santé, où 12% des femmes jugent leur état de santé mauvais ou très mauvais contre 10% des hommes alors que seuls 30% ont une mutuelle.
Des préconisations et pistes de réflexions
Ces réalités socio-économiques permettent d’imaginer des projets et des accompagnements pour améliorer les conditions de vie des habitants. Parmi les pistes proposées par Compas, des points conseils mis en place par les CCAS pour aider à budgétiser, travailler à l’amélioration des logements pour limiter les dépenses, développer des lieux d’accueil enfants-parents (LAEP) en allant au plus près des familles ou encore développer des espaces de jeux en famille… Le rapport a aussi pointé le problème connu des « non-recours », c’est-à-dire des personnes qui, par manque d’informations, ne se tournent pas vers les instances. Ou celles qui ne peuvent pas entamer les démarches, fautes de documents conservés ou en bon état (notamment dû à la chaleur). Là encore, les CCAS ont un rôle à jouer, et peuvent mettre en place des dispositifs, comme des coffres-forts numériques.
Mais comment trouver ces personnes, surtout quand « par pudeur, les Mahorais ne demandent pas d’aides et souffrent en silence », selon la directrice de l’Udaf. Car beaucoup tentent de comprendre seuls des démarches administratives longues et souvent en français, alors que seules 18% des personnes interrogées ont le français en langue maternelle. Si ces problématiques sont connues pour la plupart, même si désormais détaillées par des chiffres concerts, elles ne reflètent pas toutes les réalités pour autant. D’autres encore passent sous les radars. Et ne sont pas pris en compte dans les enquêtes de terrain. Parce que sans papier, parce que vivant dans des zones reculées. Il y a aussi les pratiques non encadrées, qui ne permettent pas d’avoir accès à certains droits et qui sont difficilement quantifiables, comme le travail au noir. Par exemple, le chiffre des 36% de personnes sondées, qui se déclarent sans revenu, peut refléter des travailleurs non déclarés, des emplois instables… « Ces chiffres sont intéressants, mais ils ne confrontent pas les réalités des systèmes officieux… », débat la directrice de la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, Nafissata Mouhoudoire.
Une réflexion partagée dans la salle. Le directeur de Compas rappelle que « ce qui est caché est par définition… secret et donc difficile à sonder ». L’intervenante précédente souligne également que mieux appréhender ces systèmes officieux, permettrait de mieux diriger les aides, surtout à l’heure où les budgets alloués s’amenuisent.
L’Udaf et l’UDCCAS font front commun
Ce rendez-vous dans l’hémicycle Bamana a été l’occasion pour Salim Saïd et Nizary Ali de signer une convention entre l’Udaf et l’UDCCAS afin d’encadrer leur collaboration, mutualiser les formations, les informations… « On travaille pour les mêmes publics, les familles. Pour fluidifier certains dispositifs, comme, les « chèques eau » », explicite Salim Saïd.
Fraîchement arrivée sur l’île, je suis journaliste à Mayotte Hebdo et Flash Infos. Passionnée par les actualités internationales et jeunesses, je suis touche-à-tout. Mon allure lente et maladroite à scooter vous permettra de me repérer aisément.