Un nouvel espace de vie pour mieux aborder la sexualité avec les Mahorais

Ouvert à la fin de l’année 2019, l’espace de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) de Kawéni a été inauguré le vendredi 24 septembre. Géré par l’association Mlézi Maoré, l’endroit a pour mission d’informer et d’accompagner la population sur les questions de sexualité, mais également en cas de violences conjugales et sexuelles.

Situé dans une ruelle près du collège K2 et du lycée des Lumières, l’espace de vie affective, relationnelle et sexuelle, piloté par l’association Mlézi Maoré, est bien caché du regard indiscret des curieux. Cette particularité est une volonté de la part des porteurs de ce projet. « S’implanter à Kaweni, dans une rue un peu isolée, permet de maintenir l’intimité. Mais en même temps, nous ne sommes pas loin des établissements scolaires et du tribunal. C’est vraiment un lieu où nous pouvons venir en toute discrétion », indique Dahalani M’houmadi, le directeur général de Mlézi Maoré. Et de la discrétion, il en faut quand on sait qu’il est encore difficile pour une grande partie des Mahorais de parler de sexualité en toute liberté…

Cet espace de vie a pour mission de changer la donne et se présente comme un endroit où chacun peut trouver une solution à son problème. Les professionnels présents accompagnent et informent sur la contraception, les grossesses précoces, l’égalité entre les femmes et les hommes, l’identité de genre et l’orientation sexuelle, le consentement, etc. Mais une problématique semble largement se démarquer des autres. « Nous nous retrouvons monopolisés par deux demandes : 90% de mes patients sont victimes de violences sexuelles, la plus jeune a 9 ans. Les 10% restants, c’est essentiellement des violences conjugales », précise Bastien Barzack, le psychologue de l’EVARS de Mlézi Maoré. Depuis son ouverture, la structure se fait connaître petit à petit.

En 2020, à cause du confinement seules 29 personnes ont pu être accompagnées ! En 2021, le chiffre a triplé : l’équipe de cet espace de vie a suivi 87 individus de janvier à septembre. « Notre enjeu est de rendre cet endroit accessible puisque l’idée est d’avoir des lieux ressource pour la population », explique Nassim Guy, la responsable du service prévention de l’agence régionale de santé de Mayotte. Et le lieu est ouvert à tous, à partir de l’âge de six ans. L’anonymat est maintenu pour tout le monde, y compris pour les mineurs, sauf en cas de danger qui nécessite un signalement.

S’adapter au contexte mahorais

Lorsque les plus courageux osent franchir la porte de l’EVARS, ils sont pris en charge par différents professionnels qui les accompagnent tout au long du processus. Psychologue, conseillère conjugale, assistante sociale… Tous doivent s’adapter au contexte mahorais. « Nous arrivons avec notre culture métropolitaine, nous avons ce fantasme de la consultation individuelle, de rendre autonome la personne, mais en fait le groupe prime sur l’individu à Mayotte », constate le psychologue. La présence d’une professionnelle qui parle shimaoré est également primordial. « Je connais aussi la culture mahoraise donc je sais comment m’adresser aux personnes qui viennent nous voir. Je sais que certaines choses peuvent être choquantes, alors j’en parle de manière différente », explique Tanlimi Attibou, la conseillère conjugale de l’EVARS.

En France, la réglementation indique qu’il doit y avoir au moins un EVARS par département. Mayotte en compte deux, l’autre étant géré par l’ACFAV (association pour la condition féminine et aide aux victimes), mais la question de l’accessibilité reste un frein sur le territoire puisque les deux sont situés dans la commune de Mamoudzou. Pour remédier à ce problème, l’agence régionale de santé est prête à mettre la main à la poche comme elle l’a fait pour les deux premiers. « Nous sommes là pour accompagner les porteurs de projets, nous espérons que demain cela fera des bébés », lance la responsable du service prévention de l’ARS de Mayotte. En attendant, l’équipe de l’EVARS de Mlézi Maoré n’hésite pas à aller vers les habitants. « Nous menons des permanences dans l’espace public, dans des écoles, au RSMA pour pouvoir être au plus près du public », souligne le directeur général de Mlézi Maoré. Ces actions collectives ont déjà touché plus 1.100 personnes depuis le début de l’année 2021.

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