Mutisme entre les grévistes et la direction de Bourbon Distribution Mayotte

Depuis le 20 juillet, un mouvement de grève paralyse l’activité de Bourbon Distribution Mayotte. Salariés en colère et direction se renvoient continuellement la balle. Et aujourd’hui, la situation semble au point mort, en raison de l’écart salarial trop important entre les deux parties. Saisie du dossier, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi confirme la complexité des négociations.

Jeudi dernier. Alors que les 135 grévistes de Bourbon Distribution Mayotte, passé récemment sous le fleuron du groupe Bernard Hayot, manifestent dans les rues de Mamoudzou pour exprimer leur colère, la direction publie en simultané un communiqué de presse pour appeler à l’apaisement et à la reprise du travail. Un nouvel affront s’installe alors entre les deux parties, synonyme d’un énième rebondissement dans ce conflit commencé le 20 juillet. « J’ai essayé de rester discret pour ne pas envenimer la situation. Je suis plutôt taiseux au niveau des médias », concède Marc Berlioz, le directeur de la société, dont le son de la voix n’inspire pas la plus grande loquacité… Une volte-face qui s’explique par le statut-quo au niveau des pourparlers entre les deux parties.

Et comme bien souvent, c’est la question de la revalorisation salariale qui fait grincer des dents. « La CGT est revenue sur un certain nombre de points et en a maintenus cinq. Le plus important d’entre eux est l’augmentation des salaires de l’ordre de 150 euros par mois. Puis elle a décidé de revoir sa copie et de descendre ses doléances à 70 euros. Mais la direction a campé sur ses positions, établies lors des négociations annuelles obligatoires, à savoir une hausse de 23 euros », résume Charles Maheke-Ngamaha, directeur adjoint du travail et responsable de l’unité de contrôle à la Dieccte, suite à la première réunion de médiation en date du 21 août.

Des demandes à plusieurs millions d’euros

Cette proposition, Anissa Hadhurami, déléguée syndicale à la CGT-Ma, la compare à du vol. « On nous traite comme des animaux », s’indigne-t-elle. De son côté, Marc Berlioz préfère jouer la carte de la transparence pour justifier son montant. « On est allés au maximum de ce que l’on pouvait présenter. Les demandes du préavis de grève se chiffrent à plusieurs millions d’euros. On ne peut pas se retrouver dans des situations qui ne nous permettraient pas de maintenir nos prix. L’entreprise ne serait pas viable ! » Un écart abyssal qui ne risque pas de se réduire en un claquement de doigts à la vue de la position ferme des uns et des autres… Sans compter les tensions qui règnent au sein de l’enseigne à en croire le directeur : réception d’œufs pourris, pneus crevés ! « Il y a même eu un incendie criminel [il y a une dizaine de jours] dans notre entrepôt, qui est une installation classée pour la protection de l’environnement. Si celui-ci avait abouti, toute la zone Nel serait partie en fumée. » Des balivernes pour la représentante du personnel qui s’emporte à l’idée d’être pointée du doigt face à de telles accusations. « On n’a rien à avoir avec ça ! On n’est pas aux Comores, on est dans un État droit. »

Deuxième réunion de médiation avortée

Autre sujet de discorde ? Les entraves à l’encontre des salariés non-grévistes et des clients. « On distribuait des tracts pour sensibiliser la clientèle à notre mouvement », défend Anissa Hadhurami. Tandis que celles-ci avaient cessé, elles seraient à l’origine du report d’une seconde réunion avec la Dieccte prévue ce mardi matin, qui devait aboutir à l’annonce d’un avantage en nature étalé sur plusieurs mois. « On attendait ça aujourd’hui, mais la direction avait posé des préalables pour reprendre les discussions, à savoir que les syndicats arrêtent les blocages des sites. Voyant des caisses de Jumbo remplies de marchandises et la poursuite de ces derniers, elle a décidé de ne pas négocier sous la contrainte », relate Charles Maheke-Ngamaha, précisant au passage le déplacement de quatre membres du comité social et économique de l’entreprise, qui ont confirmé leur présence sur les lieux en question dans le seul but de dénoncer les recours à la sous-traitance. « Notre directeur, un dictateur qui se comporte comme un gamin, a recours aux intérimaires pour nous remplacer et étouffer le mouvement. » Un obstacle au bon fonctionnement de BDM difficilement vérifiable sans la présence d’un huissier sur place.

En se tirant dans les pattes avec une telle férocité depuis maintenant plus d’un mois, il apparaît compliqué d’envisager un terrain d’entente entre la hiérarchie et le syndicat. Si Marc Berlioz assure que « le dialogue reste ouvert », Anissa Hadhurami se montre quant à elle beaucoup plus catégorique dans ses propos. « On ne veut pas le voir, qu’on nous envoie quelqu’un d’autre. La lutte continue, on ne va rien lâcher ! ». Aujourd’hui, tout semble reposer sur les épaules du médiateur de la Dieccte pour faciliter la sortie de ce bras de fer.

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