Mayotte remporte le record démographique de France

Le chiffre tant attendu du recensement de la population est tombé hier matin : en septembre 2017, l’île comptabilisait 256 518 habitants, selon l’Insee. Un résultat en deçà des estimations officieuses qui circulent, mais qui cache deux réalités bien tangibles : Mayotte est le département de France ayant la plus forte croissance démographique et le plus densément peuplé (hors Ile-de-France).

 » Pour ne pas retomber sur un cycle de contestations perpétuelles » et prouver le « bien-fondé de nos résultats », soit 256 500 habitants en 2017, le chef du service régional de l’Insee Mayotte, Jamel Mekkaoui, a joué la transparence jeudi, à l’occasion de la conférence de presse présentant les chiffres très attendus du dernier recensement de la population. Dans cette optique, il a longuement étayé la méthodologie de l’Insee pour récolter les précieuses données. Ce travail, qui a duré près de deux ans sur le terrain et coûté 1,3 million d’euros, s’est déroulé en plusieurs phases : de multiples réunions avec les maires et une enquête cartographique ont permis d’établir une géographie liminaire des habitats, « bangas » compris, puis les 530 agents recenseurs, bilingues et originaires des villages qu’ils couvraient, ont collecté les données, appuyés par 8 superviseurs dépêchés de métropole qui sont restés sur le territoire entre 1 et 6 mois.

« Les agents ont couvert tous les logements »

Après la collecte, une phase de contrôle des bulletins, corrélée à des revisites de terrain a encore affiné les résultats. « Nous avons déployé des moyens qui sont supérieurs à ceux déployés en national », se félicite Jamel Mekkaoui qui décrit « une démarche très complète » qui, si elle se déroule sous l’égide de l’Insee, est le fruit d’un partenariat serré avec les communes. A ce titre, Jamel Mekkaoui rappelle que « s’il y a contestation, c’est autant nous que les maires qui sont concernés (…) C’est un peu leurs chiffres à eux aussi ». Tentant de couper court à toute remarque ultérieure sur l’exhaustivité du recensement et la fiabilité du chiffre final, le chef du service régional a fermement déclaré : « Les agents ont couvert tous les logements », précisant que les habitations n’ayant pu faire l’objet d’un recensement – 1500 logements soit 2,4% de l’ensemble des résidences principales (en métropole, ce chiffre est plus important, de l’ordre de 3,6%) – avaient tout de même été intégrées dans le chiffre final. Pour ce faire, les agents se sont enquis auprès des voisins du nombre de personnes résidant dans lesdits logements; ou, en l’absence d’informations, y ont affecté le nombre moyen de personnes par foyer à Mayotte, c’est-à-dire 4.

Réfutant l’idée selon laquelle une partie substantielle des résidents – notamment ceux en situation irrégulière – refuserait de se faire recenser, Jamel Mekkaoui a loué « la population de Mayotte, plus joignable, plus acceptante qu’en métropole ». « Ce n’est pas dans les bangas que c’est le plus difficile », poursuit le responsable, évoquant les immeubles métropolitains aux multiples codes ou encore les wazungus de Mayotte qui n’osent pas ouvrir leur porte ou qui, « plus souvent en emploi », sont absents dans la journée. « La question [de l’immigration clandestine] n’est pas aussi taboue qu’on le pense : lors de l’enquête ‘Migrations, natalité et solidarités familiales, la moitié des personnes étrangères majeures nous avaient dit être en situation irrégulière (…) elles le voient comme une opportunité de se régulariser », complète Jamel Mekkaoui. Conscients que le chiffre annoncé hier allait de toute façon faire l’objet de contestations multiples, le directeur régional de l’Insee, Aurélien Daubaire, et le chef du service de Mayotte, Jamel Mekkaoui, se sont toutefois déclarés « globalement très satisfaits » de la finesse du résultat obtenu. Si « un chiffre statistique n’est jamais sûr à l’unité près », reconnaît Aurélien Daubaire, « [celui du recensement de la population de Mayotte] est de bonne qualité (…) et il n’y a pas de raison de penser [qu’il] est sous-estimé ou surestimé ». « On essaie d’être le plus transparents et collaboratifs possible pour lutter contre ces fantasmes », renchérit Jamel Mekkaoui, évoquant les chiffres officieux circulant sur la population de Mayotte, qui se chiffrerait entre 300 000 et 500 000 personnes. Reprenant l’argument phare consistant à établir un parallèle entre la consommation de riz et le nombre de personnes résidant sur l’île, Jamel Mekkaoui explique s’être penché sur le cas et avoir comparé en 2012 le nombre de kilos de riz écoulés par an et le chiffre officiel de la population à l’époque. Les 84 kg par personne et par an ainsi calculés sont cohérents, notamment par rapport à la consommation des îles voisines : 79 kg par personne et par an aux Comores et 111 kg à Madagascar. Le chef du service régional de l’Insee Mayotte a également déboulonné une idée reçue : « Si on regarde les fichiers fiscaux, on est moins de 220 000 habitants ». Dernier argument coup de poing : si 400 000 ou 500 000 personnes vivaient à Mayotte, l’exiguïté de l’île ferait qu’on atteindrait des « densités qui approchent celles des territoires asiatiques ».

« Pourquoi se ‘sent-on’ si nombreux alors? » « Pourquoi se ‘sent-on’ si nombreux alors? », interroge Jamel Mekkaoui. Tout simplement, selon le responsable, parce que la croissance démographique est « notable » à Mayotte : c’est la plus forte de France avec + 3,8% par an en moyenne, devant la Guyane (+2,4%) et même devant les Comores et Madagascar. En d’autres termes, Mayotte a accueilli 8 800 habitants supplémentaires par an en moyenne depuis 2012, une croissance qui s’accélère ces cinq dernières années puisqu’entre 2007 et 2012, la population n’augmentait « que » de 5200 personnes par an. « On renoue avec des croissances de population qu’on n’a plus connues depuis les années 90 », affirment les responsables de l’Insee qui, prudents, n’avancent aucune explication, restant « descriptifs ». Autre facteur pouvant expliquer cette impression de surpopulation : la densité. Mayotte détient un autre record puisque c’est le département le plus densément peuplé de France (hors Ile-de- France), avec 690 habitants au km², quand le Rhône, département de province le plus peuplé, n’affiche « que » 555 habitants au km². Cette densité est très hétérogène puisque Petite-Terre, par exemple, concentre 2700 habitants au km², une densité « vraiment impressionnante » selon Jamel Mekkaoui, proche de celle que l’on trouve au niveau de la Grande couronne de Paris. Cette densité est d’autant plus étonnante que contrairement à l’Ile-de-France, le territoire connaît peu de constructions en hauteur. Enfin, dernière donnée importante : la moitié de la population se concentre uniquement dans trois communes, Mamoudzou, Koungou et Dzaoudzi, ce qui, encore une fois, pourrait expliquer cette sensation d’étouffement. Le chiffre officiel de la population sera authentifié par décret au 1er janvier 2018 et permettra de définir les politiques publiques nationales, les dotations globales de fonctionnement des communes, le dimensionnement des équipements publics, le nombre d’élus dans les conseils municipaux, etc. En outre, l’Insee devrait révéler durant l’année prochaine d’autres résultats statistiques, notamment sur la composition de la population mahoraise et son habitat.

 

 

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