L’association Mlezi Maore a organisé, ce jeudi 31 août, une rencontre littéraire au sein de la bibliothèque municipale de Cavani, pour fêter la sortie du livre-photos Mama Mlezi. Au programme de cette matinée, la présentation du livre avec des interventions de spécialistes et des échanges avec le public. Cet événement était l’occasion de débattre autour de grandes thématiques de société en lien avec la place de la femme à Mayotte.
Le son des m’biwi résonnent avec frénésie, l’ambiance est bon enfant et tous les invités sont heureux d’assister à cet événement très spécial pour la sortie du livre-photos Mama Mlezi. Placée sous le thème de la femme mahoraise, cette rencontre s’est déroulée au sein de la bibliothèque municipale de Cavani, ce jeudi. Sociologues, directeurs d’associations, acteurs du social, lycéens ou simples intéressés… tous ont écouté avec attention les échanges qui ont duré toute la matinée.
Un livre haut en couleur
Il suffit de feuilleter le livre Mama Mlezi pour comprendre que le travail du photographe Jean-Louis Saiz était minutieux. Des dizaines de photos de femmes mahoraises de tout âge composent ce livre haut en couleur et en sourires. « Derrière le travail artistique, il a fallu discuter, approcher et prendre en compte l’histoire de celles qui ont été prises en photo et la question du droit à l’image est centrale », a expliqué Jean-Louis Saiz, présent en visioconférence. Cette question du droit à l’image était justement le thème d’une des deux grandes questions qui ont rythmé l’événement ; « La place de la femme et le droit de disposer de son image ». Taslima Soulaimana, directrice de la direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité (DRDFE) était le grand témoin de cet événement.
Plusieurs interventions se sont enchaînées en l’espace de quelques heures, comme celle d’Abdallah Combo, sociologue mahorais. Il est revenu sur la récente polémique autour d’une jeune femme arrêtée à Aurillac pour avoir marché seins nus dans la rue. « Il y a une grande réflexion à avoir sur le fait de disposer de son corps, d’autant plus en tant que femme (…) Encore aujourd’hui à Mayotte, les mères contrôlent le corps de leurs filles par rapport à leurs relations amoureuses… ça interroge cette question de l’image et de la place de la femme », a-t-il expliqué à l’audience majoritairement composée de jeunes lycéennes. Ces dernières ont d’ailleurs activement participé aux échanges et sont revenues à plusieurs reprises sur le principe de publier des images sur les réseaux sociaux. « Pour moi, ce ne sont pas les réseaux sociaux le problème, mais l’utilisateur qui les poste », a expliqué une élève de terminale, assise au fond de la salle. D’autres jeunes ont rebondi sur cette affirmation, afin de faire part de leur avis parfois contradictoire – le tout dans une ambiance bienveillante. Djemilah Hassani, membre de l’association Femmes d’Avenir, a conclu cet échange sur l’importance de « se demander ce que l’on veut mettre sur les réseaux sociaux comme c’est le cas pour Mayotte par exemple. Je m’adresse aux jeunes et je veux leur dire qu’il faut travailler avec l’image comme on doit le faire pour valoriser Mayotte ».
Entre traditions et injonctions
Mayotte était au cœur de tous les débats et plus spécifiquement, les traditions qui parfois déroutent ou questionnent la jeune génération. La deuxième partie de la matinée était placée sous le thème « La place de la femme dans la société mahoraise entre émancipation, libertés et pression sociale ». Une jeune femme membre de l’association Haki Za Wanatsa a ouvert la discussion, « La femme mahoraise vit avec des injonctions à travers lesquelles elle doit s’accomplir ». Elle a insisté sur le fossé existant entre l’Hexagone et Mayotte pour les femmes. « La femme mahoraise a le poids de toute une famille et se retrouve souvent livrée à elle-même (…) 27% des femmes mahoraises ont un emploi ici contre 63% en métropole et on ne voit toujours aucune femme maire d’une des 17 communes de Mayotte ». Ce à quoi a réagi Nadia Djoumoi, directrice de la mission locale de Mayotte, « ce qui retient les femmes c’est la question de la charge mentale et ce n’est pas une nouvelle maladie occidentale (…). Lorsqu’une jeune femme arrive en mission locale, les premières questions sont en lien avec sa famille… des questions auxquelles les hommes n’ont, eux, pas à répondre ». Les échanges se sont poursuivis avec plusieurs femmes faisant part de leur expérience personnelle en tant que mère, épouse ou simple adolescente en construction. Toutes étaient émues et fières de participer à ce moment de partage. Taslima Soulaimana a, elle, clôturé son discours à travers la notion d’émancipation, « c’est à chacun de nous de prendre conscience des injonctions imposées aux femmes et de faire en sorte que les foyers changent. Il faut que les femmes s’émancipent ! ».
La rencontre s’est clôturée avec les mots de Hughes Makengo, directeur général de Mlezi Maore, « ce livre c’est l’histoire d’un homme qui consacre son travail aux femmes ». Ce à quoi le sous-préfet de Mayotte, Cédric Kari-Herkner, a ajouté, « ce livre est l’image de ce qui peut et doit être amélioré à Mayotte, cette nouvelle génération de femmes ne connaîtra pas le même avenir que leur mère (…) La femme à Mayotte, comme ailleurs, est l’avenir de l’homme ! ».