Avec la saison des pluies s’accumulent les infiltrations d’eau dans les logements mahorais, qui manquent bien souvent aux normes de construction en vigueur. Les risques de moisissures et d’incidents électriques se démultiplient alors, sans que les gestionnaires ne s’en préoccupent cependant. C’est le cas d’Aïda* et de ses enfants, en danger à chaque fois qu’il pleut.
Son fils s’est fait électriser en allumant la lumière, et a failli mourir d’une crise d’asthme due à l’humidité. Voilà les pires étapes du calvaire d’Aïda, locataire d’un appartement SIM (Société immobilière de Mayotte) dans la commune de Mamoudzou. Voilà deux ans qu’elle vit là, dans un logement qui aurait tout de charmant si le plafond ne s’émiettait pas à chaque épisode de pluie. Et, en plein kashkazi, autant dire que le quotidien n’est pas de tout repos, comme le rappelle Nizar Assani Hanaffi, président d’Action Logement à Mayotte : « La saison des pluies est assez compliquée pour les Mahorais dans leur habitation. Le logement mahorais est souvent le produit de l’autoconstruction, peu de normes sont suivies. Il subit donc les intempéries, du fait de l’insalubrité ». Les bâtiments publics ne sont pas épargnés : les bureaux de la Cadema étaient impraticables l’année dernière, la mairie de Pamandzi, inondée, a fermé en janvier, et certaines pièces du Centre hospitalier de Mayotte ont également été victimes des eaux.
« Maman, j’ai senti du courant dans mes doigts »
Mais ce sont bien les particuliers qui vivent les situations les plus critiques. Chez Aïda, en saison des pluies, la rigueur est de mise. Devant sa douche, un pan entier du plafond tombe morceau par morceau, laissant l’eau s’écouler dans la bassine placée là par la mère de deux enfants, mais aussi le long du mur, jusqu’à tomber directement sur l’interrupteur de la salle de bain. Il y a quelques jours, son fils s’est électrifié en tentant d’allumer la lumière. « La dernière fois, j’ai entendu mon fils crier, donc je lui demandé ce qu’il se passait, témoigne-t-elle. Il m’a dit « Maman, j’ai senti du courant dans mes doigts ». Ce jour-là, on a été obligés de prendre un balai pour allumer la lumière, ce n’est pas normal ! » Autre problème, de taille : les difficultés respiratoires de son fils, qu’elle a bien failli perdre. « J’en ai ras-le-bol, se désespère Aïda. Mon fils est asthmatique, l’humidité est vraiment dangereuse pour lui. Un soir, j’ai été obligée d’appeler le SAMU, qui a contacté le CHM pour qu’il soit pris en urgence. Là-bas, on m’a dit que j’avais eu de la chance de venir à temps ! » Le personnel soignant a en effet dû administrer une centaine de bouffées de ventoline au jeune garçon, qui continue néanmoins de souffrir à chaque ondée.
Se sentant concerné par la situation, un voisin alerte même la SIM pour mise en danger. Interrogé sur les dégâts des eaux provoqués par la saison des pluies, Ahmed Ali Mondroha, directeur de la Société immobilière de Mayotte, affirme que ses équipes « essaient d’intervenir » en cas de sinistre. « De toute façon on n’a pas le choix », ajoute-t-il. Et pourtant. « J’ai envoyé des mails, des courriers en recommandé avec accusé de réception, expliquant la situation, enrage Aïda. Ils n’ont jamais envoyé qui que ce soit. Je leur ai demandé de me trouver un autre logement, même plus petit, ça n’a jamais été fait. Ils se foutent vraiment de moi. J’ai fait des vidéos. On m’a dit « Madame, on est au courant de votre situation mais on n’a pas de solution ». »
La SIM également débordée
La locataire, éligible aux logements sociaux, a même submergé de demandes la société lorsque celle-ci construisait de nouvelles résidences près du stade de Cavani. « Du jour au lendemain, tous les bâtiments étaient occupés, déclare-t-elle. On m’a dit qu’ils étaient réservés ! J’occupe un de leurs logements et je suis en difficulté, je suppose que je suis prioritaire, non ? » L’incompréhension est totale chez la mère de famille, qui est épuisée de ces déboires : « Ils me laissent pourrir ici avec mes enfants ». Si Olivier Gauttron, directeur du patrimoine et de la gestion locative au sein de la SIM, pondère en abordant les difficultés de gestion causées par les copropriétés, le lot d’appartements dans lequel réside Aïda n’en est pas une. « C’est sûr, on a quelques trous dans la raquette », avoue-t-il néanmoins, conscient que la société immobilière ne peut faire face à toutes les demandes.
« Les remplacements de toitures sont compris dans nos investissements, explique-t-il. On essaie d’anticiper, ce qui n’est pas toujours facile, car certaines toitures se dégradent beaucoup plus vite que prévu. Ça perturbe les prévisions, et modifie la programmation de travaux. » Les équipes de la SIM vient ainsi au gré des urgences, courant après les délais, laissant les locataires dans l’attente, voire dans la détresse. « Pour les infiltrations dans les toitures, nous avons des contrats de travaux avec des artisans de Mayotte, et nous pouvons envoyer un couvreur en urgence, en attendant que l’on remplace la toiture, continue Olivier Gauttron. Aïda, quant à elle, attend depuis deux ans cette intervention d’urgence. Comme tant d’autres Mahorais, « trous dans la raquette » vivant au quotidien avec des trous dans les murs ou les plafonds.
*Le prénom a été modifié.
« Ils me laissent pourrir ici avec mes enfants »