« Les filles sont tiraillées entre les valeurs de la République et la tradition mahoraise »

Mardi 19 novembre, avait lieu la dernière date à Mayotte de la pièce « Elles avant nous » au lycée de Dembéni. Un spectacle qui remet en question les injonctions qui pèsent sur les femmes dans la société mahoraise et invite à tracer sa propre voie. Une représentation qui n’a pas laissé les adolescents indifférents.

Un désir de liberté qui se heurte à la pression de la société. C’est ce que raconte « Elles avant nous », une pièce qui explore l’identité féminine de Mayotte entre traditions, histoires et modernité. Ce mardi 19 novembre, celle-ci était jouée au lycée de Dembéni devant les deux classes de bac sciences et technologies de la santé et du social (ST2S). A travers la retranscription de véritables témoignages recueillis par Leyla-Claire Rabih, on y découvre plusieurs femmes pétillantes* qui abordent les injonctions qu’elles subissent dans la société mahoraise actuelle (religion, mariage, polygamie). « J’ai un travail, un master, mais quand je suis rentrée vivre à Mayotte, la pression du mariage était devenue trop forte », confie l’une d’elle. Le dilemme de vivre avec à la fois une éducation mahoraise et française est explorée. « Je suis habillée à l’occidentale et j’ai mon foulard sur la tête. J’ai les deux cultures sur moi », revendique un autre personnage.

« Ce qui est évoqué, les filles le vivent dans leur quartier »

Brigitte Populus, professeur de sciences médico-sociales, a souhaité montrer ce spectacle à ses élèves. « Dans cette filière, les classes sont à majorité féminines. Ce qui est évoqué, les filles le vivent dans leur quartier, elles sont tiraillées entre les valeurs de la République et la tradition mahoraise », observe-t-elle. Elle a choisi d’organiser une représentation pour les terminales, « parce que c’est un moment charnière de leur vie ».

Les jeunes se sont visiblement reconnus à travers les témoignages de femmes. A peine la représentation terminée, les comédiennes ont été ovationnées. « On a adoré », lâche Sharafynah Soilihi. « Ça rappelle que nous ne sommes pas obligés d’emprunter le même chemin que nos parents, nous pouvons choisir. » L’un des autres messages qu’elle retient « le fait que les garçons peuvent aider les filles à la maison ». Les questions soulevées par les comédiennes résonnent chez les adolescents. « C’est vrai

que les garçons sont autorisés à avoir un banga à l’adolescence pour faire des choses intimes alors que pour les filles il n’est pas question de parler de ça, c’est tabou », note Youssouf Chami Moustafa Chami. Raandati Thari se souvient d’une de ses camarades qui « sortait avec un garçon et qui a dû se marier rapidement pour atténuer les rumeurs des voisins ».

Une fois le baccalauréat en poche, ces trois jeunes ont envie d’aller étudier en dehors de Mayotte « pour se détacher de la pression familiale, avoir son propre appartement et se sentir plus libre », souligne Sharafynah Soilihi.

* incarnées par les interprètes Anzmat Ahmadi, Anturia Soilihi et Nawoile Saïd Moulidi.

Une création hors les murs

Cette pièce a été programmée par le pôle culturel de Chirongui qui organise aussi des représentations hors les murs comme cela a été le cas pour cette pièce de théâtre. La représentation au lycée a été financée par la part collective du Pass Culture et par la direction des affaires culturelles

Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.

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