Journée mondiale de la presse aux Comores : les journalistes réclament la fin des intimidations

Malgré une place gagnée dans le dernier classement annuel de Reporters sans frontières, le pays reste un mauvais élève en matière de liberté de la presse. Même s’ils  sont mieux lotis que leurs confrères de certains pays sur certains aspects, mais les journalistes comoriens sont toujours confrontés à de nombreux défis comme les menaces ou encore les censures.

Comme chaque 3 mai, le monde célèbre la journée internationale de la presse. A Moroni, l’évènement a été décalé d’une journée en raison de l’aïd El-fitr et s’est tenu hier mercredi, à la place de l’indépendance, en présence des journalistes comoriens. L’occasion pour ces derniers de découvrir officiellement les visages des membres du nouveau bureau du syndicat national des journalistes des Comores (Snjc), dont l’élection a eu lieu vendredi dernier. C’est donc sous le thème  « le  journalisme sous l’emprise du numérique » que la présidente du syndicat a prononcé le traditionnel discours devant ses confrères ayant fait le déplacement. Bien que la thématique retenue par les Nations Unies diffère un peu de la réalité locale ( aucun journaliste n’a pour le moment été espionné ou piraté), mais l’apparition au cours de ces dernières années de médias sociaux , très prisés par la population ne peut être ignorée estime, Faïza Soulé Youssouf, la toute nouvelle patronne du Snjc.  » Aucune étude nous permettant de connaître la genèse de ce phénomène, mais je ne suis pas loin de penser la fermeture complètement illégale de la radio La baraka Fm qui en est au moins partiellement la cause. Avoir un média sur les réseaux sociaux est un moyen de contourner la censure de l’État« , croit savoir l’ancienne rédactrice en cheffe du quotidien de service public, Al-Watwan.

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Censure dans les médias traditionnels

La Baraka Fm fut la  radio du très célèbre journaliste Abdallah Agwa [ condamné à 4 ans de prison pour atteinte à la sécurité publique]. Pendant plus de trois ans, celle-ci s’était taillée une place dans l’espace médiatique du pays grâce à ses émissions politiques surtout. Mais en 2017, soit un an après l’arrivée au pouvoir d’Azali Assoumani, la radio a été fermée. Une descente aux enfers qui a commencé par l’arrestation puis  la condamnation du directeur, Abdallah Agwa lui-même. Avant que le ministère de l’Intérieur de l’époque, par l’entremise du préfet de la région d’Itsandra n’autorise la signature d’une note  interdisant l’émission de la station. Un acte qui a servi de déclic dans l’ouverture des radios en ligne. Depuis, les médias sociaux se sont propagés comme des champignons. L’éclosion de ceux-ci a certes favorisé la liberté de la presse, mais dans les médias traditionnels, la censure est toujours présenté.  » Nous sommes tous les jours confrontés à ce problème. En écrivant l’article, on se pose des questions si nous ne serons pas censurés par nos propres rédactions, le plus souvent, on préfère s’autocensurer« , témoigne, Andjouza Abouheir, journaliste du quotidien indépendant La Gazette des Comores. Si ce n’est pas le média qui censure, lui-même, l’ordre peut venir d’en haut.  » Dans les médias de l’Etat, parfois si la présidence ou la mouvance présidentielle n’a pas apprécié un reportage  diffusé, on ne se gêne pas de passer un coup de téléphone au chef. Ce dernier va surement faire passer le message jusqu’au journaliste. Évidemment la prochaine fois, le reporter hésitera  à traiter l’information comme il l’aurait souhaité », déplore, Anziza M’changama, correspondante de Rfi.

Des pressions, délit de presse

Ces pressions ne sont pas sans impacts dans l’exercice du métier comme l’a souligné, la présidente du Syndicat des journalistes.  » Le climat aux Comores est particulièrement délétère pour les professionnels des médias. Il y a beaucoup de censure, pire de l’autocensure. Les licenciements ne respectent aucune procédure. Et il n’y a pas plus facile, que de bouffer du journaliste« , dénonce Faïza Soulé, par ailleurs correspondante de Mayotte la 1ère depuis Moroni. Pour  cette dernière qui déjà été la cible de menaces émanant de l’ex ministre de l’Intérieur, il est temps que les intimidations, les arrestations tout comme les licenciements visant les journalistes  cessent . Un  appel soutenu par son collègue, Nassila Ben Ali.  » Certains responsables peinent à comprendre qu’un journaliste doit être libre pour relater ce qu’il a vu« , regrette cet ancien rédacteur en chef d’Al-watwan qui demande la fin des arrestations des hommes de médias. « Si un journaliste dérape, on le rappelle à l’ordre mais on ne l’emprisonne pas« , insistera Nassila. Certes en 2022, la presse comorienne n’a enregistré aucune détention d’un professionnel, mais les velléités existent et personne ne saurait dire combien d’arrestations il y a eu en 2021, année où le pays a perdu 9 places dans le classement de RSF.  » Tant que les Comores n’adopteront pas la dépénalisation des délits de presse, le pays sera non seulement infraction par rapport à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, nos journalistes seront toujours sous la coupe des autorités exécutives de pays« , insistera, Me Abdoulabstoi Moudjahidi. On se rappelle des propos tenus par Kamalidini Souef, actuel argentier de l’Etat, lequel avait vanté les services de ses hommes de main, prêts à s’en prendre aux journalistes. Andjouza Abouheir, récemment élue vice-présidente du Snjc elle se remémore encore des intimations, les menaces de plaintes qu’elle a reçues pour des articles écrits pendant la pandémie du covid. Mais, pour faire bloc contre ces actes, la journaliste invite ses confrères à adhérer en masse au syndicat, qui réclame plus de protection et de sécurité de la part des autorités et des forces de l’ordre, lesquelles ne se gênent pas à un moment de molester les hommes de la presse pendant les manifestations.

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