Des centaines de femmes aux tenues colorées et d’hommes ont afflué, ce dimanche 27 octobre, sur la place du congrès à Pamandzi. Personnalités politiques ou simples citoyens, ils sont venus rendre hommage à l’occasion d’un maoulida shengué à Zéna Mdéré (décédée il y a 25 ans) et ses camarades pour avoir combattu en faveur d’un meilleur destin pour les générations successives de Mahoraises et Mahorais au sein de la République française. Témoignages.
Saïd Mouhoudhoir est un des neveux de la « Grande dame » Zéna Mdéré. De sa tante, il garde le souvenir « d’une personne complète, qui ne cachait pas ses pensées, elle pensait ce qu’elle disait et disait ce qu’elle pensait. Elle n’avait pas de retenue lorsqu’il fallait dire la vérité ! ». À ses yeux, la patronne des Chatouilleuses, le mouvement historique des partisanes de Mayotte française, n’était pas dans l’hypocrisie caractéristique du monde politique, car elle n’avait pas goûté à cette manière de faire de la politique. De la vie personnelle de celle décédée il y a 25 ans, le neveu garde l’image d’une personne humble, digne, qui ne s’apprêtait pas facilement au jeu. « La seule fois où nous l’avons vue sous un regard différent, c’est lorsqu’elle a décidé de faire de la politique et d’affronter la colère du président du gouvernement du territoire d’outre-mer des Comores, Saïd Mohamed Cheikh (N.D.L.R. de 1962 à 1970). C’est aussi quand elle a refusé les cadeaux qui lui était offert en échange de Mayotte, des cadeaux qu’elle a toujours su refuser. »
Son neveu se souvient de l’époque où sa tante habitait le quartier Bandar Abasse (résidence actuelle de l’une de ses sœurs), du jour où elle a reçu la visite de plusieurs émissaires du pouvoir comorien avec de grosses mallettes d’argent. Ce jour-là, elle aurait dit à ses proches que ce n’étaient que des vulgaires feuilles de papier sans grande importance à ses yeux. « Je vais vous dire une chose, mes enfants, Mayotte restera Mayotte, une terre sans valeur mercantile. Il faut vous mettre cela dans la tête car le jour où nous commencerons à penser argent, nous validerons la chute de notre pays », cite Saïd Mouhoudhoir. Un autre fait marquant de son parcours politique est ce fameux jour où elle a exigé de la France, si jamais l’envie lui prenait de se retirer, qu’elle laisse Mayotte dans l’état où elle l’a trouvé en 1841, c’est-à-dire, libre et hors du « joug » comorien.
« Une grand-mère pour l’ensemble de l’île »
Zakia Meresse est la fille de Zaïna Meresse (principale lieutenant de Zéna Mdéré) dans son combat politique et sa quête de Mayotte département français d’outre-mer. Bien qu’encore assez jeune (avant de partir s’installer dans l’Hexagone), elle garde de la leader du commando des Chatouilleuses l’image d’une « grand-mère, pour sa propre famille, mais également pour l’ensemble de l’île ». Celle-ci se demande ce qu’aurait été la destinée de Mayotte sans l’engagement politique de Zéna Mdéré et de ses camarades. « Grâce à Dieu, les sacrifices auxquels elles ont consenti ont été déterminants pour l’avenir de générations de Mahorais qui ont suivi après. » Souvenirs indélébiles pour Zakia, les arrivées de Zéna (et de sa cohorte de Chatouilleuses) chez sa mère. « Elle me demandait toujours de préparer un repas avant qu’elles n’arrivent. Et si elle était affairée à quelque chose, elle me demandait d’en prendre le relais dès qu’elles les voyaient arriver afin qu’elle puisse s’entretenir avec sa présidente et Bouéni Mtiti qui l’accompagnait toujours. Je m’exécutais évidemment car dans le code mahorais de bienséance à cette époque, un enfant n’avait pas à se mêler des discussions des adultes. » Elle l’assure, la figure emblématique de Mayotte française restera toujours dans sa mémoire « une grand-mère merveilleuse, une grand-mère aimante pour tous les Mahorais. Qu’elle dorme en paix et prie pour notre salut à tous et à toutes ». Malgré les journées de travail préparatoires à l’événement de dimanche, la fille de Zaïna Meresse fait part de sa joie immense d’avoir pu y participer physiquement.
Au secours de Mayotte
Echati Saidina Assane, dite « Ma Mouhamad Soulé », est l’une de ces personnes qui ont pu souvent approcher Zéna Mdéré bien qu’étant encore jeune. Résidente de Mamoudzou, elle est originaire de Bandrélé qu’elle présente fièrement comme étant l’autre village de la défenseuse de Mayotte Française après Pamandzi son lieu de résidence. « J’ai bien connu bouéni Zéna que nous considérons comme la mère et la grand-mère de tous les Mahorais. » Elle garde le souvenir de multiples rencontres avec celle que Mayotte célèbre en ce dimanche, tant il lui est difficile de savoir lequel relater en premier. « Je me dois avant tout de remercier Dieu pour l’avoir envoyé secourir Mayotte et ses habitants qui ont tant souffert de la mainmise des dirigeants comoriens de l’époque pré-indépendance. Quoi de mieux pour une personne décédée que d’avoir laissé derrière elle un nom illustre honoré par toute la population et toutes les générations ? Elle n’a pas eu la chance d’enfanter mais elle a été une mère comblée, avec la joie d’être la mère de milliers de Mahoraises et de Mahorais », tient à rappeler Echati Saïdina Assane. Selon elle, la bonté et la générosité sans limite de Zéna Mdéré est à prioriser dans ses actes à transmettre aux futures générations. « Je me souviendrai toujours que lorsqu’il lui a été proposé d’aller habiter le quartier à construire des décasés à Pamandzi, elle s’est d’abord préoccupée de savoir s’il contiendrait des écoles pour éduquer les enfants, un collège, un lycée et une mosquée pour la population avant de donner son accord. Quelle merveilleuse mère et grand-mère pour les enfants de cette île. Que Dieu lui accorde un bon repos éternel avec toutes ses camarades de lutte », conclut-elle.
Aboubacar Abdallah Djaha a lui aussi bien connu Zéna Mdéré. Et pour cause, il est un parent proche de feu Bouéni Mtiti, inconditionnelle adjointe de la présidente du mouvement des femmes mahoraise. Élève à l’école coranique de Moitsoumou Henry (voisine du domicile de Bouéni Mtiti à Labattoir), il ne perdait aucune occasion de venir écouter les enseignements de la Chatouilleuse en direction de ses fidèles chatouilleuses et de la jeunesse. « Bouéni Zéna est notre maman à tous parmi nos mères biologiques individuelles. Lorsqu’elle convoquait Mayotte toute entière au domicile de Bouéni Mtiti, notre maîtresse coranique nous demandait d’aller puiser l’eau dans un puits voisin et remplir quantité de récipients afin que les visiteurs n’en manquent pas », raconte-t-il. « Elle passait beaucoup de temps chez son adjoint, des journées entières, parfois des semaines. Il est plusieurs fois arrivé que les autorités viennent procéder à leur arrestation en ce lieu. Parfois elles étaient relâchées rapidement, parfois plusieurs jours plus tard », se souvient Aboubacar Abdallah Djaha.
Journaliste politique & économique